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Metsu, Ter Borch, Hals : l’éloge du quotidien
Revue de livre:
ELOGE DU QUOTIDIEN
Essai sur la peinture hollandaise du XVIIe siècle
Par Tzvetan Todorov
Editions Adam Bire, 1993.
Supposons un instant que, comme moi, vous êtes lassés de tous ces historiens d’art avides de nous montrer leur histoire et non celle de l’art. Au nom de grandes généralités, ils finissent toujours sans faute, par tuer le beau, le particulier et le créatif de la création.
Comme moi, vous évitez donc soigneusement les œuvres de compilation et vous vous délectes la plupart du temps avec des monographies amplement illustrées pour qu’au moins les images puissent vous consoler de la déception de la prose.
Comme à moi, ce livre vous montrera que vous avez tort. Grâce à une iconographie de qualité exceptionnelle, l’auteur nous surprend par son sérieux et son humilité.
A travers les œuvres de Frans Hals, Rembrandt, Gérard Dou, Johannes Vermeer, Pieter de Hooch, Jan Steen, Gabriel Metsu, Gerard Ter Borch et d’autres, il nous fait découvrir et estimer ce qu’on a baptisé « la peinture du genre » du XVIIe siècle hollandais.
Derrière cette étiquette on s’attend d’habitude à des natures mortes composées d’objets symbolisant la gloire de la marine et de l’empire hollandais, ou à une scène de bordel où le voyeurisme a pris le dessus de la morale.
Transcendance
Ici, il n’en est rien. Il en est un peu, mais l’auteur nous montre qu’il y a bien autre chose. Ce qu’il identifie d’ailleurs très justement comme l’apport philosophique d’Erasme, mais qui remonte en réalité à Nicolas de Cues et à Van Eyck, c’est la révélation (du divin et du métaphysique) dans un instant particulier du quotidien, exprimée à travers l’image.
Il y a aussi une conviction, écrit-il, bien dans la tradition érasmienne, selon laquelle la pitié peut se vivre dans les circonstances normales du quotidien, et n’a pas besoin de partir d’un refus de la vie commune, tel que le pratiquent les moines ou les ascètes. Dieu est partout, dit Erasme, et non seulement dans les monastères.
Prenons comme exemple « La sainte famille » de Rembrandt qui s’appelle également « Le ménage du menuisier ».
Selon l’interprétation qu’on peut en faire, il s’agit soit d’une scène religieuse avec accentuation du caractère humain du Christ (Le fils de Dieu devenu homme), soit d’une « peinture du genre » faisant l’éloge du quotidien révélant un transcendant quasi-religieux.
Certes, il est intéressant de faire l’éloge ou le blâme des actes et évènements de la vie quotidienne, quand ceux-ci s’y prêtent.
Et dans la peinture hollandaise du XVIIe siècle, on est bien loin de la fascination morbide ou nihiliste des hyper-réalistes de nos jours.
Bien sûr, les tableaux ne réussissent pas chaque fois, car la tentation du banal reste un risque.
Mais comment ne pas être ému par cette « femme malade » de Metsu ou ce « portrait d’enfant riant » de Hals ! Il y a quand même là un trésor de poésie et de pensées métaphoriques rarement dévoilées d’une façon aussi claire.