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La défense du patrimoine culturel de l’humanité, clé d’une paix mondiale

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Avant de parler du patrimoine culturel mondial, quelques mots sur les notions de « sympathie », d’« empathie » et de « compassion », trois mots construits à partir du mot pathos, qui signifie en grec « souffrance » ou « affection ».

Aujourd’hui, on emploie souvent « empathie » à la place de « sympathie » et de « compassion », mais il ne s’agit pas vraiment de la même chose, bien que tous trois renvoient à une réponse bienveillante à la détresse d’autrui (pathos).

  • La sympathie est un sentiment de préoccupation sincère et de partage des sentiments de quelqu’un qui vit un épisode difficile ou douloureux.
  • Le terme empathie a été inventé au début du XXe siècle pour traduire l’allemand Einfühlung, qui signifiere sentir avec les gens, et pas seulement pour eux. Lorsque vous faites preuve d’empathie à l’égard d’autrui, vous ressentez ce qu’il ressent car vous vous mettez, en quelque sorte, « à la place de l’autre ».
  • La compassion va au-delà de l’empathie et se traduit par une action. Elle va de pair avec l’altruisme, ou « le désir d’agir en faveur de l’autre ». En d’autres termes, on se sent concerné par sa souffrance et poussé à y remédier.

L’empathie est particulièrement importante pour notre sujet, à savoir comment construire la paix et une culture de paix, car elle permet de jeter un pont entre des personnes qui se considèrent mutuellement comme des ennemis. On peut faire preuve d’empathie à l’égard de quelqu’un que l’on ne considère pas du tout comme sympathique. Sans partager ses sentiments, nous nous engageons néanmoins dans ce que l’on appelle l’« empathie cognitive » : nous en savons suffisamment sur le passé et la culture de l’autre pour comprendre ses motivations. En conséquence, l’empathie peut nous aider à pardonner, comme le stipulait le traité de Westphalie qui mit fin à la Guerre de Trente ans en 1648.

Aujourd’hui, si nous voulons faire de la paix une réalité, nous devons nous mobiliser pour promouvoir et élever le niveau d’empathie parmi nos concitoyens.

L’empathie fait l’objet d’attaques massives :

  • par la promotion de la notion de compétition brutale (c’est pourquoi le sport professionnel est promue au détriment du sport amateur) ;
  • par les écrans qui promeuvent la recherche du plaisir immédiat et la violence gratuite ;
  • par l’effondrement du dialogue de personne à personne.

Après les terribles guerres entre la France et l’Allemagne, une campagne a été menée pour accroître l’empathie en Europe, avec l’ouverture de l’Institut Goethe en France et de l’Alliance française en Allemagne. On a également organisé un mouvement de jumelage entre villes, permettant aux habitants de visiter leur commune « sœur » dans l’autre pays. Ils discutaient, fraternisaient, riaient de leurs préjugés et faisaient la fête ensemble, ils cultivaient un dialogue interpersonnel et apprenaient à lire sur les visages les émotions cachées derrière les mots.

Or, la connaissance que l’on peut acquérir de la culture, de la langue et de l’histoire de l’autre est bien sûr un outil fondamental pour développer cette « empathie cognitive » qui permet de voir les personnes comme issus d’une histoire, d’une culture et d’une civilisation, plutôt que comme de petites entités atomisées.

C’est ainsi qu’après avoir découvert la philosophie du mutazilisme des Abbassides de Bagdad, toute ma vision de l’Islam a changé. J’ai appris ce qui était arrivé à leur civilisation, leurs frustrations et leurs espoirs.

Aujourd’hui, la Chine est fortement impliquée et mobilisée pour protéger notamment le patrimoine culturel pré-islamique de l’Afghanistan et d’autres pays d’Asie centrale, qu’elle considère comme dans son propre intérêt. Un éminent archéologue chinois m’a déclaré à juste titre que la beauté et le défi intellectuel de cet art étaient « le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme » — non pas les armes et les drones, mais la culture !

C’est en Afghanistan que se sont rencontrés les acteurs de la Route de la soie, lorsque la culture grecque faisait route vers l’Est et la culture chinoise vers l’Ouest.

Les bouddhistes qui ont prospéré dans cette région furent très actifs sur les Routes de la soie maritimes et terrestres, atteignant le Pakistan, l’Inde, le Sri Lanka, le Xinjiang et la Chine. Ils accordaient une grande attention à la métallurgie, l’architecture, la peinture, la sculpture, la poésie et la littérature. Le plus ancien livre imprimé connu est un texte bouddhiste datant de 868 après JC.

Bodhisattva de la compassion infinie, 1250, dynastie Song.

A cela s’ajoute l’apparition d’une forme très agapique du bouddhisme Mahayana dans la région du Gandhara (aujourd’hui situé principalement au Pakistan et en Afghanistan). Ses adeptes, au lieu de poursuivre un but purement personnel de nirvana (illumination), se réjouissaient avant tout de libérer l’humanité entière de la souffrance.

Dans l’art du Gandhara, l’empathie, la compassion et la miséricorde étaient les qualités suprêmes à glorifier, en particulier pour les « Bodhisattvas », ces individus ayant fait le vœu d’atteindre l’état d’éveil, ou illumination, mais préférant retarder leur propre « libération » et soulager d’abord la souffrance des autres pour les aider à l’atteindre à leur tour.

Bodhisattva pensant, Hadda, Gandhara, Afghanistan.

Celui qui comprit comment cette forme révolutionnaire de bouddhisme pouvait pacifier la région fut le Premier ministre indien Nehru, qui nomma sa fille Indira (la future Première ministre Indira Gandhi) « Priyadarshini », le nom adopté par l’empereur Ashoka le Grand (304-232 av. J.-C.) après sa conversion, faisant de lui un prince bouddhiste de la paix.

En 1956, juste avant la création du mouvement des non-alignés et la conférence de Bandung, Nehru orchestra toute une année de célébration honorant « 2500 ans de bouddhisme », non pas pour ressusciter une croyance ancienne en tant que telle, mais pour revendiquer pour l’Inde le statut de berceau du bouddhisme : une religion-philosophie prônant la non-violence et la paix, tout en appelant à mettre fin au honteux système de castes que les Britanniques avaient encouragé et cherché à maintenir dans le monde entier.

Mes Aynak

Aujourd’hui, l’Institut Schiller, avec le Centre de recherche et de développement Ibn Sina à Kaboul, travaille sans relâche pour sauver le site archéologique de Mes Aynak, que nous souhaitons inscrire sur la liste de l’UNESCO comme patrimoine mondial à préserver.

La mine de Mes Aynak est le deuxième gisement mondial de cuivre, et l’Afghanistan a grand besoin des revenus de cette activité minière pour mener à bien sa reconstruction urgente.

Or, au-dessus de ce site se trouvent les ruines d’un vaste complexe monastique bouddhiste, qui fut un comptoir commercial clé de la Route de la soie entre le Ier et le VIIIe siècle.

Grâce à notre campagne, et à l’issue d’intenses discussions entre le gouvernement afghan, la Chine et la compagnie minière chinoise, un accord fut trouvé pour préserver l’intégrité du patrimoine culturel situé en surface, en ne recourant qu’à des techniques souterraines pour l’exploitation minière.

Nous avons gagné une bataille, il nous reste maintenant à gagner la paix.

PS: N’hésitez pas à me contacter si vous désirer prendre part à ce combat.

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Bagdad, Damas, Cordoue : creuset d’une civilisation universelle

  Sommaire  

La statue d’al-Mansur, fondateur de Bagdad, détruite par une bombe en 2005.

Avant-propos

Avec les attaques terroristes à répétition, les nouvelles « guerres de religion » et les caricatures provocantes ornant la presse du monde « libre », l’image du monde arabo-musulman, donc d’une partie des Français, se trouve gravement entachée.

Pour éviter les amalgames, malentendus et confusions, il est urgent de rappeler la dette de l’humanité envers 400 ans de Renaissance islamique, celle qui, de Cordoue à Bagdad en passant par Damas et Le Caire, sous le règne des Abbassides, a décoré la couronne de la sagesse humaine avec ses perles de savoir et de beauté. (*)

Les Abbassides

C’est en 750 que la dynastie des Abbassides prend le pouvoir au détriment des Omeyyades de Damas. D’après les historiens, Abu Jafar al-Mansur (714-775), deuxième calife abbasside, se leva un matin de 762 – à l’endroit où il fera ériger Bagdad –, et dit :

Voici un site idéal : d’un côté le Tigre, qui nous permet de recevoir des marchandises de Chine et d’Inde mais aussi d’Anatolie, d’Arménie et des alentours ; de l’autre, l’Euphrate, par lequel nous recevons des biens de Syrie, de l’Est méditerranéen et des environs.

En quatre ans, 100 000 ouvriers construiront la nouvelle capitale du califat, Bagdad (Madinat as-Salam ou « Cité de la paix »), une ville cosmopolite et haute en couleurs. Son nom figurait déjà deux siècles avant dans le Talmud.

Le Bagdad des Abbassides est une cité circulaire d’un diamètre d’environ deux kilomètres. Sa muraille, protégée par un fossé de vingt mètres de large et d’une double enceinte, possède quatre portes : la porte de Syrie au nord-ouest (vers la Méditerranée), la porte de Bassora au sud-ouest (vers le golfe Persique, l’Inde et la Chine), la porte de Koufa au sud-est et celle de Khorasan au nord-est (vers l’Iran et le nord de l’Europe).

C’est là qu’un islam progressiste et ouvert au monde verra le jour. Pour al-Mansur, la mission est claire : aller chercher la connaissance partout et jusqu’en Chine s’il le faut, comme le Coran l’ordonne à tout musulman et encore plus à ses dirigeants !

La médecine

Dès 770, le calife, atteint d’une maladie grave, fait venir de Perse un médecin chrétien du nom de Georges Bakht-Yashua. Lorsque ce dernier, à la demande du souverain, s’installe avec femme et enfants à Bagdad pour y construire des hôpitaux et former des médecins, les sciences médicales prennent leur envol, à Bagdad, à Damas et dans tout l’Empire abbasside. Des auteurs grecs comme Ptolémée et Euclide, mais surtout Galien et Hippocrate, sont alors traduits en arabe.

Sous al-Mansur, puis sous son fils Muhammad al-Mahdi (746-785) et surtout son petit-fils Haroun al-Rachid (763-809) (surnommé le « calife des Mille et une nuits »), théologie, droit, poésie, astronomie, géométrie, médecine, histoire et architecture fleuriront comme jamais à Bagdad. Ville étape de la Route de la soie, la cité abbasside offre, avec Damas, un rayonnement culturel et scientifique qui transformera ces voies commerciales en vastes corridors de développement, irriguant le continent de leurs lumières.

Haroun al-Rachid

Le calife abbasside Haroun al-Rachid (à droite), partenaire stratégique de Charlemagne. (Crédit : Une miniature persane).

Le calife abbasside Haroun al-Rachid (à droite), partenaire stratégique de Charlemagne. Crédit : Une miniature persane.

Le calife abbasside Haroun al-Rachid nouera quant à lui un « partenariat stratégique » avec Charlemagne, lui aussi un véritable chef d’Etat, déterminé à bâtir des écoles et des canaux en Europe pour ouvrir le monde des esprits et du commerce.

Très tôt, en 650, un compagnon de Mahommet se rend en Chine et obtient de l’Empereur Tang l’ouverture d’une première mosquée à Huaisheng, car ce dernier juge l’islam « compatible avec les enseignements de Confucius ».

C’est sous le règne d’Haroun al-Rachid que Bagdad va devenir la cité la plus remarquable de l’univers. Alors que ses poètes chantent le vin et l’amour, ses théologiens et ses savants élaborent une culture de premier plan. Sa population, en trois ou quatre générations, s’élève à deux millions d’habitants, ce qui en fait la plus grande métropole de l’époque.

Elle offre alors l’exemple d’une civilisation raffinée, dont le livre des Mille et une Nuits nous conservent le souvenir, en nous contant les aventures de tous les peuples œuvrant le long de la Route de la soie. Ainsi Aladin est un Chinois et Sinbad un Indien !

Sur le plan commercial, Bagdad adopte les techniques persanes. Les lettres de change sécurisent les transports et un chèque émis au Caire est encaissable aussi bien à Bagdad qu’à Cordoue, à 4000 km de là.

En 2011, des pièces d’argent frappées par Bagdad au IXe siècle ont été retrouvées en Scandinavie, où les commerçants abbassides venaient acheter de l’ambre pour leurs bijoux !

La Maison de la sagesse

Détail d’une miniature du XVIe siècle montrant des astronomes arabes de l’Observatoire de Galata, fondé par le sultan Soliman.
(Crédit : Bibliothèque de l’université d’Istanbul, Turquie).

Détail d’une miniature du XVIe siècle montrant des astronomes arabes de l’Observatoire de Galata, fondé par le sultan Soliman. Crédit : Bibliothèque de l’université d’Istanbul (Turquie).

Ensuite, c’est sous le calife Abu al-Abas al-Mamoun (786-803) (Celui en qui on a confiance), fils d’Haroun, que l’Etat islamique atteint l’apogée de son épanouissement culturel. Car il est d’une immense culture : il fonde en 833 à Bagdad la « Maison de la sagesse » (bayt al-hikma), qui, construite au cœur de la cité circulaire, est à la fois une bibliothèque, un observatoire astronomique et un centre universitaire pluridisciplinaire.

On y traduit des manuscrits grecs en arabe, en pehlvi (alphabet perso-arabe), en persan et en syriaque. Des jeunes savants accourent alors du monde entier, facilitant l’introduction de la science perse, grecque et indienne dans le monde arabo-musulman.

Ils ne doivent pas seulement traduire mais surtout comprendre, enseigner et ré-expérimenter le savoir et les connaissances qu’ils ont la charge de transmettre.

Astronomes, mathématiciens, penseurs, lettrés, traducteurs, fréquentent la Maison de la sagesse. Parmi eux l’inventeur de l’algèbre, al-Kwarizmi (d’où le nom d’algorithme), Al-Jahiz, al-Kindi, Al-Hajjaj ibn Yusuf ibn Matar et Thabit ibn Qurra.

Ils introduisent le zéro, un concept d’origine indienne, calculent la durée de l’année solaire, définissent le zénith et adoptent des Hindous les chiffres de 1 à 9, qu’on appelle aujourd’hui « arabes ».

En étudiant l’anatomie humaine et les auteurs grecs, ils font progresser la science de l’optique et produisent des lentilles convexes et concaves. (**)

Le papier vecteur de progrès

C’est à Samarkand, ville mythique sur la Route de la soie que papetiers chinois et arabes ont développé au VIIIe siècle la production industrielle du papier.

C’est à Samarkand, ville mythique sur la Route de la soie que papetiers chinois et arabes ont développé au VIIIe siècle la production industrielle du papier.

La production de papier, mise au point en Chine plusieurs siècles avant l’imprimerie, se développe d’abord à Boukhara et à Samarkand avant de connaître un développement fulgurant à Bagdad, Damas et Cordoue sans oublier Le Caire.

La constitution d’archives permet d’organiser un État centralisé à la tête d’une administration efficace. Le support papier, bien moins coûteux que le parchemin, accélère la transmission des savoirs et des religions.

Très tôt, on y imprime le Coran mais aussi le Timée de Platon, les Eléments d’Euclide et aussi des auteurs indiens et perses comme Avicenne (Ibn-Sina), dont le Canon de la Médecine guidera les médecins durant des siècles, y compris en Occident.

Alors que la plus grande bibliothèque d’Europe, celle de Paris, dénombre environ 3000 manuscrits, celle de Cordoue en Espagne, sous le calife Al-Hakem II (règne de 961 à 976), en comptait 400 000 !

Les livres n’y sont pas enfermés dans un monastère mais accessibles à tous, aussi bien aux musulmans qu’aux juifs et aux chrétiens.

Renaissance

Un moulin-navire utilisé sur le Tigre au Xe siècle. En immobilisant le bateau grâce à des câbles attachés aux deux rives, l’eau coulant sous le bateau actionne des roues à aubes faisant tourner le moulin.

Cette politique d’éducation de masse entraîne une véritable renaissance. Un artisanat prospère se développe dans tout l’empire abbasside, mais aussi à Cordoue et au Maroc, dont le souvenir subsiste à travers les mots : cordonnier vient de Cordoue, mousseline de Mossoul, produits damasquinés (orfèvrerie à la feuille d’or) de Damas, maroquinerie de Maroc, etc.

Les arabes améliorent les anciens systèmes d’irrigation autour de la Méditerranée. Comme Charlemagne en Europe, à Bagdad, les disciples de la Maison de la sagesse construisent des canaux de jonction permettant d’aménager les grands fleuves pour la navigation et l’agriculture.

Grâce à la Route de la soie, à travers ses liens avec la Perse, l’Extrême-Orient et l’Asie du Sud, le monde arabo-musulman introduit en Occident de nouvelles cultures : riz, haricot, chanvre, canne à sucre, mûrier, abricotier, asperge, artichaut, etc.

La chute

Certes, Bagdad fut déjà ravagée une première fois au XIIIe siècle par les hordes mongoles (guidées d’ailleurs par la main de Venise).

Mais aujourd’hui, attaquée aussi bien de l’intérieur par des mouvances terroristes alimentées par les « alliés » de l’Occident (Arabie saoudite, Turquie, pétromonarchies du Golfe), que par les invasions militaires anglo-américaines sans lendemain (en Irak, en Libye et aujourd’hui en Syrie), la grande culture et la civilisation arabo-musulmane sont menacées de mort.

Que cet article puisse contribuer à mettre fin à cet enfer du choc des civilisations que l’on tente de nous imposer !


NOTES:

*Cet article a été inspiré et nourri par plusieurs articles historiques de notre ami Hussein Askary, parus dans la revue Executive Intelligence Review (EIR).

**Plus tard, Léonard de Vinci, en lisant les Commentaires de Ghiberti, accède aux travaux d’optique d’Ibn al-Haytam étudiés avant lui par les peintres flamands et les théologiens d’Oxford.

https://www.youtube.com/watch?v=zsl5XFloUDY
Histoire de Bagdad

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