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Quinten Matsys en Da Vinci – Dageraad van gul gelach en creativiteit

DEZE TEKST
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Inhoud
Inleiding
A. Culturele en filosofische kwesties van een context
- Cynische grappen of Socratische dialogen?
- Wat is « Christelijk humanisme?«
- Petrarca en de “Triomf van de Dood«
- Het tijdperk van de gulle lach
- Sebastian Brant, Jheronimus Bosch en Het Narrenschip
B. Quinten Matsys
- Biografische elementen
- Van smid tot schilder
- Hertogdom Brabant
- Opleiding: Bouts, Memling en/of Van der Goes?
- Debuten in Antwerpen en in het buitenland
C. Enkele werken, analyse en interpretaties
- De Maagd en het Kind, Gratie Gods en Vrije Wilskeuze
- Het altaarstuk van Sint Anna
- Een nieuw perspectief
- Samenwerking met Joachim Patinir en Albrecht Dürer
- In de ban van Erasmus
- Utopia en Thomas More
- Pieter Gillis en het « Tweeluik der vriendschap«
- De « Da Vinci-connection » (I)
D. Erasmiaanse kunst van het groteske
- In religieuze schilderijen
- Bankiers, tollenaars en woekeraars
- De da Vinci-connection (II)
- De kunst van het groteske per se
- De metafoor van de « Het ongepast koppel«
- Matsys,Da Vinci, wie schilderde de « De groteske oude vrouw »?
- Hans Liefrinck en Hieronymus Cock
E. Conclusie
Bibliografie
Begin 16e eeuw vestigde Quentin Matsys (1466-1530)1 zich als een vooraanstaand schilder in Antwerpen. Hij werkte er meer dan 20 jaar. Via het werk van Matsys beïnvloedde Erasmus een hele generatie kunstenaars. Bidden en lachen waren de twee kanten van dezelfde munt, die van de « Filosofie van Christus. » Matsys schilderde diepreligieuze drieluiken, verbazingwekkend gedetailleerde portretten en enkele van de meest hilarische satirische werken uit de geschiedenis van de schilderkunst.
Matsys blijft een grote naam, maar zijn werk is bijna vergeten. Om deze grote kunstenaar recht te doen, zullen we hier zijn enthousiasme en zijn Erasmiaanse geest doorlichten. Ook bespreken we enkele van zijn meest originele artistieke bijdragen.

In 1550 was Antwerpen2 met bijna 100.000 inwoners de grootste stad van het Westen. In het Oosten, had Istanboel er al 200.000 in 1500…
Antwerpen was een belangrijke havenstad en het kloppend hart van een bloeiende internationale handel die op het einde van de 15de eeuw het oude Brugge3 van de Medici overtrof. Antwerpen was een trekpleister voor talenten uit vele streken en landen.4
Het was in die economische en culturele smeltkroes dat Quinten Matsys meerdere van de briljantste christelijke humanisten van zijn tijd kon ontmoeten, of het nu ging om geleerden en vredesactivisten als Erasmus van Rotterdam5, Thomas More6 en Pieter Gillis7, innovatieve drukkers als Dirk Martens8 van Aalst, hervormers als Gerard Geldenhouwer9 en Cornelius Grapheus10, Vlaamse kunstschilders als Gerard David11 en Joachim Patinir12 of buitenlandse schilder-graveurs en boekverluchters als Albrecht Dürer13, Lucas van Leyden14 en Hans Holbein de Jongere15. Antwerpen was the place to be!
Boeken over Quinten Matsys en zijn milieu zijn vandaag moeilijk te vinden en meestal duur. De grote internationale uitgeversbedrijven, om tot zover onbekende redenen, schijnen hem tot eeuwige vergetelheid te hebben veroordeeld. Soms verschijnt zijn naam, maar slechts sporadisch en in de marge en dan nog alleen wanneer er sprake is van het « manierisme » van de « Antwerpse School »16
Erger nog, er wordt niet naar zijn werken verwezen en zijn naam wordt slechts twee keer vermeld in L’art flamand et hollandais, le siècles des primitifs (1380-1520), een referentie naslagwerk over deze periode.17
Het goede nieuws is dat het Interdisciplinair Centrum voor Kunst en Wetenschap in Gent,18 België, sinds 2007 sleutelt aan een nieuwe « Catalogue raisonné » van zijn werk. Maar dat is nog even wachten.
De laatste uitgave van het volledig werk, verzorgd door de Amerikaanse kunsthistoricus Larry Silver, dateert van 198419 en wordt vandaag voor een exorbitante prijs ($750) op Amazon aan de man gebracht.
Er bestaat nog de mooie, zeldzame monografie van Andrée de Bosque20, waarvan helaas de meeste afbeeldingen in zwart-wit zijn. Als troostprijs hebben de lezers nog het proefschrift21 van Harald Brising uit 1908, herdrukt in 2019.
Om Quinten Matsys te eren en recht te doen, zullen we hier proberen een aantal vragen te beantwoorden die tot nu toe onbeantwoord zijn.
In hoeverre was het werk van Erasmus een directe inspiratiebron voor Matsys, Patinir en hun omgeving? Wat weten we over de uitwisselingen tussen deze kring in Antwerpen en vooraanstaande renaissancekunstenaars als Leonardo da Vinci en Albrecht Dürer? Welke invloed had de Erasmiaanse kunstenaar op zijn buitenlandse correspondenten?
Dit onderwerp roept meteen vragen op, aangezien Erasmus niet echt een liefhebber was van de « religieuze schilderkunst » van zijn eeuw. Hij gaf de voorkeur aan daadwerkelijke inzet en handelingen voor het algemeen belang, boven passieve bewondering en onderwerping aan religieuze rituelen en heiligenbeeldjes.
Zoals de Belgische kunstcriticus Georges Marlier (1898-1968)22 in zijn goed gedocumenteerde boek opmerkt, was Erasmus geen amateur van kerkpropaganda, maar als een werk een authentiek gevoel van geloof, liefde en tederheid opriep, bracht hij daar eerbied voor op. Voor onze humanist was de innerlijke strijd van de mens veel belangrijker, gezien
« de ware navolging van Christus en zijn lijden bestaat in het uitdoven van de impulsen die tegenstrijdig zijn met de red, en niet in het bewenen van Christus als een zielig object. »23

Dankzij eerder onderzoek naar de Italiaanse Renaissance, het levenswerk van Erasmus24 en de kunst van Dürer25 hebben we ons verdiept in de tijd van Matsys. We kunnen daar niet uitgebreid op terugkomen, maar het biedt ons wel een basis om de buitengewone waarde van deze kunstenaar te begrijpen.
A. Culturele en filosofische kwesties van een context
1. Cynische grappen of Socratische dialogen?

Voor de huidige « trash » cultuur, gebaseerd op emotionele effecten in een soort gevangenis van grenzeloos pessimisme, is het erg moeilijk om de culturele verfijndheid van een Matsys ten volle te waarderen.
Wat ontbreekt is de morele en intellectuele integriteit die nodig is om de grappen,26 ironie en metaforen27 te begrijpen die de essentie vormden van het culturele leven in de Lage Landen van zijn tijd.28
Veel mensen zien de wereld niet zoals hij is. Wel geven ze uitgebreid commentaar over de kleur van hun bril. Beknot door hun culturele vooroordelen, wanneer ze naar een geschilderd aangezicht kijken, zien ze niet de intentie, het ironisch knipoog of het idee dat de kunstenaar wil overbrengen. Een echte kunstenaar, schildert niet op doek of paneel, maar roept een beeld op in de geest van de toeschouwer. Moderne toeschouwers vluchten snel het hogere domein van de metafoor. Ze klampen zich vast aan de veelvuldige details wiens symbolische interpretaties ze aan elkaar rijgen, in de hoop dat dit snoer de betekenis zal leveren voor het werk.
Wanneer ze een « grotesk » gezicht zien, houden ze vast aan het idee dat het over een portret gaat van een bepaalde persoon die echt heeft bestaan, in plaats van hardop te lachen! Omdat zij deze « onzichtbare » dimensie niet willen zien en het beeld « letterlijk » opvatten, zijn voor hen de « grotesken » van Erasmus, Matsys en Da Vinci slechts « cynische grappen » die getuigen van sluiks misprijzen en een sterk « gebrek van verdraagzaamheid » jegens « lelijke », « zieke », « abnormale », of gewoon « andere », mensen!
Laten we het hier luid en duidelijk herhalen: Erasmus en zijn drie belangrijkste geestelijke volgelingen, François Rabelais,29Miguel de Cervantes30 en William Shakespeare31, zijn de incarnaties, hoewel zelden erkend, van het « Christelijk humanisme » en de gulle lach (good laughter), een machtig politiek wapen en een instrument dat het mogelijk maakt « alle leden van het menselijk genre tot de waardigheid van het menszijn te verheffen », zoals de Franse generaal, medeoprichter van de Ecole Polytechnique, Lazare Carnot, dat formuleerde.
2. Wat is « Christelijk humanisme »?
De kern van Erasmus’ onderwijs en politiek programma was het bevorderen van docta pietas, geleerde vroomheid, of wat hij de « Filosofie van Christus » noemde.32
Deze filosofie kan worden samengevat als een « huwelijk » tussen de humanistische principes samengevat in Plato‘s Republiek33 en het agape-mensbeeld34 van het Evangelie en de geschriften van eerste kerkvaders zoals Hiëronymus35 en Augustinus36, die Plato en Socrates beschouwden als een van hun onvolmaakte voorlopers.
Het christelijk humanisme was een breuk met het zich onderwerpen aan een ‘blind’ en feodaal geloof, dat de redding van de mens, via de onsterfelijkheid van de ziel, uitsluitend zag in een bestaan na de dood.
Voor het christelijk humanisme is het de essentie van de menselijke natuur naar het hoogste goed te streven. « Hell is emptyand all the devils are here » (De Hel is leeg en al de duivels staan hier), schreef William Shakespeare in The Tempest.
De oorsprong van het kwaad is niet de mens op zichzelf of een externe « duivel », maar de ondeugden en morele kwalen die Plato al eeuwen vroeger had geïdentificeerd voordat de christenen ze de « zeven hoofdzonden » (ondeugden) noemden, kwalen die men kan overwinnen en bestrijden dankzij de « zeven hoofddeugden ».37

Ter herinnering, deze hoofdzonden en hun tegengif zijn:
- Superbia(hoogmoed, hovaardigheid, ijdelheid, trots, hubris) tegenover Humilitas(nederigheid);
- Avaritia (hebzucht, gierigheid) tegenover Caritas, Agapè(liefdadigheid);
- Luxuria(onkuisheid, lust, wellust, hoererij) tegenover Castitas(kuisheid);
- Invidia(nijd, jaloezie, afgunst) tegen Humanitas(goedheid);
- Gula(onmatigheid, gulzigheid, vraatzucht) tegenover Temperantia (matigheid);
- Ira(woede, toorn, wraak, gramschap) tegenover Patientia (geduld);
- Acedia(gemakzucht, traagheid, luiheid, vadsigheid, spleen, melancholie) tegenover Diligentia(ijver);
Het is veelzeggend voor onze tijd dat deze “zonden” (ondeugden of kwalen die ons ervan weerhouden het goede te doen), en niet hun tegengestelde deugden, op tragische wijze zijn geprezen als de « basiswaarden” die het goede functioneren van het huidige “neoliberale” financiële systeem en zijn “op regels gebaseerde” wereldorde garanderen!
“Particuliere ondeugden zorgen voor publieke voordelen,” betoogde Bernard Mandeville in 1705 in De Fabel van de bijen. Het is de dynamiek van particuliere belangen die de welvaart van een samenleving stimuleren, meende deze Nederlandse theoreticus die Adam Smith inspireerde en voor wie « moraliteit » alleen maar lusteloosheid uitlokt en de wereld ongelukkig maakt.
Het zijn hebzucht en het voortdurende nastreven van genot, en niet het algemeen belang, die zijn uitgeroepen tot de essentiële drijfveren van de mens, volgens de filosofische school die dominant werd: het Britse empirisme, verkondigd door Locke, Hume, Smith en hun soortgenoten. De zintuigen en niet de menselijke rede is de piloot van het menselijk vliegtuig!
Menselijke basiswaarden, zoals « liefdadigheid », « zorg » (care) en « humanitaire » hulp worden aldus beperkt tot vaak kortstondige activiteiten. Niet van de overheid, maar van liefdadigheidsinstellingen. Voor de oligarchie blijven ze instrumenten om het juk van het criminele systeem wat draagbaarder te maken voor het te onderwerpen « menselijk vee. » Meer en meer liefdadigheidsinstellingen zijn in de handen van grote patriciërsfamilies en belangrijke NGO’s. Alhoewel hun werk vaak uiterst nuttig is, blijven zij helaas instrumenten van overheersing, een betreurenswaardige realiteit.
3. Petrarca en de “Triomf van de Dood”

Het ware christendom, net als alle grote humanistische religies, streeft er onvermoeibaar naar om degenen die hun leven in zonde verspillen er toe te brengen deze ondeugden van zich af te schudden. Dat kan door hen te laten zien dat hun gedrag niet alleen tragisch maar totaal lachwaardig is in het licht van de uiterste kortstondigheid van het menselijke fysieke bestaan.



Dürer, in harmonie met dit Renaissance paradigma, maakte het tot het centrale thema van zijn drie beroemde Meisterstiche(meestergravures), die als één geheel moeten worden begrepen: De ridder, de dood en de duivel (1513); Hiëronymus in zijn studeervertrek (1514) en Melencolia I (1514).38
Op elk van deze gravures is een zandloper afgebeeld, een metafoor voor de onstuitbare stroom van de tijd. Door de zandloper (tijd) naast een schedel (dood), een kaars die uitgaat (laatste adem), een verwelkende bloem (de leegte van de passies) enz. te plaatsen, slagen de kunstenaars erin de metafoor van de « ijdelheid » (Vanitas) voor te stellen.39
Erasmus, die het zandloper-schedel beeld tot zijn persoonlijk embleem maakte, voegde er het motto aan toe: Concedi Nulli (Ik wijk voor niets, de dood zal niemand sparen, rijk of arm.) In die zin was het christelijk humanisme in de Renaissance een massabeweging die beoogde mensen te onderwijzen over geestelijke « onsterfelijkheid », tegen zowel religieus bijgeloof als tegen een sluipende terugkeer naar het Grieks-Romeinse heidendom.

Met deze filosofische eis treedt Erasmus hier direct in de voetsporen van Petrarca40 en diens I Trionfi (1351-1374)41, een gedichtencyclus die is opgebouwd uit zes elkaar opvolgende allegorische triomfen. Zo wordt bijvoorbeeld de « Triomf van de Liefde » overtroffen door de « Triomf van de Kuisheid. » Op haar beurt wordt Kuisheid verslagen door de Dood; De dood wordt overwonnen door Roem; Roem wordt veroverd door de Tijd; en zelfs de Tijd wordt uiteindelijk overwonnen door de Eeuwigheid en uiteindelijk door de « Triomf van God » over al deze louter aardse aangelegenheden.
Omdat de dood aan het einde van ons vluchtige fysieke bestaan zal « triomferen », is het in de pre-Renaissance visie de angst voor de dood en de vrees voor God die de mens moet helpen zich te richten op het bijdragen van iets onsterfelijks aan toekomstige generaties. Dat is veel beter dan te verdwalen in het labyrint van aardse genoegens en pijnen dat Jheronimus Bosch (1450-1516)42 met zoveel ironie afbeeldt in zijn Tuin der Wereldse Lusten (1503-1515).43
Leonardo da Vinci, wiens filosofisch-religieuze opvattingen door velen in het Vaticaan als ketters werden beschouwd,44 schreef in zijn aantekeningen dat veel mannen en vrouwen, gezien hun gedrag, het prachtige lichaam dat God hun had gegeven niet eens verdienden:
“Zie, er zijn velen die zichzelf louter spijsverteringsstelsels, mestproducenten en latrinevullers zouden kunnen noemen, want ze hebben geen andere bezigheid in deze wereld; Ze beoefenen geen enkele deugd, er blijft niets van hen over dan volle latrines [toiletten]. »45
4. Het tijdperk van de “gulle lach”

Bij gebrek aan een juiste vertaling voor « having a good laugh » (goede lach), hebben we in de titel van ons artikel het woord « gulle lach » gekozen, dat de nadruk legt op hartelijkheid en natuurlijke goedheid.
Maar volgens woordenboeken spreekt men over « good laughter » wanneer we een situatie, die eerst vervelend en moeilijk bleek, plotseling grappig vinden. Meestal was de oplossing zo eenvoudig, dat we ze niet zagen! We lachen dan eigenlijk met de ironie van de situatie, met onszelf en met onze gebreken. Kortom, een goede lach is de beloning voor een authentiek creatief proces, wanneer de agonie van het uitputten van hypothesen in de zoektocht naar oplossingen, zowel voor wetenschappelijke als persoonlijke problemen, eindigt met een vreugdevol Eureka! De gure storm en de donkere wolken zijn door de creatieve winden weggeblazen en een hel licht toont ons plotseling een wijde horizon en een nieuw perspectief.
Op haar blog Angeles Earth, benadrukt de visuele kunstenares Angeles Nieto de innige verbondenheid tussen humor en creativiteit, twee basis ingrediënten van de Renaissance:
« Humor volgt niet de lineaire, traditionele, gebruikelijke processen; humor stimuleert flexibel denken en creativiteit. De lach, kun je vergelijken als een schakelaar van jouw cognitieve gedachte, zodat je rationele kant op een bepaalde manier wordt verlamd. We lachen meestal als onze hersenen een verkeerd model herkennen, dat niet op zijn plaats is. Humor toont een nieuw standpunt dat de conventionele discussie ontwricht en bespot. De plotselinge mentale veranderingen dat de humor veroorzaakt zijn ook aanwezig in de creativiteit, we spelen met ideeën, op zoek naar verrassende ideeën. Humor is gebouwd op dissociatie, de mogelijkheid dat twee denkbeelden zich kruisen, zodat de tweede de betekenis van de eerste verandert. Creativiteit werkt onder hetzelfde mechanismen als een grap. In beide gevallen gaat het om het verbinden van twee schijnbaar onverbonden ideeën. »

Volgens christelijke humanisten kan men de mens vleugels geven door hem te bevrijden van de ondeugd die hem verlaagt.
Een middel daarvoor is hem een spiegel voor te houden, een proces inherent aan de « socratische dialoog ». Ken uzelf. Als hij de moed heeft zichzelf te zien zoals hij is, zal hij misschien zijn onwetendheid aanvaarden. Dat is een eerste vorm van het soort wijsheid dat CusanusDe docta ignorantia46 of « wetende onwetendheid » noemde.
Via zijn « vrije wilskeuze » kan ieder mens beslissen te handelen (of niet te handelen) in overeenstemming met zijn ware (goede) aard. Een totale toewijding aan het algemeen belang wordt dan een bron van immens plezier, zowel in onze persoonlijke relaties als in onze economische activiteiten. Het is dit doel, namelijk de vorming en de veredeling of verheffing van het persoonlijk karakter, dat de fundamentele doelstelling werd van zowel het christelijk als het republikeins onderwijs. Hoofden vullen met kennis en feiten, is geen doel op zichzelf. Gewetensvolle burgers met eigen kennis en oordeelsvermogen vormen is de echte uitdaging.
Maar door te beweren dat het leven van de mens volledig door God was voorbestemd, ontkende Luther het bestaan van de vrije wilskeuze en maakte hij de mens onverantwoordelijk voor zijn daden.47
Deze opvatting was het tegenovergestelde van die van Erasmus, die de Kerk al lang vóór Luther had opgeroepen een einde te maken aan haar financiële uitbuiting van geloof, zoals de beroemde « aflaten » (indulgentia).48
Christelijke humanisten beogen onze zielen te verheffen tot de hoogste graad van morele en intellectuele schoonheid. Ze trachten ons te bevrijden van onze overdreven gehechtheid aan aards plezier en aardse goederen – niet door doempreken, schuldgevoelens of de erg lucratieve handel van « aflaten », maar… door een bevrijdende lach! Keihard tegen de zonden, maar vol liefde en mededogen voor de zondaar.
Oef, we kunnen ademen! Laten we even een stapje terug doen en, terwijl we serieus bezig zijn met onszelf te verbeteren, en goedhartig lachen om onze onvolkomenheden. God heeft ons het leven gegeven en het is prachtig, zolang we maar weten hoe we het moeten gebruiken!
De Franse humanist, de socialist Jean Jaurès, waarschijnlijk een lezer van Erasmus, zei zelfs:
« De vooruitgang van de mensheid wordt gemeten aan de concessies die de zotheid van de wijzen doet aan de wijsheid van de zotten. »
De gulle lach van sommigen maakt niet alleman blij. Spitsige humor en ironie ondermijnt het onrechtmatig gezag van keizers, pausen, bankiers, hertogen en tirannen. Ironie, satire en humor zijn inderdaad de machtigste politieke wapens ooit bedacht. Vervolging, censuur, intimidatie, terreur en bestraffing moet gedaan maken met humor en ironie.

Het « begin van het einde » van de Spaanse bezetting in de Lage Landen kondigde zich aan toen het Landjuweel49 werd verboden. Al in de 13de en 14de eeuw waren Landjuwelen wedstrijden in de dichtkunst tussen schuttersgilden in het hertogdom Brabant. In de 15de en de 16de eeuw organiseerden de Rederijkers naar dit voorbeeld wedstrijden tussen de kamers.
Elke wedstrijd werd georganiseerd rond een centrale filosofische vraag, een zinne, bijvoorbeeld: « Wat zet de mens het meest tot de kunsten aan? » of « Wat is de beste troost voor een stervende? » De kamers moesten dan met een toneelstuk, een spel van zinne (waarbij de zinne de gestelde vraag is) een antwoord geven.
Andere wedstrijdcategorieën waren de vermakelijke, kluchtige toneelstukken, esbattementen, liederen en het rebusblazoen. Dat was een soort wapenschild met daarop een rebus. De oplossing van die rebus was een spreuk of een leus.


Het landjuweel dat de rederijkerskamer De Violieren in augustus 1561 in Antwerpen organiseerde, werd het beroemdste. Veertien kamers namen deel en trokken bij de intrede in feestelijk kostuum, met muziek en zang, vergezeld van tientallen praalwagens door de stad. De « Hooiwagen » van Bosch, was waarschijnlijk zo een praalwagen geweest. De meeste allegorische toneelstukken die werden opgevoerd waren bijtende satires tegen de paus, monniken, aflaten, pelgrimstochten enzovoort.
Het Landjuweel en de Ommegang waren volksfeesten waar « alles mocht », waar de « kleine man » met satires, vermommingen en spotliederen de verdrukker mocht beschimpen en voor de zot houden en alzo, al was het voor een héél kort moment, het juk van Spanje wat draagbaarder werd.
Zodra ze verschenen, werden deze toneelstukken verboden, en het was niet zonder reden dat het landjuweel van 1561 later werd aangehaald als het eerste dat de literaire wereld ophitste ten gunste van de protestantse reformatie. Omdat deze werken verre van gunstig waren voor het Spaanse regime, beval de hertog van Alba hun afschaffing door de Index van 1571 en later verbood de regering zelfs theatervoorstellingen van retorische genootschappen.
5. Sebastian Brant, Jheronimus Boschen Het Narrenschip


De « Genre-schilderkunst », die aspecten van het dagelijks leven afbeeldt door gewone mensen af te beelden die zich bezighouden met gewone, alledaagse activiteiten, ziet de dag met Quinten Matsys (men zou eerder moeten zeggen met het Erasmiaanse paradigma dat we zojuist hebben geïdentificeerd), benadrukt Larry Silver50, die alzo bevestigt wat Georges Marlier51 al in 1954 had geschreven.
Enkele jaren voordat Erasmus zijn Lof der Zotheid publiceerde (geschreven in 1509 en al in 1511 in Parijs uitgegeven)52, opende de humanistische dichter en sociaal hervormer Sebastian Brant (1558-1921) uit Straatsburg het bal van de Socratische lach met zijn Narrenschiff (Het Narrenschip, uitgegeven in 1494 in Bazel, Straatsburg, Parijs en Antwerpen)53, een hilarisch satirisch werk geïllustreerd door Holbein de Jongere (1497-1543) en Albrecht Dürer (1471-1528), die 73 van de 105 illustraties in de oorspronkelijke uitgave verzorgde.
Het Narrenschip werd een bestseller in gans Europa. De auteur was niet zomaar een simpele satiricus, maar een érudiet humanist wiens vertaling van de gedichten van Petrarca bekend is.54
Brant was een sleutelfiguur en vriend van Johann Froben (1460-1529) en Johann Amerbach (1441-1513), afkomstig uit Zwitserse drukkersfamilies. Zij verwelkomden later Erasmus toen de humanist, vervolgd in de Leuven en de Lage Landen, gedwongen werd in ballingschap te gaan in Bazel.


Na de heiligen en de vorsten zijn het opeens gewone vrouwen, mannen en kinderen, die in de werken verschijnen. Niet meer als « schenkers » die als getuigen aanwezig zijn bij een Bijbels of hemels tafereel, maar vanwege hun eigen kwaliteiten als verdienstelijke menselijke wezens.
Dürer maakte bijvoorbeeld een gravure, zij het enigszins ironisch, van « een kok en zijn vrouw ».55 In het begin van de 15e eeuw duikt de klassieke Griekse taal terug op in West-Europa; in het begin van de 16de eeuw, is het « de man van de straat » die opduikt in kunstwerken.
Met de opkomst van de kleine man en de burgerij verandert fundamenteel de klantenkring van de schilders. De opdrachten komen minder van religieuze orden en rijke kardinalen, meer van welvarende handelaars, burgers, gilden, gemeentes, steden, corporaties, broederschappen en ambachten die hun kapellen en huizen willen verfraaien en hun portretten aan vrienden schenken.
De uitbreiding van de Antwerpse markt, waarbij schilderkunst een luxeproduct voor de middenklasse werd, is een goed gedocumenteerd fenomeen. Onderzoek heeft de bewering van Lodovico Guicciardini56 bevestigd dat er in de jaren 1560 minstens 300 schilderateliers actief waren in Antwerpen.
Het Narrenschip van Brant was een keerpunt, het begin van een nieuw paradigma, van creativiteit, rede en opvoeding door middel van een oprechte en bevrijdende lach, waarvan de echo nog zeer luid zal weerklinken tot aan de dood van Pieter Bruegel de Oude in 1569.57
Deze dynamiek kwam in gevaar toen Karel V in 1521 de Inquisitie nieuw leven inblies. Hij voerde de « plakkaten » in om zijn gezag en dat van de kerk de vrijwaren. Dat waren decreten die iedere burger die de Bijbel durfde lezen en er commentaar op uitbracht, met de dood bestraften.

Het Narrenschip bestaat uit 113 delen. Elk deel, met uitzondering van een korte inleiding en twee afsluitende delen, handelt onafhankelijk van elkaar over een bepaalde klasse zotten, imbecielen of wrede mensen. Slechts af en toe wordt herinnerd aan het basisidee van het schip.
Geen enkele zotheid van de eeuw wordt vergeten. De auteur valt met nobele ijver de fouten en de buitensporigheden van de mens aan.
Het boek begint met de veroordeling van de allergrootste dwaas, degene die weigert de prachtige boeken te lezen die in zijn kas staan. Hij wil zijn hersenpan niet overladen met wijsheid. « Ik heb alles verkregen, » zegt de nar, « van een groot heer die de vermoeidheid van hen die in zijn plaats leren, contant kan betalen. »58
De derde zotheid (van de 113), die zich aansluit bij de eerste, is hebzuchten gierigheid:
« Het is absurde zotheid om rijkdommen te hamsteren en niet te genieten van de ware vreugde van het leven, de waanzin van de zot die niet weet, wie het goud dat hij opzij heeft gelegd, zal gebruiken op de dag dat hij in het graf zal afdalen. »59

Deze visie is ook het thema van een drieluik van Jheronimus Bosch dat gedeeltelijk verloren is gegaan. Recent onderzoek heeft aangetoond dat het huidige schilderij van Bosch, Het Narrenschip (Louvre, Parijs), dat mogelijk zelfs werd geschilderd voor dat Brant60 zijn satire schreef, mogelijkerwijs het linkerpaneel is van een drieluik waarvan het rechterpaneel De dood van de vrek(National Gallery, Washington) was.
Het interessante aan dit laatste paneel is dat niets fataal is! Zelfs de gierigaard kan tot zijn laatste ademtocht kiezen tussen het opslaan van zijn ogen naar Christus of het neerslaan van zijn ogen naar de duivel!
Dat de mens eeuwig vervolmaakbaar is en dat zijn lot afhangt van zijn wil, vormde de kern van de leer van de Zusters en Broeders des Gemene Leven,61 een lekenbeweging van christelijke devotie waarmee Bosch, zonder er lid van te zijn, belangrijke affiniteiten had. Tot op heden blijft her raden naar het onderwerp et de titel van het middenpaneel. Voor het gesloten retabel, denkt men aan een afbeelding van een marskramer die wegloopt van slechte oorden.
Dat is reeds het thema van de buitenpanelen van Bosch’ drieluik De Hooiwagen. Op het centrale middenpaneel van dit werk ziet men koningen, prinsen en pausen die een kar achtervolgen die geladen is met een gigantische berg hooi (een metafoor voor geld) en door duivels naar de hel worden getrokken.
Het thema van de rondtrekkende marskramer62 was zeer populair bij de Broeders van het Gemene Leven en de Devotio Moderna.63 Voor hen, net als voor Augustinus, wordt de mens voortdurend geconfronteerd met een existentiële keuze. Hij bevindt zich voortdurend voor een tweesprong (het bivium). Ofwel kiest hij het moeilijke, rotsige pad dat naar boven loopt en hem dichter bij God brengt, ofwel kiest hij de gemakkelijke weg die naar beneden loopt naar aardse hartstochten, genegenheden, zonde en ondeugd.
Augustinus en later Dionysius de Kartuizer(1403-1471) verwierpen niet de schoonheid van mens en natuur. Ze waarschuwden wel dat we ervan moeten genieten als « een voorproef van de goddelijke wijsheid ».64
De « marskramer » van Bosch en Patinir is daarom een metafoor voor de mens, die zich permanent onthecht en verder zoekt naar het juiste pad. Bosch schilderde verdwaasde mannen en vrouwen als hersenloze dieren die zich passioneel trachten te verzadigen met kleine vruchtjes zoals kersen, aardbeien en bessen, metaforen voor geld en aardse genoegens. Het bekomen plezier was intens, maar zo vluchtig en onvoldoende, dat men alleen maar dacht, bijna als drugverslaafden, deze ervaring zo snel mogelijk te hernieuwen. Alzo werd de ganse levensloop niets anders dan een permanente wedloop naar plezier dat nooit eindigde in waar geluk.

De marskramer gaat « op een slof en een schoen », dat wil zeggen dat hij zijn huis verlaat en de geschapen wereld van zonde (we zien een bordeel, dronkaards, enz.) en alle materiële goederen achter zich laat.
Met zijn « stok » (symbool van geloof) weet hij de « helse honden » (het kwaad) af te weren die hem in de kuiten bijten en hem trachten te weerhouden.
Een illustratie uit een Engels psalmenboek uit de 14e eeuw, het Luttrell Psalter, toont precies dezelfde allegorische voorstelling.
Deze metaforische beelden zijn dus niet het resultaat van een « zieke geest » of een losbandige verbeelding van Jheronimus Bosch, maar citaten van een gemeenschappelijke beeldentaal die we al aantreffen in de marges van verluchte boeken, maar die met Bosch een eigen leven kregen en op de voorgrond kwamen.
Hetzelfde thema, dat van de Homo Viator, de mens die zich onthecht van aardse goederen, komt ook steeds terug in de kunst en literatuur van deze periode, met name sinds de Nederlandse vertaling van De pelgrimstocht van de menselijke ziel, geschreven in 1358 door de Normandische cisterciënzer monnik Guillaume de Degulleville (1295-na 1358).
Christus verandert ons in pelgrims over de hele wereld. Samen met Hem doorkruisen wij de « aardse stad » met als enig doel de « hemelse stad. » Niet langer alleen homo sapiens, maar homo viator, een man op weg naar de hemel.
Hoewel de drie overgebleven delen van Bosch’ drieluik (Het Narrenschip, De dood van de Vrek en De Marskramer) op het eerste gezicht totaal los van elkaar lijken te staan, wordt hun samenhang duidelijk zodra de toeschouwer dit overkoepelende concept identificeert.65
Voor een hedendaags kunstenaar, met talent, techniek, humor, ironie en verbeelding, zou het wel eens leuk zijn om het verloren middenpaneel trachten te schilderen op een passende manier. Het thema is mijns inziens noodzakelijkerwijs de val van de mens die zich niet kan onthechten van aardse goederen, de weg die de toeschouwer leidt van het Narrenschipnaar De dood van de vrek.
B. Quinten Matsys, biografische elementen
Nu we vertrouwd zijn met de belangrijkste filosofische en culturele problematiek van zijn tijd, kunnen we met een gerust hart het leven66 van Matsys en enkele van zijn werken onderzoeken.
1. Van smid tot schilder

Volgens de Historiae Lovaniensium van Joannes Molanus (1533-1585) werd Matsys geboren in Leuven tussen 4 april en 10 september 1466, als een van de vier kinderen van Joost Matsys (overleden 1483) en Catherine van Kincken.
De meeste verslagen over zijn leven vervlechten feiten en fabels.67 De archieven zijn gierig aan sporen van zijn activiteiten of karakter.
In Leuven zou Quinten bescheiden zijn begonnen als kunstsmid. Volgens de legende werd hij verliefd op een mooi meisje, dat ook het hof werd gemaakt door een schilder. Het meisje gaf de voorkeur aan schilders boven smeden. Quinten zou het aambeeld al snel hebben ingeruild voor het penseel, aldus de legende.
De kroniekschrijver Karel Van Mander geeft een ander verhaal. Hij schreef in 1604 dat Quinten, die al sinds zijn twintigste jaar zwak en ziek was, in werkelijkheid « niet in staat was zijn brood te verdienen » als kunstsmid. Van Mander herinnert zich dat, op het moment van de feestvieringen van Vastenavond (Mardi Gras),
« De broeders die voor de zieken zorgden, gingen door de stad met grote, gesneden en beschilderde houten beelden en deelden gegraveerde en gekleurde afbeeldingen van heiligen uit aan de kinderen; Ze hadden er dus heel veel nodig. Toen een van de collega’s Quinten bezocht, vroeg hij aan hem deze afbeeldingen in te kleuren. Uiteindelijk probeerde Quinten zelf afbeeldingen te maken. Vanaf dit kleine begin kwam zijn voorkeur tot uiting en vanaf dat moment stortte hij zich met groot enthousiasme op het schilderen. In korte tijd boekte hij buitengewone vooruitgang en werd hij een volleerd meester. »68


In Antwerpen, voor de Onze-Lieve-Vrouwekathedraal, op de Handschoenmarkt, kan men nog steeds de « putkevie » (versierd smeedijzeren hek op een waterput) vinden. Deze zou door Quinten Matsys zelf zijn gemaakt en stelt de legende van Silvius Brabo en Druon Antigoon voor. Dit zijn respectievelijk de namen van een mythische Romeinse officier die Antwerpen bevrijdde van de onderdrukking door een reus genaamd Antigoon. De reus Antigoon schaadde de handel in de stad door de toegang tot de rivier te blokkeren. Brabo kapte Antigoons hand af en wierp het in de Schelde.
Het opschrift op de waterput luidt: “Dese putkevie werd gesmeed door Quinten Matsijs. De liefde maeckte van den smidt eenen schilder.”
De archieven betreffende de bezittingen van Joost Matsys, de vader van Quinten, die smid en klokkenmaker was in de stad, tonen aan dat het gezin over een behoorlijk inkomen beschikte en dat financiële noodzaak niet de meest waarschijnlijke reden was waarom Matsys zich tot het schilderen wendde.
In 1897 schreef Edward van Even69, zonder enig bewijs te leveren, dat Matsys ook muziek componeerde, gedichten schreef en gravures maakte.

Hoewel er geen bewijs is van een opleiding die Quinten Metsys heeft gehad vóór zijn inschrijving als vrij meester bij het Antwerpse schildersgilde in 1491, doen de bouwplannen van zijn broer Joos Matsys II in Leuven en de activiteiten van hun vader vermoeden dat de jonge kunstenaar binnen eigen familie leerde tekenen en zijn ideeën op papier zetten. Deze zou hem ook voor het eerst in aanraking hebben gebracht met architecturale vormen70 en hun creatief gebruik.
Vooral uit zijn vroege werken blijkt duidelijk dat hij is opgeleid als bouwkundig tekenaar. Op zijn schilderij Madonna en kind op troon met vier engelen (1505, National Gallery, Londen) zitten de goddelijke figuren op een vergulde troon, waarvan de gotische omkadering lijkt op die van het raam op de tekening op perkament en het kalkstenen model van het Sint-Pietersproject, waaraan zijn broer ongeveer in dezelfde tijd heeft gewerkt.

Wat wel zeker is, is dat de kunstenaar prachtige bronzen medaillons heeft gemaakt waarop Erasmus, zijn zus Catarina en hemzelf zijn afgebeeld.
Rond 1492 trouwde onze schilder met Alyt van Tuylt die hem drie kinderen gaf: twee zonen, Quinten en Pawel, en een dochter, Katelijne. Alyt stierf in 1507 en Quinten hertrouwde een jaar later.
Nadien, met zijn nieuwe vrouw Catherina Heyns kreeg hij nog tien kinderen, vijf zonen en vijf dochters.
Kort na de dood van hun vader werden twee van zijn zonen, Jan (1509-1575) en Cornelis (1510-1556)71 op hun beurt schilder en lid van het Antwerpse Gilde.
2. Het Hertogdom Brabant

Leuven was destijds de hoofdstad van het hertogdom Brabant, dat zich uitstrekte van Luttre, ten zuiden van Nijvel, tot ‘s-Hertogenbosch (het huidige Nederland). Tot deze regio behoorden de steden Aalst, Antwerpen, Mechelen, Brussel en Leuven, waar in 1425 een van de eerste universiteiten van Europa werd gesticht. Vijf jaar later, in 1430, erfde Filips de Goede van Bourgondië samen met de hertogdommen Neder-Lotharingen en Limburg, Brabant, dat deel uitmaakte van de Bourgondische Nederlanden.72
In 1477, toen Matsys ongeveer 11 jaar oud was, viel het hertogdom Brabant onder Habsburgse heerschappij als deel van de bruidsschat van Maria van Bourgondië toen ze trouwde met Maximiliaan van Oostenrijk.
De latere geschiedenis van Brabant maakt deel uit van de geschiedenis van de Habsburgse « Zeventien Provinciën », die steeds meer onder controle kwamen van Augsburgse bankiersfamilies zoals de Fuggers73 en de Welsers.



Als het tijdperk van Erasmus en Matsys een voorspoedige periode van de « Noordelijke Renaissance » was, dan werd het ook gekenmerkt door steeds grotere inspanningen van bankiersfamilies om het pausschap te « kopen » om zo de wereld te kunnen domineren.
De geopolitieke verdeling van de hele wereld (en haar grondstoffen) tussen het Spaanse Rijk (geregeerd door Venetiaanse bankiers) en het Portugese Rijk (onder leiding van Genuese bankiers) werd bezegeld door het Verdrag van Tordesillas, een akkoord dat in 1494 in het Vaticaan werd bekrachtigd door paus Alexander VI Borgia. Dit verdrag opende de deur voor de koloniale onderwerping van vele volkeren en landen, allemaal in naam van een zeer twijfelachtig gevoel van culturele en religieuze superioriteit.
Na herhaaldelijke staatsbankroeten werden de bewoners van de Lage landen het doelwit van brutale economische en financiële plundering. De Fuggers leende heel veel geld, zowel aan de keizer als de Paus. Maar om nieuwe financieringen te verkrijgen, moesten de oudere worden terugbetaald. Door Luther, die steeds meer pleitte voor een breuk met Rome, overmatig te demoniseren, ontweek de heersende macht de prangende vragen die Erasmus en Thomas More stelden. Zij eisten dringende hervormingen om misbruik en corruptie binnen de katholieke kerk uit te roeien.
Het is niet ondenkbaar dat de abrupte weigering van paus Clemens VII om de eisen van Hendrik VIII voor een echtscheiding te honoreren, deel uitmaakte van een algehele strategie om het hele Europese continent in godsdienstoorlogen te storten, waaraan pas in 1648 een einde kwam met de Vrede van Westfalen ook wel Vrede van Münstergenoemd.
3. Formatie: Memling, Bouts of Van der Goes?
De vroege, grote drieluiken die Matsys schilderde, leverden hem veel lof op en leidden ertoe dat historici hem omschreef als « een van de laatste Vlaamse primitieven ». Maar dat is eigenlijk een spotnaam gebruikt door Michelangelo74 om alle niet-Italiaanse kunst, die hij als « gotisch » (barbaars) of « primitief » beschouwde, in wezen in diskrediet te brengen in vergelijking met de Italiaanse kunst die de ware antieke stijl imiteerde.
Omdat Matsys in Leuven werd geboren, is gesuggereerd dat hij zijn opleiding heeft genoten bij Aelbrecht Bouts (1452-1549), de zoon van de destijds dominante schilder in Leuven, Dieric Bouts de Oude (ca. 1415-1475).75
In 1476, een jaar na de dood van zijn vader, zou Aelbrecht Leuven hebben verlaten om zijn opleiding te vervolgen bij een meester buiten de stad, hoogstwaarschijnlijk Hugo van der Goes (1440-1482),76 wiens invloed op Aelbrecht Bouts, maar ook op Quinten Matsys, aannemelijk lijkt.
Van der Goes, die in 1474 deken werd van het schildersgilde van Gent en in 1482 overleed in het Rood Klooster bij Brussel, was een vurig aanhanger van de Broeders van het Gemene Leven en hun principes.77
Als jonge assistent van Aelbrecht Bouts, zelf een leerling van Van der Goes, had Matsys de bakermat van het christelijk humanisme kunnen ontdekken.
Het bekendste werk van Van der Goes is het Portinari-drieluik (Uffizi, Florence), een altaarstuk dat Tommaso Portinari, hoofd van het Brugse filiaal van de Medici-bank, in opdracht van de kerk van Sant’Egidio in het ziekenhuis Santa Maria Nuova in Florence maakte.
De ruwe trekken van de drie herders (die elk een van de door de Broeders des Gemene Levens voorgeschreven stadia van spirituele verheffing uitdrukten78) in de compositie van Van der Goes maakten diepe indruk op de schilders die in Florence werkten.

Matsys wordt ook beschouwd als een mogelijke leerling van Hans Memling (1430-1494), zelf een leerling was van Van der Weyden(1400-1464)79 en een vooraanstaand schilder in Brugge.
De stijl van Memling en die van Matsys lijken zo veel op elkaar dat het moeilijk is om ze te onderscheiden.
Terwijl de Vlaamse kunsthistoricus Dirk de Vos in zijn catalogus van het werk van Hans Memling uit 1994 het portret van de musicus en componistJacob Obrecht80 (1496, Kimbell Art Museum, Fort Worth) beschreef als een zeer laat werk van Hans Memling, konden hedendaagse experts, waaronder Larry Silver81, in 2018 vaststellen dat het veel waarschijnlijker is dat het portret het vroegst bekende werk van Quinten Matsys is.
Obrecht, die een grote invloed had op de Vlaamse polyfone (meerstemmige) en contrapuntische muziek uit de Renaissance, werd in 1492 benoemd tot koorleider van de Onze-Lieve-Vrouwekathedraal in Antwerpen. Rond 1476 was Erasmus toevallig een van Obrechts koorknapen.
Obrecht bezocht Italië minstens twee keer, in 1487 op uitnodiging van hertog Ercole d’Este I van Ferrara82 en nadien, in 1504. Ercole had Obrechts muziek gehoord, waarvan bekend is dat deze tussen 1484 en 1487 in Italië circuleerde, en had verklaard dat hij deze meer waardeerde dan de muziek van alle andere componisten van zijn tijd; Daarom nodigde hij Obrecht uit. De componist overleed later in Italië aan de pest.
Al in de jaren 1460 reisde Erasmus’ leraar in Deventer, de componist en organist Rudolph Agricola(1443-1483),83 naar Italië. Nadat hij burgerlijk recht had gestudeerd in Pavia en lessen had gevolgd bij de Italiaanse pedagoog Battista Guarino(1434-1505), vertrok hij naar Ferrara, waar hij een protegé werd van het hof van Este.


Rond 1499 maakte Leonardo een tekening van Ercole’s dochter, Isabella d’Este. Op de basis van die tekening, denken sommigen dat zij dezelfde persoon is als de Mona Lisa.
4. Debuten in Antwerpen en in het buitenland
Matsys werd in 1491 in Leuven ingeschreven, maar werd datzelfde jaar ook als meester-schilder toegelaten tot de Sint-Lucasgilde van Antwerpen. Op vijfentwintigjarige leeftijd besloot hij zich in de havenstad te vestigen. Hij schilderde er, zoals we al zeiden, in 1496 de kapelmeester Jacob Obrecht, zijn eerste bekende werk, en verschillende devotionele schilderijen met als onderwerp de Maagd Maria en het Kind.
Omdat de Liggeren(registers van de schildersgilden) geen informatie bevatten over Matsys’ activiteiten in de Lage Landen over een periode van meerdere jaren, is het verleidelijk om te veronderstellen dat Matsys een reis ondernam naar Italië.84
Daar had hij grote meesters kunnen ontmoeten. Da Vinci woonde tussen 1482 en 1499 in Milaan en keerde daar in 1506 terug. Het is in Milaan waar Da Vinci zijn leerling Francesco Melzi (1491-1567) ontmoette, die hem vervolgens naar Frankrijk vergezelde. Matsys kan ook Colmar of Straatsburg hebben bezocht, steden die ook bezocht werden door Albrecht Dürer, een kunstenaar met wiens hij vertrouwd was voor diens komst in 1520 in onze gewesten.
Voor de Belgische kunsthistoricus Dirk de Vos (1943-2024), oud-conservator van het Groeningemuseum, was een reis naar Italië niet alleen mogelijk maar hoogstwaarschijnlijk:
« De vroege en de volwassen stijlen van Metsys contrasteren zo sterk dat we het verschil alleen kunnen verklaren door een beroep te doen op de hypothese van het ijverig bezoeken van de werken van de Italiaanse Renaissance, en meer bepaald die van Leonardo da Vinci en zijn discipelen uit de late 15e eeuw. We zien namelijk dat Metsys directe ontleningen aan Leonardo da Vinci heeft gedaan, zozeer zelfs dat een andere inspiratiebron uitgesloten lijkt. Hoewel er geen tastbaar bewijs is van een reis naar Italië, vertoont Metsys’ aanwezigheid in Antwerpen toch hiaten in de continuïteit die verenigbaar zijn met een langdurige afwezigheid, bijvoorbeeld tussen 1491 en 1507. Een reis naar Italië is dus helemaal niet onwaarschijnlijk. »85
Dürer werd door zijn ouders naar Colmar in de Elzas gestuurd om daar een opleiding in de graveerkunst te volgen bij Martin Schongauer (1450-1491), veruit de meest bekwame graveur van zijn tijd. Maar toen Dürer in de zomer van 1492 in Colmar aankwam, was Schongauer al overleden. Vanuit Colmar vertrok de kunstenaar naar Bazel, waar hij houtsneden maakte om boeken te illustreren en de indrukwekkende gravures van Jacob Burgkmair (1473-1531) en Hans Holbein de Oude (1460-1524) ontdekte. Vervolgens ging hij naar Straatsburg, waar hij de hierboven genoemde erudiete dichter en humanist Sebastian Brant ontmoette en een portret van hem tekende.
C. Geselecteerde werken
1. De Maagd en het Kind, goddelijke genade en vrije wilskeuze


In 1495 schilderde Matsys Maria met Kind (Brussel). Hoewel het werk nog steeds zeer normatief is, verrijkt Matsys de devotionele beeldentaal met minder formele scènes uit het dagelijks leven. Het Kind, dat op speelse wijze nieuwe natuurkundige principes verkent, probeert onhandig de bladzijden van een boek om te slaan, terwijl een zeer ernstige Maagd Maria in een nis in gotische stijl zit, die ongetwijfeld is gekozen om aan te sluiten bij de architectuur en stijl van de zaal of kapel waar het schilderij geplaatst moest worden.
In een andere Maria met Kind (Rotterdam) gaat Matsys nog verder in deze richting. Men ziet er een zorgzame en gelukkige jonge moeder met een speels kind, zoon van God, maar ook zoon van de Mens. In een opstelling vlakbij de toeschouwer bemerkt men een brood en een kom melksoep met een lepel. Dit is ongetwijfeld een alledaags tafereel voor de meeste mensen van die tijd. God is niet alleen aanwezig in de kerk, maar in ons dagelijks bestaan.

In zijn Madonna met kind en melksoep (Brussel), dat Matsys’ vriend Gerard David (1460-1523) schilderde in 1520, toont hij met grote tederheid een jonge moeder die haar kind aanleert dat de achterkant van een lepel niet de beste manier is om de soep vanuit de kom in de mond te brengen!
Veel schilderijen over dit thema, zowel van Quinten Matsys (Maria met Kind, Louvre, 1529, Parijs) als van Gerard David (Rust tijdens de vlucht naar Egypte, National Gallery, Washington), tonen een kind dat met enorme inspanning doet om enkele druiven, kersen of ander fruit te bemachtigen.



In 1534 gebruikt Erasmus in zijn De libero arbitrio sive collatio (Gesprek of verzameling uitspraken over de vrije wilskeuze) dezelfde metafoor voor het fragiele evenwicht dat centraal staat in de verhouding tussen de vrije wil (die, los van een hoger doel, op zichzelf pure arrogantie kan worden) en de goddelijke genade (die als loutere voorbestemming kan worden geïnterpreteerd).
Om dit onderwerp, dat men zou denken dat alleen voor theologen is bestemd, voor zoveel mogelijk mensen toegankelijk te maken, gebruikt Erasmus een heel eenvoudige metafoor, vol tederheid en schoonheid:

“Een vader heeft een kind dat nog niet kan lopen; het valt; de vader tilt het op terwijl het kind haastige bewegingen maakt en moeite heeft om zijn evenwicht te bewaren; hij laat hem een vrucht zien die voor hem staat; het kind probeert het vast te pakken, maar door de zwakte van zijn ledematen zal het snel vallen als de vader zijn hand niet uitstrekt om het kind te ondersteunen en te begeleiden.
« Zo komt het kind, onder leiding van zijn vader, bij de vrucht die de vader bereidwillig in zijn handen legt als beloning voor zijn inspanning. Het kind zou nooit zijn opgestaan als de vader hem niet had opgetild; hij zou de vrucht nooit hebben gezien als de vader hem die niet had laten zien; hij had niet vooruit kunnen komen als zijn vader zijn zwakke stappen niet had gesteund; en hij zou de vrucht nooit hebben kunnen bereiken als zijn vader hem die niet in handen had gegeven.
« Wat zal het kind in dit geval als zijn eigen daden bestempelen? We kunnen niet zeggen dat hij niets gedaan heeft. Maar er is geen reden om zijn kracht te verheerlijken, aangezien hij alles wat hij is, aan zijn vader te danken heeft. »86
Kortom, de vrije wilskeuze van de mens, welke Erasmus verdedigt, is essentieel, maar zonder God gaat de mens niet ver.
2. Altaarstuk van Sint Anna



In Antwerpen beleefde Matsys’ activiteit een grote doorbraak met de eerste grote publieke bestellingen voor twee grote drieluik-altaarstukken:
- het Drieluik van de Broederschap van Sint-Anna (1507-1509, Museum van Brussel), gesigneerd “Quinten Metsys screef dit”;
- het Altaarstuk van het schrijnwerkersambacht (ook wel Nood Gods of Bewening van Christus genoemd, naam van het middenpaneel) (1507-1508, Museum van Antwerpen), geschilderd voor de kapel van het timmermansgilde in de kathedraal van Antwerpen, een werk dat grotendeels is geïnspireerd op de Kruisafnamevan Rogier Van der Weyden (Prado, Madrid). Johannes de Doper en Johannes de Evangelist, die verschijnen wanneer het drieluik gesloten is, zijn de patroonheiligen van de kerk.
Sint-Anna drieluik
Het thema en de iconografie van het Sint-Anna-drieluik werden, zoals gebruikelijk, volledig aan de schilder gedicteerd door de broederschap van Sint-Anna van Leuven, die hem deze opdracht gaf voor hun kapel in de Sint-Pieterskerk in dezelfde stad.
Het middenpaneel toont het verhaal van de familie van Sint Anna, in een monumentaal gebouw met een afgeknotte koepel en een marmeren booggewelf die een breed uitzicht bieden op een bergachtig landschap. Het altaarstuk vertelt in vijf scènes het leven van Anna, de moeder van Maria, en haar man Joachim. Op het middenpaneel zijn de verschillende familieleden van de heilige afgebeeld.
De belangrijkste gebeurtenis in het leven van Anna en haar man Joachim, namelijk dat zij de ouders zouden worden van de Maagd Maria, terwijl zij zelf dachten dat zij geen kinderen konden krijgen, wordt afgebeeld op het linker- en rechterpaneel van het drieluik.
De kuise kus
De « onbevlekte ontvangenis » van Sint-Anna, moeder van Maria, uitgebeeld door de afbeelding van een « kuise kus » tussen de twee echtelieden (Anna en Joachim) voor de Gouden Poort van de muur van Jeruzalem, is een immens populair onderwerp in de geschiedenis van de schilderkunst, van Giotto tot Dürer.



Daarom werd het al snel getransformeerd naar de « onbevlekte ontvangenis » van Christus zelf. Vandaar dat er plotseling schilderijen verschenen waarop Maria « kuis » (maar toch op de lippen) haar kindje Jezus kuste.

De altaarstukkencyclus eindigt met de dood van Anna, die op het rechterbinnenpaneel is afgebeeld, omringd door haar kinderen en waar Christus zijn zegen geeft.
Ondanks de indrukwekkende omvang van dit werk en de conventionele verhaallijn, slaagt Matsys erin een vrijer en intiemer gevoel van contemplatie te creëren. Een voorbeeld hiervan is het neefje van Jezus in de linkerhoek, die plezier heeft in het verzamelen van heiligenbeeldjes en die, volledig geconcentreerd, probeert ze te lezen.
3. Een nieuw perspectief
In twee andere geschriften87 heb ik aangetoond dat, in hun werk, zowel de Vlaamse schilder Jan Van Eyck88 als de Italiaanse beeldhouwer en bronsgieter Lorenzo Ghiberti89 zich vertrouwd hebben gemaakt met de « Arabische optica », in het bijzonder de wetenschappelijke werken van Ibn al-Haytham90 (bekend onder zijn Latijnse naam Alhazen).
Tijdens de Renaissance probeerden verschillende scholen, met verschillende en soms tegenstrijdige benaderingen, de beste manier te vinden om drie dimensionele ruimte weer te geven door middel van perspectief.
Vanaf het begin van de 15e eeuw, voortbouwend op het werk van de Franciscanen van Oxford (Roger Bacon, Grosseteste, enz.), was er een school die uitging van de menselijke fysiognomie (twee ogen die een beeld creëren in de geest van de toeschouwer). In plaats van een mono-focaal (cyclopisch) model, hebben zijn, gebaseerd of Alhazen, een perspectief bedacht met twee centrale vluchtpunten (bi-focaal perspectief).
Dit perspectief is duidelijk herkenbaar in zekere werken van Van Eyck en Lorenzo Ghiberti, waarbij laatstgenoemde zelf wetenschappelijke teksten van Alhazen vertaalde in het Italiaans en opnam in zijn handboek voor schilders, de Commentarii, welke door Da Vinci werden geraadpleegd tijdens zijn opleiding in het atelier van Verrocchio, zelf een leerling van Ghiberti.
Een andere school, die verbonden is metLeon Battista Alberti,91 beweerde dat « juist » perspectief, dat puur geometrisch en wiskundig is, een beroep doet op een uniek « centraal vluchtpunt ».
Ten slotte probeerde een derde school, die van Jean Fouquet in Frankrijk en Leonardo da Vinci, een curvilineair (kromlijnig) perspectief te hanteren, waarbij de beperkingen van het Albertiaanse model worden overkomen en de vervormingen vermeden.
In de moderne tijd wilden de volgelingen van Descartes en Galileo absoluut aantonen dat hun model van de lege ruimte geboren was in de Renaissance, met het Albertiaanse model. Zij beweerden dus dat alle andere benaderingen het werk was van boerse en onwetende « primitieven ».
Een onschatbare ontdekking
Zoals eerder vermeld, werkt het Gentse Interdisciplinair Centrum voor Kunst en Wetenschap (GICAS) sinds 2007 aan een nieuwe « Catalogue raisonné » van het werk van Quinten Matsys. In dit kader onderzochten Jochen Ketels en Maximiliaan Martens92 in 2010 het Anna-altaarstuk van Matsys en de indrukwekkende Italiaanse portiek van het middenpaneel.
Laten we niet vergeten dat het geschilderde deel (in twee dimensies) op het centrale luik door de kunstenaar zo was ontworpen dat het harmonieus aansloot op een grote houten constructie (in drie dimensies) die als kader diende. Deze constructie is helaas verloren gegaan, maar we weten van zijn bestaan dankzij tekeningen.
« Toen we onze fotolampen op het centrale paneel richtten, » schrijven de twee onderzoekers, « liet het strijklicht iets zien wat in de literatuur helemaal niet was vermeld: in de gewelven van de architectuur aangebrachte constructielijnen. »
Infrarood benadrukte ook het bestaan,
« van een complexe reeks constructielijnen, getekend met de hand of met behulp van verschillende gereedschappen en technieken. Niet alleen was een dergelijk complex constructiesysteem niet te zien in de noordelijke schilderijen uit die tijd, maar Matsys moest ook een wiskundige procedure hebben gebruikt om de complexe loggia te construeren.«
Nog interessanter,
« Om de contouren van de afgeknotte koepel en de versiering ervan te tekenen, gebruikte Matsys nauwelijks lijnen, maar gaf hij de voorkeur aan stippen (…) onderaan het kapiteel voegde Matsys enkele losse letters toe, waarschijnlijk een ‘z’, een ‘e’ of een ‘c’ (…) Vanwege hun positie dicht bij het element en het feit dat Piero della Francesca bijvoorbeeld al een soortgelijk systeem met cijfers en letters had gebruikt in zijn tekeningen van De Prospectiva Pingendi (Over het perspectief van schilderijen, ca. 1480), is er reden om aan te nemen dat er een verband is met de omtrek of compositie van de zuil. »93

In dit verband is het interessant om op te merken dat een van de weinige personen die op enig moment contact heeft gehad met Matsys en die Piero della Francesca‘s verhandeling94 over perspectief heeft gelezen en bestudeerd, niemand minder is dan Albrecht Dürer, wiens Vier boeken over de menselijke verhoudingen (1528) voortbouwt op Piero’s revolutionaire benadering.
Wat Dürer de « transfer-methode » van Piero noemt, zou later de basis vormen voor de projectieve meetkunde, met name aan de École Polytechnique onder leiding van Gaspard Monge, de belangrijkste wetenschap die de Industriële Revolutie mogelijk maakte.
De onderzoekers controleerden ook Matsys’ gebruik van het centrale vluchtpunt-perspectief met behulp van de « kruisverhouding-methode ».
Verbaasd, omdat het volgens de leer van de beste scholen onmogelijk zou zijn, stellen ze het volgende vast:
« Matsys toont zijn vaardigheid in perspectief, overeenkomend met de normen van de Italiaanse Renaissance, » een perspectief dat « inderdaad zeer correct is. »95
Tot nu toe werd aangenomen dat de perspectiefwetenschap pas in de Lage Landen doordrong na de reis van Jan Gossaert naar Rome in 1508. Matsys, die blijk gaf van een meesterlijke en uitgebreide kennis van de perspectiefwetenschap, begon echter al in 1507 met de opbouw van dit werk.
4. Matsys’ samenwerking met Joachim Patinir en Albrecht Dürer


Een laatste opmerking over dit schilderij: het bergachtige landschap achter de figuren doet denken aan de typische en verontrustende landschappen van Matsys’ vriend Joachim Patinir (1480-1524), een andere weinig bekende maar grote kunstenaar in de geschiedenis van de schilderkunst.
In zijn tijd was Patinir’s vermaardheid niet klein. Felipe de Guevara, vriend en artistiek adviseur van Karel V en Filips II, noemt Patinir in zijn Commentaren op de schilderkunst (1540) als één van de drie grootste schilders van de regio, samen met Rogier van der Weyden en Jan van Eyck.
Patinir leidde een grote werkplaats met assistenten in Antwerpen. Onder degenen die onderhevig zijn aan de drievoudige invloed van Bosch, Matsys en Patinir, de volgende namen:
- Cornelis Matsys (1508-1556), zoon van Quinten, die trouwde met de dochter van Patinir;
- Herri met de Bles (1490-1566), actief in Antwerpen, mogelijke neef van Patinir;
- Lucas Gassel (1485-1568), actief in Brussel en Antwerpen;
- Jan Provoost (1465-1529), actief in Brugge en Antwerpen;
- Jan Mostaert (1475-1552), schilder werkzaam in Haarlem;
- Frans Mostaert (1528-1560), schilder actief in Antwerpen;
- Jan Wellens de Cock (1460-1521), schilder actief in Antwerpen;
- Matthijs Wellens de Cock (1509-1548), schilder-graveur werkzaam in Antwerpen;
- Hieronymus (Wellens de) Cock (1510-1570), schilder-graveur, die samen met zijn vrouw de Antwerpse uitgeversbedrijf In de Vier Winden oprichtte, destijds waarschijnlijk de grootste ten noorden van de Alpen, waar Pieter Bruegel de Oude werkzaam was.

Het is algemeen aanvaard dat Quinten Matsys de figuren in enkele van Patinir’s landschappen heeft geschilderd. Volgens de inventaris van het Escorial uit 1574 was dit het geval voor De verzoekingen van de Heilige Antonius (1520, Prado, Madrid).
Maar deze samenwerking kwam beide vrienden tegoed: Patinir ontwierp landschappen voor de werken van Matsys op diens verzoek. Deze realiteit ondermijnt enigszins de hardnekkige mythe van een Renaissance die wordt geprezen als het begin van competitief individualisme.
Dat Matsys en Patinir een hechte band hadden, blijkt wel uit het feit dat Matsys, na Patinirs vroege dood, de voogd werd van zijn twee dochters. Interessant is ook dat Gerard David, die na Memling de belangrijkste schilder in Brugge werd, in 1515 samen met Patinir lid werd van het Sint-Lucasgilde in Antwerpen, wat hem het recht gaf zijn werk te verkopen, niet alleen in Brugge, maar tevens op bloeiende Antwerpse kunstmarkt.
Moderne kunsthistorici beschouwen Patinir vaak als de vader en « uitvinder » van de landschapsschilderkunst. Ze beweren dat religieuze onderwerpen voor hem slechts een voorwendsel waren om te laten zien wat hem werkelijk interesseerde: landschappen. Men legt ook uit dat Rubens Adam en Eva schilderde alleen maar omdat hij graag naakten schilderde (en verkocht). Voor Rubens was dat misschien zo, maar voor Patinir ligt het duidelijk anders. Zoals de kunsthistoricus Reindert L. Falkenberg heeft aangetoond,96 waren zijn « prachtige » landschappen niets meer zijn dan een soort geraffineerde, heel aantrekkelijke duivelse valstrik. De schoonheid van de wereld, een duivelse schepping volgens Patinir, bestaat enkel om mensen te verleiden en hen te laten bezwijken voor de zonde…
Ontmoeting met Albrecht Dürer

Dürers reisdagboek97 van zijn bezoek in de Lage Landen is een trouwe bron van informatie.
Waarom kwam Dürer naar Brabant? Een mogelijke verklaring is dat de kunstenaar, na de dood van zijn belangrijkste opdrachtgever, keizer Maximiliaan I, zijn pensioen wou laten uitbetalen door Karel V.
Dürer kwam op 3 augustus 1520 in Antwerpen aan en bezocht Brussel en Mechelen, waar hij werd ontvangen door Margaretha van Oostenrijk (1480-1530), de tante van Karel V. Ze was verantwoordelijk voor het bestuur van de Bourgondische Nederlanden zolang Karel nog te jong was. Soms luisterde ze naar Erasmus, maar ze hield ook afstand.


In Mechelen bezocht Dürer zeker het prachtige paleis van Hieronymus (Jeroen) van Busleyden(1470-1517), de beschermheer die Erasmus de financiële steun gaf om in 1517 in Leuven het “Dry Tonghen College” op te richten.98 Een grondige kennis van Latijn, Grieks en Hebreeuws, zou zowel misverstanden die het resultaat waren van slechte vertalingen, als religieuze conflicten kunnen vermijden, dacht Erasmus. Busleyden was een vriend van de bisschop van Londen, Cuthbert Tunstall (1475-1559), die hem voorstelde aan Thomas More (1478-1535).
Tijdens zijn verblijf bij Margaretha kon Dürer een prachtig schilderij uit haar collectie bewonderen: Het Arnolfini-echtpaar (1434) van Jan van Eyck.
Margaretha had net een pensioen toegekend aan de Venetiaanse schilder Jacopo de’ Barbari (1440-1515),99 een diplomaat en politieke balling in Mechelen die een portret schilderde van Luca Pacioli (1445-1514), de Franciscaan die de Griekse teksten van Euclides aan Leonardo da Vince verklaarde. Pacioli was ook de auteur van De Divina Proportione (1509) (De Gulden Snede), een werk dat Da Vinci rijkelijk illustreerde.
De’ Barbari wordt door verschillende van zijn tijdgenoten vermeld, namelijk Dürer, Marcantonio Michiel (1584-1552) en Gerard Geldenhauer (1482-1542).
In 1504 ontmoette De’ Barbari Dürer in Neurenberg en ze bespraken de canon van de menselijke proporties, een centraal thema in het onderzoek van laatstgenoemde.100 Uit een ongepubliceerd manuscript van Dürers verhandeling blijkt dat de Italiaan niet bereid was zijn bevindingen te delen:
« Ik heb niemand gevonden die iets heeft geschreven over de toepassing van de canon van menselijke proporties, behalve een man genaamd Jacob, geboren in Venetië en een charmante schilder. Hij liet mij [zijn gravure van] een man en een vrouw zien die hij met zijn systeem had gemaakt, zodat nu zou ik liever zien wat hij bedoelde dan van een nieuw koninkrijk te dromen… Jacobus wilde mij zijn principes niet duidelijk laten zien, dat zag ik duidelijk »101
Volgens de archieven was de’ Barbari in maart 1510 in dienst van aartshertogin Margeretha in Brussel en Mechelen. In januari 1511 werd hij ziek en schreef een testament. In maart kende de aartshertogin hem een levenslang pensioen toe. Hij stierf in 1516 en liet de aartshertogin een serie van 23 gravureplaten na. Maar wanneer Dürer haar vroeg om hem een aantal van De’ Barbari’s geschriften over menselijke proporties te overhandigen, wijst ze zijn verzoek beleefd af. 102
Uit het reisdagboek van Dürer blijkt hoe hartelijk hij door zijn lokale collega’s werd ontvangen.103



In Antwerpen schreef hij in zijn reisdagboek: « Ik ging Quinten Matsys in zijn huis opzoeken. » In dezelfde stad schetste hij een portret van Lucas van Leyden (1489-1533)104 en vervaardigde hij het beroemde portret van de 93-jarige man die later als model zou dienen voor zijn Sint-Hiëronymus.
Hij ontmoet Erasmus minstens drie keer en tekent, schildert of graveert portretten die wederzijdse medeplichtigheid uitstralen. Erasmus gaf Dürer de opdracht omdat hij een groot aantal portretten nodig had om naar zijn correspondenten over heel Europa te sturen. Zoals hij in zijn dagboek aangeeft, schetste Dürer Erasmus tijdens deze ontmoetingen meerdere malen met houtskool. Zes jaar later zou hij er een wat onhandig gegraveerd portret van maken.

Ter gelegenheid van zijn tweede huwelijk, op 5 mei 1521, nodigde Patinir Dürer uit. Het is niet bekend wanneer en hoe hun vriendschap ontstond, of dat het gewoon toevallig was. De Meester van Neurenberg schetste een portret van Patinir en noemde hem « der gute Landschaftsmaler » (de goede landschapsschilder). Daarmee bedacht hij een nieuw woord voor wat een nieuw genre zou worden.
Tijdens het huwelijksfeest maakte hij kennis met Jan Provoost (1465-1529), Jan Gossaert (de Mabuse) (1462-1533)enBernard van Orley (1491-1542), de twee laatste, populaire schilders aan het hof van Mechelen.
Maar Provoosts De vrek en de dood. (1515, Brugge) is duidelijk geïnspireerd door Erasmus.

De dichter, hoogleraar Latijn en filoloog Cornelis de Schryver (Grapheus) (1482-1558), medewerker van Erasmus’ drukker in Leuven en Antwerpen, Dirk Martens, is een figuur die Dürer in contact kon brengen met de schilders van Antwerpen, een stad waarvan hij in 1520 secretaris was.
Drukkers en uitgevers speelden een belangrijke rol in de Renaissance. Ze fungeerden als bemiddelaars tussen intellectuelen en geleerden enerzijds en illustratoren, graveurs, schilders en ambachtslieden anderzijds. Net als Dürer zelf voelde Grapheus zich aangetrokken tot de ideeën van de Reformatie, waarvan Luther en Erasmus de leiders waren. Grapheus heeft Dürer een exemplaar bezorgt van Luthers De Captivitate(Over de Babylonische gevangenschap van de kerk), een must-read voor iedereen die geïnteresseerd is in de toekomst van het christendom.
Net als Erasmus en vele andere humanisten was Dürer te gast bij Quinten Matsys in diens prachtige huis aan de Schuttershofstraat, versierd met Italiaanse ornamenten (guirlandes van bladeren, bloemen of vruchten) en decoratieve en symmetrische motieven van lijnen en figuren).

Een geïdealiseerde weergave van de ontmoeting tussen Dürer en Matsys (onder toeziend oog van Thomas More en Erasmus) is te zien op een schilderij van Nicaise de Keyser (1813-1887) in het Koninklijk Museum voor Schone Kunsten in Antwerpen.
Een ander tafereel, een tekening van Godfried Guffens (1823-1901) uit 1889, toont hoe de Antwerpse schepen Gérard van de Werve Albrecht Dürer ontvangt, die door Quinten Matsys aan hem wordt voorgesteld.

Toen Karel V uit Spanje terugkeerde en Antwerpen bezocht, schreef Grapheus een lofrede om zijn terugkomst te vieren. Maar in 1522 werd hij gearresteerd wegens ketterij, meegenomen naar Brussel voor verhoor en gevangengezet. Hij verloor toen zijn functie als secretaris. In 1523 werd hij vrijgelaten en keerde terug naar Antwerpen, waar hij hoogleraar Latijn werd. In 1540 werd hij opnieuw stadssecretaris van Antwerpen.
De zuster van Quinten Matsys, Catharina, en haar man werden in 1543 in Leuven ter dood veroordeeld. Hun misdaad? Het lezen van de Bijbel. Hij werd onthoofd en zij werd levend begraven op het plein voor de kerk.
Vanwege hun religieuze overtuigingen verlieten Matsys’ kinderen Antwerpen en gingen in 1544 in ballingschap. Cornelis bracht zijn laatste dagen door in het buitenland.
5. In de ban van Erasmus


In 1499 ontmoetten Thomas More en Erasmus elkaar in Londen. Hun eerste ontmoeting groeide uit tot een levenslange vriendschap en ze bleven regelmatig met elkaar corresponderen. In deze tijd werkten ze samen aan de vertaling in het Latijn en het drukken van enkele werken van de satiricus Lucianus van Samosata (ca. 125-180 n.Chr.), die ten onrechte de bijnaam « de Cynicus » kreeg.
Erasmus vertaalde Lucianus’ satirische tekst, Over hen die door de groten worden betaald,105 en liet deze naar zijn vriend Jean Desmarais sturen, hoogleraar Latijn aan de Universiteit Leuven en kanunnik van de Sint-Pieterskerk in die stad.
Lucien valt in zijn tekst de denkwijze aan van geleerden die hun ziel, hun geest en hun lichaam verkopen aan de dominante macht:
« Wat een vreugde om de eerste burgers van Rome tot je vrienden te mogen rekenen, om heerlijke diners te hebben, zonder dat het je iets kost, om te overnachten in een prachtig huis, om op je gemak te reizen, zachtjes liggend op een wagen getrokken door witte paarden, om bovendien een prachtige beloning te ontvangen voor deze vriendschap en het welzijn dat je mag genieten! Wat een goed werk, waar alles zo ontstaat zonder zaad of teelt. »106
In een waar manifest tegen vrijwillige onderwerping, vooruitlopend op de soumission volontaire van La Boétie, valt Lucien hun perverse fantasie aan als de oorzaak van hun capitulatie:
« Er blijft slechts één motief over waarvan ik geloof dat het waar is, maar dat zij niet toegeven: de hoop om van duizend genoegens te genieten, jaagt hen naar deze huizen, getroffen door de schittering van het goud en zilver waarmee ze glimmen, volkomen gelukkig met de feesten en de luxe die ze zichzelf beloven; wanneer zij het goud uit de volle beker drinken, zonder belemmering.
Dit is wat hen drijft; Daarom ruilen ze hun vrijheid in voor slavernij. Het is niet, zoals ze zeggen, de behoefte aan het noodzakelijke, maar het verlangen naar het overbodige en al die pracht en praal.
Maar net als ongelukkige geliefden, net als ongelukkige aanbidders, worden ze door de rijken behandeld met de sluwe trots van een geliefd object, die de hartstocht van zijn achtervolgers in stand houdt, maar zich nauwelijks laat beroven van de amoureuze gunst van een kus, omdat hij weet dat genot de liefde vernietigt: hij weigert daarom dit genot, hij beschermt zich er met de grootste zorg tegen.
Om de geliefde echter een sprankje hoop te geven, uit angst dat buitensporige strengheid hem tot wanhoop zou drijven en hij zou kunnen ophouden met liefhebben, schenken we hem een glimlach, beloven we hem op een dag te doen wat hij wil, aardig te zijn en hem met alle mogelijke consideratie te behandelen; dan komt de leeftijd, en al snel zijn de liefde van de een en de gunsten van de ander niet meer op hun tijd. Hun hele leven bestaat dus uit hopen. »107
Het was in 1515 dat Thomas More door de Engelse koning Hendrik VIII op een diplomatieke missie werd gestuurd om belangrijke internationale handelsgeschillen in Brugge te beslechten. In Antwerpen, ontmoette hij Erasmus’ vriend Pieter Gillis (1486-1533) (gelatiniseerd als Petrus Ægidius), een collega-humanist en secretaris (burgemeester) van de stad Antwerpen. Gillis, die op zeventienjarige leeftijd als proeflezer was begonnen in de drukkerij van Dirk Martens in Leuven en Antwerpen, kende Erasmus al sinds 1504. De humanist raadde hem aan om verder te studeren en ze hielden contact.
In Leuven gaf drukker Martens diverse boeken van humanisten uit, waaronder die van Dionysius de Kartuizer (1401-1471)en De inventione dialectica (1515) van Rudolphus Agricola, het meest gekochte en gebruikte handboek voor hoger onderwijs op scholen en universiteiten in heel Europa.
Net als Erasmus was Gillis een leerling en bewonderaar van Agricola, een emblematische figuur van de school van de Broeders van het Gemene Leven in Deventer. Agicola, Erasmus’ favoriete leraar, was een uitmuntend pedagoog, muzikant, orgelbouwer, dichter in het Latijn en de volkstaal, diplomaat, bokser en tegen het einde van zijn leven een Hebreeuws kenner. Hij was een inspiratiebron voor een hele generatie. Gillis’ huis in Antwerpen was ook een belangrijke ontmoetingsplaats voor humanisten, diplomaten en internationaal gerenommeerde kunstenaars.
Ook Quinten Matsys was daar altijd een welkom. Ten slotte was het Gillis die de schilder Hans Holbein de Jongere aan het Engelse hof aanbeval, de jonge tekenaar die het Lof der Zotheid van Erasmus had geïllustreerd. Hierdoor werd hij in Engeland met groot enthousiasme ontvangen door Thomas More. Zijn broer Ambrosius Holbein (1494-1519) zou later More’s Utopiaillustreren.
6. De utopie van Thomas More

Gillis deelt met More en Erasmus een sterk gevoel voor rechtvaardigheid, en ook een typisch humanistische bezorgdheid die zich toelegt op het zoeken naar betrouwbaardere bronnen van wijsheid. Hij is vooral bekend als een personage dat verschijnt in de openingspagina’s van Utopia, wanneer Thomas More hem presenteert als een toonbeeld van beleefdheid en een humanist die zowel aangenaam als serieus is:
« Tijdens dit verblijf [in Brugge] ontving ik, naast andere bezoekers en welkome gasten, vaak Pieter Gillis. Hij werd geboren in Antwerpen en geniet grote verdienste en een vooraanstaande positie onder zijn medeburgers, die de allergrootsten waardig is. De kennis en het karakter van deze jongeman zijn immers opmerkelijk. Hij is inderdaad vol vriendelijkheid en eruditie en verwelkomt iedereen met vrijgevigheid, maar als het om zijn vrienden gaat, doet hij dat met zoveel enthousiasme, genegenheid, trouw en oprechte toewijding, dat er maar weinig mensen zijn die qua vriendschap met hem te vergelijken zijn. Weinig mannen hebben zo’n bescheidenheid, zo’n gebrek aan gekunsteldheid, zo’n natuurlijk gezond verstand, zo’n charmante conversatie, zo’n scherpzinnigheid met zo weinig kwaadaardigheid. »

Het bekendste werk van Thomas More is natuurlijk Utopia, gecomponeerd in twee delen.
Het is een beschrijving van een fictief eiland dat niet werd geregeerd door aristocraten of een oligarchie zoals de meeste Europese staten, maar dat werd bestuurd op basis van de ideeën die Platoformuleerde in zijn dialoog De Republiek.
Terwijl Erasmus in Lof der Zotheid opriep tot hervorming van de kerk, riep More in Utopia(deels door Erasmus afgewerkt), een andere satire op de corruptie, hebzucht, hebberigheid en mislukkingen die zij om zich heen zagen, op tot hervorming van de staat en de economie.
Thomas More kreeg het idee voor het boek toen hij in 1515 in Gillis’ Antwerpse residentie Den Spieghel verbleef.



Het eerste deel van Utopiabegint met briefwisseling tussen More en zijn vrienden, waaronder Pieter Gillis. Toen de Engelse humanist in 1516 naar Engeland terugkeerde, schreef hij het grootste deel van het werk.
Tussen december 1516 en november 1518 werden vier edities van Utopiasamengesteld door Erasmus en Thomas More en in december 1516 gepubliceerd bij uitgever Dirk Martens in Leuven.
Bij de tekst is er een kaart van het eiland Utopia, verzen van Gillis en het « utopische alfabet » dat hij voor deze gelegenheid had bedacht. Verder vinden we verzen van Geldenhouwer, een geschiedschrijver en hervormer die eveneens een opleiding had genoten bij de Broeders van het Gemene Levens te Deventer, verzen van Grapheus en de brief van Thomas More waarin hij het boek aan Gillis opdroeg.
Enkele jaren na de dood van More en Erasmus, publiceerde Grapheus samen met Pieter Gillis zijn Enchiridio Principis Ac Magistratus Christiani (1541).
7. Pieter Gillis en het “Tweeluik der Vriendschap”

Naast drieluiken en religieuze schilderijen muntte Matsys uit in het schilderen van portretten. Een van Matsys’ mooiste werken is het dubbelportret van Erasmus en zijn vriend Gillis, geschilderd in 1517.108
Dit vriendschapstweeluik zou dienen als een « virtueel » bezoek aan hun Engelse vriend Thomas More in Londen. Ze vroegen aan hun vriend Quinten Matsys om de twee portretten te maken, omdat hij in Antwerpen de beste schilder was. Het portret van Erasmus was het eerste dat voltooid werd. Het portret van Gillis vroeg meer tijd omdat het model tussen de poseer-sessies ziek werd. De twee humanisten hadden in hun correspondentie met Thomas More over dit dubbelportret gesproken, wat misschien geen goed idee was, omdat More voortdurend naar de evolutie van de werkzaamheden informeerde en erg ongeduldig werd om dit geschenk te ontvangen. Beide werken werden uiteindelijk voltooid en naar More gestuurd toen hij in Calais was. Hoewel de twee geleerde mannen op afzonderlijke panelen zijn afgebeeld, worden ze in een doorlopende studieruimte gepresenteerd. Als we de twee schilderijen naast elkaar zetten, zien we hoe Matsys de boekenkast achter de twee figuren heeft geplaatst. Hierdoor ontstaat de indruk dat de twee personen die op de twee afzonderlijke panelen zijn afgebeeld, zich in dezelfde ruimte bevinden en elkaar aankijken.
Erasmus is druk aan het schrijven en Pieter Gillis toont de Antibarbari, een boek dat Erasmus voorbereidde voor publicatie, terwijl hij in zijn linkerhand een brief van More vasthoudt. De voorstelling van Erasmus in zijn studeervertrek doet denken aan de voorstellingen van Sint-Hiëronymus, die met zijn vertaling van de Bijbel een voorbeeld was voor alle humanisten en wiens werk Erasmus net had gepubliceerd. Het is interessant om naar de boeken in de planken op de achtergrond te kijken.
Op de bovenste plank van het schilderij van Erasmus staat een boek met de tekst Novum Testamentum Graece, de eerste editie van het Nieuwe Testament in het Grieks, uitgegeven door Erasmus in 1516.
Op de onderste plank staat een stapel met drie boeken.
- Het onderste boek draagt het opschrift Hieronymus, dat verwijst naar de humanistische edities van de werken van deze kerkvader;
- het middelste boek draagt het opschrift Lucianus, verwijzend naar de samenwerking tussen Erasmus en Thomas More bij de vertaling van Lucianus’ Dialogen.
- Het opschrift op het boek bovenaan de drie is het woord Hor, dat oorspronkelijk werd gelezen als Mor. De eerste letter werd waarschijnlijk veranderd tijdens een vroege restauratie, want naast het feit dat Morde eerste letters zijn van de achternaam van Thomas More, verwijzen ze zeker naar de satirische essays die Erasmus schreef toen hij in 1509 bij Thomas More in Londen verbleef en die de titel Encomium Moriae (Lof der zotheid) droegen.
We zien Erasmus een boek schrijven. Aan deze weergave is speciale aandacht besteed, omdat de woorden op het papier een parafrase zijn van de brief van Paulus aan de Romeinen, het handschrift een nauwkeurige weergave is van dat van Erasmus en de rietpen die hij vasthoudt bekend stond als Erasmus’ favoriete schrijfmedium.
Als we beter kijken, zien we in de schaduwen een beurs in de plooien van Erasmus’ mantel. Erasmus wilde wellicht dat de kunstenaar dit verbeelde om zijn vrijgevigheid te illustreren. Erasmus en Gillis lieten Thomas More weten dat ze samen de kosten van het schilderij deelden, omdat ze wilden dat het een geschenk van hen beiden zou zijn.
Thomas More gaf in talloze brieven uiting aan zijn grote tevredenheid over deze portretten. Volgens hem schilderde Matsys de schilderijen met « zo’n grote virtuositeit dat alle schilders uit de oudheid erbij in het niet vallen ». Maar hij gaf toe dat hij zijn beeltenis liever in steen had zien gehouwen (in een vorm die hij minder vergankelijk achtte…).
8. De Da Vinci-connection (I)



Verschillende schilderijen tonen onomstotelijk aan dat Matsys en zijn gevolg over meer dan oppervlakkige kennis beschikten en zich deels lieten inspireren door de schilderijen en tekeningen van Leonardo da Vinci, zonder dat ze noodzakelijkerwijs de wetenschappelijke en filosofische bedoelingen en diepte van de auteur volledig begrepen.
Dat is duidelijk het geval bij Madonna met Kind in het Museum van Poznan (1513, Polen). Hier wordt, in de stijl van Patinir, de sierlijke en liefdevolle houding van Maria met Christus in haar armen afgebeeld, waarbij Christus het lam omhelst. Het is bijna een kopie van Leonardo da Vinci’s Sint-Anna en de Maagd Maria, een werk dat hij in 1503 begon en in 1517 naar Amboise in Frankrijk bracht. Zoals reeds vermeld, is het niet bekend hoe dit beeld de meester heeft bereikt, via prenten, tekeningen of persoonlijke contacten.

Een tweede voorbeeld vinden we in het Altaarstuk van het schrijnwerkersambacht (1508-1511).
Het centrale tafereel van het open drieluik doet denken aan De Kruisafname van Rogier van der Weyden (1435, Museo del Prado, Madrid). Op de achtergrond, een landschap. Het religieuze drama wordt tot in detail bestudeerd en op harmonieuze wijze opgevoerd.
Tegelijkertijd heeft Matsys eerbied voor de gelovigen die veel waarde hechten aan het verhaal van het religieus gebeuren zelf. Hoewel de scène aanzet tot nadenken en gebed, maakt Matsys ook gebruik van contrast. Hoewel sommige van de meer rustieke personages, met name de oosterse hoofden, mogelijk geïnspireerd zijn door de gezichten van zeelieden en kooplui die hij in de haven tegenkwam, zijn de gelaatstrekken van degenen die getroffen zijn door pijn en verdriet, vol gratie. Zoals van der Weyden, schildert ook Matsys ogen vol tranen.

Op het middelste paneel zien we niet het lijden, maar de klaagzang na het lijden. Het toont het moment waarop Jozef van Arimathea109 de Maagd Maria om toestemming komt vragen om het lichaam van Christus te begraven. Achter de centrale handeling ligt de heuvel Golgotha, met zijn paar bomen, het kruis en de gekruisigde dieven.
Op het linkerpaneel is te zien hoe Salome het hoofd van Johannes de Doper aanbiedt aan Herodes de Grote,110 koning van Judea, een vazalstaat van Rome.
Het rechterpaneel is een scène van buitengewone wreedheid. Het toont Johannes de Doper, wiens lichaam in een ketel met kokende olie wordt gedompeld. De heilige, naakt vanaf zijn middel, lijkt bijna engelachtig, alsof hij niet lijdt. Om hem heen een menigte sadistische gezichten, lelijke boeren in schreeuwerige kleding. De enige uitzondering op deze regel is de figuur van een jonge man, mogelijk een afbeelding van de schilder zelf, die het tafereel vanaf de kruin van een boom bekijkt.
De gezichten van de figuren die Johannes de Doper omringen, net als de gezichten van de figuren die de ketel verwarmen, zijn rechtstreeks overgenomen van een tekening van Leonardo da Vinci, De vijf groteske koppen(circa 1494, Windsor Castle, Engeland). Vlaamse ironie en humor verwelkomden die van Da Vinci!

Bij Da Vinci lijken de gezichten zelfs in lachen uit te barsten als ze naar elkaar en naar de gekroonde figuur in het midden kijken. De bladeren van deze kroon zijn niet die van de laurierbomen ter ere van dichters en helden, maar die van… een eik. De antihumanistische en oorlogszuchtige paus die in die tijd in Rome zegevierde, was Julius II,111 die door Rabelais in de hel werd opgesloten omdat hij kleine pasteitjes verkocht. Giulio was een lid van een machtige Italiaanse adellijke familie, het Huis Della Rovere, letterlijk « van de eik »…
C. Erasmiaanse wetenschap van het groteske
1. In religieuze schilderkunst
Het gebruik van groteske koppen (tronies), die de lage passies uitdrukken die slechte mensen overweldigen en domineren, was een gangbare praktijk in religieuze schilderijen om de werken levendiger en contrastrijker te maken.
In 1505 reisde Dürer naar Venetië en de universiteitsstad Bologna om perspectief te leren. Vervolgens reisde hij verder naar het zuiden, naar Florence, waar hij, volgens de experten, de werken van Leonardo da Vinci en van de jonge Raphael ontdekte. Vervolgens reisde hij naar Rome.

Christus tussen de Schriftgeleerden (1506, Collectie Thyssen Bornemisza, Madrid) werd in vijf dagen in Rome geschilderd en weerspiegelt ook de mogelijke invloed van Da Vinci’s grotesken.
Dürer was begin 1507 terug in Venetië, alvorens hij datzelfde jaar naar Neurenberg terugkeerde.
Een ander sprekend voorbeeld is het schilderij De kruisdraging van Jheronimus Bosch (na 1510, Gent). Het hoofd van Christus wordt omgeven door een dynamische groep « tronies » of groteske gezichten.

Werd Bosch geïnspireerd door Da Vinci en Matsys, of was het andersom? Hoewel de compositie op het eerste gezicht chaotisch lijkt, is de structuur heel doordacht.
Het hoofd van Christus, in Bosch’s oeuvre, bevindt zich precies op het snijpunt van twee diagonalen. De balk van het kruis vormt een diagonaal, met linksboven de figuur van Simon van Cyrene die Christus helpt het kruis te dragen, en rechtsonder de « slechte » moordenaar.
De andere diagonaal verbindt de afdruk van het gezicht van Christus op de lijkwade van Veronica (linksonder) met de afdruk van de berouwvolle dief (rechtsboven). Hij wordt agressief bedreigt door een slechte charlatan of Farizeeër en een slechte monnik. Bosch verwijst hiermee duidelijk naar het religieuze fanatisme van zijn tijd.
De groteske koppen doen denken aan de maskers die vaak in de Passiespelen worden gebruikt en aan de karikaturen van Leonardo da Vinci. Het gezicht van Christus daarentegen is sereen en vol zachtheid. Hij is de lijdende Christus, door iedereen verlaten, die over alle kwaad in de wereld zal zegevieren. Deze voorstelling past perfect bij de ideeën van de Devotio Moderna.112


Quinten Matsys, in zowel zijn Christus die het kruis draagt als zijn Ecce Homo (1526, Venetië, Italië) is duidelijk vertrouwd met de Bosch-traditie.
2. Bankiers, tollenaars en woekeraars

Matsys’ satirische veroordeling van woeker en hebzucht houdt rechtstreeks verband met de religieuze, filosofische, sociale en politieke kritiek van Erasmus en More.
Marlier beschrijft op meesterlijke wijze hoe woekeraars en speculanten de dominante spelers werden in het economische leven van die tijd in Antwerpen, een situatie die doet denken aan de huidige wereldwijde situatie:
« In de 16e eeuw ging de geleidelijke vervanging van het oude corporatieve regime door de nieuwe kapitalistische economie gepaard met een opeenvolging van crises, waaronder vooral de gewone mensen leden. Speculatie op de aandelenmarkt, monetaire manipulatie en geldhandel bevorderen de opbouw van aanzienlijke fortuinen, maar leiden ook tot verarming en vaak de ondergang van ambachtslieden en boeren. Rijke handelaren en financiers nemen de industrie over en verlagen de arbeider tot de rang van proletariër. Werknemers moeten nu dezelfde arbeidsvoorwaarden doornemen als degenen die hen in dienst hebben. Lonen worden niet langer gerespecteerd en er is vaak sprake van grote werkloosheid, waardoor gezinnen in armoede terechtkomen.
De economische omwenteling ging gepaard met financiële problemen, veroorzaakt door de toestroom van edele metalen uit Amerika naar Spanje. In Antwerpen vonden gigantische banktransacties plaats. Onder Karel V groeide de stad uit tot de grootste geldmarkt van Europa. Vanaf het derde decennium van de eeuw begon de koopkracht van valuta te dalen, wat leidde tot een voortdurende prijsstijging. De lonen blijven daarentegen gelijk. De financiers monopoliseren de goederen, houden de monopolies in handen en nemen zelfs het land in beslag, terwijl ze de pachters genadeloos uitknijpen. Dit zijn de nouveau riches, tegen wie de armen en de zwakken morren, maar die de keizer beschermt, omdat zij de enigen zijn die hem de fondsen kunnen voorschieten die hij nodig heeft voor zijn Europese politiek.
Karel V moest gehoor geven aan de draconische eisen van zijn bankiers en de exorbitante rente die hij moest betalen, dwong hem tot een belastingverhoging. Het verdisconteert de opbrengsten van toekomstige belastingen en veilt bepaalde schatkistkantoren. We kunnen ons voorstellen welke misstanden hieruit voortkomen. Belastingen worden niet rechtstreeks door de overheid geheven, maar worden verpacht aan accijnsbetalers, die zichzelf door hun hoge belastingen haten. Ze zijn genadeloos tegenover de kleine mensen, die ze het weinige dat ze bezitten afpakken. »
« In zo’n situatie »,concludeert Marlier,« waar crises zich vermenigvuldigen, waar van de ene op de andere dag een vals voorspoedige ondergang volgt, waar de handel wordt overspoeld door een groot aantal oneerlijke praktijken, moet woeker wel floreren. Van hoog tot laag op de maatschappelijke ladder worden veel mensen gedwongen om geld te lenen, tegen torenhoge rentetarieven. Op alle niveaus van de samenleving is de woekeraar actief op zoek naar winst. De slachtoffers vallen zowel onder de aristocratie als onder de boeren en arbeiders. In de steden is er nu een klasse mannen en vrouwen die alleen van woeker leven. »113


Daarbij komt nog dat de Fuggers en vooral de Welsers114 nauw betrokken waren bij de vroege slavenhandel van Afrika naar Amerika.
De Fuggers gebruikten hun mijnen in Oost-Europa en Duitsland om manillaste produceren. Dit waren koperen en bronzen armbanden die de geschiedenis ingingen als ruilobjecten en « handelsgeld » aan de kusten van West-Afrika.
De Welsers, die zich toelegden op de handel in specerijen en textiel, probeerden een kolonie te stichten in het huidige Venezuela (de Spaanse naam is afgeleid van het Italiaanse Venezziola, « Klein Venetië », dat later Welserlandwerd) en verscheepten meer dan 1.000 Afrikaanse slaven naar Amerika.
Ondertussen werden in de huizen van de welvarende burgers van Augsburg slaven van Indië gedwongen om voor hun « meesters » te werken.

Volgens de officiële website van de familie Fugger is het verhaal dat Anton Fugger in 1530 zijn schuldbewijzen in het vuur gooide, voor het oog van Karel V, om zo ruimhartig de terugbetaling van leningen kwijt te schelden, puur uitvindsel en propaganda.
Maar hij verleende de nieuwe keizer een kleine schuldvermindering (haircut). In ruil daarvoor zag Karel V af van de door hem voorgestelde « Keizerlijke Monopoliewet », die de macht van de banken en handelshuizen van het Heilige Roomse Rijk aanzienlijk zou hebben beperkt.
Volgens Fugger-onderzoeker Richard Ehrenberg ontstond het verhaal over Anton pas aan het einde van de 17e eeuw, alleen maar om aan te tonen hoe trouw zij waren aan de keizer.
Thomas More en Erasmus veroordeelden de brutale opkomst van aasgier-kapitalisme, uitbuiting en criminele financiële praktijken in Utopia.
Zonder de opkomst van het moderne ondernemerskapitalisme te ontkennen, veroordeelt Erasmus botweg de misstanden van ongebreideld financieel winstbejag:
« Christus », zo verklaart hij, « verbiedt niet vindingrijke activiteiten, maar de tirannieke drang naar profijt. »115
Ambtenaren, zo betoogde hij in zijn Opvoeding van een christelijke prins (1516), geschreven ter lering van de jonge Karel V die het boek nooit zal lezen, moesten worden gerekruteerd op basis van hun bekwaamheid en verdiensten, niet vanwege hun roemruchte naam of maatschappelijke status.
Voor Erasmus (satirisch sprekend door de mond van Zotheid):
« De meest dwaze en verachtelijke van alle menselijke klassen zijn de handelaren. Ze zijn voortdurend bezig met hun walgelijke liefde voor winst en gebruiken de meest doeltreffende middelen om die te bevredigen: liegen, meineed, diefstal, fraude en bedrog vullen hun hele leven. Ze beschouwen zichzelf echter wel een belangrijk persoon, want hun vingers zitten vol met gouden ringen en er zijn genoeg vleiende monniken die niet blozen om hen in het openbaar de meest eervolle titels te geven om zo een deel van hun oneerlijk verkregen rijkdom in te palmen. »116

Volgens Larry Silver, op basis van de registers van de boekhouding die in dit werk zijn afgebeeld en het feit dat de belastinginning in die tijd aan privé agenten was toevertrouwd, zou men de naam van dit werk, De woekeraars moeten veranderen in De tollenaars.
Dat verandert niets aan het feit dat het centraal onderwerp van dit werk overeenkomt met de inhoud van een oud spreekwoord uit die tijd:
« Een woekeraar, een molenaar, een geldwisselaar en een tollenaar zijn de vier evangelisten van Lucifer. »
De man rechts (de woekeraar met een groteske uitdrukking) geeft hier een deel van de buit aan de gemeentesecretaris (de tollenaar, met een « normale » uitdrukking). De woekeraar, die zijn eigen leren beurs beschermd, toont hier het groteske en lelijke gezicht van hebzucht, gerechtvaardigd door de wet en wat in de officiële registers werd vastgelegd.
De actieve/passieve medeplichtigheid tussen de twee mannen is de ware lelijkheid van het verhaal. Silver geeft toe dat geldwisselaars vaak dezelfde rol speelden als bankiers, waarbij hij economisch historicus Raymond de Roover citeert.
Bovendien werd de vierde beschuldigde, de molenaar (doelwit van de schilderijen van Bosch en Bruegel), vaak gehekeld omdat de graanprijs een steeds terugkerend pijnpunt werd in tijden van schommelende prijzen voor basisproducten, zoals in deze periode het geval was.
Aangezien de verarming van de bevolking, in het bijzonder vanaf de jaren 1520, werden dergelijke satirische veroordelingen van financiële hebzucht natuurlijk heel populair. Het onderwerp werd vrijwel onmiddellijk overgenomen door de zoon van de schilder, Jan Matsys (1510-1575), die het vrijwel identiek kopieerde, Marinus van Reymerswaele (1490-1546) en JanSanders van Hemessen (1500-1566).
De bankier en zijn vrouw


In een meer « beschaafde » versie van deze metafoor, op hetzelfde thema, vinden we de beroemde Bankier en zijn vrouw van Quinten Matsys (1514, Louvre, Parijs).117
In een hoofdstuk van zijn boek De Vlaamse Primitieven getiteld De erfgenamen van de grondleggers beschouwt kunsthistoricus Erwin Panofsky118 dit werk als een « reconstructie » van een « verloren werk van Jan van Eyck (een « schilderij met halffiguren, voorstellende een baas die zijn rekeningen vereffent met zijn werknemer »), dat Marcantonio Michiel beweert te hebben gezien in de Casa Lampugnano in Milaan. »
Laten we nogmaals benadrukken dat dit geen dubbelportret is van een bankier en zijn vrouw, maar één metafoor.
Terwijl de bankier (in hetzelfde gebaar als Jacob Fugger op het schilderij van Lorenzo Lotto) controleert of het gewicht van het metaal van de munten overeenkomt met hun nominale waarde, werpt zijn vrouw, die de bladzijden van een getijdenboek omslaat, een trieste blik op de hebzuchtige activiteiten van haar zichtbaar ongelukkige echtgenoot.
In 1963 schreef Georges Marlier:
« Het schilderij van het Louvre heeft geen satirische toon, maar weerspiegelt een morele bekommering (…) De stichtelijke bedoeling wordt onderstreept door een inscriptie die op de lijst verscheen toen het schilderij zich in de collectie Stevens in Antwerpen bevond, rond het midden van de 17e eeuw: “Stature justa et aequa sint podere” (laat de weegschaal rechtvaardig zijn en de gewichten gelijk)119
In Leviticus XIX, 35-36 kunnen we lezen:
35. Doe niets dat in strijd is met de billijkheid, noch in oordelen, noch in normen, noch in gewichten, noch in maten.
36. Laat de weegschaal rechtvaardig zijn en de gewichten zoals ze horen te zijn; Laat de korenmaat rechtvaardig zijn, en laat de bekerhouder zijn maat hebben.
De bankier heeft, naast de weegschaal die hij gebruikt, ook een weegschaal aan de muur hangen achter zich. Voor christelijke humanisten is het gewicht van materiële rijkdom het tegenovergestelde van dat van geestelijke rijkdom. In Van der Weydens Laatste Oordeel in Beaune toont de schilder ironisch genoeg een engel die de herrezen zielen weegt en de zwaarste onder hen… naar de hel stuurt.
Anderen beweren dat de vrouw van de bankier niet helemaal ongevoelig is voor de geldstukken, maar dat haar ogen meer op de handen van haar man gericht zijn dan op de voorwerpen die op tafel liggen. Vroomheid of het genot van rijkdom? Een stuk fruit op de plank (een appel of sinaasappel), net boven haar man, zou kunnen verwijzen naar de verboden vrucht, maar de kaars die niet brandt op de plank achter haar, herinnert aan de kortstondigheid van aardse genoegens.

Wanneer Marinus van Reymerswaele dit thema (hierboven) opneemt, lijkt de verleiding voor de vrouw om geld op tafel te leggen nog wat groter.

We kunnen aannemen dat de bolle (convexe) spiegel,120 die op de voorgrond op de tafel van het echtpaar is geplaatst, functioneert als een « mise en abyme » (een « kamer in een kamer » of « een schilderij in een schilderij »). We zien een man (de bankier?) die zelf een boek (religieus?) leest.
De bolle spiegel toont niet noodzakelijkerwijs een bestaande, reële ruimte, maar kan ook een denkbeeldige plaats buiten de ruimte-tijd van de hoofdscène weergeven. Het kan eventueel de bankier in zijn toekomstige leven laten zien, vrij van hebzucht, die met grote passie een religieus boek leest?
Terwijl het gebruik van bolle spiegels (waarvan de optische wetten werden beschreven door Arabische wetenschappers zoals Alhazen en bestudeerd door Franciscanen uit Oxford, zoals Roger Bacon).121 doet Matsys’ werk denken aan Van Eycks’ Echtpaar Arnolfini(1434, National Gallery, Londen)122 enPetrus Christus’ (1410-1475)Goudsmid in zijn atelierof Sint-Eligius123 (1449, Metropolitan Museum of Art, New York) en is een oprecht en zeer geslaagd eerbetoon aan Van Eyck.
Het goede nieuws is dat de tot nu toe meest aanvaarde hypothese over de betekenis van dit schilderij is dat het een religieus en moraliserend werk is, met als thema de ijdelheid van aardse goederen in tegenstelling tot tijdloze christelijke waarden, en een veroordeling van hebzucht als een doodzonde.
De roeping van Matteüs.
Inhoudelijk gezien kan het schilderij ook in verband worden gebracht met een gemeenschappelijk en populair thema uit die tijd, namelijk De roeping van Matteüs.124
9. Toen Jezus daar wegging, zag Hij een man, Matteüs genaamd, in het huisje van de tollenaar zitten. Hij zei tegen hem: « Volg Mij », en Mattheüs stond op en volgde hem.
10. Terwijl Jezus in het huis van Matteüs zat te eten, kwamen er veel tollenaars en zondaars bij Hem en zijn discipelen eten.
11. Toen de Farizeeën dit zagen, vroegen ze zijn leerlingen: « Waarom eet uw Meester met tollenaars en zondaars? »
12 Toen Jezus dit hoorde, zei hij: « Gezonde mensen hebben geen dokter nodig, maar zieke mensen wel. »
13. « Ga daarom op weg en leer wat dit betekent: Barmhartigheid wil Ik en geen offers’[a]; want Ikben niet gekomen om rechtvaardigen te roepen, maar zondaars.«
(Mattheüs 9, 9-13)
De bovenstaande passage is waarschijnlijk autobiografisch, omdat het de roeping beschrijft van Matteüs om Jezus te volgen als apostel. Zoals bekend, reageerde Matteüs positief op de roeping van Jezus en werd hij een van de twaalf apostelen.
Volgens het Evangelie heette Matteüs oorspronkelijk Levi. Hij was een belastinginner (tollenaar) in dienst van Herodes en was daarom niet erg geliefd. De Romeinen dwongen het Joodse volk om belasting te betalen. Het was bekend dat tollenaars de bevolking oplichtten door meer te vragen dan vereist en het verschil in eigen zak stoken. Toen Levi eenmaal de roeping om Jezus te volgen had aanvaard, werd hij vergeven en kreeg hij de naam Mattheüs, wat « geschenk van Jahweh » betekent.
Dit thema kon Erasmus alleen maar bevallen, sinds het niet de nadruk legde op straf of zonde zelf, maar op positieve transformatie en verandering als resultaat van vrije wilskeuze.


Zowel Marinus van Reymerswaele (in 1530) als Jan van Hemessen (in 1536), die Matsys na diens dood kopieerden en door hem werden geïnspireerd, namen het onderwerp over. Op het schilderij van Van Hemessen, net als op het werk van Matsys, zien we ook de vrouw van de belastinginner vooraan staan, eveneens met haar hand op een open boek.
3. De Da Vinci-connection (II)


Samengevat kunnen we zeggen dat er tot nu toe drie elementen in Matsys’ werk zijn die ons in staat stellen zijn nauwe banden met Italië en Da Vinci vast te stellen.
- Zijn goede kennis van perspectief, in het bijzonder die van Piero della Francesca, zoals blijkt uit het marmeren gewelf in Italiaanse stijl dat voorkomt in het Triptiek van Sint-Anna (Antwerpen);125
- Zijn overname van Da Vinci’s vijf groteske koppen, in de sadisten aan het werk in het zijluik vanhet Sint-Annaretabel(Antwerpen)
- De overname van de houding van de Maria met kind en Sint-Anna van Da Vinci (Louvre) in Matsys’ Madonna met Kind (Poznan, Polen).
Hoe deze invloed tot stand kwam, blijft een raadsel. Er zijn meerdere hypothesen toegestaan, die elkaar kunnen aanvullen:
- Hij kon met andere kunstenaars die dergelijke reizen hadden gemaakt, van gedachten wisselen en in Italië contacten leggen. Een andere hypothese die onderzocht moet worden, is de vraag of Dürer, die zelf contacten in Italië had, mogelijk als tussenpersoon heeft gehandeld. Er wordt gezegd dat sommige anatomische tekeningen van Dürer naar Leonardo zijn gemaakt. Jacopo de’ Barbari schilderde een portret van Luca Pacioli, de franciscaan die Leonardo had geholpen Euclides in het Grieks te lezen. Dürer had Barbari in Neurenberg ontmoet, maar zoals we hierboven hebben gezien, was hun relatie niet erg coöperatief.
- Op vrij jonge leeftijd ging hij naar Italië (Milaan, Venetië, enz.) waar hij direct contact kon leggen met Leonardo of met een of meerdere van diens studenten. Volgens Philippe d’Aarschotwerd Matsys, « zonder ooit een voet in Italië te hebben gezet, beïnvloed door Leonardo da Vinci. Is zijn Maria Magdalena (Museum Antwerpen) niet een replica van de Mona Lisa?« 126 Er wordt ook gezegd dat ook Holbein de Jongere beïnvloed werd door Leonardo, zoals blijkt uit enkele van zijn composities.127
- Matsys kreeg gravures te zien die door Italiaanse en Noord-Italiaanse kunstenaars waren gemaakt en verspreid. Hoewel de originele tekeningen en manuscripten na de dood van Leonardo’s meester in 1519 in Amboise werden gekopieerd en later verkocht door Melzi’s zoon, is Leonardo’s invloed op Matsys al vanaf 1507 merkbaar.

Het werk van Leonardo wekte de interesse van heel Europa. Zo werd in 1545 een levensgrote replica van het fresco Het Laatste Avondmaal van Leonardo da Vinci aangekocht door de Norbertijnerabdij van Tongerlo. Andrea Solario (1460-1524), een leerling van Leonardo da Vinci, zou het werk samen met andere kunstenaars hebben gemaakt. Uit recent wetenschappelijk onderzoek blijkt echter dat Leonardo delen van deze replica zelf heeft geschilderd.

Professor Jean-Pierre Isbouts128 en een team wetenschappers van onderzoeksinstituut IMEC onderzochten het doek met multispectrale camera’s. Daarmee kunnen de verschillende lagen van een schilderij worden gereconstrueerd en kunnen restauraties worden onderscheiden van het origineel.
Volgens de onderzoekers trekt één personage in het bijzonder de aandacht. Johannes, de apostel links van Jezus, is geschilderd met de speciale « sfumato »-techniek. Het is dezelfde techniek die werd gebruikt om de Mona Lisa te schilderen, en die alleen Leonardo beheerste, meent Isbouts.

Op vergelijkbare wijze neemt Joos Van Cleve in het onderste luik van zijn Bewening(1520-1525) de compositie van Leonardo da Vinci’s Laatste Avondmaal over, wat duidelijk aantoont dat dit schilderij bij de meeste schilders in het Noorden bekend was.
Tenslotte, zoals Silver opmerkt, verschijnt één van Leonardo’s Vijf groteske koppen, in spiegelbeeld ten opzichte van het origineel, opnieuw voor de oude man in Matsys’ later schilderij, het Ongepast koppel!
Dat het in spiegelbeeld verschijnt, zou verklaard kunnen worden als Matsys het in een gravure zag. Bij het afdrukken van de plaat verschijnt het afgedrukte beeld daadwerkelijk negatief ten opzichte van het origineel.




Ook een studie van Leonardo da Vinci van een (niet-grotesk) hoofd van een apostel voor het Laatste Avondmaal, vertoont kenmerken die dicht bij die van Matsys liggen.

4. De kunst van het groteske per se

Leonardo da Vinci’s werk met « groteske koppen » dateert in ieder geval uit de vroege Milanese periode (jaren 1490), toen hij op zoek ging naar een model om « Judas » op het fresco van het Laatste Avondmaal (1495-1498) te schilderen.
Er wordt gezegd dat Da Vinci zich bij de schepping van de personages in het schilderij liet inspireren door echte mensen in en rond Milaan. Toen het schilderij bijna klaar was, had de meester nog steeds geen model voor Judas. Er wordt gezegd dat hij rondhing in de gevangenissen van Milaan en bij criminelen op zoek naar een passend gezicht en een passende uitdrukking voor Judas, de vierde figuur van links en de apostel die uiteindelijk Jezus verraadde.
Da Vinci adviseerde kunstenaars om altijd een notaboekje bij de hand te hebben en mensen te tekenen die « ruziemakend, lachend of vechtend »waren. Hij lette op de vreemde gezichten op het plein. In een briefje waarin hij uitlegt hoe je vreemden kunt tekenen, voegt hij toe:
« Ik zal niets zeggen over monsterlijke gezichten, omdat die van nature in het geheugen blijven hangen. »
Wanneer de prior van het klooster bij Ludovico Sforza klaagt over Da Vinci’s « luiheid » bij het ronddwalen door de straten op zoek naar een crimineel die Judas kan voorstellen, antwoordt de kunstenaar dat als hij niemand anders kan vinden, de prior zelf een ideaalmodel kan worden… Tijdens de uitvoering van het schilderij is Da Vinci’s vriend, de Franciscaanse wiskundige Luca Pacioli, in de stad en heeft contact met de meester.
Voor de laatstgenoemde, die altijd gretig was om de dynamiek van de contrasten in de natuur te verkennen en vast te leggen, is lelijkheid niet zomaar een spel, maar inherent aan de rol van de kunstenaar:
« Als de schilder schoonheden wil zien die hem betoveren », schrijft hij in zijn notitieboek, « dan is hij is de meester van hun productie, en als hij monsterlijke dingen wil zien die hem bang zouden kunnen maken of die belachelijk en lachwekkend of werkelijk zielig zouden zijn, dan is hij hun Heer en God. »
Da Vinci en anderen humanisten vroegen zich af wat de relatie was tussen innerlijke schoonheid (deugzaamheid) en uiterlijke, lichamelijke schoonheid. Op de achterkant van Da Vinci’s portret van Genivra de Benci (Washington DC), ziet men een vaandel met daarop de latijnse tekst: « Virtutem forma decorat » (Schoonheid siert de deugd). En dus ook omgekeerd, vroeg men zich af hoe iemands lelijk uiterlijk de uitdrukking was van zijn ondeugdzaamheid.
De Italiaanse experte Sara Taglialagamba meent dat het groteske, dat abnormaal of « buiten de normen »is, niet door Leonardo werd bedoeld « om zich tegen schoonheid te verzetten », maar als een contrast, als « het tegenovergestelde van evenwicht en harmonie ». 129
De misvormingen die kenmerkend zijn voor de figuren van Da Vinci, komen zowel bij mannen als vrouwen voor. Ze komen voor bij zowel jonge als oude mensen (hoewel ze zich vooral op oudere mensen concentreren). Geen enkel lichaamsdeel wordt gespaard en ze worden vaak gecombineerd om de geportretteerden een nog dierlijker uiterlijk te geven.

Dürer, die vandaag de dag wordt beschuldigd van « racial profiling », nam de studie van de canon van de menselijke proporties zeer serieus. Deze studie werd, met name door de ontdekking van Vitruvius’ boek De Architectura, beschouwd als de sleutel tot harmonieuze verhoudingen voor zowel de schilderkunst als de architectuur en de stedenbouw.
« Schoonheid, schreef Vitruvius, wordt geproduceerd door het aangename uiterlijk en de goede smaak van het geheel, en door de afmetingen van alle onderdelen die op de juiste wijze in verhouding tot elkaar staan. »130
Dürer heeft alle delen van het menselijk lichaam systematisch gemeten om harmonische relaties tussen de delen vast te stellen. Hij concludeert dat de variaties in de verhoudingen van gezichten en lichamen overeenkomen met de variaties die door geometrische projecties worden gegenereerd. Ze veranderen niet qua harmonie, maar ze zien er anders uit, zelfs grotesk, als ze vanuit een bepaalde hoek worden geprojecteerd.
Da Vinci en Dürer, en later Holbein de Jongere in zijn schilderij De ambassadeurs (1533, National Gallery, Londen), waren meesters in de wetenschap van de « anamorfosen », dat wil zeggen geometrische projecties vanuit raaklijnen waardoor een afbeelding zo vervormd wordt dat ze moeilijk te herkennen is voor de toeschouwer die rechtstreeks naar het platte oppervlak kijkt, terwijl de afbeelding alleen te begrijpen is wanneer deze vanuit deze verrassende hoek wordt bekeken.

Het feit dat meesters die geraffineerd mooie figuren creëren, zoals Da Vinci of Matsys, zich plotseling uitten met gekke karikaturen, lijkt misschien verontrustend, maar dat hoeft niet. Elke karikatuur is gebaseerd op metaforische gedachten, net als alle grote kunst. Renaissancekunst wordt vaak gezien als ordelijk en geruststellend, maar de grotesken zijn slechts een voortzetting van de spuiers van de kathedraalbouwers. En de « monsters » in de marge van zoveel verluchte manuscripten die Bosch uitlicht, zijn een voorbode van die van François Rabelais, Francesco Goya en James Ensor.
Zijn tronies zijn zo misvormd en afwijkend van de gebruikelijke normen dat ze als « grotesk » worden beschreven. Ze kunnen ons doen huiveren maar ze kunnen ons ook aan het lachen krijgen als we met tegenzin instemmen om neer de kijken op onze eigen onvolkomenheden of die van onze dierbaren die we liever niet willen zien. Laten we eerlijk zijn. Ons uiterlijk staat heel ver van de beelden die we in tijdschriften en op schermen zien en die we voor de werkelijkheid aanzien.
In de Lof der Zotheid van Erasmus prijst de verteller (de personificatie van de Zotheid) voor het eerst, naast vele andere prestaties, zijn eigen leidende rol bij het bereiken van dingen die met pure logica, menselijke rede, formele wijsheid en intellect zouden mislukken, zoals de belachelijke handelingen die nodig zijn om de menselijke voortplanting te bewerkstelligen.
Pas op, waarschuwt de Zotheid, als iedereen wijs en vrij van zotheid zou zijn, zou de wereld snel ontvolkt worden!
5. De metafoor van« Het ongepast koppel »

Als Erasmus met bijtende ironie de corruptie en zotheid van koningen, pausen, hertogen en prinsen aan de kaak stelt, legt hij ook dezelfde corruptie bloot die de gewone man treft, bijvoorbeeld oudere mannen die hun vrouw verlaten om bij jongere vrouwen in te trekken, een praktijk die zo wijdverbreid was, betreurde de Zotheid, « dat het bijna een onderwerp van lof is. »
De Zotheid feliciteert zichzelf met satirische ironie voor het uitstekende werk dat het doet door senioren, zowel mannen als vrouwen, enkele flinke korrels zotheid te geven:
« Het is werkelijk mijn edelmoedigheid als je overal oude mannen ziet, zo oud als Nestor, die zelfs geen menselijk gezicht meer hebben, trillend, warrig, tandeloos, grijs, kaal, of liever, om de beschrijving van Aristophanes te gebruiken: smerig, krom, ellendig, verwelkt, zonder haar of tanden of seks, die zoveel plezier in het leven hebben, zo vol jeugdige hartstocht dat de een zijn haar wit verft, de ander zijn kaalheid verbergt onder een pruik, weer een ander tanden gebruikt die hij misschien van een varken heeft geleend, weer een ander sterft van liefde voor een jong meisje en elke jongere overtreft in amoureuze onzin. We zien stervende lijken die trouwen met een jong meisje, zelfs zonder bruidsschat, die van nut zal zijn voor anderen; Het is zo wijdverbreid dat het bijna een onderwerp van lof is.
« Maar het is nog veel aangenamer om oude vrouwen te zien die al dood zijn van aftakeling, zo lijkbleek dat je zou denken dat ze uit de hel zijn teruggekeerd, en die ondanks alles maar blijven herhalen: Wat is het licht van de dag toch mooi! ze zijn nog steeds loops en zelfs, zoals de Grieken zeggen, in de bronsttijd nodigen ze een goedbetaalde Phaon uit in hun huis, maken zich ijverig op, bergen nooit hun spiegel op, plukken hun schaamhaar, tonen hun zachte en stinkende borsten, ontlokken een trillende kreet uit een kwijnend verlangen, stoppen nooit met drinken, mengen zich onder de dansen van jonge meisjes en schrijven slechte liefdesbrieven. Dit zorgt ervoor dat iedereen moet lachen; wij vinden ze volkomen zot en dat zijn ze ook; maar ze zijn tevreden met zichzelf, voor het moment ondergedompeld in de grootste genoegens, badend in honing en, dankzij mij [Zotheid], gelukkig.« 131
De vorming van ongelijke paren in de literatuurgeschiedenis gaat terug tot de oudheid, toen Plautus, een Romeinse komische dichter uit de 3e eeuw voor Christus, oudere mannen afraadde om jongere vrouwen het hof te maken. Erasmus neemt slechts één thema uit de satirische literatuur over, met name Het Narrenschip, dat in hoofdstuk 52, waarin afgunst en hebzucht worden gecombineerd, het thema « huwelijk om geld » aansnijdt.
Naast de Lof der Zotheid wijdde Erasmus in 1529, in dialogen die hij schreef om Latijn aan kinderen te leren, een Colloquiumgetiteld Het ongepast koppel. (Uittreksel, hieronder)
« Het ongepast koppel »
Gabriel: Ken jij Lampride Eubule?
Petronius: Er is geen betere of meer fortuinlijke burger in deze stad.
Gabriel: En zijn dochter Iphigenia?
Petronius: Je gaf de bloem een naam aan jonge dames van haar leeftijd.
Gabriel: Dat klopt. Goed! Weet je met wie ze getrouwd is?
Petronius: Ik weet het als je het mij vertelt.
Gabriel: Aan Pompilius Blenus.
Petronius: Deze opschepper, die met zijn opschepperij voortdurend iedereen irriteert?
Gabriel: Zelf.
Petronius: Maar hij is hier al lang beroemd, vooral om twee redenen: zijn leugens en zijn ziekte, die nog steeds geen echte naam heeft, ondanks het grote aantal mensen dat eraan lijdt!
Gabriel: Dit is een zeer trotse jeuk, die niet zou wijken voor lepra, elefantiasis, impetigo, jicht of jicht van de kin, als er een conflict was om de eerste rang.
Petronius: Dat is wat de stam van de artsen verkondigt.
Gabriel: Wat heeft het nu voor zin om het jonge meisje aan u te beschrijven, aangezien u haar kent, en dit ondanks het feit dat haar opsmuk veel plezier heeft toegevoegd aan haar natuurlijke charmes? Beste Petronius, je zou haar voor een godin aanzien: haar kleding stond haar wonderwel. Intussen kwam de gelukkige verloofde bij ons aan, met een gebroken neus, slepend met zijn been – maar met minder gratie dan Zwitserse huurlingen doorgaans doen – met vuile handen, een vieze adem, doffe ogen, een verbonden hoofd en pus uit zijn neus en oren. Sommige mensen dragen ringen aan hun vingers, hij heeft ze zelfs aan zijn benen.
Petronius: Wat is er met de ouders gebeurd dat ze zo’n kind aan zo’n monster toevertrouwen?
Gabriel: Ik weet het niet, behalve dat de meeste mensen tegenwoordig hun verstand lijken te zijn verloren.
Petronius: Misschien is hij wel heel rijk?
Gabriel: Hij is extreem rijk, maar vooral aan schulden.
Petronius: Als het meisje haar vier grootouders van vaders- en moederskant had vergiftigd, welke wredere martelingen had ze dan kunnen ondergaan?
Gabriel: Als ze op de as van haar vader had gepist, zou ze gestraft zijn door gedwongen te worden om zo’n monster maar één keer te kussen.
Petronius: Ik ben het er helemaal mee eens.
Gabriel: Naar mijn mening is deze behandeling veel wreder dan haar bloot te stellen aan beren, leeuwen of krokodillen. Want deze wilde beesten zouden haar zo’n opmerkelijke schoonheid hebben gespaard, of een snelle dood zou een einde hebben gemaakt aan haar martelingen.
Petronius: Je hebt gelijk. Deze daad lijkt mij absoluut Mezentius waardig, die volgens Vergilius de levenden aan de doden koppelde, handen op handen en mond op mond. Maar zelfs deze tiran zou, tenzij ik in de war was, niet zo barbaars zijn geweest om zo’n mooi jong meisje met een lijk te verenigen. Bovendien is er geen lijk waaraan men niet liever gehecht zou willen zijn dan aan dit stinkende karkas: want zijn adem is een waar gif, zijn spraak een wond en zijn aanraking brengt de dood.132
Dit Erasmiaanse thema van « niet bij elkaar passende geliefden » is erg populair geworden. Volgens kunsthistoricus Max J. Friedlander133 was Matsys de eerste die dit thema in onze gewesten propageerde. Matsys beeldt dit thema uit door een oudere man af te beelden die verliefd wordt op een jongere, mooiere vrouw. Hij kijkt haar vol bewondering aan, maar merkt niet dat ze zijn beurs steelt. In werkelijkheid komt de groteske lelijkheid van de man, verblind door zijn verlangen naar de jonge vrouw, overeen met de lelijkheid van zijn ziel. De jonge vrouw, verblind door haar hebzucht, lijkt oppervlakkig gezien een tof meisje, maar in werkelijkheid misbruikt ze de naïeve dwaas.
Van buitenaf ziet de toeschouwer al snel dat het geld dat ze van de oude gek steelt, direct in de handen van de nar terechtkomt die achter haar staat, wiens gezicht zowel lust als hebzucht uitdrukt. De moraal dit werk is dat alle winst noch naar hem noch naar haar gaat, maar naar de zotheid zelf (De Nar)! Een situatie die doet denken aan Bosch’ schilderij uit 1502, De Goochelaar (1475, St Germain-en-Laye).
Véél meer dan « ongelijke » liefde (een oude man met een jonge vrouw), benadrukt het schilderij van Matsys een soort van « wederzijdse corruptie » sinds elkeen alleen maar denkt aan zijn eigenbelang. Net als in de geopolitiek, denken beide partijen dat ze ten koste van elkaar winnen, maar in werkelijkheid verliezen ze beiden. Vanuit dit oogpunt gaat de « moraal » van het gebeuren veel verder dan vreemdgaan tussen partners.
Zoals we al zeiden, werden de kwalen (zoals wellust en hebzucht), die tot dan toe door de Kerk waren beschouwd als « zonden », voor de christelijke humanisten een onderwerp van hartelijk gelach, waarbij het schilderij fungeerde als een « spiegel », waardoor de toeschouwer over zichzelf kon nadenken en zijn eigen karakter kon verbeteren.
In de folklore van Saksen en later voornamelijk in Vlaanderen is Tyl Uylenspieghel een belangrijke figuur. Uylbetekent uil (wijsheid), spieghelbetekent spiegel. Zijn fratsen zijn in werkelijkheid een afspiegeling van volkswijsheid.


Het thema van het ongepast koppel komt al voor in een kopergravure van Dürer uit 1495, waarop een jong meisje haar hand opent om geld uit de beurs van de oude man naar haar eigen hand over te hevelen. In 1503 pakte Jacopo de’ Barbari het onderwerp opnieuw op met De oude man en de jonge vrouw (Philadelphia).
Cranach de Oudere,134 die Antwerpen in 1508 bezocht en duidelijk werd geïnspireerd door de grotesken van Matsys, maakte ontelbare variaties op dit thema (inclusief het gebruik van de grotesken van Da Vinci die door Matsys waren overgenomen!). Cranach reageerde op de groeiende vraag in het protestantse Duitsland, een productie die werd voortgezet door zijn zoon Cranach de Jongere.135




Cranach de Oudere, een slecht bij elkaar passend echtpaar.
Cranach zou zijn eigen variaties op het thema schilderen, waarbij hij het vaak alleen tot « wellust » beperkte en de geldkwestie wegliet. Hoe lelijker en ouder de man, en hoe mooier en jonger de vrouw, hoe meer het resulterende contrast een emotionele impact heeft die het storende karakter van de gebeurtenis benadrukt. Cranach vindt het leuk om de rollen om te draaien en laat een rijke oude vrouw zien, vergezeld door haar bediende, die een verleidelijke jongeman verleidt…

Jan Matsys, een van de zonen van Quinten Matsys, die ook met Erasmus bevriend was, heeft ons een interessante interpretatie van het thema nagelaten. Hij heeft er een sociale dimensie aan toegevoegd: arme gezinnen gebruiken hun dochters als lokaas om oudere, rijke heren te lokken, die met hun rijkdom en geld in staat zijn om de familie te voeden. Dit thema van « koppelaarsters » is ook door Goya aangesproken.
In een van Cranachs versies heeft de rijke man al een brood op tafel voor zich staan, een waar symbool van voedselchantage. Wat opvalt in de versie van Jan is de moeder, die achter de gekke oude man staat en naar het brood en het fruit op tafel staart. Hoewel hebzucht en lust nog steeds reëel zijn, dramatiseert Jan een gegeven context die niet zomaar belachelijk gemaakt kan worden.
Tot de vele andere kunstenaars die dit thema opnamen, behoren onder meer Hans Baldung Grien (1485-1545), Christian Richter (1587-1667) en Wolfgang Krodel de Oude (1500-1561). Geen van hen slaagde erin de metafoor van Matsys, die het meest trouw bleef aan de geest van Erasmus, volledig weer te geven: de zotheid die het spel wint. Een werkelijk lachwekkende situatie! De triomf van de zotheid! Ook hier baseert Matsys zich, zoals we al zeiden, voor het gezicht van de oude zot op Da Vinci’s schetsen van groteske koppen.
6. De “groteske oude vrouw”, auteurschap van Da Vinci

De oude man (rechts), Quinten Matsys, Musée Jacquemart André, Paris.
Op dit punt kunnen we de bespreking aandurven van wat missichien het meest schandalige schilderij ooit is, afwisselend genoemd de « groteske oude vrouw » of de « lelijke hertogin ».
Er is veel ink gevloeid om te speculeren over zijn identiteit, zijn « ziekte » (de ziekte van Paget, volgens een dokter), zijn « geslacht », vooral om de blik van de toeschouwer te richten op een letterlijke, « op feiten gebaseerde » interpretatie, in plaats van om de hilarische metafoor te waarderen en te ontdekken die de kunstenaar schildert, niet op het paneel, maar zoals gezegd in het hoofd van de toeschouwer.
Het schilderij moet worden geanalyseerd en begrepen in samenhang met zijn tegenhanger – een begeleidend schilderij – waarop een oude man is afgebeeld, wiens aandacht deze oude vrouw wil afdwingen. Verrassend genoeg kan men op het eerste gezicht zeggen dat Matsys, lang vóór Cranach, hier de gebruikelijke genderrollen omdraait. We zien immers niet een oude man die een jong meisje probeert te verleiden, maar een oude vrouw die een rijke oude man probeert te versieren.
Ten eerste is er de oude dame, die in een staat van ultieme aftakeling verkeert en wanhopig probeert een rijke oude man te verleiden. Het uiterlijk van de persoon roept, net als bij Domenico Ghirlandaio‘s Oude man en jongen (1490, Louvre, Parijs), bij de toeschouwer meteen vragen op over de relatie tussen innerlijke en uiterlijke schoonheid.
« Vanuit een uiterlijk standpunt »,schrijft een waarnemer,« is deze vrouw theoretisch gezien mooi, gezien haar prachtige jurk, met juwelen versierde accessoires en ontluikende bloem. Haar innerlijke schoonheid wordt echter weerspiegeld in haar overdreven en onaangename fysieke verschijning. »136
Opnieuw is de literaire invloed duidelijk te zien in Lof der Zotheid (1511), dat vrouwen op de hak neemt die « nog steeds de coquette spelen », die « zich niet los kunnen maken van hun spiegels » en welke « niet aarzelen hun afstotelijke verschrompelde borsten te tonen ».137
De kleding van de vrouw is duur. Ze is gekleed om indruk te maken, met onder andere een bolvormig hoofddeksel dat haar bijzondere gelaatstrekken accentueert. Ze tart de bescheidenheid die van oudere vrouwen tijdens de Renaissance werd verwacht en draagt een strak geregen lijfje dat haar gerimpelde decolleté benadrukt.

Haar haar is verborgen in de horens van een hartvormig kapje, waarover ze een witte sluier heeft geplaatst, vastgehouden door een grote broche versierd met juwelen.
Hoe goed ze ook gekleed was, toen dit paneel begin 16e eeuw werd geschilderd, waren haar kleren waarschijnlijk al tientallen jaren verouderd. Ze deden denken aan de kleren op het portret dat Van Eyck een eeuw eerder van zijn vrouw Margaret had gemaakt. Ze wekten eerder gelach dan bewondering op.
Deze hoofdtooi was een iconografisch symbool geworden van vrouwelijke ijdelheid. De horens werden vergeleken met die van de duivel of, in het beste geval, met de horens die aangaven dat zij door haar minnaars was bedrogen (cornuto). Het lijkt erop dat ze zichzelf verkoopt op basis van haar uiterlijk, want ze biedt een bloem aan. In de Renaissance-kunst staat deze bloem vaak symbool voor seksualiteit.
Het tragische lot van de afgesneden roos illustreert op de meest verontrustende manier het verstrijken van de tijd en daarmee ook het fysieke verval. Fris of kwetsbaar, de roos roept op tot onmiddellijk genot, maar lijkt tegelijkertijd te protesteren tegen de dood die haar wacht.

Er zijn verschillende namen genoemd om de vrouw te identificeren. In de 17e eeuw werd het schilderij verward met het portret van Margarete Maultasch (1318-1369) die, gescheiden van haar eerste echtgenoot Jean Henri van Luxemburg, hertrouwde met Lodewijk I, markgraaf van Brandenburg, na duizend-en-een verwikkelingen die resulteerden in de excommunicatie van het echtpaar door Clemens VI.
Een ingewikkeld verhaal in roerige tijden, waaraan Margarete de bijnaam « muil-tas’ (grote mond) of « hoer » in het Beierse dialect overhield. Het probleem is dat we andere portretten van Margarete kennen waarop ze op haar mooist is… Ze werd niettemin omschreven als « de lelijkste vrouw uit de geschiedenis » en kreeg de bijnaam « de lelijke hertogin ».
In de Victoriaanse tijd inspireerde deze afbeelding (of een van de vele versies ervan) John Tenniels afbeelding van de hertogin in zijn illustraties voor Lewis CarrollsAlice’s Adventures in Wonderland (1865). Dit hielp om de bijnaam te bevestigen en het personage tot een icoon te maken voor generaties lezers.

Ten tweede is er de oude man, wiens met bont afgezette gewaad en gouden ringen, hoewel niet zo duidelijk ouderwets of absurd als het kostuum van de vrouw, toch opzichtig rijkdom suggereren.
Zijn opvallende profiel doet denken aan het bekende profiel van de belangrijkste Europese zakenbankier in de 15e eeuw, de overleden Cosimo de’ Medici van Florence. Deze laatste, die een belangrijke rol had gespeeld als beschermheer van de kunsten en als voorstander van het Oecumenisch Concilie van Florence, verloor op latere leeftijd zowel zijn verstand als zijn waardigheid.
Het is opmerkelijk dat in 1513, het jaar dat het schilderij werd voltooid, de oorlogslustige paus Julius II, de grote vijand van Erasmus, stierf en Giovanni di Lorenzo de’ Medici de nieuwe paus werd onder de naam Leo X.

De figuur van de oude man doet ook denken aan de verloren gegane portretten uit het begin van de 15e eeuw van hertog Filips de Stoute van Bourgondië.
Als je nog een keer kijkt en de borsten van de vrouw vergeet, zie je dat haar gezicht, een gezicht is van… een vreselijke man.
Het zou een gehate politicus of theoloog uit die tijd kunnen zijn, die de een aan de ander verkoopt in een vlaag van hebzucht en lust.
Is de lelijke oude hoer misschien een verwijzing naar de bankier Jacob de Rijke, de perverse bankier van het Vaticaan? Laten we voor nu accepteren dat we het niet weten.
De Boheemse kunstenaar Wenceslaus Hollar (1607-1677) zag het dubbelportret van Matsys en maakte er in 1645 een gravure van. Hij voegde er de titel « Koning en koningin van Tunis, bedacht door Leonardo da Vinci, uitgevoerd door Hollar » aan toe.

Da Vinci’s ‘vaderschap’ van dit werk was dus blijkbaar een publiek geheim.
In de carnavalsperiode, waarin mensen zich een paar dagen mochten onttrekken aan de regels van de maatschappij, althans in de Lage landen en de regio Noordrijn-Westfalen, werd er met veel plezier van rolwisselingen genoten. Arme boeren konden zich voordoen als rijke kooplieden, leken als geestelijken, dieven als politieagenten, mannen als vrouwen, enzovoort.

Het oorspronkelijke idee voor deze metafoor komt duidelijk van Da Vinci, die een klein schetsje maakte van een lelijke vrouw, mogelijk een oude hoer, opvallend genoeg met horens, een kapje en een klein bloemetje tussen haar borsten. Precies dezelfde attributen, metaforen en symbolen die Matsys later in zijn werk gebruikte!

Melzi, de leerling van Da Vinci, maar ook andere leerlingen of discipelen hebben hoogst waarschijnlijk het werk van hun meester gekopieerd of gebruikt. Het plaatsen van de oude geile vrouw tegenover een rijke Florentijnse koopman is dus misschien een originele grap van Melzi of Salai (« kleine duivel »), een lievelingsleerling van Da Vinci vooral bekend als een grapjas. Werden er onder de mantel tekeningen verkocht? Het blijft maar gissen.


Er zijn over de hele wereld verschillende grappige versies van het thema te vinden in zowel particuliere als openbare collecties.
Een andere schets, gemaakt door Da Vinci zelf of door zijn discipelen, toont een groteske en wilde man, met overeind staand haar, vergezeld door een reeks grotesk ogende geleerden, van wie er één op Dante lijkt!

Da Vinci, die zijn geschriften altijd ondertekende met de woorden « man zonder letteren » (omo sanza lettere)138, voelde zich verdrukt in zijn statuut als ambachtsman en werd nooit ernstig genomen door de boekgeleerden die Lucianus veroordeelde omdat zij hun ziel hadden verkocht aan de gevestigde orde.
Dit alles laat zien dat er niets « ziekelijk » was aan wat Matsys schilderde, maar dat hij deel uitmaakte van een « cultuur » van groteske gezichten waarvan de variaties gebruikt konden worden om het metaforische inhoud en verbeelding van de humanistische cultuur te verrijken.
De impact van Matsys behandeling van dit kluchtig onderwerp was en blijft explosief. Van vluchtige schetsen van Da Vinci, maakte hij levensgrote en adembenemend hyperrealistische voorstellingen !
In de Windsor-collectie van de koningin bevindt zich een tekening met rood krijt waarop de vrouw vrijwel exact hetzelfde is afgebeeld als in het werk van Matsys.

Tot voor kort waren historici ervan overtuigd dat Quentin Matsys deze tekening, toegeschreven aan da Vinci, had « gekopieerd » en had vergroot als onderwerp van zijn olieverfschilderij.
« Da Vinci tekende dit unieke karakter, tot aan de gerimpelde borst die uit haar jurk tevoorschijn komt. Matsys heeft het alleen vergroot in olieverf. »139
Recent onderzoek suggereert echter dat het anders ging!
In werkelijkheid zou Melzi, of Da Vinci zelf, de rode krijt tekening naar het schilderij van Matsys hebben kunnen gemaakt, hetzij door er direct naar te kijken, hetzij op basis van reproducties. Kunt u zich voorstellen dat een Italiaan een Vlaamse schilder kopieert?
Susan Foister, adjunct-directeur en conservator van Oudhollandse, Duitse en Britse schilderijen bij de National Gallery in Londen, die ook de tentoonstelling Renaissance Faces: Van Eyck tot Titiaan uit 2008 cureerde, vertelde destijds aan The Guardian:
« We kunnen nu met zekerheid zeggen dat Leonardo – of in ieder geval een van zijn leerlingen – het prachtige schilderij van Matsys heeft gekopieerd, en niet andersom. Dit is een zeer opwindende ontdekking. »140
Volgens Foister ontdekten ze dat Matsys tijdens het proces wijzigingen aanbracht aan zijn schilderij. Dit suggereert dat de Vlaming het zelf maakte in plaats van een sjabloon te kopiëren. Bovendien zijn in de rode krijt tekening de vormen van het lichaam en de kleding te simplistisch afgebeeld en ontbreekt het linkeroog van de vrouw in de oogkas.
« Er werd altijd aangenomen dat een minder bekende kunstenaar uit Noord-Europa Leonardo zou hebben gekopieerd, en er werd niet echt rekening mee gehouden dat het andersom zou kunnen zijn », vat Foister samen.141
Ze voegde toe dat beide kunstenaars bekend stonden om hun interesse in grotesken en dat ze tekeningen uitwisselden, « maar de eer voor dit meesterlijke werk gaat naar Matsys. »142
7. Liefrinck en Cock
In een commentaar143 geeft Jan Muylle enkele interessante gegevens over het werk van de Antwerpse houtsnijder-graveur en prentenuitgever Hans Liefrinck (ca. 1518-1573).
Liefrinck maakte onder meer de tweede staat van Pieter Bruegels ontwerpen De Vette Keukenen De Magere Keuken, en hij werkte samen met meester drukker Christoffel Plantijn.
Hij publiceerde ook, gedrukt op twee vellen, vier nauwelijks bekende kopergravuren met groteske koppen ontleend aan tekeningen van of naar Leonardo da Vinci.

“We zijn ervan overtuigd dat hun belang deze terloopse vermeldingen ver overstijgt,”schrijft Muylle.Deze gravuren “vertonen soms – en dit is nergens gesignaleerd – sterke overeenkomsten met enkele groteske koppen in schilderijen van Quinten Metsijs (1465-1530) –van wie men sinds geruime tijd weet dat hij schatplichtig was aan Da Vinci — en met een prent van Liefrincks befaamde collega-uitgever Hieronymus Cock (ca. 1510-1570), tevens de opdrachtgever van Bruegel. De groteske koppen van Metsijs, Cock en Liefrinck tonen namelijk aan hoe snel Da Vinci’s voorbeelden – de meester overleed op 2 mei 1519 in Amboise – door Zuidnederlandse meesters, allen werkzaam in Antwerpen, zijn opgenomen in hun artistieke traditie.”
De bijschriften en epigrammen van Liefrinck’s en Cock’s gravures geven ook “een hoogstnoodzakelijke houvast bij het formuleren van een interpretatie. Dit is welkom, omdat het hier een representatief corpus van werken betreft.”

In de cartouche van Liefrincks tweede onderschrift leest men iets wat Da Vinci ook bijna zegde : “Deformes, bone spectator, ne despice vultus. Sic natura homines sic variare solet.” (Waarde kijker, veracht deze misvormde gezichten niet. Zo zorgt de natuur er gewoonlijk voor dat de mensen onderling verschillen.)



Hieronymus Cock (ca. 1510-1570) neemt ook de groteske verbeelding over van “Het ongepast koppel” (Ongelijke Liefde) in een gravure. Er wordt gezegd dat hij ze kopieerde van de Italiaan Agostino Veniziano(1490-1550). Het epigram van Veniziano is typische venitiaanse “humor” : “Chi non ci vol veder si cavi gli occhi“ (Wie ons niet wil zien, trek zijn ogen uit). Welke versie er eerst is gemaakt blijft voorlopig onduidelijk. In de epigramment maken beide kunstenaars eigenlijk geen referentie meer naar het oorspronkelijk thema.
Wat duidelijk is, is het feit dat het epigram onderaan Cocks prent, veel humanistischer is :
“Al ben ick leelyck, ick ben sier plesant, Wilt ghij wel doen houet u aen mijnen kant.”
De onderschriften bij de gravures van Liefrinck en Cock sluiten goed aan met het humanisme van Erasmus en de visie van Da Vinci.
E. Conclusie
De conclusie schrijft (bijna) zichzelf. De « Zeven hoofdzonden » die More en Erasmus vijf eeuwen geleden probeerden in te dijken, zijn verheven tot de axiomatische « waarden » van het hedendaagse « westerse » systeem!
Totaal het tegenovergestelde van de universele mensenwaarden die de kern vormen van de filosofische, religieuze of agnostische overtuigingen van de grote meerderheid.
« Vrijheid » werd losgekoppeld van « noodzakelijkheid », « rechten » van « plichten. » Alles mag. Lust, afgunst, hebzucht, luiheid, vraatzucht, hebzucht, woede, geweld, wreedheid, verslaafdheid, enz. worden dagelijks in een positief licht gezet op televisie en internet, met inbegrip voor laagjarige kinderen. Dat mag allemaal en wordt zelfs aangemoedigd, zolang het niet indruist tegen de dominante machtsstructuur.
Erasmus zou zich in zijn graf omdraaien als hij wist dat zijn naam in 2024 vooral verbonden is aan een studiebeurs die de EU aanbiedt aan jongeren die in andere EU-lidstaten willen gaan studeren. Zoals een Belgische professor voorstelde, zouden deze beurzen een periode van verplichte training in het gedachtegoed van Erasmus moeten omvatten, en in het bijzonder in zijn vergevorderde concepten van vredesopbouw.144
Kortom, om een nieuwe renaissance te realiseren, moeten we onze medeburgers bevrijden van Angst. Ze negeren reële gevaren, zoals een kernoorlog, en leven in angst voor denkbeeldige bedreigingen.
Redelijkheid alleen is niet genoeg. Zonder humor zou de Renaissance, met zijn ongeëvenaarde bloei van ontdekkingen en uitvindingen in wetenschap, kunst en maatschappij, nooit hebben plaatsgevonden. Humor is een katalysator voor creativiteit. Zoals sommige hedendaagse Chinese wetenschappers zeggen: “Effectief Ha-ha [lachen] helpt mensen naar A-Ha [ontdekken]”.
Door ons gevoel voor humor te ontwikkelen, ontwikkelen we een nieuw vermogen om problemen vanuit verschillende invalshoeken te begrijpen, en dit type denken leidt tot meer creativiteit. Problemen op een lineaire, traditionele manier benaderen leidt tot conventionele, zelfs triviale oplossingen. Maar, zoals Albert Einstein suggereerde: “Om creativiteit te stimuleren, moeten we een kinderlijke liefde voor spel ontwikkelen”.
Humor is een creatieve daad omdat creativiteit, net als humor, verrassing uitlokt door bepaalde kaders te doorbreken. In beide gevallen is het doel om niet voor de hand liggende verbanden te leggen tussen ongerijmde elementen. En wat is een grap anders dan een combinatie van verschillende en/of contrasterende ideeën die ironie creëren, een verschuiving, een ongehoorzaamheid aan conventionele verwachtingen. Humor maakt ons bewust van de ongerijmdheid tussen twee elementen. En het vermogen om van het ene element naar het andere te gaan is een cognitief proces dat creativiteit bevordert. Met andere woorden, humor verandert de manier waarop we denken en vergemakkelijkt onverwachte manieren van denken, zoals het “gedachte-experiment” dat Einstein ertoe bracht zich voor te stellen dat hij “op een lichtstraal” reed.
En het “spelinstinct” van de mens, zoals Friedrich Schiller aangeeft in zijn werk Over de esthetische opvoeding van de mens in een reeks brieven (1795), als een eerste ontmoeting met een afwezigheid van beperkingen, dient een breder project van menselijke vooruitgang, waarin de vrijheid die nodig is voor de mens om zichzelf adequaat te besturen wordt uitgeoefend door de interactie van de vermogens die zich manifesteren in de loop van de esthetische ervaring. Kortom, de ontwikkeling van zowel “spelinstinct” als humor zijn essentieel voor creativiteit en kunst, inclusief de kunst van zelfbestuur.
De Nederlandse historicus Herman Pleij zegt het goed: « Eigenlijk zou men de huidige wereld meer zotheid toewensen. Niet voor niet biedt de nar op het vroegmoderne toneel de medespelers en touschouwers graag de spiegel aan die hij in de hand houdt. Ken uzelf. En toon u bewust van de betrekkelijkheid der dingen. Al is het maar voor even. »145
Voor hen die, net als wij, streven naar vrede door de ontwikkeling van ieder individu en iedere staat, is het tijd om de visie van Erasmus, Rabelais, Da Vinci en Matsys over de « gulle lach » heel, heel, heel serieus te nemen. Dat is de weg naar bevrijding!

Tot slot, een visuele rebus van Jan Matsys.
Oplossing:
- De “D” is een afkorting van “de
- De wereldbol betekent “wereld”;
- De voet, in het Vlaams “voet”, ligt dicht bij het woord “voedt”;
- De vedel (snaarinstrument), waarvan de betekenis dicht bij “vele” ligt;
- Hieronder… de twee narren.
De zin luidt dus: « De wereld brengt veel zotten voort. »
En jij, toeschouwer, jij bent een van ons, vertellen de zotten. Ze weten het en adviseren ons om het aan niemand te vertellen! Mondeke Toe!
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- De spelling van de naam van de kunstenaar verschilt in de loop van de tijd en per taalcultuur. In het Frans heet hij Quentin Metsys, in het Engels Quinten Massys en in het Nederlands Quinten (Kwinten) Matsijs. In Grobbendonk heet hij Matsys. Omdat de « ij » aan het einde van de 15e eeuw nog niet bestond, koos de auteur voor deze tekst « Quinten Matsys », identiek aan de spelling die Harald Brising in 1908 gebruikte en die Matsys zelf gebruikte om zijn schilderij De bankier en zijn vrouw uit 1514, Louvre, te signeren. ↩︎
- Antwerpen, Twaalf eeuwen geschiedenis en cultuur, Karel Van Isacker en Raymond van Uytven, Mercatorfonds, Antwerpen, 1986. ↩︎
- Brugge, duizend jaar kunst, Valentin Vermeersch, Mercatorfonds, Antwerpen, 1981. ↩︎
- L’âge d’or d’Anvers, Léon Voet, Fonds Mercator, Antwerpen, 1976. ↩︎
- Erasmus (1466-1536) is een van de grootste denkers uit de geschiedenis van de Lage landen. Hij was priester, theoloog, filosoof, schrijver en humanist. Twee centrale motieven bepalen Erasmus’ denken: de vrijheid van mensen en vrede. In 1517 schreef hij Querela Pacis, “De Klacht van de Vrede”, waarin hij de vredesengel aan het woord laat. De engel spreekt zich uit tegen strikt nationalisme, vooral wanneer dit misbruikt wordt om oorlog te voeren, en ten gunste van internationale samenwerking. ↩︎
- Jean Anouilh, Thomas More of de vrije man, Editions de la Table ronde, Parijs, 1987. ↩︎
- Pieter Gillis (1486-1533), beter bekend onder zijn Latijnse naam Petrus Ægidius, was een humanist, jurist, proeflezer en redacteur die werkte voor Dirk Martens. Hij is een vriend van Erasmus en komt voor in de Utopiavan Thomas More. Hij beveelde de schilder Holbein de Jongere aan bij Thomas More en werd stadssecretaris (burgemeester) van de stad Antwerpen. ↩︎
- Dirk Martens (1446-1534) van Aalst was een geleerde, humanist, uitgever en boekdrukker in Vlaanderen, gevestigd in Leuven en Antwerpen. Hij publiceerde de eerste brief van Christoffel Columbus, waarin hij verslag doet van zijn reis, en een vijftigtal werken van Erasmus, evenals de eerste druk van Utopiavan Thomas More. Om studenten gemakkelijk toegang te geven tot kennis, liet Martens veel klassiekers drukken in zakformaat. Zie Dirk Martens, de drukker van Erasmus die de paperback verspreidde, Karel Vereycken, Artkarel, 2019. ↩︎
- Gerard Geldenhouwer (1482-1442), ook bekend als Gerhardus Noviomagus, was een humanist en satiricus met erasmiaanse inspiratie. Net als Erasmus kreeg hij onderwijs aan de beroemde Latijnse school van de Broeders van het Gemene Leven in Deventer. In Leuven schreef hij zijn eerste publicaties, waaronder een bundel Satires in de traditie van Erasmus’ Lof der Zotheid. Hij hield toezicht op het drukken van diverse werken van Erasmus en Thomas More. Later sloot Geldenhouwer zich aan bij de protestantse Reformatie, meer bepaald bij de tolerante stroming van Philipp Melanchthon in Maagdenburg. ↩︎
- De Nederlandse historicus Cornelius de Schryver (1482-1558), beter bekend als Cornelius Grapheaus, was een humanist, dichter, filoloog en hoogleraar Latijn. Oorspronkelijk afkomstig uit Nijmegen, vestigde hij zich in Antwerpen. Toen hij jong was, ging hij naar Italië. Als vriend van Erasmus, Gillis en Geldenhouwer leverde hij zes elegische verzen voor de uitgave van Thomas More’s Utopia, uitgegeven door Dirk Martens. Hij was meermaals stadssecretaris (burgemeester) van Antwerpen. ↩︎
- Na de dood van Hans Memling in 1494 werd Gerard David (1460-1523) de belangrijkste schilder van Brugge. In 1501 werd hij deken van het gilde. Ondanks zijn succes in Brugge, liet hij zich samen met Patinir inschrijven als meester in Antwerpen, waardoor hij zijn werken ook op de bloeiende kunstmarkt van die stad kon verkopen. Zie Gerard David, Hans J. Van Miegroet, Mercator Fonds, Antwerpen, 1989. ↩︎
- De Antwerpse schilder Joachim Patinir (1483-1524), afkomstig van Dinant, was een goede vriend van Quinten Matsys. Zie Patinir ou l’harmonie du monde, Maurice Pons en André Barret, Robert Laffont, Parijs, 1980. ↩︎
- De Neurenbergse schilder-graveur en meetkundige Albrecht Dürer (1471-1528) woonde elf maanden in Antwerpen: van 2 augustus 1520 tot 2 juli 1521. In zijn reisdagboek lezen we over de mensen die hij in Antwerpen ontmoette, onder wie de beroemde kunstenaars Quinten Matsys, Bernard van Orley en Lucas van Leyden. Zijn terugkeer naar Neurenberg viel samen met de aankondiging van de ‘plakkaten’ (decreten) van Karel V, die katholieken verboden de Bijbel te lezen. Omdat Dürers inkomsten grotendeels afkomstig waren van het illustreren van Bijbelteksten, waren de vooruitzichten om er zijn brood mee te verdienen vrijwel nihil. ↩︎
- In 1510 produceerde de in Leiden geboren en door Dürer beïnvloede Lucas van Leyden (1489-1533) twee meesterlijke gravures, Het melkmeisje en Ecce Homo. Laatstgenoemde werd door Rembrandt zeer bewonderd. Lukas ontmoette Dürer in 1521 in Antwerpen en profiteerde opnieuw van zijn invloed, zoals blijkt uit de Passieserie uit datzelfde jaar. Het is mogelijk dat Lucas zijn graveervaardigheden met de hulp van Dürer heeft verbeterd, aangezien hij na hun ontmoeting een aantal etsen heeft gemaakt. ↩︎
- Holbein de Jongere (1497-1543) was een schilder uit Bazel. Als tiener werd hem gevraagd om een exemplaar van Erasmus’ Lof der Zotheid te voorzien van tekeningen, wat hem zeer goed lukte. Ze ontmoetten elkaar persoonlijk toen Erasmus in ballingschap ging naar Bazel. Holbein schilderde meerdere olieverfportretten van de humanist en kwam naar Antwerpen om Pieter Gillis te ontmoeten. Later sloot hij zich aan bij Thomas More in Engeland. ↩︎
- De stijl van de Antwerpse maniëristen wordt bekritiseerd vanwege het gebrek aan karakter en individuele expressie. Er wordt gezegd dat het ‘gemanierd’ is en, erger nog, dat het gekenmerkt wordt door een kunstmatige elegantie. Zie Les Primitifs flamands et leur temps, pages 621-622-623-624, Editions Renaissance du Livre, 1994. ↩︎
- L’art flamand et hollandais, le siècles des primitifs (1380-1520), Christian Heck, Citadelles & Mazenod, Parijs. ↩︎
- De onderzoeksgroep Ghent Interdisciplinary Centre for Art and Science (GICAS) is een samenwerking tussen leden van de faculteiten Letteren en Wijsbegeerte (Kunstgeschiedenis, Archeologie, Geschiedenis), Wetenschappen (Analytische Chemie) en Architectuur en Ingenieurswetenschappen (Beeldverwerking). Het onderzoek richt zich op de materiële aspecten van kunstwerken, met een bijzondere nadruk op de Nederlandse schilderkunst (15e-17e eeuw). Het centrum past zowel beeldvorming als beeldverwerkingstechniek toe, als ook materiaalanalyse in relatie tot kunsthistorische kwesties en toepassingen in conservering en restauratie. ↩︎
- The Paintings of Quinten Massys: With Catalogue Raisonne, Larry Silver, Allanheld & Schram, 1984. ↩︎
- Quentin Metsys, Andrée de Bosque, Arcade Press, Brussel, 1975. ↩︎
- Quinten Matsys; essai sur l’origine de l’italianisme dans l’art des Pays-Bas,Harald Brising, proefschrift van 1908, Leopold Classic Library, herdrukt in 2015. ↩︎
- Erasme et la peinture flamande de son temps, Georges Marlier, Editions van Maerlant, Damme, 1954. ↩︎
- Georges Marlier, op. cit. p. 163. ↩︎
- Hoe Erasmus’ zotheid onze beschaving redde, Karel Vereycken, Artkarel, 2005. ↩︎
- Albrecht Dürers strijd tegen neoplatoonse melancholie, Karel Vereycken, Solidarité & Progrès webpagina, 2007. ↩︎
- De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd, Herman Pleij, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam, 2007. ↩︎
- Le bas Moyen Âge et le temps de la rhétorique, Hanna Stouten, Jaap Goedegebuure, Frits Van Oostrom, in Histoire de la littérature néerlandaise, Fayard, 1999. ↩︎
- De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Dr Eric de Bruyn, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001; Bosch, his picture-writing deciphered, Dirk Bax, A.A.Balkema, Rotterdam, 1978. ↩︎
- De Franse schrijver en christelijk humanist François Rabelais (1483-1553) in zijn brief aan Salignac (in werkelijkheid Erasmus) zijn « vader » en zelfs zijn « moeder » en vergelijkt zichzelf liefdevol met een soort baby die in zijn baarmoeder groeide, Rabelais, Oeuvres complètes, p. 947, Editions du Seuil, Parijs, 1973. ↩︎
- Het Spaanse literaire genie Miguel de Cervantes (1546-1616) kreeg zijn opleiding van zijn schoolmeester Juan Lopez de Hoyos (1511-1583), een fervent volgeling van Erasmus, wiens visie hij overbracht op zijn meest geliefde leerling.
↩︎ - Het is overtuigend aangetoond dat de Engelse toneelschrijver en dichter William Shakespeare (1564-1616) het toneelstuk Sir Thomas More uit 1595 schreef, of er in ieder geval een substantiële bijdrage aan leverde. Hij beschouwde zich, in geest en daad, als de « tweelingbroer » van Erasmus. ↩︎
- Erasmus of the Low Countries, James D. Tracy, p. 104,Erasmus begon rond 1515 in zijn werken te spreken over« de filosofie van Christus ».Al inJulius Exclusus(Paus Julius II uitgesloten van de hemel, 1514) introduceert hij het idee wanneer Sint-Petrus de goddelijke eenvoud van Christus’ leer contrasteert met de wereldse arrogantie van de krijger-Paus Julius II. « Dit soort filosofie » (van Christus) komt « meer tot uitdrukking in emoties [affectibus] dan in syllogismen »,het gaat « meer over inspiratie dan over leren, meer over transformatie dan over redeneren. »↩︎
- Over Plato‘s humanisme: Bierre, Christine, Platon contre Aristote, la République contre l’oligarchie, webpage Solidarité & Progrès, 2004.
↩︎ - Martin Luther King, in een sermoen, herinnert er ons aan dat in het oude Griekenland onderscheidde men drie verschillende vormen van liefde: eros, voor geslachtelijke liefd, philiavoor (broederlijke) vriendschap en agape, vertaald in het latijn als caritasvoor grenzeloze naastenliefde. Agapekiest ervoor de ander te beschouwen zoals in 1 Korintiërs 13 gebeurt: altijd bereid het beste van de ander te denken, klaar om te vergeven, bereid het beste voor de ander te zoeken. Een belangrijke eigenschap van agape, is dat ze niet gebaseerd is op de eigen behoeften. ↩︎
- Tussen 339 en 397 n.Chr. studeerde en schreef kerkvader Hiëronymus van Stridon, waarbij hij gebruikmaakte van veel historische en filosofische werken uit zijn eigen bibliotheek. Hieronymus bleef zijn klassieke geleerdheid inzetten in dienst van het christendom, en de intellectuele discipline die daarbij kwam kijken werd gewaardeerd zolang deze het christelijke doel kon dienen – en zonder de nieuwe christelijke samenleving in gevaar te brengen. ↩︎
- De epistemologie van Augustinus van Hippo was duidelijk Platonisch. Volgens hem is God, ondanks het feit dat Hij buiten de mens staat, zich van Hem bewust vanwege zijn directe handelen op hen (wat tot uiting komt in de straling van zijn licht op de geest of soms in zijn onderricht) en niet vanwege redeneringen of het leren uit louter empirische zintuiglijke ervaringen. ↩︎
- Tot de grootste successen van Pieter Bruegel de Oude behoren De zeven hoofdzonden en De deugden, twee series tekeningen, gegraveerd en gedrukt door zijn vrienden en medewerkers in drukkerij In de Vier Winden van Hieronymus Cock in Antwerpen, in een beeldtaal die hij overnam van zijn inspiratiebron, de schilder Hieronymus Bosch. ↩︎
- Het leven en de kunst van Albrecht Dürer, Erwin Panofsky, Princeton University Press, 1971. ↩︎
- Vanitas(van het Latijnse ‘ijdelheid’, wat in deze context nutteloosheid of zinloosheid betekent) is een soort memento mori of symbolische metafoor die herinnert aan de onvermijdelijkheid van de dood. Het symboliseert de vergankelijkheid van het leven, de zinloosheid van genot en daarmee de ijdelheid van een bestaan dat wordt gedefinieerd door de permanente zoektocht naar aards genot. ↩︎
- Over de strijd van Petrarca en zijn boezemvriend Boccaccio voor de introductie van het klassieke Grieks in Europa: De revolutie van het antieke Grieks, Plato en de Renaissance, Karel Vereycken, Artkarel, 2021. ↩︎
- De immense populariteit en daarmee het historische belang van deze cycli, vooral in Frankrijk, mag niet worden onderschat. In Nederland is de vaak verkeerd begrepen beeldtaal van Pieter Brueghel de Oude voor zijn schilderij De triomf van de dood (Prado, Madrid) vrijwel rechtstreeks ontleend aan de dichtbundel van Petrarca. ↩︎
- Met Hieronymus Bosch op het spoor van het Sublieme, Karel Vereycken, Archiefwebpagina, Schiller Instituut, Washington. ↩︎
- Bosch, De Tuin der Lusten, Reindert Falkenburg, Hazan, Parijs, 2015. ↩︎
- In zijn magnum opus, Il Cortegiano (De hoveling), Boek XXXIX, bespot de pauselijke nuntius Baldassar Castiglione (1478-1519) Leonardo da Vinci en betreurt « dat een van de eerste schilders ter wereld de kunst waarin hij uniek is, verachtte en filosofie begon te studeren, waarin hij concepten en hersenschimmen smeedde die zo vreemd waren dat hij ze nooit in zijn werk kon schilderen. »↩︎
- Leonardo da Vinci’s notitieboeken, Richter, 1888, XIX filosofische stelregels. Moraal. Controverses en speculaties, nr. 1178, Dover Editions, Vol. II., 1970. ↩︎
- De Docta Ignorantia (Over aangeleerde onwetendheid), Nicolaas van Cusa, 1440. Cusanus volgt hier Socrates, die volgens Plato zei: « Ik weet dat ik niets weet » (Plato, Apologie, 22d). ↩︎
- Met zijn De servo arbitrio (De Verslaafde Wil) reageerde Maarten Luther in 1525 op Erasmus’ De libero arbitrio (Over de Vrije Wil) die een jaar eerder, in 1524, werd gepubliceerd. ↩︎
- Op 31 oktober 1517 schreef Luther een brief aan zijn bisschop, Albert van Brandenburg, om te protesteren tegen de verkoop van aflaten. Bij zijn brief voegde hij een kopie van zijn Dispuut over de kracht en doeltreffendheid van aflaten, beter bekend als de 95 stellingen. Erasmus en anderen hadden deze oplichterij al uitgebreid veroordeeld, met name in zijn Lof der Zotheid uit 1509. ↩︎
- Les Flamands de France, Louis de Baecker, Messager des sciences historiques et archives des arts de Belgique, p. 181, Gent, Vanderhaeghen, 1850. ↩︎
- Massys and Money: Tax Collectors Rediscovered, Larry Silver, JHNA, Volume 7, Number 2 (zomer 2015), Silver schrijft: « Toch wordt de invloed van Massys’ schilderkunst op de geschiedenis van de genreschilderkunst al enige tijd erkend. Het onderwerp werd vrijwel onmiddellijk opgenomen door de zoon van de schilder, Jan Massys, door Marinus van Reymerswaele en door Jan van Hemessen. » ↩︎
- Ibid, noot nr. 22. ↩︎
- Het werk werd in een paar dagen geschreven in de residentie van Thomas More in Bucklersbury bij Londen en drukt de diepe schok van Erasmus uit toen hij ontdekte in welke erbarmelijke staat hij « zijn » Kerk en « zijn » Italië aantrof toen hij in 1506 naar Rome kwam. Voor Erasmus, in tegenstelling tot de scholastici, moest emotie niet genegeerd of onderdrukt worden, maar verheven en opgeleid, een thema dat later door Friedrich Schiller werd ontwikkeld in zijn Brieven over de esthetische opvoeding van de mens (1795). Stultitia(de Latijnse naam voor Zotheid) is de personificatie van Waanzin die voortdurend heen en weer slingert tussen schijnbare zotheid = echte wijsheid en schijnbare wijsheid = echte zotheid, zichzelf uitdrukt en stellig aanspraak maakt op haar vaderschap en op haar vaderschap van alles. Van de « zachte » zotheid van de zwakken, van vrouwen en kinderen, van mannen die door hun zonde de rede hebben verlaten, gaat Erasmus over tot het mobiliseren van al zijn ironie en vernuft om de « harde » criminele zotheid van de machtigen, van de « philo-sofisten », van kooplieden, bankiers, prinsen, koningen, pausen, theologen en monniken te kastijden. ↩︎
- La Nef des Fous, Sebastian Brant, Editions Seghers en Nuée Bleue, herdruk, 1979, Straatsburg. ↩︎
- Sebastian Brant, Forschungsbeiträge zu seinem Leben, zum Narrenschiff und zum übrigen Werk, Thomas Wilhelmi, Schwabe Verlag, p. 34, 2002, Basel. ↩︎
- Dürer maakte deze gravure ter illustratie van een populaire bundel met de titel Het Boek van de Torenridder, een handleiding voor goed gedrag voor jonge meisjes. Volgens het verhaal at de vrouw van de kok een paling die bedoeld was voor een speciale gast, maar in plaats van het aan haar man te vertellen, loog ze. Er wordt gezegd dat een ekster het geheim van de vrouw aan haar man vertelde en dat de wraakzuchtige vrouw hem als straf zijn veren liet uitplukken. De kok, afgebeeld met alle attributen van zijn vak: mes, pan en lepel, luistert naar de vogel met een uitdrukking van toenemende verbazing op zijn gezicht, terwijl zijn vrouw haar blik opzij richt in afwachting die grenst aan een oplossing. ↩︎
- Het feit dat de Florentijnse schrijver en koopman Lodovico Guicciardini (1521-1589) het grootste deel van zijn leven in Antwerpen woonde, zij het na 1542, maakt hem een waardevolle bron van informatie. ↩︎
- For Bruegel, his World is Vast, Interview van de auteur met Bruegel expert Michael Gibson, kunstcriticus voor de International Herald Tribune, Fidelio, Vol. 8, N° 4, Winter 1998. ↩︎
- Sebastian Brant, op. cit., p. 23. ↩︎
- Sebastian Brant, op. cit., p. 27. ↩︎
- Dendrochronologisch onderzoek heeft het hout gedateerd op 1491, dus voor de publicatie van Brants Narrenschip. Meestal ziet men Bosch’s oeuvre als een illustratie van de eerste editie van 1493. Een andere mogelijke bron voor de allegorie van het schip is de Bedevaart van de ziel, een werk van de 14e-eeuwse cisterciënzer Guillaume de Deguileville, gedrukt in het Nederlands in 1486. ↩︎
- See Moderne Devotie et Broeders en van het Gemene Leven, bakermat van het Humanisme, lezing van Karel Vereycken, 2011, Artkarel.com. ↩︎
- Dit thema, verder ontwikkeld door Joachim Patinir, Herri met de Bles en anderen, staat centraal in DeBedevaart van de ziel, Guillaume De Deguileville, 14de eeuw. ↩︎
- De Moderne Devotie, Spiritualiteit en cultuur vanaf de late Middeleeuwen, collectief werk, WBooks, Zwolle, 2018. ↩︎
- Dionysus de Kartuizer (1401-1471) ging op 13-jarige leeftijd naar Zwolle om les te volgens aan de Latijnse school van de Broeders van het Gemene Leven, die werd geleid door Johannes Cele. Hij vergezelde Cusanus op zijn reis door de Nederlanden in 1451. Hij was bechtvader en raadsman van Hertog Filips de Goede. Hij was waarschijnlijk de theologische adviseur van Jan van Eyck voor de compositie van het Lam Gods. Dionysus schreef De Venustate Mundi et Pulchritudine Dei (Over de aantrekkingskracht van de wereld en de schoonheid van God). Een ander bekend traktaat van hem is Speculum amatorum mundi, vertaald als Spieghel der liefhebbers deser werelt (verschenen in 1535). Het is een moralistisch-didactisch werk dat de dwaasheid van aardse genietingen uitlegt. Wie de wereld liefheeft is verdoemd, want de weg naar de hemel is smal. Een zuiver hart kan geen vreugde vinden op aarde en begrijpt dat de eeuwige vreugde alleen is weggelegd voor wie tijdens het leven godvruchtig lijdt. ↩︎
- Hier moeten we het baanbrekende werk van Prof. Eric de Bruyn erkennen in zijn opmerkelijke boek De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001, waarin hij onomstotelijk aantoonde dat het onderwerp van de achterkant van Bosch’ schilderij « De hooiwagen » niet de « Terugkeer van de verloren zoon » was, zoals jarenlang werd gedacht, maar eerder « De marskramer »↩︎
- Voor een gedetailleerd relaas van Matsys’ jeugd, zie Quinten Metsys, Andrée de Bosque, p. 33, Arcade Press, Brussel, 1975. ↩︎
- De legende begon met Dominicus Lampsonius (1536-1599), die in zijn Gelijkenissen van enige bekende schilders uit Neder-Duitsland, uitgegeven in 1572 door de weduwe van Hieronymus Cock in Antwerpen, een gegraveerd portret van Matsys opnam, gemaakt door Jan Wierix, vergezeld van een gedicht over hoe Matsys’ vriendin de voorkeur gaf aan het geluid van het stille penseel boven het zware geluid van de hamerslagen van een smid. Het verhaal wordt in 1604 opgenomen door Karel van Mander in zijn Schilder-Boeck en later door Alexander van Fornenberg (1621-1663) in zijn enthousiaste presentatie van Matsys, Den Antwerpschen Protheus, vaak Cyclopshen Apelles; dat wil zeggen; Het leven, het einde van de koninklijke familie, het einde van het land, het einde van het hoge land, de heer Quinten Matsys: Van Grof-Smidt, in Fyn-Schilder, Antwerpen, uitgegeven door Hendrick van Soest, 1658. ↩︎
- Het schildersboek, Karel Van Mander, 1604. ↩︎
- Quinten Metsys, Edward van Even, in Het Belfort, Jaargang 12, 1897, Digitale Bibliotheek voor Nederlandse Letteren, webpagina. ↩︎
- Architectuurtekeningen uit Nederland: 15e-16e eeuw, Oliver Kik, CODART eZine, nr. 8, herfst 2016. ↩︎
- Voor meer: Cornelis Matsys 1510/11-1556/57: Grafisch werk, Jan Van der Stock, Tentoonstellingscatalogus. ↩︎
- De Bourgondische Nederlanden, Walter Prevenier en Wim Blockmans, Mercator en Albin Michel Fonds, 1983. ↩︎
- Zie The Age of the Fuggers, Franz Herre, Presse-Druck- und Verlag-GmbH Augsburg, 1985. ↩︎
- In 1548 vermeld Francisco de Hollanda (1517-1585), in zijn De Pinture Antigua (1548), het gesprek tussen Vittoria Colonna en de beroemde schilder Michelangelowaarin ze de kunst van het noorden bespraken. Michelangelo: « Over het algemeen, mevrouw, zal de Vlaamse schilderkunst de liefhebber beter bevallen dan welke schilderkunst uit Italië dan ook, die hem nooit een traan zal doen laten, terwijl die uit Vlaanderen hem er vele zal doen laten; en dit niet vanwege de levendigheid en de vaardigheid van het schilderen, maar vanwege de goedheid van de vrome persoon. In Vlaanderen schildert men omwille van de uiterlijke precisie of van dingen die je blij kunnen maken en waarover niemand kwaad mag spreken, zoals heiligen en profeten. Zij schilderen voorwerpen en metselwerk, het groene gras van de velden, de schaduwen van bomen, rivieren en bruggen. Dit noemen zij landschappen, met veel figuren aan de ene kant en veel figuren aan de andere kant. En dit alles, hoewel het sommigen bevalt, gebeurt zonder enige vakkundige keuze van stoutmoedigheid en, in laatste analyse, zonder inhoud of kracht. »↩︎
- Over deze kunstenaar: zieDieric Bouts, Catheline Périer D’Ieteren, Mercator Fonds, Brussel, 2005. ↩︎
- Over deze kunstenaar: zie Hugo van der Goes, Elisabeth Dhanens, Mercatorfonds, Antwerpen, 1998. Ook Hugo van der Goes en de Moderne Devotie, Karel Vereycken, Artkarel.com. ↩︎
- Zie Schilderijen in de Bourgondische Nederlanden, Bernhard Ridderbos, Davidsfonds, Leuven, 2014. ↩︎
- De drie graden van visie volgens Ruusbroec de Wonderbare en de herders in Van der Goes’ Portinari Triptiek, Delphine Rabier, Studies in Spirituality, nr. 27, pp. 163-179, 2017. In zijn tweede Brusselse werk, Die geestelike brulocht (ca. 1335/40) legt Ruusbroec uit dat het geestelijke leven in drie stadia verloopt waarin de liefde tot God zich telkens verdiept: het werkende leven, het innige leven en het Godschouwende leven. Ruusbroec beklemtoont dat de mysticus die het hoogste stadium heeft bereikt de vorige twee nooit achterlaat, maar ze beoefent vanuit de vereniging met God. Dit noemt Ruusbroec het ‘gemene’ leven. ↩︎
- Over deze kunstenaar: zie Rogier van der Weyden, Dirk De Vos, Mercatorfonds, Antwerpen, 1999. ↩︎
- Over de muziekcomposities van Jacob Obrecht (1457-1505), zie Vlaamse Muziek, Robert Wangermée, Arcade, Brussel, 1968. ↩︎
- Metsys’s Musician: A Newly Recognized Early Work, Larry Silver, Journal of Historians of Netherlandish Art (JHNA), Volume 10, N° 2, Zomer 2018. ↩︎
- Over de Renaissance en het hof van Ferrara: Een unieke Renaissance, Het Este-hof in Ferrara, Bentini Jadranka, Quo Vadis, 2003. ↩︎
- De Latijnse school van de Broeders des Gemene Leven in Deventer werd ten tijde van Erasmus geleid door Alexander Hegius (1433-1498), een leerling van de beroemde Rudolf Agricola (Huisman) (1442-1485), een leerling van Cusa en een vurig verdediger van de Italiaanse Renaissance en de klassieke literatuur. Erasmus noemde het een ‘goddelijk intellect’. Op 24-jarige leeftijd reisde Agricola door Italië om orgelconcerten te geven en ontmoette daar Ercole d’Este I (1431-1505), heerser van het hof van Ferrara. Aan de Universiteit van Pavia ontdekte hij ook de verschrikkingen van de aristotelische scholastiek. Toen Agricola in Deventer doceerde, begon hij zijn lezing met de woorden: « Vertrouw niets van wat je tot op heden hebt geleerd. Wijs alles af! Begin met het standpunt dat alles moet worden afgeleerd, behalve datgene wat u opnieuw kunt ontdekken op basis van uw eigen autoriteit of op basis van decreten van hogere auteurs. »↩︎
- De hypothese dat Quentin Matsys een reis naar Italië heeft gemaakt, is met name geopperd door de Italiaanse auteur Limentani Virdis. Hij schrijft de schilder zelfs het vaderschap toe van een fresco in het Milanese oratorium van de abdij van Santa Maria di Rovegnano. ↩︎
- Vlaamse Kunst, p. 261, Dirk de Vos, Mercator Fonds, 1985. ↩︎
- Over de vrije wilskeuze, Erasmus. ↩︎
- Van Eyck, Vlaams schilder die de Arabische optica gebruikte, Karel Vereycken, lezing over het thema « Perspectief in de Vlaamse religieuze schilderkunst van de 15e eeuw » aan de Universiteit van Parijs Sorbonne van 26 tot 28 april 200. ↩︎
- De rol van Avicenna en Ghiberti bij de uitvinding van het perspectief in de Renaissance, Karel Vereycken, Artkarel, 2022. ↩︎
- Van Eyck, een optische revolutie, Maximiliaan Martens, Till-Holger Borchert, Jan Dumolyn, Johan De Smet en Frederica Van Dam, Hannibal, MSK Gent, 2020. ↩︎
- Ibn al-Haytham over binoculaire visie: een voorloper van de fysiologische optica, Arabische Wetenschappen en Filosofie, pp. 79-99, Raynaud, Dominique, Cambridge University Press, 2003. ↩︎
- Leon Battista Alberti (1404-1472) publiceerde zijn De Pictura in 1435. Hoewel het werk belangrijke geometrische concepten uitwerkt die gebruikt worden in perspectiefweergave, ontbreekt elke vorm van illustratie of beeldspraak en gaat het niet in op de vorming van beelden in de geest van de toeschouwer. Leonardo nam de tijd om de beperkingen van het Albertiaanse systeem te demonstreren en presenteerde enkele alternatieven. ↩︎
- Grondslagen van de Renaissance, architectuur en verhandelingen in het altaarstuk van Anna van Quentin Matsys (1509), Jochen Ketels en Maximiliaan Martens, European Architectural Historians Network, EAHN: Onderzoeken en schrijven van architectuurgeschiedenis: onderwerpen, methodologieën en grenzen. blz. 1072-1083. ↩︎
- Ibid, noot nr. 92. ↩︎
- De prospectiva pingendi (Over het perspectief van de schilderkunst), geschreven door Piero della Francesca (1415-1492), is het eerste Italiaanse Renaissance-traktaat dat aan het onderwerp perspectief is gewijd. Zie Het ei zonder schaduw van Piero della Francesca, Karel Vereycken, Fidelio, Vol. 9, nr. 1, voorjaar 2000, Schiller Institute, Washington. ↩︎
- Ibid, noot nr. 92. ↩︎
- Joachim Patinir, Het landschap als beeld van de levende wereld, Reindert L. Falkenburg, Nijmegen, 1985. ↩︎
- Meer informatie over dit onderwerp in Albrecht Dürer, Anja-Franziska Eichler, Könemann, 1999, Keulen, p. 112. ↩︎
- Zie Erasmus’ droom, het « Drietalen college » van Leuven (1517-1797), Pr. Jan Papy, Editions Peeters, Leuven, 2018. ↩︎
- Jacopo de’ Barbari en de vroege zestiende-eeuwse noordelijke kunst, Jay A. Levenson, New York University, 1978. ↩︎
- Vier boeken over menselijke verhoudingen, Albrecht Dürer, 1528. Het is de moeite waard om op te merken, voor ons onderwerp hier, dat de kunstenaar in het derde boek principes geeft waarmee de verhoudingen van figuren kunnen worden veranderd, inclusief de wiskundige simulatie van convexe en concave spiegels. ↩︎
- Citaat uit Italiaanse prenten uit de National Gallery of Art, Jay A. Levenson, Konrad Oberhuber, Jacquelyn L. Sheehan, National Gallery of Art, 1971. ↩︎
- Les premières gravures italiennes, Quattrocento-début du cinquecento.Venise, Vicence, Padoue : Jacopo de Barbari, Girolamo Mocetto, p. 312-348, Inventaire de la collection du département des Estampes et de la Photographie, Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2015. ↩︎
- Albrecht Dürer, Dagboek van zijn reis naar de Lage landen, 1520-1521. Vergezeld van het zilverstift schetsboek en de schilderijen en tekeningen gemaakt tijdens zijn reis, New York Graphic Society, Greenwich, 1996. ↩︎
- Ibid, Noot nr. 14. ↩︎
- Over hen die in dienst staan van de groten, Lucianus van Samosata, vertaald door Eugène Talbot, Hachette, Parijs, 1866. ↩︎
- Ibid, Noot nr. 105.
↩︎ - Ibid, Noot nr. 105. ↩︎
- Erasme parmi nous, p. 72-73, Léon E. Halkin, Fayard, Parijs, 1987. ↩︎
- Jozef van Arimathea is een Bijbelse figuur die verantwoordelijk was voor de begrafenis van Jezus na zijn kruisiging.
↩︎ - Herodes de Grote (ca. 72 – ca. 4 v.Chr.) was een Romeins-Joodse ‘cliëntkoning’ (satraap) van het koninkrijk Judea. Hij staat bekend om zijn kolossale bouwprojecten, waaronder de herbouw van de Tweede Tempel in Jeruzalem. ↩︎
- Over de rol van Julius II bij de wederopbouw van Rome, zie What Humanity Can Learn from Raphael’s School of Athens, Karel Vereycken, Artkarel.com, 2022. ↩︎
- Ibid, noot nr. 83. ↩︎
- Marlier, Op. cit, p. 252.. ↩︎
- Over de rol van de Fuggers en de Welsers in de financiële en fysieke slavernij in die tijd, zie Jacob the Rich, father of financial fascism, Karel Vereycken, Artkarel, 2024. ↩︎
- Marlier, op. cit., p. 252 ↩︎
- Geciteerd door Marlier, Op. cit. ↩︎
- Le prêteur et sa femme de Quinten Metsys, Emmanuelle Revel, Collection Arrêt sur œuvre, Service culturel, Action éducative, Louvre, Paris, 1995. ↩︎
- Les primitifs flamands, Erwin Panofsky, Harvard University Press, 1971, vertaald van het Engels door Dominique Le Bourg, Hazan, collection « 35/37 », Parijs, 1992, pp. 280-282. ↩︎
- Le siècle de Bruegel. La Peinture en Belgique qu XVIe siècle, catalogue d’exposition 27 septembre – 24 novembre 1963, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, nota van Georges Marlier. ↩︎
- Voor een bespreking van dit onderwerp en tegenstrijdige interpretaties: voor de duivelse aard van spiegels, zie Histoire du miroir, Sabine Melchior-Bonnet, Imago, Paris, 1994; voor spiegels als bemiddeling van het goddelijke, zie Cusanus, Het zien van God, 1453. ↩︎
- L’hypothèse d’Oxford, Dominque Raynaud, Presses Universitaires de France, Paris, 1988. ↩︎
- Jan van Eyck, a Flemish painter using Arab Optics, Karel Vereycken, lezing, 2006 Sorbonne Universiteit, Parijs, Artkarel, France. ↩︎
- Zie Petrus Christus, Maryan W. Ainsworth and Maximiliaan P. J. Martens, p. 96. ↩︎
- Iconographie de l’art chrétien, Louis Réau, Presses Universitaires de France, 1958, tome III, Iconographie des saints, pp. 927-928. ↩︎
- Ibid, noot nr. 92. ↩︎
- Gids voor de Kunst in België, Philippe d’Aarschot, p. 105, Spectrum, 1965. ↩︎
- Holbeins De Lais van Corintië uit 1526 toont de invloed van Leonardo da Vinci. Pierre Vays, honorair hoogleraar kunstgeschiedenis aan de faculteit van Genève, benadrukt ook de “Leonardesque toets van sommige van zijn composities”, in Holbein de Jongere, op https://www.clio.fr↩︎
- Da Vinci likely painted part of Belgium’s ‘The Last Supper’ replica,Maïthé Chini, The Brussels Times, May 2, 2019. ↩︎
- In Les grotesques et mouvements de l’âme, Léonard de Vinci conçu par Wenceslaus Hollar à la Fondation Pedretti, Federico Giannini, Finstre Sull’Arte, 26 mars 2019. ↩︎
- De Tien Boeken over Architectuur, Vitruvius. ↩︎
- Erasmus, Lof der zotheid, hoofdstuk. XXXI. ↩︎
- The Colloquies of Erasmus, door de auteur vertaald van het engels, Gibbing & Company, London, 1900. ↩︎
- Early Netherlandish Painting. volume 7, Quentin Massys, Max J. Friedländer, Editions de la Connaissance, Bruxelles, 1971. ↩︎
- Cranach der Ältere und die Niederlande, Till-Holger Borchert, in DIe Welt von Lucas Cranach, editions G. Messling, 2010. ↩︎
- Les couples mal assortis – Lucas Cranach, Perceval, eve-adam.over-blog.com, 2016 ↩︎
- The Ugly Duchess by Quinten Massys, An Analyses, Katie Shaffer, Academia.edu, 2015. ↩︎
- Picturing women in late Medieval and Renaissance art, Christa Grössinger, Manchester University Press, 1997. p. 136. ↩︎
- Léonard de Vinci,Daniel Arasse, p. 36, Hazan, Paris, 1997. ↩︎
- De Larousse Encyclopedie merkt op dat « de invloed van Leonardo zichtbaar is in een Maria met kind (Museum van Poznań), geïnspireerd op de Maagd Maria en Sint-Anna, en ook te zien is in het vakmanschap van de Maagd van Rattier (1529, Louvre) of de Madeleine (Museum van Antwerpen). Het kan de karikaturale tendens hebben geïnspireerd van De oude man (1514, Parijs, Jacquemart-André Museum), van De lelijke vrouw (kopie in Londen, NG) en misschien zelfs genretaferelen zoals De oude Galant (Washington, NG) of De woekeraar (Rome, Gal. Doria-Pamphili). » ↩︎
- Opgelost: Het mysterie van de boze hertogin – en de Da Vinci-connectie, Mark Brown, The Guardian, 11 oktober 2008. ↩︎
- Ibid, noot 140. ↩︎
- Ibid, noot 140. ↩︎
- Groteske koppen van Quinten Metsijs, Hieronymus Cock en Hans Liefrinck naar Leonardo da Vinci, De Zeventiende Eeuw, Jaargang 10, 1994. ↩︎
- Ibid, noot nr. 5. ↩︎
- De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd, Herman Pleij, p. 11, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam ↩︎
La défense du patrimoine culturel de l’humanité, clé d’une paix mondiale

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Empathie, sympathie, compassion – La défense du patrimoine culturel de l’humanité, clé d’une paix mondiale.
Intervention de Karel Vereycken, peintre-graveur, chercheur honoraire de l’Institut Schiller, lors de la conférence internationale de l’Institut Schiller, le 15 et 16 juin 2024.
Avant de parler du patrimoine culturel mondial, quelques mots sur les notions de « sympathie », d’« empathie » et de « compassion », trois mots construits à partir du mot pathos, qui signifie en grec « souffrance » ou « affection ».
Aujourd’hui, on emploie souvent « empathie » à la place de « sympathie » et de « compassion », mais il ne s’agit pas vraiment de la même chose, bien que tous trois renvoient à une réponse bienveillante à la détresse d’autrui (pathos).
- Lasympathie est un sentiment de préoccupation sincère et de partage des sentiments de quelqu’un qui vit un épisode difficile ou douloureux.
- Le terme empathie a été inventé au début du XXe siècle pour traduire l’allemand Einfühlung, qui signifiere sentir avec les gens, et pas seulement pour eux. Lorsque vous faites preuve d’empathie à l’égard d’autrui, vous ressentez ce qu’il ressent car vous vous mettez, en quelque sorte, « à la place de l’autre ».
- La compassion va au-delà de l’empathie et se traduit par une action. Elle va de pair avec l’altruisme, ou « le désir d’agir en faveur de l’autre ». En d’autres termes, on se sent concerné par sa souffrance et poussé à y remédier.
L’empathie est particulièrement importante pour notre sujet, à savoir comment construire la paix et une culture de paix, car elle permet de jeter un pont entre des personnes qui se considèrent mutuellement comme des ennemis. On peut faire preuve d’empathie à l’égard de quelqu’un que l’on ne considère pas du tout comme sympathique. Sans partager ses sentiments, nous nous engageons néanmoins dans ce que l’on appelle l’« empathie cognitive » : nous en savons suffisamment sur le passé et la culture de l’autre pour comprendre ses motivations. En conséquence, l’empathie peut nous aider à pardonner, comme le stipulait le traité de Westphalie qui mit fin à la Guerre de Trente ans en 1648.
Aujourd’hui, si nous voulons faire de la paix une réalité, nous devons nous mobiliser pour promouvoir et élever le niveau d’empathie parmi nos concitoyens.
L’empathie fait l’objet d’attaques massives :
- par la promotion de la notion de compétition brutale (c’est pourquoi le sport professionnel est promue au détriment du sport amateur) ;
- par les écrans qui promeuvent la recherche du plaisir immédiat et la violence gratuite ;
- par l’effondrement du dialogue de personne à personne.
Après les terribles guerres entre la France et l’Allemagne, une campagne a été menée pour accroître l’empathie en Europe, avec l’ouverture de l’Institut Goethe en France et de l’Alliance française en Allemagne. On a également organisé un mouvement de jumelage entre villes, permettant aux habitants de visiter leur commune « sœur » dans l’autre pays. Ils discutaient, fraternisaient, riaient de leurs préjugés et faisaient la fête ensemble, ils cultivaient un dialogue interpersonnel et apprenaient à lire sur les visages les émotions cachées derrière les mots.
Or, la connaissance que l’on peut acquérir de la culture, de la langue et de l’histoire de l’autre est bien sûr un outil fondamental pour développer cette « empathie cognitive » qui permet de voir les personnes comme issus d’une histoire, d’une culture et d’une civilisation, plutôt que comme de petites entités atomisées.
C’est ainsi qu’après avoir découvert la philosophie du mutazilisme des Abbassidesde Bagdad, toute ma vision de l’Islam a changé. J’ai appris ce qui était arrivé à leur civilisation, leurs frustrations et leurs espoirs.
Aujourd’hui, la Chine est fortement impliquée et mobilisée pour protéger notamment le patrimoine culturel pré-islamique de l’Afghanistan et d’autres pays d’Asie centrale, qu’elle considère comme dans son propre intérêt. Un éminent archéologue chinois m’a déclaré à juste titre que la beauté et le défi intellectuel de cet art étaient « le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme » — non pas les armes et les drones, mais la culture !
C’est en Afghanistan que se sont rencontrés les acteurs de la Route de la soie, lorsque la culture grecque faisait route vers l’Est et la culture chinoise vers l’Ouest.
Les bouddhistes qui ont prospéré dans cette région furent très actifs sur les Routes de la soie maritimes et terrestres, atteignant le Pakistan, l’Inde, le Sri Lanka, le Xinjiang et la Chine. Ils accordaient une grande attention à la métallurgie, l’architecture, la peinture, la sculpture, la poésie et la littérature. Le plus ancien livre imprimé connu est un texte bouddhiste datant de 868 après JC.

A cela s’ajoute l’apparition d’une forme très agapique du bouddhisme Mahayana dans la région du Gandhara(aujourd’hui situé principalement au Pakistan et en Afghanistan). Ses adeptes, au lieu de poursuivre un but purement personnel de nirvana(illumination), se réjouissaient avant tout de libérer l’humanité entière de la souffrance.
Dans l’art du Gandhara, l’empathie, la compassionet la miséricordeétaient les qualités suprêmes à glorifier, en particulier pour les « Bodhisattvas », ces individus ayant fait le vœu d’atteindre l’état d’éveil, ou illumination, mais préférant retarder leur propre « libération » et soulager d’abord la souffrance des autres pour les aider à l’atteindre à leur tour.

Celui qui comprit comment cette forme révolutionnaire de bouddhisme pouvait pacifier la région fut le Premier ministre indien Nehru, qui nomma sa fille Indira (la future Première ministre Indira Gandhi) « Priyadarshini », le nom adopté par l’empereur Ashoka le Grand (304-232 av. J.-C.) après sa conversion, faisant de lui un prince bouddhiste de la paix.
En 1956, juste avant la création du mouvement des non-alignés et la conférence de Bandung, Nehru orchestra toute une année de célébration honorant « 2500 ans de bouddhisme », non pas pour ressusciter une croyance ancienne en tant que telle, mais pour revendiquer pour l’Inde le statut de berceau du bouddhisme : une religion-philosophie prônant la non-violence et la paix, tout en appelant à mettre fin au honteux système de castes que les Britanniques avaient encouragé et cherché à maintenir dans le monde entier.
Mes Aynak
Aujourd’hui, l’Institut Schiller, avec le Centre de recherche et de développement Ibn Sinaà Kaboul, travaille sans relâche pour sauver le site archéologique de Mes Aynak, que nous souhaitons inscrire sur la liste de l’UNESCO comme patrimoine mondial à préserver.
La mine de Mes Aynak est le deuxième gisement mondial de cuivre, et l’Afghanistan a grand besoin des revenus de cette activité minière pour mener à bien sa reconstruction urgente.
Or, au-dessus de ce site se trouvent les ruines d’un vaste complexe monastique bouddhiste, qui fut un comptoir commercial clé de la Route de la soie entre le Ier et le VIIIe siècle.
Grâce à notre campagne, et à l’issue d’intenses discussions entre le gouvernement afghan, la Chine et la compagnie minière chinoise, un accord fut trouvé pour préserver l’intégrité du patrimoine culturel situé en surface, en ne recourant qu’à des techniques souterraines pour l’exploitation minière.
Nous avons gagné une bataille, il nous reste maintenant à gagner la paix.
PS: N’hésitez pas à me contacter si vous désirer prendre part à ce combat.
Jacob Fugger « The Rich », father of financial fascism


By Karel Vereycken, September 2024.
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Investigation the Fugger and Welser banking houses?
In 1999, a dumb Bill Clinton, in front of an audience of hilarious American bankers, repealed the famous Glass-Steagall Act, the law adopted by Franklin Roosevelt to pull the world out of the economic depression by imposing a strict separation between investment (speculative) banks and the “normal” banks responsible for providing credit to the real economy.
In Orwellian fashion, the 1999 law sealing this repeal is called the Gramm-Leach-Bliley “Financial Services Modernization Act”. However, as you will discover in this article, this law, which opened the floodgates to the current predatory and criminal financial globalization, merely re-established feudal practices that had been pushed back with the dawn of modern times.
In France, the program of the Conseil national de la Résistance (CNR) explicitly called for “the establishment of a genuine social and economic and democracy, involving the removal of the great economic and financial feudal powers from the direction of the economy”, a demand echoed, in part, in the 9th paragraph of the preamble to the French 1946 Constitution, which states that “All property and all enterprises –the operation of which has or acquires the characteristics of a national public service or a monopoly in practice– must become the property of the collectivity”.
In this sense, the urgent “modernization” of finance for which we are fighting, aims to recreate not just a block of public banks, but real sovereign “national banks” (as opposed to “independent” central banks) under government control, each serving its own country but working in concert with others around the world to invest in physical and human infrastructure to the greatest benefit of all. By creating a productive credit system and “organized markets,” we can escape the hell of a feudal “monetarist” blackmail system.
To assert today that an international cartel of counterfeiters is seeking to take control of democratic societies, to engage in colonial plunder, to create fratricidal dissensions and the conditions for a new world war, will immediately be branded as conspiracy theory, Putinophilia or concealed anti-Semitism, or all three at once.
Yet the historical facts of the rise and fall of the German Fugger and Welser families (who were ardent Catholics), amply demonstrate that this is precisely what happened in the early XVIth century. Their rise and power was a veritable stab in the back of the Renaissance. Today, it’s up to us to “modernize” finance to make sure that such a situation never arises again!
Bribery and elections
In the « good old days » of the Roman Empire, things were so much simpler! Already in Athens but on a much larger scale in Rome, electoral bribery was big business. In the late Republic, lobbies coordinated schemes of bribery and extortion. Large-scale borrowing to raise money for bribes is even said to have created so much financial instability that it contributed to the 49–45 BC civil war. Roman generals, once they had systematically massacred and looted some distant colony and sold for hard cash their colonial loot, could simply buy the required number of votes, always decisive to elect an emperor or endorse a tyrant after a coup d’Etat. Legitimacy was always post-factum those days.
In Rome, the “elections” became an obscene farce to the point that they were eliminated. “A blessing from heaven”, said the statesman Quintus Aurelius Symmachus, rejoicing that “the hideous voting tablet, the crooked distribution of the seating places in the theater among the clients, the venal run, all of these are no more!”
The Holy Roman German Empire

Reviving such a degenerate and corrupt imperial system wasn’t a bright idea. On 25 December 800, Pope Leo III crowned Charlemagne as Roman emperor, reviving the title in Western Europe more than three centuries after the collapse of the ancient Western Roman Empire in 476 DC.
In 962 DC, when Otto I was crowned emperor by Pope John XII, he fashioned himself as Charlemagne’s successor, and inaugurated a continuous existence of the empire for over eight centuries. In theory the emperors were considered the primus inter pares (“first among equals”) of all Europe’s Catholic monarchs. In practice, the imperial office was traditionally elective by the mostly German prince-electors.
Just as the vote of the Roman Senate was necessary to “elect” a Roman Emperor, in the Middle Ages, a tiny group of prince-electors had the privilege of “electing” the “King of the Romans.” Once elected in that capacity, this elected king would then be crowned Emperor by the pope.
The status of prince-elector had great prestige. It was considered to be behind only the emperor, kings, and the highest dukes. The prince-electors held exclusive privileges that were not shared with other princes of the Empire, and they continued to hold their original titles alongside that of prince-electors.
In 1356, the Golden Bull, a decree carrying a golden seal, issued by the Imperial Diet at Nuremberg and Metz headed by the Emperor of that time, Charles IV, fixed the protocols and rules of the imperial power system. While limiting their power, the Golden Bull granted the great-electors the Privilegium de non appellando (“privilege of not appealing”), preventing their subjects from lodging an appeal to a higher Imperial court, and turning their territorial courts into courts of last resort.
However, imposing such a superstructure everywhere was no mean feat. With Jacques Cœur, Yolande d’Aragon and Louis XI, France increasingly asserted itself as a sovereign, anti-imperial nation-state.
Therefore, the Holy Roman Empire, by a decree adopted at the Diet of Cologne in 1512, became the “Holy Roman Empire of the Germanic Nation,” a name first used in a document in 1474. The adoption of this new name coincided with the loss of imperial territories in Italy and Burgundy to the south and west by the late XVth century, but also aimed to emphasize the new importance of the German Imperial Estates in ruling the Empire. Napoleon was supposedly the one who said the Holy Roman German Empire was triply misnamed and none of the three. It was “too debauched” to be holy, “too German” to be Roman and “too weak” to be an Empire.
In light of the object of this article, we will not expand here on this subject. Noteworthy nevertheless, the fact that German Nazi Party propaganda, as early as 1923, would identify the Holy Roman Empire of the Germanic Nation as the « First » Reich (Reich meaning empire), with the German Empire as the « Second » Reich and what would eventually become Nazi Germany as the « Third » Reich.
Hitler had a soft spot for Fugger’s hometown Augsburgand wanted to make it the “City of German Businessmen”. To honor the Fugger family, he wanted to convert their Palace into a huge trade museum. To break the Fuhrer’s moral, the building got severely bombed in February 1942.
The Prince Electors
By the XVIth Century, the Holy Roman Empire consisted of 1,800 semi-independent states spread across Central Europe and Northern Italy. In a nod to the ancient Germanic tradition of electing kings, the medieval emperors of this sprawling patchwork of disparate territories were elected
What we do know is that, from the Golden Bull of 1356 onward, the emperor was elected in Frankfurt by an “electoral college” of seven “Prince-electors” (Kurfürst in German):
- the archbishop of Mainz, arch-chancellor of Germany;
- the archbishop of Trier, arch-chancellor of Gallia (France);
- the archbishop of Cologne, arch-chancellor of Italy;
- the duke of Saxony;
- the count palatine of the Rhine;
- the margrave of Brandenburg;
- and the king of Bohemia.
Of course, to obtain the vote of these great electors, candidates had to deliver oral and in advance written promises and engagements, and especially, on (and under) the table, offer privileges, power, money and more.
Hence, the most difficult endeavor for any aspiring candidate, was to raise the bribery money to buy the votes. As a result, the very existence and survival of the Holy Roman German Empire, depended nearly entirely on the existence, survival and especially goodwill of a financial oligarchy of wealthy merchant banking families willing to lend the money to the bribers. Just as a handful of giant banks are controlling western nations today by buying their emissions of state bonds required to bail-out and refinance permanent but growing debt bubbles, the banking monopolies of those days became very rapidly too-big-to-fail and too-big-to-jail.
The financial power and influence of the Bardi, Peruzzi and other Medici bankers, who, by ruining the European farmers plunged Europe in great famine creating the conditions for the XIVth Century’s “Black Death” wiping out between 30 and 50 percent of the European population, is no secret and has been aptly documented by a friend of mine, the American financial analyst, Paul Gallagher.
Fucker Advenit

Here, we’ll focus on the activities of two German banking families who dominated the world in the early XVIth century: the Fuggers and the Welsers of Augsburg.
Unlike the Welsers, and old patrician family about we will say more later, the Fugger’s’ success story begins in 1367, when “master weaver” Hans Fugger (1348-1409) moved from his village of Graben to the “free imperial city” of Augsburg, a four-hour walk away. The Augsburg tax register reads “Fucker Advenit” (Fugger has arrived). In 1385, Hans was elected to the leadership of the weavers’ guild, which gave him a seat on the city’s Grand Council.
Augsburg, like other free and imperial cities, was not subject to the authority of any prince, but only to that of the emperor himself. The city was represented at the Imperial Diet, controlled its own trade and allowed little outside interference.

In Renaissance Germany, few cities matched Augsburg’s energy and effervescence. Markets overflowed with everything from ostrich eggs to saints’ skulls. Ladies brought falcons to church. Hungarian cow-boys drove cattle through the streets. If the emperor came to town, knights jousted in the squares. If a murderer was arrested in the morning, he was hanged in the afternoon for all to see. Beer flowed as freely in the public baths as it did in the taverns. The city not only authorized prostitution, it also maintained brothels
Initially, the Fugger’s commercial profile was very traditional: fabrics made by local weavers were bought and sold at fairs in Frankfurt, Cologne and, over the Alps, Venice. For a weaver like Hans Fugger, this was the “ideal time” to come to Augsburg. An exciting innovation was taking hold throughout Europe: fustian, a new type of fabric perhaps named after the Egyptian town of Fustat, near Cairo, which manufactured this material before its production spread to Italy, southern Germany and France.
Medieval fustian was a sturdy canvas or twill fabric with a cotton weft and a linen, silk or hemp warp, one side of which was lightly woolen. Lighter than wool, it became very much in demand, particularly for a new invention: underwear. While linen and hemp could be grown almost anywhere, in the late Middle Ages, cotton came from the Mediterranean region, from Syria, Egypt, Anatolia and Cyprus, and entered Europe via Venice.
From Jacob the Elder to « Fugger Bros »



In Augsburg, Hans had two children: Jacob, known as “Jacob the Elder” (1398-1469) and Andreas Fugger (1394-1457). The two sons had different and opposing investment strategies. While Andreas went bankrupt, Jacob the Elder cautiously expanded his business.
After Jacob the Elder’s death in 1469, his eldest son Ulrich Fugger (1441-1510), with the help of his younger brother Georg Fugger (1453-1506), took over the management of the company.
Gradually, profits were invested in far more profitable activities: precious stones, goldsmithery, jewelry and religious relics such as martyrs’ bones and fragments of the cross; spices (sugar, salt, pepper, saffron, cinnamon, alum); medicinal plants and herbs and, above all, metals and mines (gold, silver, copper, tin, lead, mercury) which, as collateral enabled the expansion of credit and monetary issuance.
The Fugger forged close personal and professional ties with the aristocracy. They married into some of the most powerful families in Europe – in particular, the Thurzos of Austria. Their activities spread throughout central and northern Europe, Italy and Spain, with branches in Nuremberg, Leipzig, Hamburg, Lübeck, Frankfurt, Mainz and Cologne, Krakow, Danzig, Breslau and Budapest, Venice, Milan, Rome and Naples, Antwerp and Amsterdam, Madrid, Seville and Lisbon.
Jacob Fugger « The Rich »

In 1473, another brother, the youngest of the three, Jacob Fugger (later known as “the Rich”) (1459-1525), aged 14 and originally destined for an ecclesiastical career, was sent to Venice, then “the world’s most trading city”. There, he was trained in commerce and book accounting. Jacob returned to Augsburg in 1486 with such admiration for Venice that he liked to be called “Jacobo” and never let go of his Venetian gold beret. Later, with a certain sense of irony, he called the accounting techniques he learned in Venice “The art of enrichment”. The humanist Erasmus of Rotterdam seems to have wanted to respond to him in his colloquium “The friend of lies and the friend of truth”.

The Banker and his wife
In 1515, Erasmus’ friend in Antwerp, the Flemish painter Quinten Matsys, painted a panel entitled “The Banker and his Wife”, a veritable cultural response from the humanists to the Fuggers. While the banker, who has hung his rosary on the wall behind him, checks whether the metal weight of the coins corresponds to their face value, his wife, turning the pages of a religious book of hours, casts a sad glance at the greedy obsessions of her visibly unhappy husband. The inscription on the frame has disappeared. It read: “Stature justa et aequa sint podere “ (” Let the scales be just and the weights equal”, a phrase taken from the Bible, Leviticus, XIX, 35).
The painter calls out to lawless finance, seeming to say to them: “Which will get you into heaven: the weight of your gold or the weight of your golden deeds, reflection of your love for God?”
The importance of information
In Venice, Jacob assimilated Venetian (Roman Empire) methods to succeed:
- organize a private intelligence service;
- impose a monopoly on strategic goods and products;
- alternate between intelligent corruption and blackmail;
- push the world to the brink of bankruptcy to make bankers such as Fugger indispensable.
Jacob Fugger recognized the importance of information. To be successful, he has to know what’s going on in the seaports and trading centers. Eager to gain every possible business advantage, Fugger set up a private mail courier designed to transmit news — such as “deaths and results of battles” — exclusively to him, so that he would have it before anyone else, especially before the emperor.


Jacob Fugger financed any project, person or operation that meets his long-term objectives. But always under strict conditions set by him, and always to impose himself on others. The prevailing principle was do ut des, in other words, “I give, I can receive”. In exchange for every loan, collateral such as metal production, mining concessions, state financial inflows, commercial and social privileges, tax and customs exemptions, and high positions in key institutions, were demanded. And with the increase in the sums advanced, the increase in the quid pro quos demanded by Fugger.
If “modern” capitalism is the dictatorship of private monopolies at the expense of free competition, it’s safe to say that he truly is its founder.
The most important thing he learned in Venice? To always be prepared to sacrifice short-term financial gains, and even to offer financial profits to his victims, in order to demonstrate his solvency and ensure his long-term political control. In the absence of national or public banks, popes, princes, dukes and emperors depended heavily, if not entirely, on an oligopoly of private bankers. When an Austrian emperor, whose banker he was, wanted to impose a universal tax, Fugger sank the project because it reduced his dependence on bankers!
A Venetian ambassador, discovering that Jacob had learned his trade in Venice, confessed:
“If Augsburg is the daughter of Venice, then the daughter has surpassed her mother”.

Antwerp and Venice
The three Fugger brothers were aware of the key role played by Venice and Antwerp in the copper trade, with Augsburg, along with Nuremberg, right in the middle of the trade corridor connecting them.
Antwerp
1503 marked the beginning of the Portuguese activities of the House of Fugger in Antwerp, and in 1508 the Portuguese made Antwerp the base of their colonial trade.

In 1515, Antwerp established Europe’s first stock exchange, a model for London (1571) and Amsterdam (1611). Copper, pepper and debts were traded. The purchase of a cargo of pepper was settled ¾ in gold, ¼ in copper. First Venice, then Portugal and Spain, depended on Fugger for silver and copper.
Venice
The firm exported copper and silver from Tyrol to Venice, and imported luxury goods, fine textiles, cotton and, above all, Indian and Oriental spices from Venice. After much effort, on November 30, 1489, the Venetian Council of State confirmed the Fugger’s permanent possession of their room in the “Fondaco dei Tedeschi”, the German merchants’ warehouse on the Grand Canal, on whose upkeep and decoration they spent considerable sums.

At the beginning of the XVIth century, Nuremberg merchants shared with Augsburg merchants the monopoly of what was the most important German trading post. During the meals taken in common, required by the rules, they officially presided over the table with their colleagues from Cologne, Basel, Strasbourg, Frankfurt and Lübeck.
Well-known merchant families traded in the Fondaco dei Tedeschi, including the Imhoff, Koler, Kref, Mendel and Paumgartner families from Nuremberg, and the Fugger and Höchstetter families from Augsburg. Merchants mainly imported spices from Venice: saffron, pepper, ginger, nutmeg, cloves, cinnamon and sugar.

The Nuremberg stock exchange served as a commercial link between Italy and other European economic centers. Foods known and appreciated in the Mediterranean region, such as olive oil, almonds, figs, lemons and oranges, jams and wines like Malvasia and Chierchel found their way from the Adriatic Sea to Nuremberg.
Other valuable products included corals, pearls, precious stones, Murano glassware and textiles such as silk fabrics, cotton and damask sheets, velvet, brocade, gold thread, camelot and bocassin. Paper and books completed the list.
In the years that followed, “Ulrich Fugger & Brothers” dealt in Venetian bills of exchange with the Frankfurt company Blum, and sources frequently mention the company’s branch on the Rialto as an outlet for copper and silver, a center for the purchase of luxury goods and a clearing station for transfers to the Roman curia.
The World changes

In 1498, six years after Christopher Columbus’s voyage to America, Vasco da Gama (1460-1524)was the first European to find the route to India, bypassing Africa. This enabled him to set up Calicut, the first Portuguese trading post in India. The opening of this sea route to the East Indies by the Portuguese deprived the Mediterranean trade routes, and thus South Germany, of much of their importance. Geographically, Spain, Portugal and the Netherlands gained the upper hand.

Jacob Fugger, always in the know before anyone else, decided to adapt to the new realities and relocated his colonial business from Venice to Lisbon and Antwerp. He took advantage of the opportunity to open up new markets such as England, without abandoning markets such as Italy. He took part in the spice trade and opened a factory in Lisbon in 1503. He was authorized to ship pepper, other spices and luxury goods such as pearls and precious stones via Lisbon.
Along with other German and Italian trading houses, Fugger contributed to a fleet of 22 Portuguese ships led by the Portuguese Francisco de Almeida (1450-1510), which sailed to India in 1505 and returned in 1506. Although a third of the imported goods had to be sold to the King of Portugal, the operation remained profitable. Impressed by the financial returns, the King of Portugal made the spice trade a royal monopoly, excluding all foreign participation, in order to reap the full benefits. However, the Portuguese still depended heavily on the copper supplied by Fugger, a key product for trade with India.
Fugger, tricks and tactics
Let’s summarize the “genius” and some of the tricks that enabled Jacob Fugger to become “the rich” at the expense of the rest of humanity.
1. Bail me out, baby
In 1494, the Fugger brothers founded a trading company with a capital of 54,385 florins, a sum that doubled two years later when, in 1496, Jacob persuaded Cardinal Melchior von Meckau (1440-1509), Prince-Bishop of Brixen (today’s Bressanone in the Italian Tyrol), to join the company as a “silent partner” in the expansion of mining activities in Upper Hungary. In total secrecy, and without the knowledge of his ecclesiastical chapter, the prince-Bishop invested 150,000 florins in the Fugger company in exchange for a 5% annual dividend. While such “discreet transactions” were quite common among the Medici, profiting from interest rates remained a sin for the church. When the prince-bishop died in Rome in 1509, this investment scheme was discovered. The pope, the bishopric of Brixen and the Meckau family, all claiming the inheritance, demanded immediate repayment of the sum, which would have led to Jacob Fugger’s insolvency. It was this situation that prompted Emperor Maximilian I to intervene and help his banker. Fugger came up with the formula.
Provided he helped Pope Julius II in a small war against the Republic of Venice, only the Hapsburg monarch was recognized as Cardinal Melchior von Meckau’s legitimate heir. The inheritance could now be settled by paying off outstanding debts. Fugger was also required to deliver jewels as compensation to the Pope. In exchange for his support, however, Maximilian I demanded continued financial backing for his ongoing military and political campaigns. A way of telling the Fugger: “I’m saving you today, but I’m counting on you to save me tomorrow…”.
2. Buy me a pope and the Vatican, baby

In 1503, Jacob Fugger contributed 4,000 ducats (5,600 florins) to the papal campaign of Julius II and greased the cardinals’ palms to get this “warrior pope” elected. To protect himself and the Vatican, Julius II requested 200 Swiss mercenaries. In September 1505, the first contingent of Swiss Guards set out for Rome. On foot and in the harshness of winter, they marched south, crossed the St. Gotthard Pass and received their pay from the banker… Jacob Fugger.
Julius showed his gratitude by awarding Fugger the contract to mint the papal currency. Between 1508 and 1524, the Fugger leased the Roman mint, the Zecca, manufacturing 66 types of coins for four different popes.
3. Business first, baby
In 1509, Venice was attacked by the armies of the League of Cambrai, an alliance of powerful European forces determined to break Venice’s monopoly over European trade. The conflict disrupted the Fuggers’ land and sea trade. The loans granted by the Fugger to Maximilian (a member of the League of Cambrai) were guaranteed by the copper from the Tyrol exported via Venice… The Fugger’s sided with Venice without falling out with a happy Maximilian.
4. Buy me a hitman, baby
Fugger had rivals who hated him. Among them, the Gossembrot brothers. Sigmund Gossembrot was the mayor of Augsburg. His brother and business partner, George, was Maximilian’s treasury secretary. They wanted mining revenues to be invested in the real economy, and advised the emperor to break with the Fugger. Both brothers died in 1502 after eating black pudding. The great Fugger historian Gotried von Pölnitz, who has spent more time in the archives than anyone else, wonders whether the Fugger ordered the assassination. Let’s just say that absence of proof is not proof of absence.
5. Your mine is mine, baby

The time between 1480 and 1560 was the “century of the metallurgical process.” Gold, silver and copper could now be separated economically. Demand for the necessary mercury for the separation process grew rapidly. Jacob, aware of the potential financial gains it offered, went from textile trade to spice trade and then into mining.

Therefore, he headed to Innsbruck, currently Austria. But the mines were owned bySigismund Archduke of Austria (1427-1496), a member of the Habsburg family and cousin of the emperor Frederick.
The good news for Jacob Fugger is that Sigismund was a big spender. Not for his subjects, but for his own amusement. One lavish party sees a dwarf emerge from a cake to wrestle a giant.
As a result, Sigismund was constantly in debt. When he ran out of money, Sigismund sold the production from his silver mine at knock-down prices to a group of bankers. To the Genoese banking family Antonio de Cavallis, for example. To get into the game, Fugger lends the Archduke 3,000 florins and receives 1,000 pounds of silver metal at 8 florins per pound, which he later sells for 12. A paltry sum compared with those lent by others, but a key move that opened his relations with Sigismund and above all with the nascent Habsburg dynasty.
In 1487, after a military skirmish with the more powerful Venice for control of the Tyrolean silver mines, Sigismund’s financial irresponsibility made him persona non grata with the big bankers. In despair, he turned to Fugger. Fugger mobilized the family fortune to raise the money the archduke demanded. An ideal situation for the banker. Of course, the loan was secured and subject to strict conditions. Sigismund was forbidden to repay it with silver metal from his mines, and had to cede control of his treasury to Fugger. If Sigmund repays him, Fugger walks away with a fortune. But, given Sigmund’s track record, the chance of him repaying is nil. Ignoring the terms of the loan, most of the other bankers are convinced that Fugger will go bankrupt. And indeed, Sigismund defaulted, just as Fugger… had predicted. However, as stipulated in the contract, Fugger seized “the mother of all silver mines”, the one in the Tyrol. By advancing a little cash, he gets his hands on a giant silver mine.
6. Buy my « Fugger Bonds », baby

The way Fugger banking worked was that Fugger lent to the emperor (or another customer) and re-financed the loan on the market (at lower interest rates) by selling so-called “Fugger bonds” to other investors. The Fugger bonds were much sought after investments as the Fugger were regarded as “safe debtors”. Thus, the Fugger used their own superior credit standing in the market to secure financing for their customers whose credit rating was not as well regarded. The idea was – provided the emperor and the other customers honored their commitments – they would make a profit from the difference in interest between the loans the Fugger extended and the interest payable on the Fugger bonds.
7. Buy me an Emperor, baby

Sigismund was soon eclipsed by emperor Frederick IIIrd’s son, Maximilian of Austria (1459-1519), who had arranged to take power if Sigismund did not pay back money he owed him. (Fugger could have lent Sigismund the money to keep him in power but decided he’d prefer Maximilian in the position.)
Maximilian was elected “King of the Romans” in 1486 and ruled as the Holy Roman Emperor from 1508 till his death in 1519. Jacob Fugger supported Maximilian I of Habsburg in his accession to the throne by paying 800,000 florins. Laying the foundation for the family’s widely distributed landholdings, this time Fugger, as collateral, didn’t want silver, but land. So he acquired the countships of Kirchberg and Weissenhorn from Maximilian I in 1507 and in 1514, the emperor made him a count.
Unsurprisingly, Maximilian’s military conquests coincided with Jacob’s plans for mining expansion. Fugger purchased valuable land with the profits from the silver mines he had obtained from Sigismund, and then financed Maximilian’s army to retake Vienna in 1490. The emperor also seized Hungary, a region rich in copper.

A “copper belt” stretched along the Carpathian Mountains through Slovakia, Hungary and Romania. Fugger modernizes the country’s mines by introducing hydraulic power and tunnels. Jacob’s aim was to establish a monopoly on this strategic raw material, copper ore. Along with tin, copper is used in the manufacture of bronze, a strategic metal for weapons production. Fugger opened foundries in Hohenkirchen and Fuggerau (the family’s namesake in Carinthia, today in Austria), where he produced cannons directly.
8. Sell me indulgences, baby

In 1514, the position of Archbishop of Mainz became available. As we have seen, this was the most powerful position in Germany, with the exception of that of the emperor. Such positions require remuneration. Albrecht of Brandenburg (1490-1545), whose family, the Hohenzollerns, ruled a large part of the country, wanted the post. Albrecht was already a powerful man: he held several other ecclesiastical offices. But even he couldn’t afford to pay such high fees. So, he borrowed the necessary sum from the Fugger, in return for interest, which the convention of the time described as a fee for “trouble, danger and expense”.
Pope Leo X, having squandered the papal treasury on his coronation and organized parties where prostitutes looked after the cardinals, asked for 34,000 florins to grant Albrecht the title – roughly equivalent to $4.8 million today – and Fugger deposited the money directly into the pope’s personal account.
All that remained was to pay back the Fugger. Albrecht had a plan. He obtained from Pope Leo X the right to administer the recently announced “jubilee indulgences”. Indulgences were contracts sold by the Church to forgive sins, allowing believers to buy their way out of purgatory and into heaven.
But to fleece the sheep, as with any good scam, a “cover” or “narrative” was required. The motive, concocted by Julius II, was credible, claiming that St. Peter’s Basilica needed urgent and costly renovation.

In charge of the sale was a “peddler of indulgences”, the Dominican Johann Tetzel, who “carried Bibles, crosses and a large wooden box with […] an image of Satan on top”, and told the faithful that his indulgences “canceled all sins”. He even proposed a “progressive scale”, with the wealthy believers paying 25 florins and ordinary workers just one. Tetzel is quoted as saying: “When the money rattles in the box, the soul jumps out of purgatory”.
On the ground, in every church, Fugger clerks worked on site to collect the money, half of which went to the Pope and half to Fugger. At the same time, Fugger obtained a monopoly on the transfer of the funds obtained from the sale of indulgences between Germany and Rome.
If the archbishop was at the mercy of the Fugger, so too was Pope Leo X, who, to repay his debt, collected money through “simonies”, i.e. selling high ecclesiastical offices to princes. Between 1495 and 1520, 88 of the 110 bishoprics in Germany, Hungary, Poland and Scandinavia were appointed by Rome in exchange for money transfers centralized by Fugger. In this way, Fugger became “God’s banker, Rome’s chief financier”.
9. Buy me Martin Luther, baby
Since the IIIrd century, the Catholic Church asserted that God can be indulgent, granting total or partial remission of the penalty incurred following forgiveness of a sin. However, the indulgence obtained in return for an act of piety (pilgrimage, prayer, mortification, donation), notably in order to shorten a deceased person’s passage through purgatory, over time, turned into a lucrative business, used by Urban II to recruit enthusiastic faithful to the First Crusade.
In the XVIth century, it was this trade in indulgences that led to serious unrest and turmoil within the Church. Described as superstition by Erasmus in his “In Praise of Folly”, the denunciation of the indulgence trade was the very subject of Luther’s ninety-five arguments, the manifesto he nailed on the door of the Castle Church of Wittenberg and would lead the Church to division and to the Protestant Reformation. Refusing to travel to Rome to answer charges of heresy and of challenging the Pope’s authority, Luther agreed to present himself in Augsburg in 1518 to the papal legate, Cardinal Cajetan. The latter urged Luther to retract or reconsider his statements (“revoca!”).

Although Luther had denounced Fugger by name for his central role in the indulgence swindle, he agreed to be interrogated in the central office of the bank that organized the crime he denounced!
Luther seems to have been aware that, verbal accusations aside, the Fuggers would protect and promote him rather than face a much more reasonable call for reform from Erasmus and his followers. While he could have been arrested and burned at the stake as some demanded, Luther showed up, refused to backtrack on his statements and left unscathed.
10. Buy them poverty, baby
In the XVIth century, prices increased consistently throughout Western Europe, and by the end of the century prices reached levels three to four times higher than at the beginning. Recently historians have grown dissatisfied with monetary explanations of the sixteenth-century price rise. They have realized that prices in many countries began to rise before much New World gold and silver entered Spain, let alone left it, and that probable treasure-flows bear little relation to price movements, including in Spain itself.
In reality, in the late fifteenth and early sixteenth century European populations began to expand again, recovering from that long era of contraction initiated by the Black Death of 1348. Growing populations produced rising demands for food, drink, cheap clothing, shelter, firewood, etc., all ultimately products of the land. Farmers found it difficult to increase their output of these things: food prices, land values, industrial costs, all rose. Such pressures are now seen as an important underlying cause of this inflation, though few would deny that it was stimulated at times by governments manipulating the currency, borrowing heavily, and fighting wars.
The “Age of the Fuggers” was an age where money was invested in more money and financial speculation. The real economy was looted by taxes and wars.
The dynamic created by the collapse of the living standards, taxes and price inflation for most of the people and the public exposure of corruption of both the Church and the aristocracy, set the scene for riots in many cities, the German “Peasant war,” an insurrection of weavers, craftsmen and even miners, ending with the “Revolt of the Netherlands” and centuries of bloody “religious” wars that only terminated with the “funeral” of the Empire by the Peace of Westphalia in 1648.
11. Buy them social housing, baby

Jacob Fugger’s initiative, in 1516, to start building the Fuggerei, a social housing project for a hundred working families in Augsburg, rather unique for the day, came as “too little and too late,” when the firm’s image became under increasing attacks. The Fuggerei survived as a monument to honor the Fugger. The rent remained unchanged, it still is one Rhenish gulden per year (equivalent to 0.88 euros), three daily prayers for the current owners of the Fuggerei, and the obligation to work a part-time job in the community. The conditions to live there, akin to the Harz4 measures, remain the same as they were 500 years ago: one must have lived at least two years in Augsburg, be of the Catholic faith and have become indigent without debt. The five gates are still locked every day at 10 PM.
12. Buy me rates worth an interest, baby

“You shall not charge interest.” In 1215 Pope Innocent III explicitly confirmed the prohibition on interest and usury decreed in the Bible. The line from Luke 6:35, “Lend and expect nothing in return,” was taken by the Church to mean an outright ban on usury, defined as the demand for any interest at all. Even savings accounts were considered sinful. Not Jacob Fugger’s ideal scenario. To change this, Fugger hired a renowned theologian Johannes Eck (1494-1554) of Ingolstadt to argue his case. Fugger conducted a full-on public relations campaign, including setting up debates on the issue, and wrote an impassioned letter to Pope Leo.
As a result, Leo issued a decree proclaiming that charging interest was usury only if the loan was made “without labor, cost or risk” — which of course no loan ever really is. More than a millennium after Aristotle, Pope Leo X found that risk and labor involved with safeguarding capital made money lending “a living thing.” As long as a loan involved labor, cost, or risk, it was in the clear. This opened a flood of church-legal lending: Fugger’s lobbying paid off with a fortune. Fugger persuaded the Church to permit an interest of 5% – and he was reasonably successful: charging interest was not allowed, but it wasn’t punished either.
Thanks to Leon X, Fugger was now able to attract cash by offering depositors a 5% return. As for loans, according to the Tyrolean Council’s report, while other bankers were lending Maximilian at a rate of 10%, the rate charged by Fugger, justified by “the risk”, was over 50%! Charles V, in the 1520s, had to borrow at 18%, and even at 49% between 1553 and 1556. Meanwhile, Fugger’s equity, which in 1511 amounted to 196,791 florins, rose in 1527, two years after Jacob’s death, to 2,021,202 florins, for a total profit of 1,824,411 florins, or 927% increase, which represents, on average, an annual increase of 54.5%.

All this is presented today, not as usury, but as a “great advance” anticipating modern wealth and asset management practices…
Fugger “broke the back of the Hanseatic Ligue” and “roused commerce from its medieval slumber by persuading the pope to lift the ban on moneylending. He helped save free enterprise from an early grave by financing the army that won the German Peasants War, the first great clash between capitalism and communism,” writes Greg Steinmetz, historian and former Wall Street Journal correspondent.

Why Venice created the ghetto for Jewish bankers
Of course, for a long time, the Venetians ignored these rules as they preferred making money to pleasing God, entombed in the motto, we are “First Venetians, then Christians.”
In 1382, Jews were allowed to enter Venice. In 1385 the first “Condotta” was granted, an agreement between the Republic of Venice and Jewish bankers, which gave them permission to settle in Venice to lend money at interest. The 10-year agreement detailed the rules that these bankers had to follow. Among others, it established the high annual tax to be paid, the number of banks that could open and the interest rates they could charge.
In 1385, Venice signed another agreement with Jewish bankers who lived in Mestre, located on dry land opposite the islands of Venice, so that they could grant loans at favorable rates to the poorest sections of the city. With this agreement, Serenissima managed to alleviate the poverty of the population and, at the same time, if people got angry against the Doge, could direct the hostility of the masses against Jewish moneylenders.
The Condotta of 1385, was not renewed in 1394 under the pretext that the Jews were not following the rules imposed on their activities. Jewish bankers received permission to stay for a period of 15 days a month and those who lived in Mestre used this concession to work in Venice. But to be recognized as Jews, they were already obliged to wear a yellow circle on their clothing…
To make a long story short, Venice resolved the “dilemma” by opting for mass segregation. On March 20, 1516, one of the members of the Council, after violently attacking the Jews verbally, asked that they be confined in the “Ghetto” a Venetian dialect word, used at the time to refer to the foundries in the area. The Dogeand Councilapproved the solution. If they wanted to continue to live in Venice, Jews would have to live together in a certain area, separated from the rest of the population. On March 29, a decree created the Venice Ghetto.
You can read here the full story of the Venice ghetto
13. Buy me an Austro-Hungarian empire, baby
When Turkey invaded Hungary in 1514, Fugger was gravely concerned about the value of his Hungarian copper mines, his most profitable properties. After diplomatic efforts failed, Fugger gave Maximilian an ultimatum — either strike a deal with Hungary or forget about more loans. The threat worked. Maximilian negotiated a marriage alliance that left Hungary in Hapsburg hands, leading to “redrawing the map of Europe by creating the giant political tinderbox known as the Austro-Hungarian Empire. Fugger needed a Hapsburg seizure of Hungary to protect his holdings.
14. Buy me a second emperor, baby

When Maximilian I, Holy Roman Emperor, died in 1519, he owed Jacob Fugger around 350,000 guilders. To avoid a default on this investment, Fugger organized a banker’s rally to gather all the bribery money allowing Maximilian’s grandson, Charles V, buying the throne.
If another candidate had been elected emperor, like King Francis I of France who suddenly tried to enter the scene, and would certainly have been reluctant to pay Maximilian’s debts to Fugger, the latter would have sunk into bankruptcy.
This situation reminds the modus operandi of JP Morgan, after the 1897 US banking crash and the banking panic of 1907. The “Napoleon of Wall Street,” afraid of a revival of a real national bank in the tradition of Alexander Hamilton, first gathered all the funds required to bail out his failing competitors, and then set up the Federal Reserve system in 1913, a private syndicate of bankers in charge of preventing the government of interfering in their lucrative business
Hence, Jacob Fugger, in direct liaison with Margaret of Austria, who bought into the scheme because of her worries about peace in Europe, in a totally centralized way, gathered the money for each elector, using the occasion to bolster dramatically his monopolistic positions, especially over his competitors such as the Welsers and the rising port of Antwerp.
According to the French historian Jules Michelet (1798-1874), Jacob Fugger energetically imposed three preconditions:
- “The Garibaldi of Genoa, the Welsers of Germany and other bankers, could only partake in this scheme by making down-payments to Fugger and could only lend money [to Charles] through his intermediary;
- “Fugger obtained promissory notes from the cities of Antwerp and Mechelen as collateral, paid for out of Zeeland tolls;
- “Fugger got the city of Augsburg to forbid lending to the French. He requested Marguerite of Austria (the regent) to forbid the people of Antwerp from exchanging money in Germany for anyone.”(handing over de facto that lucrative business to the Augsburg bankers only…)

Now, as said before, people mistakenly think that Jacob “the Rich”, was “very rich.” Of course he was: today, he is considered to be one of the wealthiest people ever to have lived, with a GDP-adjusted net worth of over $400 billion, and approximately 2% of the entire GDP of Europe at the time, more than twice the fortune of Bill Gates.
If this was true or not and how wealthy he really was we will never know. But if you look at the capital declared by the Fugger brothers to the Augsburg tax authorities, it dwarfs by far the giant amounts being lent.
According to Fugger historian Mark Häberlein, Jacob anticipated modern day tax avoidance tricks by striking a deal with the Augsburg tax authorities in 1516. In exchange for an annual lump sum, the family’s true wealth… would not be disclosed. One of the reasons of course is that, just as BlackRock today, Fugger was a “wealth manager”, promising a return on investment of 5 percent while pocketing 14.5 percent himself… Cardinals and other fortunes would secretly invest in Fugger for his juicy returns.
Hence, it is safe to say that Fugger was very rich… of debts. And just as the IMF and a handful of mammoth banks today, by bailing out their clients with fictitious money, the Fuggers were doing nothing else than bailing out themselves and increasing their capacity to keep doing so. No structural reform on the table, only a liquidity crisis? Sounds familiar!
Charles’ unanimous selection by the Electors required exorbitant bribes, to the tune of 851,585 guilders, to smooth the way. Jacob Fugger put in 543,385 guilders, around two thirds of the sum. For the first time, the only collateral was Charles himself, ruling over most of the world and America.
It would take an entire book or a documentary to detail the amazing scope of bribes deployed for Charles’ imperial election, a well-documented event.
Just some excerpts from a detailed account:

“Cardinal Albert of Brandenburg, Elector of Mainz, received 4,200 gold florins for his attendance at the Diet of Augsburg. In addition, Maximilian undertook to pay him 30,000 florins, as soon as the other electors had also committed themselves to give their votes to the Catholic King (Charles V). This was a bonus granted to the cardinal of Mainz for being the first to pledge his vote; to this gift was to be added a gold credence and a tapestry from the Netherlands. The greedy elector would also receive a life pension of 10,000 Rhine florins, payable annually in Leipzig at the Fugger bankers’ counter, and guaranteed by [the cash flow of taxes raised on maritime trade by] the cities of Antwerp and Mechelen. Finally, the Catholic King (Charles V) had to protect him to against the resentment of the King of France and against any other aggressor, while insisting that Rome grant him the title and prerogatives of ‘legate a latere’ in Germany, with the appointment benefits.”

“Hermann de Wied, archbishop-elector of Cologne, had received 20,000 florins in cash for himself and 9,000 florins to be shared between his principal officers. He was also promised a life pension of 6,000 florins, a life pension of 600 florins for his brother, a perpetual pension of 500 florins for his other brother, Count Jean, and brother, Count Jean, as well as other pensions amounting to 700 florins, to be among his principal officers.”

“For his part,Joachim I Nestor, Elector and Margrave of Brandenburg(another Hohenzollern and brother of Albert of Brandenburg), demanded substantial compensation for the advantages he was losing by abandoning the French king. The latter had promised him a princess of royal blood for his son and a large sum of money. Joachim was therefore keen to replace Renée de France with Princess Catherine, Charles’s sister, and demanded 8,000 florins for himself and 600 for his advisors. And that wasn’t all. He was to be paid in cash on the day of the election: 70,000 florins to deduct from Princess Catherine’s dowry; 50,000 florins for the election; 1,000 florins for his chancellor and 500 florins for his advisor, Dean Thomas Krul.”
15. Buy me zero regulation, baby
In 1523, under pressure from public opinion growing angry against the merchant houses of Augsburg, foremost of them the Fugger, the fiscal arm of the imperial Council of Regency brought an indictment against them. Some even brought up the idea of restricting trading capital of individual firms to 50,000 florins and limiting the number or their branches to three.
Acutely aware that such regulations would ruin him, Jacob Fugger, in panic, on April 24, 1523, wrote a short message to the Emperor Charles V, remembering his Majesty of his dependence on the good health of the Fugger bank accounts:
“It is furthermore no secret that Your Imperial Majesty would not have obtained the crown of Rome without my help, as I can prove from letters written in their own hand by all Your Majesty’s commissioners (…) Your Majesty still owes me 152,000 ducats, etc.”
Charles Vth realized that the debt was not the issue of the message and immediately wrote to his brother Ferdinand, asking him to take measures to prevent the anti-monopoly trial. The imperial fiscal authorities were ordered to drop the proceedings. For Fugger and the other great merchants, the storm had passed.
16. Buy me Spain, baby

Of course, Charles V didn’t had a dime to pay back the giant Fugger loan that got him elected! Little by little, Fugger obtained his rights to continue mining metals – silver and copper – in the Tyrol, validated. But he got more, first in Spain itself and, quite logically, in the territories newly conquered by Spain in America.
17. Buy me America, baby
Firstly, to raise funds, Charles leased the income of the main territories of the three great Spanish orders of chivalry, known as Maestrazgos, for which the Fugger paid 135,000 ducats a year but got much more than what he spent for the lease.
Between 1528 and 1537, the Maestrazgos were administered by the Welsers of Augsburg and a group of merchants led by the Spanish head of the postal service Maffeo de Taxis and the Genoese banker Giovanni Battista Grimaldi. But after 1537, the Fugger took over again. The lease contract was very attractive for two reasons: first it allowed the leaseholders to export grain surpluses from these estates and second, it included the mercury mines of Alamadén, a crucial element both for the production of mirror glass, the processing of gold and medical applications.
Now, as the Fugger depended on gold and silver shipments from America to recover their loans to the Spanish crown, it appeared logical for them to set their eyes on the New World, as well.
18. Buy me Venezuela, baby


Let us now enter the Welsers whose history can be traced back to the XIIIth century, when its members held official positions in the city of Augsburg. Later, the family became widely known as prominent merchants. During the XVth century, when the brothers Bartholomew and Lucas Welser carried on an extensive trade with the Levant and elsewhere, they had branches in the principal trading centers of southern Germany and Italy, and also in Antwerp, London, and Lisbon. In the XVth and XVIth centuries, branches of the family settled at Nuremberg and in Austria.
As a reward for their financial contributions to his election in 1519, second in importance to Fugger but quite massive, King Charles V, unable to reimburse, provided the Welsers with privileges within the African slave trade and conquests of the Americas.
The Welser Family was offered the opportunity to participate in the conquest of the Americas in the early to mid-1500s. As fixed in the Contract of Madrid (1528), also known as the “Welser Contracts”, the merchants were guaranteed the privilege to carry out so-called “entradas” (expeditions) to conquer and exploit large parts of the territories that now belong to Venezuela and Colombia. The Welsers nourished fantasies about fabulous riches fueled by the discovery of golden treasures and are said to have created the myth of “El Dorado” (the city of gold).

The Welsers started their operations by opening an office on the Portuguese island of Madeira and acquiring a sugar plantation on the Canary Islands. Then they expanded to San Domingo, today’s Haiti. The Welser’s hold of the slave trade in the Caribbean began in 1523, five years before the Contract of Madrid, as they had begun their own sugar production on the Island.
Included in the Contract of Madrid, the right to exploit a huge part of the territory of today’s Venezuela (Klein Venedig, Little Venice), a country they themselves called “Welserland”. They also obtained the right to ship 4,000 African slaves to work in the sugar plantations. While Spain would grant capital, horses and arms to Spanish conquistadors, the Welser would only lend them the money that allowed them to buy, exclusively from them, the means of running their operations.

Poor German miners went to Venezuela and got rapidly into huge debt, a situation which exacerbated their rapacity and worsened the way they treated the slaves. From 1528 to 1556, seven expeditions led to the plunder and destruction of local civilizations. Things became so ugly that in 1546, Spain revoked the contract, also because they knew the Welsers also served Lutheran clients in Germany.
Bartholomeus Welser’s son, Bartholomeus VI Welser, together with Philipp von Hutten were arrested and beheaded in El Tocuyo by local Spanish Governor Juan de Carvajal in 1546. Some years later, the abdication of Charles V in 1556 meant the definitive end of the Welser’s attempt to re-assert their concession by legal means.
19. Buy me Peru and Chile, baby
Unlike the Welser family, Jacob Fugger’s participation in overseas trade was cautious and conservative, and the only other operation of this kind he invested in, was a failed 1525 trade expedition to the Maluku Islands led by the Spaniard Garcia de Loaisa (1490-1526).
For Spain, the idea was to gain access to Indonesia via America, escaping Portuguese control over the spice road. Jacob the Rich died in December of that year and his nephew Anton Fugger (1493-1560) took over the strategic management of the firm.
And the did go on. The Fugger’s relations with the Spanish Crown reached a climax in 1530 with the loan of 1.5 million ducats from the Fugger for the election of Ferdinand as “Roman King”. It was in this context that the Fugger agent Veit Hörl obtained as collateral from Spain the right to conquer and colonize the western coastal region of South America, from Chincha to the Straits of Magellan. This region included present-day southern Peru and all of Chile. Things however got foggy and for unknown reasons, Charles V, who in principle agreed with the deal failed to ratify the agreement. Considering that the Welser’s Venezuela project degenerated into a mere slave-raiding and booty enterprise and ended in substantial losses, Anton Fugger, who thought financial returns were too low, abandoned the undertaking.
20. By me a couple of slaves, baby

Copper from the Fugger mines was used for cannons on ships but also ended up in the production of horse-shoe shaped “manillas”. Manillas, derived from the Latin for hand or bracelet, were a means of exchange used by Britain, Portugal, Spain, the Netherlands, France and Denmark to trade with west Africa in gold and ivory, as well as enslaved people. The metals preferred were originally copper, then brass at about the end of the XVth century and finally bronze in about 1630.
In 1505, in Nigeria, a slave could be bought for 8–10 manillas, and an elephant’s ivory tooth for one copper manila. Impressive figures are available: between 1504 and 1507, Portuguese traders imported 287,813 manillas from Portugal into Guinea, Africa, via the trading station of São Jorge da Mina. The Portuguese trade increased over the following decades, with 150,000 manillas a year being exported to the like of their trading fort at Elmina, on the Gold Coast. An order for 1.4 million manillas was placed, in 1548, with a German merchant of the Fugger family, to support the trade.
In clear: without the copper of the Fugger’s, the slave-trade would not never have become what it became.

In 2023, a group of scientists discovered that some of the Benin bronzes, now reclaimed by African nations, were made with metal mined thousands of miles away… in the German Rhineland. The Edo people in the Kingdom of Benin, created their extraordinary sculptures with melted down brass manilla bracelets, Fugger’s grim currency of the transatlantic slave trade between the XVIth and XIXth centuries…
Endgame

Anton Fugger tried to maintain the position of a house that, however, continued to weaken. Sovereigns were not as solvent as had been hoped. Charles V had serious financial worries and the looming bankruptcy was one of the causes he stepped down leaving the rule of the empire to his son, King Philip II of Spain. Despite all the gold and silver arriving, the Empire went bankrupt. On three occasions (1557, 1575, 1598), Philip II was unable to pay his debts, as were his successors, Philip III and Philip IV, in 1607, 1627 and 1647.
But the political grip of the Fugger over Spanish finances was so strong, writes Jeannette Graulau, that “when Philip II declared a suspension of payment in 1557, the bankruptcy did not include the accounts of the Fugger family. The Fugger offered Philip II a 50 % reduction in the interest of the loans if the firm was omitted from the bankruptcy. Despite intense lobbying by his powerful secretary, Francisco de Eraso, and Spanish bankers who were rivals of the Fugger, Philip did not include the Fugger in the bankruptcy.”
In 1563, the Fugger’s’ claims on the Spanish Crown amounted to 4.445 million florins, far more than their assets in Antwerp (783,000 florins), Augsburg (164,000 florins), Nuremberg and Vienna (28,600 florins), while their total assets amounted to 5.661 million florins.
But in the end, having tied their fate too closely to that of the Spanish sovereigns, the Fugger banking Empire collapsed with the collapse of the Spanish Hapsburg Empire. The Welser went belly up in 1614.
French professor Pierre Bezbakh, writing in Le Monde in Sept. 2021 noted:
“So when the coffers were empty, the Spanish kingdom issued loans, a practice that was not very original, but which became recurrent and on a large scale. These loans were underwritten by foreign lenders, such as the German Fugger and Genoese bankers, who accumulated but continued to lend, knowing they would lose everything if they stopped doing so, just as today’s big banks continue to lend to over-indebted states. The difference is that lenders were waiting for the promised arrival of American metals, whereas today, lenders are waiting for other countries or central banks to support countries in difficulty.”
Today, a handful of international banks called “Prime Brokers” are allowed to buy and resell on the secondary market French State Bonds, issued at regular dates by the French Treasury Agency to refinance French public debt (€3,150 billion) and most importantly to refinance debt repayments (€41 billion in 2023).
The names of today’s Fugger are: HSBC, BNP Paribas, Crédit Agricole, J.P. Morgan, Société Générale, Citigroup, Deutsche Bank, Barclays, Bank of America Securities and Natixis.
Conclusion
Beyond the story of the Fugger and Welser dynasties who, after colonizing Europeans, extended their colonial crimes to America, there’s something deeper to understand.
Today, it is said that the world financial system is “hopelessly” bankrupt. Technically, that is true, but politically it is successfully kept on the border of total collapse in order to keep the entire world dependent on a stateless financier predator class. A bankrupt system, paradoxically, despairs us, but gives them hope to remain in charge and maintain their privileges. Only bankers can save the world from bankruptcy!
Historically, we, as one humanity, have created “Nation States” duly equipped with government controlled “National Banks,” to protect us from such systemic financial blackmail. National Banks, if correctly operated, can generate productive credit generation for our long-term interest in developing our physical and human economy rather than the financial bubbles of the financial blackmailers. Unfortunately, such a positive system has rarely existed and when it existed it was shot down by the money-traders Roosevelt wanted to chase from the temple of the Republic.
As we have demonstrated, the severe mental dissociation called “monetarism” is the essence of (financial) fascism. Criminal financial and banking syndicates “print” and “create” money. If that money is not “domesticated” and used as an instrument for increasing the creative powers of mankind and nature, everything cannot, but go wrong.
Willing to “convert”, at all cost, including by the destruction of mankind and his creative powers, a nominal “value” that only exists as an agreement among men, into a form of “real” physical wealth, was the very essence of the Nazi war machine.
In order to save the outstanding debts of the UK and France to the US weapon industry owned by JP Morgan and consorts, Germany had to be forced to pay. When it turned out that was impossible, Anglo-French-American banking interests set up the “Bank for International Settlements”.
The BIS, under London’s and Wall Street’s direct supervision, allowed Hitler to obtain the Swiss currency he required to go shopping worldwide for his war machine, a war machine considered potentially useful as long as it was set to march East, towards Moscow. As a collateral for getting cash from the BIS, the German central bank would deposit as collateral tons of gold, stolen from countries it invaded (Austria, Netherlands, Belgium, Luxembourg, Czechoslovakia, Poland, Albania, etc.). The dental gold of the Jews, the communists, the homosexuals and the Gypsies being exterminated in the concentration camps, was deposited on a secret account of the Reichsbank to finance the SS.
The Bank of England’s and Hitler’s finance minister Hjalmar Schacht, who escaped the gallows of the Nuremberg trials thanks to his international protections, was undoubtedly the best pupil ever of Jacob Fugger the Rich, not the father of German or “modern” banking, but the father of financial fascism, inherited from Rome, Venice and Genoa. Never again.
Summary biography
- Steinmetz, Greg, The Richest Man Who Ever Lived, The Life and Times of Jacob Fugger, Simon and Shuster, 2016 ;
- Cohn, Henry J., Did Bribes Induce the German Electors to Choose Charles V as Emperor in 1519?
- Herre, Franz, The Age of the Fuggers, Augsbourg, 1985 ;
- Montenegro, Giovanna, German Conquistadors in Venezuela: The Welsers’ Colony, Racialized Capitalism, and Cultural Memory,
- Ehrenberg, Richard, Capital et finance à l’âge de la Renaissance : A Study of the Fuggers, and Their Connections, 1923,
- Roth, Julia, The First Global Players’ : Les Welser d’Augsbourg dans le commerce de l’esclavage et la culture de la mémoire de la ville, 2023
- Häberlein, Mark, Connected Histories : South German Merchants and Portuguese Expansion in the Sixteenth Century, RiMe, décembre 2021 ;
- Konrad, Sabine, Case Study : Spain Defaults on State Bonds, How the Fugger fared the Financial Crisis of 1557, Université de Francfort, 2021,
- Sanchez, Jean-Noël, Un projet colonial des Fugger (1530-1531) ;
- Lang, Stefan, Problems of a Credit Colony : the Welser in Sixteenth Century Venezuela, juin 2015 ;
- Graulau, Jeannette, Finance, Industry and Globalization in the Early Modern Period : the Example of the Metallic Business of the House of Fugger, 2003 ;
- Gallagher, Paul, How Venice Rigged The First, and Worst, Global Financial Collapse, Fidelio, hiver 1995
- Hale, John, La civilisation de l’Europe à la Renaissance, Perrin, 1993 ;
- Vereycken, Karel, Renaissance Studies, index.
Jacob Fugger « le riche », père du fascisme financier

Par Karel Vereycken, septembre 2024.

Pourquoi une enquête sur les Fuggers?
En 1999, un Bill Clinton niais, devant un parterre de banquiers américains hilares, abroge le fameux Glass-Steagall Act ; cette loi adoptée par Franklin Roosevelt pour sortir le monde de la dépression économique par une séparation stricte entre les banques d’affaires (spéculatives) et les banques « normales » chargées de fournir du crédit à l’économie réel
D’une façon orwellienne, la loi de 1999 scellant cette abrogation s’appelle la loi Gramm-Leach-Bliley « de modernisations des services financiers ». Or, comme vous allez le découvrir dans cet article, cette loi, qui a ouvert toutes grandes les portes à une mondialisation financière prédatrice et criminelle, n’a fait que rétablir des pratiques féodales qu’on avait su repousser à l’aube des temps modernes.
En France, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) appela explicitement à « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », une revendication reprise, en partie, au 9e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 pour qui, « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Sont créés alors, après SNCF en 1938, Électricité et Gaz de France (1946).
Dans ce sens, la « modernisation » urgentissime de la finance pour laquelle nous nous battons, entend faire renaître non seulement un pôle de banques publiques, mais des banques nationales souveraines sous contrôle des États, chacune au service de son pays mais œuvrant d’un commun accord avec d’autres dans le monde pour investir dans l’équipement de l’homme et de la nature au plus grand bénéfice de tous. Il s’agit, par la création d’un système de crédit productif et de marchés organisés, de sortir de l’enfer d’un système de chantage « monétariste ».
Affirmer aujourd’hui qu’un cartel international de faux-monnayeurs cherche à prendre le contrôle des sociétés démocratiques, à se livrer au pillage colonial, à créer des dissensions fratricides et les conditions d’une nouvelle guerre mondiale, sera immédiatement qualifié de complotisme, de Poutinophilie ou d’anti-sémitisme dissimulé, ou les trois à la fois.
Pourtant, les faits historiques de l’ascension et de la chute des familles allemandes Fugger et Welser (qui, soit dit en passant, n’étaient pas juives mais d’ardents catholiques), démontrent amplement que c’est précisément ce qui s’est passé au début du XVIe siècle, véritable poignard dans le dos de la Renaissance. A nous de « moderniser » la finance pour que plus jamais une telle situation ne se représente !
Corruption et élections
Au « bon » vieux temps de l’Empire romain, tout était tellement plus simple ! Déjà à Athènes, mais à plus grande échelle à Rome, la corruption électorale est une pratique rodée. À la fin de la République romaine, des « lobbies » puissants coordonnent des systèmes de corruption et d’extorsion. On dit même que les emprunts à grande échelle destinés à financer les pots-de-vin ont créé l’instabilité financière qui a conduit à la guerre civile de 49-45 av. JC. Les généraux romains, une fois qu’ils avaient ravagé et pillé une colonie lointaine et transformé en espèces sonnantes et trébuchantes leur butin, achetaient directement les voix des sénateurs, toujours utiles pour élire tel ou tel empereur ou légitimer un tyran après son énième coup d’État. A Rome, les « élections » deviendront une telle farce obscène qu’elles furent éliminées. « Une bénédiction du ciel », se réjouit l’homme d’État Quintus Aurelius Symmachus, heureux que « l’affreux bulletin de vote, la répartition des places au spectacle entre copains, la course vénale, tout cela n’existe plus ! ».
Le « Saint-Empire romain germanique »
Faire revivre un système impérial aussi dégénéré et corrompu n’était donc pas forcément une idée brillante, à part pour les lobbies corrupteurs. Le 25 décembre 800, le pape Léon III a couronné Charlemagne « Empereur romain », faisant revivre le titre en Europe occidentale plus de trois siècles après l’effondrement de l’ancien Empire romain d’Occident en 476.
En 962, Otton Ier est couronné empereur par le pape Jean XII. Il se présente comme le successeur de Charlemagne et inaugure l’existence continue de l’Empire pendant plus de huit siècles…
En théorie, les empereurs étaient considérés comme les « premiers parmi leurs pairs », les monarques catholiques d’Europe. Mais, tout comme le vote du Sénat romain était nécessaire pour « élire » un empereur romain, au Moyen Âge, dans la pratique, un petit groupe de « Princes-électeurs », principalement allemands, s’arroge le privilège d’élire le « Roi des Romains ». Une fois élu à ce titre, ce roi est ensuite couronné « Empereur » par le pape.
Le statut d’Électeur jouit d’un grand prestige et est considéré comme juste inférieur à celui de l’empereur, des rois et des plus grands ducs. Les Électeurs bénéficient de privilèges exclusifs qui ne sont pas partagés avec les autres princes de l’Empire, et ils continuent à porter leur titre d’origine en même temps que celui d’Électeur.
En 1356, la « Bulle d’or », un décret portant un sceau d’or émis par la Diète impériale de Nuremberg et de Metz dirigée par l’empereur de l’époque, Charles IV, fixe les règles et les protocoles du système de pouvoir impérial. Tout en limitant quelque peu leur pouvoir, la Bulle d’or accorde aux Grands Électeurs le « Privilegium de non appellando » (privilège de non-appel), empêchant leurs sujets de faire appel à une juridiction impériale supérieure et transforme leurs tribunaux territoriaux en juridictions de dernier ressort.
Cependant, imposer partout une telle superstructure n’est pas mince affaire. Avec Jacques Cœur, Yolande d’Aragon et Louis XI, la France s’affirme de plus en plus comme un État-nation souverain et anti-impérial.
C’est ainsi que le Saint-Empire romain, par un décret adopté à la Diète de Cologne en 1512, devient le « Saint Empire romain germanique », nom utilisé pour la première fois dans un document de 1474. L’adoption de ce nouveau nom coïncide avec la perte des territoires impériaux en Italie et en Bourgogne au sud et à l’ouest à la fin du XVe siècle, tout en visant à souligner la nouvelle importance des États impériaux allemands dans la direction de l’Empire. Napoléon est supposé avoir déclaré que le terme « Saint-Empire romain germanique » était trois fois erroné. Car il était trop débauché pour être saint, trop allemand pour être romain et trop faible pour être un empire.
Vu l’objet de cet article, nous ne nous étendrons pas sur ce vaste sujet. Il convient néanmoins de noter que la propagande du parti nazi, dès 1923, désignait le « Saint-Empire romain de la nation germanique » comme le « premier » Reich (Reich signifiant empire), l’Empire allemand comme le « deuxième » Reich et ce qui allait devenir l’Allemagne nazie comme le « troisième » Reich.
Adolphe Hitler, fier de l’héritage des Fugger, voulait faire d’Augsbourg la « cité des marchands allemands » et transformer la grande résidence des Fugger en « musée du commerce ». Pour briser le morale du führer, le bâtiment fut sévèrement bombardé en février 1942.
Les Princes électeurs

Au XVIe siècle, le Saint-Empire romain germanique se compose d’une myriade de quelque 1800 entités semi-indépendantes réparties en Europe centrale et en Italie du Nord. En clin d’œil à l’ancienne tradition germanique d’élection des rois, les empereurs médiévaux de ce patchwork tentaculaire de territoires disparates sont élus.
A partir de la Bulle d’or de 1356, l’empereur est élu à Francfort (futur siège de la Banque centrale européenne) par un « collège électoral » composé de sept « Princes-électeurs » (en allemand Kurfürst) :
- l’archevêque de Mayence, archichancelier d’Allemagne ;
- l’archevêque de Trêves, archichancelier de Gallia (France) ;
- l’archevêque de Cologne, archichancelier d’Italie ;
- le duc de Saxe ;
- le comte palatin du Rhin ;
- le margrave de Brandebourg ;
- le roi de Bohême.
Bien entendu, pour obtenir le vote de ces messieurs, les aspirants formulent des engagements oraux et écrits, et surtout, aussi bien sur que sous la table, offrent des privilèges, du pouvoir, de l’argent et bien d’autres choses encore.
Ainsi, la tâche la plus difficile pour tout candidat en herbe consiste à réunir les fonds nécessaires à l’achat des votes. En conséquence, l’existence et la survie même du Saint-Empire romain germanique est aux mains d’une oligarchie financière de riches familles de banquiers marchands.
Tout comme une poignée de banques géantes contrôlent aujourd’hui les nations occidentales en leur achetant leurs émissions de bons du Trésor indispensables au refinancement des intérêts de leurs dettes, les banquiers du début du XVIe siècle, se constituant en oligopole, s’imposent comme « trop grands pour faire faillite », et par conséquent, « trop grands pour aller en prison ».
Le rôle néfaste des Bardi, Peruzzi et autres banquiers Médicis, qui, en ruinant les agriculteurs européens, avaient plongé l’Europe dans une grande famine invitant la « Peste Noire » à décimer entre 30 et 50 % de la population européenne, est un fait historique bien documenté, notamment par mon ami, l’analyste financier américain Paul Gallagher.
Fucker Advenit

Nous nous intéresserons ici aux activités de deux familles de banquiers allemands qui dominent le monde au début du XVIe siècle : les Fuggeret les Welserd’Augsbourg (Bavière).
Contrairement aux Welser, une vieille famille patricienne dont nous parlerons à la fin, l’histoire de la réussite des Fugger commence en 1367, lorsque qu’un simple artisan, le « maître tisserand » Hans Fugger (1348-1409), quitte son village de Graben pour s’installer dans la « ville impériale libre » d’Augsbourg, à quatre heures de marche. Le registre des impôts d’Augsbourg indique « Fucker Advenit » (Fugger est arrivé). En 1385, Hans est élu à la direction de la guilde des tisserands, ce qui lui permet de siéger au Grand Conseil de la ville.
Augsbourg, comme les autres villes libres et impériales, n’est soumise à l’autorité d’aucun prince, mais seulement à celle de l’empereur. La ville est représentée à la Diète impériale, contrôle son propre commerce et ne permet que peu d’interférences extérieures.
Dans l’Allemagne de la Renaissance, peu de villes ont égalé l’énergie et l’effervescence d’Augsbourg. Les marchés débordent de tout, des œufs d’autruche aux crânes de saints. Les dames apportent des faucons à l’église. Des éleveurs hongrois conduisent du bétail dans les rues. Si l’empereur vient en ville, les chevaliers joutent sur les places. Si un meurtrier est arrêté le matin, il est pendu l’après-midi pour être vu de tous. La bière coule dans les bains publics aussi librement que dans les tavernes. La ville ne se contente pas d’autoriser la prostitution, elle entretient les maisons closes.

Au départ, le profil commercial des Fugger est fort traditionnel : on achète des tissus fabriqués par des tisserands locaux et on les vend lors de foires à Francfort, à Cologne et, au-delà des Alpes, à Venise.
Pour un tisserand comme Hans Fugger, c’était le « bon moment » pour venir à Augsbourg. Une innovation passionnante s’installe dans toute l’Europe : la futaine, un nouveau type de tissu qui tire peut-être son nom de la ville égyptienne de Fustat, près du Caire, qui fabriquait ce matériau avant que sa production ne s’étende à l’Italie, à l’Allemagne du Sud et à la France.
La futaine médiévale était un tissu robuste type toile ou sergé avec une trame de coton et une chaîne de lin, de soie ou de chanvre et dont l’un des côtés a subi un léger lainage. Plus légère que la laine, elle deviendra très demandée, notamment pour une nouvelle invention : les sous-vêtements. Alors que le lin et le chanvre pouvaient être cultivés presque partout, à la fin du Moyen Âge, le coton provient de la région méditerranéenne, de Syrie, d’Égypte, d’Anatolie et de Chypre, et entre en Europe par Venise.
De Jacob l’Ancien à « Fugger Brothers »



À Augsbourg, Hans a deux enfants : Jacob, connu sous le nom de « Jacob l’Ancien » (1398-1469) et Andreas Fugger (1394-1457). Les deux fils ont des stratégies d’investissement différentes et opposées. Alors qu’Andreas fait faillite, Jacob l’Ancien développe prudemment ses activités.
Après le décès de Jacob l’Ancien en 1469, son fils aîné Ulrich Fugger (1441-1510), avec l’aide de son frère cadet Georg Fugger (1453-1506), prend la direction de l’entreprise jusqu’à sa mort.
Petit à petit, les profits sont investis dans des activités nettement plus rentables : pierres précieuses, orfèvrerie, bijoux et reliques religieuses telles que les os des martyrs et les fragments de croix ; épices (sucre, sel, poivre, safran, cannelle, alun) ; plantes et herbes médicinales et surtout métaux et mines (or, argent, cuivre, étain, plomb, mercure) qui, comme collatéral, permettront l’expansion des émissions monétaires, tout en fournissant les matières premières stratégiques pour l’armement.
Les Fugger nouent alors d’étroites relations personnelles et professionnelles avec l’aristocratie. Ils se marient avec les familles les plus puissantes d’Europe – en particulier les Thurzo d’Autriche. Leurs activités s’étendent à toute l’Europe centrale et septentrionale, à l’Italie et à l’Espagne, avec des succursales à Nuremberg, Leipzig, Hambourg, Lübeck, Francfort, Mayence et Cologne, à Cracovie, Danzig, Breslau et Budapest, à Venise, Milan, Rome et Naples, à Anvers et Amsterdam, à Madrid, Séville et Lisbonne.
Jacob Fugger « le Riche »

En 1473, le plus jeune des trois frères, Jacob Fugger(ultérieurement connu comme « le Riche »)(1459-1525), âgé de 14 ans et destiné à l’origine à une carrière ecclésiastique, est envoyé à Venise, à l’époque « la ville la plus commerçante du monde. Il y est formé au commerce et à la comptabilité. Jeune, Jacob rappelle qu’il s’y est trouvé dormant « à côté de ses compatriotes sur un plancher couvert de paille dans le grenier ».
Jacob retourne à Augsbourg en 1486 avec une immense admiration pour Venise au point qu’il aimait se faire appeler « Jacobo » et ne lâche jamais son béret d’or vénitien. Plus tard, avec un certain sens de l’ironie, il appelle la comptabilité apprise à Venise « l’art de l’enrichissement ».
L’humaniste Érasme de Rotterdam semble avoir voulu lui répondre dans son Colloque « L’ami du mensonge et l’ami de la vérité ».

Le banquier et sa femme
L’ami d’Érasme à Anvers, le peintre flamand Quinten Matsys, a peint en 1515 un panneau intitulé « Le banquier et sa femme »,véritable réponse culturelle des humanistes aux Fugger.
Tandis que le banquier, qui a accroché son chapelet au mur derrière lui, vérifie si le poids du métal des pièces correspond à leur valeur nominale, sa femme, qui tourne les pages d’un livre d’heures religieux, jette un regard triste sur les obsessions cupides de son mari visiblement malheureux. L’inscription sur le cadre a disparu.
Elle se lisait ainsi : « Stature justa et aequa sint podere » ( « que la balance soit juste et les poids égaux », phrase tirée de la Bible, Lévitique, XIX, 35).
Le peintre interpelle une finance sans foi ni loi et semble leur dire : « Qu’est-ce qui vous fera entrer au paradis : le poids de votre or ou le poids de vos bonnes actions ? »
L’importance de l’information
A Venise, Jacob a assimilé les méthodes vénitiennes (de l’Empire romain) pour réussir :
- organiser un service de renseignement privé ;
- imposer un monopole sur les produits stratégiques ;
- alternance entre la corruption intelligente et le chantage ;
- pousser le monde au bord de la faillite pour se rendre indispensable.
Jacob Fugger reconnaît l’importance de l’information. Pour réussir, il doit être informé de ce qui se passe dans les ports maritimes et les centres de commerce. Désireux d’obtenir tous les avantages possibles en affaires, Fugger met en place un système de courrier privé destiné à lui transmettre exclusivement les nouvelles, telles que les « décès et les résultats des batailles », afin qu’il les ait avant tout le monde, surtout avant l’empereur.

Jacob Fugger finance tout projet, personne ou opération, correspondant à son objectif à long terme. Mais toujours à des conditions sévères fixées par lui et toujours pour s’imposer aux autres. Le principe en vigueur était le « do ut des », en d’autres termes, « je donne, je peux recevoir ».
En échange de tout prêt, des garanties et des hypothèques étaient exigées : des productions de métaux, des concessions minières, des entrées financières des États, des privilèges commerciaux et sociaux, des exemptions fiscales et douanières et de hautes fonctions pour les proches de Fugger dans la vie des Etats. Et avec la hausse des sommes avancées, la hausse des contreparties exigées par Fugger.

Si le capitalisme « moderne » est la dictature de monopoles privés au détriment d’une libre concurrence non-faussé, c’est sûr qu’il en est le fondateur.
La chose la plus importante qu’il ait apprise à Venise ? Être toujours prêt à sacrifier des gains financiers à court terme et même à offrir des profits financiers à ses victimes pour démontrer sa solvabilité et assurer son contrôle politique à long terme. En l’absence de banques nationales ou de banques publiques, les papes, les princes, les ducs et les empereurs dépendent fortement, voire entièrement, d’un oligopole de banquiers privés.
Lorsqu’un empereur autrichien, dont il est le banquier, envisage de lever un impôt universel, Fugger sabote le projet car cela réduisait sa dépendance des banquiers !
Un ambassadeur vénitien, découvrant que Jacob avait appris son métier à Venise, confesse:
« Si Augsbourg est la fille de Venise, alors la fille a surpassé sa mère »
Anvers et Venise

Les trois Fugger sont bien conscients du rôle clé de Venise et d’Anvers pour le commerce du cuivre, Augsbourg se trouvant, avec Nuremberg, au beau milieu du corridor commercial les reliant. (voir carte)
Anvers
L’année 1503 marque le début des activités portugaises de la maison Fugger à Anvers et, en 1508, les Portugais font d’Anvers la maison de base du commerce colonial.

En 1515, Anvers se dote de la première bourse de commerce d’Europe qui servira de modèle pour Londres (1571) et Amsterdam (1611).
On y négocie le cuivre, le poivre et les dettes. L’achat d’une cargaison de poivre se réglait pour les ¾ en or, pour ¼ en cuivre. Venise d’abord, Portugal et Espagne par la suite, dépendent de Fugger pour l’argent (métal) et le cuivre.
Venise
La firme exporte du cuivre et de l’argent du Tyrol vers Venise, et importe par Venise des produits de luxe, des textiles fins, du coton et, surtout, des épices indiennes et orientales. Après de grands efforts, c’est le 30 novembre 1489 que le Conseil d’État de Venise confirme aux Fugger la possession permanente de leur chambre au Fondaco dei Tedeschi (Maison des Allemands), l’entrepôt des marchands allemands de poivre sur le Grand Canal, pour l’entretien et la décoration duquel Fugger a dépensé des sommes importantes.

Au début du XVIe siècle, les marchands de Nuremberg partagent avec ceux d’Augsbourg, le monopole de ce qui constitue le plus important comptoir commercial germanique. Au cours des repas pris en commun que le règlement leur impose, ils président alors officiellement la table réunissant leurs confrères de Cologne, de Bâle, de Strasbourg, de Francfort et de Lübeck.
Des familles de commerçants bien connues font du commerce dans la Fondaco dei Tedeschi dont les Imhoff, Koler, Kreß, Mendel et Paumgartner de Nuremberg, et les Fugger et Höchstetter de Augsbourg. Les marchands importent principalement des épices de Venise : safran, poivre, gingembre, muscade, clous de girofle, cannelle et sucre.

La bourse de Nuremberg sert de lien commercial entre l’Italie et d’autres centres économiques européens. Des aliments connus et appréciés dans la région méditerranéenne, tels que l’huile d’olive, les amandes, les figues, les citrons et les oranges, les confitures et des vins trouvent leur chemin de la mer Adriatique à Nuremberg.
A cela s’ajoutent d’autres produits de valeur tels que les coraux, les perles, les pierres précieuses, les produits de la verrerie de Murano et de l’industrie textile, comme les tissus de soie, draps de coton et de damas, velours, brocart, fil d’or, camelot et bocassin. Du papier et des livres complètent la liste.
Au cours des années suivantes, la firme « Ulrich Fugger et frères » traite des lettres de change vénitiennes avec la société Blum de Francfort et les sources mentionnent fréquemment la succursale de la société sur le Rialto comme un débouché pour le cuivre et l’argent, un centre pour l’achat de produits de luxe et une station de compensation pour les transferts à la curie romaine.
Le basculement du monde

En 1498, six ans après le voyage de Christophe Colomb vers l’Amérique, Vasco de Gama(1460-1524) fut le premier Européen à trouver la route de l’Inde en contournant l’Afrique. Il put ainsi fonder Calicut, le premier comptoir portugais en Inde. L’ouverture de la route maritime vers les Indes orientales par les Portugais prive alors les routes commerciales de la Méditerranée, et donc de l’Allemagne du Sud, d’une grande partie de leur importance. Géographiquement, c’est l’Espagne, le Portugal et les Pays-Bas qui prennent l’avantage.
Jacob Fugger, toujours au courant de tout avant tout le monde, décide alors de relocaliser son marché colonial de Venise vers Lisbonne et Anvers. Il profite de l’occasion pour ouvrir de nouveaux marchés tels que l’Angleterre, sans pour autant délaisser ses marchés tels que l’Italie. Il participe au commerce des épices et ouvre une factorerie à Lisbonne en 1503.
Il reçoit l’autorisation de faire transiter par Lisbonne le poivre, d’autres épices et des produits de luxe tels que les perles et les pierres précieuses.

Avec d’autres maisons de commerce d’Allemagne et d’Italie, Fugger contribue à une flotte de 22 navires portugais dirigée par le portugais Francisco de Almeida (1450-1510), qui se rend en Inde en 1505 et en revient en 1506. Bien qu’un tiers des marchandises importées doive être cédé au roi du Portugal, l’opération reste rentable. Obnubilé par les gains énormes de l’expédition, le roi du Portugal, pour pleinement pouvoir en profiter, fait du commerce des épices un monopole royal excluant toute participation étrangère. Cependant, les Portugais restent dépendant du cuivre livré par Fugger, un produit d’exportation essentiel pour le commerce avec l’Inde.
Fugger, ruses et astuces
1. Renfloue-moi, chérie
En 1494, les frères Fugger fondent une entreprise commerciale avec un capital de 54 385 florins, somme qui sera doublée deux ans plus tard lorsque Jacob persuade, en 1496, le cardinal Melchior von Meckau (1440-1509), prince-évêque de Brixen (aujourd’hui Bressanone dans le Tyrol italien), de rejoindre l’entreprise en tant qu’« associé silencieux » dans le cadre de l’expansion des activités minières en Haute-Hongrie. Dans le plus grand secret et à l’insu de son chapitre ecclésiastique, le prince-évêque place 150 000 florins dans la société Fugger en échange d’un dividende annuel de 5 %. Si de telles « transactions discrètes » étaient tout à fait habituelles chez les Médicis, profiter de taux d’intérêts reste un péché pour l’Eglise.
Lorsque le prince-évêque meurt à Rome en 1509, cet investissement est découvert. Le pape, l’évêché de Brixen et la famille de Meckau, qui revendiquent tous l’héritage, exigent alors le remboursement immédiat de la somme, ce qui aurait entraîné l’insolvabilité de Jacob Fugger.
C’est cette situation qui incite l’empereur Maximilien Ier à intervenir et à aider son banquier. Fugger lui trouve la formule. À condition d’aider le pape Jules II dans une petite guerre contre la République de Venise, le monarque des Habsbourg est reconnu comme l’héritier légitime du cardinal Melchior von Meckau. L’héritage peut désormais être réglé par l’amortissement des dettes en cours. Fugger doit également livrer des bijoux en guise de dédommagement au pape. En échange de son soutien, Maximilien Ier exige toutefois un appui financier soutenu pour ses campagnes militaires et politiques en cours. Une façon de dire aux Fugger : « Je vous sauve aujourd’hui mais je compte sur vous pour me sauver demain… ».
2. Achète-moi un pape et le Vatican, chérie

En 1503, Jacob Fugger donne 4000 ducats (5600 florins) pour graisser la patte des cardinaux afin de faire élire « le pape guerrier » Jules II, ennemi des humanistes.
Une fois élu, pour sa protection, Jules II réclame 200 mercenaires suisses. En septembre 1505, le premier contingent de gardes suisses se met en route pour Rome. À pied et dans les rigueurs de l’hiver, ils marchent vers le sud, franchissent le col du Saint-Gothard et reçoivent leur solde du banquier… Jacob Fugger.
Jules II montre sa gratitude en confiant à Fugger la frappe de la monnaie papale. Entre 1508 et 1524, les Fugger occupent à Rome l’hôtel des monnaies, la Zecca, et fabriquent 66 types de pièces pour quatre papes différents.
3. Les affaires d’abord, chérie
En 1509, Venise est attaquée par les armées de la Ligue de Cambrai, une alliance de puissantes forces européennes qui décide de briser le monopole de Venise sur le commerce européen.
Le conflit désorganise les échanges terrestres et maritimes des Fugger. Les prêts accordés par les Fugger à Maximilien (membre de la Ligue de Cambrai) sont garantis par le cuivre du Tyrol exporté via Venise… Les Fuggers se rangent du côté de Venise sans se brouiller avec un Maximilien bien content.
4. Achète-moi un tueur à gages, chérie
Fugger a des rivaux qui le détestent. Parmi eux, les frères Gossembrot. Sigmund Gossembrot est le maire d’Augsbourg. Son frère et associé en affaires George, est le secrétaire au trésor de Maximilien. Ils souhaitent que les revenus des mines soient investis dans l’économie réelle et conseillent à l’empereur de rompre avec les Fugger. Les deux frères moururent en 1502 après avoir mangé du boudin noir. Le grand historien des Fugger, Gotried von Pölnitz, qui a passé plus de temps que quiconque dans les archives, s’est demandé si les Fugger avaient ordonné cet assassinat. Disons qu’une absence de preuve n’est pas une preuve d’absence.
5. Ta belle mine est mienne, chérie

La période comprise entre 1480 et 1560 a été le siècle de la révolution métallurgique. L’or, l’argent et le cuivre peuvent désormais être séparés de manière économique. La demande de mercure nécessaire au processus augmente rapidement.
Jacob, conscient des gains financiers potentiels qu’il offre, passa du commerce des textiles à celui des épices, puis à l’exploitation minière. Il se rend donc à Innsbruck, dans l’actuelle Autriche, où les mines appartiennent à Sigismond, archiduc d’Autriche (1427-1496), membre de la famille Habsbourg et cousin de l’empereur Frédéric.

La bonne nouvelle pour Jacob Fugger, c’est que Sigismond est très dépensier. Non pas pour ses sujets mais pour se divertir. Lors d’une fête somptueuse on voit sortir un nain d’un gâteau pour lutter contre un géant. Résultat, Sigismond est constamment obligé de s’endetter. Lorsque l’argent manque, Sigismond vend la production de sa mine d’argent à des prix cassés à un groupe de banquiers. Par exemple à la famille de banquiers génois Antonio de Cavallis.
Pour entrer dans le jeu, Fugger prête à l’archiduc 3000 florins et reçoit 1000 livres d’argent métal à 8 florins la livre, qu’il revend plus tard à 12. Une somme dérisoire comparée à celles prêtées par d’autres, mais ouvrant ses relations avec Sigismond et surtout avec la dynastie naissante des Habsbourg.
En 1487, après une escarmouche militaire avec Venise, plus puissante, pour le contrôle des mines d’argent du Tyrol, l’irresponsabilité financière de Sigismond le rend persona non grata auprès des grands banquiers. Désespéré, il se tourne alors vers Fugger. Ce dernier mobilise la fortune familiale pour réunir l’argent que réclame le monarque. Une situation idéale pour le banquier. Bien entendu, il s’agit d’un prêt garanti et assorti de conditions très strictes. Sigismond ne peut pas le rembourser avec de l’argent métal de ses mines et il doit céder à Fugger le contrôle de son trésor public. Si Sigismond le rembourse, Fugger repart avec une fortune. Mais, compte tenu des antécédents de Sigismond, la chance qu’il rembourse est nulle. Ignorant les conditions du prêt, la plupart des autres banquiers sont convaincus que Fugger fera faillite. Et en effet, Sigismond a fait défaut, exactement comme Fugger… l’avait prévu. Cependant, comme stipule le contrat, Fugger s’empare de « la mère de toutes les mines d’argent », celle du Tyrol. En avançant un peu d’argent comptant, il met la main sur une mine d’argent.
6. Achète mes « obligations Fugger », chérie

Le fonctionnement de la banque Fugger est « moderne » : Fugger prête à l’Empereur (ou à un autre client) et refinance le prêt sur le marché (à des taux d’intérêt plus bas) en vendant des « obligations Fugger » à d’autres investisseurs. Les obligations Fugger étaient des investissements très recherchés car les Fugger sont considérés comme « débiteurs sûrs ». Ainsi, les Fugger ont utilisé leur solvabilité supérieure sur le marché pour garantir le financement de leurs clients dont la solidité n’était pas aussi bien notée. Tant que l’Empereur et les autres clients honorent leurs engagements, les Fugger font un profit sur la différence d’intérêt entre les prêts accordés à taux élevé et l’argent levé à taux bas. Moderne, non ?
7. Achète-moi un empereur, chérie

Sigismond est bientôt éclipsé par le fils de l’Empereur Frédéric III, Maximilien d’Autriche (1459-1519), qui s’est arrangé pour prendre le pouvoir si Sigismond ne rembourse pas l’argent qu’il lui devait. (Fugger aurait pu prêter à Sigismond l’argent nécessaire pour le maintenir au pouvoir, mais il préfère que Maximilien occupe ce poste).
Maximilien est élu « Roi des Romains » en 1486 et régne en tant qu’empereur du Saint-Empire romain germanique de 1508 jusqu’à sa mort en 1519. Jacob Fugger a soutenu Maximilien Ier de Habsbourg lors de son accession au trône en versant 800 000 florins pour soudoyer les grands Électeurs. Cette fois, Fugger, en tant que caution, ne réclame pas de l’argent, mais des terres. C’est ainsi qu’il acquiert les comtés de Kirchberg et de Weissenhorn auprès de Maximilien Ier en 1507. En 1514, l’empereur le nomme comte.
Sans surprise, les conquêtes militaires de Maximilien coïncident avec les projets d’expansion minière de Jacob. Fugger achète de précieuses terres avec les bénéfices qu’il tire des mines d’argent obtenues de Sigismond et finance ensuite l’armée de Maximilien pour reprendre Vienne en 1490. L’empereur s’empare également de la Hongrie, une région riche en cuivre.

Une « ceinture du cuivre » s’étend tout le long des Carpates comprenant la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie. Fugger modernise les mines du pays grâce à l’introduction de l’énergie hydraulique et de galeries.
L’objectif de Jacob est d’établir un monopole sur le cuivre, matière première stratégique. Avec l’étain, le cuivre entre dans la fabrication du bronze, métal stratégique pour la production de l’armement.
Fugger ouvre des fonderies à Hohenkirchen et dans une usine fortifiée située à Villach, en Carinthie, la Fuggerau (aujourd’hui en Autriche), qui est en même temps un arsenal où l’on fond des canons, où l’on fabrique des mousquets et des arquebuses.
8. Vend des indulgences, chérie

En 1514, le poste d’archevêque de Mayence se libère. Comme nous l’avons vu, il s’agit du poste le plus puissant d’Allemagne, à l’exception de celui de l’Empereur. De tels postes requièrent des rétributions. Albrecht de Brandebourg (1490-1545), dont la famille, les Hohenzollern, régnait sur une grande partie du pays, voulait le poste. Albrecht est déjà un homme puissant : il occupe plusieurs autres fonctions ecclésiastiques. Mais même lui n’a pas les moyens de payer des honoraires aussi élevés. Il emprunte donc la somme nécessaire aux Fugger, moyennant un intérêt, que la convention de l’époque qualifie d’honoraire pour « peine, danger et dépense ».
Le pape Léon X, après avoir dilapidé le trésor papal pour son couronnement et organisé des fêtes où des prostituées s’occupaient des cardinaux, demande 34 000 florins pour accorder le titre à Albrecht – ce qui équivaut à peu près à 4,8 millions de dollars d’aujourd’hui – et Fugger dépose l’argent directement sur le compte personnel du pape.
Reste maintenant à rembourser les Fugger. Albrecht a un plan. Il obtient du pape Léon X le droit d’administrer les « indulgences du jubilé » récemment annoncées. Les indulgences étaient des contrats vendus par l’Église pour pardonner les péchés, permettant aux croyants d’acheter leur sortie du purgatoire et leur entrée au paradis.
Mais pour « tondre les moutons », comme pour toute bonne escroquerie, il fallait une « couverture » ou un « narratif ». Le motif à invoquer, concocté par Jules II, était crédible : il affirmait que la basilique Saint-Pierre avait besoin d’une rénovation urgente et coûteuse.

Chargé de la vente, un « colporteur d’indulgences »,le dominicain Johann Tetzel, « portait des bibles, des croix et une grande boîte en bois avec […] une image de Satan sur le dessus », et disait aux fidèles que ses indulgences « annulaient tous les péchés ». Il propose même un « barème progressif », les riches payant 25 florins et les travailleurs ordinaires un seul. Tetzel aurait dit : « lorsque l’argent s’entrechoque dans la boîte, l’âme saute du purgatoire ».
Sur le terrain, dans chaque église, des commis des Fugger assistent directement à la collecte de l’argent dont la moitié allait au pape et l’autre à Fugger. Fugger obtient du même coup le monopole des transferts de l’argent obtenu par la vente des indulgences entre l’Allemagne et Rome.
Si l’archevêque est à la merci des Fugger, le pape Léon X l’est tout autant, car, pour rembourser sa dette, il collecte de l’argent par des « simonies », c’est-à-dire qu’il vend de hautes fonctions ecclésiastiques aux princes. Entre 1495 et 1520, 88 des 110 évêques d’Allemagne, de Hongrie, de Pologne et de Scandinavie ont été nommés par Rome en échange de transferts d’argent centralisés par Fugger. C’est comme cela que Fugger devient « le banquier de Dieu, le principal financier de Rome ».
9. Achète-moi Luther, chérie
Depuis le IIIe siècle, l’Église catholique affirme que Dieu peut se montrer indulgent et accorder une rémission totale ou partielle de la peine encourue suite au pardon d’un péché. Cependant, l’indulgence obtenue en contrepartie d’un acte de piété (pèlerinage, prière, mortification, don), notamment dans le but de raccourcir le passage par le purgatoire d’un défunt, au cours du temps s’est transformée en un commerce lucratif. Urbain II s’en servira pour recruter des croyants à la première croisade.
Au XVIe siècle, c’est ce trafic des indulgences qui créera de graves troubles et un tumulte au sein de l’Église. Pratique qualifiée par Erasmede superstition dans son Éloge de la folie, la dénonciation du commerce des indulgences est le sujet même des quatre-vingt-quinze arguments de Luther, dont la thèse conduira l’Église à la division et à la Réforme protestante.
Refusant de se rendre à Rome pour répondre aux accusations d’hérésie et de mise en cause de l’autorité du Pape, Luther accepte de se présenter en 1518 à Augsbourg au légat du pape, le cardinal Cajetan. Ce dernier exhorta Luther à se rétracter ou à revenir sur ses déclarations (« revoca ! »).

Alors que Luther avait dénoncé nommément Fugger pour son rôle central dans l’escroquerie des indulgences, il accepta d’être interrogé dans le bureau central de la banque qui organisait le crime qu’il dénonce !
Luther semble avoir été conscient que, accusations verbales à part, les Fugger allaient le protéger et le promouvoir afin de discréditer à un appel à la réforme beaucoup plus raisonnable émanant d’Érasme et de ses disciples à l’intérieur de l’Eglise. Alors qu’il aurait pu être arrêté et brûlé sur le bûcher comme certains le demandaient, Luther est venu, a refusé pendant trois jours de revenir sur ses déclarations et est reparti indemne.
10. Achète-moi de la pauvreté, chérie
Au XVIe siècle, les prix augmentent de façon constante dans toute l’Europe occidentale. A la fin du siècle, ils sont trois à quatre fois plus élevés qu’au début. Récemment, les historiens se sont montrés insatisfaits des explications monétaires de la hausse des prix au XVIe siècle. Ils se sont rendus compte que les prix dans de nombreux pays ont commencé à augmenter avant que la majeure partie de l’or et de l’argent du Nouveau Monde n’arrive en Espagne, et a fortiori ne la quitte, et que les flux monétaires qui leur sont associés n’ont que peu de rapport avec des mouvements de prix, y compris en Espagne.
En réalité, à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, la population européenne a recommencé à croître, après la longue période de contraction amorcée par la peste noire de 1348. L’accroissement de la population a entraîné une augmentation de la demande de nourriture, de boissons, de vêtements bon marché, d’abris, de bois de chauffage, etc. Les agriculteurs ont du mal à augmenter leur production : les prix des denrées alimentaires, la valeur des terres, les coûts industriels, tout augmente. Ces pressions sont aujourd’hui considérées comme une cause sous-jacente importante de cette inflation, même si peu de gens nieraient qu’elle a été exacerbée à certains moments par les gouvernements qui manipulent la monnaie, empruntent massivement et mènent des guerres.
« L’ère des Fuggers » est une ère où l’argent est investi dans l’argent et la spéculation financière. L’économie réelle est pillée par les impôts et les guerres. La dynamique créée par l’effondrement du niveau de vie, les impôts et l’inflation des prix pour la plupart des gens et la révélation publique de la corruption de l’Église et de l’aristocratie ouvrent la voie à des émeutes dans de nombreuses villes, à la Guerre des paysans, à une insurrection des tisserands, des artisans et même des mineurs. La « Révolte des Pays-Bas » et des siècles de guerres « religieuses » sanglantes ne prendront fin qu’avec l’« enterrement » de l’Empire par la paix de Westphalie en 1648.
11. Achète-moi des logements sociaux, chérie

L’initiative de Jacob Fugger, en 1516, de construire la Fuggerei, un projet de logement sociaux pour une centaine de familles de travailleurs à Augsbourg, plutôt unique dans son genre pour l’époque, s’avère trop peu et arrive trop tard. La Fuggerei a survécu en tant que monument en l’honneur des Fugger. Le loyer n’a pas changé, il est toujours d’un gulden rhénan par an (équivalent à 0,88 euros). Mais les locataires doivent prier trois fois par jour pour les Fugger et exercer un emploi à temps partiel. Les conditions pour y vivre restent les mêmes qu’il y a 500 ans : il faut avoir vécu au moins deux ans à Augsbourg, être de confession catholique et indigent sans dettes. Un précurseur des mesures Harz-4? Chaque jour, les cinq portes ferment à 22 heures.
12. Achète-moi des taux dignes d’intérêt, chérie
« Tu ne percevras pas d’intérêts ». En 1215, le pape Innocent III a explicitement confirmé l’interdiction de l’intérêt et de l’usure décrétée par la Bible. La phrase de Luc 6:35, « Prêtez et n’attendez rien en retour », est interprétée par l’Église comme une interdiction pure et simple de l’usure, définie comme la demande d’un quelconque intérêt. Même les comptes d’épargne étaient considérés comme un péché. Ce n’était pas le scénario idéal de Jacob Fugger.
Pour changer cette situation, Fugger embauche un théologien renommé, Johannes Eck (1494-1554) d’Ingolstadt, pour plaider sa cause. Fugger mène une véritable campagne de relations publiques, notamment en organisant des débats sur la question entre orateurs de son choix, et écrit une lettre passionnée au pape Léon X.

En conséquence, Léon X publie un décret proclamant que la perception d’intérêts n’est de l’usure que si le prêt était consenti « sans travail, coût ou risque » – ce qui n’a jamais été le cas pour aucun prêt.
Plus d’un millénaire après Aristote, le pape Léon X a constaté que le risque et le travail liés à la protection du capital faisaient du prêt d’argent une chose vivante. Tant qu’un prêt implique un travail, un coût ou un risque, il est en règle. Le tour est joué. Fugger persuade l’Église d’autoriser un taux d’intérêt de 5 % – et il réussit assez bien : la perception d’intérêts n’est pas autorisée, mais elle n’est pas punie non plus.
Ainsi, grâce à Léon X, Fugger peut désormais attirer des dépôts en offrant à ses clients un rendement de 5 %. Au niveau des prêts, selon le rapport du Conseil du Tyrol, alors que les autres banquiers prêtaient à un taux de 10 % à Maximilien, le taux appliqué par Fugger, justifié par « le risque » dépassait les 50 % !

Charles Quint, dans les années 1520, a dû emprunter à 18 % et même à 49 % entre 1553 et 1556. Entre-temps, les biens de Fugger, qui s’élèvent en 1511 à 196 791 florins, passent en 1527, deux ans après la mort de Jacob, à 2 021 202 florins, soit un bénéfice total de 1 824 411 florins, ou 927 % d’augmentation, ce qui représente, en moyenne, une augmentation annuelle de 54,5 %. Tout cela est aujourd’hui présenté, non pas comme de l’usure, mais comme une « grande avancée » anticipant les pratiques modernes de gestion de fortunes et d’actifs…
Fugger « a brisé les reins de la Ligue hanséatique »et« a sorti le commerce de son sommeil médiéval en persuadant le pape de lever l’interdiction de prêter de l’argent. Il a contribué à sauver la libre entreprise d’une mort prématurée en finançant l’armée qui a remporté la guerre des paysans allemands, le premier grand affrontement entre le capitalisme et le communisme », souligne Greg Steinmetz, historien et ancien correspondant du Wall Street Journal.

Comment Venise a créé le premier ghetto juif d’Europe
Bien entendu, les Vénitiens ont longtemps ignoré ces règles, préférant gagner de l’argent plutôt que de plaire à Dieu, comme en témoigne la devise « D’abord les Vénitiens, ensuite les Chrétiens ».
En 1382, les juifs sont autorisés à entrer à Venise. En 1385, la première « Condotta » a été accordée, un accord entre la République de Venise et les banquiers juifs, qui leur donnait la permission de s’installer à Venise pour prêter de l’argent avec intérêt. L’accord, d’une durée de dix ans, détaillait les règles que ces banquiers devaient respecter. Il fixait notamment la taxe annuelle élevée à payer, le nombre de banques autorisées à ouvrir et les taux d’intérêt qu’elles pouvaient appliquer.
En 1385, Venise a signé un autre accord avec les banquiers juifs qui vivaient à Mestre, situé sur la terre ferme en face des îles de Venise, afin qu’ils puissent accorder des prêts à des taux favorables aux quartiers les plus pauvres de la ville. Grâce à cet accord, la Sérénissime parvient à soulager la pauvreté de la population et, en même temps, si les gens se fâchent contre le Doge, à diriger l’hostilité des masses contre… les prêteurs juifs.
La Condotta de 1385 n’est pas renouvelée en 1394 sous prétexte que les Juifs ne respectent pas les règles imposées à leurs activités. Les banquiers juifs reçoivent l’autorisation de séjourner pendant une période de 15 jours par mois et ceux qui vivent à Mestre profitent de cette concession pour travailler à Venise. Mais pour être reconnus comme juifs, ils devaient déjà porter un cercle jaune sur leurs vêtements…
Pour faire court, Venise a résolu le « dilemme » en optant pour la ségrégation de masse. Le 20 mars 1516, l’un des membres du Conseil, après avoir violemment agressé verbalement les Juifs, demande qu’ils soient enfermés dans le « Ghetto », mot dialectal vénitien utilisé à l’époque pour désigner les fonderies du quartier. Le Dogeet le Conseilapprouvent cette solution. S’ils voulaient continuer à vivre à Venise, les Juifs devraient vivre ensemble dans une certaine zone, séparés du reste de la population. Le 29 mars, un décret crée le ghetto de Venise.
Vous pouvez lire ici l’histoire complète du ghetto de Venise.
13. Achète-moi un Empire austro-hongrois, chérie
Lorsque la Turquie envahit la Hongrie en 1514, Fugger s’inquiète vivement de la valeur de ses mines de cuivre hongroises, ses propriétés les plus rentables. Après l’échec des efforts diplomatiques, Fugger lance un ultimatum à Maximilien : soit il conclut un accord avec la Hongrie, soit Fugger renonce à d’autres prêts. La menace fonctionne.
Fidèle à la devise qui prétend expliquer l’origine de la prospérité de la famille de Habsbourg. « Bella gerant alii, tu, felix Austria, nube » (les autres font la guerre; toi, heureuse Autriche, tu fais des mariages), Maximilien négocie une alliance matrimoniale qui laisse la Hongrie aux mains des Habsbourg, ce qui conduit à redessiner la carte de l’Europe en créant la gigantesque poudrière politique connue sous le nom d’Empire austro-hongrois. Fugger avait besoin que les Habsbourg s’emparent de la Hongrie pour protéger ses possessions.
14. Achète-moi un deuxième empereur, chérie

Lorsque Maximilien Ier, empereur du Saint-Empire romain germanique, meurt en 1519, il doit à Jacob Fugger environ 350 000 florins. Pour éviter un défaut de paiement sur cet investissement, Fugger a réuni un cartel de banquiers afin de réunir tout l’argent de la corruption permettant au petit-fils de Maximilien, Charles Quint, d’acheter le trône.
Si un autre candidat avait été élu empereur, comme le roi de France François qui a soudainement tenté d’entrer en scène, et aurait certainement été réticent à payer les dettes de Maximilien à Fugger, ce dernier aurait sombré dans la faillite.
Cette situation rappelle le modus operandide JP Morgan, après le krach bancaire américain de 1897 et la panique bancaire de 1907. Le « Napoléon de Wall Street », craignant la renaissance d’une véritable banque nationale dans la tradition d’Alexander Hamilton,réunit d’abord les fonds nécessaires pour renflouer ses concurrents défaillants, puis crée, en 1913, le système de la Réserve fédérale, un syndicat privé de banquiers chargé d’empêcher le gouvernement de s’immiscer dans leurs affaires lucratives.
Ainsi, Jacob Fugger, en liaison directe avec Marguerite d’Autriche, qui a adhéré au projet en raison de ses craintes pour la paix en Europe, a rassemblé de manière totalement centralisée l’argent pour chaque Électeur, profitant de l’occasion pour renforcer de manière spectaculaire ses positions monopolistiques, en particulier sur ses concurrents tels que les Welser et le port d’Anvers, en pleine expansion.
Selon l’historien français Jules Michelet (1798-1874), Jacob Fugger posa énergiquement trois conditions :
- « Les Garibaldi de Gênes, les Welser d’Allemagne et d’autres banquiers ne pouvaient participer à ce projet qu’en versant des acomptes à Fugger et ne pouvaient prêter de l’argent [à Charles] que par son intermédiaire ;
- « Fugger obtient des billets à ordre des villes d’Anvers et de Malines comme garantie, payés par les péages de Zélande ;
- « Fugger obtient de la ville d’Augsbourg qu’elle interdise de prêter aux Français. Il demande à Marguerite d’Autriche (la régente) d’interdire aux Anversois d’échanger de l’argent en Allemagne pour qui que ce soit ».(remettant de facto cette activité lucrative aux seuls banquiers d’Augsbourg…)

Comme nous l’avons déjà dit, les gens pensent à tort que Jacob « le Riche » était « très riche ». Bien sûr qu’il l’était : aujourd’hui, il est considéré comme l’une des personnes les plus riches de l’Histoire, avec une fortune de plus de 400 milliards de dollars (actuels), soit environ 2 % du PIB total de l’Europe à l’époque, plus de deux fois la fortune de Bill Gates.
Nous ne saurons jamais si cela est vrai ou non et quelle était sa richesse réelle. Mais si l’on examine le capital propre déclaré par les frères Fugger aux autorités fiscales d’Augsbourg, on s’aperçoit qu’il éclipse de loin les sommes colossales prêtées.
Selon l’historien Mark Häberlein, Jacob a anticipé les astuces modernes d’évasion fiscale en concluant un accord avec les autorités fiscales d’Augsbourg en 1516. En échange d’une somme forfaitaire annuelle, la véritable richesse de la famille… n’est pas divulguée. L’une des raisons en est bien sûr que, tout comme BlackRock aujourd’hui, Fugger était un « gestionnaire de fortune », promettant un retour sur investissement de 5 % tout en empochant lui-même 14,5 %… Les cardinaux et autres fortunes investissaient secrètement dans Fugger pour ses rendements juteux.
On peut donc dire que Fugger était très riche… de dettes. Et tout comme le FMI et une poignée de banques géantes aujourd’hui, en renflouant leurs clients avec de l’argent fictif, les Fugger ne faisaient rien d’autre que de se renflouer eux-mêmes et d’augmenter leur capacité à continuer de le faire. Pas de réforme structurelle sur la table, seulement une crise de liquidité ? Cela me rappelle quelque chose !
Le choix unanime de Charles Quint par les Électeurs a nécessité des pots-de-vin exorbitants, d’un montant de 851 585 florins, pour faciliter les choses. Jacob Fugger a versé 543 385 florins, soit environ les deux tiers de la somme, les Welser et quelques banquiers génois ont avancé le reste.
Il faudrait un gros livre ou un documentaire pour détailler l’ampleur des pots-de-vin payés pour l’élection impériale de Charles Quint.
Voici un extrait d’un compte rendu détaillé :

« Le cardinal Albert de Brandebourg, électeur de Mayence, a reçu 4 200 florins d’or pour sa participation à la Diète d’Augsbourg. En outre, Maximilien s’engagea à lui verser 30 000 florins, dès que les autres électeurs se seraient également engagés à donner leur voix au roi catholique (Charles Quint). Il s’agit d’une prime accordée au cardinal de Mayence pour avoir été le premier à s’engager ; à ce cadeau s’ajoutent une crédence en or et une tapisserie des Pays-Bas. L’électeur avide recevra également une pension viagère de 10 000 florins rhénans, payable annuellement à Leipzig au comptoir des banquiers Fugger, et garantie par [les rentrées d’argent des taxes prélevées sur le commerce maritime par] les villes d’Anvers et de Malines. Enfin, le roi catholique (Charles Quint)devait le protéger contre le ressentiment du roi de France et contre tout autre agresseur, tout en insistant pour que Rome lui accorde le titre et les prérogatives de ‘legate a latere’ en Allemagne, avec les avantages de la nomination ».

« Hermann V de Wied, archevêque-électeur de Cologne, avait reçu 20 000 florins en espèces pour lui-même et 9 000 florins à partager entre ses principaux officiers. On lui avait également promis une pension viagère de 6 000 florins, une pension viagère de 600 florins pour son frère, une pension perpétuelle de 500 florins pour son autre frère, le comte Jean, ainsi que d’autres pensions s’élevant à 700 florins, à répartir entre ses principaux officiers. »

« De son côté, Joachim Ier Nestor, électeur et margrave de Brandebourg (un autre Hohenzollern et frère d’Albert de Brandebourg), exige une compensation substantielle pour les avantages qu’il perd en abandonnant le roi de France.
Ce dernier lui avait promis une princesse de sang royal pour son fils et une forte somme d’argent. Joachim tient donc à remplacer Renée de France par la princesse Catherine, sœur de Charles, et réclame 8 000 florins pour lui-même et 600 pour ses conseillers. Et ce n’est pas tout. Il doit être payé en espèces le jour de l’élection : 70 000 florins à déduire de la dot de la princesse Catherine ; 50 000 florins pour l’élection ; 1 000 florins pour son chancelier et 500 florins pour son conseiller, le doyen Thomas Krul ».
C’est ainsi qu’il a véritablement gagné sa réputation de « père de toutes les cupidités ».
15. Achète-moi un monde sans régulation bancaire, chérie
En 1523, sous la pression d’une opinion publique de plus en plus remontée contre les maisons de commerce d’Augsbourg, au premier rang celles des Fugger, le bras fiscal du Conseil impérial de régence les met en accusation. Certains évoquent même l’idée de limiter le capital commercial des entreprises individuelles à 50 000 florins et le nombre de leurs succursales à trois. La mort pour Fugger.
Conscient qu’une telle réglementation le ruinerait, Jacob Fugger, pris de panique, écrit le 24 avril 1523 un court message à l’empereur Charles Quint, rappelant à sa Majesté sa dépendance à l’égard de la bonne santé des comptes bancaires de Fugger :
« Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne que Votre Majesté Impériale n’aurait pas obtenu la couronne de Rome sans mon aide, comme je peux le prouver par des lettres écrites de leur propre main par tous les commissaires de Votre Majesté (…) Votre Majesté me doit encore 152 000 ducats, etc. »
Charles Quint se rend bien compte que la dette n’est pas l’objet du message. Il écrit immédiatement à son frère Ferdinand pour lui demander de prendre des mesures afin d’empêcher le procès anti-monopole. Les autorités fiscales impériales reçoivent l’ordre d’abandonner les poursuites. Pour Fugger et les autres grands marchands, l’orage est passé.
16. Achète-moi l’Espagne, chérie

Bien sûr, Charles Quint n’a pas un kopeck pour rembourser le prêt géant de Fugger qui l’avait fait élire ! Petit à petit, Fugger fait valider son droit de poursuivre l’exploitation des métaux – argent et cuivre – dans le Tyrol pour faire fructifier l’argent. Mais il en obtint davantage, d’abord en Espagne même et, tout à fait logiquement, dans les territoires nouvellement conquis par l’Espagne en Amérique.
17. Achète-moi l’Amérique, chérie
Tout d’abord, pour rembourser sa dette, Charles propose l’usufruit des principaux territoires des ordres de chevalerie espagnols, appelés Maestrazgos, pour lesquels les Fugger paient 135 000 ducats par an. Entre 1528 et 1537, le Maestrazgos est administré par les Welser d’Augsbourg et un groupe de marchands dirigé par le chef espagnol du service postal Maffeo de Taxis et le banquier génois Giovanni Battista Grimaldi. Mais après 1537, les Fugger reprennent le flambeau. Le contrat de bail est très intéressant pour deux raisons : d’une part, il permet aux preneurs à bail d’exporter les excédents de céréales de ces domaines et, d’autre part, il inclut les mines de mercure d’Alamadén, un élément crucial à la fois pour la production de verre à miroir, le traitement de l’or et les applications médicales.
Comme les Fugger dépendent des livraisons d’or et d’argent en provenance d’Amérique pour recouvrer leurs prêts à la couronne espagnole, il semblait logique qu’ils se tournent également vers le Nouveau Monde.
18. Achète-moi le Venezuela, chérie


Passons maintenant aux Welser. L’histoire des Welser remonte au XIIIe siècle, lorsque ses membres occupaient des postes officiels dans la ville d’Augsbourg. Plus tard, la famille s’est fait connaître en tant que patriciens et marchands de premier plan. Au XVe siècle, alors que les frères Bartolomé et Lucas Welser pratiquent un vaste commerce avec le Levant et d’autres pays, ils ont des succursales dans les principaux centres commerciaux du sud de l’Allemagne et de l’Italie, ainsi qu’à Anvers, Londres et Lisbonne. Aux XVe et XVIe siècles, des branches de la famille s’installent à Nuremberg et en Autriche.
En récompense de leur contribution financière à son élection en 1519, le roi Charles Quint, incapable de rembourser, accorde aux Welser des privilèges dans la traite des esclaves africains et la conquête des Amériques.
La famille Welser se voit donc offrir la possibilité de participer à la conquête des Amériques au début et au milieu du XVe siècle. Comme le stipule le contrat de Madrid (1528), également connu sous le nom de « contrats Welser », les marchands se sont vus garantir le privilège de mener des « entradas »(expéditions) pour conquérir et exploiter de grandes parties des territoires qui appartiennent aujourd’hui au Venezuela et à la Colombie. Les commerçants allemands cultivent des fantasmes de richesses fabuleuses, alimentés par la découverte de trésors d’or : on dit que les Welser ont créé le mythe de l’El Dorado (la cité de l’or).

Les Welser commencent leurs activités en ouvrant un bureau sur l’île portugaise de Madère et en acquérant une plantation de sucre aux îles Canaries.
Ils se sont ensuite étendus à Saint-Domingue, l’actuelle Haïti. La main-mise des Welser sur la traite des esclaves dans les Caraïbes a commencé en 1523, cinq ans avant le contrat de Madrid, puisqu’ils avaient commencé leur propre production de sucre sur l’île.

Le contrat de Madrid comprend le droit d’exploiter une grande partie du territoire de l’actuel Venezuela (en espagnol « Petite Venise »), un pays qu’ils appelaient eux-mêmes « Welserland ». Ils obtiennent également le droit d’expédier 4 000 esclaves africains pour travailler dans les plantations de sucre. Alors que l’Espagne accorde des capitaux, des chevaux et des armes aux conquistadors espagnols, les Welsers ne leur prêtent qu’au prix fort et les obligent à acheter, exclusivement auprès d’eux, les moyens de faire tourner leurs activités. Des Allemands pauvres se rendent au Venezuela et s’endettent rapidement, ce qui exacerbe leur rapacité et aggrave la façon dont ils traitent les esclaves. De 1528 à 1556, sept entradas (expéditions) conduisent au pillage et à l’exploitation des cultures locales.
La situation devient si grave qu’en 1546, l’Espagne révoque le contrat, notamment parce qu’elle sait que les Welser servent également des clients luthériens en Allemagne. Le fils de Bartholomeus Welser, Bartholomeus VI Welser et Philipp von Hutten sont arrêtés et décapités à El Tocuyo par le gouverneur espagnol local Juan de Carvajal en 1546. Enfin, l’abdication de Charles Quint en 1556 met un terme à la tentative des Welser de rétablir par la loi leur concession.
19. Achète-moi le Pérou et le Chili, chérie
Contrairement à la famille Welser, la participation de Jacob Fugger au commerce colonial reste prudente et conservatrice, et la seule autre opération de ce type dans laquelle il investit est une expédition commerciale ratée de 1525 vers les Moluques, menée par l’Espagnol Garcia de Loaisa (1490-1526). Pour l’Espagne, l’idée était d’accéder à l’Indonésie en passant par l’Amérique, ce qui aurait permis d’échapper au contrôle portugais. Cela n’ira pas plus loin parce que Jacob le Riche meurt en décembre de la même année et son neveu Anton Fugger prend la direction de l’entreprise.
Cependant, la fête continue. Les relations des Fugger avec la Couronne espagnole atteignent leur apogée en 1530 avec le prêt de 1,5 million de ducats des Fugger pour l’élection de Ferdinand comme « roi romain ». C’est dans ce contexte que l’agent des Fugger, Veit Hörl, obtient en garantie de l’Espagne le droit de conquérir et de coloniser la région côtière occidentale de l’Amérique du Sud, de Chincha au Pérou jusqu’au détroit de Magellan. Cette région comprend l’actuel sud du Pérou et tout le Chili. Les choses se sont cependant embrouillées et, pour des raisons inconnues, Charles Quint, qui était d’accord avec l’accord, ne le ratifie pas. Considérant que le projet vénézuélien des Welser a dégénéré en entreprise brutale de pillage et s’est soldé par des pertes substantielles. Anton Fugger, qui estime que les retombées financières sont trop faibles, abandonne ce type d’entreprise.
20. Achète moi des esclaves, chérie

Le cuivre des mines de Fugger était utilisé pour les canons des navires, mais il servait également à la production de « manillas » en forme de fer à cheval. Les manillas, dérivées du latin signifiant main ou bracelet, étaient une « monnaie » utilisée par la Grande-Bretagne, le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas, la France et le Danemark pour échanger avec l’Afrique de l’Ouest de l’or et de l’ivoire, ainsi que des personnes réduites à l’état d’esclaves. Les métaux privilégiés étaient à l’origine le cuivre, puis le laiton vers la fin du XVe siècle et enfin le bronze vers 1630.
En 1505, au Nigeria, un esclave se vend pour 8 à 10 manilles, et une dent d’éléphant pour une manille de cuivre. On dispose désormais de chiffres : entre 1504 et 1507, les commerçants portugais importent 287 813 manilles du Portugal vers la Guinée, en Afrique, via la station commerciale de São Jorge da Mina. Le commerce portugais s’intensifie au cours des décennies suivantes. 150 000 manilles sont exportées chaque année vers le fort commercial d’Elmina, sur la Côte d’Or. En 1548, une commande de 1,4 million de manilles est passée à un marchand allemand de la famille Fugger pour soutenir le commerce.

En 2023, un groupe de scientifiques a découvert que certains des bronzes du Bénin, aujourd’hui restitués aux nations africaines, ont été fabriqués avec du métal extrait à des milliers de kilomètres de là, en Rhénanie allemande. Le peuple Edo du Royaume du Bénin, a créé ses extraordinaires sculptures avec des bracelets en laiton fondus, la sinistre monnaie de la traite transatlantique des esclaves entre le 16e et le 19e siècle…
Fin de partie

Après la mort de Jacob, son neveu Anton Fugger (1493-1560) tente de maintenir la position d’une maison qui s’affaiblit.
Les souverains captifs ne sont pas aussi solvables qu’on l’espérait. Charles Quint a de sérieux soucis financiers et la faillite qui s’annonce est l’une des raisons pour lesquelles il se retire, laissant la direction de l’empire à son fils, le roi Philippe II d’Espagne. Malgré l’arrivée de l’or et de l’argent, l’Empire fait faillite. À trois reprises (1557, 1575, 1598), Philippe II est incapable de payer ses dettes, tout comme ses successeurs, Philippe III et Philippe IV, en 1607, 1627 et 1647.
Mais l’emprise politique des Fugger sur les finances espagnoles est si forte, écrit Jeannette Graulau, que « lorsque Philippe II déclara une suspension de paiement en 1557, la faillite n’incluait pas les comptes de la famille Fugger. Les Fugger proposent à Philippe II une réduction de 50 % des intérêts des prêts si l’entreprise est exclue de la faillite. Malgré le lobbying intense de son puissant secrétaire, Francisco de Eraso, et des banquiers espagnols rivaux des Fugger, Philippe n’inclut pas les Fugger dans la faillite ».Bravo les artistes !
En 1563, les créances des Fugger sur la Couronne espagnole s’élevaient à 4,445 millions de florins, soit bien plus que leurs avoirs à Anvers (783 000 florins), Augsbourg (164 000 florins), Nuremberg et Vienne (28 600 florins).
Mais en fin de compte, en unissant leur destin trop étroitement à celui des souverains espagnols, l’empire bancaire des Fugger s’est effondré avec l’effondrement de l’empire espagnol des Habsbourg.
Le professeur français Pierre Bezbakh, écrivant dans Le Monde en septembre 2021, a noté :
« Alors, quand les caisses sont vides, le royaume d’Espagne émet des emprunts, une pratique qui n’est pas très originale, mais qui devient récurrente et à grande échelle. Ces emprunts étaient souscrits par des prêteurs étrangers, comme les Fugger allemands et les banquiers génois, qui accumulaient mais continuaient à prêter, sachant qu’ils perdraient tout s’ils cessaient de le faire, tout comme les grandes banques d’aujourd’hui continuent à prêter aux États surendettés. La différence est que les prêteurs attendaient l’arrivée promise des métaux américains, alors qu’aujourd’hui, les prêteurs attendent que d’autres pays ou des banques centrales soutiennent les pays en difficulté ».
Aujourd’hui, uniquement dix méga-banques (dont 4 françaises) appelées « Prime Brokers » sont autorisées à acheter et à revendre sur le marché secondaire les bons d’État français, émis à dates régulières par l’Agence française du Trésor pour refinancer la dette publique française (3228 milliards d’euros) et surtout pour refinancer les remboursements de la dette (51 milliards d’euros en 2024). Les noms des Fuggers d’aujourd’hui sont : HSBC, BNP Paribas, Crédit Agricole, J.P. Morgan, Société Générale, Citi, Deutsche Bank, Barclays, Bank of America Securities et Natixis.
Conclusion
Au-delà de l’histoire des dynasties Fugger et Welser qui, après avoir colonisé les Européens, ont étendu leurs crimes coloniaux à l’Amérique, il y a quelque chose de plus profond à comprendre.
Aujourd’hui, on dit que le système financier mondial est « désespérément » en faillite. Techniquement, c’est vrai, mais politiquement, il est maintenu avec succès au bord de l’effondrement total afin de garder le monde entier dépendant d’une classe de prédateurs financiers apatrides. Un système en faillite, paradoxalement, nous désespère, mais leur donne l’espoir de rester aux commandes et de maintenir leurs privilèges jusqu’à la fin des temps. Seuls les banquiers peuvent sauver le monde de la faillite !
Historiquement, nous, en tant qu’humanité, avons créé des « États-nations » dûment équipés de « banques nationales » contrôlées par le gouvernement, afin de nous protéger de ce chantage financier systémique et abject. Les banques nationales, si elles sont correctement gérées, peuvent générer des crédits productifs dans notre intérêt à long terme en développant notre économie physique et humaine plutôt que les bulles financières des maîtres-chanteurs financiers.
Malheureusement, un tel système positif a rarement existé et lorsqu’il a existé, il a été saboté par les marchands d’argent que Roosevelt voulait chasser du temple de la République.
Comme nous l’avons démontré, la grave dissociation mentale appelée « monétarisme » est l’essence même du fascisme (financier). Les syndicats financiers et bancaires criminels « impriment » et « créent » de l’argent. Si cet argent n’est pas « domestiqué » et utilisé comme instrument pour accroître les pouvoirs créatifs de l’homme et de la nature, les ressources s’épuisent et les conflits deviennent insolubles.
La volonté de « convertir » à tout prix, y compris par la destruction de l’humanité et de ses pouvoirs créateurs, une « valeur » nominale qui n’existe qu’en tant qu’accord entre les hommes, en une forme de richesse physique « réelle », est l’essence même de la machine de guerre nazie.
Pour sauver les dettes du Royaume-Uni et de la France envers l’industrie américaine de l’armement détenue par JP Morgan et consorts, il fallait forcer, par le Traité de Versailles, l’Allemagne à payer. Lorsqu’il s’est avéré que c’était impossible, les intérêts bancaires anglo-franco-américains ont créé la « Banque des règlements internationaux ».
La BRI, sous la supervision directe de Londres et de Wall Street, a permis à Hitler d’obtenir les liquidités et devises suisses dont il avait besoin pour construire sa machine de guerre, une machine de guerre considérée comme potentiellement utile pour les Occidentaux tant qu’elle annonçait vouloir marcher vers l’Est, en direction de Moscou.
Pour obtenir des liquidités de la BRI, la banque centrale allemande déposait en garantie des tonnes d’or volées aux pays qu’elle envahissait (Autriche, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Tchécoslovaquie, Pologne, Albanie, etc.). L’or dentaire des Juifs, des communistes, des homosexuels et des Tziganes exterminés dans les camps de concentration est déposé sur un compte secret de la Reichsbankpour financer les SS.
Le ministre des finances de la Banque d’Angleterre et d’Hitler, Hjalmar Schacht, qui a échappé à la potence du procès de Nuremberg grâce à ses protections internationales, fut sans doute le meilleur élève de Jacob Fugger le Riche, non pas le père de la banque allemande ou « moderne », mais le père du fascisme financier, héritier de Rome, de Venise et de Gênes. Plus jamais ça !
Biographie sommaire:
- Steinmetz, Greg, L’homme le plus riche qui ait jamais vécu, La vie et l’époque de Jacob Fugger, Simon and Shuster, 2016 ;
- Cohn, Henry J., Did Bribes Induce the German Electors to Choose Charles V as Emperor in 1519?
- Herre, Franz, The Age of the Fuggers, Augsbourg, 1985 ;
- Montenegro, Giovanna, German Conquistadors in Venezuela: The Welsers’ Colony, Racialized Capitalism, and Cultural Memory,
- Ehrenberg, Richard, Capital et finance à l’âge de la Renaissance : A Study of the Fuggers, and Their Connections, 1923,
- Roth, Julia, The First Global Players’ : Les Welser d’Augsbourg dans le commerce de l’esclavage et la culture de la mémoire de la ville, 2023
- Häberlein, Mark, Connected Histories : South German Merchants and Portuguese Expansion in the Sixteenth Century, RiMe, décembre 2021 ;
- Konrad, Sabine, Case Study : Spain Defaults on State Bonds, How the Fugger fared the Financial Crisis of 1557, Université de Francfort, 2021,
- Sanchez, Jean-Noël, Un projet colonial des Fugger (1530-1531) ;
- Lang, Stefan, Problems of a Credit Colony : the Welser in Sixteenth Century Venezuela, juin 2015 ;
- Graulau, Jeannette, Finance, Industry and Globalization in the Early Modern Period : the Example of the Metallic Business of the House of Fugger, 2003 ;
- Gallagher, Paul, How Venice Rigged The First, and Worst, Global Financial Collapse, Fidelio, hiver 1995
- Hale, John, La civilisation de l’Europe à la Renaissance, Perrin, 1993 ;
- Vereycken, Karel, Renaissance Studies, index.
Quinten Matsys et Léonard – L’aube d’une ère du rire et de la créativité

par Karel Vereycken, août 2024.
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Matsys et Léonard, sommaire
Introduction
A. Les enjeux culturels et philosophiques d’un contexte
- Blagues cyniques ou dialogue socratique ?
- Qu’est-ce que l’humanisme chrétien ?
- Pétrarque et le « Triomphe » de la mort
- L’ère du bon rire
- Sebastian Brant, Jérôme Bosch et la Nef des fous
B. Quinten Matsys
- Éléments biographiques
- De forgeron à peintre
- Duché de Brabant
- Formation : Bouts, Memling et Van der Goes
- Débuts à Anvers et à l’étranger
C. Œuvres choisies, décryptage et nouvelles interprétations
- La Vierge et l’Enfant, « Grâce divine » et « Libre arbitre »
- Le retable de Sainte-Anne
- Une nouvelle perspective
- Coopération avec Patinir et Dürer
- Le lien avec Érasme
- L’Utopie de Thomas More
- Pieter Gillis et le « diptyque de l’amitié »
- La connexion Léonard de Vinci (I)
D. L’art érasmien du grotesque
- Dans les peintures religieuses
- Avares, banquiers, receveurs d’impôt et agents de change, la lutte contre l’usure
- La connexion Léonard de Vinci (II)
- L’art du grotesque per se
- La métaphore du « couple mal assorti ».
- « La vieille femme hideuse », la paternité de Léonard
- Liefrinck et Cock
E. Conclusion
Bibliographie choisie
Au début du XVIe siècle, Quentin Matsys (1466-1530)1 s’impose comme peintre majeur à Anvers où il travaille pendant plus de 20 ans, créant de nombreuses œuvres, parmi lesquelles des triptyques profondément religieux, des portraits étonnamment détaillés et certaines des œuvres satiriques les plus hilarantes de l’histoire de la peinture.
Pour rendre hommage et justice à cet artiste mal connu, nous explorerons et mettrons en lumière sa verve et son esprit érasmien et présenterons certains de ses apports artistiques les plus originaux.

En 1500, Anvers2, avec quelque 90 000 habitants, est la plus grande ville (précisons-le) d’Occident. Grand port et cœur battant d’un florissant commerce international qui dépasse alors la vieille Bruges3 des Médicis, Anvers est un aimant qui attire tous les talents de toutes les nations4.
C’est dans ce contexte de brassage culturel que Quinten Matsys croise et collabore avec les plus brillants des grands humanistes chrétiens de son époque, qu’il s’agisse d’érudits militants pour la paix tels qu’Érasme de Rotterdam5, Thomas More6 et Pieter Gillis7, d’imprimeurs novateurs comme Dirk Martens8 d’Alost, de réformateurs exigeants comme Gérard Geldenhouwer9 et Cornelius Grapheus10, de peintres flamands comme Gérard David11 et Joachim Patinir12 ou de peintres-graveurs et illustrateurs étrangers comme Albrecht Dürer13, Lucas van Leyden14 et Hans Holbein le Jeune15.
Malheureusement, aujourd’hui, les grandes maisons d’édition internationales, pour des raisons qui restent à élucider, semblent l’avoir condamné à l’oubli éternel. Ailleurs, son nom n’apparaît que sporadiquement.16 Pire encore, aucune de ses œuvres n’est référencée et seules deux mentions de son nom figurent dans L’art flamand et hollandais, les siècles des Primitifs, œuvre de référence sur cette période.17
La bonne nouvelle est que depuis 2007, le Centre interdisciplinaire pour l’art et la science de Gand,18 en Belgique, prépare un nouveau « catalogue raisonné » de son œuvre. Celui de Larry Silver19 se vend hors de prix. Reste celui d’Andrée de Bosque,20 avec la majorité des images en noir et blanc. En guise de consolation, les lecteurs se contenteront de la thèse de doctorat de Harald Brising21 de 1908, dans une version réimprimée en 2019.
Afin d’honorer et de rendre justice à cet artiste, nous tenterons d’explorer dans cet article certaines questions restées sans réponse jusqu’à présent. Dans quelle mesure l’œuvre d’Érasme a-t-elle directement inspiré Matsys, Patinir et leur cercle ? Que savons-nous des échanges entre ce cercle à Anvers et d’éminents artistes de la Renaissance tels que Léonard de Vinci et Albrecht Dürer ? Quelle influence l’artiste érasmien a-t-il exercée sur ses correspondants étrangers ?
La question interroge d’emblée puisqu’Érasme n’était pas vraiment amateur de ce qui était la « peinture religieuse » à l’époque, préférant une véritable action agapique22 pour le bien commun, à la prosternation passive devant des rites religieux et des images saintes. Comme le note le critique d’art belge Georges Marlier (1898-1968)23 en 1954, dans son livre bien documenté, si Érasme respectait et honorait les peintures saintes si elles évoquaient un véritable sentiment religieux, de l’amour et de la tendresse, cela ne l’empêchait pas de penser que…
« la véritable imitation du Christ et sa Passion, consiste à mortifier les entraînements qui guerroient contre l’esprit et non pas à pleurer sur le Christ comme un objet pitoyable »24

Nos recherches antérieures sur la Renaissance italienne, la vie d’Érasme25 et l’art de Dürer26 nous ont familiarisés avec l’époque de Matsys et ses défis, un sujet que nous ne pouvons pas redévelopper ici de façon exhaustive, mais qui nous donne quelques bases pour appréhender la valeur extraordinaire de cet artiste.
A. Les enjeux culturels et philosophiques d’un contexte
1. Blagues cyniques ou dialogue socratique ?

De nombreux spectateurs contemporains, pénalisés par un regard non entraîné et pollués par un wokisme et un pessimisme abusif, passent à côté du sujet. Il leur manque l’intégrité morale et intellectuelle nécessaire pour comprendre les plaisanteries,27 l’ironie et les métaphores qui constituaient l’essence même de la vie culturelle28 des Pays-Bas de l’époque.29
Beaucoup contemplent et commentent la couleur de leurs lunettes en croyant livrer leur vision du monde. Perdus dans leurs préjugés culturels, en regardant un visage peint, ils ne voient pas l’intention ou l’idée que l’artiste a voulu faire apparaître, non pas sur le tableau, mais dans l’esprit du spectateur. Fuyant ce domaine supérieur de la métaphore, ils se ruent sur les détails en enchaînant des interprétations symboliques dont la somme est supposé expliquer le sens de l’œuvre.
Ainsi, devant un visage « grotesque », ils s’obstinent à croire qu’il s’agit d’un portrait plutôt que de rire à pleins poumons ! Du coup, ne voulant pas voir cette dimension « invisible », prenant l’image « à la lettre », pour eux, les « grotesques » d’Érasme, de Matsys et de Léonard, ne sont et ne peuvent être que des « plaisanteries cyniques » témoignant d’un « manque de tolérance » à l’égard des personnes « laides », « malades », « anormales » ou « différentes » !
Répétons-le donc haut et fort : Erasme et ses trois principaux disciples, François Rabelais,30Cervantès31 et William Shakespeare,32 sont les incarnations, quoique rarement reconnues, de l’« humanisme chrétien » et le bon rire, en tant qu’arme politique puissante pour « élever à la dignité d’homme, tous les membres du genre humain ».
2. Qu’est-ce que l’humanisme chrétien ?
L’idée maîtresse du programme éducatif et politique d’Érasme était de promouvoir la docta pietas, la piété savante, ou ce qu’il appelait la « philosophie du Christ ».33 Cette philosophie peut être résumée comme un « mariage » entre les principes humanistes résumés dans La Républiquede Platon34 et la notion agapique de l’homme transmise par les Saintes Écritures et les écrits des premiers Pères de l’Église comme Jérôme35 et Augustin,36 qui considéraient Platoncomme un de leurs précurseurs imparfaits.
En rupture totale avec la soumission à une foi « aveugle » et féodale, qui plaçait le salut de l’homme uniquement dans une existence après la mort, l’humanisme chrétien considère que la nature humaine est bonne. L’origine du mal n’est donc pas l’homme lui-même ou un « diable » extérieur, mais les vices et les afflictions morales que Platonavait déjà largement identifiés des siècles avant qu’elles deviennent chez les Chrétiens les « sept péchés capitaux » qui peuvent être surmontés par les « sept vertus capitales ».37

Pour rappel, ces péchés capitaux et leur antidotes sont :
- L’orgueil (Superbia, hubris) par opposition à l’humilité (Humilitas) ;
- L’avarice (Avaricia) par opposition à la charité (Caritas, Agapè) ;
- La colère(Ira, rage) opposée à la patience (Patientia) ;
- L’envie (Invidia, jalousie) opposée à la bonté (Humanitas) ;
- La luxure (Luxuria, fornication) opposée à la chasteté (Castitas) ;
- La gourmandise (Gula) opposée à la tempérance (Temperantia) ;
- La paresse (Acedia, mélancolie, spleen, paresse morale) opposée à la diligence (Diligentia).
Il est assez révélateur pour notre époque que ces « péchés » (affections qui nous empêchent de faire le bien), et non leurs vertus opposées, aient été tragiquement sacralisés comme les « valeurs » de base garantissant le bon fonctionnement du système financier « néolibéral » actuel et de son ordre mondial « fondé sur les règles » !
« Les vices privés font la vertu publique », arguait Bernard Mandeville en 1705 dans La fable des abeilles. C’est la dynamique des intérêts particuliers qui stimule la prospérité d’une société, estimait ce théoricien néerlandais qui a inspiré Adam Smith et pour qui « la morale » ne fait qu’inviter à la léthargie et provoque le malheur de la cité.
C’est la cupidité et la recherche perpétuelle du plaisir, et non le bien commun, qui ont été proclamées motivations essentielles de l’homme, selon l’école philosophique devenue dominante, celle de l’empirisme britannique proféré par Locke, Hume, Smith et consorts.
De ce fait, la « charité », le « Care » et l’aide « humanitaire » ont été réduits à une activité souvent éphémère de dames de charité, permettant au système criminel actuel de faire accepter au plus grand nombre son existence perpétuelle. Ainsi, et c’est tout à fait regrettable, les « organisations humanitaires », les « fondations charitables » aux mains de grandes familles patriciennes et certaines ONG, dont le travail est souvent essentiel, sont malheureusement devenues des outils de domination.
3. Pétrarque et le « Triomphe de la mort »

Le vrai christianisme, comme toutes les grandes religions humanistes, s’efforce sans relâche de secouer ceux qui gaspillent leur vie dans le péché en leur montrant que leur comportement est à la fois dramatique et surtout ridicule à la lumière de l’extrême brièveté de l’existence physique humaine.



Dürer en fait le thème central de ses trois célèbres Meisterstiche(gravures de maître) qui ne peuvent être comprises que comme une seule et même unité : Le chevalier, la mort et le diable (1513) ; Saint Jérôme dans son étude (1514) et Melencolia I (1514).38
Dans chacune de ces gravures figure un sablier, métaphore de l’écoulement inexorable du temps qui passe. En juxtaposant au sablier (le temps) un crâne (la mort ), une bougie qui s’éteint (dernier souffle), une fleur qui flétrie (la vacuité des passions) etc., les artistes arrivent à faire émerger la métaphore de la « vanité ».39
Érasme, qui fait du couple sablier-crâne son emblème, y ajoute sa devise : Concedi Nulli(Signifiant que la mort n’épargnera personne et que tous, riches ou pauvres, mourront un jour). En ce sens, à la Renaissance, l’humanisme chrétien était un mouvement de masse visant à éduquer les gens à « l’immortalité » spirituelle, à la fois contre les superstitions religieuses et contre un retour sournois du paganisme gréco-romain.

Avec cette exigence philosophique, Erasme marche ici directement dans les pas de Pétrarque40et ses I Trionfi(1351-1374)41, un cycle poétique structuré en six triomphes allégoriques qui s’enchaînent les uns aux autres. Par exemple, le Triomphe de l’amour est lui-même surpassé par le Triomphe de la chasteté. À son tour, la Chasteté est vaincue par la Mort ; la Mort est vaincue par la Renommée ; la Renommée est conquise par le Temps ; et même le Temps est finalement vaincu par l’Éternité et enfin par le Triomphe de Dieu sur toutes ces préoccupations terrestres.
Puisque la mort « triomphera » à la fin de notre existence physique éphémère, dans la vision pré-Renaissance, c’est la peur de la mort et la peur de Dieu qui doivent aider l’homme à se concentrer pour apporter quelque chose d’immortel aux générations futures plutôt que de se perdre dans le labyrinthe des plaisirs et des douleurs terrestres que Jérôme Bosch (1450-1516)42 dépeint avec tant d’ironie dans son Jardin des délices terrestres (1503-1515).43
Léonard de Vinci, dont le sentiment théo-philosophique était considéré comme une hérésie44 par bon nombre au Vatican, notait amèrement dans ses carnets que, vu leur comportement, beaucoup d’hommes et de femmes ne méritaient même pas le beau corps que Dieu leur avait offert:
« Vois, nombreux sont ceux qui pourraient s’intituler de simples tubes digestifs, des producteurs de fumier, des remplisseurs de latrines, car ils n’ont point d’autre emploi en ce monde ; ils ne mettent en pratique aucune vertu, rien ne reste d’eux que des latrines pleines ».45
4. L’ère du « bon rire »

Selon les dictionnaires, on rit bien lorsqu’on trouve amusante et drôle une situation qui était au départ contrariante. En bref, le bon rire est la récompense d’un véritable processus créatif lorsque « l’agonie » de l’épuisement des hypothèses lors d’une recherche de solutions se termine par un joyeux Eurêka!
Cela peut être pour des questions scientifiques et purement matérielles, mais aussi dans le processus de développement de l’identité personnelle. La tempête et les nuages ont disparu et la pleine lumière ouvre des horizons et apporte une nouvelle perspective.
Sur son blog Angeles Earth, l’artiste visuelle et historienne d’art Angeles Nieto souligne le lien intime entre humour et créativité :
« L’humour ne suit pas les processus linéaires, traditionnels et habituels ; l’humour stimule la flexibilité de la pensée et la créativité. On peut comparer le rire à un interrupteur de la pensée cognitive, de sorte que le côté rationnel est en quelque sorte paralysé. Nous rions généralement lorsque notre cerveau reconnaît un modèle erroné qui n’est pas à sa place. L’humour présente un nouveau point de vue qui perturbe et se moque des discussions conventionnelles. Les changements mentaux soudains provoqués par l’humour sont également présents dans la créativité : nous jouons avec les idées, à la recherche d’idées surprenantes. L’humour est fondé sur la dissociation, la possibilité que deux mentalités se croisent de sorte que la seconde modifie le sens de la première. La créativité fonctionne selon les mêmes mécanismes qu’une blague. Dans les deux cas, il s’agit de relier deux idées apparemment sans rapport.«
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

Pour les humanistes chrétiens, grâce à « l’effet miroir » intrinsèquement inhérent au « dialogue socratique » (qui commence par accepter que l’on ne sait pas – appelé docta ignorantia46 par Nicolas de Cues), l’homme peut être libéré de ces afflictions « pécheresses » qui le plombent et lui coupent les ailes.
Son libre arbitre peut être mobilisé pour l’amener à agir conformément à sa vraie (bonne) nature, celle de se consacrer et de trouver son ultime plaisir dans l’accomplissement du bien commun au service d’autrui, aussi bien dans ses relations personnelles que dans ses activités économiques. C’est cet objectif, celui de former et d’ennoblir le caractère de chacun, qui deviendra le but fondamental de l’éducation républicaine. On ne remplit pas les têtes mais on forme des citoyens.
Or, en affirmant que la vie de l’homme est entièrement prédéterminée par Dieu, Lutherniait l’existence du libre arbitre et rendait l’homme totalement irresponsable de ses actes.47 Ce point de vue était à l’opposé de celui d’Érasme, qui avait commencé par demander à l’Église d’éradiquer ses propres abus financiers, tels que les fameuses « indulgences »48, et ceci bien avant que Luther n’entre en scène.
Les humanistes chrétiens se sont fermement engagés à élever nos âmes au plus haut niveau de beauté morale et intellectuelle en nous libérant de notre attachement excessifs aux biens terrestres – non pas en nous infligeant des sentiments de culpabilité et des injonctions morales ou par le commerce lucratif de la peur de l’enfer, mais… par le rire ! Ouf, on respire ! Prenons un peu de recul et tout en nous engageant sérieusement à nous améliorer, rions de nos imperfections. Dieu nous a donné la vie et elle est belle, pourvu qu’on sache comment s’en servir !
L’humaniste français,Jean Jaurès, lecteur d’Érasme disait même que :
« Les progrès de l’humanité se mesurent aux concessions que la folie des sages fait à la sagesse des fous. »
Le rire vérace des uns, on s’en doute, ne fait pas le bonheur des autres, car il ruine l’autorité illégitime des puissants et des tyrans. Il s’agit bien de l’arme politique la plus dévastatrice jamais conçue. Par conséquent, pour les forces du mal, le rire vérace, tel qu’il est promu par Érasme et ses disciples, doit être ignoré, calomnié et autant que possible éradiqué et remplacé par la mélancolie, l’obéissance et la soumission à des doctrines et des « narratifs » écrits d’avance par et pour les élites dominantes grâce à une constipation scolastique douloureuse.

Le « début de la fin » de l’occupation espagnole dans les Pays-Bas fût l’interdiction du Landjuweel49. Dès les 13e et 14e siècles, les Landjuwelen étaient des concours de poésie entre les guildes d’archers du duché de Brabant. Aux 15e et 16e siècles, les Rederijkers (Rhétoriciens) organisaient des concours entre chambres sur le même modèle. Chaque concours était organisé autour d’une question philosophique centrale, par exemple « Qu’est-ce qui amène le plus l’homme aux arts ? » ou « Quelle est la meilleure consolation pour un mourant ? ». Les pièces devaient ensuite répondre par une pièce de théâtre, un zinne-spel(où le zinneest la question posée).


Les autres concours comprenaient des pièces divertissantes et farfelues, des esbattements, des chansons et le blason du rebus. Il s’agissait d’une sorte de blason sur lequel figurait un rébus.
Le Lanjuweel organisé par la Chambre des rhétoriciens De Violieren d’Anvers en août 1561 reste dans l’histoire comme le plus éclatant. Cette chambre était en réalité la branche littéraire de la Guilde de Saint-Luc, c’est-à-dire la guilde des peintres. Quatorze chambres y participèrent et, à l’entrée, défilèrent dans la ville en costume de fête, avec de la musique et des chants, accompagnées par des dizaines de chars. A une époque donnée, le « Char de foin » qu’on voit dans le tableau éponyme de Bosch était probablement l’un de ces chars. La plupart des pièces allégoriques jouées étaient des satires mordantes contre le pape, les moines, les indulgences, les pèlerinages, etc.
Le Landjuweel et l’Ommeganck étaient des fêtes populaires où tout était permis, où le « l’homme de la rue », avec ses satires, ses déguisements et ses chansons moqueuses, pouvait narguer l’oppresseur, le ridiculiser et rendre ainsi, ne serait-ce que pour un très court instant, le joug de l’Espagne un peu plus supportable.
Dès leur parution, ces pièces furent interdites. Ce n’est pas sans raison que le Landjuweel de 1561 fut cité plus tard comme le premier à inciter le monde littéraire en faveur de la Réforme protestante. Comme ces œuvres étaient loin d’être favorables au régime espagnol, le duc d’Albe ordonna leur banissement par l’Index de 1571, et plus tard, le gouvernement néerlandais interdit même les représentations théâtrales des Chambres de rhétorique.
5. Sebastian Brant, Hieronymus Bosch et La nef des fous


La « peinture de genre », qui dépeint des aspects de la vie quotidienne en représentant des gens ordinaires engagés dans des activités ordinaires et quotidiennes, est née avec Quinten Matsys (on devrait plutôt dire avec le paradigme érasmien que nous venons d’identifier), souligne Larry Silver50 en reprenant ce qu’affirmait déjà Georges Marlier51 en 1954.
Plusieurs années avant qu’Erasme ne publie son Eloge de la folie (écrit en 1509 et publié à Paris dès 1511)52, le poète humaniste et réformateur social strasbourgeois Sébastien Brant (1558-1921) ouvre le bal du rire socratique avec son Narrenshiff (La Nef des fous, publiée en 1494 à Bâle, Strasbourg, Paris et Anvers)53, une œuvre satirique hilarante illustrée par Holbein le Jeune (1497-1543) et Albrecht Dürer (1471-1528) qui exécute 73 des 105 illustrations de l’édition originale.
La Nef des fous s’imprime, se copie, se diffuse et se vend comme des petits pains dans toute l’Europe. Son auteur n’était pas seulement un simple satiriste, mais un humaniste cultivé dont on retient la traduction de poèmes de Pétrarque.54
Brant était une figure clé et un allié de Johann Froben (1460-1529) et Johann Amerbach (1441-1513) issus de familles d’imprimeurs suisses qui accueillirent plus tard Érasme lorsque, persécuté aux Pays-Bas, il dut s’exiler à Bâle.


Après les saints et les princes, soudainement, ce sont des femmes, des hommes et des enfants ordinaires, des marchands certes encore souvent aisés, qui apparaissent dans les œuvres, non plus comme des « donateurs » assistants comme témoin à une scène biblique, mais pour leur qualités propres d’humains méritoires.
Dürer fait, par exemple, une gravure certes un peu ironique, d’« un cuisinier et sa femme ».55 Si au XVe siècle, la philosophie grecque pénètre en Europe, en ce début du XVIe, c’est le peuple qui fait irruption.
Bien sûr, les temps ont changé et la clientèle des peintres aussi. Les commandes proviennent beaucoup moins d’ordres religieux et de riches cardinaux de Rome et de plus en plus de bourgeois prospères ou de guildes, corporations, confréries et communautés des métiers désirant embellir leurs chapelles et demeures et offrir leurs portraits à leurs amis.
L’expansion du marché anversois, qui a fait de la peinture un produit de luxe pour la classe moyenne, est un phénomène bien documenté, et les recherches ont confirmé l’affirmation de Lodovico Guicciardini56 selon laquelle il y avait au moins 300 ateliers de peintres actifs à Anvers dans les années 1560.
La Nef des fous de Brant marque un véritable tournant, prélude à un nouveau paradigme. Elle marque le début d’un long arc de créativité, de raison et d’éducation par le rire vérace et libérateur, dont l’écho résonnera très fort jusqu’à la mort de Pieter Bruegel l’Aîné en 1569.57
Cet élan ne sera interrompu que lorsque Charles Quint, croyant faire peur, ressuscite, en 1521, l’Inquisition et adopte les « placards », c’est-à-dire des décrets punissant par la mort tout citoyen osant lire, commenter ou discuter de la Bible.

La Nef des fous s’organise en 113 sections, dont chacune, à l’exception d’une courte introduction et de deux pièces finales, traite indépendamment d’une certaine classe de fous, d’imbéciles ou de vicieux. L’idée fondamentale de la nef n’étant rappelée qu’occasionnellement.
Aucune folie du siècle n’est censurée. Le poète s’attaque avec noble zèle aux défauts et aux extravagances de l’homme.
Le livre s’ouvre sur la dénonciation du plus grand fou de tous, celui qui se détourne de l’étude de tous les livres merveilleux qui l’entourent. Il ne veut pas « se casser la tête » et « encombrer » son crâne. « J’ai tout, dit le sot, d’un grand seigneur qui peut payer comptant la fatigue de ceux qui apprennent pour moi ».58
La troisième folie (sur les 113), donc tout près de la première, est la cupidité et l’avarice:
« C’est absurde folie d’entasser des richesses et de ne pas jouir de la vraie joie de vivre, le fou ne sachant pas à qui servira l’or qu’il a mis de côté, le jour où il devra descendre dans la tombe ».59

Un triptyque de Jérôme Bosch, en partie perdu, s’inscrit dans cette lignée. Des recherches relativement récentes ont établi que le tableau actuel La Nef des fous (Louvre, Paris) de Bosch, possiblement exécuté avant même60 que Brant n’écrive sa satire, n’est que le volet gauche d’un triptyque dont le panneau droit était La Mort de l’avare (National Gallery, Washington).
Ce qui est intéressant avec ce dernier panneau, c’est qu’il n’y a pas de fatalité ! Même l’avare, jusqu’à son dernier souffle, peut choisir entre lever les yeux vers le Christ ou les abaisser vers le diable ! Que l’homme soit éternellement perfectible et que son sort dépende de sa volonté, était au cœur de la doctrine des Frères de la Vie commune,61 un mouvement laïc de dévotion chrétienne avec lequel Bosch, sans en être membre, avait d’importantes affinités. Cependant, personne ne connaît à ce jour l’image et le nom du panneau central qui a été perdu. Mais ce qui apparaît lorsqu’on referme les deux volets latéraux, c’est l’image d’un colporteur (autrefois appelé à tort Le retour de l’enfant prodigue) fuyant des mauvais lieux.
Ce thème figure également sur les panneaux extérieurs du triptyque de Bosch le Chariot de foin, montrant des rois, des princes et des papes courant après un chariot chargé d’une gigantesque botte de foin (une métaphore de l’argent) et que les diables tirent vers l’Enfer.
Le thème du colporteur qui pérégrine62 était très populaire parmi les Frères de la Vie commune et la Devotio Moderna.63 Pour eux, comme pour Saint Augustin, l’homme est en permanence confronté à un choix existentiel. Il est en permanence à la croisée du chemin (le bivium). Soit il emprunte le chemin rocailleux et difficile qui le mène à une position spirituellement plus élevée et plus proche de Dieu, soit il emprunte la voie de la facilité vers le bas en s’abaissant aux passions et aux affections terrestres.
La beauté de l’homme et de la nature, prévient Augustin et par la suite Denis le Chartreux,64 peut et doit être pleinement appréciée et célébrée sous condition qu’elle soit vécue comme « l’avant-goût de la sagesse divine », et non pas comme un simple plaisir des sens.
Le colporteur que l’on retrouve chez Bosch et Patinir est donc une métaphore de l’humanité qui s’efforce d’avancer sur le bon chemin et dans la bonne direction. Bosch peuplera ses tableaux d’hommes et de femmes ressemblant à des animaux décervelés se précipitant avec grande frénésie sur de petits fruits comme des cerises, des fraises et des baies, métaphores de plaisirs terrestres tellement éphémères qu’ils doivent éternellement renouveler l’expérience pour en tirer le moindre plaisir.

Le colporteur avance « op een slof en een schoen » (sur une pantoufle et une chaussure), c’est-à-dire qu’il abandonne sa maison et quitte le monde créé du péché (on voit un bordel, des ivrognes, etc.), et tous les biens matériels. Avec son « bâton » (symbole de la foi), il réussit à repousser les « chiens infernaux » (le mal) qui tentent de le retenir. Une enluminure d’un livre de psaumes anglais du XIVe siècle, le Luttrell Psalter, présente exactement la même représentation allégorique.
Ces images métaphoriques ne sont donc pas les fruits d’un « esprit malade » ou d’une imagination exubérante de Bosch, mais un langage courant qu’on retrouve assez souvent dans les marges des livres enluminés.
Le même thème, celui de l’Homo Viator, l’homme qui se détache des biens terrestres, est également récurrent dans l’art et la littérature de cette époque, notamment depuis la traduction néerlandaise du Pèlerinage de la vie et de l’âme humaine, écrit en 1358 par le moine cistercien normand Guillaume de Degulleville (1295-après 1358). Le Christ nous transforme en pèlerins à travers le monde. Unis à Lui nous traversons la Cité terrestre n’ayant comme véritable but que la Cité Céleste. Non plus seulement homo sapiens, mais homo viator, homme en route vers le Ciel.
Si les trois volets qui subsistent du triptyque de Bosch (la Nef des fous, La mort de l’Avare et le Colporteur) semblent de prime abord sans aucun lien, leur cohérence saute aux yeux une fois que le spectateur identifie ce concept primordial.65
Il serait amusant, pour un peintre imaginatif et créatif vivant aujourd’hui, de recréer et de réinventer une image digne du volet perdu de Bosch, le thème étant forcément la chute de l’homme qui n’arrive pas à se détacher des biens terrestres, passant de la Nef des fous à La Mort de l’Avare.
B. Quinten Matsys, éléments biographiques
Connaissant maintenant les enjeux philosophiques et culturels majeurs de l’époque, nous pouvons examiner avec sérénité la vie66 de Matsys et quelques-unes de ses œuvres.
1. De forgeron à peintre

Selon l’Historiae Lovaniensium de Joannes Molanus (1533-1585), Matsys est né à Louvain entre le 4 avril et le 10 septembre 1466, comme un des quatre enfants de Joost Matsys (mort en 1483) et de Catherine van Kincken.
La plupart des récits de sa vie mêlent à cœur joie des faits et des légendes.67 En réalité, on dispose de très peu d’indices concernant son activité ou son caractère.
A Louvain, Quinten aurait eu des débuts modestes en tant que ferronnier d’art. La légende veut qu’il se soit épris d’une belle fille que courtisait également un peintre. La fille préférant de loin les peintres aux forgerons, Quinten aurait aussi vite abandonné l’enclume pour le pinceau.
An 1604, le chroniqueur Karel Van Mander affirme que Quinten, frappé d’une maladie depuis l’âge de vingt ans, « se trouvait dans l’impossibilité de gagner son pain » en tant que forgeron.
Van Mander rappelle que lors des fêtes du mardi gras,
« les confrères qui soignent les malades allaient de par la ville, portant une grande torche de bois sculptée et peinte, distribuant aux enfants des images de saints gravées et coloriées ; il leur en fallait donc un grand nombre. Il se trouva que l’un des confrères, allant voir Quinten lui conseilla de colorier de ces images, et il en résulta que celui-ci s’essaya au travail. Par ce début infime, ses dispositions se manifestèrent, et, à dater de ce temps, il se mit à la peinture avec une vive ardeur. En peu de temps il fit des progrès extraordinaires et devint un maître accompli. »68


A Anvers, devant la cathédrale Notre-Dame, au Handschoenmarkt (marché aux gants), on trouve encore la « putkevie » (porte en fer forgé décorée sur un puits) qui aurait été réalisée par Quinten Matsys lui-même et qui représente la légende de Silvius Brabo et Druon Antigoon, respectivement les noms d’un officier romain mythique qui libéra Anvers de l’oppression d’un géant appelé Antigoon qui nuisait au commerce de la ville en bloquant l’entrée de la rivière.
L’inscription sur le puits se lit comme suit : « Dese putkevie werd gesmeed door Quinten Matsijs. De liefde maeckte van den smidt eenen schilder. » (La ferronnerie de ce puits a été forgée par Quinten Matsys. L’amour a fait du forgeron un peintre.)
Les dons documentés et les possessions de Joost Matsys, le père de Quinten, forgeron et horloger de la ville, indiquent que la famille disposait d’un revenu respectable et que le besoin financier n’était pas la raison la plus probable pour laquelle Matsys s’est tourné vers la peinture.
En 1897, Edward van Even69 a écrit, sans présenter la moindre preuve, que Matsys composait également de la musique, écrivait des poèmes et réalisait des gravures.

Bien qu’il n’existe aucune preuve de la formation de Quinten Metsys avant son inscription en tant que maître libre à la guilde des peintres d’Anvers en 1491, le projet de dessin de son frère Joos Matsys II à Louvain et les activités de leur père suggèrent que le jeune artiste a d’abord appris à dessiner et à transposer ses idées sur le papier auprès de sa famille et qu’ils l’ont exposé pour la première fois aux formes architecturales70 et à leur déploiement créatif.
Ses premières œuvres, en particulier, suggèrent clairement qu’il a reçu une formation de dessinateur d’architecture. Dans sa Vierge à l’enfanttrônant avec quatre anges de 1505 (National Gallery, Londres), les personnages divins sont assis sur un trône doré dont le tracé gothique fait écho à celui de la fenêtre du dessin sur parchemin et à la maquette en calcaire du projet de Saint-Pierre auquel son frère était affecté à peu près à la même époque.

Ce qui est sûr, c’est que l’artiste a réalisé de magnifiques médaillons en bronze représentant Érasme, sa sœur Catarina et lui-même.
Vers 1492, il épouse Alyt van Tuylt qui lui donne trois enfants : deux fils, Quinten et Pawel, et une fille, Katelijne. Alyt meurt en 1507 et Quinten se remarie un an plus tard.
Avec sa nouvelle épouse Catherina Heyns, il a dix autres enfants, cinq fils et cinq filles. Peu après la mort de leur père, deux de ses fils, Jan (1509-1575) et Cornelis (1510-1556)71 deviennent à leur tour peintres et membres de la Guilde d’Anvers.

2. Le Duché de Brabant

Louvain était alors la capitale du Duché de Brabant qui s’étendait de Luttre, au sud de Nivelles, à ‘s Hertogenbosch (Pays-bas actuel). Il comprenait les villes d’Alost, Anvers, Malines, Bruxelles et Louvain, où, en 1425, l’une des premières universités d’Europe vit le jour. Cinq ans plus tard, en 1430, avec les duchés de Basse-Lotharingie et de Limbourg, Philippe le Bon de Bourgogne hérite du Brabant qui fait partie des Pays-Bas bourguignons.72
En 1477, alors que Matsys avait environ 11 ans, le duché de Brabant tomba sous la domination des Habsbourg en tant que partie de la dot de Marie de Bourgogne lors de son mariage avec Maximilien d’Autriche.
L’histoire ultérieure du Brabant fait partie de l’histoire des « dix-sept provinces » des Habsbourg, de plus en plus sous le contrôle de familles de banquiers d’Augsbourg, telles que les Fugger73 et les Welser.



Si l’époque d’Érasme et de Matsys est une période faste de la « Renaissance du Nord », elle marque aussi des efforts toujours plus grands des familles de banquiers pour « acheter » la papauté afin de dominer le monde.
Le partage géopolitique du monde entier (et de ses ressources) entre l’Empire espagnol (dirigé par des banquiers vénitiens) et l’Empire portugais (sous la houlette des banquiers génois), fut scellé par le traité de Tordesillas, une combine entérinée en 1494 au Vatican par le pape Alexandre VI Borgia. Ce traité a ouvert les portes à l’asservissement colonial de nombreux peuples et pays, le tout au nom d’un sentiment très discutable de supériorité culturelle et religieuse.
Suite à des banqueroutes d’État à répétition, les Pays-Bas deviennent alors la cible d’un intense pillage économique et financier, imposé aux populations par l’alliance du sabre et de goupillon. En diabolisant à outrance Luther, de plus en plus déterminé à créer une opposition en dehors de l’Église catholique, le pouvoir en place esquive les questions pressantes formulées par Erasme et Thomas More exigeant des réformes urgentes pour éradiquer les abus et la corruption à l’intérieur de l’Église catholique.
Tout laisse à penser que le refus du Pape Clément VII d’accepter les demandes de divorce d’Henri VIII faisait partie d’une stratégie globale visant à plonger l’ensemble du continent européen dans des « guerres de religion », qui n’ont pris fin qu’avec la paix de Westphalie en 1648.
3. Formation : Bouts, Van der Goes et Memling
Les premiers triptyques peints par Matsys lui valent de nombreux éloges et amènent les historiens à le présenter comme « l’un des derniers primitifs flamands », le quolibet utilisé par Michel-Ange74 pour discréditer intrinsèquement tout art non-italien considéré comme « gothique » (barbare) ou « primitif » par rapport à l’art italien imitant le style antique.
Comme Matsys est né à Louvain, on a pensé qu’il a pu être formé par Aelbrecht Bouts (1452-1549), le fils du peintre dominant de Louvain à l’époque, Dieric Bouts l’Ancien (v. 1415-1475).75
En 1476, un an après la mort de son père, Aelbrecht aurait quitté Louvain afin de compléter sa formation auprès d’un maître en dehors de la ville, très probablement Hugo van der Goes (1440-1482),76 dont l’influence sur Aelbrecht Bouts, mais aussi sur Quinten Matsys, semble plausible. Van der Goes, qui devint en 1474 le doyen de la guilde des peintres de Gand et mourut en 1482 au Cloître Rouge près de Bruxelles, était un fervent fidèle des Frères de la Vie commune et de leurs principes. 77
En tant que jeune assistant d’Aelbrecht Bouts, lui-même en cours de formation chez Van der Goes, Matsys aurait pu découvrir ce qui était alors le berceau de l’humanisme chrétien.
L’œuvre la plus célèbre de Van der Goes est le Triptyque Portinari (Uffizi, Florence), un retable commandé pour l’église Sant’Egidio de l’hôpital Santa Maria Nuova de Florence par Tommaso Portinari, directeur de la succursale brugeoise de la banque Médicis.
Les traits rudes de trois bergers (exprimant chacun un des états d’élévation spirituelle stipulés par les Frères de la Vie commune78) dans la composition de van der Goes ont profondément impressionné les peintres travaillant à Florence.
Matsys est également considéré comme un possible élève de Hans Memling (1430-1494), ce dernier étant un disciple de Van der Weyden79 et un peintre de premier plan à Bruges.

Le style de Memling et celui de Matsys sont si proches qu’il est difficile de les distinguer.
Alors que l’historien de l’art flamand Dirk de Vos a qualifié, dans son catalogue de 1994 sur l’oeuvre de Hans Memling, le portrait du musicien et compositeur Jacob Obrecht80 (1496, Kimbell Art Museum, Fort Worth) d’œuvre très tardive de Hans Memling, les experts actuels, parmi lesquels Larry Silver81, ont pu établir en 2018 qu’en réalité, il est beaucoup plus probable que le portrait soit la première œuvre connue de Quinten Matsys.
Obrecht, qui a exercé une influence majeure sur la musique flamande polyphonique et contrapuntique de la Renaissance, avait été nommé maître de chapelle de la cathédrale Notre-Dame d’Anvers en 1492. Vers 1476, Érasme est l’un des enfants de chœur d’Obrecht.
Obrecht se rendit au moins deux fois en Italie, en 1487 à l’invitation du duc Ercole d’Este Ier de Ferrare82 et en 1504. Ercole avait entendu la musique d’Obrecht, dont on sait qu’elle a circulé en Italie entre 1484 et 1487, et avait déclaré qu’il l’appréciait plus que la musique de tous les autres compositeurs contemporains ; il invita donc Obrecht, qui mourut de la peste en Italie.
Dès les années 1460, le professeur d’Érasme à Deventer, le compositeur et organiste Rudolph Agricola,83 s’était rendu en Italie. Après avoir étudié le droit civil à Pavie et suivi les cours de Battista Guarino, il se rendit à Ferrare où il devint un protégé de la cour des Este.


Vers 1499, Léonard réalise un dessin de la fille d’Ercole, Isabella d’Este, qui, selon certains, serait la personne peinte dans la Joconde.
4. Débuts à Anvers et à l’étranger
Matsys est enregistré à Louvain en 1491, mais la même année, il est également admis comme maître peintre à la Guilde de Saint-Luc à Anvers où, à l’âge de vingt-cinq ans, il décide de s’installer. A Anvers, comme nous l’avons déjà dit, il a représenté le maître de chapelle Jacob Obrecht en 1496, sa première œuvre connue, et plusieurs tableaux de dévotion à la Vierge et à l’Enfant.
Ensuite, comme les Liggeren(registres des guildes de peintres) ne rapportent aucune information sur l’activité de Matsys dans les Pays-Bas pendant une période de plusieurs années, il est très tentant d’imaginer que Matsys s’est rendu en Italie84 où il aurait pu rencontrer de grands maîtres (Léonard a vécu à Milan entre 1482 et 1499 et y est retourné en 1506 où il a rencontré son élève Francesco Melzi (1491-1567) qui l’a ensuite accompagné en France) ou à Colmar ou Strasbourg où il aurait pu rencontrer Albrecht Dürer qu’il semble avoir connu longtemps avant que ce dernier ne vienne aux Pays-Bas en 1520.
Pour l’historien d’art belge Dirk de Vos, il s’agit d’une hypothèse très plausible, car
« Les styles précoces et mur de Metsys contrastent si forts que l’on ne saurait les expliquer ce qui les sépare qu’en faisant appel à l’hypothèse d’une fréquentation assidue des œuvres de la Renaissance italienne, et plus précisément celles de Léonard de Vinci et de ses disciples du XVe siècle finissant. Car on note chez Metsys des emprunts immédiats à Léonard, si bien qu’une autre source d’inspiration semble exclusive. S’il n’existe aucune preuve tangible d’un voyage en Italie, la présence à Anvers de Metsys présente néanmoins des solutions de continuité compatibles avec une absence prolongée, par exemple entre 1491 et 1507. Un voyage en Italie n’est par conséquent nullement improbable. »85
Dürer est envoyé par ses parents à Colmar en Alsace pour être formé à l’art de la gravure par Martin Schongauer(1450-1491) de loin le plus grand graveur de son époque. Mais lorsque Dürer arrive à Colmar à l’été 1492, Schongauer a rendu l’âme. De Colmar, l’artiste se rend à Bâle, où il produit des gravures sur bois pour illustrer des livres et découvre les impressionnantes gravures de Jacob Burgkmair (1473-1531) et de Hans Holbein l’Ancien (1460-1524). Il se rend ensuite à Strasbourg où il rencontre et réalise le portrait de l’érudit poète et écrivain humaniste Sébastien Brant, évoqué précédemment.
C. Œuvres choisies
1.La Vierge à l’Enfant, la grâce divine et le libre arbitre


En 1495, Matsys peint une Vierge à l’Enfant (Bruxelles). Même si l’œuvre reste encore très normative, Matsys enrichit déjà la dévotion avec des scènes moins formelles de la vie quotidienne. L’Enfant, explorant de manière ludique de nouveaux principes physiques, tente maladroitement de tourner les pages d’un livre alors qu’une Vierge très sérieuse est assise dans une niche de style gothique, sans doute choisie pour s’intégrer à l’architecture et au style du lieu qui accueillera le tableau.
Dans une autre Vierge à l’Enfant (Rotterdam) Matsys va plus loin dans cette direction. On y voit une jeune maman bienveillante et heureuse avec un enfant enjoué, ce qui souligne le fait que le Christ était le fils de Dieu, mais aussi celui des Hommes. Sur un présentoir proche du spectateur, on remarque la présence d’une miche de pain et un bol de soupe au lait avec une cuillère, sans doute une scène quotidienne pour la plupart des habitants des Pays-Bas essayant de nourrir leurs enfants à l’époque.

Dans sa Vierge à l’Enfant avec la soupe au lait (Bruxelles), peinte en 1520 par l’ami de Matsys, le peintre Gérard David (1460-1523), montre avec une immense tendresse une jeune maman apprenant à son enfant que le dos d’une cuillère n’est pas vraiment l’idéal pour amener la soupe du bol à sa bouche.
De nombreux tableaux sur ce thème, qu’ils soient de Quinten Matsys (Vierge à l’Enfant, Louvre, 1529, Paris) ou de Gérard David (Repos lors de la fuite en Égypte, National Gallery, Washington), montrent un enfant qui tente, avec d’énormes difficultés, de saisir quelques raisins, des cerises ou d’autres fruits.



En 1534, dans sa Diatribe sur le libre arbitre, Érasme utilise également cette métaphore sur l’équilibre fragile à considérer dans la proportion entre les opérations du libre arbitre (qui, seul, séparé d’un but supérieur, peut devenir pure arrogance) et celles de la grâce divine (qui, seule, peut être interprétée comme une forme de prédestination).
Pour rendre accessible au plus grand nombre, un sujet qu’on croirait réservé aux théologiens, Érasme emploie une métaphore très simple, mais d’une tendresse et d’une beauté extrêmes :

« Un père a un enfant encore incapable de marcher ; il tombe ; le père le relève tandis que l’enfant fait des mouvements précipités et lutte pour garder l’équilibre ; il lui montre un fruit devant lui ; l’enfant s’efforce de le saisir, mais à cause de la faiblesse de ses membres, il tomberait rapidement si le père n’étendait pas la main pour soutenir et guider sa marche.
« Ainsi, guidé par son père, l’enfant arrive au fruit que le père lui met volontiers dans les mains pour le récompenser de son effort. L’enfant ne se serait jamais levé si le père ne l’avait pas soulevé ; il n’aurait jamais vu le fruit si le père ne le lui avait pas montré ; il n’aurait pas pu avancer si le père n’avait pas soutenu ses faibles pas ; et il n’aurait pas atteint le fruit si son père ne l’avait pas mis dans ses mains.
« Qu’est-ce que l’enfant revendiquera comme ses propres actes dans ce cas ? On ne peut donc pas dire qu’il n’a rien fait. Mais il n’y a pas lieu de glorifier sa force, puisqu’il doit à son père tout ce qu’il est ».86
Bref, le libre arbitre, certes, Erasme le défendra, car il en faut, mais sans prétendre que l’homme peut y arriver tout seul…
2. Retable de Sainte-Anne
A Anvers, l’activité de Matsys connaît une avancée majeure avec les premières commandes publiques importantes de deux grands retables en triptyque :
- le Triptyque de la Confrérie de Sainte-Anne (1507-1509, Musée de Bruxelles), signé « Quinten Metsys screef dit ». (Quinten Metsys a écrit ceci).;
- le Triptyque de la Déploration du Christ (1507-1508, Musée d’Anvers), peint pour la chapelle de la guilde des charpentiers à la cathédrale d’Anvers, œuvre largement inspirée de la Déposition de croix de Roger Van der Weyden (Prado, Madrid). Jean-Baptiste et Jean l’Évangéliste, qui apparaissent lorsque le triptyque est fermé, sont les saint patrons de la corporation.



Le thème et l’iconographie du Triptyque Saint-Anne ont bien sûr été entièrement dictés au peintre par la confrérie de Sainte-Anne de Louvain qui lui a passé cette commande pour leur chapelle dans l’église Saint-Pierre de la même ville.
Le panneau central dépeint l’histoire de la famille de sainte Anne – la Sainte Parenté – à l’intérieur d’un édifice monumental couronné d’une coupole tronquée et d’arcades qui offrent une large vue sur un paysage montagneux. En cinq scènes, le retable raconte la vie d’Anne, mère de la Vierge, et de son époux Joachim. Les différents membres de la famille de la sainte apparaissent sur le panneau central.
L’événement clé de la vie d’Anne et de son mari Joachim, à savoir qu’ils deviendront les parents de la Vierge Marie alors qu’ils se croyaient incapables d’avoir des enfants, est représenté sur les panneaux gauche et droit du triptyque.



Le baiser chaste

La « conception immaculée » de la Vierge, représentée par l’image d’un « chaste baiser » entre les deux époux devant la Porte d’Or de la muraille de Jérusalem, a été un sujet immensément populaire dans l’histoire de la peinture, de Giotto à Dürer.
Il a donc été rapidement transposé à l’Immaculée conception du Christ lui-même. D’où l’apparition soudaine de tableaux montrant Marie embrassant « chastement » (mais chaleureusement et parfois sur les lèvres) son enfant Jésus.
Le cycle du retable se termine par la mort d’Anne, représentée sur le panneau intérieur droit où elle est entourée de ses enfants et où le Christ donne sa bénédiction.
Malgré l’échelle impressionnante de cette œuvre et son récit conventionnel, Matsys réussit à créer un sentiment de contemplation plus libre et plus intime. Un exemple en est la figure du petit cousin de Jésus dans le coin gauche, qui s’amuse à rassembler de belles enluminures autour de lui et, maintenant pleinement concentré, tente de les lire.
3. Une nouvelle perspective
Dans deux autres occasions,87 j’ai pu documenter qu’aussi bien le peintre flamand Jan Van Eyck88 que le bronzier italien Lorenzo Ghiberti ont pu se familiariser avec « l’optique arabe », en particulier les travaux scientifiques d’Ibn al-Haytham89 (connu sous son nom latin Alhazen).
A la Renaissance, plusieurs « écoles », avec des approches différentes et parfois opposés, ont tenté d’établir la meilleure façon de représenter l’« espace » dans l’art grâce à « la perspective ».
D’abord, dès le début du XVe siècle, une école, profitant des travaux des Franciscains d’Oxford (Roger Bacon, Grosseteste, etc.) sur Alhazen, tente de partir de la physionomie humaine (deux yeux fabriquant une image dans l’esprit du spectateur) et à la place d’un modèle monofocal (cyclopique) invente une perspective avec deux points de fuite centraux (perspective bi-focale).
Cette perspective est bien identifiable dans certaines œuvres de Van Eyck et de Lorenzo Ghiberti ce dernier ayant traduit certains textes d’Alhazen. Ensuite, une autre école, celle associée à Alberti,90 affirme que la « bonne » perspective, purement géométrique et mathématique, fait appel à un « point de fuite central ». Enfin, une troisième école, celle de Jean Fouquet en France et Léonard de Vinci, constatant les limites du modèle albertien, tente une perspective curviligne.
A l’époque moderne, les partisans de Descartes et de Galilée ont absolument voulu démontrer que leur modèle d’un espace vide était né à la Renaissance avec le modèle albertien. Du coup, toute autre démarche ne peut être que tâtonnement et bidouillage de « primitifs » égarés ou ignares.
Une découverte inestimable
Comme nous l’avons l’évoqué précédemment, le Centre interdisciplinaire d’art et de science de Gand (GICAS) en Belgique travaille depuis 2007 à un nouveau « catalogue raisonné » de l’œuvre de Quinten Matsys. Dans ce cadre, en 2010, Jochen Ketels et Maximiliaan Martens91 ont examiné le Retable Sainte Anne de Matsys et l’impressionnant portique italianisant du panneau central.
Rappelons que la partie peinte (en deux dimensions) sur le volet central a été conçue par l’artiste pour se prolonger et s’intégrer harmonieusement dans une vaste construction en bois (en trois dimensions) servant d’encadrement, structure malheureusement perdue mais dont on connaît l’existence grâce à des dessins.
« Lorsque nous avons dirigé nos lampes photographiques vers le panneau central, écrivent les deux chercheurs, la lumière rasante a révélé quelque chose qui n’avait pas du tout été mentionné dans la littérature : des lignes de construction incisées dans les voûtes à caissons de l’architecture ».
L’infrarouge a également mis en lumière l’existence d’un
« ensemble complexe de lignes de construction dessinées, à main levée ou assistées, créées à l’aide de plusieurs outils et techniques. Non seulement un système de construction aussi complexe n’a pas été observé dans les peintures nordiques de cette période, mais Matsys a dû utiliser une procédure mathématique pour construire la loggia complexe ».
Encore plus intéressant,
« pour dessiner les contours de la coupole tronquée et sa décoration, Matsys n’a pratiquement pas utilisé de lignes, mais a préféré les points (…) au bas du chapiteau, Matsys a ajouté quelques lettres séparées, probablement un ‘z’, un ‘e’ ou un ‘c’ (…) En raison de leur position proche de l’élément et du fait que Piero della Francesca, par exemple, avait déjà utilisé un système similaire avec des chiffres et des lettres dans ses dessins du De Prospectiva Pingendi (Sur la perspective des tableaux, vers 1480), on a des raisons de supposer un lien avec le tracé ou la composition de la colonne. »92

A cet égard, il est intéressant de noter que l’une des rares personnes, en contact avec Matsys à un moment ou à un autre, à avoir lu et étudié le traité de Piero della Francesca93 sur la perspective n’est autre qu’Albrecht Dürer, dont les Quatre livres sur la proportion humaine (1528) s’appuie sur l’approche révolutionnaire de Piero.
Ce que Dürer appelle la méthode du « transfert » de Piero deviendra par la suite la base de la géométrie projective, notamment à l’Ecole polytechnique sous Monge, la science clé qui a rendu possible la révolution industrielle.
Les chercheurs ont également vérifié l’utilisation par Matsys de la perspective du point de fuite central en employant la méthode du « birapport » (cross-ratio en anglais).
Étonnés, car supposément impossible selon ce qu’ils ont appris dans les meilleures écoles, ils constatent que :
« Matsys montre sa compétence en matière de perspective, à la hauteur des normes de la Renaissance italienne », une perspective « très correct, en effet ».94
Jusqu’à présent, on tenait pour acquis que la science de la perspective n’avait atteint les Pays-Bas qu’après le voyage de Jan Gossaert à Rome en 1508, alors que Matsys, qui fait preuve d’une connaissance magistrale et étendue de la science de la perspective, a commencé à composer cette œuvre dès 1507.
4. La collaboration de Matsys avec Patinir et Dürer


Une dernière remarque concernant ce tableau, le paysage montagneux derrière les personnages, qui s’apparente déjà aux paysages typiques et inquiétants produits par l’ami de Matsys, Joachim Patinir (1480-1524), un autre géant mal connu de l’histoire de la peinture.
Pourtant l’autorité de Patinir n’était pas des moindres. Felipe de Guevara, ami et conseiller artistique de Charles Quint et de Philippe II, mentionne Patinir dans ses Commentaires sur la peinture(1540) comme l’un des trois plus grands peintres de la région, aux côtés de Rogier van der Weyden et de Jan van Eyck.
Patinir dirigeait un grand atelier avec des assistants à Anvers. Parmi ceux qui subissent la triple influence de Bosch, Matsys et Patinir, on note :
- Cornelis Matsys (1508-1556), fils de Quinten, qui se mariera avec la fille de Patinir ;
- Herri met de Bles (1490-1566), actif à Anvers, possible neveu de Patinir ;
- Lucas Gassel (1485-1568), actif à Bruxelles et à Anvers;
- Jan Provoost (1465-1529), actif à Bruges et Anvers ;
- Jan Mostaert (1475-1552), peintre actif à Haarlem ;
- Frans Mostaert (1528-1560), peintre actif à Anvers ;
- Jan Wellens de Cock (1460-1521), peintre actif à Anvers ;
- Matthijs Wellens de Cock (1509-1548), peintre-graveur actif à Anvers ;
- Jérôme Wellens de Cock (1510-1570), peintre-graveur, qui fonda, avec sa femme, l’entreprise Aux Quatre Vents, probablement le plus grand atelier de gravure au nord des Alpes de l’époque, qui employait Pieter Brueghel l’Aîné.

Il est généralement admis que Matsys a peint les figures de certains paysages de Patinir. D’après l’inventaire de 1574 de l’Escorial, ce fut le cas pour Les tentations de saint Antoine (1520, Prado, Madrid). On est tenté de penser que cette collaboration entre amis a fonctionné dans les deux sens, à savoir que Patinir a réalisé des paysages pour des œuvres de Matsys et à sa demande, une réalité qui met quelque peu à mal le mythe persistant d’une Renaissance présentée comme le berceau de l’individualisme moderne.
Le fait que Matsys et Patinir étaient très proches est confirmé par le fait qu’après la mort prématurée de Patinir, Matsys devient le tuteur de ses deux filles. Il est également intéressant de noter que Gérard David, qui est devenu le principal peintre de Bruges après Memling, est devenu membre de la guilde St. Lucas d’Anvers en 1515 conjointement avec Patinir, ce qui lui a permis d’accéder légalement au marché de l’art anversois, en pleine expansion.
Les historiens de l’art moderne ont tendance à présenter Patinir comme l’« inventeur » de la peinture de paysage, affirmant que pour lui, les sujets religieux n’étaient que des prétextes pour présenter ce qui l’intéressait vraiment, les paysages, tout comme Rubens a peint Adam et Eve uniquement parce qu’il aimait peindre (et vendre) des nus.
C’est plausible pour Rubens, mais assez faux pour Patinir, dont les « beaux » paysages, comme l’a démontré l’historien de l’art Reindert L. Falkenberg,95 n’auraient été qu’une sorte de tromperie sophistiquée du diable. La beauté du monde, création satanique chez Patinir, n’existe que pour tenter les humains et les faire succomber au péché.
Rencontre avec Albrecht Dürer

Une source unique d’information, c’est le journal96 de Dürer sur sa visite aux Pays-bas.
Pourquoi Dürer est-il venu dans les Pays-Bas ? L’une des explications est qu’après la mort de son principal mécène et donneur d’ordre, l’empereur Maximilien Ier, l’artiste serait venu pour faire confirmer sa pension par Charles Quint.
Dürer arrive à Anvers le 3 août 1520 et visite Bruxelles et Malines où il est reçu par Marguerite d’Autriche (1480-1530), tante de Charles Quint. Chargée d’administrer les Pays-Bas bourguignons tant que Charles est trop jeune, elle prête parfois à Érasme une oreille attentive tout en gardant ses distances.


A Malines, Dürer a certainement visité la belle demeure de Jérôme de Busleyden (1470-1517), le mécène qui permettra à Erasme de démarrer en 1517 le « Collège trilingue ».97
Busleyden était l’ami de l’évêque de Londres, Cuthbert Tunstall (1475-1559), qui le présente à Thomas More (1478-1535).
Lors de son séjour chez Margaret, Dürer a pu admirer un incroyable tableau de sa collection, Le couple Arnolfini (1434) de Jan van Eyck. Marguerite venait d’accorder une pension au peintre vénitien, Jacopo de’ Barbari (1440-1515),98 diplomate et exilé politique à Malines, qui réalisa un portrait de Luca Pacioli (1445-1514), le franciscain qui fit découvrir Euclide à Léonard et écrivit De Divina Proportione (1509) que Léonard illustra.
De’ Barbari est mentionné par plusieurs de ses contemporains, notamment Dürer, Marcantonio Michiel (1584-1552) et Gérard Geldenhauer (1482-1542). En 1504, de’ Barbari a rencontré Dürer à Nuremberg et ils ont discuté du canon des proportions humaines, un sujet central des recherches99 de ce dernier. Un manuscrit non publiée du traité de Dürer révèle que l’Italien n’était pas disposé à partager ses découvertes :
« Je ne trouve personne qui ait écrit quoi que ce soit sur la façon d’élaborer le canon de proportions humaines, à l’exception d’un homme nommé Jacob, né à Venise et peintre charmant. Il me montra [sa gravure d’] un homme et une femme qu’il avait faits sur mesure, de sorte que je préférais maintenant voir ce qu’il voulait dire plutôt que de contempler un nouveau royaume… Jacobus n’a pas voulu me montrer clairement ses principes, ça, je l’ai bien vus »100
En mars 1510, selon les archives, de’ Barbari est au service de l’archiduchesse Marguerite à Bruxelles et à Malines. En janvier 1511, il tombe malade et rédige un testament. En mars, l’archiduchesse lui accorde une pension à vie en raison de son âge et de sa faiblesse. Il meurt en 1516, laissant à l’archiduchesse une série de 23 planches à graver. Mais lorsque Dürer lui demande de lui fournir certains des écrits de de’ Barbari sur les proportions humaines, elle décline poliment sa demande. Le journal de Dürer révèle qu’il était souvent reçu par ses collègues locaux.101
A Anvers, « je suis allé voir Quinten Matsys dans sa maison », écrit-il dans son journal. Dans la même ville, il esquisse un portrait de Lucas van Leyden (1489-1533)102, et réalise le célèbre portrait du vieillard barbu de 93 ans qui servira de modèle à son Saint Jérôme.



Il rencontre au moins trois fois Érasme dont il fait un portrait respirant une complicité mutuelle. Érasme lui passe commande car il a besoin d’un grand nombre de portraits pour les envoyer à ses correspondants dans toute l’Europe. Comme il l’indique dans son journal, Dürer esquisse plusieurs fois Érasme au fusain lors de ces rencontres. Il en tirera un portrait gravé un peu maladroit, réalisé six ans plus tard.

A l’occasion de son deuxième mariage, le 5 mai 1521, Patinir invite Dürer. On ne sait pas quand et comment cette amitié a commencé, ou si elle était simplement de circonstance. Le maître de Nuremberg esquisse le portrait de Patinir et l’appelle « der gute Landschaftsmaler » (le bon peintre de paysages), créant ce mot nouveau pour ce qui devient un nouveau genre.
Lors du mariage, il rencontre Jan Provoost (1465-1529), Jan Gossaert (de Mabuse) (1462-1533) et Bernard van Orley (1491-1542), des peintres en vogue à la cour de Malines.
Mais la Mort et l’Avare (1515, Bruges) de Provoost est clairement d’inspiration erasmienne.

Le poète, professeur de latin et philologue Cornelis de Schryver(Grapheus) (1482-1558), collaborateur de l’imprimeur d’Érasme à Louvain et Anvers, Dirk Martens, est une figure qui a pu mettre Dürer en lien avec les peintres d’Anvers, ville dont il est le secrétaire en 1520.
Les imprimeurs et les éditeurs ont joué un rôle clé à la Renaissance, car ils serviront d’intermédiaires entre, d’une part, les intellectuels, les érudits et les savants, et d’autre part, les illustrateurs, les graveurs, les peintres et les artisans. Comme Dürer lui-même, Grapheus était attiré par les idées de la Réforme, dont Luther et Érasme étaient les chefs de file. On sait que Grapheus a acheté à Dürer un exemplaire du De Captivitate (De la captivité babylonienne de l’Église) de Luther, un ouvrage incontournable pour quiconque s’intéressait à l’avenir de la chrétienté.
Comme Érasme et bien d’autres humanistes, Dürer a été l’hôte de Quinten Matsys dans sa fabuleuse maison de la Schuttershofstraat, ornée de décorations italiennes (festons de feuilles, de fleurs ou de fruits) et de grotesques (réseaux décoratifs et symétriques de lignes et de figures).

Une représentation idéalisée de la rencontre Dürer-Matsys (sous le regard de Thomas More et d’Érasme) figure dans un tableau de Nicaise de Keyser (1813-1887) conservé au Musée royal des arts d’Anvers. Une autre scène, un dessin de Godfried Guffens (1823-1901) datant de 1889, montre l’échevin anversois Gérard van de Werve recevant Albrecht Dürer qui lui est présenté par Quinten Matsys.
Lorsque Charles Quint revint d’Espagne et visita Anvers, Grapheus écrivit un panégyrique pour saluer son retour. Mais en 1522, il est arrêté pour hérésie, emmené à Bruxelles pour y être interrogé et emprisonné. Il perd alors son poste de secrétaire. En 1523, il est libéré et retourne à Anvers, où il devient professeur de latin. En 1540, il redevient secrétaire de la ville d’Anvers. La propre sœur de Quentin Matsys, Catherine, et son mari ont été condamnés à mort à Louvain en 1543 pour ce qui était devenu le délit capital de lecture de la Bible depuis 1521 : il a été décapité, elle aurait été enterrée vivante sur la place devant l’église.
A cause de leurs convictions religieuses, les enfants de Matsys quittent Anvers et partent en exil en 1544. Cornelis finira ses jours à l’étranger.
5. Le lien avec Erasme


En 1499, Thomas More et Érasme se rencontrent à Londres. Leur rencontre initiale s’est transformée en une amitié à vie, puisqu’ils ont continué à correspondre régulièrement. A cette époque, ils ont collaboré à la traduction en latin et à l’impression de certaines œuvres du satiriste assyrien Lucien de Samosate (vers 125-180 après J.-C.), surnommé à tort « le Cynique ».
Érasme a traduit le texte satirique de Lucien, Sur ceux qui sont aux gages des grands,103 et l’a fait envoyer à son ami Jean Desmarais, professeur de latin à l’Université de Louvain et chanoine à l’église Saint-Pierre de cette ville.
Lucien, dans son texte, attaque l’état d’esprit des érudits qui vendent leur âme, leur esprit et leur corps au pouvoir dominant. Il en cite, fier de lui, disant :
« Quel bonheur de compter au nombre de ses amis les premiers citoyens de Rome, de faire des dîners splendides, sans qu’il en coûte rien, de loger dans une belle maison, de voyager à son aise, mollement couché sur un char attelé de chevaux blancs de recevoir, en outre, une magnifique récompense de cette amitié et du bien-être dont il vous est donné de jouir ! Quel bon métier, où tout vient de la sorte sans semence ni culture ».104
Dans un véritable manifeste contre la servitude volontaire, anticipant celui de La Boétie, Lucien, qui pardonne d’abord ceux qui se soumettent par pure nécessité alimentaire, s’en prend à leur fantasme pervers comme cause de leur capitulation :
« Il ne reste plus qu’un motif que je crois vrai, mais qu’ils n’avouent pas : c’est que l’espoir de jouir de mille plaisirs les précipite vers ces maisons, frappés de l’éclat de l’or et de l’argent dont elles brillent, tout heureux des festins et du luxe qu’ils se promettent ; quand ils boiront l’or à pleine coupe et sans obstacle. Voilà ce qui les entraîne ; voilà pourquoi ils échangent leur liberté contre l’esclavage. Ce n’est pas, comme ils le disent, le besoin du nécessaire, c’est le désir du superflu et de toutes ces magnificences. Mais, semblables à des amants infortunés, à des soupirants malheureux, ils sont traités par les riches avec la fierté rusée d’un objet aimé, qui entretient la passion de ses poursuivants, mais qui se laisse à peine dérober la faveur amoureuse d’un baiser, parce qu’il sait que la jouissance anéantit l’amour : il se refuse donc à cette jouissance, il s’en garde avec le plus grand soin. Cependant, pour laisser à l’amant quelque ombre d’espoir, dans la crainte que l’excès des rigueurs ne le désespère et qu’il ne cesse d’aimer, on lui accorde un sourire, on lui promet de faire un jour ce qu’il voudra, de se montrer aimable, de le traiter avec toutes sortes d’égards ; puis insensiblement l’âge arrive, et bientôt l’amour de l’un et les faveurs de l’autre ne sont plus de saison. Ainsi pour eux, la vie tout entière se passe à espérer. »105
C’est en 1515 à Anvers, lorsque Thomas More est envoyé en mission diplomatique par le roi Henri VIII pour régler d’importants litiges commerciaux internationaux à Bruges, qu’Erasme lui présente son ami Pieter Gillis (1486-1533) (latinisé en Petrus Ægidius), compagnon humaniste et secrétaire de la ville d’Anvers. Gillis, qui avait débuté à dix-sept ans comme correcteur d’épreuves dans l’imprimerie de Dirk Martens à Louvain et Anvers, connaît Érasme depuis 1504. L’humaniste lui conseille de poursuivre ses études et ils restent en contact. L’imprimeur Martens a édité à Louvain plusieurs livres d’humanistes, notamment ceux de Denis le Chartreux (1401-1471) et De inventione dialectica (1515) de Rudolphus Agricola, le manuel d’enseignement supérieur le plus largement acheté et utilisé dans les écoles et les universités de toute l’Europe.
Tout comme More et Érasme, Gilles était un admirateur et disciple d’Agricola, une figure emblématique de l’école des Frères de la Vie commune de Deventer. Grand pédagogue, musicien, facteur d’orgues d’églises, poète en latin et en langue vernaculaire, diplomate, boxeur et, vers la fin de sa vie, érudit en hébreu, Agicola, l’enseignant préféré d’Erasme, était la source d’inspiration de toute une génération. La maison de Gillis à Anvers était également un lieu de rencontre important pour les humanistes, les diplomates et les artistes de renommée internationale.
Quinten Matsys y est également un invité de marque. Enfin, c’est Gillis qui recommande à la cour d’Angleterre le peintre Hans Holbein le Jeune, le jeune prodige qui avait illustré l’Éloge de la folie d’Érasme. Du coup il sera reçu outre-manche par Thomas More avec grand enthousiasme. Son frère Ambrosius Holbein (1494-1519) illustrera plus tard l’Utopie de More.
6. L’Utopie de Thomas More

Gillis partage avec More et Érasme une grande sensibilité à la justice, ainsi qu’une sensibilité typiquement humaniste vouée à la recherche de sources de sagesse plus fiables. Il est avant tout connu comme un personnage apparaissant dans les premières pages de l’Utopie, lorsque Thomas More le présente comme un modèle de civilité et un humaniste à la fois plaisant et sérieux :
« J’ai souvent reçu pendant ce séjour [à Bruges], entre autres visiteurs et bienvenus entre tous, Pieter Gillis. Né à Anvers, il jouit d’un grand crédit et d’une position éminente parmi ses concitoyens, digne des plus grands, car le savoir et le caractère de ce jeune homme sont également remarquables. Il est en effet plein de bonté et d’érudition, accueillant tout le monde avec libéralité, mais, quand il s’agit de ses amis, avec un tel élan, une telle affection, une telle fidélité et un tel dévouement sincère, qu’on trouverait peu d’hommes qui lui soient comparables dans les choses de l’amitié. Peu d’hommes ont aussi sa modestie, son manque d’affectation, son bon sens naturel, tant de charme dans la conversation, tant d’esprit avec si peu de malice ».

L’oeuvre la plus célèbre de Thomas More est bien sûr l’Utopie, composée en deux volumes.
Il s’agit de la description d’une île fictive qui n’était pas gouvernée par une oligarchie comme la plupart des États et empires occidentaux, mais qui était gouvernée sur la base des idées du bien et du juste que Platon a formulées dans son dialogue, La République.
Alors que l’Éloge de la folie d’Érasme appelait à une réforme de l’Église, l’Utopie de More (écrit en partie par Erasme), une autre satire de la corruption, de l’avidité, de la cupidité et des échecs qu’ils voyaient autour d’eux, appelait à une réforme de l’État et de l’économie.
L’idée du livre est venue à Thomas More alors qu’il séjournait dans la résidence anversoise de Gillis, Den Spieghel, en 1515.



Le premier volume, commence par une correspondance entre More et d’autres personnes, dont Pieter Gillis. De retour en Angleterre en 1516, l’humaniste anglais rédige l’essentiel de l’ouvrage.
Entre décembre 1516 et novembre 1518, quatre éditions de l’Utopie furent composées par Erasme et Thomas More et paraîssent en décembre 1516 chez l’éditeur Dirk Martens à Louvain. Avec le texte, une carte gravée sur bois de l’île d’Utopie, des vers de Gillis et l’« alphabet utopique » que ce dernier invente pour l’occasion, des vers de Geldenhouwer, historien et réformateur lui aussi éduqué par les Frères de la Vie commune de Deventer, des vers de Grapheus ainsi que l’épître de Thomas More dédicaçant l’ouvrage à Gillis. Plusieurs années après la mort de More et d’Érasme, en 1541, Grapheus, avec Pieter Gillis, publia son Enchiridio Principis Ac Magistratus Christiani.
7. Pieter Gillis et le « Diptyque de l’amitié »

Outre les triptyques et les peintures religieuses, Matsys excellait dans les portraits. L’une des plus belles oeuvres de Matsys est le double portrait d’Érasme et de son ami Gillis, peint en 1517.106
Ce diptyque de l’amitié devait servir de visite « virtuelle » à leur ami anglais Thomas More à Londres et ils ont demandé à Quinten Matsys de réaliser les deux tableaux, car il était le meilleur peintre de la place. Le portrait d’Érasme fut le premier à être achevé. Celui de Gillis était constamment retardé parce qu’il tombait malade entre les séances de pose. Les deux hommes, dans leur correspondance, avaient parlé de ce double portrait à Thomas More, ce qui n’était peut-être pas une bonne idée, car More les interrogeait constamment sur l’état d’avancement des oeuvres et devenait très impatient de recevoir ce cadeau. Les deux oeuvres furent finalement achevées et envoyées à More alors qu’il se trouvait à Calais. Bien qu’ils soient représentés sur des panneaux distincts, les deux hommes érudits et cultivés sont présentés dans un espace d’étude continu. Si l’on regarde les deux tableaux côte à côte, on constate que Matsys a astucieusement maintenu la bibliothèque derrière les deux personnages, ce qui donne l’impression que les deux hommes représentés dans les deux panneaux distincts occupent la même pièce et se font face.
Érasme est occupé à écrire et Pieter Gillis montre les Antibarbari, un livre qu’Erasme préparait pour publication, tandis qu’il tient une lettre de More dans sa main gauche. La présentation d’Erasme dans son étude fait écho aux représentations de Saint Jérôme qui, avec sa traduction de la Bible, est un exemple pour tous les humanistes et dont Erasme venait de publier l’oeuvre. Il est intéressant de regarder les livres sur les étagères à l’arrière-plan.
- Sur l’étagère supérieure du tableau d’Érasme se trouve un livre portant l’inscription Novum Testamentum Graece, la première édition du Nouveau Testament en grec publiée par Érasme en 1516.
- L’étagère inférieure contient un tas de trois livres.
–Le livre du bas porte l’inscription Jérôme, qui fait référence aux éditions de l’humaniste des oeuvres de ce Père de l’Eglise ;
–le livre du milieu porte l’inscription Lucien, en référence à la collaboration entre Érasme et Thomas More dans la traduction des Dialogues de Lucien.
–L’inscription sur le livre au sommet des trois est le mot Hor, qui se lisait à l’origine Mor. La première lettre a probablement été modifiée lors d’une restauration ancienne, car outre le fait que Morsoit les premières lettres du nom de famille de Thomas More, elles font certainement référence aux essais satiriques écrits par Érasme alors qu’il séjournait chez Thomas More à Londres en 1509 et intitulés Encomium Moriae (Éloge de la folie).
Nous voyons Érasme en train d’écrire un livre. Cette représentation a fait l’objet d’une attention particulière, car les mots que l’on voit sur le papier sont une paraphrase de l’Épître aux Romains de saint Paul, l’écriture étant une reproduction soignée de celle d’Érasme, et la plume de roseau qu’il tient est connue pour être le moyen d’écriture favori d’Érasme.
En y regardant de plus près, dans l’ombre, on distingue une bourse dans les plis de la cape d’Érasme. Il se peut qu’Érasme ait voulu que l’artiste l’inclue pour illustrer sa générosité. Erasmus et Gillis ont tenu à informer Thomas More qu’ils avaient partagé le coût du tableau parce qu’ils voulaient qu’il s’agisse d’un cadeau de tous les deux.
Thomas More a fait part de sa grande satisfaction à propos de ces portraits dans de nombreuses lettres, les peintures étant exécutées « avec une si grande virtuosité que tous les peintres de l’Antiquité pâlissent en comparaison », tout en avouant une fois un peu après qu’il aurait préféré son image taillée dans la pierre (dans une incarnation qu’il estimait moins périssable).
8. Le lien avec Léonard de Vinci (I)



Plusieurs tableaux indiquent de façon incontestable que Matsys et son entourage avaient des connaissances approfondies et s’inspiraient en partie des peintures et dessins de Léonard de Vinci, sans nécessairement saisir pleinement l’intention scientifique et philosophique de l’auteur. C’est clairement le cas de la Vierge à l’Enfant du musée de Poznan (1513, Pologne), qui présente littéralement, devant un paysage de montagne de style Patinir, la pose gracieuse et aimante de Marie tenant le Christ dans ses bras, ce dernier embrassant l’agneau, presqu’une une copie de Sainte Anne et la Vierge de Léonard de Vinci, une oeuvre qu’il commence en 1503 et qu’il apporte à Amboise en France en 1517. Comme nous l’avons déjà dit, on ne sait pas comment cette image a pu atteindre le maître, qu’il s’agisse d’estampes, de dessins ou de contacts plus personnels.

Un deuxième exemple se trouve dans le Triptyque de la Déploration du Christ (1508-1511).
La scène centrale du triptyque ouvert, qui rappelle La descente de croix de Rogier van der Weyden (1435, Museo del Prado, Madrid), est soutenue par le paysage. Le drame religieux est étudié en détail et mis en scène de manière harmonieuse. En même temps, Matsys respecte la grande importance des croyants pour la narration et la description. Si la scène est propice à la réflexion et à la prière, Matsys déploie également la science du contraste. Si certains personnages plus rustres, notamment les têtes orientales, ont pu être inspirés par des visages de marins et de marchands qu’il a pu croiser dans le port, les traits de ceux qui sont frappés par la douleur et le chagrin sont plein de grâce.

Dans le panneau du milieu, nous ne voyons pas la souffrance, mais la lamentation après la souffrance. Il dépeint le moment où Joseph d’Arimathie107 vient demander à la Vierge la permission d’enterrer le corps du Christ. Derrière l’action centrale se trouve la colline du Golgotha, avec ses quelques arbres, la croix et les voleurs crucifiés.
Le panneau de gauche montre Salomé présentant la tête de Jean-Baptiste à Hérode le Grand,108 roi de Judée, Etat client de Rome.
Le panneau de droite est une scène d’une extraordinaire cruauté, représentant saint Jean, dont le corps est plongé dans un chaudron d’huile bouillante. Le saint, nu jusqu’à la taille, semble presque angélique, comme s’il ne souffrait pas. Autour de lui, une foule de visages sadiques, de vilains rustres aux vêtements criards. La seule exception à cette règle est la figure d’un jeune Flamand, peut-être une représentation du peintre lui-même, qui observe la scène du haut d’un arbre.
Quant aux visages des personnages qui entourent Saint Jean Baptise, tout comme ceux qui chauffent le chaudron, ils proviennent directement du dessin de Léonard de Vinci intitulé Les cinq têtes grotesques (vers 1494, Chateau de Windsor, Angleterre). L’ironie et l’humour flamands ont fait bon accueil à ceux de Léonard !

Chez Léonard, les visages semblent même éclater dans un rire hilarant, en se regardant les uns les autres et en regardant la figure couronnée au centre. Les feuilles de cette couronne ne sont pas celles des lauriers qui célèbrent les poètes et les héros, mais celles… d’un chêne.
A cette époque, le pape anti-humaniste et belliciste qui triomphait à Rome était Jules II,109 que Rabelais a mis en enfer en train de vendre des petits pâtés. Jules était membre d’une puissante famille de la noblesse italienne, la maison Della Rovere, littéralement « du chêne »…
C. La science erasmienne du grotesque
1. Dans la peinture religieuse
L’utilisation de têtes grotesques, exprimant les basses passions qui submergent et dominent les personnes malveillantes, était une pratique courante dans les peintures religieuses pour donner vie et contraste dans les oeuvres. En 1505, Dürer se rend à Venise et dans la ville universitaire de Bologne pour s’initier à la perspective. Il se rend ensuite plus au sud, à Florence, où il découvre les oeuvres de Léonard de Vinci et du jeune Raphaël, puis à Rome.

Le Christ parmi les docteurs (1506, Collection Thyssen Bornemisza, Madrid), a été peint à Rome en cinq jours et reflète l’influence éventuelle des grotesques de Léonard.
Dürer était de retour à Venise au début de l’année 1507 avant de retourner à Nuremberg la même année. Le Christ portant la croixde Jérôme Bosch (après 1510, Gand) est un autre exemple célèbre. La tête du Christ est entourée d’un groupe dynamique de « tronies » ou visages grotesques.


Bosch s’est-il inspiré de Léonard et de Matsys, ou est-ce l’inverse ? Si la composition peut sembler chaotique à première vue, sa structure est en réalité très rigide et formelle. La tête du Christ est placée précisément à l’intersection de deux diagonales. La poutre de la croix forme une diagonale, avec la figure de Simon de Cyrène aidant à porter la croix en haut à gauche, et avec le « mauvais » meurtrier en bas à droite.
L’autre diagonale relie l’empreinte du visage du Christ sur le suaire de Véronique, en bas à gauche, au voleur pénitent, en haut à droite.

Il est attaqué par un charlatan diabolique ou un pharisien et un moine diabolique, allusion évidente de Bosch au fanatisme religieux de son époque.
Les têtes grotesques rappellent les masques souvent utilisés dans les jeux de la passion ainsi que les caricatures de Léonard de Vinci.
En revanche, le visage du Christ, modelé avec douceur, est serein. Il est le Christ souffrant, abandonné de tous et qui triomphera de tous les maux du monde. Cette représentation s’inscrit parfaitement dans les idées de la Devotio Moderna.110
Quinten Matsys, dans son Ecce Homo’s (1526, Venise, Italie), se base clairement sur la tradition de Bosch.
2. Les avares, les banquiers, les receveurs d’impôts et les agents de change, la lutte contre l’usure

La dénonciation satirique par Matsys de l’usure et de la cupidité est directement liée à la critique religieuse, philosophique, sociale et politique d’Érasme et de More.
Marlier, dans une description magistrale, met en lumière comment les usuriers et les spéculateurs sont devenus à Anvers les acteurs dominants de la vie économique de l’époque, une situation qui n’est pas sans rappeler la situation mondiale actuelle :
« C’est qu’au XVIe siècle la substitution progressive de la nouvelle économie capitaliste à l’ancien régime corporatif est allée de pair avec une succession de crises, dont pâtissent surtout les petites gens. Si la spéculation boursière, les manipulations monétaires et le commerce de l’argent favorisent l’édification de fortunes considérables, ils entraînent par contre l’appauvrissement et souvent la ruine des artisans et des paysans. Des marchands enrichis, des financiers mettent la main sur l’industrie et réduisent l’ouvrier au rang de prolétaire. Les travailleurs doivent passer désormais par toutes les conditions de ceux qui les emploient. Les salaires ne sont plus respectés et bien souvent le chômage sévit et plonge les familles dans la misère.
Le bouleversement économique s’accompagne de troubles financiers provoqués par l’afflux des métaux précieux de l’Amérique en l’Espagne. De gigantesques opérations de banque s’effectuent à Anvers, qui devient, sous le règne de Charles Quint, le grand marché monétaire de l’Europe. A partir de la troisième décade du siècle, le pouvoir d’achat des devises commence à fléchir et il en résulte une hausse continue des prix. Les salaires, par contre, restent stationnaires. Les hommes de finance accaparent les marchandises, détiennent les monopoles et s’emparent même des terres, dont ils pressurent sans pitié les tenanciers. Voilà les nouveaux riches, contre lesquels les pauvres et les faibles murmurent, mais que l’empereur protège, parce qu’ils sont les seuls capables de lui avancer les fonds nécessités par sa politique européenne.
Charles Quint doit se soumettre aux exigences draconiennes de ses banquiers et le service des intérêts exorbitants le pousse à multiplier les impôts. Il escompte le produit des taxes futures et met à l’encan certains offices de trésorerie. On devine les abus qui en résultent. Les taxes ne sont pas levées directement par le gouvernement, mais affermées à des accisiens, qui se rendent odieux par leurs exactions. Ils sont sans pitié pour les petites gens, auxquels ils enlèvent le peu qu’ils possèdent ».
« Dans une telle conjoncture, conclut Marlier, où les crises se multiplient, où la ruine succède du jour au lendemain à une prospérité fallacieuse, où le commerce est envahi par une foule de pratiques malhonnêtes, l’usure devait nécessairement prospérer. Du haut en bas de l’échelle sociale, quantité de personnes sont contraintes d’emprunter, moyennant un intérêt abusif. A tous les étages de la société, l’usurier se livre à son activité rémunératrice. Il trouve ses victimes aussi bien dans les milieux de l’aristocratie que parmi les paysans et les ouvriers. Dans les villes, il y a maintenant une classe d’hommes et de femmes qui ne vivent que de l’usure ». 111


A cela ajoutez le fait que les Fugger et les Welser112 s’cinvestissent massivement dans le commerce d’esclaves en provenance d’Afrique.
Les Fugger utilisent leurs mines d’Europe de l’Est et d’Allemagne pour produire des manillas (bracelets), des objets d’échange en métal qui sont entrés dans l’histoire comme « monnaie de traite » en raison de leur utilisation sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest.
Les Welser, qui se concentrent sur les épices et le commerce de textile, ont tenté de leur coté d’établir une colonie dans ce qui est aujourd’hui le Venezuela(Nom espagnol dérivé de l’italien Venezziola, « petite Venise », devenue Welserland) et ont expédié plus de 1 000 Africains réduits en esclavage vers l’Amérique.
Pendant ce temps, dans les maisons des citoyens prospères d’Augsbourg, des esclaves indiens étaient forcés de travailler pour leurs « maîtres ».

D’après le site officiel de la famille Fugger, l’histoire selon laquelle Anton Fugger aurait jeté les reconnaissances de dettes de ce dernier dans le feu en 1530, sous les yeux de Charles Quint, afin de renoncer généreusement au remboursement de crédits, est une pure fiction.
Mais il a accordé au nouvel empereur une petite réduction de dette (haircut). En échange, Charles Quint renonce à son projet de « loi impériale sur les monopoles », qui aurait considérablement réduit le champ d’action des banques et des maisons de commerce du Saint Empire romain germanique.
Selon Richard Ehrenberg, chercheur sur les Fugger, l’histoire concernant Anton n’est apparue qu’à la fin du XVIIe siècle, sans doute pour attester de sa loyauté envers l’empereur.
Thomas More et Érasme ont dénoncé cette montée brutale des abus financiers prédateurs et criminels dans l’Utopie.
Sans refuser l’essor du capitalisme entrepreneurial moderne, Érasme condamne sans façons les abus d’un capitalisme financier totalement débridé :
« Le Christ, déclare-t-il, n’a pas interdit l’activité ingénieuse, mais le souci tyrannique du gain. »113
Les fonctionnaires, plaide-t-il dans son Éducation d’un prince chrétien (1516), écrit pour éclairer le jeune Charles Quint qui ne l’a jamais lu, doivent être recrutés sur la base de leur compétence et de leur mérite, et non en raison de leur nom glorieux ou de leur statut social. Pour Érasme, (s’exprimant de façon satirique par la bouche de la Folie) :
« La plus folle et la plus méprisable de toutes les classes humaines, c’est celle des marchands. Occupés sans cesse du vil amour du gain, ils emploient pour le satisfaire, les moyens les plus infâmes : le mensonge, le parjure, le vol, la fraude, l’imposture remplissant leur vie entière. Cependant ils se croient de grands personnages, parce que leurs doigts sont chargés d’anneaux d’or et il se trouve assez de moinillons flatteurs qui ne rougissent pas de leur donner en public les titres les plus honorables pour attraper quelque parcelle d’un bien si mal acquis ». 114

On peut, comme l’affirme Silver, sur la base de ce qui est écrit dans les registres représentés dans cette oeuvre et du fait que la collecte des impôts était confiée à des particuliers, réattribuer au tableau de Matsys, désigné jusqu’à récemment comme Les usuriers, la description plus « factuellement exacte » de Les receveurs d’impôts.
Cependant, force est de constater que cela ne change rien au fait que le sujet de cette oeuvre semble correspondre à ce que dénonce un vieux proverbe de l’époque :
« Un usurier, un meunier, un changeur de monnaie et un collecteur d’impôts sont les quatre évangélistes de Lucifer ».
Alors que le clerc municipal, à gauche, semble « raisonnable », puisque son visage n’est pas « grotesque », l’homme assis derrière, celui qui a extorqué l’impôt au peuple en s’engraissant au passage, dans une étrange rotation de son bras protégeant une bourse en cuir, montre la face grotesque et laide de la cupidité, justifiée par ce qu’il a déclaré et qui a été consigné dans les registres officiels.
La complaisance entre les deux hommes, l’un faisant le mal, l’autre fermant les yeux devant des pratiques innommables, est la véritable laideur de l’histoire. Les agents de change ou changeurs de monnaie, admet Silver, ont souvent joué le même rôle que les banquiers, citant l’historien de l’économie Raymond de Roover.
De plus, la quatrième canaille non représentée, le meunier (cible des peintures de Bosch et de Brueghel), était souvent fustigée parce que le prix des céréales devenait un point sensible à répétition dans les époques de fluctuation des prix des matières premières, comme c’était le cas à cette période.
Étant donné que le pillage financier prévalait après les années 1520, de telles dénonciations satiriques de la cupidité financière ne pouvaient que devenir très populaires. Le sujet est repris presque immédiatement par le fils du peintre, Jan Matsys (1510-1575), copié presque à l’identique par Marinus van Reymerswaele (1490-1546) et par Jan Sanders van Hemessen (1500-1566).
Le Banquier et sa femme


Dans une version plus « civilisée » de cette métaphore, sur le même thème, on trouve le célèbre Banquier (changeur ou prêteur) et sa femme de Matsys (1514, Louvre, Paris).115
Dans un chapitre de son livre Les primitifs flamands intitulé Les héritiers des fondateurs, l’historien d’art Erwin Panofsky116 considère cette oeuvre comme une « reconstruction » d’une« oeuvre perdue de Jan van Eyck (un ‘tableau avec des figures à mi-corps, représentant un patron faisant ses comptes avec son employé’), que Marcantonio Michiel prétend avoir vue à la Casa Lampugnano de Milan ».
Soulignons de nouveau qu’il ne s’agit pas ici d’un double portrait d’un banquier et sa femme, mais d’un seule métaphore.
Tandis que le banquier (dans le même geste que Jacob Fugger sur le tableau de Lorenzo Lotto) vérifie si le poids du métal des pièces correspond bien à leur valeur nominale, sa femme, qui tourne les pages d’un livre d’heures, jette un regard triste sur les activités cupides de son mari visiblement malheureux.
En 1963, Georges Marlier écrivait :
« Le tableau du Louvre n’a pas d’accent satirique, mais reflète une préoccupation morale (…) L’intention édifiante est soulignée par une inscription qui figurait sur le cadre à l’époque, vers le milieu du XVIIe siècle, où le tableau se trouvait dans la collection Stevens à Anvers : “Stature justa et aequa sint podere” (que la balance soit juste et les poids égaux)117
En effet, dans leLévitique, XIX, 35-36, on peut lire:
35. « Ne faites rien contre l’équité, ni dans les jugements, ni dans ce qui sert de règle, ni dans les poids, ni dans les mesures.
36. « Que la balance soit juste, et les poids tels qu’ils doivent être ; que le boisseau soit juste, et que le setier ait sa mesure. »
Le banquier a, en plus de la balance qu’il utilise, fixé une paire de balances au mur derrière lui. Pour les humanistes chrétiens, le poids de la richesse matérielle est à l’opposé de celui de la richesse spirituelle. Dans le Jugement dernier de Van der Weyden à Beaune, le peintre montre ironiquement un ange pesant les âmes ressuscitées, envoyant les plus lourdes d’entre elles… en enfer.
D’autres supposent que la femme du banquier n’est pas complètement insensible à toutes les pièces de monnaie sur la table, mais que l’attention de ses yeux se porte davantage sur les mains de son mari que sur les objets posés sur la table. Piété ou plaisir de la richesse ? Un fruit sur l’étagère (pomme ou orange), juste au-dessus de son mari, pourrait être une référence au fruit défendu mais la bougie éteinte sur l’étagère derrière elle rappelle la brièveté des plaisirs terrestres.

Lorsque Marinus van Reymerswaele reprend ce thème (ci-dessus), la tentation de la femme pour l’argent sur la table semble encore plus grande.
Miroir bombé

On peut supposer que le miroir convexe (bombé),118 posé au premier plans sur la table du couple, opère comme une « mise en abîme » (une « pièce dans la pièce » ou « un tableau dans le tableau »). On y voit un homme (le banquier ?), lisant lui-même un livre (religieux ?).
Le miroir ne montre pas nécessairement un espace réel existant mais peut très bien représenter une séquence temporelle imaginaire en dehors de l’espace-temps de la scène principale. Il peut montrer le banquier dans sa vie future, libéré de la cupidité, lisant un livre religieux avec une grande ferveur.
Si l’utilisation d’images de miroirs convexes (dont les lois optiques ont été décrites par des scientifiques arabes comme Alhazen et étudiées par des franciscains d’Oxford119 comme Roger Bacon) rappelle à la fois le tableau représentant le couple Arnolfini de Van Eyck (1434, National Gallery, Londres)120 et celui de Petrus Christus (1410-1475)Orfèvre dans son atelier ou Saint Eligius121 (1449, Metropolitan Museum of Art, New York), la peinture de Matsys, qui cherche à rendre hommage au grand Van Eyck, est une création très réussie en son genre.
La bonne nouvelle est que, jusqu’à présent, l’hypothèse la plus généralement retenue quant à la signification de cette peinture est qu’il s’agit d’une œuvre religieuse et moralisante, sur le thème de la vanité des biens terrestres en opposition aux valeurs chrétiennes intemporelles, et d’une dénonciation de l’avarice en tant que péché capital.
Sur le plan du contenu, le tableau pourrait également être lié à un thème courant à l’époque, à savoir La vocation de saint Matthieu.122
9. En partant de là, Jésus vit un homme du nom de Matthieu, assis dans la cabane d’un collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi », et Matthieu se leva et le suivit.
10. Pendant que Jésus dînait dans la maison de Matthieu, beaucoup de publicains (collecteur d’impôts) et de pécheurs vinrent manger avec lui et ses disciples.
11. Voyant cela, les pharisiens demandèrent à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »
12. Après avoir entendu cela, Jésus dit : Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin d’un médecin, mais les malades.
13. Allez donc apprendre ce que signifie : ‘Je désire la miséricorde et non les sacrifices'[a] ; car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. »
(Mt 9, 9-13)
Le passage ci-dessus est probablement autobiographique en ce sens qu’il décrit l’appel de Matthieu à suivre Jésus en tant qu’apôtre. Comme nous le savons, saint Matthieu a répondu positivement à l’appel de Jésus et est devenu l’un des douze apôtres.
Selon l’Évangile, le nom de Matthieu était à l’origine Lévi, un collecteur d’impôts au service d’Hérode et donc peu populaire. Les Romains obligeaient le peuple juif à payer des impôts. Les collecteurs d’impôts étaient connus pour tromper le peuple en demandant plus que ce qui était exigé et en empochant la différence. Bien sûr, une fois que Lévi a accepté l’appel à suivre Jésus, il a été gracié et a reçu le nom de Matthieu, qui signifie « don de Yahvé ».
Ce thème ne pouvait évidemment que plaire à Érasme, puisqu’il n’insiste pas sur la punition, mais sur la transformation positive pour le mieux.


Tant Marinus van Reymerswaele (en 1530) que Jan van Hemessen (en 1536), qui ont copié Matsys après sa mort et s’en sont inspirés, ont repris le sujet dans La vocation de Saint-Matthieu. Dans le tableau de Van Hemessen, on voit également, comme dans l’œuvre de Matsys, la femme du collecteur d’impôts qui se tient devant, elle aussi la main sur un livre ouvert.
3. Le lien avec Da Vinci (II)


Pour résumer, jusqu’ici, trois éléments de l’oeuvre de Matsys nous ont permis d’établir ses liens approfondis avec l’Italie et Léonard.
- Sa bonne connaissance de la perspective, en particulier de celle de Piero della Francesca, comme le démontre la voûte en marbre de style italien apparaissant dans le Triptyque de Saint Anne (Anvers);123
- Sa reprise des têtes grotesques de Léonard, dans les sadiques à l’oeuvre dans le même Triptyque de Saint-Anne (Anvers)
- Sa reprise de la pose de la Vierge de la Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus jouant avec un agneau de Léonard (Louvre, Parijs), dans sa Vierge et l’enfant (Poznan, Pologne).
Comment cette influence a pu s’établir reste entièrement à élucider. Plusieurs hypothèses, qui peuvent d’ailleurs se compléter, sont permises :
- Il a pu échanger avec d’autres artistes qui eux avaient effectué de tels voyages et avaient pu établir des contacts en Italie. La question de savoir si Dürer, qui avait ses propres contacts en Italie, aurait servi d’intermédiaire est une autre hypothèse à explorer. Certains dessins anatomiques de Dürer auraient été réalisés d’après Léonard. Jacopo de’ Barbari avait réalisé un portrait de Luca Pacioli, le frère franciscain qui avait aidé Léonard à lire Euclide en grec. Dürer avait rencontré Barbari à Nuremberg, mais, comme nous l’avons vu plus haut, leurs relations se sont dégradées.
- Assez jeune, il s’est rendu, soit en Italie (Milan, Venise, etc.) où il a pu établir, soit un contact direct avec Léonard, soit avec un ou plusieurs de ses élèves. Pour Philippe d’Aarschot, Matsys, «sans jamais avoir mis un pied en Italie, subit l’influence de Léonard de Vinci. Sa Marie-Madeleine (musée d’Anvers) n’est-elle pas une réplique à la Joconde?»124
- Holbein le jeune, dit-on, a également été influencé par Léonard comme le suggèrent certains de ses compositions.125
- Matsys a pu voir des gravures réalisées et diffusées par des artistes italiens et du Nord. Si les dessins et manuscrits originaux ont été copiés et vendus par Melzi, l’élève de Léonard, après la mort de son maître à Amboise en 1519, l’influence de Léonard sur Matsys apparaît dès 1507.

L’oeuvre de Léonard intéressait toute l’Europe. Par exemple, une réplique grandeur nature de la fresque de la Cène de Léonardest achetée en 1545 par l’abbaye des Norbertins de Tongerlo. Andrea Solario (1460-1524), élève de Léonard de Vinci, aurait créé l’oeuvre avec d’autres artistes. Selon des recherches récentes, il semble que Léonard ait peint lui-même certaines parties de cette réplique.

Le professeur Jean-Pierre Isbouts126 et une équipe de scientifiques de l’institut de recherche IMEC ont examiné la toile à l’aide de caméras multispectrales, qui permettent de reconstituer les différentes couches d’une peinture et de distinguer les restaurations de l’original. Selon les chercheurs, un personnage attire particulièrement l’attention. Jean, l’apôtre à la gauche de Jésus, est peint avec la technique spéciale du « sfumato ». Il s’agit de la même technique que celle utilisée pour peindre la Joconde, et que seul Léonard maîtrisait, affirme Isbouts.

De même, Joos Van Cleve, dans la partie inférieure de sa Déploration(1520-1525), reprend la composition de la Cènede Léonard, ce qui montre bien que l’image était connue de la plupart des peintres du Nord.
Enfin, comme le souligne Silver, l’une des cinq têtes grotesques de Léonard, inversée par rapport à l’original, réapparaît pour le vieillard dans le Couple mal assorti de Matsys, plus tard ! Le fait qu’elle apparaît en image miroir s’expliquerait si Matsys l’a vue en gravure. En imprimant sa plaque, l’image gravée apparaît en effet en négatif par rapport à l’original.



Mais aussi une étude de Léonard de Vinci d’une tête (non grotesque) d’apôtre pour la Cène, présente des caractéristiques proches de celles utilisées par Matsys.

4. L’art du grotesqueper se

Le travail de Léonard de Vinci sur les « têtes grotesques » date au moins du début de la période milanaise (années 1490), lorsqu’il a commencé à chercher un modèle pour peindre « Judas » dans la fresque de la Cène (1495-1498).
Léonard se serait inspiré de vraies personnes de Milan et des environs pour créer les personnages du tableau. Lorsque le tableau est presque terminé, Léonard n’a toujours pas de modèle pour Judas. On dit qu’il a traîné dans les prisons et avec les criminels milanais pour trouver un visage et une expression appropriés pour Judas, le quatrième personnage en partant de la gauche et l’apôtre qui a fini par trahir Jésus.
Léonard conseillait aux artistes d’avoir toujours un carnet de notes pour dessiner les gens « se disputant, riant ou se battant ». Il prenait note des visages bizarres sur la piazza. Dans une note où il explique comment dessiner des inconnus, il ajoute,
« je ne dirai rien des visages monstrueux, car ils restent naturellement dans l’esprit ».
Lorsque le prieur du couvent se plaint à Ludovic Sforza de la « paresse » de Léonard qui erre dans les rues à la recherche d’un criminel pour représenter Judas, Léonard répond que s’il ne trouve personne d’autre, le prieur sera un modèle idéal… Pendant l’exécution du tableau, l’ami de Léonard, le mathématicien franciscain Luca Pacioli, est dans les parages et en contact avec le maître.
Pour ce dernier, toujours désireux d’explorer et de capter la dynamique des contrastes de la nature, l’exploration de la laideur n’est pas seulement un jeu, mais inhérente au rôle de l’artiste : « Si le peintre souhaite voir des beautés qui l’enchanteraient », écrit-il dans son carnet,
« il est maître de leur production, et s’il souhaite voir des choses monstrueuses qui pourraient le terrifier ou qui seraient bouffonnes et risibles ou vraiment pitoyables, il en est le seigneur et le dieu ».
Léonard et d’autres humanistes s’interrogeaient sur la relation entre la beauté intérieure (la vertu) et la beauté extérieure, physique. Au dos du portrait de Genivra de’ Benci (Washington DC), on peut voir une bannière avec le texte latin Virtutem forma decorat (La beauté orne la vertu). Et donc, à l’inverse, ils se sont demandés comment la laideur de quelqu’un pouvait être l’expression de son vice.
La chercheuse italienne Sara Taglialagamba note que le grotesque, ce qui est anormal ou « hors norme », n’est pas conçu par Léonard « pour s’opposer à la beauté », mais comme un contraste, comme « l’opposé de l’équilibre et de l’harmonie ».127
Les difformités qui caractérisent les figures de Léonard touchent aussi bien les hommes que les femmes, sont présentes chez les jeunes et les vieux (bien qu’elles se concentrent surtout sur ces derniers), n’épargnent aucune partie du corps et sont souvent combinées pour donner aux sujets des apparences encore plus bestiales.
Géométrie des proportions humaines

De son côté, Dürer, aujourd’hui accusé de « profilage racial », a pris très au sérieux l’étude du canon des proportions humaines, considérées, notamment avec la découverte du livre De Architectura de Vitruve, comme offrant la clé des bonnes proportions pour aussi bien la peinture que l’architecture et l’urbanisme.
« La beauté est produite par l’aspect agréable et le bon goût de l’ensemble, et par les dimensions de toutes les parties dûment proportionnées les unes aux autres.« 128
Dürer a mesuré de façon systématique toutes les parties du corps humain afin d’établir des relations harmoniques entre elles. Les variations des proportions des visages et des corps, conclut-il, obéissent aux variations générées par des projections géométriques. Elles ne changent pas en termes d’harmonie mais apparaîtront différentes, voire grotesques, lorsqu’elles seront projetées sous un angle particulier.
Léonard et Dürer, et plus tard Holbein le Jeune dans son tableau Les Ambassadeurs (1533, National Gallery, Londres), sont passés maîtres dans la science des « anamorphoses », c’est-à-dire des projections géométriques à partir d’angles tangents qui rendent une image difficilement reconnaissable pour le spectateur qui regarde directement la surface plane, alors que l’image peut être comprise lorsqu’elle est regardée sous cet angle surprenant.

Le fait que des maîtres produisant de belles formes agréables comme Léonard ou Matsys se lancent soudainement dans des caricatures délirantes peut sembler troublant, alors qu’il ne devrait pas en être ainsi.
Toute caricature est basée sur une pensée métaphorique, comme tout grand art.
L’art de la Renaissance est souvent considéré comme ordonné et rassurant, mais les grotesques ne font que perpétuer l’art des gargouilles des bâtisseurs de cathédrales et les « monstres » en marge de tant de manuscrits enluminés que Bosch invitait à mettre en avant, anticipent ceux de François Rabelais, de Francesco Goya et de James Ensor.
Ses têtes sont tellement déformées et hors des normes habituelles qu’elles sont qualifiées de « grotesques ». Elles peuvent nous faire frémir et faire grincer des dents, mais également nous faire sourire lorsque nous acceptons, à contrecoeur et retenant notre irritation, de regarder de haut nos propres imperfections ou celles de nos bien-aimés que nous préférons ne pas voir. Soyons honnêtes. Nous sommes si loin des images que nous voyons dans les magazines et sur les écrans et que nous prenons pour la réalité.
Dans l’Eloge de la Folie d’Érasme, le narrateur (la Folie personnifiée) identifie d’abord, parmi de nombreux autres accomplissements, son propre rôle de premier plan dans la réalisation de choses qui, avec la logique, la raison, la sagesse formelle et l’intellect purs, échoueraient, comme les actes ridicules requis pour parvenir à la reproduction humaine.
Attention, avertit la Folie, si tout le monde était sage et dépourvu de folie, le monde serait bientôt dépeuplé !
5. La métaphore du « Couple mal assorti »

Si Erasme dénonce avec une ironie mordante la corruption et la folie des rois, des papes, des ducs et des princes, il expose également avec une ironie sans concession la corruption qui touche l’homme de la rue, par exemple les hommes plus âgés qui abandonnent leur épouse pour se mettre en ménage avec des femmes plus jeunes, « une chose si répandue, regrette la Folie, qu’elle est presque un sujet de louange ». La folie, avec une ironie satirique, se félicite de l’excellent travail qu’elle accomplit en offrant quelques gros grains aux seniors aussi bien homme que femme :
« … C’est en effet de ma générosité si vous voyez partout des vieillards aussi âgés que Nestor, qui n’ont même plus figure humaine, chevrotants, radotants, édentés, chenus, chauves, ou plutôt, pour reprendre la description d’Aristophane : crasseux, courbés, misérables, flétris, sans cheveux ni dents ni sexe prendre un tel plaisir de vivre, être si plein d’ardeur juvénile que l’un teint ses cheveux blancs, l’autre cache sa calvitie sous une perruque, un autre se sert de dents empruntées peut-être à quelque pourceau, tel autre se meurt d’amour pour une jeune fille et surpasse en inepties amoureuses n’importe quel jouvenceau. On voit des moribonds cadavres épouser un tendron et même sans dot et qui servira à d’autres ; la chose est si répandue qu’elle est presque un sujet de louange.
« Mais il est encore plus plaisant de voir des vieilles déjà mortes de décrépitude, si cadavériques qu’on pourrait les croire de retour des Enfers, et qui malgré cela ne cessent de répéter : Que la lumière est belle ! elles sont encore en chaleur et même, comme disent les Grecs, en rut, elles font entrer chez elles un Phaon grassement payé, se fardent assidûment, ne quittent jamais leur miroir, épilent leur toison au bas du pubis, exhibent leurs mamelles molasses et putrides, sollicitent un jappement tremblotant un désir qui languit, ne cessent de boire, se mêlent aux danses des jeunes filles, écrivent de pauvres lettres d’amour. Cela fait rire tout le monde ; on les trouve complètement folles et elles le sont ; mais elles sont contentes d’elles-mêmes, plongées pour l’instant dans les plus grandes délices, baignant dans le miel et, grâce à moi [la Folie], heureuses. »129
La formation de couples inégaux dans l’histoire littéraire remonte à l’Antiquité, lorsque Plaute, poète comique romain du IIIe siècle avant J.-C., déconseillait aux hommes âgés de faire la cour à des femmes plus jeunes. Erasme ne fait que reprendre un thème de la littérature satirique, notamment La Nef des fous, qui dans son 52e chapitre, combinant l’envie et la cupidité, aborde le thème du « mariage pour l’argent ».
Outre l’Eloge de la folie, Érasme consacre en 1529, dans des dialogues qu’il écrivait pour enseigner le latin aux enfants, un Colloque intitulé Le mariage qui n’en est pas un, ou l’union mal assortie.130 (Extrait, voir encadré)
Le mariage qui n’en est pas un, ou l’union mal assortie
Gabriel : Tu connais Lampride Eubule ?
Pétronius : Il n’y a pas dans cette ville de meilleur citoyen ni de plus fortuné.
Ga.Et sa fille Iphigénie ?
Pét.Tu as nommé la fleur des demoiselles de son âge.
Ga.C’est vrai. Eh bien ! Sais-tu à qui on l’a mariée ?
Pét.Je le saurai quand tu me l’auras dit.
Ga.A Pompilius Blenus.
Pét.Ce fanfaron, qui ne cesse d’assommer tout le monde avec ses rodomontades ?
Ga.Lui-même.
Pét.Mais il est depuis longtemps célèbre ici principalement à deux titres, ses mensonges et son mal qui n’a pas encore de nom propre, malgré le nombre de ceux qui en sont atteints !
Ga.Il s’agit d’une gale très orgueilleuse, qui ne le céderait ni à la lèpre, ni à l’éléphantiasis, ni à l’impétigo, à la podagre ou à la goutte du menton, s’il y avait conflit pour le premier rang.
Pét.C’est ce que proclame la tribu des médecins.
Ga.A quoi bon à présent te décrire la jeune fille puisque tu la connais, et cela bien que sa parure ait ajouté beaucoup d’agrément à ses charmes naturels ? Mon cher Pétrone, tu l’aurais prise pour quelque déesse : sa toilette lui allait à merveille. Sur ces entrefaits s’est présenté à nous l’heureux fiancé, le nez cassé, traînant la jambe – mais avec moins de grâce que ne font habituellement les mercenaires suisses–, les mains sales, l’haleine nauséabonde, l’oeil éteint, la tête bandée, et rendant du pus par le nez et les oreilles. Certains portent des anneaux aux doigts, lui en a jusque sur les jambes.
Pét.Qu’est-il arrivé aux parents pour qu’ils confient une telle enfant à un monstre semblable ?
Ga.Je l’ignore, si ce n’est qu’aujourd’hui la plupart des gens semblent avoir perdu l’esprit.
Pét.Peut-être est-il très riche ?
Ga.Il l’est extrêmement, mais de dettes.
Pét.Si la jeune fille avait empoisonné ses quatre grands-parents paternels et maternels, quel supplice plus cruel pouvait-on lui infliger ?
Ga.Eut-elle pissé sur les cendres de son père, on l’en aurait punie en la forçant à embrasser ne serait qu’une fois un pareil monstre.
Pét.Je suis bien d’accord.
Ga.Selon moi ce traitement est beaucoup plus cruel que de l’avoir exposée à des ours, des lions ou des crocodiles. Car ces bêtes féroces auraient épargné une beauté si remarquable, ou une prompte mort aurait mis fin à ses supplices.
Pét.Tu dis vrai. Cet acte me paraît absolument digne de Mézence qui, d’après Virgile, accouplait les vivants aux morts, les mains appliquées sur les mains et la bouche sur la bouche. Cependant même ce tyran, sauf illusion de ma part, n’aurait pas eu la barbarie d’unir une si aimable jeune fille à un cadavre. Du reste il n’y a pas de cadavre auquel on ne préférerait être attaché plutôt qu’à cette charogne puante : car son haleine est un véritable poison, ses discours une plaie, et son contact donne la mort.131
Ce thème érasmien des « amants mal assortis » est devenu très populaire. Selon l’historien de l’art Max J. Friedlander,132 Matsys a été le premier à propager ce thème dans les Pays-Bas. Matsys dépeint ce thème en montrant un homme plus âgé qui s’éprend d’une femme plus jeune et plus belle. Il la regarde avec adoration, sans s’apercevoir qu’elle lui vole sa bourse. En réalité, la laideur grotesque de l’homme, aveuglé par son désir pour la jeune femme, correspond à la laideur de son âme. Celle-ci, aveuglée par sa cupidité, apparaît superficiellement comme une « gentille » fille, mais abuse en réalité de l’imbécile naïf.
De dehors, le spectateur s’aperçoit rapidement que l’argent qu’elle vole au vieux fou va directement dans les mains du bouffon qui se tient derrière elle et dont le visage exprime à la fois la luxure et la cupidité. La morale de la fin, c’est que tout le gain ne va ni à lui ni à elle, mais à la folie elle-même (Le Bouffon) !

Une situation qui n’est pas sans rappeler le tableau de Bosch de 1502, L’escamoteur (1475, St Germain-en-Laye). Le tableau de Matsys pose la question de la « corruption mutuelle assurée », où, comme en géopolitique, les deux parties pensent gagner aux dépens de l’autre dans un jeu à somme nulle mais en réalité chacune d’elles finissent par perdre. De ce point de vue, la leçon « moralisatrice » va bien au-delà de la simple tricherie entre partenaires.
Comme nous l’avons déjà dit, ce qui était considéré jusqu’à présent comme des « péchés » (la luxure et la cupidité) par l’Église, devient avec les humanistes chrétiens un sujet de rire, le tableau offrant un « miroir » permettant aux spectateurs de réfléchir sur eux-mêmes et d’améliorer leur propre caractère. Dans le folklore de la Saxe et ensuite des Flandres, Tyl Uylenspieghel est une grande figure. Uyl signifiant la chouette (sagesse), spieghel signifiant miroir.


Le thème du couple mal assorti apparaît déjà dans une gravure sur cuivre de Dürer datant de 1495, où une jeune fille ouvre sa main pour siphonner de l’argent de la bourse du vieux vers la sienne.
En 1503, Jacopo de’ Barbari reprend le sujet avec Vieillard et jeune femme (Philadelphie).
Cranach l’Ancien,133 qui s’est rendu à Anvers en 1508 et a été visiblement inspiré par les grotesques de Matsys, a commencé à produire en série des peintures sur ce thème (y compris l’utilisation des grotesques de Léonard retravaillés par Matsys !), répondant clairement à la demande croissante de l’Allemagne protestante, une production continuée par son fils Cranach le Jeune.134

Cranach peindra ses propres variations sur le thème, le réduisant souvent à la seule « luxure », laissant de côté la « cupidité » et donc l’accaparement de l’argent. Bien entendu, plus l’homme est laid et âgé, et plus la femme est belle et jeune, plus le contraste qui en résulte crée un impact émotionnel mettant en valeur le caractère choquant de l’événement. Cranach s’amuse à inverser les rôles et à montrer une vieille femme riche accompagnée de sa servante, attirant un séduisant jeune homme…

Le fils de Quinten Matsys, Jan Matsys, nous a laissé une interprétation intéressante du thème, en y ajoutant une dimension sociale, celle des familles pauvres se servant de leurs filles comme appât pour piéger des messieurs riches et plus âgés dont la richesse et l’argent permettront à la famille de se nourrir, un thème également repris par Goya.
Dans l’une des versions de Cranach, l’homme riche a déjà devant lui une miche de pain sur la table, véritable symbole du chantage alimentaire. Mais ce qui frappe dans la version de Jan, c’est la mère, debout derrière le vieil homme fou, qui fixe de son regard le pain et les fruits sur la table. Si l’avidité et la luxure restent réelles, Jan dramatise un contexte donné dont on ne peut pas simplement se moquer.
Parmi les nombreux autres artistes qui ont peint ce thème, citons Hans Baldung Grien (1485-1545), Christian Richter (1587-1667) et Wolfgang Krodel l’Ancien (1500-1561). Aucun d’entre eux n’a réussi à reproduire au complet la métaphore de Matsys, le plus fidèle à l’esprit d’Érasme, celui de la folie qui gagne la partie, une situation vraiment risible ! Le triomphe de la folie ! Ici aussi, pour le visage du vieux fou, comme nous l’avons déjà mentionné, Matsys se fonde sur les esquisses de têtes grotesques de Léonard.
6. « La vieille femme hideuse », la paternité de Léonard

Cela nous permet maintenant de présenter la peinture peut-être la plus scandaleuse jamais réalisée, appelée alternativement la « Vieille femme hideuse » ou « La Duchesse laide ».
Des océans d’encre ont été jetés sur le papier pour spéculer sur son identité, sa « maladie » (la maladie de Paget dit un médecin), son « genre », la plupart du temps pour orienter le regard du spectateur vers une interprétation littérale, « basée sur des faits », plutôt que d’apprécier et de découvrir l’hilarante métaphore que l’artiste peint, non pas sur le panneau, mais dans l’esprit du spectateur.
Le tableau doit être analysé et compris avec son pendant – un tableau d’accompagnement – qui représente un vieil homme dont elle sollicite l’attention. De manière surprenante, en première approche, on peut dire que Matsys, bien avant Cranach, inverse ici les rôles habituels des genres, puisque ce que nous voyons n’est pas un vieil homme essayant de séduire la jeune fille, mais une vieille femme essayant d’attirer un vieil homme riche.
Tout d’abord, il y a la vieille dame, dont l’état physique est la décrépitude ultime, qui tente désespérément de séduire un vieil homme riche. Immédiatement, comme le Vieil homme et le jeune garçon (1490, Louvre, Paris) de Domenico Ghirlandaio, l’apparence extérieure de la personne incite le public à s’interroger sur la relation entre la beauté intérieure et la beauté extérieure.
« D’un point de vue extérieur, écrit un observateur, sur la base de sa robe exquise, de ses accessoires ornés de bijoux et de sa fleur en herbe, cette femme est théoriquement belle. Cependant, sa beauté intérieure se reflète dans son apparence physique exagérée et déplaisante ».135
Une fois encore, l’influence littéraire évidente est l’Eloge de la folie (1511), qui fait la satire des femmes qui « jouent encore aux coquettes », « ne peuvent s’arracher à leur miroir » et « n’hésitent pas à exhiber leurs repoussants seins flétris ».136
Les vêtements de la femme sont riches. Elle est habillée pour impressionner, y compris avec un couvre-chef bulbeux qui rehausse ses traits inhabituels. Défiant la modestie attendue des femmes âgées à la Renaissance, elle porte un corsage serré, découvert et étroitement lacé qui met en valeur son décolleté ridé.

Ses cheveux sont dissimulés dans les cornes d’un bonnet en forme de coeur, sur lequel elle a posé un voile blanc, fixé par une grande broche ornée de pierreries.
Quelle que soit la qualité de sa tenue, à l’époque où ce panneau a été peint, au début du XVIe siècle, ses vêtements devaient être dépassés de plusieurs décennies, rappelant ceux du portrait que Van Eyck avait fait de sa femme Margaretun siècle plus tôt, et suscitant le rire plutôt que l’admiration.
Cette coiffe était devenue un symbole iconographique de la vanité féminine, ses cornes étant comparées à celles du diable ou, au mieux, à celles qui indiquent qu’elle a été fait cocue par ses amants (cornuto). Elle semble se vendre pour son apparence, car elle offre une fleur, souvent symbole de la sexualité dans l’art de la Renaissance.
C’est dans le destin tragique de la rose coupée que la fuite du temps, et avec elle la déchéance physique, trouve son illustration la plus inquiétante. Fraîche ou fragile, la rose, tout en appelant au plaisir immédiat, semble protester contre la mort qui la guette.

Pour identifier la femme, plusieurs noms sont avancés. Au XVIIe siècle, le tableau a été confondu avec le portrait de Margarete Maultasch (1318-1369) qui, séparée de son premier mari Jean Henri de Luxembourg, s’est remariée avec Louis 1er, margrave de Brandebourg, après mille et un rebondissements qui ont abouti à l’excommunication du couple par Clément VI.
Une histoire compliquée dans une époque troublée, qui a valu à Margarete le surnom de « gueule-sac » (grande gueule), ou « prostituée » en dialecte bavarois. Le problème est que l’on connaît d’autres portraits de Margarete, sur lesquels elle apparaît sous son meilleur jour… Qualifiée de « femme la plus laide de l’histoire », elle a reçu le surnom de « Duchesse laide ».
A l’époque victorienne, cette image (ou l’une de ses nombreuses versions) a inspiré à John Tenniel la représentation de la duchesse dans ses illustrations des Aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (1865). Cela a permis d’ancrer le surnom et de faire de ce personnage une icône pour des générations de lecteurs.

Deuxièmement, le vieil homme, dont la robe bordée de fourrure et les bagues en or, sans être aussi manifestement archaïques ou absurdes que le costume de la femme, suggèrent néanmoins une richesse ostentatoire, et son profil distinctif fait écho au profil familier du principal marchand-banquier d’Europe au XVe siècle, feu Cosimo de’ Medici de Florence. Ce dernier, après avoir joué un rôle clé en tant que mécène des arts et soutien au Conseil oecuménique de Florence, semblait avoir perdu aussi bien sa raison que sa dignité.
Il convient de noter qu’en 1513, année de la réalisation du tableau, le pape guerrier Jules II, grand ennemi d’Érasme, rend l’âme et que Giovanni di Lorenzo de’ Medici devient le nouveau pape sous le nom de Léon X.

La figure du vieillard évoque également les portraits perdus du début du XVe siècle du duc Philippe le Hardi de Bourgogne.
Maintenant, si l’on y regarde à deux fois et que l’on oublie les seins de la femme, on s’aperçoit que son visage est celui… d’un homme affreux.
Il pourrait s’agir d’une figure politique ou d’un théologien détestés de l’époque, se vendant l’un à l’autre dans un élan de cupidité et de luxure.
Peut-être que la vieille prostituée laide est une référence au banquier Jacob le Riche, l’éternel banquier du Vatican ? Acceptons pour l’instant le fait qu’on ne sait pas.
L’artiste bohémien Wenceslaus Hollar (1607-1677) a vu le double portrait de Matsys et en a fait une gravure en 1645, en y ajoutant le titre « Roi et reine de Tunis, inventé par Léonard de Vinci, exécuté par Hollar ».

La « paternité » de Léonard de cette oeuvre fut donc un secret de polichinelle.
Pendant les périodes de carnaval, où les gens étaient autorisés à s’affranchir des règles de la société pendant quelques jours, du moins dans les Pays-Bas et dans la région du Rhin du Nord, les gens s’amusaient beaucoup en changeant les rôles. Les paysans pauvres pouvaient se déguiser en riches marchands, les laïcs en ecclésiastiques, les voleurs en policiers, les hommes en femmes et ainsi de suite.

Le concept original de cette métaphore vient clairement de Léonard, qui a fait un minuscule croquis d’une femme laide, éventuellement une prostituée, remarquablement avec le bonnet à cornes et une petite fleur plantée entre ses seins, exactement les mêmes attributs, métaphores et symboles employés plus tard par Matsys dans son œuvre !

Melzi, l’élève de Léonard, et d’autres élèves ou disciples, comme ils l’ont fait pour de nombreuses autres esquisses de Léonard, semblent avoir copié le travail de Léonard et, amusés, ont contre-posé la vieille en chaleur avec un riche marchand florentin avide. Melzi a-t-il partagé ou vendu ses esquisses à d’autres ?


Diverses versions amusantes du thème sont disséminées dans le monde entier et figurent dans des collections privées et publiques.
Une autre esquisse, réalisée par Léonard lui-même ou par ses disciples, montre un homme grotesque et sauvage, dont les cheveux se dressent sur la tête, accompagné d’une série de savants à l’allure grotesque, dont l’un ressemble à Dante !

Léonard, bien sûr, qui signait toujours ses écrits par les mots « homme sans lettres »(omo sanza lettere)137, n’était qu’un simple artisan et n’a jamais été pris au sérieux par ces érudits que Lucien dénonçait pour s’être vendus à l’establishment.
Tous ces éléments montrent que ce que faisait Matsys n’avait rien de « bizarre » ou d’« extravagant », mais qu’il partageait une « culture » de visages grotesques dont les variations pouvaient être utilisées pour enrichir les jeux de mots métaphoriques de la culture humaniste.
Mais bien sûr, ce qui a rendu l’impact de cette oeuvre si dévastateur, c’est le fait que ce qui n’était pour Léonard que de rapides esquisses dans un carnet, est devenu chez Matsys des représentations grandeur nature, d’un hyperréalisme effrayant !
Dans la collection Windsor de la Reine, il existe un dessin à la craie rouge de la femme presque exactement telle qu’elle apparaît dans l’oeuvre de Matsys.

Jusqu’à très récemment, les historiens étaient convaincus que Quentin Matsys avait « copié »138 ce dessin attribué à Léonard et l’avait agrandi pour réaliser sa peinture à l’huile.
« Léonard a donc dessiné ce personnage unique, jusqu’à la poitrine ridée qui émerge de sa robe. Matsys n’a fait que l’agrandir dans la peinture à l’huile ».139
Cependant, des recherches récentes suggèrent que cela ne s’est pas passé ainsi !
En réalité, Melzi, ou Léonard lui-même, a pu réaliser le dessin à la craie rouge à partir de la peinture de Matsys, que ce soit à partir d’une vue directe ou des reproductions. Un Italien copiant un peintre flamand, vous imaginez ?
L’experte Susan Foister, directrice adjointe et conservatrice de la peinture ancienne néerlandaise, allemande et britannique à la National Gallery de Londres, qui était également en 2008 la commissaire de l’exposition Renaissance Faces : Van Eyck to Titian, a déclaré à l’époque au Guardian:
« Nous pouvons désormais affirmer avec certitude que Léonard – ou, du moins, l’un de ses disciples – a copié la merveilleuse peinture de Matsys, et non l’inverse. C’est une découverte très excitante ».140
Foister a précisé qu’ils avaient découvert que Matsys apportait des modifications au fur et à mesure, ce qui suggère qu’il créait l’image tout seul plutôt que de copier un modèle. De plus, dans les deux copies de Léonard, les formes du corps et des vêtements sont trop simplifiées et l’oeil gauche de la femme n’est pas dans son orbite.
« On a toujours supposé qu’un artiste moins connu d’Europe du Nord aurait copié Léonard et on n’a pas vraiment pensé que cela aurait pu être l’inverse », a résumé Foister.
Elle a ajouté que les deux artistes étaient connus pour s’intéresser à la laideur et qu’ils ont échangé des dessins « mais le mérite de cette œuvre magistrale revient à Matsys ».
7. Liefrinck et Cock
Dans sa notice, Jan Muylle141 nous fournit des informations intéressantes sur l’œuvre du sculpteur-graveur sur bois et éditeur d’estampes anversois Hans Liefrinck (c. 1518-1573).
Liefrinck a réalisé le deuxième état des dessins de Pieter Bruegel Lacuisine maigreet La cuisinegrasse, entre autres, et il a collaboré à Anvers avec le maître imprimeur Christophe Plantin.
Il a également réalisé quatre gravures sur cuivre à peine connues représentant des têtes grotesques empruntées à des dessins de ou d’après Léonard de Vinci.

« Nous sommes convaincus que leur importance dépasse de loin ces mentions occasionnelles », estime Muylle. Ces gravures « présentent parfois – et cela n’a été signalé nulle part – de fortes similitudes avec certaines têtes grotesques de tableaux de Quinten Metsijs (1465-1530), dont on sait depuis longtemps qu’il était redevable à Léonard de Vinci, ainsi qu’avec une estampe du célèbre éditeur de Liefrinck, Hieronymus Cock (vers 1510-1570), également mécène de Bruegel. (…) Les têtes grotesques de Metsijs, Cock et Liefrinck montrent en effet avec quelle rapidité les exemples de De Vinci – le maître est mort à Amboise le 2 mai 1519 – ont été adoptés dans leur tradition artistique par les maîtres des Pays-Bas méridionaux, tous travaillant à Anvers ».
Les légendes et épigrammes des gravures de Liefrinck et de Cock, poursuit Muylle, « fournissent également une aide précieuse pour formuler une interprétation. Il s’agit là d’un corpus d’œuvres représentatif, ce qui est bienvenu. »

Dans le cartouche de la deuxième légende de Liefrinck, on lit quelque chose que Léonard n’était pas loin de penser : Deformes, bone spectator, ne despice vultus. Sic natura homines sic variare solet. (Cher spectateur, ne méprisez pas ces visages déformés. C’est ainsi que la nature fait habituellement en sorte que les hommes diffèrent les uns des autres).



Hieronymus Cock (c. 1510-1570) reprend également l’imagerie grotesque du « Couple inapproprié » (Amour inégal). On estime que la planche de Cock est la copie d’une oeuvre du graveur italien Agostino Veniziano (1490-1550). L’épigramme de Veniziano est typique de l’« humour » vénitien. On passe du grotesque au burlesque : « Chi non ci vol veder si cavi gli occhi » (Celui qui ne veut pas nous voir, arrache-lui les yeux.). Ce n’est pas évident quelle version a été réalisée en premier. Les deux artistes abandonnent le thème original, mais le fou qui triomphe derrière est un héritage de Matsys et d’Erasme.
Ce qui est clair, c’est que l’épigramme au bas de la gravure de Cock est beaucoup plus dans l’esprit humaniste : « Al ben ick leelyck, ick ben sier plesant, Wilt ghij wel doen houet u aen mijnen kant. »(Même si je suis moche, je suis très amusant, Si tu veux te porter bien, tiens toi de mon côté). Les légendes des gravures de Liefrinck et de Cock s’accordent donc bien plus avec l’humanisme d’Érasme et la vision de De Vinci.
E. Conclusion
La conclusion s’écrit (presque) d’elle-même. Les « sept péchés capitaux » que Thomas More et Érasme conseillaient d’endiguer il y a cinq siècles sont devenus les « valeurs » axiomatiques du système « occidental » d’aujourd’hui ! Pourtant, elles sont à l’opposé même des valeurs humaines universelles que partagent une vaste majorité de l’humanité, que ce soit du point de vue philosophique, religieux, agnostique, progressiste ou conservateur.
La « liberté » a été découplée de la « nécessité », les « droits individuels » des « devoirs collectifs. » Tout va. La luxure, l’envie, l’avidité, la paresse, la gloutonnerie, la gourmandise, la colère, la violence, la cruauté, etc. sont présentées quotidiennement sous un jour positif à la télévision et sur internet, y compris pour les enfants en bas âge. Tout cela est permis et même promu, tant que cela ne remet en cause les privilèges exubérants des pouvoirs dominants.
Erasme se retournerait dans sa tombe s’il savait qu’en 2025 son nom est principalement associé à une bourse offerte par l’UE aux élèves désireux d’étudier dans d’autres Etats membres de l’UE. Comme l’a suggéré un professeur belge, ces bourses devraient inclure une période de formation obligatoire à la pensée d’Erasme et en particulier à ses concepts avancés d’empathie et de construction de la paix.142
Cependant, la « raison » seule ne suffit pas. Sans l’humour, la Renaissance, avec son extra-ordinaire explosion de découvertes et d’inventions dans les domaines de la science, de l’art et de la société, n’aurait jamais eu lieu. L’humour est un catalyseur de créativité. Comme le disent certains scientifiques chinois contemporains : « Un Ha-ha [rire] efficace aide les gens à A-Ha [découverte] ».143
L’humour lui-même est un acte créatif. Comme l’humour, la créativité suscite la surprise en brisant certains cadres. Dans les deux cas, il s’agit d’établir des liens non évidents entre des éléments incongrus. Et qu’est-ce qu’une blague, si ce n’est une combinaison d’idées différentes et/ou contrastées qui créent une ironie, un décalage, une désobéissance aux attentes conventionnelles. L’humour permet de prendre conscience de l’incongruité entre deux éléments. Et la capacité de passer d’un élément à l’autre est un processus cognitif identifié comme favorisant la créativité. En d’autres termes, l’humour modifie notre façon de penser et facilite un mode de pensée inattendu, comme l’« expérience de pensée » (gedankenexperiment) qui a poussé Einstein à s’imaginer « chevauchant un faisceau » de lumière.
En développant notre sens de l’humour, nous développons une nouvelle capacité à comprendre les problèmes sous des angles différents, et ce type de pensée conduit à une plus grande créativité. Aborder les problèmes de manière linéaire et traditionnelle permet de trouver des solutions conventionnelles, voire triviales.
Or, comme le suggère Albert Einstein : « Pour stimuler la créativité, il faut développer un penchant enfantin pour le jeu ». Et l’« instinct de jeu » de l’homme, comme le souligne Friedrich Schiller dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1795), en tant que première rencontre avec une absence de contraintes, sert un projet plus large de progrès humain, dans lequel la liberté nécessaire aux hommes pour se gouverner de manière adéquate s’exerce par le biais de l’interaction des facultés qui se manifestent au cours de l’expérience esthétique. En somme, le développement, aussi bien de l’« instinct de jeu » que de l’humour sont essentiels à la créativité et à l’art, y compris « l’art de gouverner. »
En somme, pour qu’une nouvelle renaissance devienne réalité, il faut libérer nos concitoyens de l’« Angst » (la peur). Ignorant des dangers réels comme la guerre nucléaire, ils vivent dans la crainte de menaces qu’on leur a fait imaginer.
L’historien néerlandais Herman Pleij le formule ainsi : « En fait on souhaiterait au monde actuel plus de folie. Ce n’est pas pour rien que le bouffon, sur la scène du début des temps modernes, aime à tendre à ses compagnons de jeu et aux ébouriffeurs le miroir qu’il tient à la main : « Connais-toi toi-même. Connais-toi toi-même. Et prenez conscience de la relativité des choses. Ne serait-ce qu’un instant. »144
Pour ceux qui, comme nous, aspirent à la paix par le développement de chaque individu et de chaque Etat, il est temps de prendre très, très, très au sérieux la vision d’Érasme, de Rabelais, de Léonard et de Matsys sur le « bon rire », vérace et libérateur.

Je termine par une peinture du fils de Quinten Matsys, Jan, qui présente le rébus visuel suivant :
Solution:
1) Le « D » est abréviation de « le » ;
2) Le globe signifie « monde » ;
3) Le pied, en flamand « voet » est proche du mot « voedt », c’est-à-dire « nourrit » ;
4) La vièle (violon d’époque), en flamand s’écrit en flamand vedel, dont le sens est proche de « vele », c’est-à-dire « nombreux ».
5) En dessous… les deux sots.
La phrase se lit donc: « Le monde nourrit de nombreux sots ».
Et vous, spectateur, vous en êtes un, nous lancent les fous. Eux le savent et nous conseillent de n’en parler à personne ! Mondeken Toe ! (Fermons la bouche !)
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- L’orthographe du nom de l’artiste diffère au fil du temps et selon les cultures linguistiques. En français, il s’appelle Quentin Metsys, en anglais Quinten Massys et en néerlandais Quinten (Kwinten) Matsijs. À Grobbendonk, il s’appelle Matsys. Le « ij » n’existant pas à la fin du XVe siècle, l’auteur a choisi pour ce texte « Quinten Matsys », identique à l’orthographe utilisée par Harald Brising en 1908 et par Matsys lui-même pour signer son tableau de 1514, Le banquier et sa femme, Louvre. ↩︎
- Anvers, Twaalf eeuwen geschiedenis en cultuur , Karel Van Isacker et Raymond van Uytven, Mercatorfonds, Anvers, 1986. ↩︎
- Brugge, duizend jaar kunst , Valentin Vermeersch, Mercatorfonds, Anvers, 1981. ↩︎
- L’âge d’or d’Anvers , Léon Voet, Fonds Mercator, Anvers, 1976. ↩︎
- Complainte de la Paix, dans Erasme, guerre et Paix , citations choisies annotées par Jean-Claude Margolin, Bibliothèque sociale, Aubier Montaigne, 1973, Paris. ↩︎
- Jean Anouilh, Thomas More ou l’Homme libre, Editions de la Table ronde, Paris, 1987. ↩︎
- Pieter Gillis (1486-1533), connu sous le nom latinisé de Petrus Ægidius, est un humaniste, juriste, correcteur et éditeur travailland chez Dirk Martens. Ami d’Erasme, il apparaît dans l’Utopie de Thomas More. Il recommande le peintre Holbein le jeune à Thomas More et sera secrétaire (maire) de la ville d’Anvers. ↩︎
- Dirk Martens (1446-1534) d’Alost est un humanistse érudit, éditeur et imprimeur de livres en Flandres installé à Louvain et Anvers. Il a publié la première lettre de Christophe Colomb relatant son voyage et une cinquantaine d’oeuvres d’Erasme ainsi que la première édition de l’Utopie de Thomas More. Pour permettre aux étudiants de l’Université de Louvain d’accéder facilement au savoir, Martens a imprimé de nombreux classiques en format de poche. Voir, Dirk Martens, l’imprimeur d’Erasme qui diffusa le livre de poche, Karel Vereycken, Artkarel, 2019. ↩︎
- Gerard Geldenhouer (1482-1442), connu également sous le nom de Gerhardus Noviomagus est un humaniste et satiriste d’inspiration érasmienne. Tout comme Érasme, il fut formé à la célèbre école latine créée par les Frères de la Vie Commune à Deventer. À Louvain, il écrivit ses premières publications, parmi lesquelles un recueil de Satires dans la lignée de l’ Éloge de la Folie d’ Érasme. Il supervisa l’impression de plusieurs œuvres d’Érasme et de Thomas More. Ultérieurement, Geldenhouer joindra la réforme protestante, plus précisément le courant modér de Philipp Mélanchthon à Magdebourg. ↩︎
- L’historien néerlandais Cornélus de Schryver (1482-1558), mieux connu comme Cornelius Grapheaus, fut un humaniste, poète, philologue et professeur de latin. Originaire de Nijmegen, il s’installe à Anvers. Jeune, il se rend en Italie. Ami d’Erasme, de Gillis et de Geldenhouer, il contribue six vers élégiaques à l’édition de l’Utopiede Thomas More publié par Dirk Martens. Il sera plusieurs fois secrétaire (maire) de la Ville d’Anvers. ↩︎
- À la mort de Hans Memling en 1494, Gérard David (1460-1523) devient le peintre le plus important de Bruges. Il devient doyen de la guilde en 1501. Malgré son succès à Bruges, il s’inscrit conjointement avec Patinir comme maître à Anvers, ce qui lui permet de vendre ses œuvres également sur le marché de l’art en plein essor de cette ville. Voir Gerard David, Hans J. Van Miegroet, Fonds Mercator, Anvers, 1989. ↩︎
- Le peintre anversois Joachim Patinir(1483-1524) fut un ami très proche de Quinten Matsys. Voir Patinir ou l’harmonie du monde, Maurice Pons and André Barret, Robert Laffont, Paris, 1980. ↩︎
- Le peintre-graveur et géomètre nurembergeois Albrecht Dürer (1471-1528) a vécu onze mois à Anvers : du 2 août 1520 au 2 juillet 1521. Son journal de voyage nous informe sur les personnes qu’il a rencontrées à Anvers, parmi lesquelles les célèbres artistes Quinten Matsys, Bernard van Orley et Lucas van Leyden. Son retour à Nuremberg coïncide avec l’annonce des « placards » (décrets) de Charles Quint, interdisant aux catholiques de lire la Bible. Comme les revenus de Dürer provenaient en grande partie de l’illustration de la Bible, les perspectives de vivre de cette profession devenaient proches de zéro. ↩︎
- En 1510, Lucas van Leyden (1489-1533), né à Leyde et influencé par Dürer, réalise deux chefs-d’œuvre de la gravure, La Laitière et Ecce Homo, ce dernier étant très admiré par Rembrandt. Lukas rencontre Dürer à Anvers en 1521 et profite à nouveau de son influence, comme en témoigne la série de la Passion de la même année. Lucas a peut-être amélioré ses compétences en gravure avec l’aide de Dürer, car il a réalisé quelques eaux-fortes après leur rencontre. ↩︎
- Holbein le Jeune (1497-1543) est un peintre bâlois. Adolescent, on lui demande, et il réussit avec grand succès, d’annoter de dessins une copie de l’Éloge de la folie d’ Érasme. Ils se rencontrent en personne, lorsque Érasme part en exil à Bâle. Holbein réalise plusieurs portraits à l’huile de l’humaniste et vint à Anvers pour rencontrer Pieter Gillis et ensuite rejoindre Thomas More en Angleterre. ↩︎
- On reproche au style des maniéristes anversois de manquer de caractère et d’expression individuelle. On le dit « maniéré », et, pire, caractérisé par une élégance artificielle. Voir Les Primitifs flamands et leur temps, pp. 621-622-623-624, Editions Renaissance du Livre, 1994. ↩︎
- L’art flamand et hollandais, Le siècle des primitifs (1380-1520), Christian Heck, Citadelles & Mazenod, Paris. ↩︎
- Le groupe de recherche Gent Interdisciplinary Centre for Art and Science (GICAS) est une collaboration entre des membres des Facultés des Lettres et de Philosophie (Histoire de l’art, Archéologie, Histoire), des Sciences (Chimie analytique) et d’Architecture et d’Ingénierie (Traitement d’images). La recherche se concentre sur les aspects matériels des œuvres d’art, avec un accent particulier sur la peinture des Pays-Bas (XVe-XVIIe siècles). Le Centre applique à la fois l’imagerie comme technique de traitement d’images, ainsi que l’analyse matérielle en relation avec les questions d’histoire de l’art et les applications en conservation et restauration. ↩︎
- Les peintures de Quinten Massys avec catalogue raisonné , Larry Silver, Allanheld & Schram, 1984. ↩︎
- Quentin Metsys , Andrée de Bosque, Arcade Press, Bruxelles, 1975. ↩︎
- Quinten Matsys ; essai sur l’origine de l’italianisme dans l’art des Pays-Bas , Brising, Harald, 1908, Leopold Classic Library, réimpression 2015. ↩︎
- Martin Luther King, dans un sermon, nous rappelle que dans la Grèce antique, on distinguait trois formes différentes d’amour : éros, pour l’amour charnelle, philiapour l’amitié (fraternelle et filiale) et agapè, traduit en latin par caritaspour un amour désintéresé pour autrui. L’agapèchoisit de considérer l’autre comme il est dit dans 1 Corinthiens 13 : toujours prêt à penser le meilleur de l’autre, prêt à pardonner, prêt à chercher le meilleur pour l’autre.
↩︎ - Erasme et la peinture flamande de son temps, Georges Marlier, Editions van Maerlant, Damme, 1954. ↩︎
- Georges Marlier, op. cit. p. 163. ↩︎
- Comment la folie d’Érasme a sauvé notre civilisation, Karel Vereycken, page web, archives de l’Institut Schiller, Washington, 2005. ↩︎
- Le combat d’Albrecht Dürer contre la mélancolie néo-platonicienne, Karel Vereycken, page Solidarité & Progrès, 2007. ↩︎
- De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd , Herman Pleij, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam, 2007. ↩︎
- Le bas Moyen Âge et le temps de la Rhétorique, Hanna Stouten, Jaap Goedegebuure et Frits Van Oostrom, dans Histoire de la littérature néerlandaise, Fayard, 1999. ↩︎
- De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Dr Eric de Bruyn, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001; Bosch, son écriture picturale déchiffrée, Dirk Bax, AABalkema, Rotterdam, 1978. ↩︎
- L’écrivain et humaniste chrétien français François Rabelais(1483-1553), dans sa lettre à Salignac (en réalité Érasme), l’appelle son « père » et même sa « mère » et se compare affectueusement à une sorte de bébé qui aurait grandi dans son ventre, Rabelais, Oeuvres complètes , p. 947, Editions du Seuil, 1973. ↩︎
- Le génie littéraire espagnol Miguel de Cervantès(1546-1616) a été formé par son maître d’école Juan Lopez de Hoyos (1511-1583), un fervent disciple d’Érasme de Rotterdam, dont il a insufflé l’esprit à son disciple le plus aimé. ↩︎
- Il a été démontré de manière convaincante que le dramaturge et poète anglais William Shakespeare(1564-1616) a écrit, ou du moins a largement contribué à la pièce de théâtre de 1595 Sir Thomas More, le « frère jumeau » d’Érasme dans l’esprit et l’action. ↩︎
- Érasme des Pays-Bas, James D. Tracy, p. 104. Érasme commença à parler de « la philosophie du Christ» dans ses œuvres vers 1515. Déjà dans Julius Exclusus (Le pape Jules II exclu du ciel, 1514) il introduit l’idée lorsque saint Pierre oppose la simplicité divine de l’enseignement du Christ à l’arrogance mondaine du pape « guerrier » Jules II. « Ce genre de philosophie » s’exprimait « plus dans les émotions [affectibus] que dans les syllogismes », il s’agissait « d’inspiration plus que d’apprentissage, de transformation plus que de raisonnement ».↩︎
- Sur l’humanisme de Platon : Bierre, Christine, Platon contre Aristote, la République contre l’oligarchie . Page Web de Solidarité & Progrès, 2004. ↩︎
- Entre 339 et 397 après J.-C., le père de l’Église Jérôme de Stridon a étudié et écrit, en utilisant de nombreux ouvrages d’histoire et de philosophie de sa propre bibliothèque. Jérôme a continué à utiliser son érudition classique au service du christianisme et la discipline intellectuelle impliquée a été valorisée tant qu’elle pouvait servir l’objectif chrétien – et sans mettre en danger la nouvelle Société chrétienne. ↩︎
- L’épistémologie de saint Augustin d’Hippone était clairement platonicienne. Pour lui, malgré le fait que Dieu soit extérieur aux humains, les esprits humains ont conscience de lui en raison de son action directe sur eux (exprimée en termes de rayonnement de sa lumière sur l’esprit, ou parfois d’enseignement) et non en raison d’un raisonnement ou d’un apprentissage à partir d’une simple expérience sensorielle empirique. ↩︎
- Parmi les plus grands succès de Pieter Brueghel l’Ancien figurent Les Sept péchés capitaux et Les Vertus, deux séries de dessins, gravées et imprimées par ses amis et collaborateurs travaillant à l’imprimerie In de Vier Winden de Jérôme Cock à Anvers, dans un langage visuel adopté de son inspirateur, le peintre Jérôme Bosch. ↩︎
- La vie et l’art d’Albrecht Dürer, Erwin Panofsky, Princeton University Press, 1971. ↩︎
- Vanitas (du latin « vanité », signifiant dans ce contexte inutilité ou futilité) est un genre de memento mori ou trope symbolique rappelant l’inévitabilité de la mort, symbolisant la fugacité de la vie, la futilité du plaisir et donc la vanité d’une existence définie par la quête permanente du plaisir terrestre. ↩︎
- Sur le combat de Pétrarque et de Boccace pour l’introduction du grec classique en Europe : La révolution du grec ancien, Platon et la Renaissance, Karel Vereycken, Artkarel, 2021. ↩︎
- On ne peut sous-estimer l’immense popularité, et donc l’importance historique, de ces cycles, notamment en France. Aux Pays-Bas, les imaginaires de Pieter Brueghel l’Ancien pour son tableau Le Triomphe de la Mort , souvent mal compris, sont presque directement tirés du cycle poétique de Pétrarque. Des traductions en anglais existent comme The Triumphs of Petrarch, Francis Petrarch (Francesco Petrarca), Legare Street Press, 2022. ↩︎
- Avec Jérôme Bosch sur les traces du Sublime, Karel Vereycken, Page web des archives, Schiller Institute, Washington. ↩︎
- Bosch, le jardin des délices, Reindert Falkenburg, Hazan, Paris, 2015. ↩︎
- Dans son œuvre principale, Il Cortegiano (Le Courtisan), Livre XXXIX, Baldassar Castiglione (1478-1519) se moque de Léonard de Vinci, regrettant « qu’un des premiers peintres du monde méprise l’art dans lequel il est unique et ait commencé à apprendre la philosophie, dans laquelle il a forgé des conceptions et des chimères si étranges qu’il n’a jamais pu les peindre dans son œuvre » . ↩︎
- Cahiers de Léonard de Vinci , Richter, 1888, XIX Maximes philosophiques. Morale. Polémiques et spéculations , N° 1178, Éditions Dover, Vol. II., 1970. ↩︎
- De Docta Ignorantia (De la Docte Ignorance), Nicolas de Cues, 1440. Le cusain était un disciple de Socrate qui, selon Platon, disait « Je sais que je ne sais rien » (Platon, Apologie, 22d). ↩︎
- Avec son De Servo Arbitrio (La volonté asservie), Martin Luther répond largement en 1525 à la diatribe sive collation (Du libre arbitre) d’Érasme publiée un an plus tôt, en 1524. ↩︎
- Le 31 octobre 1517, Luther écrit à son évêque, Albert de Brandebourg, pour protester contre la vente des indulgences. Il joint à sa lettre une copie de sa Dispute sur la force et l’efficacité des indulgences, connue sous le nom des 95 Thèses. Érasme, entre autres, avait déjà largement dénoncé cette escroquerie, notamment dans son Éloge de la folie de 1509. ↩︎
- Les Flamands de France, Louis de Baecker, Messager des sciences historiques et archives des arts de Belgique, p. 181, Gand, Vanderhaeghen, 1850. ↩︎
- Massys et l’argent : les collecteurs d’impôts redécouverts, Larry Silver, JHNA, Volume 7, numéro 2 (été 2015), Silver écrit : « Pourtant, l’influence du tableau de Massys dans l’histoire de la peinture de genre – le sujet a été repris presque immédiatementpar le fils du peintre Jan Massys, par Marinus van Reymerswaele et par Jan van Hemessen – est reconnue depuis un certain temps. » ↩︎
- Ibid, note N° 23. ↩︎
- Écrite en quelques jours dans la résidence de Thomas More à Bucklersbury près de Londres, l’œuvre exprime le choc profond qu’éprouve Érasme en découvrant l’état pitoyable dans lequel il a trouvé « son » Église et « son » Italie, lorsqu’il est venu à Rome en 1506. Pour Érasme, à l’opposé des scolastiques, l’émotion ne doit pas être ignorée ou supprimée, mais élevée et éduquée, un thème développé plus tard par Friedrich Schiller dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1795). La Stultitia (le nom latin de la Folie) est la personnification de la Folie qui oscille en permanence entre folie apparente=sagesse réelle et sagesse apparente=folie réelle, s’exprime et revendique fermement sa paternité et sa paternité de tout. De la folie « douce » des faibles, des femmes et des enfants, des hommes qui par le péché ont abandonné la raison, Érasme passe à mobiliser toute son ironie et son esprit pour fustiger la folie criminelle « dure » des puissants, des « sophistes de la folie », des marchands, des banquiers, des princes, des rois, des papes, des théologiens et des moines. ↩︎
- La Nef des Fous , Sébastien Brant, Editions Seghers et Nuée Bleue, réimpression, 1979, Strasbourg. ↩︎
- Sebastian Brant, Forschungsbeiträge zu seinem Leben, zum Narrenschiff und zum übrigen Werk , Thomas Wilhelmi, Schwabe Verlag, p. 34, 2002, Bâle. ↩︎
- Dürer a réalisé cette gravure pour illustrer un recueil populaire intitulé Le Livre du chevalier de la tour, un manuel de bonne conduite pour les jeunes filles. Selon l’histoire, la femme du cuisinier aurait mangé une anguille destinée à un invité spécial, mais plutôt que de l’avouer à son mari, elle aurait menti. Une pie aurait révélé le secret de la femme à son mari, et aurait été punie en se faisant arracher les plumes par l’épouse vengeresse. Le cuisinier, représenté avec tous les attributs de son métier : couteau, poêle et cuillère, écoute l’oiseau avec une expression de surprise grandissante sur le visage, tandis que sa femme tourne son regard sur le côté dans une anticipation qui frise la résolution. ↩︎
- Le fait que l’écrivain et marchand italien Lodovico Guicciardini (1521-1589) ait vécu la majeure partie de sa vie à Anvers, même si c’est après 1542, fait de lui une source précieuse d’informations. ↩︎
- Pour Bruegel, son monde est vaste, entretien de l’auteur avec Michael Gibson, spécialiste de Bruegel et critique d’art à l’International Herald Tribune, Fidelio , Vol. 8, N° 4, Hiver 1998. ↩︎
- Sebastian Brant, op. cit., p. 23. ↩︎
- Sebastian Brant, op. cit., p. 27. ↩︎
- L’étude dendrochronologique a daté le bois de 1491, et il est tentant de voir le tableau comme une réponse au Nef des fous de Brant ou même aux illustrations de la première édition de 1493. Une autre source possible de l’allégorie du navire est le Pèlerinage de l’âme, oeuvre du cistercien Guillaume de Deguileville du XIVe siècle, imprimé en néerlandais en 1486. ↩︎
- Voir Moderne Devotie et Broeders en van het Gemene Leven, bakermat van het Humanisme , présentation de Karel Vereycken, 2011, Artkarel.com. ↩︎
- Ce thème, celui d’un détachement constant de l’univers des choses créées, puissamment développé par Joachim Patinir, Herri met de Bles et d’autres, est le thème central du Pèlerinage de l’Homme (L’Âme), Guillaume De Deguileville, XIVe siècle. ↩︎
- De Moderne Devotie, Spiritualiteit en cultuur vanaf de late Middeleeuwen, ouvrage collectif, WBooks, Zwolle, 2018. ↩︎
- C’est la vision de Denis le Chartreux (1401-1471), qui a écrit un traité d’esthétique théologique sous le titre De Venustate Mundi et Pulchritudine Dei (De l’attrait du monde et de la beauté de Dieu). ↩︎
- Il faut ici saluer le travail pionnier du Pr. Eric de Bruyn dans son remarquable livre De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001, où il a démontré de manière concluante que le sujet du verso du tableau de Bosch « Le chariot à foin » n’était pas le « Retour du fils prodigue », comme on l’a pensé pendant des années, mais bien « Le colporteur ».↩︎
- Pour un récit détaillé de la jeunesse de Matsys, voir Quinten Metsys, Andrée de Bosque, p. 33, Arcade Press, Bruxelles, 1975. ↩︎
- La légende commence avec Dominicus Lampsonius (1536-1599) qui inclut, dans ses Effigies de quelques peintres célèbres de Basse-Allemagne, publiées en 1572 par la veuve de Hieronymus Cock à Anvers, un portrait gravé de Matsys réalisé par Wierix, accompagné d’un poème sur la façon dont la petite amie de Matsys préférait le pinceau silencieux au bruit lourd des coups de marteau d’un forgeron. L’histoire est reprise en 1604 par Karel van Mander dans son Schilder-Boeck et plus tard par Alexander van Fornenberg (1621-1663) dans sa présentation enthousiaste de Matsys, Den Antwerpschen Protheus, souvent Cyclopshen Apelles ; c’est-à-dire ; Het Leven, ende Konst-rijcke Daden, des Uyt-nemenden, ende Hoogh-beroemden, M. Quinten Matsys : Van Grof-Smidt, in Fyn-Schilder verandert, Anvers, publié par Hendrick van Soest, 1658. ↩︎
- Le Livre des peintres , Karel Van Mander, 1604. ↩︎
- Quinten Metsys, Edward van Even, dans Het Belfort, Jaargang 12, 1897, Digitale Bibliotheek voor de Nederlands letteren, page Web. ↩︎
- Dessins d’architecture des Pays-Bas : XVe-XVIe siècles , Oliver Kik, CODART eZine, no. 8, automne 2016. ↩︎
- Pour en savoir plus : Cornelis Matsys 1510/11-1556/57 : Grafisch werk, Jan Van der Stock, Tentoonstellingscatalogus. ↩︎
- Les Pays-bas bourguignons , Walter Prevenier et Wim Blockmans, Fonds Mercator et Albin Michel, 1983. ↩︎
- Pour un compte rendu détaillé, voir The Age of the Fuggers, Franz Herre, Presse-Druck- und Verlag-GmbH Augsburg, 1985. ↩︎
- En 1548, Francisco de Hollanda(1517-1585) a enregistré dans son De Pinture Antigua (1548) une conversation entre Vittoria Colonna et le célèbre peintre Michel-Ange au cours de laquelle ils discutaient de l’art du Nord. Michel-Ange exprimait ainsi son point de vue sur la peinture flamande : « En général, Madame, la peinture flamande plaira mieux au dévot que n’importe quelle peinture d’Italie, qui ne lui fera jamais verser une larme, tandis que celle de Flandre lui en fera verser beaucoup ; et cela non pas à cause de la vigueur et de la bonté de la peinture, mais à cause de la bonté de la personne dévote. En Flandre, on peint en vue de la précision extérieure ou de choses qui peuvent vous réjouir et dont on ne peut pas dire du mal, comme par exemple les saints et les prophètes. On peint des objets et des maçonneries, l’herbe verte des champs, les ombres des arbres, des rivières et des ponts, qu’on appelle des paysages, avec beaucoup de figures d’un côté et beaucoup de figures de l’autre. » Et tout cela, bien que cela plaise à certains, se fait sans choix habile d’audace et, finalement, sans substance ni vigueur. »↩︎
- Sur cet artiste : voir Thierry Bouts, Catheline Périer D’Ieteren, Fonds Mercator, Bruxelles, 2005. ↩︎
- Sur cet artiste : voir Hugo van der Goes, Elisabeth Dhanens, Mercatorfonds, Anvers, 1998. Aussi Hugo van der Goes et la Devotio Moderna, Karel Vereycken, Artkarel.com. ↩︎
- Voir Schilderkunst in de Bourgondische Nederlanden, Berhard Ridderbos, Davidsfonds, Louvain, 2014. ↩︎
- Les trois degrés de la vision selon Ruysbroeck l’Admirable et les Bergers du triptyque Portinari de Hugo van der Goes , Delphine Rabier dans Études en Spiritualité , N° 27, pp. 163-179, 2017. Dans son deuxième ouvrage bruxellois, Die geestelike brulocht (Le Mariage Spirituel — vers 1335/40), Ruusbroec explique que la vie spirituelle passe par trois étapes au cours desquelles l’amour de Dieu s’approfondit à chaque fois : la vie de travail, la vie intérieure et la vie de réflexion sur Dieu. Ruusbroec souligne que le mystique qui a atteint le stade le plus élevé n’abandonne jamais les deux précédents, mais les pratique à partir de l’union avec Dieu. C’est ce que Ruusbroec appelle la vie « commune ».
↩︎ - Sur cet artiste : voir Rogier van der Weyden, Dirk De Vos, Mercatorfonds, Anvers, 1999. ↩︎
- Sur les compositions musicales de Jacob Obrecht (1457-1505), voir Musique flamande, Robert Wangermée, Arcade, Bruxelles, 1968. ↩︎
- Le musicien de Metsys : une œuvre de jeunesse récemment reconnue, Larry Silver, Journal of Historians of Netherlandish Art (JHNA), volume 10, numéro 2, été 2018. ↩︎
- De la Renaissance à Ferrare : Une Renaissance Singulière – La Cour Des Este À Ferrare – Bentini Jadranka, Quo Vadis, 2003. ↩︎
- L’école latine des Frères de la Vie Commune de Deventer fut dirigée à l’époque d’Érasme par Alexandre Hégius (1433-1498), élève du célèbre Rodolphe Agricola (Huisman) (1442-1485), disciple de Cues et fervent défenseur de la Renaissance italienne et de la littérature classique. Érasme le qualifia d’« intellect divin ». À 24 ans, Agricola fit un tour d’Italie pour donner des concerts d’orgue et rencontra Ercole d’Este I (1431-1505), souverain de la cour de Ferrare. À l’université de Pavie, il découvrit également les horreurs de la scolastique aristotélicienne. Lorsqu’il enseignait à Deventer, Agricola commençait son cours en disant : « Ne vous fiez à rien de ce que vous avez appris jusqu’à ce jour. Rejetez tout ! Partez du point de vue qu’il faut tout désapprendre, sauf ce que vous pouvez redécouvrir en vous basant sur votre propre autorité ou sur des décrets d’auteurs supérieurs. »↩︎
- L’hypothèse d’un voyage de Quentin Matsys en Italie a notamment été suggérée par l’auteur italien Limentani Virdis, qui attribue même au peintre la paternité d’une fresque de l’oratoire milanais de l’abbaye Santa Maria di Rovegnano. ↩︎
- L’Art flamand, p. 261, Dirk de Vos, Fonds Mercator, 1985. ↩︎
- Discours sur le libre arbitre, Érasme, Bloomsbury Revelations, 2013. ↩︎
- Van Eyck, peintre flamand utilisant l’optique arabe, Karel Vereycken, conférence sur le thème « La perspective dans la peinture religieuse flamande du XVe siècle » à l’Université Paris Sorbonne du 26 au 28 avril 2006; Le rôle d’Avicenne et de Ghiberti dans l’invention de la perspective à la Renaissance , Karel Vereycken, Artkarel, 2022. ↩︎
- Van Eyck, une révolution optique, Maximiliaan Martens, Till-Holger Borchert, Jan Dumolyn, Johan De Smet et Frederica Van Dam, Hannibal, MSK Gent, 2020. ↩︎
- Ibn al-Haytham sur la vision binoculaire : un précurseur de l’optique physiologique, Sciences et philosophie arabes, pp. 79-99, Raynaud, Dominique, Cambridge University Press, 2003. ↩︎
- Léon Battista Alberti (1404-1472)publie en 1435 son De Pictura . Bien que l’ouvrage développe d’importants concepts géométriques utilisés dans la représentation en perspective, il manque de toute forme d’illustration ou d’image et ne s’intéresse pas à la formation des images dans l’esprit des spectateurs. Léonard a pris le temps de démontrer les limites du système albertien et a présenté quelques alternatives. ↩︎
- Fondements de la Renaissance, architecture et traités dans le retable de Sainte-Anne de Quentin Matsys (1509), Jochen Ketels et Maximiliaan Martens, European Architectural Historians Network, EAHN : Enquête et écriture de l’histoire de l’architecture : sujets, méthodologies et frontières. p.1072-1083. ↩︎
- Ibid, note N° 90. ↩︎
- De prospectiva pingendi ( De la perspective de la peinture ), écrit par Piero della Francesca (1415-1492) est le premier traité de la Renaissance en italien consacré au sujet de la perspective. Voir L’Œuf sans ombre de Piero della Francesca , Karel Vereycken, Fidelio , Vol. 9, N° 1, printemps 2000, Schiller Institute, Washington. ↩︎
- Ibid, note N° 90. ↩︎
- Joachim Patinir, Het landschap als beeld van de levenspelgrimage, Reindert L. Falkenburg, Nimègue, 1985. ↩︎
- Plus d’informations à ce sujet dans Albrecht Dürer, Anja-Franziska Eichler, Könemann, 1999, Cologne, p. 112. ↩︎
- A ce sujet, voir Le Collège des Trois langues de Louvain (1517-1797), Pr. Jan Papy, Editions Peeters, Louvain, 2018. ↩︎
- Jacopo de’ Barbari et l’art du Nord du début du XVIe siècle, Jay A. Levenson, Université de New York, 1978. ↩︎
- Quatre livres sur les proportions humaines, Albrecht Dürer, 1528. Il convient de noter, pour notre sujet ici, que l’artiste, dans le troisième livre, donne des principes par lesquels les proportions des figures peuvent être modifiées, y compris la simulation mathématique de miroirs convexes et concaves. ↩︎
- Citation de Gravures italiennes de la National Gallery of Art, Jay A. Levenson, Konrad Oberhuber, Jacquelyn L. Sheehan, National Gallery of Art, 1971. ↩︎
- Albrecht Dürer, Journal de son voyage aux Pays-Bas, 1520-1521. Accompagné du carnet de croquis à la pointe d’argent et des peintures et dessins réalisés pendant son voyage, New York Graphic Society, Greenwich, 1996. ↩︎
- Ibid, Note N° 14. ↩︎
- Sur ceux qui sont aux gages des grands, Lucien de Samosate, traduit par Eugène Talbot, Hachette, Paris, 1866. ↩︎
- Ibid, Note N° 102. ↩︎
- Ibid, Note N° 102. ↩︎
- Erasme parmi nous, p. 72-73, Léon E. Halkin, Fayard, Paris, 1987. ↩︎
- Joseph d’Arimathie est un personnage biblique qui a assumé la responsabilité de l’enterrement de Jésus après sa crucifixion. ↩︎
- Hérode le Grand (vers 72 – vers 4 av. J.-C.) était un « roi client » (satrape) juif romain du royaume de Judée. Il est connu pour ses projets de construction colossaux, notamment la reconstruction du Second Temple de Jérusalem. ↩︎
- Sur le rôle de Jules II dans la reconstruction de Rome, voir Ceque l’humanité peut apprendre de l’école d’Athènes de Raphaël, Karel Vereycken, Artkarel.com, 2022. ↩︎
- Ibid, note N° 82. ↩︎
- Marlier, op. cit, p. 252. ↩︎
- Sur le rôle des Fugger et des Welser dans l’esclavage financier et physique au XVIe siècle, voir Jacob le Riche, père du fascisme financier, Karel Vereycken, Artkarel, 2024. ↩︎
- Georges Marlier, Op. cit. ↩︎
- Geoerges Marlier, Op. cit. p. 270. ↩︎
- Pour une analyse détaillée : Le prêteur et sa femme de Quinten Metsys , Emmanuelle Revel, Collection Arrêt sur œuvre, Service culturel, Action éducative, Louvre, Paris, 1995. ↩︎
- Les primitifs flamands, Erwin Panofsky, Harvard University Press, 1971, traduit de l’anglais par Dominique Le Bourg, Hazan, collection « 35/37 », Paris, 1992, pp. 280-282. ↩︎
- Le siècle de Bruegel. La Peinture en Belgique qu XVIe siècle , catalogue d’exposition 27 septembre – 24 novembre 1963, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, notice dirigée par Georges Marlier. ↩︎
- Pour une analyse approfondie, voir les points de vue opposés : d’un côté, la nature diabolique des miroirs, dans Histoire du miroir , Sabine Melchior-Bonnet, Imago, Paris, 1994, et sur leur rôle de médiateur du divin, De Visione Dei , de Nicolas de Cues, 1453. ↩︎
- L’hypothèse d’Oxford , Dominique Raynaud, Presses Universitaires de France, Paris, 1988. ↩︎
- Jan van Eyck, peintre flamand utilisant l’optique arabe , conférence de Karel Vereycken en 2006 à l’Université de la Sorbonne, Artkarel, France. ↩︎
- Pour une analyse complète : Petrus Christus , Maryan W. Ainsworth et Maximiliaan PJ Martens, p. 96. ↩︎
- Iconographie de l’art chrétien, Louis Réau, Presses Universitaires de France, 1958, tome III, Iconographie des saints , pp. ↩︎
- Ibid, note 90. ↩︎
- Philippe d’Aarschot, dans Gids voor de Kunst in België, p. 105, Spectrum, 1965. ↩︎
- Les Lais de Corinthe de Holbein, 1526, témoignent de l’influence de Léonard de Vinci. Pierre Vays, professeur honoraire d’histoire de l’art à la Faculté de Genève, souligne également la « touche léonardesque de certaines de ses compositions », dans Holbein le Jeune , sur https://www.clio.fr . ↩︎
- Léonard de Vinci a probablement peint une partie de la réplique belge de « La Cène », Maïthé Chini , The Brussels Times, 2 mai 2019. ↩︎
- Dans Les grotesques et mouvements de l’âme, Léonard de Vinci conçu par Wenceslaus Hollar à la Fondation Pedretti, Federico Giannini, Finstre Sull’Arte, 26 mars 2019. ↩︎
- Les dix livres de l’architecture, Vitruve. ↩︎
- Erasme, Eloge de la folie, Chap. XXXI. ↩︎
- Erasme, Colloques, traduit par Etienne Wolff, Editions Imprimerie nationale, 1992. ↩︎
- Erasme, Colloques, Vol. II, traduit par Etienne Wolff, Editions Imprimerie nationale, 1992. ↩︎
- Peinture néerlandaise ancienne, tome 7, Quentin Massys , Max J. Friedländer, Editions de la Connaissance, Bruxelles, 1971. ↩︎
- Cranach der Ältere und die Niederlande , Till-Holger Borchert, dans Die Welt von Lucas Cranach , éditions G. Messling, 2010. ↩︎
- Les couples mal assortis – Lucas Cranach, Perceval, eve-adam.over-blog.com , 2016 ↩︎
- La duchesse laide de Quinten Massys, Une analyse , Katie Shaffer, Academia.edu, 2015. ↩︎
- Citation dans La représentation des femmes dans l’art de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance , Christa Grössinger, Manchester University Press, 1997. p. 136. ↩︎
- Léonard de Vinci, Daniel Arasse , p. 36, Hazan, Paris, 1997. ↩︎
- L’Encyclopédie Larousse note que « L’influence de Léonard apparaît dans une Vierge à l’Enfant (musée de Poznań), inspirée de la Vierge et sainte Anne, et se lit également dans la facture de la Vierge Rattier (1529, Louvre) ou de la Madeleine (musée d’Anvers). Elle a peut-être inspiré la tendance caricaturale du Vieillard (1514, Paris, musée Jacquemart-André), de la Femme laide (copie à Londres, N. G.) et peut-être même manifestée des scènes de genre comme le Vieux galant (Washington, N. G.) ou l’Usurier (Rome, Gal. Doria-Pamphili). »↩︎
- Résolu : le mystère de la vilaine duchesse – et le lien avec Da Vinci, Mark Brown, The Guardian , 11 octobre 2008. ↩︎
- Ibid. note N° 138. ↩︎
- Groteske koppen van Quinten Metsijs, Hieronymus Cock en Hans Liefrinck naar Leonardo da Vinci, Jan Muylle, De Zeventiende Eeuw, 10e Année, 1994. ↩︎
- Ibid. note N° 5. ↩︎
- Creativity and Humor, Chapter 4 – Why Humor Enhances Creativity From Theoretical Explanations to an Empirical Humor Training Program: Effective “Ha-Ha” Helps People to “A-Ha”, Ching-Hui Chen, Hsueh-Chih Chen, Anne M. Roberts, pages 83-108, Explorations in Creativity Research, 2019. ↩︎
- De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd, Herman Pleij, p. 11, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam. ↩︎
How James Ensor ripped off the mask off the oligarchy



By Karel Vereycken,
December 2022.
James Ensor was born on April 13, 1860 into a petty-bourgeois family in Ostend, Belgium. His father, James Frederic Ensor, a failed English engineer and anti-conformist, sank into alcoholism and heroin addiction.
His mother, Maria Catherina Haegheman, a Flemish-Belgian who did little to encourage his artistic vocation, ran a store selling souvenirs, shells, chinoiserie, glassware, stuffed animals and carnival masks – artifacts that were to populate the painter’s imagination.
A bubbly spirit, Ensor was passionate about politics, literature and poetry. Commenting on his birth at a banquet held in his honor, he once said:
« I was born in Ostend on a Friday, the day of Venus [goddess of peace]. Well, dear friends, as soon as I was born, Venus came to me smiling, and we looked into each other’s eyes for a long time. Ah! the beautiful green persian eyes, the long sandy hair. Venus was blonde and beautiful, all smeared with foam, smelling of the salty sea. I soon painted her, for she bit my brushes, ate my colors, coveted my painted shells, ran over my mother-of-pearl, forgot herself in my conch shells, salivated over my brushes ».
After an initial introduction to artistic techniques at the Ostend Academy, he moved to Brussels to live with his half-brother Théo Hannon, where he continued his studies at the Académie des Beaux Arts. In Théo’s company, he was introduced to the bourgeois circles of left-wing liberals that flourished on the outskirts of the Université libre de Bruxelles (ULB).
With Ernest Rousseau, a professor at the Université libre de Bruxelles (ULB), of which he was to become rector, Ensor discovered the stakes of the political struggle. Madame Rousseau was a microbiologist with a passion for insects, mushrooms and… art.
The Rousseaus held their salon on rue Vautier in Brussels, near Antoine Wiertz‘s studio and the Royal Belgian Institute of Natural Sciences. A privileged meeting place for artists, freethinkers and other influential minds.
Back in Ostend, Ensor set up his studio in the family home, where he produced his first masterpieces, portraits imbued with realism and landscapes inspired by Impressionism.
The Realm of Colors
« Life is but a palpitation« , exclaimed Ensor. His clouds are masses of gray, gold and azure above a line of roofs. His Lady at the Breakwater (1880) is caught in a glaze of gray and mother-of-pearl, at the end of the pier. Ensor is an orchestral conductor, using knives and brushes to spread paint in thin or thick layers, adding pasty accents here and there.

His genius takes full flight in his painting The Oyster Eater (1882). Although the picture seems to exude a certain tranquility, in reality he is painting a gigantic still life that seems to have swallowed his younger sister Mitche.
The artist initially called his work “In the Realm of Colors”, more abstract than La Mangeuse d’huîtres, since colors play the main role in the composition.
The mother-of-pearl of the shells, the bluish-white of the tablecloth, the reflections of the glasses and bottles – it’s all about variation, both in the elaboration and in the tonalities of color. Ensor retained the classical approach: he always used undercoats, whereas the Impressionists applied paint directly to the white canvas.
The pigments he uses are also very traditional: vermilion red, lead white, brown earth, cobalt blue, Prussian blue and synthetic ultramarine. The chrome yellow of La Mangeuse d’huîtres is an exception. The intensity of this pigment is much higher than that of the paler Naples yellow he had previously used.
The writer Emile Verhaeren, who later wrote the painter’s first monograph, contemplated La Mangeuse d’huîtres and exclaimed: « This is the first truly luminous canvas ».
Stunned, he wanted to highlight Ensor as the great innovator of Belgian art. But opinion was not unanimous. The critics were not kind: the colors were too garish and the work was painted in a sloppy manner. What’s more, it’s immoral to paint « a subject of second rank » (in monarchy, there are no citizens, only « subjects », a woman not being part of the aristocracy) in such dimensions – 207 cm by 150 cm.
In 1882, the Salon d’Anvers, which exhibited the best of contemporary art, rejected the work. Even his former Brussels colleagues at L’Essor rejected La Mangeuse d’huîtres a year later.
The XX group

In Belgium, for example, the artistic revolution of 1884 began with a phrase uttered by a member of the official jury: « Let them exhibit at home! » he proclaimed, rejecting the canvases of two or three painters; and so they did, exhibiting at home, in « citizens’ salons », or creating their own cultural associations.
It was against this backdrop that Octave Maus and Ensor founded the « Groupe des XX », an avant-garde artistic circle in Brussels. Among the early « vingtists », in addition to Ensor, were Fernand Khnopff, Jef Lambeaux, Paul Signac, George Minne and Théo Van Rysselberghe, whose artists included Ferdinand Rops, Auguste Rodin, Camille Pissarro, Claude Monet, Georges Seurat, Gustave Caillebotte and Henri de Toulouse-Lautrec.
It wasn’t until 1886, therefore, that Ensor was able to exhibit his innovative work La mangeuse d’huîtres for the first time at the Groupe des XX. But this was not the end of his ordeal. In 1907, the Liège municipal council decided not to buy the work for the city’s Musée des Beaux-Arts.
Fortunately, Ensor’s friend Emma Lambotte did not give up on the painter. She bought the painting and exhibited it in her salon citoyen.
Social and political commitment

The social unrest that coincided with his rise as a painter, and which culminated in tragedy with the deadly clashes between workers and civic guards in 1886, prompted him to find in the masses, as a collective actor, a powerful companion in misfortune. At the end of the 19th century, the Belgian capital was a bubbling cauldron of revolutionary, creative and innovative ideas. Karl Marx, Victor Hugo and many others found exile here, sometimes briefly. Symbolism, Impressionism, Pointillism and Art Nouveau all vied for glory.
While Marx was wrong on many points, he did understand that, at a time when finance derived its wealth from production, the modernization of the means of production bore the seeds of the transformation of social relations. Sooner or later, and at all levels, those who produce wealth will claim their rightful place in the decision-making process.
Ensor’s fight for freer art reflects and coincides with the epochal change taking place at the time.
Originating in Vienna, Austria, the banking crisis of May 1873 triggered a stock market crash that marked the beginning of a crisis known as the Great Depression, which lasted throughout the last quarter of the 19th century.
On September 18, 1873, Wall Street was panic-stricken and closed for 10 days. In Belgium, after a period marked by rapid industrialization, the Le Chapelier law, which had been in force since 1791, i.e. forty years before the birth of Belgium, and which prohibited the slightest form of workers’ organization, was repealed in 1867, but strikes were still a crime punishable by the State.
It was against this backdrop that a hundred delegates representing Belgian trade unions founded the Belgian Workers’ Party (POB) in 1885. Reformist and cautious, in 1894 they called not for the « dictatorship of the proletariat », but for a strong « socialization of the means of production ». That same year, the POB won 20% of the votes cast in the parliamentary elections and had 28 deputies. It participated in several governments until it was dissolved by the German invasion of May 1940.
Victor Horta, Jean Jaurès and the Maison du Peuple in Brussels

The architect Victor Horta, a great innovator of Art Nouveau whose early houses symbolized a new art of living, was commissioned by the POB to build the magnificent « Maison du Peuple » in Brussels, a remarkable building made mainly of steel, housing a maximum of functionalities: offices, meeting room, stores, café, auditorium…
The building was inaugurated in 1899 in the presence of Jean Jaurès. In 1903, Lenintook part in the congress of the Russian Social-Democratic Workers’ Party.
Jean Jaurès gave his last speech on July 29, 1914, at the Cirque Royal in Brussels, during a major meeting of the Socialist International to save peace. Speaking of the threat of war, Jaurès said: « Attila is on the brink of the abyss, but his horse is still stumbling and hesitating ».
Opposing, as he did all his life, France’s submission to a subordinate role, he said:
« If we appeal to a secret treaty with Russia, we will appeal to a public treaty with Humanity ». And he ended his speech, the best of his life, with these prophetic words, written almost literally: « At the beginning of the war, everyone will be drawn in. But when the consequences and disasters unfold, the people will say to those responsible: ‘Go away and may God forgive you' ».
According to eyewitness accounts, Jaurès’ speech in Brussels aroused thousands of people from all classes of society. Two days later, on July 31, 1914, Jaurès was assassinated on his return to Paris, and the Maison du Peuple in Brussels was demolished in 1965 and replaced by a model of ugliness.
Doctrinary Food

Ensor’s art, especially his etchings, echoed this upheaval. His social and political criticism permeates his best work, none of which is perhaps as virulent as his etching DoctrinaryFood (1889/1895) showing figures embodying the powers that be (the King of the Belgians, the clergy, etc.) literally defecating on the masses, a nasty habit that remains entrenched among our French « elites », if we review the treatment meted out, without the slightest discrimination, to our « yellow vests ».
In these engravings, Ensor presents the major demands of the POB: universal suffrage (passed in 1893, albeit imperfectly, at least for men), « personal » military service (i.e. for all, passed in 1913) and compulsory universal education (passed in 1914).
Revenge
Faced with injustice and incomprehension, Ensor can no longer suppress his righteous anger. For his own amusement – and, let’s face it, revenge – he set out to « get even » with those who ignored, despised and sabotaged him, above all the Belgian aristocracy, who clung to their privileges like mussels to rocks.
Deconstructing the straitjacket of academic rules, and drawing inspiration from Goya, Ensor forged a powerful language of metaphor and symbol. Between 1888 and 1892, Ensor began to deal with religious themes. Like Gauguin and Van Gogh, he identified with the persecuted Christ.

In 1889, at the age of 28, he painted L’Entrée du Christ à Bruxelles, a vast satirical canvas that made his name. Even those closest to him, eager for recognition in order to exist, didn’t want it. The painting was rejected at the Salon des XX, where there was talk of excluding him from the Cercle, of which he was a founding member! Against Ensor’s wishes, the « vingtistes », racing towards success, split up four years later to re-create themselves under the name of La Libre Esthétique.
In this work, a large red banner reads « Vive la sociale », not « Vive le Christ ». Only a small panel on the side applauds Jesus, King of Brussels. But what on earth is the prophet, with the painter’s features and almost lost in the crowd, doing in Brussels? Has socialism replaced Christianity to such an extent that if Jesus were to return today, he would do so under the banner « For Ensor’s friends, he had lost his mind.
The Belgian lawyer and art critic Octave Maus, co-founder with Ensor of Les XX, famously summed up the reaction of contemporary art critics to Ensor’s « pictorial outburst »:
« Ensor is the leader of a clan. Ensor is in the limelight. Ensor summarizes and concentrates certain principles that are considered anarchist. In short, Ensor is a dangerous person who has initiated great changes (…) He is therefore marked for blows. All the harquebuses are aimed at him. It is on his head that the most aromatic containers of the so-called serious critics are poured ».
In 1894, he was invited to exhibit in Paris, but his work, more intellectual than aesthetic, aroused little interest. Desperate for success, Ensor persisted with his wild, saturated and violently variegated painting.
Skeletons and masks

Skulls, skeletons and masks burst into his work very early on. This is not the morbid imagination of a sick mind, as his slanderers claim. Radical? Insolent? Certainly; sarcastic, often; pessimistic? Never; anarchist? let’s rather say « yellow vest spirit », i.e. strongly contesting an established order that has lost all legitimacy and, absorbed in immense geopolitical maneuvers, is marching like a horde of sleepwalkers towards the « Great War » and the Second World War that’s coming behind!
Dead heads, symbols of truth

Poetically, Ensor resurrected the ultra-classical Renaissance metaphor of the « Vanities« , a very Christian theme that already appeared in « The Triumph of Death », the poem by Petrarch that inspired the Flemish painter Pieter Bruegel the Elder, and Holbein’s series of woodcuts, « The Dance of Death ».
A skull juxtaposed with an hourglass were the basic elements for visualizing the ephemeral nature of human existence on earth. As humans, this metaphor reminds us, we constantly try not to think about it, but inevitably, we all end up dying, at least on a physical level. Our « vanity » is our constant desire to believe ourselves eternal.
Ensor did not hesitate to use symbols. To penetrate his work, you need to know how to read the meaning behind them. Visually, in the face of the triumph of lies and hypocrisy, Ensor, like a good Christian, sets up death as the only truth capable of giving meaning to our existence. Death triumphs over our physical existence.
Masks, symbols of lies

Gradually, as in Death and Masks (1897) (image at the top of this article), the artist dramatized this theme even further, pitting death against grotesque masks, symbols of human lies and hypocrisy.1
Often in his works, in a sublime reversal of roles, it is death who laughs and it is the masks who howl and weep, never the other way around.
It may sound grotesque and appalling, but in reality it’s only normal: truth laughs when it triumphs, and lies weep when they see their end coming! What’s more, when death returns to the living and shows the trembling flame of the candlestick, the latter howl, whereas the former has a big advantage: it’s already dead and therefore appears to live without fear!
No doubt thinking of the Brussels aristocracy who flocked to Ostend for a dip, Ensor wrote:
« Ah, you have to see the masks, under our great opal skies, and when, daubed in cruel colors, they evolve, miserable, their spines bent, pitiful under the rains, what a pitiful rout. Terrified characters, at once insolent and timid, snarling and yelping, voices in falsetto or like unleashed bugles ».
The same Ensor also castigated bad doctors pulling a huge tapeworm out of a patient’s belly, kings and priests whom he painted literally « shitting » on the people. He criticized the fishwives in the bars, the art critics who failed to see his genius and whom he painted in the form of skulls fighting over a kipper (a pun on « Art Ensor »).
The King’s Notebooks
In 1903, a scandal of unprecedented proportions shook Belgium, France and neighboring countries. Les Carnets du Roi (The King’s Notebooks), a work published anonymously in Paris and quickly banned in Brussels, portrayed a white-bearded autocrat: Leopold II, King of the Belgians, without naming him. Arrogant, pretentious and cunning, he was more concerned with enriching himself and collecting mistresses than ensuring the common good of his citizens and respect for the laws of a democratic state. The book, published by a Belgian publisher based in Paris, was the brainchild of a Belgian writer from the Liège region, Paul Gérardy (1870-1933), who happened to be a friend of Ensor.
The story of the Carnets du Roi is first and foremost that of a monarch who was not only mocked in writing and drawing throughout his reign, but also criticized extremely harshly for the methods used to govern his personal estate in the Congo. Divided into some thirty short chapters, the work is presented as a series of letters and advice from the aging king to his soon-to-be successor on the throne, his nephew Albert, who went on to become Ensor’s patron and, along with his friend Albert Einstein, whom he welcomed to Belgium, was deeply involved in preventing the outbreak of the Second World War.
In Les Carnets, a veritable satire, the monarch explains how hypocrisy, lies, treachery and double standards are necessary for the exercise of power: not to ensure the good of the « common people » or the stability of the monarchical state, but quite simply to shamelessly enrich himself.
The pages devoted to the exploitation of the people of the Congo and the « re-establishment of slavery » (sic) by a king who, via the explorer Stanley, was said to have been one of its eradicators, are ruthlessly lucid, and echo the most authoritative denunciations of the white-bearded monarch, to whom Gérardy lends these words:
« I took care to have it published that I was only concerned with civilizing the negroes, and as this nonsense was asserted with sincerity by a few convinced people, it was quickly believed and saved me some trouble ».
Meeting Albert Einstein
After 1900, the first exhibitions were devoted to him. Verhaeren wrote his first monograph. But, curiously, this success defused his strength as a painter. He contented himself with repeating his favorite themes or portraying himself, including as a skeleton. In 1903, he was awarded the Order of Leopold.
The whole world flocked to Ostend to see him. In early 1933, Ensor met Albert Einstein, who was visiting Belgium after fleeing Germany. Einstein, who resided for several months in Den Haan, not far from Ostend, was protected by the Belgian King, Albert I, with whom he coordinated his efforts to prevent another world war.
If it is claimed that Ensor and Einstein had little understanding of each other, the following quotation rather indicates the opposite.

Ensor, always lyrical, is quoted as saying:
« Let us all promptly praise the great Einstein and his relative orders, but let us condemn algebraism and its square roots, geometers and their cubic reasons. I say the world is round.… »
In 1929, King Albert I conferred the title of Baron on James Ensor. In 1934, listening to all that Franklin Roosevelt had to offer and seeing Belgium caught up in the turmoil of the 1929 crash, the King of the Belgians commissioned his Prime Minister De Broqueville to reorganize credit and the banking system along the lines of the Glass-Steagall Act model adopted in the United States in 1933.
On February 17, 1934, during a climb at Marche-les-Dames, Albert I died under conditions that have never been clarified. On March 6, De Broqueville made a speech to the Belgian Senate on the need to mourn the Treaty of Versailles and to reach an agreement with Germany on disarmament between the Allies of 1914-1918, failing which we would be heading for another war…
De Broqueville then energetically embarked on banking reform. On August 22, 1934, several Royal Decrees were promulgated, in particular Decree no. 2 of August 22, 1934, on the protection of savings and banking activities, imposing a split into separate companies, between deposit banks and business and market banks.
Pictorial bombs
From 1929 onwards, Ensor was dubbed the « Prince of Painters ». The artist had an unexpected reaction to this long-awaited recognition, which came too late for his liking: he gave up painting and devoted the last years of his life exclusively to contemporary music, before dying in 1949, covered in honors.

In 2016, a painting by Ensor from 1891, dubbed « Skeleton stopping masks », which had remained in the same family for almost a century and was unknown to historians, sold for 7.4 million euros, a world record for this artist. In the center, death (here a skull wearing the bearskin cap typical of the 1st Grenadier Regiment) is caught by the throat by strange masks that could represent the rulers of countries preparing for future conflicts.
Are the masks (the lie) about to strangle the truth (the skull and crossbones) without success? And so, over a hundred years later, Ensor’s pictorial bombs are still happily exploding in the heads of the narrow-minded, the floured bourgeois and the piss-poor, as he himself would have put it.
Notes:
- In 1819, another artist, the English poet Percy Bysshe Shelley, composed his political poem The Mask of Anarchy in reaction to the Peterloo massacre (18 dead, 700 wounded), when cavalry charged a peaceful demonstration of 60,000-80,000 people gathered to demand reform of parliamentary representation. In this call for liberty, he denounces an oligarchy that kills as it pleases (anarchy). Far from a call for anarchic counter-violence, it is perhaps the first modern declaration of the principle of non-violent resistance. ↩︎
Avec le peintre James Ensor, arrachons le masque à l’oligarchie !



James Ensor est né le 13 avril 1860 dans une famille de la petite-bourgeoisie d’Ostende en Belgique. Son père, James Frederic Ensor, un ingénieur raté anglais anti-conformiste, sombre dans l’alcoolisme et l’héroïne.
Sa mère, Maria Catherina Haegheman, belge flamande, qui n’encourage guère sa vocation artistique, tient un magasin de souvenirs, coquillages, chinoiseries, verroteries, animaux empaillés et masques de carnaval, des artefacts qui peupleront l’imagination du peintre.
Esprit pétillant, James se passionne pour la politique, la littérature et la poésie. Un jour, commentant sa naissance lors d’un banquet offert en son honneur, il dira :
« Je suis né à Ostende un vendredi, jour de Vénus [déesse de la Paix]. Eh bien ! chers amis, Vénus, dès l’aube de ma naissance, vint à moi souriante et nous nous regardâmes longuement dans les yeux. Ah ! les beaux yeux pers et verts, les longs cheveux couleur de sable. Vénus était blonde et belle, toute barbouillée d’écume, elle fleurait bon la mer salée. Bien vite je la peignis, car elle mordait mes pinceaux, bouffait mes couleurs, convoitait mes coquilles peintes, elle courait sur mes nacres, s’oubliait dans mes conques, salivait sur mes brosses.«
Après une première initiation aux techniques artistiques à l’Académie d’Ostende, il débarque à Bruxelles chez son demi-frère Théo Hannon pour y poursuivre ses études à l’Académie des Beaux Arts. En compagnie de Théo, il est introduit dans les cercles bourgeois de libéraux de gauche qui fleurissent en périphérie de l’Université libre de Bruxelles (ULB).
Chez Ernest Rousseau, professeur à l’Université libre de Bruxelles, dont il deviendra recteur, Ensor découvre les enjeux de la lutte politique. Madame Rousseau est microbiologiste, passionnée d’insectes, de champignons et… d’art. Les Rousseau tiennent salon, rue Vautier à Bruxelles, près de l’atelier d’Antoine Wiertz et de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. Rendez-vous privilégié pour les artistes, les libres penseurs et autres esprits influents. Ensor y rencontre Félicien Rops et son beau-fils Eugène Demolder, mais aussi peut-être l’écrivain et critique d’art Joris-Karel Huysmans ainsi que l’anarchiste communard et géographe français Elisée Reclus.
De retour à Ostende, Ensor installe son atelier dans la maison familiale où il réalise ses premiers chefs-d’œuvre, portraits empreints de réalisme et paysages inspirés par l’impressionnisme.
Aux pays des couleurs
« La vie n’est qu’une palpitation ! », s’écrie Ensor. Ses nuages sont des masses grises, or et azur au-dessus d’une ligne de toits. Sa Dame au brise-lames (1880) est prise dans un glacis de gris et de nacre, au bout de la jetée.
Ensor est un chef d’orchestre se servant de couteaux et de pinceaux pour étaler la peinture en couches fines ou épaisses et ajouter par-ci par-là des accents pâteux.

Son génie prend tout son envol dans son tableau La Mangeuse d’huîtres (1882). Même si l’ensemble a l’air de dégager une certaine tranquillité, il peint en réalité une gigantesque nature morte qui semble avoir avalé sa sœur cadette Mitche.
L’artiste baptise d’abord le tableau Au pays des couleurs, plus abstrait que La Mangeuse d’huîtres, puisque ce sont bien les couleurs qui jouent le rôle principal dans la composition.
Nacres des coquillages, blanc bleuâtre de la nappe, reflets des verres et bouteilles, tout est dans la variation, tant dans l’élaboration que dans les tonalités de couleur. Ensor conserve l’approche classique : il utilise toujours des sous-couches tandis que les impressionnistes appliquent la peinture directement sur la toile blanche. Les pigments dont il se sert sont également très traditionnels : rouge vermillon, blanc de plomb, terre brune, bleu de cobalt, bleu de Prusse et outremer synthétique. Le jaune chrome de La Mangeuse d’huîtres fait exception. L’intensité de ce pigment est bien plus élevée que celle du jaune de Naples plus pâle qu’il utilisait auparavant. Mais ses couleurs, qu’il utilise souvent de manière pure au lieu de les mélanger, sont bien plus claires que celles des anciens.
L’écrivainEmile Verhaeren, qui écrira plus tard la première monographie du peintre, contemple La Mangeuse d’huîtres et s’exclame : « C’est la première toile réellement lumineuse ».
Epoustouflé, il souhaite mettre en avant Ensor comme le grand innovateur de l’art belge. Mais les avis ne sont pas unanimes. La critique n’est pas tendre : les couleurs sont trop criardes et l’œuvre est peinte de manière négligée.
De plus, il est immoral de peindre « un sujet de second rang » (En monarchie, il n’existe pas de citoyens, seulement des « sujets », une femme ne faisant pas partie de l’aristocratie) dans de telles dimensions – 207 cm sur 150 cm. Par la vue plongeante, librement appliquée, on a l’impression que tout dans le tableau va déborder de son cadre.
Le Salon d’Anvers, qui expose le meilleur de l’art actuel, refuse l’œuvre en 1882. Même les anciens compères bruxellois de L’Essor refusent La Mangeuse d’huîtres un an plus tard.
Le groupe des XX

C’est ainsi qu’en Belgique, la révolution artistique de 1884 démarrera par une phrase lancée par un membre du jury officiel : « Qu’ils exposent chez eux ! » avait-il clamé, refusant les toiles de deux ou trois peintres ; c’est donc ce qu’ils firent, en exposant chez eux, dans des « salons citoyens », ou en créant leur propres associations culturelles.
C’est dans ce contexte que Octave Maus et Ensor créeront à Bruxelles le « groupe des XX », cercle artistique d’avant-garde.
Parmi les « vingtistes » du début, outre Ensor, on trouve Fernand Khnopff, Jef Lambeaux, Paul Signac, George Minne et Théo Van Rysselberghe.
Parmi les artistes invités à venir exposer leurs œuvres à Bruxelles, de grands noms tels que Ferdinand Rops, Auguste Rodin, Camille Pissarro, Claude Monet, Georges Seurat, Gustave Caillebotte, Henri de Toulouse-Lautrec, etc.
C’est donc seulement en 1886 qu’Ensor peut exposer son œuvre novatrice La Mangeuse d’huîtres pour la première fois au groupe des XX.
Pour autant, ce n’est pas la fin de son calvaire. En 1907, le conseil communal de Liège décide de ne pas acheter l’œuvre pour le musée des Beaux-Arts de la ville.
Heureusement, Emma Lambotte, amie d’Ensor, ne laisse pas tomber le peintre. Elle achète le tableau et l’expose chez elle, dans son salon citoyen.
Engagement social et politique

Les troubles sociaux contemporains de son ascension en tant que peintre, qui virent à la tragédie lors des affrontements meurtriers de 1886 entre ouvriers et garde civique, l’incitent à trouver dans les masses en tant qu’acteur collectif un puissant compagnon d’infortune.
A la fin du XIXe siècle, la capitale belge, est une marmite bouillonnante d’idées révolutionnaires, créatrices et innovantes. Karl Marx, Victor Hugo et bien d’autres, y trouvent exil, parfois brièvement.
Le symbolisme, l’impressionnisme, le pointillisme et l’art nouveau s’y disputent leurs titres de gloire. Pour sa part, Ensor, il faut bien le reconnaître, puisant dans tous les courants, restera un inclassable s’élevant au-dessus des modes, des tendances du moment et des goûts éphémères, et de très loin.
Si Marx s’est trompé sur bien des points, il comprenait bien qu’à une époque où la finance tirait sa richesse de la production, la modernisation des moyens de production portait en germe la transformation des rapports sociaux. Tôt ou tard, et à tous les niveaux, ceux qui produisent la richesse clameront leur juste place dans le processus décisionnel.
Le combat d’Ensor pour un art plus libre reflète et coïncide avec le changement d’époque qui s’opère alors.
Partie de Vienne en Autriche, la crise bancaire de mai 1873 provoque un krach boursier qui marque le début d’une crise appelée la Grande Dépression, et qui court sur le dernier quart du XIXe siècle. Le 18 septembre 1873, Wall Street est pris de panique et ferme pendant 10 jours.
En Belgique, après une période marquée par une vertigineuse industrialisation, la loi Le Chapelier, une loi appliquée en 1791, soit quarante ans avant la naissance de la Belgique, qui interdisait la moindre forme d’organisation d’ouvriers, est abrogée en 1867, mais la grève est toujours un crime sanctionné par l’État.
C’est dans ce contexte qu’une centaine de délégués de représentants de syndicats belges fondèrent en 1885 le Parti ouvrier belge (POB). Réformistes et prudents, ils réclament en 1894, non pas la « dictature du prolétariat », mais une forte « socialisation des moyens de production ».
La même année, le POB obtient 20 % des suffrages exprimés aux élections législatives et compte 28 députés. Il participe à plusieurs gouvernements jusqu’à sa dissolution lors de l’invasion allemande en mai 1940.
Horta, Jaurès et la Maison du Peuple de Bruxelles

L’architecte Victor Horta, grand innovateur de l’Art Nouveau et dont les premières demeures symbolisent un nouvel art de vivre, sera chargé par le POB de construire la magnifique « Maison du Peuple » à Bruxelles, un bâtiment remarquable, fait principalement d’acier, abritant un maximum de fonctionnalités : bureaux, salle de réunion, magasins, café, salle de spectacle…
Le bâtiment fut inauguré en 1899 en présence de Jean Jaurès. En 1903, Léniney participa au congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie.
Jean Jaurès prononça d’ailleurs son dernier discours, le 29 juillet 1914, au Cirque Royal de Bruxelles, lors d’une grande réunion de l’Internationale socialiste pour sauver la paix.
En parlant des menaces de la guerre, Jaurès dit :
« Attila est au bord de l’abîme, mais son cheval trébuche et hésite encore ». S’opposant, comme il le fit toute sa vie, à ce que la France se soumît à un rôle subalterne, il dit textuellement : « Si l’on fait appel à un traité secret avec la Russie, nous en appellerons au traité public avec l’Humanité ».
Et il termina son discours, le meilleur de sa vie, par des paroles prophétiques dont voici le texte quasi littéral : « Au début de la guerre, tout le monde sera entraîné. Mais lorsque les conséquences et les désastres se développeront, les peuples diront aux responsables : ’Allez-vous en et que Dieu vous pardonne’ ».
Selon les témoins, à Bruxelles, le discours de Jaurès souleva l’auditoire, composé de milliers de personnes appartenant à toutes les classes de la société. Deux jours plus tard, le 31 juillet 1914, Jaurès, de retour à Paris, est assassiné.
Quant à la Maison du Peuple de Bruxelles, elle fut détruite en 1965 et remplacé par un remarquable chef-d’œuvre de la laideur.
Alimentation doctrinaire

L’art d’Ensor, surtout dans ses gravures, sera l’écho de ce grand chamboulement. Sa critique sociale et politique serpente à travers ses meilleures œuvres, dont aucune n’est peut-être aussi virulente que sa gravure Alimentation doctrinaire (1889/1895) montrant des figures incarnant les pouvoirs en place (Le roi des Belges, le clergé, etc.) littéralement déféquant sur les masses, une sale habitude qui reste bien enracinée chez nos « élites », si l’on revoit le traitement qu’on a infligé, sans la moindre discrimination, à nos « gilets jaunes ».
Ensor, dans ces gravures, présente les grandes revendications du POB : le suffrage universel (voté en 1893, de façon imparfaite, du moins pour les hommes), le service militaire « personnel » (c’est-à-dire pour tous, voté en 1913) et l’instruction universelle obligatoire (votée en 1914).
La revanche
Face à l’injustice et à l’incompréhension, Ensor ne peut plus réprimer sa juste colère. Pour s’amuser, et reconnaissons-le, se venger, il compte bien « se payer » ceux qui l’ignorent, le méprisent et le sabotent, avant tout cette aristocratie belge qui s’accroche à ses privilèges comme les moules aux roches.
Déconstruisant le carcan des règles académiques, s’inspirant de Goya, Ensor se forge alors un langage puissant de métaphores et de symboles.
Dans un premier temps, il veut renvoyer cette élite oligarchique belge, se prétendant hypocritement « catholique », aux fondements mêmes des principes humanistes qu’elle piétine.
Entre 1888 et 1892, Ensor a commencé à traiter des thèmes religieux. Comme le firent aussi Gauguinet Van Gogh, le peintre s’identifie au Christ persécuté.

En 1889, à 28 ans, il peint L’Entrée du Christ à Bruxelles, une vaste toile satirique qui fit sa renommée. Même ses proches, désireux de à se faire reconnaître pour exister, n’en veulent pas. La toile est refusée au Salon des XX où il est question de l’exclure du Cercle dont il est pourtant l’un des membres fondateurs ! Contre le souhait d’Ensor, les « vingtistes », courant vers le succès, se séparent quatre ans après pour se recréer sous le nom de La Libre Esthétique.
Dans cette œuvre, une large banderole rouge renseigne « Vive la sociale » et non « Vive le Christ ». Seul un petit panneau sur le côté applaudit un Jésus, roi de Bruxelles. Mais que diable le prophète, qui a les traits du peintre et presque perdu dans la foule, vient-il faire à Bruxelles ? Le socialisme a-t-il remplacé le christianisme au point que si Jésus revenait aujourd’hui, il le ferait sous la banderole « Vive la sociale », référence à la « République sociale » dont les partisans mettaient en avant le droit au travail, le rôle de l’État dans la lutte contre les inégalités, le chômage et la maladie ?
Pour les amis d’Ensor, il avait perdu la raison. En effet, il fallait « être fou » pour prendre de face, aussi bien l’oligarchie dominante que le peuple dont il espérait obtenir respect et reconnaissance.
L’avocat et critique d’art belge Octave Maus, co-fondateur avec Ensor des XX, a résumé de manière célèbre la réaction des critiques d’art contemporains au « coup de gueule pictural » d’Ensor :
« Ensor est le chef d’un clan. Ensor est sous les feux de la rampe. Ensor résume et concentre certains principes qui sont considérés comme anarchistes. En bref, Ensor est une personne dangereuse qui a initié de grands changements (…) Il est par conséquent marqué pour les coups. C’est sur lui que sont dirigées toutes les arquebuses. C’est sur sa tête que sont déversés les récipients les plus aromatiques des soi-disant critiques sérieux.«
En 1894, invité à exposer à Paris, son œuvre, plus objet intellectif qu’esthétique, suscite peu d’intérêt. Désespéré de ne pas rencontrer le succès, Ensor, persistera avec une peinture survoltée, sauvage, saturée et violemment bariolée.
Squelettes et masques

Très tôt, des têtes de mort, des squelettes et des masques font irruption dans son œuvre. Il ne s’agit pas là de l’imagination morbide d’un esprit malade comme le prétendent ses calomniateurs.
Radical ? Insolent ? Certes ; sarcastique, souvent ; pessimiste ? Jamais ! ; anarchiste ? disons plutôt « esprit gilet jaune », c’est-à-dire fortement contestataire d’un ordre établi ayant perdu toute légitimité et, absorbé par d’immenses manœuvres géopolitiques, marchant comme une horde de somnambules vers la « Grande Guerre » et la Deuxième Guerre mondiale qui vient derrière !
Têtes de morts, symboles de la vérité

Poétiquement, Ensor va ressusciter la métaphore ultra-classique des « Vanités » de la Renaissance, thème en somme très chrétien qui figure déjà dans « Le Triomphe de la Mort », ce poème de Pétrarque qui inspira le peintre flamand Pieter Bruegel l’Ancien ou encore la série de gravures sur bois d’Holbein, « La danse macabre ».
Un crâne juxtaposé à un sablier étaient les éléments de base permettant de visualiser le caractère éphémère de l’existence humaine sur terre. En tant qu’humains, nous rappelle cette métaphore, nous essayons en permanence de ne pas y penser, mais fatalement, nous finissons tous par mourir, du moins sur le plan corporel.
Notre « vanité », c’est cette envie permanente de nous croire éternels.
Ensor, n’hésitait pas à faire appel aux symboles. Pour pénétrer son œuvre, il faut donc savoir lire le sens qu’ils « cachent ». Visuellement, face au triomphe du mensonge et de l’hypocrisie, Ensor, en bon chrétien, érige donc la mort en seule vérité capable de donner du sens à notre existence. C’est elle qui triomphe sur notre existence physique.
Les masques, symbole du mensonge.

Petit à petit, comme dans La Mort et les masques (1897) (image en tête d’article), l’artiste va dramatiser encore un peu plus cette thématique en opposant la mort à des masques grotesques, symbole du mensonge et de l’hypocrisie des hommes. 1
Souvent dans ses œuvres, dans une inversion sublime des rôles, c’est la mort qui rit et ce sont les masques qui hurlent et pleurent, jamais l’inverse.
On dira que c’est grotesque et effroyable, mais en réalité, ce n’est que normal : la vérité rit lorsqu’elle triomphe et le mensonge pleure lorsqu’il voit sa fin arriver ! A cela s’ajoute, que lorsque la mort revient parmi les vivants et montre la flamme tremblante du chandelier, ces derniers hurlent, alors que la première a un gros avantage : elle est déjà morte et donc apparaît vit sans crainte !
Pensant sans doute à cette aristocratie bruxelloise qui accourut à Ostende pour y faire trempette, Ensor écrit :
« Ah ! Il faut les voir les masques, sous nos grands ciels d’opale et quand barbouillés de couleurs cruelles, ils évoluent, misérables, l’échine ployée, piteux sous les pluies, quelle déroute lamentable. Personnages terrifiés, à la fois insolents et timides, grognant et glapissant, voix grêles de fausset ou de clairons déchaînés.«
Ce même Ensor fustigea également les mauvais médecins tirant un immense ver solitaire du ventre d’un patient, les rois et les prêtres qu’il peignit « chiant » littéralement sur le peuple. Il pourfend les poissardes des bars, les critiques d’art qui n’ont pas vu son génie et qu’il peint sous la forme de crânes se disputant un hareng saur (jeu de mot sur « Art Ensor »).
Les Carnets du Roi
En 1903, un scandale d’une ampleur inédite éclate et secoue la Belgique, la France, et les pays voisins. Les Carnets du Roi, un ouvrage publié anonymement à Paris, et rapidement interdit à Bruxelles, dresse le portrait d’un autocrate à barbe blanche.
Sans le nommer, on y voit aisément Léopold II, le roi des Belges. Arrogant, prétentieux et roublard, il se révèle plus soucieux de s’enrichir et de collectionner les maîtresses que de veiller au bien commun des citoyens et au respect des lois d’un état démocratique. L’ouvrage, publié par un éditeur belge installé à Paris, avait jailli sous la plume d’un écrivain belge de la région liégeoise, Paul Gérardy (1870-1933), par hasard, un ami d’Ensor.
L’histoire des Carnets du Roi est avant tout celle d’un monarque dont on ne manque pas de se gausser par l’écrit et le dessin durant tout son règne, mais dont on critique également de façon extrêmement virulente, les méthodes utilisées pour gouverner son domaine personnel du Congo.
Divisé en une trentaine de courts chapitres, l’ouvrage se présente comme une suite de lettres et de conseils que le roi vieillissant adresse à celui qui devrait bientôt lui succéder sur le trône, son neveu Albert, par la suite protecteur d’Ensor et très impliqué avec son ami Albert Einstein qu’il accueillit en Belgique, à prévenir l’avènement de la Deuxième Guerre mondiale.
Dans Les Carnets, véritable satire, le monarque explique combien l’hypocrisie, le mensonge, la trahison et le double langage sont nécessaires à l’exercice du pouvoir : non pas pour assurer le bien des « gens du peuple » ou la stabilité de l’État monarchique, mais tout simplement pour s’enrichir sans vergogne. Les pages consacrées à l’exploitation des populations du Congo et au « rétablissement de l’esclavage » (sic) par un roi qui passait, via l’explorateur Stanley, pour en avoir été l’un des éradicateurs, sont d’une impitoyable lucidité.
Elles rejoignent les dénonciations les plus autorisées du monarque à la barbe blanche, à qui Gérardy prête ces mots :
« J’ai eu soin de faire publier que je n’étais soucieux que de civiliser les nègres, et comme cette sottise était affirmée avec sincérité par quelques convaincus, on y a cru rapidement et cela m’évita quelques ennuis.«
Rencontre avec Albert Einstein
Après 1900, des premières expos lui sont consacrées. Verhaeren écrit sa première monographie. Mais, curieusement, ce succès a désamorcé sa force de peintre. Il se contente de répéter ses thèmes favoris ou de s’autoportraiturer, y compris en squelette. Il reçoit en 1903 l’Ordre de Léopold. Enfin reconnu !

Le monde entier défile à Ostende pour le voir. Au début de l’année 1933, Ensor y rencontre Albert Einstein, de passage en Belgique après avoir fui l’Allemagne. Einstein, qui a résidé pendant quelques mois à Den Haan, non loin d’Ostende, fut protégé par le roi des Belges, Albert Ier, avec qui il se coordonne pour tenter d’empêcher une nouvelle guerre mondiale.
Si l’on prétend qu’Ensor et Einstein ne se comprenaient guère, la citation suivante indique plutôt le contraire. Ensor, toujours lyrique, aurait dit :
« Louons tous promptement le grand Einstein et ses ordres relatifs, mais condamnons l’algébrisme et ses racines carrées, les géomètres et leurs raisons cubiques. Je dis que le monde est rond….«
En 1929, le roi Albert Ier accorde le titre de baron à James Ensor.
En 1934, à l’écoute de tout ce qu’apporte Franklin Roosevelt et voyant la Belgique prise dans le tumulte du krach de 1929, le roi des Belges missionne son Premier ministre De Broqueville pour réorganiser le crédit et le système bancaire à l’instar du modèle du Glass-Steagall Actadopté aux Etats-Unis en 1933.
Le 17 février 1934, lors d’une escalade à Marche-les-Dames, Albert I décède dans des conditions jamais élucidées. Le 6 mars, De Broqueville fait un discours au Sénat belge sur la nécessité de faire son deuil du Traité de Versailles et d’arriver à une entente des Alliés de 1914-1918 avec l’Allemagne sur le désarmement, faute de quoi on irait vers une nouvelle guerre…
De Broqueville entame ensuite avec énergie la réforme bancaire. Ainsi, le 22 août 1934 sont promulgués plusieurs Arrêtés Royaux notamment l’Arrêté n°2 du 22 août 1934, relatif à la protection de l’épargne et de l’activité bancaire, imposant une scission en sociétés distinctes, entre banques de dépôt et banques d’affaire et de marché.
Bombes picturales
A partir de 1929, Ensor est surnommé le « prince des peintres ». L’artiste a une réaction inattendue face à cette reconnaissance trop longtemps attendue et trop tard venue à son goût : il abandonne la peinture et consacre les dernières années de sa vie exclusivement à la musique contemporaine avant de mourir en 1949, couvert d’honneurs.

En 2016, une toile d’Ensor de 1891, surnommée « Squelette arrêtant masques », restée dans la même famille depuis près d’un siècle et inconnue des historiens, s’est vendu à 7,4 millions d’euros, record mondial pour cet artiste.
Au centre, la mort (ici un crâne coiffé du bonnet en peau d’ours typique du 1er régiment de grenadiers) prise à la gorge par d’étranges masques qui pourraient représenter les souverains de pays préparant les prochains conflits. Les masques (le mensonge) s’apprêtent à étrangler sans succès la vérité (la tête de mort) ? Ainsi, plus de cent ans plus tard, les bombes picturales d’Ensor explosent encore joyeusement à la tête des esprits étroits et frileux, des bourgeois enfarinés et des pisse-vinaigre, comme il l’aurait dit lui-même.
- En 1819, un autre artiste, le poète anglais Percy Bysshe Shelley avait composé son poème politique Le Masque de l’Anarchie en réaction au massacre de Peterloo (18 morts, 700 blessés) lorsque la cavalerie chargea une manifestation pacifique de 60 000 à 80 000 personnes rassemblées pour demander une réforme de la représentation parlementaire. Dans cet appel à la liberté, il dénonce une oligarchie tuant à sa guise (l’anarchie). Loin d’un appel à la contre-violence anarchique, il s’agit peut-être de la première déclaration moderne du principe de résistance non violente. ↩︎
The « Miracle of Gandhara » : When Buddha turned himself into man

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It was during my trip to Afghanistan in November 2023 that I realized how little I knew about this part of the world. Although Islam prevails in Afghanistan and Pakistan today, we often forget that a region shared by these two countries, historically known as Gandhara, played a major role in the epic of Buddhism from the 1st to the 3rd century AD, a spirituality which, by rejecting any idea of caste, was to shake up the world order.
A crossroads on the Silk Roads linking Europe to India and China, Gandhara was the site of a genuine dialogue between Eurasian, Persian, Turkish, Greek, Chinese and Indian cultures.
Buddhism. It was through the voluntarism of two Central Asian kings (Ashokaand the Kuchan ruler Kanishka) that Buddhism, born in Nepal, found the energy and determination to win over the minds and hearts of the world.
Finally, it was in Gandhara that Buddhist art, breaking with the master’s instructions, appropriated the most beautiful forms of various Greek, Indian, Persian and other artistic cultures, to present Buddha in human form to the faithful, an enlightened man, full of wisdom and animated by compassion.
By offering freshness, poetry and a spectacularly modern sense of movement, the early Buddhist artists of Gandhara invite us to identify within ourselves a leap towards self-perfection. In this respect, they are the precursors of classical humanism and of many a Renaissance.
Isn’t it time we recognize the just place that merits their contribution to universal civilization?
Finally, seen the current situation, I’d like to quote Indian Prime Minister Nehru, who on October 3, 1960, addressed the United Nations General Assembly with words that have become ever more relevant: « In the distant past, a great son of India, the Buddha, said that the only true victory was one in which all were equally victorious and no one was defeated. In today’s world, this is the only concrete victory; any other path leads to disaster. »
SUMMARY
- Introduction
- The life of the Buddha
- The Four Truths and the Eightfold Path
- Reincarnation
- Aryans and Vedism
- Brahmins and the caste system
- India before Buddhism
- The great Buddhist councils
- The arrival of the Greeks
- The Maurya Empire
- The reign of Ashoka the Great
- Edicts of Ashoka
- Content of the edicts
- The Kushan Empire
- The miracle of Gandhara
a) Poetry
b) Literature
c) Urbanisation
d) Architecture, the invention of the stupa
e) Sculpture
— Aniconism
— End of aniconism
— Difference in form, difference in content
1) Gandhara Greco-Buddhist school
2) Mathura school
3) Andrah Pradesh school
4) School of the Gupta period. - When Asia meets Greece
a) Kushan coins
b) Bimaran reliquary
c) Harra Triad
d) Taking the earth as witness
e) All Bodhisattvas? - Buddhism today
- Science and religion, Albert Einstein and Buddha.
Introduction
The 5th and 4th centuries BC were a period of global intellectual ferment. It was a time of great thinkers, such as Socrates, Plato, and Confucius, but also Panini and Buddha.
In northern India, it was the age of Buddha, after whose death a « non-theistic » faith (Buddha was only a man…) emerged and spread far beyond its region of origin.
With between 500 million and 1 billion believers today, Buddhism has established itself as one of the world’s leading religious and philosophical beliefs.
The life of the Buddha

The Buddha » (the enlightened one) is the name given to a man called Siddhartha Gautama Shakyamuni (the wise man of the Shakya clan). He reached the age of eighty.
Traditions differ on the exact dates of his life, which modern research tends to place increasingly later: around 623-543 BC according to Theravada tradition, around 563-483 BC according to most specialists of the early 20th century, while others today place him between 420 and 380 BC (his life would not have exceeded 40 years).

According to tradition, Siddhartha Gautama was born in Lumbini (in present-day Nepal) as a Prince of the royal family of Kapilavastu, a small kingdom in the foothills of the Himalayas in present-day Nepal.
An astrologer is said to have warned the boy’s father, King Suddhodana, that when growing up, the child would either become a brilliant ruler or an influential monk, depending on how he viewed the world.

Fiercely determined to make him his successor, Siddhartha’s father never let him see anything outside the palace walls.
While offering him every distraction and pleasure, he made him a virtual prisoner until the age of 29.
When the young man finally escapes his gilded cage, he discovers the existence of people affected by old age, illness, and death.
Moved by the suffering of the ordinary people he met, Siddhartha abandoned the ephemeral pleasures of the palace to seek a higher purpose.
He first tried ultra-severe asceticism, which he abandoned six years later, realizing it was an exercise in futility.
He then sat down to meditate under a large bodhi (fig tree), where he experienced nirvana (« liberation » or, in Sanskrit, « extinction »of the ego). He became known as « The Buddha » (“the enlightened one”).
The « Four Truths » and the « Eight-fold Path »
Buddha taught his young disciples the « Middle Path », between the two extremes of mortification and lavishness. He enunciates the « Four Noble Truths »:
- The noble truth of suffering;
- The noble truth of the origin of suffering;
- The noble truth of the cessation of suffering;
- The noble truth of the path leading to the cessation of suffering, that of the “Noble Eightfold Path”.
Somewhat similar to what Augustine and even more so the Brothers of the Common Life argued in the Christian world, Buddhism insists on the fact that our attachment to earthly existence (both the good and the evil) inflicts suffering. Among Christians, it is said that attachment to “Earthly Paradise” leads us inexorably to “sin”, a concept non-existent in Buddhism for which all errors come from ignorance of the right path.
For Buddha, it is necessary to combat, even extinguish, any sense of the excessive “I” (Today we could say “ego”). It is possible to end our suffering by transcending this strong sense of “I” to enter into greater harmony with things in general.
The means to achieve this are summarized in the « Noble Eightfold Path », sometimes represented by the eight spokes of a « Wheel of the Law » that Buddha will set in motion, the Dharma, a word one cannot translate with one word of western languages, but akin to “the law, or rather a set of moral and philosophical precepts to work on.
These eight points of the “Noble Eightfold Path” are:
- Right view.
- Right thought.
- Right speech.
- Right action.
- Right livelihood.
- Right effort.
- Mindfulness.
- Right concentration.
- Right view is important right from the start because if we can’t see the truth of the four noble truths, we can’t begin.
- Right thinking follows naturally from this. The term « right » here means « in accordance with the facts », i.e. with the way things are – which may be different from the way I would like them to be.
- Right thinking, right speech, right action, and right livelihood imply moral restraint – refraining from lying, stealing, committing violent acts, and earning a living in a way that is not detrimental to others. Moral restraint not only contributes to general social harmony but also helps us to control and diminish the inordinate sense of « self ». Like a spoiled child, the « I » grows wide and unruly the longer we let it have its way.
- Finally, right effort is important, because the « I » thrives on idleness and wrong effort; some of the greatest criminals are the most energetic people, so effort must be appropriate to the diminution of the « I » (today we’d say ego), and in any case, if we’re not prepared to make an effort, we can’t hope to achieve anything, either in the spiritual sense, or in life. The last two stages of the path, mindfulness and concentration or enthralment , represent the first step towards liberation from suffering.
The ascetics who had listened to the Buddha’s first discourse became the nucleus of a « sangha » (a community, a movement) of men (women were to join later) who followed the path described by the Buddha in his Fourth Noble Truth, the one specifying the “Noble Eightfold Path”.
To make Buddhist nirvanacompletely accessible to ordinary people during their individual lifetime, the Buddhist imagination invented the intriguing concept of « Bodhisattva », a word whose meaning varies according to context. It can refer to the state Buddha himself was in before his « awakening », or to an ordinary person who has resolved to become a Buddha in the future and has received confirmation or prediction from a living Buddha that this will be so.
In Theravada (“old school”) Buddhism, only a select few can become Bodhisattva, such as Maitreya, presented as the « Buddha of the future ». But in Mahayana Buddhism (“Great Vehicle”), a Bodhisattva refers to anyone who has generated “bodhicitta”, a spontaneous wish and compassionate spirit aimed at attaining Buddhahood for the benefit of “all sentient beings”, including humans and animals. Given that a person may, in a future life, be reincarnated as a mere animal, respect for animals is essential.
Reincarnation
If Siddhartha would build his own vision on certain foundations of Hinduism, one of the world’s oldest religions, he would introduce revolutionary changes with large political implications.
In most beliefs involving reincarnation (Hinduism, Jainism, Sikhism), the soul of a human being is immortal and does not disperse after the physical body disappears. After death, the soul simply transmigrates (metempsychosis) into a newborn baby or animal to continue its immortality. The belief in the rebirth of the soul was expressed by ancient Greek thinkers, beginning with Pythagoras, Socrates, and Plato.

Buddhism aims to bring lasting, unconditional happiness. Hinduism aims to free oneself from the cycle of births and rebirths and, ultimately, to attain mokshaor liberation from births and rebirths.
Buddhism and Hinduism agree on karma, dharma, moksha, and samsara(reincarnation). But they strongly differ politically in that Buddhism sees personal commitment as more important than formal rituals and refuses the caste system. Buddhism therefore advocates a more egalitarian society.
Whereas Hinduism holds that the attainment of nirvanais only possible in future lives, the more voluntarist and optimistic Buddhism holds that once you’ve realized that life is suffering, you can put an end to that suffering in your present life.
Buddhists describe their rebirth as a flickering candle lighting another candle, rather than an « immortal » soul or « self » passing from one body to another, as Hindus do. For Buddhists, it’s a rebirth without a « self », and they regard the realization of non-self or emptiness as nirvana(extinction), whereas for Hindus, the soul, once freed from the cycle of rebirths, doesn’t become extinct, but unites with the Supreme Being and enters an eternal state of divine bliss.
Aryans and Vedism

One of the great traditions that shaped Hinduism was the Vedic religion (« Vedism »), which flourished among the Indo-Aryan peoples of the north-western Indian subcontinent (Punjab and the western Gangetic plain) during the Vedic period (1500-500 BC).
During this period, nomadic peoples from the Caucasus, calling themselves « Aryans » (« noble », « civilized » and « honorable »), entered India via the northwest frontier.
The term “Aryan” has a very bad historical connotation, especially in the 19th Century, once several virulent anti-Semites, such as Arthur de Gobineau, Richard Wagner, and Houston Chamberlain started promoting the obsolete historical “Aryan race” concept supporting the white supremacist ideology of Aryanism that portrayed the Aryan race as a “master race”, with non-Aryans regarded as racially inferior (Untermensch) and an existential threat to be exterminated.

From a purely scientific standpoint, in his book The Arctic Home (1903), the Indian teacher Bal Gangadhar Tilak (1856-1920), based on his analysis of astronomical observations contained in the Vedic hymns, formulates the hypothesis that the North Pole was the original home of the Aryans during the pre-glacial period. They supposedly left this region due to climatic changes around 8000 BC, migrating to the northern parts of Europe and Asia. Mahatma Gandhi called Tilak, who led the country’s early independence movement,« the architect of modern India ».
The Aryans arriving from the North were probably less barbaric than has been so far suggested. Thanks to their military superiority and cultural sophistication, they took over the entire Gangetic plain, eventually extending to the Deccan plateau in the South. This conquest has left its mark to the present day, as the regions occupied by these invaders speak Indo-Aryan languages derived from Sanskrit. (*1)

The Sanskrit philologist, grammarian, and scholar Panini, believed to be a contemporary of Buddha, is best known for his treatise on Sanskrit grammar, which has attracted much comment from scholars of other Indian religions, notably Buddhism.
In fact, according to the best archaeological research available today, Vedic culture has deep roots in the Eurasian culture of the Sintashta steppes (2200-1800 BC) south of the Urals, in the Andronovo cultureof Central Asia (2000-900 BC) stretching from the southern Urals to the headwaters of the Yenisei in Central Siberia, and ultimately in the Indus Valley (Harappan) civilization (7000-1900 BC).
At the heart of this Vedic culture are the famous “Vedas” (knowledge), four religious texts recording the liturgy of rituals and sacrifices, and the oldest scriptures in Hinduism. The oldest part of the Rigvedawas composed orally in north-western India (Punjab) between around 1500 and 1200 BC, i.e. 700 years before Plato but shortly after the collapse of the Indus Valley Civilization.
Scholars trace the origin of “Brahmanism” to Vedic times. The concept of “Brahman” was that of a pure essence that not only diffused itself everywhere but constituted everything. Men, gods, and the visible world were merely its manifestations. Such was the fundamental doctrine of Brahmanism, another name for Hinduism.
Brahmins and the caste system
To teach that to all of humanity, an all-powerful cast of high priests was created, the Brahminswhose social rank would rise to the top of a caste system. This makes it all a little bit complicated because while “Brahmâ” designates a God in Indian religions, “Brahman” designates Ultimate Reality and “Brahmin” the priest.
However, with the emergence of this Aryan culture came what is known as « Brahmanism », i.e. the birth of an all-powerful caste of high priests.
According to Gajendran Ayyathurai, an Indian anthropologist at the University of Göttingen in Germany:
« Numerous linguistic and historical studies point to socio-cultural disturbances resulting from this migration and the penetration of Brahman culture in various regions, from western South Asia to North India, South India, and South-East Asia ».
Although the term « Brahmin », literally a « superior » member of the highest priestly caste, does appear in the Vedas, modern scholars temper this fact and point out that « there is no evidence in the Rigveda of an elaborate, highly subdivided and very important caste system ».

But with the emergence of a ruling class of Brahmins, who became bankers and landowners, particularly during the, initially very promising, Gupta period (319 to 515 A.D.), a dehumanizing caste system was established. The feudal ruling class, as well as the priests, emphasized local gods, which they gradually integrated with Brahmanism to appeal to the masses. Even among the rulers, the choice of deities indicated divergent positions: part of the Gupta dynasty traditionally supported the god Vishnu, while its rivals supported the god Shiva.
The destructive caste system was then amplified and used to the full by the British East India Company, a private enterprise steering the British Empire, to impose its aristocratic and colonial power over India – a policy that still persists, especially in people’s minds.
The Hindu caste system revolves around two key concepts that categorize members of society: varna and jati. The varna(colors) divide first the Hindus and then the entire Indian society into a hierarchy of four major social classes:
- Brahmins (priestly class);
- Kshatriyas (warriors and rulers);
- Vaishyas (merchants);
- Shudras (manual workers).
In addition, jatirefers to at least 3,000 hierarchical classifications, within the four varnas, between social groups according to profession, social status, common ancestry, and locality.
The justification for this “social stratification” is intimately linked to the Hindu vision of karma. Each person’s birth is directly linked to karma, the balance sheet of his or her previous life. Thus, mechanically, birth into the Brahmin varna is the result of good karma.
“Those whose conduct here has been good will quickly have a good birth – birth as a Brahmin, birth as a Kshatriya, or birth as a Vaishya. But those whose conduct here has been bad will quickly get a bad birth – birth as a dog, pig or chandala (bandit)”
(Chandogya Upanishad 5.10.7).
According to this theory, karma determines birth into a class, which in turn defines a person’s social and religious status, which in turn describes a person’s duties and obligations towards that specific status.
In 2021, a survey revealed that three out of ten Indians (30%) identify themselves as members of the four varnas. Only 4.3% of today’s 60.5 million Indians identify themselves as Brahmins. Only some members are priests, while others exercise professions such as educators, legislators, scholars, doctors, writers, poets, landowners, and politicians. As the caste system evolved, Brahmins became an influential varnain India, discriminating against other lower castes.
The vast remainder of Indians (70 percent), including Hindus, declare themselves as being « Dalits« , also known as « Untouchables », who are individuals considered, from the point of view of the caste system, to be out of the castes and assigned to functions or occupations deemed ‘impure’.

Present in India, but also throughout South Asia, the Dalits are victims of numerous forms of discrimination. In India, the overwhelming majority of Buddhists declare themselves as being Dalits.
As early as the 1st century, the Indian Buddhist philosopher, playwright, poet, musician, and orator Asvaghosa (c. 80 – c. 150 a. DC), vocally condemned this caste system with two kinds of argument. Some are borrowed from the most revered texts of the Brahminsthemselves; others are based on the principle of the natural equality of all men.
The author underscores that
« the quality of Brahminis inherent neither in the principle that lives within us, nor in the body in which this principle resides, and it results neither from birth, nor from science, nor from religious practices, nor from the observance of moral duties, nor from knowledge of the Vedas. Since this quality is neither inherent, nor acquired, it does not exist, or rather all men can possess it ».
A Buddhist allegory clearly rejects and mocks the very idea of the caste system:
« Just as sand doesn’t become food just because a child says so, when young children playing on a main road build sand blocks and give them names, saying ‘This one is milk, this one meat and this one curdled milk’, so it is with the four varnas, as you Brahminsdescribe them. »
India before Buddhism
The time of the Buddha was that of India’s second urbanization and great social protest. The rise of the sramanas, wandering philosophers who had rejected the authority of the Vedas and Brahmins, was new. Buddha was not alone in exploring ways of achieving liberation (moksha) from the eternal cycle of rebirths (punarjanman).
The realization that Vedic rituals did not lead to eternal liberation led to the search for other means. Primitive Buddhism and yogabut also Jainism, Ajivika, Ajnana, and Carvakawere the most important sramanas. Despite their success in disseminating ideas and concepts that were soon to be accepted by all the religions of India, the orthodox schools of Hindu philosophy (astika) opposed the sramanicschools of thought and refuted their doctrines as « heterodox » (nastika), because they refused to accept the epistemic authority of the Vedas.
For over forty years, the Buddha crisscrossed India on foot to spread his Dharma, a set of precepts and laws governing the behavior of his disciples.
When he died, his body was cremated, as was the custom in India. The Buddha’s ashes were divided, and several reliquaries were buried in large hemispherical mounds known as stupas (dome-shaped funeral temples). By the time of his death, his religion was already widespread throughout central India and in major Indian cities such as Vaishali, Shravasti, and Rajagriha.
The Great Buddhist Councils

Four great Buddhist councils were organized, at the instigation of various kings seeking to escape the clutches of the Brahmin caste.
In 483 BC, just after the Buddha’s death, the first council was held under the patronage of King Ajatasatru (492-460 BC) of the Haryanka dynasty to preserve the Buddha’s teachings and reach a consensus on how his teachings could be disseminated.
The second Buddhist Council took place in 383 BC, one hundred years after the Buddha’s death, under the reign of King Kalasoka of the Sisunaga dynasty. Differences of interpretation arose on points of discipline as followers drifted further apart. A schism threatened to divide those who wished to preserve the original spirit and those who defended a broader interpretation.
The first group, called Thera (meaning « ancient » in Pâli), is at the origin of Theravada Buddhism. They aimed to preserve the Buddha’s teachings in their original spirit.
The other group was called Mahasanghika (Great Community). They interpreted the Buddha’s teachings more liberally and gave us Mahayana Buddhism.
The participants in the council tried to iron out their differences, with little unity but no animosity either. One of the main difficulties stemmed from the fact that the Buddha’s teachings, before being recorded in texts, had been transmitted only orally for three to four centuries. (*2)
The Arrival of the Greeks


The Greeks began to settle in the north-western part of the Indian subcontinent during the time of the Achaemenid Persian Empire.
Darius the Great(550 – 486 BC) conquered the region, but he and his successors also conquered much of the Greek world, which at the time included the entire peninsula of western Anatolia.
When Greek villages rebelled under the Persian yoke, they were sometimes ethnically cleansed. Their populations were forcibly deported to the other side of the empire.
As a result, numerous Greek communities sprang up in the remotest Indian regions of the Persian Empire.

In the 4th century BC, Alexander the Great defeated and conquered the Persian Empire.
By 326 BC, this empire encompassed the north-western part of the Indian subcontinent as far as the River Beas (which the Greeks called the Hyphasis). Alexander established satrapies and established several colonies. He turned south when his troops, aware of the immensity of India, refused to advance further east.
From 180 BC to around 10 AD, more than thirty Hellenistic kings succeeded one another, often in conflict with one another. This period is known in history as the « Indo-Greek Kingdoms ». One of these kingdoms was founded when the Greco-Bactrian king Demetrius invaded India in 180 BC, creating an entity that seceded from the powerful Greco-Bactrian kingdom, Bactria(including northern Afghanistan, part of Uzbekistan, etc.).
During the two centuries of their reign, these Indo-Greek kings integrated Greek and Indian languages and symbols into a single culture, as evidenced by their coins, and blended ancient Greek, Hindu, and Buddhist religious practices, as evidenced by the archaeological remains of their cities and signs of their support for Buddhism.
The Maurya Empire and Ashoka the Great

Around 322 BC, Greeks called Yona (Ionians) or Yavana in Indian sources, took part, along with other populations, in the uprising of Chandragupta Maurya, the founder of the Maurya Empire.
Chandragupta’s reign ushered in an era of economic prosperity, reform, infrastructure expansion, and tolerance. Many religions flourished in his kingdom and the empire of his descendants. Buddhism, Jainism, and Ajivika grew in importance alongside the Vedic and Brahmanic traditions, and minority religions such as Zoroastrianism and the Greek pantheon were respected.
Ashoka the Great

The Maurya Empire reached its apogee under the reign of Chandragupta’s grandson, Ashoka the Great, from 268 to 231 BC. Eight years after taking power, Ashoka led a military campaign to conquer Kalinga, a vast coastal kingdom in east-central India. His victory enabled him to conquer a larger territory than any of his predecessors.
Thanks to Ashoka‘s conquests, the Maurya Empire became a centralized power covering a large part of the Indian subcontinent, stretching from present-day Afghanistan in the west to present-day Bangladesh in the east, with its capital at Pataliputra (present-day Patna in India).
Before this, the Maurya Empire had existed in some disarray until 185 BC. It was Ashoka who transformed the kingdom with the extreme violence that characterized the early part of his reign. Between 100,000 and 300,000 people were killed in the Kalinga conquest alone!
But the weight of such destruction plunged the king into a serious personal crisis. Ashoka was deeply shocked by the number of people slaughtered by his armies.
Ashoka‘s Edict No. 13 reflects the great remorse felt by the king after observing the destruction of Kalinga:
« His Majesty felt remorse because of the conquest of Kalinga, for in the subjugation of a country not previously conquered, there are necessarily massacres, deaths, and captives, and His Majesty feels deep sorrow and regret. »
Ashokasubsequently renounced military displays of force and other forms of violence, including cruelty to animals. Deeply convinced by Buddhism, he devoted himself to spreading his vision of dharma, just and moral conduct. He encouraged the spread of Buddhism throughout India.
According to French archaeologist and scholar François Foucher, even if cases of animal abuse did not disappear overnight, belief in the brotherhood of all living beings still flourished in India more than anywhere else.
In 250 BC, Ashoka convened the third Buddhist council. Theravada sources mention that, in addition to settling internal disputes, the council’s main function was to plan the dispatch of Buddhist missionaries to various countries to spread Buddhism.

These reached as far as the Hellenistic kingdoms to the west, starting with neighboring Bactria. Missionaries were also sent to South India, Sri Lanka, and Southeast Asia (possibly Burma). The fact that these missions were deeply involved in the flourishing of Buddhism in Asia during Ashoka‘s time is well supported by archaeological evidence. Buddhism was not spread by pure chance but as part of a creative, stimulating, and well-planned political operation along the Silk Roads.
According to the « Mahavamsa » (“Great Chronicle” XII, 1st paragraph), relating the history of the Sinhalese and Tamil kings of Ceylon (today Sri Lanka), the Council and Ashoka sent the following Buddhist missionaries:
- Elder Majjhantika led the mission to Kashmir and Gandhara (today’s northwest Pakistan and Afghanistan);
- Elder Mahadeva led the mission in southwest India (Mysore, Karnataka);
Rakkhita led the mission in southeast India (Tamil Nadu); - Elder Yona(Ionian, Greek) Dharmaraksita led the mission in Aparantaka (« the western frontier ») comprising northern Gujarat, Kathiawar, Kutch, and Sindh, which were all parts of India at the time);
- The elder Mahadharmaraksita led the mission to Maharattha (the western peninsular region of India);
- Maharakkhita (Maharaksita Thera) led the mission to the land of the Yona(Ionians), which probably refers to Bactriaand possibly to the Seleucid kingdom;
- Majjhima Thera conducted the mission to the Himavat region (northern Nepal, Himalayan foothills);
- Sona Thera and Uttara Thera led missions to Suvarnabhumi (somewhere in Southeast Asia, perhaps Myanmar or Thailand); and
- Mahinda, Ashoka‘s eldest son and therefore Prince of his kingdom, accompanied by his disciples, went to Lankadeepa (Sri Lanka).
Some of these missions were successful, such as those that established Buddhism in Afghanistan, Gandhara, and Sri Lanka.
Gandharan Buddhism, Greco-Buddhism, and Sinhalese Buddhism have for generations been a powerful inspiration for the development of Buddhism in the rest of Asia, particularly China.
While missions to the Hellenistic Mediterranean kingdoms seem to have been less successful, it is possible that Buddhist communities were established for a limited period in Egyptian Alexandria, which may have been the origin of the so-called Therapeutae sect mentioned in some ancient sources such as Philo of Alexandria (c. 20 BC – 50 AD).
The Jewish Essenes and the Therapeutae of Alexandria are said to be communities founded on the model of Buddhist monasticism.
According to French historian André Dupont-Sommer (1900-1983), « India is believed to have been the source of this vast monastic movement, which shone brightly within Judaism itself for around three centuries ».According to him, this influence contributed to the emergence of Christianity.
Ashoka’s Edicts


King Ashoka presented his messages through edicts engraved on pillars and rocks in various parts of the kingdom, close to stupas on pilgrimage sites and along busy trade routes.
Some thirty of them have been preserved. They were not written in Sanskrit, but:
- in Greek (the language of the neighboring Greco-Bactrian kingdom and the Greek communities of Ashoka‘s kingdom),
- in Aramaic (the official language of the ancient Achaemenid Empire); and
in various dialects of Prâkrit (*3), including ancient Gândhârî, the language spoken in Gandhara. The edicts were engraved in the language relevant to the region. For example, in Bactria, where the Greeks dominated, an edict near present-day Kandaharwas written solely in Greek and Aramaic.
Content of Edicts

Some edicts reflect Ashoka‘s deep adherence to the precepts of Buddhism and his close relationship with the sangha, the Buddhist monastic order. He also uses the specifically Buddhist term dharma to designate the qualities of the heart that underpin moral action.
In the Minor Rock Edict N° 1, the King declares himself « a lay follower of the Buddha’s teaching for more than two and a half years », but admits that so far, he has « not made much progress ». He adds that « for a little over a year now, I’ve been getting closer to the Order ».
In the Minor Rock Edict N° 3 from Calcutta-Bairat, Ashoka emphasized that « what has been said by the Buddha has been said well » and described the Buddha’s teachings as the true dharma.
Ashoka recognized the close links between the individual, society, the king, and the state. His dharma can be understood as morality, goodness, or virtue, and the imperative to pursue it gave him a sense of duty. The inscriptions explain that dharma includes self-control, purity of thought, liberality, gratitude, firm devotion, truthfulness, protection of speech, and moderation in spending and possessions. Dharma also has a social aspect. It includes obedience to parents, respect for elders, courtesy and liberality towards Brahma worshipers, courtesy towards slaves and servants, and liberality towards friends, acquaintances, and relatives.
Non-violence, which means refraining from harming or killing any living being, was an important aspect of Ashoka‘s dharma. Not killing living beings is described as part of the good (Minor Rock Edict N° 11), as is gentleness towards them (Minor Rock Edict N° 9). The emphasis on non-violence is accompanied by the promotion of a positive attitude of care, gentleness, and compassion.
Ashoka adopts and advocates a policy based on respect and tolerance of other religions. One of his edicts reads as follows:
« All men are my children. To my children, I wish prosperity and happiness in this world and the next; my wishes are the same for all men ».
Far from being sectarian, Ashoka, based on the conviction that all religions share a common, positive essence, encourages tolerance and understanding of other religions:
« The beloved of the gods, King Piyadassi (name Ashokagave himself after converting to Buddhism), wishes that all sects may dwell in all places, for all seek self-mastery and purity of spirit. (Major Rock Edict N° 7)
And he adds:
« For whoever praises his own sect or blames other sects, – all out of pure devotion to his own sect, i.e. intending to glorify his own sect, – if he does so, he is rather seriously harming his own sect. But concord is meritorious, (i.e.) they must both listen to and obey each other’s morals. » (Major Rock Edict N° 12)
Ashoka had the idea of a political empire and a moral empire, the latter encompassing the former. His conception of his constituency extended beyond his political subjects to include all living beings, human and animal, living within and outside his political domain.
His inscriptions express his fatherlike conception of kingship and describe his welfare measures, including the provision of medical treatment, the planting of herbs, trees, and roots for people and animals, and the digging of wells along roads (Major Rock Edict N° 2).
The emperor had become a sage. He ran a centralized government from the capital of the Maurya empire: Pataliputra.
Guided by the Arthashastra, the Mauryan state became the central land clearing agency with the objective of extending settled agriculture and breaking up the disintegrating remnants of the frontier hill tribes. Members of such tribes cultivated on these newly cleared forest lands. Agriculture developed thanks to irrigation, and good roads were built to link strategic points and political centers. Centuries before our great Duke de Sully in France, Ashokademanded that these roads be lined with shade trees, wells, and inns.His administration collected taxes. He made his inspectors accountable to him. The king’s dhamma-propagating activities were not limited to his own political domain but extended to the kingdoms of other rulers.
Hence, Ashoka‘s very existence as a historical figure was close to being forgotten! But since the deciphering of sources in Brahmi script in the 19th century, Ashoka has come to be regarded as one of India’s greatest emperors. Today, Ashoka‘s Buddhist wheel is featured on the Indian flag.
As already mentioned, Ashokaand his descendants used their power to build monasteries and spread Buddhist influence in Afghanistan, large parts of Central Asia, Sri Lanka, and beyond to Thailand, Burma, Indonesia, China, Korea, and Japan.
Bronze statues from his time have been unearthed in the jungles of Annam, Borneo, and Sulawesi. Buddhist culture was superimposed on the whole of Southeast Asia, although each region, happily enough, kept some of its own personality, touch and character.
The Kushan Empire

The Maurya Empire, which ruled Bactria and other ancient Greek satrapies, collapsed in 185 BC, hardly five decades after the death of Ashoka, accused of spending too much on infrastructure and Buddhist missions and not enough on national defense. Some academics argue that Pushyamitra Sunga, who assassinated the last Mauryan monarch, Brihadratha, signalled a strong Brahmanical response against Ashoka’s pro-Buddhist policies and Dhamma. Others argue that Ashoka’s ahimsa(non-violence) philosophy was a contributing factor to the decline of the Mauryan Empire. The king’s non-violence also meant that he stopped exercising control over officials, particularly those in the provinces, who had become tyrannical and required control.
These were turbulent times. In the first century AD, the Kushans, one of the five branches of the Chinese Yuezhi confederation, emigrated from northwest China (Xinjiang and Gansu) and, following in the footsteps of the Iranian Saka nomads, seized control of ancient Bactria. They formed the Kushan empire in the Bactrian territories at the beginning of the 1st century. This empire soon extended to include much of what is now Uzbekistan, Afghanistan, Pakistan and northern India, at least as far as Saketaand Sarnath, near Varanasi(Benares).

The founder of the Kushan dynasty, Kujula Kadphises, followed Greek cultural ideas and iconography after the Greco-Bactrian tradition and was a follower of the Shivaite sect of Hinduism. Two later Kushan kings, Vima Kadphises and Vasudeva II, were also patrons of Hinduism and Buddhism.
The homeland of their empire was in Bactria, where Greekwas initially the administrative language before being replaced by « Bactrian »a language written in Greek characters until the 8th century, when Islam replaced it with Arabic.

The Kushans also became great patrons of Buddhism, particularly Emperor Kanishkathe Great, who played an important role in its spread via the Silk Roads to Central Asia and China, ushering in a 200-year period of relative peace, rightly described as the « Pax Kushana ».
It also seems that, from the very beginning, Buddhism flourished among the merchant class, whose birth barred access to the religious orders of India and the Himalayas.
Buddhist thought and art developed along trade routes between India, the Himalayas, Central Asia, China, Persia, Southeast Asia, and the West. Travelers sought the protection of Buddhist images and made offerings to shrines along the way, collecting portable objects and shrines for personal use.
The term 4thBuddhist Council refers to two different events, one in the Theravada and the other in the Mahayana schools.
- According to Theravada tradition: to prevent the Buddha’s teachings, which had hitherto been transmitted orally, from being lost, five hundred monks led by the Venerable Maharakkhita gathered at Tambapanni, Sri Lanka in 72 AD, under the patronage of King Vattagamani (r. 103 — 77 BC) to write down the “Pâli Canon” on palm leaves. (*4) The work, which is said to have lasted three years, took place in the Aloka Lena cave near present-day Matale;
- However, according to Mahayana tradition, it was 400 years after the Buddha’s extinction that five hundred Sarvastivadin monks gathered in Kashmir in 72 AD to compile and clarify their doctrines under the direction of Vasumitra and the patronage of Emperor Kanishka.They produced the Mahavibhasa (Great Exegesis) in Sanskrit.
According to several sources, the Indian Buddhist monk Asvaghosa considered the first classical Sanskrit playwright whose attacks on the caste system we have presented, served as King Kanishka‘s spiritual adviser during the last years of his life.

Note that the oldest Buddhist manuscripts discovered to date, such as the 27 birch-bark scrolls acquired by the British Library in 1994 and dating from the 1st century, were found not in « India », but buried in the ancient monasteries of Gandhara, the central region of the Maurya and Kushan empire, which includes the Peshawar and Swat valleys (Pakistan), and extends westwards to the Kabul valley in Afghanistan and northwards to the Karakorum range.
Thus, after a first great impetus given by King Ashoka the Great, Gandhara culture was given a second wind under the reign of the Kushan king Kanishka. The cities of Begram, Taxila,Purushapura (now Peshawar), and Surkh Kotal reached new heights of development and prosperity.
The Miracle of Gandhara

It cannot be overemphasized that Gandhara, especially in the Kushan period, was at the heart of a veritable renaissance of civilization, with an enormous concentration of artistic production and unparalleled inventiveness. While Buddhist art was mainly focused on temples and monasteries, objects for personal devotion were very common.
Thanks to Gandhara’s art, Buddhism became an immense force for beauty, harmony, and peace, and has conquered the world.
Buddhism favored the creation of numerous artistic works that elevate thought and morality by using metaphorical paradoxes. The prevailing mediums and supports were silk paintings, frescoes, illustrated books and engravings, embroidery and other textile arts, sculpture (wood, metal, ivory, stone, jade), and architecture.
Here are a few examples:
A. Poetry
For most Westerners, Buddhism is a « typical » emanation of Asian culture, generally associated with India, Tibet, and Nepal, but also with China and Indonesia. Few of them know that the oldest Buddhist manuscripts known to date (1st century AD) were discovered, not in Asia, but rather in Central Asia, in ancient Buddhist monasteries of Gandhara.
Originally, before their transcription into Sanskrit (for long years the language of the elite), they were written in Gândhârî, an Indo-Aryan language of the Prâkrit group, transcribed with the “kharosthi alphabet”(an ancient Indo-Iranian script).
Gandhârî was the lingua franca of early Buddhist thought. Proof of this is the Buddhist manuscripts written in Gândhârî that traveled as far away as eastern China, where they can be found in the Luoyang and An-yang inscriptions.
To preserve their writings, the Buddhists were at the forefront of adopting Chinese book-making technologies, notably paper and xylography (single-sheet woodcut). This printing technique consists of reproducing the text to be printed on a transparent sheet of paper, which is turned over and engraved on a soft wooden board. The inking of the protruding parts then allows multiple print runs. This explains why the first fully printed book is the Buddhist Diamond Sutra (circa 868), produced using this process.
The Khaggavisana Suttra, literally « The Horn of the Rhinoceros », is a wonderful example of authentic Buddhist religious poetry. Known as the « Rhinoceros Sutra », this poetic work is part of the Pali collection of short texts known as the Kuddhhaka Nikava, the fifth part of the Pitaka Sutta, written in the 1st century CE.
Since tradition grants the Asian rhinoceros a solitary life in the forest – the animal dislikes herds – this sutra (teaching) bears the apt title « On the value of the solitary and wandering life ». The allegory of the rhinoceros helps communicate to devotees the keen sense of individual sovereignty required by the moral commitments prescribed by the Buddha to end suffering by disconnecting from earthly pleasures and pains. Excerpt:

Shunning violence towards all beings,
never harming a single one of them,
compassionately helping with a loving heart,
wander alone like a rhinoceros.
One keeping company nurtures affection,
and from affection suffering arises.
Realizing the danger arising from affection,
wander alone like a rhinoceros.
In sympathizing with friends and companions,
the mind gets fixed on them and loses its way.
Perceiving this danger is familiarity,
wander alone like a rhinoceros.
Concerns that one has for one’s sons and wives,
are like a thick and tangled bamboo tree.
Remaining untangled like a young bamboo,
wander alone like a rhinoceros.
Just like a deer, wandering free in the forest,
goes wherever he wishes as he grazes,
so a wise man, treasuring his freedom,
wanders alone like the rhinoceros.
Leave behind your sons and wives and money,
all your possessions, relatives, and friends.
Abandoning all desires whatsoever,
wander alone like the rhinoceros (…)
B. Literature
Two other masterpieces from the same oeuvre are the famous Jataka, or « Birth stories of the Buddha’s previous lives », and the Milindapanha, or « King Milinda’s questions”.
The Jataka, which features numerous animals, shows how, before the last human incarnation in which he attained nirvana, the Buddha himself was reincarnated countless times as an animal – as various kinds of fish, as a crab, a rooster, a woodpecker, a partridge, a francolin, a quail, a goose, a pigeon, a crow, a zebra, a buffalo, several times as a monkey or an elephant, an antelope, a deer and a horse. One story describes how the Bodhisattva was born as a Great Monkey who dwelled in a beautiful Himalayan forest among a large troop of monkeys. And since it’s Buddha who’s incarnated in the animal, the monkey suddenly speaks words of great wisdom.
But on other occasions, the characters are animals, while our Bodhisattva appears in human form. These tales are often peppered with piquant humor. They are known to have inspired La Fontaine, who must have heard them from Dr. François Bernier, who learned them from him while working as a physician in India for eight years.

The Questions of King Milinda is an imaginative account, a veritable Platonic dialogue between the Greek king of Bactria Milinda (the Greek, Menander), who ruled the Punjab, and the Buddhist sage Bhante Nagasena.
Their lively dialogue, dramatic and witty, eloquent, and inspired, explores the various problems of Buddhist thought and practice from the point of view of a perceptive Greek intellectual, both perplexed and fascinated by the strangely rational religion he discovers on the Indian subcontinent.
Through a series of paradoxes, Nagasena leads the Greek « rationalist » to ascend to the spiritual and therefore transcendental dimension, beyond logic and simple rationality, of nirvana, which, like space, has « no formal cause » and can therefore occur, but « cannot be caused ». So how do we get there?
And to one of his disciples, who once asked him whether the universe was finite or infinite, eternal or not, whether the soul was distinct from the body, what became of man after death, the Buddha replied with a parable:
« Suppose a man is seriously wounded by an arrow, and is taken to a doctor, and the man says: « I will not let this arrow be removed, until I know who wounded me, what caste he is, what village he was born in, what bow he used, what material the arrow was made of, from what direction it was shot. .. » Then this man would surely die before he got the answers. »
C. Urban Planning

One of the great urban and cultural centers and, for a time, the capital of Gandhara, was Taxila or Takshashila (present-day Punjab), founded around 1000 BC on the ruins of a city dating from the Harappan period and located on the eastern bank of the Indus, the junction points between the Indian subcontinent and Central Asia.
Some ruins of Taxila date to the time of the Achaemenid Persian Empire, followed successively by the Mauryan Empire, the Indo-Greek Kingdom, the Indo-Scythians, and the Kushan Empire.

According to some accounts, the University of Ancient Taxila (centuries before the residential bouddhist University of Nalanda founded in 427 AD) can be considered one of the earliest centers of learning in South Asia.
As early as 300 BC, Taxila functioned largely as a “University” offering higher education. Students had to complete their primary and secondary education elsewhere before being admitted to Taxila.
The minimum age requirement was sixteen. Not only Indians but also students from neighboring countries like China, Greece, and Arabia flocked to this city of learning.

Around 321 BC, it was the great philosopher, teacher, and economist of Gandhara, Chanakya, who helped the first Mauryan emperor, Chandragupta, to seize power.
Under the tutelage of Chanakya, Chandragupta received a comprehensive education at Taxila, encompassing the various arts of the time, including the art of war, for a duration of 7–8 years.
In 303 BC, Taxila fell into their hands, and under Ashoka the Great, the grandson of Chandragupta, the city became a great center of Buddhist learning and art.
Chanakya, whose writings were only rediscovered in the early 20th century and who served as the principal advisor to both emperors Chandragupta and his son Bindusara, is widely considered to have played an important role in establishing the Mauryan Empire.
Also known as Kauṭilya and Vishnugupta, Chanakyais the author of The Arthashastra, a Sanskrit political treatise on statecraft, political science, economic policy, and military strategy. The Arthashastra also addresses the question of collective ethics which ensures the cohesion of a society. He advised the king to launch major public works projects, such as the creation of irrigation routes and the construction of forts around the main production centers and strategic towns in regions devastated by famine, epidemics, and other natural disasters, or by war, and to exempt from taxes those affected by these disasters.

In the 2nd century BC, Taxila was annexed by the Indo-Greek kingdom of Bactria which built a new capital there named Sirkap, where Buddhist temples were contiguous with Hindu and Greek temples, a sign of religious tolerance and syncretism.
Sirkap was built according to the “Hippodamian” grid plan characteristic of Greek cities. (*5)
It is organized around a main avenue and fifteen perpendicular streets, covering an area of approximately 1,200 meters by 400, with a surrounding wall 5 to 7 meters wide and 4.8 kilometers long.
After its construction by the Greeks, the city was rebuilt during the incursions of the Indo-Scythians, then by the Indo-Parthians after an earthquake in the year 30 AD. Gondophares, the first king of the Indo-Parthian kingdom, built parts of the city, including the Buddhist stupa (funerary monument) of the double-headed eagle and the temple of the Sun god. Finally, inscriptions dating from 76 AD demonstrate that the city had already come under Kushan domination. The Kushan ruler Kanishka erected Sirsukh, about 1.5 km northeast of ancient Taxila.
Buddhist sutras from the Gandhara region were studied in China when the Kushan monk Lokaksema (born 147) began translating some of the earliest Buddhist sutras into Chinese. The oldest of these translations show that they were translated from the Gândhârî language.
D. Architecture, the invention of Stupas


The construction of religious buildings in the form of a Buddhist stupa (reliquary) – a domed monument – began in India as memorials associated with the preservation of the sacred relics of the Buddha.
The stupas are surrounded by a balustrade which serves as a ramp for ritual circumambulation. The sacred area is accessed through doors located at the four cardinal points. Stupas were often built near much older prehistoric burial sites, notably those associated with the Indus Valley Civilization.

Stone gates and gates covered with sculptures were added to the stupas. The favorite themes are the events of the historical life of the Buddha, as well as his previous lives numbering 550 and described with much irony in the Jatakas. (See B)

The bas-reliefs of the stupas are like comic strips that tell us about the daily and religious life of Gandhara: wine amphorae, wine goblets (kantaros), bacchanalia, musical instruments, Greek or Indian clothing, ornaments, hairstyles arranged in style. Greek, artisans, their tools, etc. On a vase found inside a stupa, is the inscription of a Greek, Theodore, civil governor of a province in the 1st century BC, explaining in Kharosthi script how the relics were deposited in the stupa.
Many stupas are believed to date from Ashoka‘s time, such as that of Sanchi (Central India) or Kesariya (East India), where he also erected pillars with his edicts and perhaps the stupa of Bharhut (Central India), Amaravati (South-East India) or Dharmarajika (Taxila) in Gandhara (Pakistan). According to Buddhist tradition, Emperor Ashoka recovered the relics of the Buddha in older stupas and erected 84,000 stupas to distribute all these relics throughout Indian territory.
Following in the footsteps of Ashoka, Kanishka ordered the construction of the 400-foot grand stupa at Purushapura (Peshawar), which is among the tallest buildings of the ancient world.
Archaeologists who rediscovered its base in 1908-1909 estimated that this stupa had a diameter of 87 meters. Reports from Chinese pilgrims such as Xuanzang indicate that its height was around 200 meters and that it was covered in precious stones. Also, under the Kushans, huge statues of the Buddha were erected in monasteries and carved into hillsides.
Sculpture: when Buddha became man
ANICONIC PERIOD
It is important to know that in early times Buddha was never depicted in human form. For more than four centuries, his presence is simply indicated by symbolic elements such as a pair of footprints, a lotus (indicating the purity of his birth), an empty throne, an unoccupied space under a parasol, a horse without a rider or the Bodhi fig tree under which he reached nirvana. Scholars do not agree on whether these symbols represent the Buddha himself or whether they simply allude to anecdotes from his life.

END OF ANICONISM
What led Buddhists to abandon aniconic representations remains a vast mystery. Such a development is quite unique in the history of religions. Imagine Muslims suddenly promoting statues of the prophet Mohammed!
The explanations put forward so far leave us wanting more.
For some, the Buddhists wanted to appeal to a Greek clientele, but both the Greek population and Buddhism were in Gandhara long before the iconographic revolution in question. The timing doesn’t fit.
For others, practitioners, in the absence of Buddha himself, would have been desperate to find a visual focal point, be it a statue, a painting or even a few hairs… But for that purpose, the symbols they adopted (wheel, fig tree, empty chair, footprint, etc.), were sufficient.
“TheJataka of Kalingabodhi(a key script on the multiple lives of Buddha) relatesthe frustration of the inhabitants of Sravasti who, one day, discover that they have no one to worship when they go to the Jetavana and find the Buddha gone away on a trip. To remedy this situation, upon his return, the Buddha allowed(his disciple)Ananda to plant a bodhi fig treein front of the(monastery of)Jetavana […] which serves as a substitute center for people’s devotions, each time that the Buddha is not in residence,”
(John Strong, Relics of the Buddha.)
Buddha, it is reported, refused to be represented in any way, fearing that idolatry would flourish.
But over time, Buddhism evolved. In Gandhara, Mahayana Buddhism flourished.
While for the old school, Siddhartha Gautama was only an enlightened man setting an example, for the new school of Mahayana Buddhism, Buddha was a (successful) attempt to personify (the omnipresent spiritual force, the ultimate and supreme principle of life) in the conception of the first Buddha of all. In short, a kind of Jesus. Consequently, just like Christ from the 5th century on, Buddha could be represented in human form and express elevated states of the soul, such as tenderness and compassion. Added to this is the fact that for Mahayana Buddhism, the objective of helping all living beings to attain nirvanaand liberate them from suffering has priority over reaching nirvana on a purely personal level.
Unlike many Christian artists in the West, who, following the doxa, represented Christ suffering on the Cross (the founding event of the Christian faith and Church), the artists of Gandhara present the Buddha as a being totally detached from human pain, looking with compassion to all of humanity.
More importantly, the goal is the elimination of suffering in all humans, compassion is not a passive notion for Buddhists. It is not just empathy but rather an empathetic altruism that actively strives to free others from suffering, an act of kindness imbued with both wisdom and love.
DIFFERENCES IN FORM, DIFFERENCES IN CONTENT

Before discussing their differences, let’s simply distinguish four types of Buddha representations, among many others:
- The « Greco-Buddhist » Gandhara school, produced in the region between Hadda (Afghanistan) and Taxila (Punjab), via Peshawar (Pakistan);
- The « Indo-Buddhist » school of Mathura;
- The Andra Pradesh school in southern India;
- The school of the Gupta period (3rd to 5th centuries).
1. Greco-Buddhist in Gandhara

The term « Greco-Buddhist » refers to archaeologist Alfred Foucher’s (1865-1952) 1905 Sorbonne thesis on Gandhara art.
As André Malraux (1901-1976) wrote in Les Voix du silence in 1951, Greco-Buddhist art is the encounter between Hellenism and Buddhism. Instead of saying that art from Greece had metamorphosed into Buddhist art, as Malraux put it, I think that in Gandhara, it was Buddhist art that appropriated the best of Indian, Greek and steppe aesthetics.
However, Foucher was right to insist, against his English friends, that the influence was Hellenic and not Roman. For their part, with India emancipating itself from the British Empire, Indian scholars tried to validate the thesis of an indigenous creation of the Buddha image, contrasting the Gandhara style, which Foucher wanted to be Greco-Buddhist, with the style of Mathura, in the Delhi region, also part of the Kushan empire, and seen by some as contemporary, even if it is far less prolix than Gandhara art.

Gandhara art really took off during the Kushan period, particularly under the reign of King Kanishka.
Thousands of images were produced and spread throughout the region, from portable Buddhas to monumental statues in sacred places of worship.
In Gandhara, Buddha is depicted very realistically as a beautiful person, often a young man or even a woman. The spiritual charge is such that gender is no longer essential. We don’t know whether these are beautiful portraits taken from life, or pure figments of the artist’s imagination.
Buddha is often shown in meditative posture to evoke the moment when he reaches nirvana.


Crowned with a halo, his face serious or smiling, his eyes half-closed, he radiates light. Full of serenity, he embodies detachment, concentration, wisdom and benevolence.
His hair in a bun (the ushnisha) at the top of his head indicates that he is gifted with supramundane knowledge. The black dot between his eyes symbolizes the third eye, the eye of enlightenment.
In some sculptures, this cavity contains a crystal pearl, symbolizing radiant light. The earlobes are elongated to accommodate the heavy jewelry once worn by the young prince Siddhartha during his princely youth.
The positioning of the hands, as in the rest of Indian art, responds to codes. These include the « abhayamudra », the gesture of reassurance, with the palm facing outwards; the « varamudra », symbolizing giving, with the hand hanging open and the arm half-bent; or the « vitarkamudra », symbolizing argumentation, with the hand raised to chest height, half-closed, palm forward, index finger curved towards the thumb.
At Gandhara, Buddha is dressed in a monastic cloak covering both shoulders. The fabric is neither cut nor sewn, but simply draped in a Greek style around the body. The barely stylized folds follow natural volumes.
2. The School of Mathura
King Kanishka, while supporting all religions he found worthy, did not hide his preference for Buddhism. In practice, he encouraged both the Gandhara school of Greco-Buddhist art (in Taxila and Hadda) and the Indo-Buddhist school (in Mathura, closer to South Asia).


As one can see, in Mathura, local artists produced a very different type of Buddha. His body is dilated by the sacred breath (prana)and his monastic robe is draped in the Indian style in a way that bares the right shoulder.
Mathura artists used the image of statues of the pre-Buddhist yaksha cults of nature as models for their productions. The body position is often more static and without contrapposto. Clothing can be so thin that the lower parts of the anatomy make a showing and detract the viewers’ concentration on Buddha’s spiritual nature.
3. School of Andhra Pradesh

A third type of influential Buddha type developed in Andhra Pradesh in southern India, where images of large proportions, with serious, unsmiling faces, are dressed in robes that also reveal the left shoulder. These southern sites served as artistic inspiration for the Buddhist land of Sri Lanka, at the southern tip of India, and Sri Lankan monks visited them regularly. Many statues in this style spread from there throughout Southeast Asia.
4. The Gupta period

The Gupta period, from the 4th to 6th centuries AD, in northern India, often referred to as the Golden Age, is believed to have synthesized the three schools. In seeking an “ideal” image for mass production, mannerism took over.
The Gupta Buddhas have their hair arranged in small individual curls, and the robes have a network of strings to suggest the folds of the draperies (as at Mathura).
With their downward gaze and spiritual aura, the Gupta Buddhas became the model for future generations of artists, whether in post-Gupta and Pala India or Nepal, Thailand, and Indonesia.
Metal Gupta statues of the Buddha were also carried by pilgrims along the Silk Road to China and Korea where Confucius literati sometimes felt threatened by the rise of Buddhism.
But the Buddhas of Gandhara are very special and truly unique. They are distinct examples escaping any codification and standards. They were made by artists with a high spirituality, exploring new frontiers of beauty, movement, and freedom, and not objects produced to satisfy an emerging market.
As early as the first century BC, local artists, who had worked with perishable materials such as brick, wood, thatch, and bamboo, adopted stone on a very large scale. The new material used was mainly a light to dark colour gray shale stone (in the Kabul River valley and Peshawar region). Later periods are characterized by the use of stucco and clay (a specialty of Hadda).
The origin of Buddha’s beautiful image is a subject Pakistanis, Indians, Afghans, and Europeans like to wrangle about today. All claim to have been the main sponsors and authors of the « Miracle of Gandhara », but few ask how it came about. The techniques used for the sculptures and coins of Gandhara are very close to those of Greece. Questions about whether they were created by traveling Greek sculptors or by the local artists they trained are up for discussion. Who did what and when remains an open question, but does it really matter?
When Asia meets Greece
Let’s take a look at some of the artistic expressions that testify to the beautiful encounter between Hellenic culture and Central Asian and Indian local cultures.
A. Kushan Coins

A gold coin dating from 120 AD shows the king dressed in a heavy Kushan cloak and long boots, with flames emanating from the shoulders, holding a standard in his left hand and making a sacrifice on an altar with the legend in Greek characters: “King of kings, Kanishka the Kushan”.
The reverse of the same coin represents a standing Buddha, in Greek costume, making the “fear nothing” (abhaya mudra) gesture with his right hand and holding a fold of his robe in his left hand. The legend in Greek characters now reads ΒΟΔΔΟ (Boddo), for the Buddha.
B. Bimaran Reliquary
A truly classical theme in the repertoire of any artist of the time consists of showing Buddha surrounded, welcomed, and protected by the deities of other beliefs and more ancient religions.

The oldest such representation known to date appears on a reliquary found in the Bimaran stupa in northwestern Gandhara. On this small gold urn, known as the Bimaran casket, generally dated 50-60 AD, there appears, inside vaulted niches of Greco-Roman architecture, a “Hellenistic” representation of the Buddha (hairstyle, contrapposto, prestigeous wrap, etc.), surrounded by the Indian deities Brahma and Shakra.
Just like Ashoka, the almost secular Kanishka, did not intend to reign againstbut with all and “above” all religions.
Thus, on occasion, the Greek deities, represented on coins (Zeus, Apollo, Heracles, Athena…), rub shoulders with the deities of Vedism, Zoroastrianism, and Buddhism.
Another example of this form of inclusiveness, is the cave and the temple carved into the rock in Ellora, in central India, with representatives of the three religions (Buddhism, Hinduism, and Jainism) rubbing shoulders in the center.
C. The Hadda Triad


Another exquisite example of this Gandharan art is a sculptural group known as the Triad of Hadda, excavated at Tapa Shotor, a large Sarvastivadin monastery near Hadda in Afghanistan, dating from the 2nd century AD.

To give an idea of its vast artistic production, it is worthy of note that some 23,000 Greco-Buddhist sculptures, in clay and plaster, were unearthed in Hadda alone between the 1930s and 1970s.
The site, heavily damaged during recent wars, had beautiful statues, including a seated Buddha (image above), dressed in a Greek chlamys (white coat), with curly hair, accompanied by Heraclesand Tyche(Greek goddess of fortune and of prosperity), dressed in a chiton (Greek dress), holding a cornucopia.
Here, the only adaptation to local traditions of Greek iconography is the fact that Heracles no longer holds in his hand his usual club but the thunderbolt of Vajrapani (from the Sanskrit word which means “thunderbolt” (vajra) and « in the hand » (pani), one of the first three protective deities surrounding the Buddha.

Another statue recalls the portrait of Alexander the Great. Unfortunately, only photographs remain of this sculptural ensemble, .
According to Afghan archaeologist Zemaryalai Tarzi, the Tapa Shotor Monastery, with its clay sculptures dating back to the 2nd century AD, represents the « missing link » between the Hellenistic art of Bactria and the later stucco sculptures found at Hadda, generally dating back to between the 3rd – 4th century AD. Traditionally, the influx of master artists of Hellenistic art has been attributed to the migration of Greek populations from the Greco-Bactrian cities of Ai-Khanoum and Takht-I-Sangin (Northern Afghanistan).

Tarzi suggests that Greek populations settled in the plains of Jalalabad, which included Hadda, around the Hellenistic city of Dionysopolis (Nagara), and were responsible for the Buddhist creations of Tapa Shotor in the 2nd century AD.
The Greek colonists who remained in Gandhara (the “Yavanas”or Ionians) after the departure of Alexander, either by choice or as populations condemned to exile by Athens, greatly embellished the artistic expressions of their new spirituality.
Offering freshness, poetry, and a spectacularly modern sense of movement, the first Buddhist artists of Gandhara, capturing instants of « motion-change » allowing the human mind to apprehend a potential leap towards perfection, are an invaluable contribution to all human culture. Isn’t it high time that this magnificent work be recognized?
D. Take the Earth as your Witness

A magnificent sculpture, now on exhibition at the Cleveland Museum, depicts one of the narratives of the Buddha’s struggle to achieve nirvana. The bodhi fig tree under which the Buddha achieved enlightenment is at the center of the composition. It has been revered since ancient times by local villagers, as it is known to be the residence of a deity of nature. The altar itself is covered with kusha grass used as part of sacrificial offerings.
After sitting in meditation for seven days under his tree, approximately 2,500 years ago, the Buddha was challenged by nightmarish demons (Maras) who questioned the authenticity of his accomplishment.
Mara, who stands on the right in an arrogant swaying position among his beautiful daughters, tries everything to prevent Buddha from succeeding. He threatens him and encourages his daughters to seduce him. Innocently, he asks Buddha if he is sure he can find someone to testify that he has truly reached nirvana. In response to the challenge launched by Mara, the Buddha then touches the earth and calls it to witness.
According to mythology, when he touched the ground, the young Earth Goddess rose out of the ground and started to wring the cool waters of detachment out of her hair to drown Mara. On the sculpture, one can see the Earth goddess, very small, at the base of the altar, kneeling before Buddha in reverence. She also took a human form when rising from the ground. The old religions intervened here to defend and protect the new one, that of Buddha.
The Indians who converted to Buddhism also seem to have missed the old gods and goddesses of their pantheon; hence, they too include their deities above the head of Buddha or next to it, such as the Vedic god Indra, for example.
E. All Bodhisattvas?


Finally, to conclude this section on sculpture, a few words about the bodhisattva, a very interesting figure that has emerged from the Buddhist imagination to make Buddhist spirituality accessible to ordinary people.
Animated by altruism and obeying the disciplines intended for bodhisattvas, a bodhisattva must compassionately first help all other sentient beings to awaken, even by delaying his own nirwana!

Bodhisattvas are distinguished by great spiritual qualities such as the « four divine abodes »:
- loving-kindness (Maitri);
- compassion(karuna);
- empathic joy (mudita);
- equanimity (upekṣa).
The other various perfections (paramitas)of the Bodhisattva include prajnaparamita (« transcendent knowledge » or the « perfection of wisdom ») and skillful means (upaya).
Spiritually advanced Bodhisattva such as Avalokiteshvara, Maitreya, and Manjushri were widely revered in the Mahayana Buddhist world and are believed to possess great power which they use to help all living beings.

A wonderful example of the Bodhisattva concept can be seen at the Dallas Museum of Art (above). This terracotta sculpture represents a “thinking Bodhisattva” from the Hadda region in Afghanistan and is a typical production from Gandhara.
With very few visual elements, the artist produces here a huge effect.
The pillars of his large Bodhisattva chair are lions with slightly outlandish eyes, an allegorical representation of those passions that make us suffer and which are kept under sagacious control by the highly reflective effort of the heroic Bodhisattva on the chair at the center of the piece.
Buddhism today

Paradoxically, since the 12th century AD Buddhism, as a religion, has almost ceased to exist in its own birthplace of India.
A fine example of the incessant struggle of the best Indian minds for emancipation was in 1956 when nearly half a million « untouchables » converted to Buddhism under the leadership of the political leader who headed the committee responsible for drafting the Constitution of India, the social reformer B. R. Ambedkar(1891-1956), and the Indian Prime Minister and leader of the Congress Party Jawaharlal Nehru(1889-1964), himself from a Brahmin family.
In June of the same year, the UNESCO Courier dedicated its edition to“25 centuries of Buddhist art and culture”.
In India, the two statesmen orchestrated a year-long celebration honoring “2,500 years of Buddhism« , not to resurrect an ancient faith per se, but to claim status as the birthplace of Buddhism: this ancient religion that restores to the world an image advocating non-violence and pacifism.

Later, on November 9, 1961, during his state visit to the White House, Indian Prime Minister Nehru presented a Buddhist sculpture to President John F. Kennedy.
The West’s gaping ignorance about the real nature of Buddhism and Nehru’s “non-alignment” would eventually turn decolonization into bloody conflicts, such as in Vietnam, where close to 80 percent of the population was Buddhist, but where 80 percent of the land was owned by Catholic interests considered more robust to resist communist expansionism.
Mahatma Gandhi, like many Hindus, listened to Buddha’s message. For Hindus, Buddhism was just “another form of Hinduism”, and its justified social criticism, therefore, came “from within Hinduism”.
A point of view that Indian Prime Minister Jawaharlal Nehru did not share. Deeply troubled by certain intrinsic features of Hinduism, such as ritualism and the caste system, Nehru could not place Buddhism, which abhorred these institutions, in the same category. Nehru was profoundly influenced by Buddhism. He even named his daughter Indira Priyadashini (the future Prime Minister Indira Gandhi), because « Priyadarshi » was the name adopted by the great emperor Ashokaafter he became a Buddhist prince of peace!

Nehru was instrumental in making the Ashoka Chakra (the Buddhist wheel incorporated into the national flag) the symbol of India. Every time he visited Sri Lanka, he visited the Buddha statue at Anuradhapura.
Nehru, who continually urged superstitious and ritualistic Indians to cultivate a « scientific temperament » and bring India into the era of the atomic age, was naturally attracted to the rationalism advocated by the Buddha.
Nehru argued:
“Buddha did not ask anyone to believe in anything other than what could be proven by experience and test. All he wanted was for men to seek the truth and not accept anything on the faith of another man, even if it was the Buddha himself. It seems to me that this is the essence of his message” …adding, “Buddha dared to accept the truth and not to accept anything on the faith of another (…) Buddha had the courage to condemn popular religion, from superstition, ritual and priesthood, to all interests connected with them. He also condemned metaphysical and theological perspectives, miracles, revelations, and relationships with the supernatural. It appeals to logic, reason, and experience; he emphasizes ethics (…) His whole approach is like the breath of fresh mountain air after the stale air of metaphysical speculation (…) Buddha did not condemn castes directly, but in his own order, he did not recognize them, and there is no doubt that his whole attitude and activity weakened the caste system.”
The influence of the Buddha was manifested in Nehru’s foreign policy. This policy was motivated by a desire for peace, international harmony, and mutual respect. It aimed to resolve conflicts by peaceful methods.
On November 28, 1956, Nehru stated:
“It is mainly because of the Buddha’s message that we can view our problems in the right perspective and move away from conflicts and competition in the field of strife, violence and hatred « .
Visibly inspired by Buddhist precepts, the concepts of « non-alignment » and Nehru’s « Treaty of Panchsheel », commonly referred to as the « Treaty of the Five Principles of Peaceful Coexistence », were formally enunciated for the first time in the agreement on trade and relations between the Tibetan region of China and India, signed on 29thApril 1954.
This agreement stipulated, in its preamble, that the two governments,
“…have decided to conclude this Agreement based on the following principles: Mutual respect for each other’s territorial integrity and sovereignty, Mutual non-aggression, mutual non-interference, equality and mutual benefit, and peaceful coexistence”.
Nehru, at the International Buddhist Cultural Conference held on 29thNovember 1952, in Sanchi, the very city where Kanishkahad started building the highest stupa of antiquity, specified:
“The message that Buddha conveyed 2,500 years ago enlightened not only India and Asia but the whole world. The question that inevitably arises is: To what extent can the Buddha’s great message be applied to today’s world? Maybe yes, maybe no, but I know that if we follow the principles set forth by the Buddha, we will gain peace and tranquility for the world.”
On 3rdOctober 1960, Nehru addressed the United Nations General Assembly when he said,
“In the distant past, a great son of India, the Buddha, said that the only true victory was when all were equally victorious, and no one was defeated. In today’s world, this is the only concrete victory; any other path leads to disaster.”
Nehru tried his best to apply the teachings of the Buddha in managing India’s internal affairs. His belief is that social change can only be achieved through the broadest social consensus that stems from the influence of the Buddha, Ashoka, and Gandhi.
In his speech of 15thAugust 15, 1956, on the occasion of Independence Day, Nehru sets out the challenges to be met:“We are proud that the soil on which we were born has produced great souls like Gautama Buddha and Gandhi. Let us refresh our memory once again and pay homage to Gautama Buddha and Gandhi, and to the great souls who, like them, shaped this country. Let us follow the path they showed us with strength, determination, and cooperation.”
Science and religion, Albert Einstein and Buddha
To conclude, here are some quotes of Albert Einstein discussing the relation between science and religion where he underlines the importance of Buddha:

Cosmic religious feeling
« There is a third state of religious experience…which I will call cosmic religious feeling. It is very difficult to elucidate this feeling to anyone who is entirely without it, especially as there is no anthropomorphic conception of God corresponding to it. The individual feels the nothingness of human desires and aims and the sublimity and marvellous order which reveal themselves both in nature and in the world of thought. He looks upon individual existence as a sort of prison and wants to experience the universe as a single significant whole.
The beginnings of cosmic religious feeling already appear at an early stage of development—e.g., in many of the Psalms of David and in some of the Prophets.
Buddhism, as we have learnt from the wonderful writings of Schopenhauer especially, contains a much stronger element of it. The religious geniuses of all ages have been distinguished by this kind of religious feeling, which knows no dogma and no God conceived in man’s image; so that there can be no Church whose central teachings are based on it.
Hence it is precisely among the heretics of every age that we find men who were filled with the highest kind of religious feeling and were in many cases regarded by their contemporaries as Atheists, sometimes also as saints. Looked at in this light, men like Democritus, Francis of Assisi, and Spinoza are closely akin to one another. How can cosmic religious feeling be communicated from one person to another, if it can give rise to no definite notion of a God and no theology? In my view, it is the most important function of art and science to awaken this feeling and keep it alive in those who are capable of it. »
—Einstein, Albert. The World As I See It. (Secaucus, NJ: Carol Publishing Group, 1999). p. 26.
Liberated from the the fetters of selfish desires
« A person who is religiously enlightened appears to me to be one who has, to the best of his ability, liberatedhimself from the fetters of his selfish desires and is preoccupied with thoughts, feelings, and aspirations to which he clings because of their super-personal value. It seems to me that what is important is the force of this super-personal content and the depth of the conviction concerning its overpowering meaningfulness, regardless of whether any attempt is made to unite this content with a divine Being, for otherwise it would not be possible to count Buddha and Spinoza as religious personalities.
Accordingly, a religious person is devout in the sense that he has no doubt of the significance and loftiness of those super-personal objects and goals which neither require nor are capable of rational foundation. They exist with the same necessity and matter-of-factness as he himself. In this sense religion is the age-old endeavor of mankind to become clearly and completely conscious of these values and goals and constantly to strengthen and extend their effect. »
—Einstein, Albert. Einstein, Science, Philosophy and Religion, A Symposium, published by the Conference on Science, Philosophy and Religion in Their Relation to the Democratic Way of Life, Inc., New York, 1941.
Buddha, Moses and Jesus
« What humanity owes to personalities like Buddha, Moses, and Jesus ranks for me higher than all the achievements of the enquiring and constructive mind. What these blessed men have given us we must guard and try to keep alive with all our strength if humanity is not to lose its dignity, the security of its existence, and its joy in living. »
—Einstein, Albert. Written statement (September 1937), p. 70
We must begin with the heart of man
« If we want to improve the world we cannot do it with scientific knowledge but with ideals. Confucius, Buddha, Jesus and Gandhi have done more for humanity than science has done. We must begin with the heart of man—with his conscience—and the values of conscience can only be manifested by selfless service to mankind. »
—Einstein, Albert. Einstein and the Poet (1983), p. 92
Optical delusion of consciousness
One of the most poignant exchanges in his role as a philosopher came when he was 70 and living in Princeton. An ordained rabbi had written ex plaining that he had sought in vain to comfort his 19‐year‐old daughter over the death of her sister, “a sinless, beautiful, 16‐year‐old child.”
“A human being,” wrote Einstein in reply, “is a part of the whole, called by us “Universe,’ a part limited in time and space. He experiences himself, his thoughts and feelings as something separated from the rest — a kind of optical delusion of his consciousness. This delusion is a kind of prison for us, restricting us to our personal desires and to affection for a few persons near est to us. Our task must be to free ourselves from this prison by widening our circle of compassion to embrace all living creatures and the whole nature in its beauty. Nobody is able to achieve this completely, but the striving for such achievement is in itself a part of the liberation and a foundation for inner security.”
— Walter Sullivan, “The Einstein Papers: A Man of Many Parts,”New York Times Archives, March 29, 1972.
NOTES:
(*1) Indo-Aryan languages. There are over 200 known Indo-Aryan languages spoken by about 1 billion people. Modern Indo-Aryan languages descend from Old Indo-Aryan languages such as early Vedic Sanskrit, through Middle Indo-Aryan languages (or Prakrits). The largest such languages in terms of first-speakers are Hindi–Urdu (c. 330 million), Bengali (242 million), Punjabi (about 120 million), Marathi (112 million), Gujarati (60 million), Rajasthani (58 million), Bhojpuri (51 million), Odia (35 million), Maithili (about 34 million), Sindhi (25 million), Nepali (16 million), Assamese (15 million), Chhattisgarhi (18 million), Sinhala (17 million), and Romani (c. 3.5 million). Southern India has Dravidian languages (Telugu, Tamil, Kannada and Malayalam). In Europe, the main Indo-European languages are English, French, Portuguese, Russian, Dutch and Spanish.
(*2) Discords. As early as the 3rd century BC, no fewer than eighteen distinct Buddhist schools were at work in India, but all recognized each other as followers of the Buddha’s philosophy. Finally, Diamond Vehicle Buddhism, known as Vajrayana, whose complex texts and rituals were developed in the universities of northeast India around the 7th and 8th centuries.
(*3) Prakrit is a term that designates an Indo-Aryan language derived from classical Sanskrit. The word itself has a fairly flexible definition, because it sometimes has the meaning of “original, natural, without artifice, normal, ordinary, usual, or even local”, thus contrasting with the literary and religious form of Sanskrit; but sometimes, we can also understand Prakrit as meaning “derived from an original language”, that is to say, derived from Sanskrit. We can therefore say that Prakrit, like any vulgar and vernacular language of India, comes from Sanskrit. In a way, we can compare Prakrits to vulgar Latin, while Sanskrit would be classical Latin. The oldest known use of prâkrit is formed by the set of inscriptions of the Indian emperor Ashoka (3rd century BC). One of the most famous Prakrits is Pali, which achieved the status of a literary and intellectual language by becoming that of the texts of Theravada Buddhism.
(*4) Pâli is an Indo-European language of the Indo-Aryan family. It is a Middle Indian Prakrit close to Sanskrit and probably dates back to the 3rd century BC. Pâḷi is used as a Buddhist liturgical language in Sri Lanka, Burma, Laos, Thailand, and Cambodia. Its status as a liturgical language has made it, like Sanskrit, fixed and standardized.
(*5) Hippodamos of Miletus (born 498 BC – died 408 BC) was a surveyor and engineer from the 5th century BC. BC was also an urban architect, physicist, mathematician, meteorologist, and Pythagorean philosopher. Tradition has remembered his great works of urban planning. Although these works are characterized by the systematic use of the checkerboard plan, he is not its inventor, very ancient Greek colonies already providing us with examples of this urban structure.
Le « miracle » du Gandhara : quand Bouddha s’est fait homme

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C’est lors de mon voyage en Afghanistan, en novembre 2023, que j’ai réalisé à quel point j’ignorais tout de cette partie du monde. Si aujourd’hui l’islam prévaut en Afghanistan et au Pakistan, on oublie souvent qu’une région commune à ces deux pays, historiquement connue sous le nom de Gandhara, a joué, du Ier au IIIe siècle de notre ère, un rôle majeur dans l’épopée du bouddhisme, une spiritualité qui, en refusant toute idée de caste, va bousculer l’ordre du monde.
Carrefour obligé sur les Routes de la soie reliant l’Europe à l’Inde et à la Chine, c’est au Gandhara, qu’a eu lieu un véritable dialogue entre les cultures eurasiatiques, perses, turques, grecques, chinoises et indiennes.
Bouddha. C’est par le volontarisme de deux grands rois d’Asie centrale (Ashokaet Kanishka) que le bouddhisme, né au Népal, trouvera l’énergie et la détermination pour gagner les esprits et les cœurs du monde.
Enfin, c’est au Gandhara que l’art bouddhique, en rupture avec les consignes du maître, va s’approprier les plus belles formes de diverses cultures artistiques grecques, indiennes, perses et autres, pour présenter bouddha sous une forme humaine aux fidèles, un homme éclairé, plein de sagesse et animé de compassion.
En offrant fraîcheur, poésie et un sens du mouvement spectaculairement moderne, les premiers artistes bouddhistes du Gandhara nous invitent à identifier en nous-mêmes, un saut vers l’auto-perfectionnement. A ce titre, ils sont les précurseurs de l’humanisme classique et de bien des Renaissances.
N’est-il pas temps de reconnaître la juste place que mérite leur contribution à la civilisation universelle ?
Enfin, vu la situation actuelle du monde, je tiens à citer le Premier Ministre indien Nehru, qui, le 3 octobre 1960 s’adressait à l’Assemblée générale des Nations unies avec des paroles qui n’ont cessé de gagner en pertinence : « Dans un passé lointain, un grand fils de l’Inde, le Bouddha, a dit que la seule vraie victoire était celle où tous étaient également victorieux et où personne n’était vaincu. Dans le monde d’aujourd’hui, c’est la seule victoire concrète ; toute autre voie mène au désastre. »
- Introduction
- Bouddha, bio-express
- Les quatre vérités et l’octuple sentier
- Réincarnation
- Les Aryens et le védisme
- Les Brahmanes et le système des castes
- L’Inde avant le Bouddhisme
- Les grands conciles bouddhistes
- L’arrivée des Grecs
- L’Empire Maurya
- Le règne d’Ashoka le Grand
- Edits d’Ashoka
- Contenu des édits
- L’Empire Kouchan
- Le miracle de Gandhara
a) La poésie
b) La littérature
c) L’urbanisme
d) L’architecture, l’invention des stupa
e) Sculpture
–Aniconisme
–Fin de l’aniconisme
–Différence de forme, différence de contenu
1) Ecole greco-bouddhique de Gandhara
2) Ecole de Mathura
3) Ecole d’Andrah Pradesh
4) Ecole de la période Gupta. - Lorsque l’Asie rencontre la Grèce
a) Pièces de monnaies kouchanes
b) Reliquaire bimaran
c) Triade de Harra
d) Prendre la terre à témoin
e) Tous Bodhisattva - Le Bouddhisme aujourd’hui, l’exemple de Nehru
- Science et religion, Albert Einstein et Buddha.
Introduction
Les Ve et IVe siècles avant J.-C. furent une période d’effervescence intellectuelle mondiale. C’est l’époque des grands penseurs, tels que Socrate, Platonet Confucius, mais aussi Paniniet Bouddha.
Dans le nord de l’Inde, c’est l’âge du Bouddha, après la mort duquel émerge une foi non théiste(Bouddha n’est qu’un homme…), qui se répand bien au-delà de sa région d’origine. Avec entre 500 millions et un milliard de croyants, le bouddhisme constitue aujourd’hui l’une des principales croyances religieuses et philosophiques du monde et sans doute une force potentielle redoutable pour la paix.
Bouddha, bio-express

« Le bouddha » (l’éveillé) est le nom donné à un homme appelé Siddhartha Gautama Shakyamuni (le muniou sage du clan des Shakya). Il aurait atteint l’âge d’environ quatre-vingts an. Craignant l’idolâtrie, il refuse toute représentation de sa personne sous forme d’image.
Les traditions divergent sur les dates exactes de sa vie que la recherche moderne tend à situer de plus en plus tard : vers 623-543 av. J.-C. selon la tradition theravâda, vers 563-483 av. J.-C. selon la majorité des spécialistes du début du XXe siècle, tandis que d’autres le situent aujourd’hui entre 420 et 380 av. J.-C. (sa vie n’aurait pas dépassé les 40 ans).


Selon la tradition, Siddhartha Gautama est né à Lumbini (dans l’actuel Népal) en tant que prince de la famille royale de la ville de Kapilavastu, un petit royaume situé dans les contreforts de l’Himalaya, dans l’actuel Népal.
Un astrologue aurait mis en garde le père du garçon, le roi Suddhodana : lorsque l’enfant grandirait, il deviendrait soit un brillant souverain, soit un moine influent, en fonction de sa lecture du monde. Farouchement déterminé à en faire son successeur, le père de Siddhartha ne le laissa donc jamais voir le monde en dehors des murs du palais. Tout en lui offrant tous les plaisirs et distractions possibles, il en fait un prisonnier virtuel jusqu’à l’âge de 29 ans.
Lorsque le jeune homme s’échappe de sa cage dorée, il découvre l’existence de personnes affectées par leur grand âge, la maladie et la mort. Bouleversé par la souffrance des gens ordinaires qu’il rencontre, Siddhartha abandonne les plaisirs éphémères du palais pour rechercher un but plus élevé dans la vie. Il se soumet d’abord à un ascétisme draconien, qu’il abandonne six ans plus tard, estimant qu’il s’agissait d’un exercice futile.
Il s’assoit alors sous un grand figuier pour méditer et y fait l’expérience du nirvana(la bodhi : libération ou, en sanskrit, extinction). On le désigne désormais sous le nom de « Bouddha » (l’éveilléou l’éclairé).
Les « quatre vérités » et « l’octuple sentier »
Avant d’en esquisser le développement politique, quelques mots sur la philosophie sous-jacente au bouddhisme.
A ses jeunes disciples, Bouddha enseigne la « Voie du milieu », entre les deux extrêmes de la mortification et de la satisfaction des désirs.
Et il énonce les Quatre nobles vérités :
- La noble vérité de la souffrance.
- La noble vérité de l’origine de la souffrance.
- La noble vérité de la cessation de la souffrance.
- La noble vérité de la voie menant à la cessation de la souffrance, celle du Noble Chemin octuple.
Ainsi que le feront Augustin et plus encore les Frères de la Vie commune dans le monde chrétien, le bouddhisme insiste sur le fait que notre attachement à l’existence terrestre implique la souffrance.
Chez les chrétiens, c’est ce qui conduirait au « péché », notion inexistante dans le bouddhisme, pour qui l’errance vient de l’ignorance du bon chemin.
Pour Bouddha, il faut combattre, voire éteindre tout sens démesuré du moi (on dirait egoaujourd’hui). Il est possible de mettre fin à notre souffrance en transcendant ce fort sentiment de « moi », afin d’entrer dans une plus grande harmonie avec les choses en général. Les moyens d’y parvenir sont résumés dans le Noble Chemin octuple, parfois représenté par les huit rayons d’une Roue de la Loi (dharmachakra) que Bouddha mettra en marche, la Loi signifiant ici le dharma, un ensemble de préceptes moraux et philosophiques.
Ces huit points du Noble Chemin octuple sont :
- la vue juste
- la pensée juste
- la parole juste
- l’action juste
- les moyens d’existence justes
- l’effort juste
- la pleine conscience
- la concentration juste
– La vision juste est importante dès le départ, car sans cela, on ne peut pas voir la vérité des quatre nobles vérités.
– La pensée juste en découle naturellement. Le terme « juste » signifie ici « en accord avec les faits », c’est-à-dire avec la façon dont les choses sont (qui peut être différente de la façon dont je voudrais qu’elles soient).
– La pensée juste, la parole juste, l’action juste et les moyens d’existencejustesimpliquent une retenue morale – s’abstenir de mentir, de voler, de commettre des actes violents et gagner sa vie d’une manière qui ne soit pas préjudiciable aux autres. La retenue morale ne contribue pas seulement à l’harmonie sociale générale, elle nous aide aussi à contrôler et à diminuer le sentiment démesuré du « moi ». Comme un enfant gâté, le « moi » grandit et devient indiscipliné à mesure que nous le laissons agir à sa guise.
– Ensuite, l’effort juste est important parce que le « moi » prospère dans l’oisiveté et le mauvais effort ; certains des plus grands criminels sont les personnes les plus énergiques, donc l’effort doit être approprié à la diminution du « moi » (son ego, dirait-on aujourd’hui). Dans tous les cas, si nous ne sommes pas prêts à faire des efforts, nous ne pouvons pas espérer obtenir quoi que ce soit, ni dans le sens spirituel ni dans la vie. Les deux dernières étapes de la voie, la pleine conscience et la concentrationou absorption, représentent la première étape permettant de nous libérer de la souffrance.
Les ascètes qui avaient écouté le premier discours du Bouddha devinrent le noyau d’un sangha(communauté, mouvement) d’hommes (les femmes devaient entrer plus tard) qui suivaient la voie décrite par le Bouddha dans sa Quatrième noble vérité, celle précisant le Noble Chemin octuple.
Pour rendre le nirvana bouddhiste accessible au citoyen ordinaire, l’imagination bouddhiste a inventé le concept très intéressant de bodhisattva, mot dont le sens varie selon le contexte. Il peut aussi bien désigner l’état dans lequel se trouvait Bouddha lui-même avant son « éveil », qu’un homme ordinaire ayant pris la résolution de devenir un bouddha et ayant reçu d’un bouddha vivant la confirmation ou la prédiction qu’il en serait ainsi.
Dans le bouddhisme theravâda (l’école ancienne), seules quelques personnes choisies peuvent devenir des bodhisattvas, comme Maitreya, présenté comme le « Bouddha à venir ».
Mais dans le bouddhisme mahâyâna(Grand Véhicule), un bodhisattva désigne toute personne qui a généré la bodhicitta, un souhait spontané et un esprit compatissant visant à atteindre l’état de bouddha pour le bien de « tous les êtres sensibles », hommes aussi bien qu’animaux. Etant donné qu’une personne peut, dans une vie future, se réincarner dans un animal, le respect des animaux s’impose.
Réincarnation
Tout en voulant construire sa propre vision sur certains fondements de l’hindouisme, l’une des plus anciennes religions du monde, Siddhartha introduisit néanmoins des changements révolutionnaires aux implications politiques importantes.
Dans la plupart des croyances impliquant la réincarnation (hindouisme, jaïnisme, sikhisme), l’âme humaine est immortelle et ne se disperse pas après la disparition du corps physique. Après la mort, l’âme transmigre simplement (métempsychose) dans un nouveau-né ou un animal pour poursuivre son immortalité. La croyance en la renaissance de l’âme a été exprimée par les penseurs grecs anciens, à commencer par Pythagore, Socrate et Platon.
Le but du bouddhisme est d’apporter un bonheur durable et inconditionnel. Celui de l’hindouisme est de se libérer du cycle de naissance et de renaissance (samsara) pour atteindre, finalement, lemoksha, qui en est la libération.

Le bouddhisme et l’hindouisme s’accordent sur lekarma, ledharma, lemokshaet la réincarnation. Mais ils diffèrent politiquement dans la mesure où le bouddhisme se concentre sur l’effort personnel de chacun et accorde par conséquent une moindre importance aux prêtres et aux rituels formels que l’hindouisme. Enfin, le bouddhisme ne reconnaît pas la notion de caste et prône donc une société plus égalitaire.
Alors que l’hindouisme soutient que l’on ne peut atteindre le nirvana que dans une vie ultérieure, le bouddhisme, plus volontariste et optimiste, soutient qu’une fois qu’on a réalisé que la vie est souffrance, on peut mettre un terme à cette souffrance dans sa vie présente.
Les bouddhistes décrivent leur renaissance comme une bougie vacillante qui vient en allumer une autre, plutôt que comme une âme immortelle ou un « moi » passant d’un corps à un autre, ainsi que le croient les hindous. Pour les bouddhistes, il s’agit d’une renaissance sans « soi », et ils considèrent la réalisation du non-soi ou du vide comme le nirvana (extinction), alors que pour les hindous, l’âme, une fois libérée du cycle des renaissances, ne s’éteint pas, mais s’unit à l’Être suprême et entre dans un éternel état de félicité divine.
Les Aryens et le védisme
L’une des grandes traditions ayant façonné l’hindouisme est la religion védique (védisme), qui s’est épanouie chez les peuples indo-aryens du nord-ouest du sous-continent indien (Pendjab et plaine occidentale du Gange) au cours de la période védique (1500-500 av. J.-C.).
Au cours de cette période, des peuples nomades venus du Caucase et se désignant eux-mêmes comme « Aryens » (« noble », « civilisé » et « honorable ») pénétrèrent en Inde par la frontière nord-ouest.

Le terme « aryen » a une très mauvaise connotation historique, en particulier depuis le XIXe siècle, lorsque plusieurs antisémites virulents, tels qu’Arthur de Gobineau, Richard Wagner et Houston Chamberlain, ont commencé à promouvoir le mythe d’une « race aryenne », soutenant l’idéologie suprémaciste blanche de l’aryanisme qui dépeint la race aryenne comme une « race des seigneurs », les non-aryens étant considérés non seulement comme génétiquement inférieurs (Untermensch, ou sous-homme) mais surtout comme une menace existentielle à exterminer.

D’un point de vue purement scientifique, dans son livre The Arctic Home (1903), le patriote indien Bal Gangadhar Tilak (1856-1920), s’appuyant sur son analyse des observations astronomiques contenues dans les hymnes védiques, émet l’hypothèse selon laquelle le pôle Nord aurait été le lieu de vie originel des Aryens pendant la période préglaciaire, région qu’ils auraient quittée vers 8000 avant J.-C. à cause de changements climatiques, migrant vers les parties septentrionales de l’Europe et de l’Asie. Gandhi disait de Tilak, l’un des pères du mouvement de l’indépendance du pays, qu’il était « l’artisan de l’Inde moderne ».
Les Aryens arrivant du Nord étaient probablement moins barbares qu’on ne l’a suggéré jusqu’à présent. Grâce à leur supériorité militaire et culturelle, ils conquirent toute la plaine du Gange, avant d’étendre leur domination sur les plateaux du Deccan.
Cette conquête a laissé des traces jusqu’à nos jours, puisque les régions occupées par ces envahisseurs parlent des langues indo-européennes issues du sanskrit. (*1)

En réalité, la culture védique est profondément enracinée dans la culture eurasienne des steppes Sintashta (2200-1800 avant notre ère) du sud de l’Oural, dans la culture Andronovo d’Asie centrale (2000-900 avant notre ère), qui s’étend du sud de l’Oural au cours supérieur de l’Ienisseï en Sibérie centrale, et enfin dans la Civilisation de la vallée de l’Indus (Harappa) (4000-1500 avant notre ère).
Cette culture védique se fonde sur les fameux Védas (savoirs), quatre textes religieux consignant la liturgie des rituels et des sacrifices et les plus anciennes écritures de l’hindouisme. La partie la plus ancienne du Rig-Veda a été composée oralement dans le nord-ouest de l’Inde (Pendjab) entre 1500 et 1200 av. JC., c’est-à-dire peu après l’effondrement de la Civilisation de la vallée de l’Indus.
Le philologue, grammairien et érudit sanskrit Panini, qu’on croit être un contemporain de Bouddha, est connu pour son traité de grammaire sanskrite en forme de sutra, qui a suscité de nombreux commentaires de la part d’érudits d’autres religions indiennes, notamment bouddhistes.
Les Brahmanes et le système des castes

Cependant, avec l’émergence de cette culture aryenne apparut ce que l’on appelle le « brahmanisme », c’est-à-dire la naissance d’une caste toute puissante de grands prêtres.
« De nombreuses études linguistiques et historiques font état de troubles socioculturels résultant de cette migration et de la pénétration de la culture brahmanique dans diverses régions, de l’ouest de l’Asie du Sud vers l’Inde du Nord, l’Inde du Sud et l’Asie du Sud-Est », constateaujourd’hui Gajendran Ayyathurai, un anthropologue indien de l’Université de Göttingen en Allemagne.
Le brahman, littéralement « supérieur », est un membre de la caste sacerdotale la plus élevée (à ne pas confondre avec les adorateurs du dieu hindou Brahma). Bien que le terme apparaisse dans les Védas, les chercheurs modernes tempèrent ce fait et soulignent qu’il « n’existe aucune preuve dans le Rig-Veda d’un système de castes élaboré, très subdivisé et très important ».

Mais avec l’émergence d’une classe dirigeante de brahmanes, devenus banquiers et propriétaires terriens, notamment sous la période Gupta (de 319 à 515 après J.-C.), un redoutable système de castes se met graduellement en place. La classe dirigeante féodale, ainsi que les prêtres, vivant des recettes des sacrifices, mettront l’accent sur des dieux locaux qu’ils intégreront progressivement au brahmanisme afin de séduire les masses. Même parmi les souverains, le choix des divinités indiquait des positions divergentes : une partie de la dynastie Gupta soutenait traditionnellement le dieu Vishnou, tandis qu’une autre soutenait le dieu Shiva.
Ce système déshumanisant des castes fut ensuite amplifié et utilisé à outrance par la Compagnie britannique des Indes orientales, une entreprise et une armée privée à la tête de l’Empire britannique, pour imposer son pouvoir aristocratique et colonial sur les Indes, une politique qui perdure encore aujourd’hui, surtout dans les esprits.
Le système hindou des castes s’articule autour de deux concepts clés permettant de catégoriser les membres de la société : le varṇaet la jati. Le varna(littéralement « couleur ») divise la société en une hiérarchie de quatre grandes classes sociales :
- Brahmanes(la classe sacerdotale)
- Kshatriyas(guerriers et dirigeants)
- Vaishyas(marchands)
- Shudras(travailleurs manuels)
En outre, la jatifait référence à plus de 3000 classifications hiérarchiques, à l’intérieur des quatre varnas, entre les groupes sociaux en fonction de la profession, du statut social, de l’ascendance commune et de la localité…
La justification de cette stratification sociale est intimement liée à la vision hindouiste du karma. Car la naissance de chacun est directement liée au karma, véritable bilan de sa vie précédente. Ainsi, la naissance dans le varnabrahmanique est le résultat d’un bon karma…
« Ceux qui ont eu une bonne conduite ici auront rapidement une bonne naissance – naissance en tant que brahmane, kshatriya ou vaishya. Mais ceux dont la conduite ici a été mauvaise obtiendront rapidement une mauvaise naissance – naissance en tant que chien, porc ou chandala (bandit). »
(Chandogya Upanishad 5.10.7)
Selon cette théorie, le karma détermine la naissance de l’individu dans une classe, ce qui définit son statut social et religieux, qui fixe à son tour ses devoirs et obligations au regard de ce statut spécifique.
En 2021, une enquête a révélé que trois Indiens sur dix (30 %) s’identifient comme membres des quatre varnaset seulement 4,3 % des Indiens (60,5 millions) comme des brahmanes.
Certains d’entre eux sont prêtres, d’autres exercent des professions telles qu’éducateurs, législateurs, érudits, médecins, écrivains, poètes, propriétaires terriens et politiciens. Au fur et à mesure de l’évolution de ce système de castes, les brahmanes ont acquis une forte influence en Inde et ont exercé une discrimination à l’encontre des autres castes « inférieures ».

L’immense partie restante des Indiens (70 %), y compris parmi les hindous, déclare faire partie des dalits, encore appelés intouchables, des individus considérés, du point de vue du système des castes, comme hors castes et affectés à des fonctions ou métiers jugés impurs. Présents en Inde, mais également dans toute l’Asie du Sud, les dalits sont victimes de fortes discriminations. En Inde, une écrasante majorité de bouddhistes se déclarent dalits.
Dès le Ier siècle, le philosophe bouddhiste, dramaturge, poète, musicien et orateur indien Asvaghosa (v. 80 – v. 150 ap. J.-C.) a élevé la voix pour condamner ce système des castes, avec des arguments empruntés pour certains aux textes les plus vénérés des brahmanes eux-mêmes, et pour d’autres, fondés sur le principe de l’égalité naturelle entre tous les hommes.
Selon Asvaghosa,
« la qualité de brahmanen’est inhérente ni au principe qui vit en nous, ni au corps dans lequel réside ce principe, et elle ne résulte ni de la naissance, ni de la science, ni des pratiques religieuses, ni de l’observation des devoirs moraux, ni de la connaissance des Védas. Puisque cette qualité n’est ni inhérente ni acquise, elle n’existe pas, ou plutôt tous les hommes peuvent la posséder. »
Une allégorie bouddhiste rejette clairement et se moque de l’idée même du système de castes:
« De même que le sable ne devient pas de la nourriture simplement parce qu’un enfant le dit, lorsque de jeunes enfants jouant sur une route principale construisent des pâtés de sable et leur donnent des noms, en disant ‘Celui-ci est du lait, celui-ci de la viande et celui-ci du lait caillé’, il en va de même pour les quatre varnas, tels que vous, les brahmanes, les décrivez. »
L’Inde avant le bouddhisme
L’époque du Bouddha est celle de la deuxième urbanisation de l’Inde et d’une grande contestation sociale.
L’essor des shramaṇas, des philosophes ou moines errants ayant rejeté l’autorité des Védas et des brahmanes, était nouveau. Bouddha n’était pas le seul à explorer les moyens d’obtenir la libération (moksha) du cycle éternel des renaissances (saṃsara).
Le constat que les rituels védiques ne menaient pas à une libération éternelle conduisit à la recherche d’autres moyens. Le bouddhisme primitif, le yoga et des courants similaires de l’hindouisme, jaïnisme, ajivika,ajnanaet chârvaka, étaient les shramanasles plus importants.
Malgré le succès obtenu en diffusant des idées et des concepts qui allaient bientôt être acceptés par toutes les religions de l’Inde, les écoles orthodoxes de philosophie hindoue (astika) s’opposaient aux écoles de pensée shramaṇiques et réfutèrent leurs doctrines en les qualifiant d’hétérodoxes (nastika), parce qu’elles refusaient d’accepter l’autorité épistémique des Védas.
Pendant plus de quarante ans, le Bouddha sillonna l’Inde à pied pour diffuser son dharma, un ensemble de préceptes et de lois sur le comportement de ses disciples. À sa mort, son corps fut incinéré, comme c’était la coutume en Inde, et ses cendres furent réparties dans plusieurs reliquaires, enterrés dans de grands monticules hémisphériques connus sous le nom de stupas. Alors déjà, sa religion était répandue dans tout le centre de l’Inde et dans de grandes villes indiennes comme Vaishali, Shravasti et Rajagriha.
Les grands conciles bouddhistes

Quatre grands conciles bouddhistes furent organisés, à l’instigation de différents rois qui cherchaient en réalité à briser l’omnipuissante caste des brahmanes.
Le premiereut lieu en 483 avant J.-C., juste après la mort du Bouddha, sous le patronage du roi Ajatasatru (492-460 av. J.-C.) du Royaume du Magadha, le plus grand des seize royaumes de l’Inde ancienne, afin de préserver les enseignements du Bouddha et de parvenir à un consensus sur la manière de les diffuser.
Le deuxièmeintervint en 383 avant J.-C., soit cent ans après la mort du Bouddha, sous le règne du roi Kalashoka. Des divergences d’interprétation s’installant sur des points de discipline au fur et à mesure que les adeptes s’éloignaient les uns des autres, un schisme menaçait de diviser ceux qui voulaient préserver l’esprit originel et ceux qui défendaient une interprétation plus large.
Le premier groupe, appelé Thera (signifiant « ancien » en pâli), est à l’origine du bouddhisme theravâda, engagé à préserver les enseignements du Bouddha dans l’esprit originel.
L’autre groupe était appelé Mahasanghika (Grande Communauté). Ils interprétaient les enseignements du Bouddha de manière plus libérale et nous ont donné le bouddhismeMahâyâna.
Les participants au concile tentèrent d’aplanir leurs divergences, sans grande unité mais sans animosité non plus. L’une des principales difficultés venait du fait qu’avant d’être consignés dans des textes, les enseignements du Bouddha n’avaient été transmis qu’oralement pendant trois à quatre siècles. (*2)
L’arrivée des Grecs

Ainsi que nous l’avons documenté par ailleurs, l’Asie centrale, et l’Afghanistan en particulier, furent le lieu de rencontre entre les civilisations perses, chinoises, grecques et indiennes.
C’est au Gandhara, région à cheval entre le Pakistan et l’Afghanistan, au cœur des Routes de la soie, que le bouddhisme prendra à deux reprises un envol majeur, donnant naissance à un art dit « gréco-bouddhiste », qui parviendra à faire la synthèse entre plusieurs cultures à travers des œuvres d’une beauté incomparable.

Les premiers Grecs commencèrent à s’installer dans la partie nord-ouest du sous-continent indien à l’époque de l’Empire perse achéménide. Après avoir conquis la région, le roi perse Darius le Grand (521 – 486 av. J.-C.) colonisa également une grande partie du monde grec, qui comprenait à l’époque toute la péninsule anatolienne occidentale.
Lorsque des villages grecs se rebellaient sous le joug perse, ils faisaient parfois l’objet d’un nettoyage ethnique et leurs populations étaient déportées à l’autre bout de l’empire.
C’est ainsi que de nombreuses communautés grecques virent le jour dans les régions indiennes les plus reculées de l’empire perse.
Au IVe siècle avant J.-C., Alexandre le Grand (356 – 323 av. J.-C.) vainquit et conquit l’empire perse. En 326 avant J.-C., cet empire comprenait la partie nord-ouest du sous-continent indien jusqu’à la rivière Beas (que les Grecs nommaient l’Hyphase). Alexandre établit des satrapies et fonde plusieurs colonies. Il se tourne vers le sud lorsque ses troupes, conscientes de l’immensité de l’Inde, refusent de pousser plus loin encore vers l’est.
Après sa mort, son empire se délite. De 180 av. J.-C. à environ l’an 10 de notre ère, plus de trente rois hellénistiques se succèdent, souvent en conflit entre eux. Cette époque est connue dans l’histoire sous le nom des « Royaumes indo-grecs ».
L’un d’eux a été fondé lorsque le roi gréco-bactrien Démétrius envahit l’Inde en 180 avant notre ère, créant ainsi une entité faisant sécession avec le puissant royaume gréco-bactrien, la Bactriane(comprenant notamment le nord de l’Afghanistan, une partie de l’Ouzbékistan, etc.).
Pendant les deux siècles de leur règne, ces rois indo-grecs intégrèrent dans une seule culture des langues et des symboles grecs et indiens, comme en témoignent leurs pièces de monnaie, et mêlèrent les anciennes pratiques religieuses grecques, hindoues et bouddhistes, comme le montrent les vestiges archéologiques de leurs villes et les signes de leur soutien au bouddhisme.
L’Empire Maurya

Vers 322 avant J.-C., les Grecsappelés Yona (Ioniens) ou Yavana dans les sources indiennes, participent, avec d’autres populations, au soulèvement de Chandragupta Maurya (né v. -340 et mort v. – 297), le fondateur de l’Empire maurya.
Le règne de Chandraguptaouvre une ère de prospérité économique, de réformes, d’expansion des infrastructures et de tolérance. De nombreuses religions ont ainsi prospéré dans son royaume et dans l’empire de ses descendants. Bouddhisme, jaïnisme et ajivika prennent de l’importance aux côtés des traditions védiques et brahmaniques, tout en respectant les religions minoritaires telles que le zoroastrisme et le panthéon grec.
Le règne d’Ashoka le Grand
(de 268 à 231 av. JC)

L’Empire Maurya atteint son apogée sous le règne du petit-fils de Chandragupta, Ashoka le Grand, de 268 à 231 av. J.-C. (parfois écrit Asoka).
Huit ans après sa prise de pouvoir, Ashoka mène une campagne militaire pour conquérir le Kalinga, un vaste royaume côtier du centre-est de l’Inde. Sa victoire lui permet de conquérir un territoire plus vaste que celui de tous ses prédécesseurs. Grâce aux conquêtes d’Ashoka, l’Empire Maurya devient une puissance centralisée couvrant une grande partie du sous-continent indien, s’étendant de l’actuel Afghanistan à l’ouest à l’actuel Bangladesh à l’est, avec sa capitale à Pataliputra (proche de l’actuelle Patna en Inde).
Alors que l’Empire Maurya avait existé dans un certain désordre jusqu’en 185 av. J.-C., Ashokava transformer le royaume en recourant à une violence extrême qui caractérise le début de son règne. On parle de 100 000 à 300 000 morts, rien que lors de la conquête du Kalinga !
Mais le poids d’un tel carnage plonge le roi dans une grave crise personnelle. Ashokaest gravement choqué par la multitude de vies arrachées par ses armées. L’édit N° 13 d’Ashokareflète le profond remords ressenti par le roi après avoir observé la destruction de Kalinga :
« Sa Majesté a éprouvé des remords à cause de la conquête de Kalinga car, lors de l’assujettissement d’un pays non conquis auparavant, il y a nécessairement des massacres, des morts et des captifs, et Sa Majesté en éprouve une profonde tristesse et un grand regret. »
Ashokarenonce alors aux démonstrations de force militaires et autres formes de violence, y compris la cruauté envers les animaux. Conquis par le bouddhisme, il se consacre alors à répandre sa vision du dharma, une conduite juste et morale. Il va encourager la diffusion du bouddhisme dans toute l’Inde. Selon l’archéologue et érudit français François Foucher, même si les cas de mauvais traitements envers les animaux ne disparurent pas du jour au lendemain, la croyance en la fraternité de tous les êtres vivants est plus florissante en Inde que partout ailleurs.
En 250 avant J.-C., Ashokaconvoque le troisième concile bouddhique. Les sources theravâda mentionnent qu’en plus de régler les différends intérieurs, la principale fonction du concile était de planifier l’envoi de missionnaires bouddhistes dans différents pays afin d’y répandre la doctrine.

Ces missionnaires allèrent jusqu’aux royaumes hellénistiques de l’ouest, en commençant par la Bactrianevoisine. Des missionnaires furent également envoyés en Inde du sud, au Sri Lanka et en Asie du Sud-Est (peut-être en Birmanie).
La forte implication de ces missions dans l’éclosion du bouddhisme en Asie à l’époque d’Ashokaest solidement étayée par des preuves archéologiques. Le bouddhisme ne s’est pas répandu par pur hasard, mais dans le cadre d’une opération politique créative, stimulante et bien planifiée, tout au long des Routes de la soie.
Le Mahavamsa ou Grande chronique (XII, 1er paragraphe), relatant l’histoire des rois cinghalais et tamouls de Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka), donne la liste des missionnaires bouddhistes envoyés par le Concile et Ashoka :
- Le vieux Majjhantika prit la tête de la mission au Cachemire et au Gandhara(aujourd’hui le nord-ouest du Pakistan et l’Afghanistan) ;
- L’aîné Mahadevadirigea la mission dans le sud-ouest de l’Inde (Mysore, Karnataka) ;
- Rakkhita, celle du sud-est de l’Inde (Tamil Nadu) ;
- Le vieux Yona (Ionien, Grec) Dharmaraksita partit vers Aparantaka (« frontière occidentale », comprenant le nord du Gujarat, le Kathiawar, le Kachch et le Sindh, toutes des parties de l’Inde à l’époque) ;
- L’aîné Mahadharmaraksita dirigea la mission de Maharattha (région péninsulaire occidentale de l’Inde) ;
- Maharakkhita(Maharaksita Thera) fut envoyé au pays des Yona (Ioniens), probablement la Bactrianeet peut-être le royaume séleucide ;
- Majjhima Thera conduisit la mission dans la région d’Himavant (nord du Népal, contreforts de l’Himalaya) ;
- Sona Thera et Uttara Thera, celles de Suvannabhumi (quelque part en Asie du Sud-Est, peut-être au Myanmar ou en Thaïlande) ;
- Enfin, Mahinda, fils aîné d’Ashokaet donc le Prince de son royaume, accompagné de ses disciples Utthiya, Ittiya, Sambala et Bhaddasala, se rendit à Lankadipa (Sri Lanka).
Certaines de ces missions furent couronnées de succès, permettant d’implanter le bouddhisme en Afghanistan, au Gandhara et au Sri Lanka, par exemple.
Le bouddhisme gandharien, le gréco-bouddhisme et le bouddhisme cinghalais ont puissamment inspiré le développement du bouddhisme dans le reste de l’Asie, notamment en Chine, et ceci pendant des générations.
Si les missions dans les royaumes hellénistiques méditerranéens semblent avoir été moins fructueuses, il est possible que des communautés bouddhistes se soient établies pendant une période limitée dans l’Alexandrie égyptienne, ce qui pourrait être à l’origine de la secte dite des Therapeutae, mentionnée dans certaines sources anciennes comme Philon d’Alexandrie (v. 20 av. J.-C. – 50 apr. J.-C.).
Le courant juif des Esséniens et les Thérapeutes d’Alexandrie seraient des communautés fondées sur le modèle du monachisme bouddhique. « C’est l’Inde qui serait, selon nous, au départ de ce vaste courant monastique qui brilla d’un vif éclat durant environ trois siècles dans le judaïsme même », affirme l’historien français André Dupont-Sommer, et cette influence aurait même contribué, selon lui, à l’émergence du christianisme.
Edits d’Ashoka


Ashokatransmettait ses messages par le biais d’édits gravés sur des piliers et des rochers en divers lieux du royaume, proches des stupas, sur des lieux de pèlerinage et le long de routes commerciales très fréquentées.
Une trentaine d’entre eux ont été conservés. Ils sont souvent rédigés non pas en sanskrit, mais en grec (la langue du royaume gréco-bactrien voisin et des communautés grecques du royaume d’Ashoka), en araméen (langue officielle de l’ancien empire achéménide) ou en divers dialectes du prâkrit (une langue indo-aryenne moyenne), y compris le gândhârî ancien, langue parlée au Gandhara. (*3)
Ces édits utilisaient la langue pertinente pour la région. Par exemple, en Bactriane, ou les Grecs dominaient, on trouve près de l’actuelle Kandahar un édit rédigé uniquement en grec et en araméen.
Contenu des édits

Certains d’entre eux reflètent l’adhésion profonde d’Ashokaaux préceptes du bouddhisme et ses relations étroites avec le Sangha, l’ordre monastique bouddhiste. Il utilise également le terme spécifiquement bouddhiste de dharma pour désigner les qualités du cœur qui sous-tendent l’action morale.
Dans son édit mineur sur rocher N° 1, le roi se déclare « adepte laïc de l’enseignement du Bouddha depuis plus de deux ans et demi », mais avoue que jusqu’ici, il n’a « pas fait grand progrès ». « Depuis un peu plus d’un an, je me suis rapproché de l’Ordre »,ajoute-t-il.
Dans l’édit mineur sur rocher N° 3 de Calcutta-Bairat, il affirme : « Tout ce qui a été dit par le Bouddha a été bien dit », décrivant les enseignements du Bouddha comme le véritable dharma.
Ashokaa reconnu les liens étroits entre l’individu, la société, le roi et l’État. Son dharmapeut être compris comme la moralité, la bonté ou la vertu, et l’impératif de le poursuivre lui a donné le sens du devoir. Les inscriptions expliquent que le dharmaintègre la maîtrise de soi, la pureté de la pensée, la libéralité, la gratitude, la dévotion ferme, la véracité, la protection de la parole et la modération dans les dépenses et les possessions.
Le dharma a également un aspect social. Il comprend l’obéissance aux parents, le respect des aînés, la courtoisie et la libéralité envers les adorateurs de Brahma, la courtoisie envers les esclaves et les serviteurs, et la libéralité envers les amis, les connaissances et les parents.
La non-violence, qui consiste à s’abstenir de blesser ou de tuer tout être vivant, était un aspect important du dharma d’Ashoka. Ne tuer aucun être vivant est décrit comme faisant partie du bien (Édit mineur sur rocher N° 11), de même que la douceur à leur égard (Édit mineur sur rocher N° 9). L’accent mis sur la non-violence s’accompagne de l’incitation à une attitude positive d’attention, de douceur et de compassion.
Ashokaadopte et préconise une politique fondée sur le respect et la tolérance des autres religions. L’un de ses édits préconise :
« Tous les hommes sont mes enfants. A mes enfants, je souhaite prospérité et bonheur dans ce monde et dans l’autre ; mes vœux sont les mêmes pour tous les hommes. »
Loin d’être sectaire, Ashoka, s’appuyant sur la conviction que toutes les religions partagent une essence commune et positive, encourage la tolérance et la compréhension des autres religions :
« Le bien-aimé des dieux, le roi Piyadassi (c’est-à-dire Ashoka), souhaite que toutes les sectes puissent habiter en tous lieux, car toutes recherchent la maîtrise de soi et la pureté de l’esprit. » (Édit majeur sur rocher N° 7)
Et il précise :
« Car quiconque loue sa propre secte ou blâme les autres sectes, –par pure dévotion à sa propre secte, dans le simple but de la glorifier, – en agissant ainsi, il porte au contraire gravement préjudice à sa propre secte. Mais la concorde est méritoire, (c’est-à-dire) que tous doivent écouter et obéir à la morale de l’autre. » (Édit majeur sur rocher N° 12)
Ashokaavait l’idée d’un empire politique et d’un empire moral, le second englobant le premier. Sa conception de sa circonscription s’étendait au-delà de ses sujets politiques pour inclure tous les êtres vivants, humains et animaux, vivant à l’intérieur comme à l’extérieur de son domaine politique. Ses inscriptions expriment sa conception paternelle de la royauté et décrivent ses mesures d’aide sociale, notamment la fourniture de traitements médicaux, la plantation d’herbes, d’arbres et de racines pour les hommes et les animaux, et le creusement de puits le long des routes (Edit majeur sur rocher N°2). Les efforts du roi pour propager son dharma ne se limitaient pas à son propre domaine politique, mais s’étendaient aux royaumes des autres souverains.

L’empereur est devenu un sage. Il dirige un gouvernement centralisé depuis Pataliputra, capitale de l’Empire Maurya. Son administration perçoit des impôts et il demande à ses inspecteurs de lui rendre des comptes. L’agriculture se développe grâce à des canaux d’irrigation. Il fait construire des routes de qualité pour relier les points stratégiques et les centres politiques, exigeant, des siècles avant notre grand Sully en France, qu’elles soient bordées d’arbres d’ombrage, de puits et d’auberges.
Si l’existence même d’Ashokaen tant que personnage historique a été quasiment oubliée, depuis le déchiffrement de sources écrites en brahmiau XIXe siècle, il est désormais considéré comme l’un des plus grands empereurs indiens. La roue bouddhiste d’Ashoka figure d’ailleurs sur le drapeau indien.
Comme nous l’avons déjà dit, Ashokaet ses descendants ont utilisé leur pouvoir pour construire des monastères et répandre l’influence bouddhiste en Afghanistan, dans de vastes régions de l’Asie centrale, au Sri Lanka et, au-delà, en Thaïlande, Birmanie, Indonésie, puis en Chine, en Corée et au Japon.
Des statues en bronze de son époque ont été déterrées dans les jungles d’Annam, de Bornéo et des Célèbes. La culture bouddhiste s’est implantée dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est, même si chaque région a su conserver une partie de sa personnalité et de son caractère propres.
L’Empire Kouchan
(du Ier siècle av. JC au IIIe siècle)

L’Empire Maurya, qui régnait sur la Bactrianeet d’autres anciennes satrapies grecques, s’effondra en 185 avant J.-C., à peine cinq décennies après la mort d’Ashoka, accusé d’avoir trop dépensé pour les temples et les missions bouddhistes. Les mafias brahmaniques, qui avaient abhorré son règne, revinrent immédiatement au pouvoir.
Mais la période est turbulente. Au premier siècle avant J.C., les Kouchans, l’une des cinq branches de la confédération nomade chinoise Yuezhi, émigrent du nord-ouest de la Chine (Xinjiang et Gansu) et s’emparent, après les nomades iraniens Saka, de l’ancienne Bactriane.
Ils forment l’Empire kouchan dans les territoires de la Bactriane. Cet empire s’étend assez vite à une grande partie de ce qui est aujourd’hui l’Ouzbékistan, l’Afghanistan, le Pakistan et le nord de l’Inde, au moins jusqu’à Saketaet Sarnath, près de la ville de Varanasi(Bénarès).

Le fondateur de la dynastie kouchane, Kujula Kadphisès, qui suit les idées culturelles et l’iconographie grecques après la tradition gréco-bactrienne, est un adepte de la secte shivaïte de l’hindouisme. Deux rois kouchans ultérieurs, Vima Kadphisès et Vasudeva II, furent également des mécènes de l’hindouisme et du bouddhisme. La patrie de leur empire se trouvait en Bactriane, où le grec était initialement la langue administrative, avant d’être remplacé par le bactrien écrit en caractères grecs jusqu’au VIIIe siècle, lorsque l’islam le remplace par l’arabe.

Les Kouchans devinrent également de grands mécènes du bouddhisme, en particulier l’empereurKanishkale Grand(78-144 après J.-C.), qui joua un rôle important dans sa diffusion, via les Routes de la soie, vers l’Asie centrale et la Chine, inaugurant une période de paix relative de 200 ans, parfois décrite comme la « Pax Kouchana ».
Il semble également que dès ses débuts, le bouddhisme ait prospéré dans la classe des marchands, à qui la naissance interdisait l’accès aux ordres religieux de l’Inde et de l’Himalaya. La pensée et l’art bouddhistes se développèrent grâce aux routes commerciales entre l’Inde, l’Himalaya, l’Asie centrale, la Chine, la Perse, l’Asie du Sud-Est et l’Occident. Les voyageurs recherchaient la protection des images bouddhistes et faisaient des offrandes aux sanctuaires le long de la route, ramassant des objets et des sanctuaires portables pour leur usage personnel.
Le terme quatrième concile bouddhiste désigne deux évènements différents selon les écoles theravâda et mahâyâna.
1) La tradition theravâda : afin d’éviter que ne se perde l’enseignement du Bouddha, qui se serait jusqu’alors transmis oralement, cinq cents moines menés par le Vénérable Maharakkhita se réunirent à Tambapanni (Sri Lanka), sous le patronage du roi Vattagamani (r. 103 – 77 av. J.-C.) afin de coucher par écrit sur des feuilles de palme le Canon pâli. (*4)
Le travail, qui aurait duré trois ans, se serait déroulé dans la grotte Aloka lena, près de l’actuel Matale.
2) Selon la tradition mahâyâna, c’est 400 ans après l’extinction du Bouddha que cinq cents moines sarvastivadin se réunirent en 72 après J.-C. au Cachemire pour compiler et clarifier leurs doctrines sous la direction de Vasumitraet sous le patronage personnel de l’empereur Kanishka. Ils auraient ainsi produit le Mahavibhasa(Grande exégèse) en sanskrit.
Selon plusieurs sources, le moine bouddhiste indien Asvaghosa, considéré comme le premier dramaturge classique sanskrit et dont nous avons évoqué plus haut les attaques contre le système des castes, était le conseiller spirituel du roi Kanishka dans les dernières années de sa vie.

A noter que les plus anciens manuscrits bouddhiques découverts à ce jour, tels que les vingt-sept rouleaux d’écorce de bouleau acquis par la British Library en 1994 et datant du Ier siècle, ont été trouvés, non pas en Inde, mais enterrés dans les anciens monastères du Gandhara, la région centrale de l’empire maurya et kouchan, qui comprend les vallées de Peshawar et de Swat (Pakistan) et s’étend vers l’ouest jusqu’à la vallée de Kaboul en Afghanistan et vers le nord jusqu’à la chaîne du Karakoram
Ainsi, après le grand élan donné par le roi Ashoka le Grand, la culture du Gandhara connaîtra un second souffle sous le règne du roi kouchan KanishkaIer.
Les villes de Begram, Taxila, Purushapura (aujourd’hui Peshawar) et Surkh Kotal atteignent alors des sommets de développement et de prospérité.
Le miracle de Gandhara

C’est peu dire que le Gandhara, surtout à l’époque kouchane, fut au cœur d’une véritable renaissance de la civilisation, avec une incroyable concentration de productions artistiques et une inventivité sans pareil. Si l’art bouddhiste était principalement centré sur les temples et les monastères, les objets de dévotion personnelle étaient très courants.
Grâce à l’art du Gandhara, le bouddhisme se mua en une grande force de beauté, d’harmonie et de paix, conquérant le monde.
Il favorisa alors une création artistique qui élève la pensée et la moralité en faisant appel à des paradoxes métaphoriques.
Les médiums et supports qui prévalent sont la peinture sur soie, les fresques, les livres illustrés et gravures, la broderie et autres arts du tissu, la sculpture (bois, métal, ivoire, pierre, jade) et l’architecture. Quelques exemples :
A. La poésie

Pour la plupart des Occidentaux, le bouddhisme est une émanation typique de la culture asiatique, généralement associée à l’Inde, au Tibet, au Népal, mais aussi à la Chine et à l’Indonésie.
Peu de gens savent que les plus anciens manuscrits bouddhistes connus à ce jour (Ier siècle de notre ère) ont été découverts, non pas en Asie, mais en Asie centrale, dans d’anciens monastères bouddhistes du Gandhara.
A l’origine, avant leur transcription en sanskrit (pendant longtemps la langue des élites), ils étaient écrits en gândhârî, une langue indo-aryenne du groupe prâkrit, transcrit avec l’alphabet kharosthi (une ancienne écriture indo-iranienne). Le gândhârî était la lingua franca de la pensée bouddhiste à ses débuts. Preuve en est, les manuscrits bouddhistes écrits en gândhârî qui ont voyagé jusqu’en Chine orientale pour se retrouver dans les inscriptions de Luoyang et d’Anyang.

Afin de préserver leurs écrits, les bouddhistes étaient à l’avant-garde de l’adoption des technologies chinoises liées à la fabrication de livres, notamment le papier et la xylographie. Cette technique d’impression consiste à reproduire le texte à imprimer sur une feuille de papier transparente qui est retournée et gravée sur une planche de bois tendre. L’encrage des parties saillantes permet ensuite des tirages multiples. C’est ce qui explique que le premier livre entièrement imprimé est le Sutra du diamant bouddhique (vers 868) réalisé par ce procédé
Le Khaggavisana Sutta, littéralement « la corne du rhinocéros », est une expression authentique de la poésie religieuse bouddhiste originale. Connu sous le nom de Sutra du rhinocéros, cette œuvre poétique fait partie du recueil pâli de textes courts Kuddhhaka Nikava, la cinquième partie du Sutta Pitaka, écrit au Ier siècle de notre ère.
Parce que la tradition accorde au rhinocéros asiatique une vie solitaire dans la forêt, l’animal n’aime pas les troupeaux, ce sutra (enseignement) porte le titre approprié d’essai « sur la valeur de la vie solitaire et errante ». L’allégorie du rhinocéros permet de communiquer aux dévots un sens aigu de la souveraineté individuelle que requièrent les engagements moraux prescrits par le Bouddha pour mettre fin à la souffrance en se déconnectant des plaisirs et des douleurs terrestres.

Extrait :
Refuser la violence à l’égard de tous les êtres,
ne jamais faire de mal à un seul d’entre eux,
aider avec compassion et un cœur aimant ;
erre seul comme un rhinocéros.
Celui qui tient compagnie nourrit l’affection
et de l’affection naît la souffrance.
Réalisant le danger qui découle de l’affection,
erre seul comme un rhinocéros.
En sympathisant avec les amis et les compagnons,
l’esprit se fixe sur eux et perd son chemin.
Percevoir ce danger, c’est la familiarité,
erre seul comme un rhinocéros.
Les préoccupations que l’on a pour ses fils et ses femmes
sont comme une pensée et un bambou enchevêtré.
Reste démêlé comme un jeune bambou,
erre seul comme un rhinocéros.
Comme un cerf qui erre librement dans la forêt,
va où il veut en broutant,
un homme sage, qui chérit sa liberté,
erre seul comme le rhinocéros.
Laissez derrière vous vos fils, vos femmes et votre argent,
tous vos biens, vos parents et vos amis.
Abandonnez tous vos désirs, quels qu’ils soient,
erre seul comme le rhinocéros. (…)
B. La littérature
Deux autres chefs-d’œuvre tirés du même recueil sont d’une part les célèbres Jataka (Récits des vies antérieures du Bouddha), et d’autre part, le Milindapanha (Les questions du roi Milinda).
Les Jataka, qui mettent en scène de nombreux animaux, montrent comment, avant la dernière incarnation humaine au cours de laquelle il atteignit le nirvana, le Bouddha lui-même s’était réincarné d’innombrables fois en animal (en diverses sortes de poissons, en crabe, coq, pivert, perdrix, francolin, caille, oie, pigeon, corbeau, zèbre, buffle, plusieurs fois en singe ou en éléphant, en antilope, cerf et cheval).
Et puisque c’est Bouddha qui est incarné dans cet animal, celui-ci a soudainement des propos d’une grande sagesse.
Mais en d’autres occasions, ce sont des personnages qui sont des animaux alors que notre Bodhisattva apparaît sous forme humaine. Ces contes sont souvent pimentés d’un humour piquant. On sait d’ailleurs qu’elles ont inspiré La Fontaine, qui a dû les entendre du docteur François Bernier, qui les avait lui-même apprises alors qu’il était médecin en Inde pendant huit ans.

Les questions du roi Milindaest un compte-rendu imagé, véritable dialogue platonicien entre le roi grec de Bactriane, Milinda (le Grec, Ménandre), qui régnait au Pendjab, et le sage bouddhiste Bhante Nagasena. Leur dialogue animé, dramatique et spirituel, éloquent et inspiré, explore les divers problèmes de la pensée et de la pratique bouddhistes du point de vue d’un intellectuel grec perspicace, à la fois perplexe et fasciné par la religion étrangement rationnelle qu’il découvre sur le sous-continent indien.
Par le biais de paradoxes, Nagasena amène le « rationaliste » grec à s’élever jusqu’à la dimension spirituelle, au-delà de la logique et de la simple rationalité. Car le nirvana, tout comme l’espace, n’a « pas de cause » formelle et, bien qu’il peut se produire, « ne peut pas être causé ». Mince, comment faire alors pour y aboutir ?
Et à l’un de ses disciples qui un jour lui posa la question de savoir si l’univers était fini ou infini, éternel ou non, si l’âme était distincte du corps, ce que devenait l’homme après la mort, le Bouddha répondit par une parabole :
« Supposons qu’un homme soit gravement atteint d’une flèche, que l’on l’amène chez un médecin, et que l’homme dise : “Je ne laisserai pas retirer cette flèche, avant de savoir qui m’a blessé, de quel caste il est, de quel village il est né, de quel arc il s’est servi, de quelle matière a été faite la flèche, de quelle direction elle a été tirée…” Alors cet homme mourrait certainement avant d’avoir les réponses. »
C. Urbanisme

Taxilaou Takshashila(aujourd’hui au Pendjab), l’un des grands centres urbains et, pendant un certain temps, la capitale du Gandhara, fut fondée vers 1000 avant J.-C. sur les ruines d’une cité datant de la période Harappa et située sur la rive orientale de l’Indus, point de jonction entre le sous-continent indien et l’Asie centrale.
Certaines ruines de Taxila datent de l’époque de l’empire perse achéménide, suivi successivement par l’Empire Maurya, le royaume indo-grec, les Indo-Scythes et l’empire kouchan.
D’après certains témoignages, l’université de l’ancienne Taxila (des siècles avant l’université bouddhiste résidentielle de Nalanda fondée en 427 après J.-C.) peut être considérée comme l’un des premiers centres d’enseignement d’Asie du Sud. Dès 800 av. J.-C., la ville fonctionnait en grande partie comme une université, offrant des études supérieures. Avant d’y être admis, les étudiants devaient avoir terminé ailleurs leurs études primaires et secondaires. L’âge minimum requis était de seize ans. Non seulement les Indiens, mais aussi les étudiants de contrées voisines comme la Chine, la Grèce et l’Arabie affluaient dans cette ville d’apprentissage.

Vers 321 avant J.-C., c’est le grand philosophe, enseignant et économiste du Gandhara, Chanakya (375 à 283 av. J.-C.)qui aida le premier empereur maurya, Chandragupta, à accéder au pouvoir.
Sous la tutelle de Chanakya, Chandragupta avait reçu une éducation complète à Taxila, englobant les différents arts de l’époque, y compris l’art de la guerre, pendant sept à huit ans.
En 303 avant J.-C., Taxila tomba entre leurs mains et sous Ashoka le Grand, le petit-fils de Chandragupta, la ville devint un grand centre de l’enseignement et de l’art bouddhiste.
Chanakya, dont les écrits n’ont été redécouverts qu’au début du XXe siècle et qui fut le principal conseiller des deux empereurs Chandragupta et de son fils Bindusara, est considéré comme ayant joué un rôle majeur dans l’établissement de l’Empire Maurya.
Également connu sous les noms de Kauṭilya et Vishnugupta, Chanakyaest l’auteur de l’Arthashastra, un traité politique sanskrit sur l’art de gouverner, la science politique, la politique économique et la stratégie militaire. L’Arthashastra aborde également la question d’une éthique collective assurant la cohésion de la société.
Il conseille au roi de lancer de grands projets de travaux publics dans les régions dévastées par la famine, les épidémies et autres catastrophes naturelles, ou par la guerre, tels que la création de voies d’irrigation et la construction de forts autour des principaux centres de production et villes stratégiques, et d’exonérer d’impôts les personnes touchées par ces catastrophes.

Au IIe siècle avant notre ère, Taxila fut annexée par le royaume indo-grec de Bactrianequi y érigea une nouvelle capitale nommée Sirkap, où des temples bouddhistes côtoyaient des temples hindous et grecs, signe de tolérance religieuse et de syncrétisme. Sirkap fut construite selon le plan quadrillé hippodamien (*5) caractéristique des villes grecques
Elle s’organise autour d’une avenue principale et de quinze rues perpendiculaires, couvrant une surface d’environ 1200 mètres sur 400, avec un mur d’enceinte de 5 à 7 mètres de large et de 4,8 kilomètres de long.
Après sa construction par les Grecs, la ville fut reconstruite lors des incursions des Indo-Scythes, puis par les Indo-Parthiens, après un tremblement de terre en l’an 30 de notre ère.
Certaines parties de la ville, notamment le stupa (reliquaire) bouddhiste de l’aigle bicéphale et le temple du dieu Soleil, furent construites par Gondophares, le premier roi du royaume indo-parthien. Enfin, des inscriptions datant de l’an 76 de notre ère démontrent que la ville était déjà passée sous la domination des Kouchans. Le souverain kouchan Kanishkaérigera Sirsukh, à environ 1,5 km au nord-est de l’ancienne Taxila.
Des sutras bouddhistes de la région du Gandhara sont étudiés en Chine dès 147 de notre ère, lorsque le moine kouchan Lokakṣema (né en 147) commença à traduire en chinois certains des premiers sutras bouddhistes. Les plus anciennes de ces traductions montrent qu’elles ont été faites à partir de la langue
D. Architecture, l’invention des stupas


A l’origine, les édifices religieux sous forme de stupa (reliquaire) ont été érigés en Inde comme monuments commémoratifs associés à la conservation des reliques sacrées du Bouddha.
Construits en forme de dôme, ils sont entourés d’une balustrade qui sert de rampe pour la circumambulation rituelle. On accède à la zone sacrée par des portes situées aux quatre points cardinaux. Les stupas se situent souvent à proximité de sites funéraires préhistoriques beaucoup plus anciens, associés notamment à la Civilisation de la vallée de l’Indus.

Des grilles et des portails en pierre, recouverts de sculptures, leur ont été ajoutés. Les thèmes favoris sont les événements de la vie historique du Bouddha, ainsi que de ses vies antérieures, au nombre de 550, décrites avec beaucoup d’ironie dans les Jatakas. (Voir B)

Les bas-reliefs des stupas sont comme des bandes dessinées qui nous racontent la vie quotidienne et religieuse du Gandhara : amphores, coupes à vin (kantaros), bacchanales, instruments de musique, vêtements grecs ou indiens, ornements, coiffures arrangées à la grecque, artisans, leurs outils, etc.
Sur un vase trouvé à l’intérieur d’un stupa, on trouve l’inscription d’un Grec, Théodore, gouverneur civil d’une province au Ier siècle avant J.-C., expliquant en alphabet kharosthi comment les reliques ont été déposées dans le stupa.
On pense que de nombreux stupas datent de l’époque d’Ashoka, comme celui de Sanchi (Inde centrale) ou de Kesariya(Inde de l’Est), où il a également érigé des piliers avec ses édits, et peut-être ceux de Bharhut (Inde centrale), Amaravati (sud-est de l’Inde) ou Dharmarajika (Taxila) dans le Gandhara (Pakistan).
Selon la tradition bouddhiste, l’empereur Ashoka aurait récupéré les reliques du Bouddha dans des stupas plus anciens et en aurait fait ériger 84 000 pour répartir l’ensemble de ces reliques sur tout le territoire indien.
Marchant dans les pas d’Ashoka, Kanishka ordonna la construction à Purushapura (Peshawar) du grand stupa de 400 pieds qui figure parmi les plus hauts édifices du monde antique.

Les archéologues qui en ont redécouvert la base en 1908-1909 ont estimé que ce stupa avait un diamètre de 87 mètres. Selon les rapports de pèlerins chinois tels que Xuanzang, il faisait environ 200 mètres de haut et était recouvert de pierres précieuses. Sous les Kouchans également, d’immenses statues du Bouddha furent érigées dans les monastères ou sculptées à flanc de colline.
E. Sculpture
—PERIODE ANICONIQUE
Il est important de rappeler que dans les premiers temps, Bouddha n’était jamais représenté sous forme humaine.

Pendant plus de quatre siècles, sa présence est simplement suggérée par des éléments symboliques tel qu’une empreinte de pieds, une fleur de lotus (indiquant la pureté de sa naissance), une roue à huit rayons (symbolisant la dharma), un trône vide, un espace inoccupé sous un parasol, un cheval sans cavalier ou encore le figuier sous lequel il a atteint le nirvana.
–FIN DE L’ANICONISME
Ce qui a conduit les bouddhistes à renoncer aux représentations aniconiques reste un vaste mystère. Un tel développement est assez unique dans l’histoire des religions. Imaginons soudainement les musulmans promouvant des statues du prophète Mohammed !
Les explications avancées jusqu’ici nous laissent sur la faim.
Pour les uns, les bouddhistes auraient voulu séduire une clientèle grecque, mais aussi bien les populations grecques que le bouddhisme était au Gandhara bien avant la révolution iconographique en question.
Pour les autres, les pratiquants, en l’absence de Bouddha lui-même, auraient cherché désespérément un centre d’intérêt visuel, soit une statue, une peinture ou mêmes quelques cheveux… Ces représentations symboliques, on l’a vu, répondaient à cette demande.
« Le Jataka de Kalingabodhi (écrit majeur sur les vies multiples de Bouddha) relate la frustration des habitants de Sravasti, en découvrant un jour qu’ils n’ont personne à vénérer lorsqu’ils se rendent au Jetavana et trouvent le Bouddha ‘absent’, parti en voyage. Pour remédier à cette situation, à son retour, le Bouddha permet à [son disciple] Ananda de planter un figuier Bodhi devant le [monastère de] Jetavana (…) qui sert de centre de substitution pour les dévotions des gens, chaque fois que le Bouddha n’est pas en résidence »,écrit John Strong, dans Reliques du Bouddha.
Bouddha, rapporte-t-on, aurait refusé qu’il soit représenté d’aucune façon, craignant de voir prospérer l’idolâtrie.
Avec le temps, le bouddhisme va évoluer. Au Gandhara, c’est le bouddhisme mahâyâna (Grand Véhicule) qui s’épanouit. Pour ce courant, l’objectif ne se limite plus à atteindre le nirvana à titre personnel mais de libérer toute l’humanité de la souffrance.
Si pour le bouddhisme theravâda, Siddhartha Gautama n’était qu’un homme éclairé donnant l’exemple, pour le bouddhisme mahâyâna, il s’agit indubitablement, avec Bouddha, d’une tentative (réussie) de personnifier le dharma (la force spirituelle omniprésente, le principe ultime et suprême de la vie) dans la conception du premier de tous les bouddhas. Une sorte de Jésus, un dieu devenu homme pour ainsi dire…
Comme plus tard Jésus dans le christianisme à partir du Ve siècle, Bouddha pouvait dès lors être représenté sous une forme humaine.
Certains bouddhas du Gandhara représentent également des états d’âme spécifiques, tels que la sagesse, la tendresse et la compassion.
Contrairement à de nombreux artistes chrétiens chez nous, qui, conformément à la doxa, ont représenté le Christ souffrant sur la Croix (événement fondamental de la foi chrétienne), les artistes du Gandhara présentent Bouddha comme un être totalement détaché de la douleur humaine, regardant avec compassion l’humanité tout entière.
Le but étant d’éliminer la souffrance chez tous les hommes, la compassion n’est pas une notion passive chez les bouddhistes. Ce n’est pas seulement de l’empathie, mais plutôt un altruisme empathique qui s’efforce activement de libérer les autres de la souffrance, un acte de bienveillance empreinte à la fois de sagesse et d’amour.
DIFFERENCES DE FORME, DIFFERENCE DE CONTENU

Avant de discuter de leurs différences, pour faire simple, distinguons ici, parmi tant d’autres, quatre types de représentations de bouddha:
- L’école dite « greco-bouddhique » de Gandhara produite dans la région qui va de Hadda (Afghanistan) à Taxila (Pundjab) en passant par Peshawar (Pakistan);
- L’école dite « indo-bouddhique » de Mathura;
- L’école d’Andra Pradesh, au sud de l’Inde;
- L’école de la période Gupta (3e au 5e siècle).
1. Greco-Bouddhique au Gandhara

Le terme « greco-bouddhique », renvoie à la thèse de l’archéologue Alfred Foucher (1865-1952) soutenue à la Sorbonne en 1905 sur l’art du Gandhara.
Comme l’écrivait André Malraux (1901-1976) dans les « Voix du silence », en 1951, l’art gréco-bouddhique est cette rencontre entre hellénisme et bouddhisme. Au lieu de dire que l’art venu de Grèce s’était métamorphosé en art bouddhique comme le disait Malraux, je pense plutot qu’au Gandhara, c’est l’art bouddhique qui s’est approprié le meilleur de l’esthétique indienne, grecque et des steppes.
Cependant, Foucher avait raison d’insister, contre ses amis anglais, qu’il s’agit bien d’une influence hellénique et non pas romaine. De leur coté, avec l’Inde s’émancipant de l’Empire britannique, les savants indiens ont tenté de valider la thèse d’une création autochtone de l’image de Buddha, opposant au style du Gandhara, que Foucher voulait gréco-bouddhique, le style de Mathura, dans la région de Delhi, lui aussi englobé dans l’empire des Kouchans, et vu par certains comme contemporain, même s’il est beaucoup moins prolixe que l’art du Gandhara.

L’art du Gandhara prit véritablement son essor à l’époque kouchane, et plus particulièrement sous le règne du roi Kanishka.
Des milliers d’images furent produites et répandues dans tous les coins de la région, depuis les bouddhas portatifs jusqu’aux statues monumentales des lieux de culte sacrés.
Au Gandhara, pour figurer Bouddha, on représente d’une façon très réaliste une belle personne, souvent un jeune homme, voire une femme. La charge spirituelle est telle que le genre n’est plus essentiel. On ne sait pas s’il s’agit de beaux portraits pris sur le vif, ou de purs fruits de l’imagination des artistes.


Bouddha y est souvent montré en posture méditative afin d’évoquer le moment où il atteint le nirvana.
Couronné d’une auréole, le visage grave ou souriant, les yeux mi-clos, il irradie la lumière. Plein de sérénité, il incarne le détachement, la concentration, la sagesse et la bienveillance.
Ses cheveux en chignon (l’ushnisha) au sommet du crâne indiquent qu’il est doué d’une connaissance supramondaine. Le point noire entre les deux yeux symbolise le troisième œil, celui de l’éveil.
Dans certaines sculptures, cette cavité contient une perle de cristal, symbole de lumière irradiante. Les lobes d’oreilles sont allongés et servent à accueillir les lourds bijoux que portait autrefois le jeune prince Siddhartha, durant sa jeunesse princière.
Le positionnement des mains, comme dans le reste de l’art indien, répond à des codes. Il peut s’agir de « l’abhayamudra », le geste qui rassure, la paume de la main tournée vers l’extérieur ; de la « varamudra », qui symbolise le don, la main pendante et ouverte avec le bras à demi plié, ou encore de la « vitarkamudra », qui symbolise l’argumentation, la main levée à hauteur de la poitrine, à demi fermée, paume en avant, l’index recourbé vers le pouce.
Au Gandhara, Bouddha est vêtu d’un manteau monastique qui lui couvre les deux épaules. L’étoffe n’est ni taillée, ni cousue, mais simplement drapée à la grecque autour du corps. Les plis à peine stylisés suivent les volumes naturels.
Le roi Kanitschaencouragea à la fois l’école d’art gréco-bouddhique du Gandhara (à Taxila, Peshawaret Hadda) et l’école indo-bouddhique (à Mathura, plus proche de l’Inde).
2. Ecole de Mathura


A Mathura, les artistes ont produit un Bouddha très différent. Son corps est dilaté par le souffle sacré (prana) et sa robe monastique est drapée à l’indienne de manière à laisser l’épaule droite dénudée.
On pense que les artistes, pour plaire à un public local, se sont inspirés des statues de yaksha, des esprits de la nature.
Dans les mythologies hindoue, jaïne et bouddhiste, le yakṣha a une double personnalité.
D’un côté, ce peut être une fée de nature inoffensive, associée aux forêts et aux montagnes ; mais il existe une version beaucoup plus sombre du yakṣa, qui est une sorte d’ogre, de fantôme ou de démon anthropophage qui harcèle et dévore les voyageurs.
3. Ecole d’Andrah Pradesh

Un troisième type de bouddha influent s’est développé dans l’Andhra Pradesh, au sud de l’Inde, où des représentations aux proportions imposantes, au visage grave, sans sourire, sont vêtues de robes qui laissent également apparaître l’épaule droite.
Ces sites méridionaux ont servi d’inspiration artistique à la terre bouddhiste du Sri Lanka, à la pointe sud de l’Inde, et les moines sri-lankais s’y rendaient régulièrement. Un certain nombre de statues de ce style se sont également répandues dans toute l’Asie du Sud-Est.
4. Ecole Gupta

La période Gupta, du IVe au VIe siècle de notre ère, dans le nord de l’Inde, souvent qualifiée d’âge d’or, est supposée avoir synthétisé les deux courants. En réalité, en cherchant une image idéale, elle a sombré dans le maniérisme. Les bouddhas gupta ont les cheveux disposés en petites boucles individuelles et leur tunique arbore un réseau de cordelettes suggérant les plis des draperies (comme à Mathura).
Avec leurs yeux baissés et leur aura spirituelle, les bouddhas gupta deviendront le modèle des futures générations d’artistes, que ce soit dans l’Inde post-Gupta et Pala ou au Népal, en Thaïlande et en Indonésie.
Des statues métalliques gupta du Bouddha, emportées par les pèlerins, ont également été disséminées le long de la Route de la soie jusqu’en Chine.
Mais les Bouddhas du Gandhara sont uniques et vraiment à part. Ce sont de véritables individualités échappant à toute codification et aux normes. Ils ont été fabriqués par des artistes habités d’une spiritualité élevée, explorant de nouvelles frontières de la beauté, du mouvement et de la liberté, et non produisant des objets pour satisfaire un marché émergent.
Aujourd’hui, Pakistanais, Indiens, Afghans et Européens aiment à se quereller. Tous prétendent avoir été les principaux parrains et auteurs du « miracle de Gandhara », mais peu se demandent comment il s’est produit.
Dès le Ier siècle avant J.-C., les artistes locaux délaissent les matériaux périssables avec lesquels ils travaillaient, comme la brique, le bois, le chaume et le bambou, pour adopter la pierre. Le nouveau matériau utilisé était principalement une pierre de schiste allant du gris clair au gris foncé (dans la vallée de la rivière Kaboul et la région de Peshawar). Les périodes ultérieures se caractérisent par l’utilisation du stuc et de l’argile (spécialité de Hadda).
Les techniques utilisées pour les sculptures et les pièces de monnaie du Gandhara sont très proches de celles de la Grèce. Ont-elles été créées par des sculpteurs grecs itinérants ou par des artistes locaux qu’ils ont formés ? Rien n’a été prouvé, mais est-ce vraiment important ?
Lorsque l’Asie rencontre la Grèce
Examinons maintenant des expressions artistiques attestant la belle rencontre entre la culture hellénique et les cultures indiennes et locales.
A. Pièces de monnaie kouchanes

Tout en soutenant toutes les religions qu’il jugeait dignes, Kanishka ne cachait pas sa préférence pour le bouddhisme.
Une pièce d’or datant de 120 après J.-C. montre le roi vêtu d’un lourd manteau kouchan et de longues bottes, des flammes sortant de ses épaules, un étendard dans la main gauche et faisant un sacrifice sur un autel, avec cette légende en caractères grecs : « Roi des rois, Kanishka le Kouchan. »Le revers de la même pièce représente un bouddha debout, en costume grec, faisant de la main droite le geste « ne craignez rien » (abhaya mudra) et tenant un pli de sa robe dans la main gauche. La légende en caractères grecs se lit désormais ΒΟΔΔΟ (Boddo), pour Bouddha.
B. Reliquaire bimaran

Un véritable thème classique du répertoire de tout artiste de l’époque consiste à montrer Bouddha entouré, accueilli et protégé des divinités d’autres croyances et de religions plus anciennes. La plus ancienne représentation de ce type connue à ce jour figure sur un reliquaire trouvé dans le stupa de Bimaran, au nord-ouest du Gandhara.
Sur cette petite urne en or, généralement datée de 50-60 après J.-C., figure, à l’intérieur de niches voûtées d’architecture gréco-romaine, une représentation hellénistique du Bouddha (coiffure, contrapposto, himation d’élite, etc.), entourée des divinités indiennes Brahma et Sakra.
Tout comme Ashoka, Kanishka, presque laïque, entendait régner, non pas contre mais avec, et surtout au-dessus de toutes les religions. Ainsi, à l’occasion, les divinités grecques, représentées sur les pièces de monnaie (Zeus, Apollon, Héraclès, Athéna, etc.), côtoient les divinités du védisme, du zoroastrisme et du bouddhisme.
Autre exemple, à Ellora, au centre de l’Inde, la grotte et le temple taillés dans le roc où se côtoient les représentants des trois religions (bouddhisme, hindouisme et jaïnisme).
C. Triade de Hadda


Un autre exemple exquis de cet art gandharien est un groupe sculptural connu sous le nom de Triade de Hadda, excavé à Tapa Shotor, un grand monastère sarvastivadin près de Hadda en Afghanistan, datant du IIe siècle après J.-C.
Pour donner une idée de son activité, ce sont quelque 23 000 sculptures gréco-bouddhiques, en argile et en plâtre, qui ont été mises au jour rien qu’à Hadda, entre les années 1930 et 1970.
Le site, fortement endommagé lors des dernières guerres, possédait de belles statues, notamment un bouddha assis, vêtu d’une chlamyde grecque (manteau blanc), les cheveux bouclés, accompagné d’Héraclès et de Tyché (déesse grecque de la fortune et de la prospérité), vêtue d’un chiton (robe à la grecque) et tenant une corne d’abondance.

Seule adaptation aux traditions locales de l’iconographie grecque, Héraclès tient en main, non plus son habituelle massue, mais la foudre de Vajrapani(du sanskrit vajra, signifiant « foudre », et pani « en main »), l’une des trois premières divinités protectrices entourant le Bouddha.
C’est un bodhisattva. Il apparaît dès le IIe siècle dans l’iconographie mahāyāna comme doué d’une grande force et comme protecteur du Bouddha. Dans l’art gréco-bouddhique il ressemble à Héraclès ou Zeus, tenant en main une courte massue en forme de vajra, un foudre stylisé. On l’identifie au protecteur, « puissant comme un éléphant », qui aurait veillé sur Bouddha à sa naissance.
Une autre statue rappelle le portrait d’Alexandre le Grand.

De cet ensemble sculptural, il ne reste malheureusement que des photographies.
Selon l’archéologue afghan Zemaryalai Tarzi, le monastère de Tapa Shotor, avec ses sculptures en argile datées du IIe siècle de notre ère, représente le « chaînon manquant » entre l’art hellénistique de Bactrianeet les sculptures en stuc plus tardives trouvées à Hadda, généralement datées du IIIe-IVe siècle de notre ère.
Traditionnellement, l’afflux d’artistes, maître de l’art hellénistique, a été attribué à la migration des populations grecques des villes gréco-bactriennes d’Aî-Khanoum et de Takht-I-Sangin (Nord de l’Afghanistan).

Tarzi suggère que les populations grecques se sont établies dans les plaines de Jalalabad, qui comprennent Hadda, autour de la ville hellénistique de Dionysopolis, et qu’elles sont à l’origine des créations bouddhistes de Tapa Shotor, au IIe siècle de notre ère.
Les colons grecs restés au Gandhara (les Yavanas) après le départ d’Alexandre, soit par choix, soit en tant que populations condamnées à l’exil par Athènes, ont grandement embelli les expressions artistiques de leur nouvelle spiritualité.
Offrant fraîcheur, poésie et un sens du mouvement spectaculairement moderne, les premiers artistes bouddhistes du Gandhara, saisissant des instants de « mouvement-changement » permettant à l’esprit humain d’appréhender un saut vers la perfection, sont une contribution inestimable à la culture de l’humanité tout entière. N’est-il pas temps de reconnaître ce magnifique travail ?
D. Prendre la terre à témoin

Parmi les autres types productions artistiques de Gandhara, ce magnifique bas-relief, aujourd’hui conservée au musée de Cleveland, illustre la lutte du Bouddha pour atteindre le nirvana.

Au centre de la composition se trouve l’arbre de la Bodhi, sous lequel le Bouddha atteignit l’illumination. Ce figuier sacré est vénéré depuis des temps ancestraux par les villageois locaux, car il passe pour être la résidence d’une divinité de la nature. L’autel lui-même est recouvert de kusha, herbe utilisée pour des offrandes sacrificielles.
Il y a environ 2500 ans, après être resté en méditation pendant 49 jours, assis sous cet arbre, le Bouddha est défié par des démons cauchemardesques qui remettent en cause l’authenticité de son illumination.
Leur chef Mara(littéralement, la mort), qui se tient à droite dans une posture arrogante, entouré de ses filles, fait tout pour empêcher Bouddha d’atteindre le nirvana (l’éveil).
Il le menace et encourage ses propres filles à le séduire. Innocemment, il lui demande s’il est sûr de pouvoir trouver quelqu’un pour témoigner qu’il a véritablement atteint le nirvana. En réponse à ce défi, le Bouddha touche alors la terre et la prend à témoin.
Selon la mythologie, la jeune déesse de la Terre surgit alors du sol et commença à essorer les eaux déferlant de ses cheveux pour noyer Mara. Sur la sculpture, on peut la voir, toute petite, au pied de l’autel, agenouillée devant Bouddha en signe de révérence. Elle a également pris forme humaine en sortant de terre. Les anciennes religions interviennent ici pour défendre et protéger la nouvelle, celle de Bouddha.
Semblant, eux aussi, regretter les anciens dieux et déesses de leur panthéon, les Indiens convertis au bouddhisme les ajoutent au-dessus de la tête de Bouddha ou à côté, comme, par exemple, le dieu védique Indra.
E. Tous bodhisattva ?

Enfin, pour conlure cette section sur la sculpture, deux mots sur le bodhisattva, figure très intéressante sortie de l’imaginaire bouddhiste pour rendre la spiritualité bouddhiste accessible au citoyen ordinaire.

Il peut s’agir soit d’une représentation de Bouddha en personnage princier orné de bijoux, avant son renoncement à la vie de palais, soit d’un humain ordinaire, déjà conscient qu’il est sur la voie de l’illumination et qu’il est devenu un outil au service du bien.
Animé d’altruisme et obéissant les disciplines destinées aux bodhisattvas, il doit aider par compassion d’abord les autres êtres sensibles à s’éveiller, y compris en retardant sa propre libération !
Les bodhisattvas se distinguent par de grandes qualités spirituelles telles que les « quatre demeures divines » que sont:

- l’amour bienveillant (maitri),
- la compassion(karuna),
- la joie empathique (mudita) et
- l’équanimité (upekṣa),
ainsi que les diverses perfections (paramitas), qui comprennent la prajnaparamita (« connaissance transcendante » ou « perfection de la sagesse ») et les moyens habiles (upaya).
Des bodhisattvasspirituellement avancés tels qu’Avalokiteshvara (ci-dessus), Maitreyaet Manjushri, largement vénérés dans le monde bouddhiste mahâyâna, sont censés posséder un grand pouvoir, qu’ils utilisent pour aider tous les êtres vivants.
Pour certains courants bouddhistes, seul Maitreya mérite le titre de « Bouddha du futur ». Dans l’art on le représente à la fois comme un bouddha vêtu d’une robe monastique et comme un bodhisattva princier avant l’illumination.
Un magnifique bodhisattva de Gandhara peut être admiré au Dallas Museum of Art (ci-dessous).
Cette sculpture en terre cuite représente un « Bodhisattva pensant » de la région de Hadda en Afghanistan, une production typique du Gandhara.

Avec très peu d’éléments visuels, l’artiste réussit un travail gigantesque. Les piliers de sa large chaise sont des lions au regard un peu fou, représentation allégorique de ces passions qui nous font souffrir et qui sont maintenues sous un sage contrôle par l’effort hautement réflexif du Bodhisattva héroïque au centre de l’œuvre.
Le bouddhisme aujourd’hui, l’exemple de Nehru

Paradoxalement, le bouddhisme, en tant que religion, a presque cessé d’exister dans son propre berceau, l’Inde, depuis le XIIe siècle de notre ère.
Bel exemple de la lutte incessante des meilleurs esprits indiens pour l’émancipation, en 1956, près d’un demi-million « d’intouchables » se sont convertis au bouddhisme sous l’impulsion du dirigeant politique à la tête du comité chargé de rédiger la Constitution de l’Inde, le réformateur social B. R. Ambedkar(1891-1956), et du Premier ministre indien et chef du Parti du Congrès Jawaharlal Nehru(1889-1964), lui-même issu d’une famille de brahmanes.
En juin de la même année, le Courrier de l’UNESCO consacrait son édition à « 25 siècles d’art et de culture bouddhistes ».
En Inde, les deux hommes d’État ont orchestré une année de célébration en l’honneur de « 2500 ans de bouddhisme », non pas pour ressusciter une ancienne religion en soi, mais pour s’approprier le statut de berceau de cette vieille religion et renvoyer au monde une image de champion de la non-violence et du pacifisme.

Quelques années plus tard, lors de sa visite d’État à la Maison Blanche, le 9 novembre 1961, le Premier ministre indien Nehru offrit une sculpture bouddhiste au président John F. Kennedy
Comme beaucoup d’hindous, Mahatma Gandhi vénérait Bouddha. Pour lui, le bouddhisme n’était qu’une « autre forme d’hindouisme » et sa critique venait donc « de l’intérieur de l’hindouisme ».
Un point de vue que ne partageait pas le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru. Profondément troublé par certaines caractéristiques intrinsèques à l’hindouisme, telles que le ritualisme et les castes, Nehru ne pouvait pas placer le bouddhisme, qui abhorrait ces institutions, dans la même rubrique…
Nehru fut fortement influencé par le bouddhisme. C’est ainsi qu’il appela sa fille (la future Première ministre Indira Gandhi) Indira Priyadarshini, du nom de « Priyadarshi » adopté par le grand empereur Ashoka, après être devenu un prince bouddhiste de la paix !

Par ailleurs, Nehru contribua à faire de l’Ashoka Chakra (la Roue bouddhiste intégrée au drapeau national) le symbole de l’Inde. Chaque fois qu’il se rendait au Sri Lanka, il visitait la statue du Bouddha à Anuradhapura.
Le dirigeant indien, qui ne cessait d’exhorter les Indiens superstitieux et ritualistes à cultiver un « tempérament scientifique » et à faire entrer l’Inde dans l’ère de l’âge atomique, était naturellement attiré par le rationalisme prôné par le Bouddha.
« Bouddha ne demandait à personne de croire en quoi que ce soit d’autre que ce qui pouvait être prouvé par l’expérience et l’essai. Tout ce qu’il voulait, c’était que les hommes recherchent la vérité et n’acceptent rien sur la foi d’un autre homme, même s’il s’agissait du Bouddha lui-même. Il me semble que c’est là l’essence de son message », alléguait Nehru.
Et d’ajouter :
« Lui-même a eu le courage d’accepter la vérité et de ne rien accepter sur la foi d’un autre (…) Bouddha a eu le courage de s’attaquer à la religion populaire, à la superstition, au cérémonial et à la prêtrise, ainsi qu’à tous les intérêts qui s’y rattachent. Il a également condamné les perspectives métaphysiques et théologiques, les miracles, les révélations et les relations avec le surnaturel. Il fait appel à la logique, à la raison et à l’expérience ; il met l’accent sur l’éthique (…) Toute son approche est comme le souffle du vent frais des montagnes après l’air vicié de la spéculation métaphysique (…) Bouddha n’a pas attaqué directement les castes, mais dans son propre ordre, il ne les a pas reconnues, et il ne fait aucun doute que toute son attitude et son activité ont affaibli le système des castes. »
L’influence du Bouddha s’est manifestée dans la politique étrangère de Nehru. Cette politique était motivée par un désir de paix, d’harmonie internationale et de respect mutuel. Elle visait à résoudre les conflits par des méthodes pacifiques. Le 28 novembre 1956, Nehru déclare :
« C’est essentiellement grâce au message du Bouddha que nous pouvons envisager nos problèmes dans la bonne perspective et nous éloigner des conflits et de la concurrence dans le domaine des conflits, de la violence et de la haine. »
Visiblement inspirés par les préceptes bouddhistes, les concepts de non-alignement et le Traité de Panchsheelde Nehru, communément appelé « Traité des cinq principes de coexistence pacifique », ont été formellement énoncés pour la première fois dans l’Accord sur le commerce et les relations entre le Tibet chinois et l’Inde, signé le 29 avril 1954.
Cet accord stipulait, dans son préambule, que les deux gouvernements,
« ont décidé de conclure le présent accord sur la base des principes suivants :
1) respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’autre,
2) non-agression mutuelle,
3) non-ingérence mutuelle,
4) égalité et avantage mutuel,
5) coexistence pacifique. »
Le 29 novembre 1952, lors de la Conférence culturelle bouddhiste internationale à Sanchi, où Kanitscha avait entamé la construction du plus haut stupa de l’Antiquité, Nehru précisait :
« Le message que Bouddha a transmis il y a 2500 ans a éclairé non seulement l’Inde et l’Asie, mais le monde entier. La question qui se pose inévitablement est la suivante : le grand message du Bouddha peut-il s’appliquer au monde d’aujourd’hui ? Peut-être que oui, peut-être que non, mais je sais que si nous suivons les principes énoncés par le Bouddha, nous gagnerons la paix et la tranquillité pour le monde. »
Le 3 octobre 1960, Nehru s’adressait à l’Assemblée générale des Nations unies :
« Dans un passé lointain, un grand fils de l’Inde, le Bouddha, a dit que la seule vraie victoire était celle où tous étaient également victorieux et où personne n’était vaincu. Dans le monde d’aujourd’hui, c’est la seule victoire concrète ; toute autre voie mène au désastre. »
Nehru a fait de son mieux pour appliquer les enseignements du Bouddha dans la gestion des affaires intérieures de l’Inde. Sa conviction que le changement social ne peut être obtenu que par le consensus social le plus large découle de l’influence du Bouddha, d’Ashoka et de Gandhi.
Dans son discours du 15 août 1956 à l’occasion de la fête de l’indépendance, Nehru fixe les défis à relever :
« Nous sommes fiers que le sol sur lequel nous sommes nés ait produit de grandes âmes comme le Bouddha Gautama et Gandhi. Rafraîchissons-nous la mémoire une fois de plus et rendons hommage à Gautama Bouddha et à Gandhi, ainsi qu’aux grandes âmes qui, comme eux, ont façonné ce pays. Suivons la voie qu’ils nous ont montrée avec force, détermination et coopération. »
Science et religion, Albert Einstein et Bouddha
Pour conclure, je vous invite à méditer quelques citations d’Albert Einstein discutant les rapports entre la science et la religion où il évoque l’importance de Bouddha :

Le sentiment religieux cosmique
« Il existe un troisième état d’expérience religieuse… que j’appellerai le sentiment religieux cosmique.Il est très difficile d’expliquer ce sentiment à quelqu’un qui en est totalement dépourvu, d’autant plus qu’il n’y a pas de conception anthropomorphique de Dieu qui lui corresponde.L’individu ressent le néant des désirs et des objectifs humains, ainsi que la sublimité et l’ordre merveilleux qui se révèlent tant dans la nature que dans le monde de la pensée.Il considère l’existence individuelle comme une sorte de prison et veut faire l’expérience de l’univers comme un tout unique et significatif.Les prémices d’un sentiment religieux cosmique apparaissent déjà à un stade précoce du développement, par exemple dans de nombreux Psaumes de David et dans certains Prophètes.
Le bouddhisme, comme nous l’ont appris les merveilleux écrits de Schopenhauer en particulier, en contient un élément beaucoup plus fort.Les génies religieux de tous les temps se sont distingués par ce type de sentiment religieux, qui ne connaît ni dogme, ni Dieu conçu à l’image de l’homme, de sorte qu’il ne peut y avoir d’Église dont l’enseignement central se fonde sur lui.
C’est donc précisément parmi les hérétiques de toutes les époques que l’on trouve des hommes animés du sentiment religieux le plus élevé et qui, dans bien des cas, étaient considérés par leurs contemporains comme des athées, parfois même comme des saints.Vu sous cet angle, des hommes comme Démocrite, François d’Assise et Spinoza sont très proches les uns des autres.Comment le sentiment religieux cosmique peut-il se transmettre d’une personne à l’autre, s’il ne peut donner lieu à aucune notion précise de Dieu et à aucune théologie ?À mon avis, c’est la fonction la plus importante de l’art et de la science que d’éveiller ce sentiment et de le maintenir en vie chez ceux qui en sont capables ».
—Einstein, Albert. Le monde tel que je le vois. (Secaucus, NJ : Carol Publishing Group, 1999). p. 26.
Libéré des entraves et de ses désirs égoïstes
« Une personne religieusement éclairée me semble être celle qui, au mieux de ses capacités, s’est libérée des entraves de ses désirs égoïstes et se préoccupe de pensées, de sentiments et d’aspirations auxquels elle s’accroche en raison de leur valeur supra-personnelle.Il me semble que ce qui est important, c’est la force de ce contenu supra-personnel et la profondeur de la conviction concernant son sens impérieux, indépendammentde toute tentative d’unir ce contenu à un Être divin, car sinon il ne serait pas possible de considérer Bouddha et Spinoza comme des personnalités religieuses.
Par conséquent, une personne religieuse est pieuse dans le sens où elle ne doute pas de la signification et de la hauteur de ces objets et objectifs supra-personnels qui ne nécessitent ni ne peuvent être fondés rationnellement.Ils existent avec la même nécessité et la même évidence que lui.En ce sens, la religion est l’effort séculaire de l’humanité pour devenir clairement et complètement consciente de ces valeurs et de ces objectifs et pour renforcer et étendre constamment leur effet.«
—Einstein, Albert. Einstein, Science, Philosophy and Religion, A Symposium, publié par la Conference on Science, Philosophy and Religion in Their Relation to the Democratic Way of Life, Inc, New York, 1941.
Bouddha, Moïse et Jésus
« Ce que l’humanité doit à des personnalités comme Bouddha, Moïse et Jésus est pour moi plus important que toutes les réalisations de l’esprit curieux et constructif.Ce que ces hommes bénis nous ont donné, nous devons le garder et essayer de le maintenir en vie de toutes nos forces si l’humanité ne veut pas perdre sa dignité, la sécurité de son existence et sa joie de vivre ».
—Einstein, Albert. Déclaration écrite (septembre 1937), p. 70
Commencer par le coeur de l’homme
« Si nous voulons améliorer le monde, nous ne pouvons pas le faire avec des connaissances scientifiques, mais avec des idéaux.Confucius, Bouddha, Jésus et Gandhi ont fait plus pour l’humanité que la science.Nous devons commencer par le cœur de l’homme, par sa conscience, et les valeurs de la conscience ne peuvent se manifester que par un service désintéressé à l’humanité ».
—Einstein, Albert. Einsteinet le poète (1983), p. 92
L’illusion optique de la conscience
L’un des échanges les plus poignants de son rôle de philosophe a eu lieu alors qu’il avait 70 ans et vivait à Princeton. Un rabbin ordonné lui avait écrit pour lui dire qu’il avait cherché en vain à réconforter sa fille de 19 ans après la mort de sa sœur, « une belle enfant de 16 ans, sans péché ».
L’être humain »,écrit Einstein en réponse, « est une partie du tout, que nous appelons « Univers », une partie limitée dans le temps et l’espace.Il fait l’expérience de lui-même, de ses pensées et de ses sentiments comme quelque chose de séparé du reste – une sorte d’illusion d’optique de sa conscience.Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous limitant à nos désirs personnels et à l’affection pour quelques personnes qui nous sont proches.Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion à toutes les créatures vivantes et à toute la nature dans sa beauté.Personne n’est en mesure d’y parvenir complètement, mais le fait de s’efforcer d’y parvenir est en soi une partie de la libération et un fondement de la sécurité intérieure ».
— Walter Sullivan, “The Einstein Papers: A Man of Many Parts,”New York Times, 29 mars 1972.
NOTES :
*1. Les langues indo-aryennes. Il existe plus de 200 langues indo-aryennes connues, parlées par environ 1 milliard de personnes. Leurs formes modernes descendent des langues indo-aryennes anciennes, telles que le sanskrit védique primitif, en passant par les langues indo-aryennes moyennes (ou prakrits). Les langues indo-aryennes les plus importantes en termes de premiers locuteurs sont l’hindi-ourdou (c. 330 millions), le bengali (242 millions), le pendjabi (environ 120 millions), le marathi (112 millions), le gujarati (60 millions), le rajasthani (58 millions), le bhojpuri (51 millions), l’odia (35 millions), le maithili (environ 34 millions), le sindhi (25 millions), le népali (16 millions), l’assamais (15 millions), le chhattisgarhi (18 millions), le cinghalais (17 millions) et le romani (environ 3,5 millions). Le sud de l’Inde compte des langues dravidiennes (telugu, tamil, kannada et malayalam). En Europe, les principales langues indo-européennes sont l’anglais, le français, le portugais, le russe, le néerlandais et l’espagnol.
*2. Discords. Dès le IIIe siècle avant J.-C., pas moins de dix-huit écoles bouddhistes distinctes sont à l’œuvre en Inde, mais toutes se reconnaissent mutuellement comme des adeptes de la philosophie du Bouddha. Enfin, le bouddhisme du Véhicule du Diamant, dit Vajrayâna, dont les textes et les rituels complexes ont été élaborés dans les universités du nord-est de l’Inde vers le VIIe et VIIIe siècles.
*3. Le prâkrit est un terme qui désigne une langue indo-aryenne dérivée du sanskrit classique. Le mot lui-même a une définition assez souple, car il a parfois le sens de « originel, naturel, sans artifices, normal, ordinaire, usuel, ou encore, local », contrastant ainsi avec la forme littéraire et religieuse du sanskrit ; mais parfois, on peut aussi comprendre prâkrit comme signifiant « dérivé d’une langue originelle », c’est-à-dire dérivé du sanskrit. On peut donc dire que le prâkrit, comme toute langue vulgaire et vernaculaire de l’Inde, est issu du sanskrit. En fait, on peut comparer les prâkrits au latin vulgaire, tandis que le sanskrit serait le latin classique. L’usage le plus ancien que l’on connaisse du prâkrit est formé par l’ensemble d’inscriptions de l’empereur indien Ashoka (IIIe siècle av. J.-C.). L’un des prâkrits les plus célèbres est le pâli, qui a accédé au statut de langue littéraire et intellectuelle en devenant celle des textes du bouddhisme theravâda.
*4. Le pâli est une langue indo-européenne de la famille indo-aryenne. C’est un prâkrit moyen indien proche du sanskrit et remontant vraisemblablement au IIIe siècle av. J.-C. Le pâḷi est utilisé comme langue liturgique bouddhiste au Sri Lanka, en Birmanie, au Laos, en Thaïlande et au Cambodge. Son statut de langue liturgique l’a rendu, à l’instar du sanskrit, figé et normalisé.
*5. Hippodamos de Milet (né en 498 av. J.-C. et mort en 408 av. J.-C.) est un géomètre et ingénieur du Ve siècle av. J.-C., qui fut aussi architecte urbaniste, physicien, mathématicien, météorologiste et philosophe pythagoricien. La tradition a retenu de lui ses grands travaux de planification urbaine. Bien que ces travaux se caractérisent par l’utilisation systématique du plan en damier, il n’en est pas l’inventeur, de très anciennes colonies grecques nous fournissant déjà des exemples de cette structure urbaine.
Commentaires:
8 mars 2024, Bernard C.
Je continue la lecture du long texte illustré sur le « miracle du Gandhara ». Décidemment, tu as toujours l’art –et ce n’est pas un vain mot chez toi ! – de nous surprendre ! Quel bonheur ce doit être ! Merci Karel. Belle soirée à vous.
8 mars 2024, Bernard C., suite
J’espère qu’on reconnaitra un jour (ou l’autre) la beauté de ce travail (artkarel) dans son envergure, car tu ne cesses de nous renvoyer au moyen d’hyperliens (mots en bleu), à travers les âges, d’un bout à l’autre des continents, d’Ashoka à Sully – de véritables efforts intercontinentaux échafaudent, à grands traits pour ne pas dire à grandes enjambées, devant nos yeux surpris (encore une fois, c’est le mot!), une œuvre d’art illustrant qu’il n’est de richesse que d’hommes, et où se meuvent, d’un bord à l’autre de l’histoire de la civilisation, correspondances d’idées majeures qu’on aurait pu croire isolément réservées à leurs temps. Chapeau !
Derrière les « chevaux célestes » chinois, la science terrestre


Le fait qu’aujourd’hui encore, en parlant d’une voiture, on utilise l’unité « cheval » (CV) pour indiquer la puissance et donc le « travail » que le moteur peut fournir, en dit long sur le rôle majeur que les chevaux ont joué dans l’histoire de l’humanité.
Récemment invité à une conférence à Kaboul, en Afghanistan, j’ai évoqué à propos du besoin d’investissement en infrastructures hydrauliques, la domestication du cheval comme un bel exemple du passage d’une « plateforme infrastructurelle donnée » à une « plateforme supérieure », le terme plateforme faisant référence ici non pas à l’impact direct de l’infrastructure en question, mais à l’effet beaucoup plus large induit dans l’ensemble de l’économie d’un pays.
Nul besoin d’être anthropologue pour comprendre que l’histoire de l’humanité a radicalement changé avec la domestication du cheval, certaines choses considérées comme impossibles auparavant devenant, du jour au lendemain, la normalité.

La question de savoir quand et comment l’animal a été domestiqué reste sujet à controverse. Bien que des chevaux apparaissent dans l’art rupestre du paléolithique dès 36 000 ans avant notre ère (grotte Chauvet, France), il s’agissait alors de chevaux sauvages sans doute chassés pour leur viande.
Pour les zoologistes, la domestication se définit comme la maîtrise de l’élevage, pratique confirmée par des restes de squelettes anciens indiquant des changements dans la taille et la variabilité des populations de chevaux anciens.

D’autres chercheurs s’intéressent à des éléments plus généraux de la relation homme-cheval, notamment les preuves squelettiques et dentaires de l’activité professionnelle, les armes, l’art et les artefacts spirituels, ainsi que les modes de vie. Il est prouvé que les chevaux furent une source de viande et de lait avant d’être dressés comme animaux de travail.
En Inde, près de Bhopal, les abris-sous-roche du Bhimbetka, qui constituent le plus ancien art rupestre connu du pays (100 000 av. JC)), représentent des scènes de danse et de chasse de l’âge de pierre ainsi que des guerriers à cheval d’une époque plus tardive (10 000 av. JC).

Les preuves les plus évidentes de l’utilisation précoce du cheval comme moyen de transport sont les sépultures présentant des chevaux avec leurs chars. Les plus anciens vrais chars, datant d’environ 2000 av. JC, ont été retrouvés dans des tombeaux de la culture de Sintachta, dans des sites archéologiques situés le long du cours supérieur de la rivière Tobol, au sud-est de Magnitogorsk en Russie. Il s’agit de chars à roues à rayons tirés par deux chevaux.
Kazakhstan et Ukraine

Jusqu’à récemment, on pensait que le cheval le plus communément utilisé aujourd’hui était un descendant des chevaux domestiqués par la culture de Botaï, vivant dans les steppes de la province d’Akmola au Kazakhstan.
Cependant, des recherches génétiques récentes (2021) indiquent que les chevaux de Botaï ne sont que les ancêtres du cheval de Przewalski, une espèce qui a failli disparaître.
Selon les chercheurs, notre cheval commun, Equus ferus caballus, aurait été domestiqué il y a 4200 ans en Ukraine, dans la région du Don-Volga, c’est-à-dire la steppe pontique-caspienne de l’Eurasie occidentale, vers 2200 av. JC. Au fur et à mesure de leur domestication, ces chevaux ont été régulièrement croisés avec des chevaux sauvages.

Il est intéressant de noter à cet égard que, selon « l’hypothèse kourgane »formulée par Marija Gimbutas en 1956, c’est depuis cette région que la plupart des langues indo-européennes se sont répandues dans toute l’Europe et certaines parties de l’Asie.
Le nom vient du terme russe d’origine turque, « kourgane », qui désigne les tumuli caractéristiques de ces peuples et qui marquent leur expansion en Europe.
La Route du thé, du cheval ou de la soie?

La description des échanges commerciaux, culturels et humains tout au long des « Routes de la soie » a fait couler beaucoup d’encre. Or, ce terme est récent. Ce n’est qu’en 1877 que le géographe allemand Ferdinand von Richthofen l’utilise pour la première fois afin de désigner ces axes Est-Ouest structurant les échanges mondiaux.
En réalité, il s’avère que l’une des principales marchandises échangées sur ladite Route de la soie était… les chevaux et autres animaux de labour (mules, chameaux, ânes et onagres).
Si l’on y échangeait effectivement la soie et le thé, ces produits constituaient, comme la porcelaine et l’or, un moyen pour régler d’autres achats, notamment les chevaux que les Chinois cherchaient à acquérir.
Ce que l’on appelait la « Route du thé et du cheval » (route de la soie du sud) partait de la ville de Chengdu, dans la province du Sichuan, en Chine, traversait le Yunnan vers le sud, jusqu’en Inde et dans la péninsule indochinoise, et s’étendait vers l’ouest jusqu’au Tibet.
C’était une route importante pour le commerce du thé en Chine du Sud et en Asie du Sud-Est, et elle a contribué à la diffusion de religions comme le taoïsme et le bouddhisme dans la région. Il est vrai que « Route de la soie » est plus poétique que « route du crottin » !
La Steppe et ses nomades


Constamment harcelée par les peuples nomades des steppes du Nord, la Chine entreprit la construction de sa Grande Muraille dès le VIIe siècle av. JC.
La liaison entre les premiers éléments fut réalisée par Qin Shi Huang (220-206 avant JC.), le premier empereur de Chine, et l’ensemble du mur, achevé sous la dynastie des Ming (1368-1644), est devenu l’un des exploits les plus remarquables de l’histoire humaine.
Le terme générique de « nomades eurasiens » englobe les divers groupes ethniques peuplant la steppe eurasienne, se déplaçant à travers les steppes du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Tadjikistan, du Turkménistan, d’Ouzbékistan, de Mongolie, de Russie et d’Ukraine.
En domestiquant le cheval vers 2200 av. JC., ces peuples augmentèrent considérablement les possibilités de vie nomade.

Par la suite, leur économie et leur culture se concentrèrent sur l’élevage de chevaux, l’équitation et le pastoralisme nomade, permettant de riches échanges commerciaux avec les peuples sédentaires vivant en bordure de la steppe, que ce soit en Europe, en Asie ou en Asie centrale.
On pense qu’ils opéraient souvent sous forme de confédérations. Par définition, les nomades ne créent pas d’empires. Sans forcément les occuper, en contrôlant les points névralgiques, ils règnent en maître sur d’immenses territoires.
Ce sont eux qui développèrent le char, le chariot, la cavalerie et le tir à l’arc à cheval, introduisant des innovations telles que la bride, le mors, l’étrier et la selle, qui traversèrent rapidement toute l’Eurasie et furent copiées par leurs voisins sédentaires.
Durant l’âge du fer, des cultures scythes (iraniennes) apparurent parmi les nomades eurasiens, caractérisées par un art distinct, dont la joaillerie en or force l’admiration.
Le cheval en Chine

Les objets funéraires chinois fournissent une quantité extraordinaire d’informations sur le mode de vie des Chinois de l’Antiquité. La cavalerie militaire, mise sur pied dès le IIIe siècle avant J.C., s’y développe afin de faire face aux guerriers nomades et archers à cheval qui menacent la Chine le long de sa frontière septentrionale. Leurs grands et puissants chevaux étaient nouveaux pour les Chinois.
Échangés contre de la soie de luxe, comme nous l’avons dit, ils sont la première importation majeure en Chine depuis la Route de la soie. Des vestiges archéologiques montrent qu’en l’espace de quelques années, les merveilleux destriers arabes deviennent extrêmement populaires auprès des militaires et des aristocrates chinois, et les tombes des classes supérieures sont remplies de représentations de ces grands chevaux destinés à être utilisés dans l’au-delà. Ils restent cependant difficiles à trouver sur place…
Les diplomates chinois et le royaume de Dayuan (Ferghana)

À la fin du IIe siècle av. JC., Zhang Qian, diplomate et explorateur de la dynastie Han, se rend en Asie centrale et découvre trois civilisations urbaines sophistiquées créées par des colons grecs appelés Ioniens.
Le récit de sa visite en Bactriane, et son étonnement d’y trouver des marchandises chinoises sur les marchés (acquises via l’Inde), ainsi que ses voyages en Parthieet au Ferghana, sont conservés dans les œuvres de Sima Qian, l’historien des premiers Han.

À son retour, son récit incite l’empereur chinois à envoyer des émissaires à travers l’Asie centrale pour négocier et encourager le commerce avec son pays. « Et c’est ainsi que naquit la route de la soie »,affirment certains historiens.

Outre la Parthieet la Bactriane, Zhang Qian visite, dans la fertile vallée de Ferghana (aujourd’hui essentiellement au Tadjikistan), un État que les Chinois baptisèrent le royaume de Dayuan (« Da » signifiant « grand » et « Yuan » étant la translittération du sanskrit Yavana ou du pali Yona, utilisé dans toute l’Antiquité en Asie pour désigner les Ioniens, ou colons grecs).
Les Actes du grand historien et le Livre des Han décrivent Dayuancomme un pays de plusieurs centaines de milliers d’habitants, vivant dans 70 villes fortifiées de taille variable.

Ils cultivent le riz et le blé et produisent du vin à partir de leurs vignes. Ils avaient des traits caucasiens et des « coutumes identiques à celles de la Bactriane » (l’État le plus hellénistique de la région depuis Alexandre le Grand), dont l’épicentre se trouve alors au nord de l’Afghanistan. (voir notre article)
En outre, le diplomate chinois rapporte un fait d’un grand intérêt stratégique : la présence, dans la vallée de la Ferghana, de chevaux incroyables, rapides et puissants, élevés par ces Ioniens !

Or, comme nous l’avons déjà dit, la Chine, se sentant menacée en permanence par les peuples nomades des steppes, était en train de construire sa Grande Muraille. Elle avait également conscience de son infériorité militaire par rapport aux nomades des steppes et déplorait son manque cruel de puissants chevaux.
Sans oublier que, dans l’échelle des valeurs chinoises, le cheval possédait une valeur spirituelle et symbolique presque aussi forte que le dragon : il pouvait voler et représentait l’esprit divin et créatif de l’univers lui-même, chose essentielle pour tout empereur désireux d’acquérir aussi bien la sécurité militaire pour son empire que son immortalité personnelle.
Bref, posséder de bons chevaux est alors une question allant au-delà de la sécurité nationale, tout en l’incluant. À tel point qu’en 100 av. JC., lorsque le souverain de la vallée de Ferghana refuse de lui fournir des chevaux de qualité, la dynastie Han déclenche contre Dayuanla « guerre des chevaux célestes ».
Guerre des chevaux célestes

C’est un conflit militaire qui se déroule entre 104 et 102 av. JC. entre la Chine et Dayuan, Etat peuplé d’Ioniens (entre l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan actuels
Tout d’abord, l’empereur Wu décide d’infliger une défaite décisive aux nomades des steppes,les Xiongnu, qui harcèlent la dynastie Han depuis des décennies.
Pour les faire plier, en 139 av. JC, il envoie le diplomate Zhang Qian avec pour mission d’arpenter l’ouest et d’y forger une alliance militaire avec les nomades chinois Yuezhi contre les Xiongnu.
Zhang Qian, comme nous l’avons dit, se rend en Parthie, en Bactrianeet à Dayuan. À son retour, il impressionne l’empereur en lui décrivant les « chevaux célestes » de la vallée de Ferghana, qui pourraient grandement améliorer la qualité des montures de la cavalerie Han lors des combats contre les Xiongnu.
La cour des Han envoie alors jusqu’à dix groupes de diplomates pour acquérir ces « chevaux célestes ».

Une mission commerciale et diplomatique arrive donc à Dayuanavec 1000 pièces d’or et un cheval d’or pour acheter les précieux animaux. Dayuan, qui était à cette époque l’un des États les plus occidentaux à avoir des émissaires à la cour des Han, commerce déjà avec eux depuis un certain temps à son grand avantage. Non seulement sa population accède aux marchandises orientales, mais apprend des soldats Han la fonte des métaux pour fabriquer des pièces et des armes. Cependant, contrairement aux autres envoyés à la cour des Han, ceux de Dayuan ne se conforment pas aux rituels des Han et se montrent arrogants, pensant que leur pays est trop éloigné pour avoir à craindre une invasion.
Dès lors, dans un élan de folie et par pure arrogance, le roi du Dayuannon seulement refuse le marché, mais confisque l’or. Les envoyés des Han maudissent les hommes de Dayuanet brisent le cheval d’or qu’ils avaient amené. Furieux de cet acte de mépris, les nobles de Dayuanordonnent aux militaires de Yucheng, qui se trouvent à leur frontière orientale, d’attaquer les envoyés, de les tuer et de s’emparer de leurs marchandises.
Humiliée et furieuse, la cour des Han envoie alors une armée dirigée par le général Li Guanglipour soumettre Dayuan, mais leur première incursion s’avère mal organisée et insuffisamment approvisionnée.
Deux ans plus tard, une seconde expédition, plus importante et mieux approvisionnée, parvient à assiéger la capitale des Dayuan, « Alexandria Eschate » (aujourd’hui proche de Khodjent, au Tadjikistan), forçant les Dayuanà se rendre sans condition.

Les forces expéditionnaires y installent alors un régime pro-Han et repartent avec 3000 chevaux. Il n’en restera que 1000 à leur arrivée en Chine, en 101 av. JC.
Le Dayuanaccepte également d’envoyer chaque année deux chevaux célestes à l’empereur et des semences de luzerne sont ramenées en Chine, fournissant des pâturages de qualité supérieure pour élever de beaux chevaux afin de fournir une cavalerie capable de faire face aux Xiongnuqui menacent le pays.
Les chevaux ont depuis lors captivé l’imagination populaire en Chine, inspirant des sculptures, faisant l’objet d’élevage dans le Gansu et dotant la cavalerie de 430 000 chevaux de ce type sous la dynastie des Tang.
La Chine et la Révolution agricole
Après avoir imposé son rôle dans la stratégie militaire pour les siècles à venir, le cheval devient, avec la maîtrise de l’eau, le facteur clé permettant d’accroître la productivité agricole.
Contrairement aux Romains, qui préféraient utiliser du « bétail humain » (esclaves) plutôt que des animaux (qu’ils élevaient pour les courses), les Chinois ont contribué de façon décisive à la survie de l’humanité avec deux innovations cruciales concernant l’attelage des chevaux.
Rappelons que pendant toute l’Antiquité, que ce soit en Égypte ou en Grèce, charrues et chariots sont tirés à l’aide d’une bande de cuir encerclant le cou de l’animal.
Cet attelage s’apparente au joug utilisé pour les bœufs, la charge étant attachée au sommet du collier, au-dessus du cou. Le cheval se trouvant ainsi constamment étranglé, ce système réduit considérablement sa capacité à travailler, et plus il tire, plus il a du mal à respirer.

En raison de cette contrainte physique, le bœuf restera l’animal préféré pour les travaux lourds tels que le labourage. Cependant, il est lent, difficile à manœuvrer et n’a pas l’endurance du cheval, qui est deux fois supérieure pour une puissance équivalente.
La Chine aurait d’abord inventé la « bricole », large courroie de cuir enserrant le poitrail du cheval, ce qui était un premier pas dans la bonne direction.

Au Ve siècle, la Chine invente « le collier d’épaule », conçu comme un ovale rigide qui s’adapte au cou et aux épaules du cheval sans lui couper le souffle.

Il présente les avantages suivants :
— Il soulage la pression exercée sur la gorge du cheval, libérant les voies respiratoires de toute constriction, ce qui améliore considérablement le débit d’énergie de l’animal.
— Les traits peuvent être attachés de chaque côté du collier, ce qui permet au cheval de pousser sur ses pattes postérieures, plus puissantes, au lieu de tirer avec celles de devant, plus faibles.
Vous me direz qu’il s’agit là d’une simple anecdote. Vous avez tort, car ce qui semble n’être qu’un changement mineur aura des conséquences gigantesques.
La Renaissance européenne

Dans le cadre d’une alliance stratégique et d’une coopération avec le califat humaniste des Abbassides de Bagdad (voir notre article), Charlemagne et ses successeurs ont défriché de vastes terrains pour l’agriculture, amélioré l’usage de l’eau et généralisé le collier d’épaule pour les chevaux de trait.
Grâce à ce nouvel outil beaucoup plus efficace, les agriculteurs européens ont pu tirer pleinement parti de la force du cheval, qui sera alors capable de tirer une autre innovation récente, la lourde charrue. Cela s’est avéré particulièrement appréciable pour les sols durs et argileux, ouvrant de nouvelles terres à l’agriculture.
Le collier, la charrue lourde et le fer à cheval ont contribué à l’essor de la production agricole.

Ainsi, entre l’an 1000 et l’an 1300, on estime qu’en Europe, les rendements agricoles ont triplé, permettant de nourrir un nombre croissant de citoyens dans les villes urbaines apparues au XVe siècle et de donner le coup d’envoi à la Renaissance européenne. Merci la Chine !
Certains chiffres laissent néanmoins perplexes :
–Il aura fallu des milliers d’années à l’humanité pour domestiquer le cheval, en 2200 av. JC. (bien après la vache).
— Il faudra encore 2700 ans à l’humanité pour trouver, au Ve siècle de notre ère, la façon la plus efficace d’utiliser sa force motrice…
Le passage d’une plateforme d’infrastructure inférieure à une plate-forme d’infrastructure supérieure peut certes prendre un certain temps. Les nouvelles plateformes supérieures d’aujourd’hui s’appellent l’espace et l’énergie de fusion.
N’attendons pas encore un millénaire pour savoir comment les utiliser correctement !
Horse-power, the Earthly Science behind China’s “Heavenly Horses”


Indicating the major role horses have played in the history of mankind, the fact that still today, when people talk about the engine of their cars, they use the term “horsepower” (hp) to indicate how much “work” the engine is capable of.
In a lecture on hydro-infrastructure in Kabul, Afghanistan, I recently used the domestication of the horse as an example of what one should understand when we talk about moving from a “lower” to a “higher infrastructure platform”.
The history of mankind completely changed with the domestication of the horse. Things considered “impossible” before the domestication of the horse became the “new normal”. How and when horses became domesticated has been disputed. Although horses appear in Paleolithic cave art as early as 36,000 BC (Chauvet cave, France), these were wild horses and were probably hunted for meat.

Zoologists define « domestication » as human control over breeding, which can be detected in ancient skeletal samples by changes in the size and variability of ancient horse populations. Other researchers look at the broader evidence, including skeletal and dental evidence of working activity; weapons, art, and spiritual artifacts; and lifestyle patterns of human cultures. There is evidence that horses were kept as a source of meat and milk before they were trained as working animals.

In India, close to Bopal, the “Bhimbetka rock shelters”, which are the oldest known rock art of the country, figures dance and hunting scenes from the Stone Age as well as of warriors on horseback from a later time (10 000 BC).
Horses were a late addition to the barnyard. Dogs were domesticated 15,000 years ago; sheep, pigs and cattle, about 8,000 to 11,000 years ago. But clear evidence of horse domestication doesn’t appear in the archaeological record until about 5,500 years ago.

The clearest evidence of early use of the horse as a means of transport is from chariot burials. The earliest true chariots known are from around 2,000 BC, in burials of the Sintashta-Petrovka culture in modern Russia in a cluster along the upper Tobol river, southeast of Magnitogorsk.
They contain spoke-wheeled chariots drawn by teams of two horses.
Kazakhstan and Ukraine

Up till recently, it was thought that the most common horse used today was a descendant of the horses domesticated by the Botai culture living in the steppes of the Akmola Province of Kazakhstan, around 3500 BC.
Recent genetic research points to the fact that the Botai horses were the forefathers of the Przewalski horse, a species that nearly disappeared.
Our common horse, the Equus ferus caballus, genetic research says, has been domesticated 4,200 years ago in Ukraine, in an area known as the Volga-Don, in the Pontic-Caspian steppe region of Western Eurasia, around 2,200 BC.
As these horses were domesticated, they were regularly interbred with wild horses.

Interesting in this respect, is the fact that according to the “Kurgan” or “steppe hypothesis”, most Indo-European languages spread from the same region throughout Europe and parts of Asia.
It postulates that the people of a Kurgan culture in the Pontic steppe north of the Black Sea were the most likely speakers of what some call the Proto-Indo-European language (PIE).
The term is derived from the Turkic word kurgan, meaning tumulus or burial mound.
Tea Road,Horse Road or Silk Road?


As a matter of fact, the main commodities traded on the “Silk Road” (a term only coined in 1877 by the German geographer Ferdinand Von Richthofen), were… horses, mules, camels, donkeys and onagers.
Silk and tea were of course traded, but appeared mainly as a means… to pay for horses. People “paid” with silk, gold, porcelain and tea, the animals they needed to secure the survival of their society!
What was known as the « Tea-Horse Road » (Southern Silk Road) extended from the city of Chengdu in Sichuan Province, China, south through Yunnan into India and the Indochina Peninsula, and extended westwards into Tibet. It was an important route for the tea trade throughout South China and Southeast Asia and contributed to the spread of religions like Taoism and Buddhism across the region.
Eurasian Steppe

China, feeling itself under constant threat from the nomadic steppe people from the North, started building the first parts of its “Great Wall” as early as the VIIth Century BC, with selective stretches joined by Qin Shi Huang (220–206 BC), the first emperor of China and completed under the Ming dynasty (1368–1644) to become one of the most impressive feats in history.
The Eurasian nomads were groups of nomadic peoples living throughout the Eurasian Steppe. The generic title encompasses the varied ethnic groups who have at times inhabited the steppes of Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan, Turkmenistan, Uzbekistan, Mongolia, Russia, and Ukraine.
By the domestication of the horse around 2,200 BC (i.e. 4,200 years ago), they vastly increased the possibilities of nomadic life and subsequently their economy and culture emphasized horse breeding, horse riding, and nomadic pastoralism, usually engaging in trade with settled peoples around the steppe edges, be it in Europe, Asia or Central Asia.

Nomads, by definition, don’t create empires. It is thought they operated often as confederations. But it was them who developed the chariot, wagon, cavalry, and horseback archery and introduced innovations such as the bridle, bit, stirrup, and saddle and the very rapid rate at which innovations crossed the steppe-lands spread these widely, to be copied by settled peoples bordering the steppes.
During the Iron Age, Scythian (Persian) culture emerged among the Eurasian nomads, which was characterized by a distinct Scythian art.
China and the Horse

Throughout China’s long and storied past, no animal has impacted its history as greatly as the horse. Its significance was such that as early as the Shang dynasty (ca.1600-1100 BC), military might was measured by the number of the war chariots available to a particular kingdom.
The mounted cavalery, which emerged in the IIIrd century BC grew rapidly during the IInd century BC to meet the challenge of horse-riding peoples threatening China along the northern frontier.
Their large, powerful, horses were very new to China. As said before, traded for luxurious silk, they were the first major import to China from the “Silk Road.”
Chinese grave goods provide extraordinary amounts of information about how the ancient Chinese lived. Archaeological evidence shows that within a few years, the marvelous Arabian steeds had become immensely popular with military and aristocracy alike and upper-class tombs began to be filled with images of these great horses for use in the afterlife. But horses were hard to find in China.
Chinese diplomats and the Kingdom of Dayuan (Ferghana)

Something had to be done. In the late IInd Century BC, Zhang Qian, a Han dynasty diplomat and explorer, travels to Central Asia and discovers three sophisticated urban civilizations created by Greek settlers he named « Ionians ». The account of his visit to Bactria, including his recollection of his amazement at finding Chinese goods in the markets (acquired via India), as well as his travels to Parthiaand Ferghana, are preserved in the works of the early Han historian Sima Qian.

Upon returning to China, his account prompts the Emperor to dispatch Chinese envoys across Central Asia to negotiate and encourage trade with China. Some historians say that this dicision gave « birth of the Silk Road.«

Besides Parthiaand Bactria, where Chinese goods were being traded via Indian imports, Zhang Qian visited, in the fertile Ferghana valley (today essentially in Tajikistan), a State the Chinese called the “Kingdom of Dayuan” (“Da” meaning “great”, and “Yuan” being the transliteration of Sanskrit Yavanaor Pali Yona, used throughout antiquity in Asia to designate « Ionians », i.e. Greek settlers).
The Records of the Grand Historian and the Book of Han describe the Dayuan as numbering several hundred thousand people living in 70 walled cities of varying size. They grew rice and wheat, and made wine from grapes. They had Caucasian features and “customs identical to those of Bactria” (the most Hellenistic state of the region since Alexander the Great) which is today’s northern Afghanistan.
The Chinese diplomat reported something of great strategic interest: unbelievable, fast and powerful horses raised by these Ionians in the Ferghana Valley!

Now, as said before, China felt under permanent threat by the nomadic people from the steppes and was in the process of building the “Great Wall”. China also was acutely aware that the nomadic steppe people derived their military superiority from something dramatically lacking at home: powerful horses !
Added to that, the fact that in terms of China’s scale of values, horses where nearly of the same mythological nature as dragons: they could fly and represented the divine, creative spirit of the universe itself, something essential for any Chinese emperor eager to acquire both military security for his Empire and for his personal immortality.
In short, having good horses became an issue of national security. So much, that in 100 BC, the Han dynasty started what is known as the “War of the Heavenly Horses” with Dayuan, when its ruler refused to provide high quality horses to China !
The War of the Heavenly Horses

The War of the Heavenly Horses was a military conflict fought in 104 BC and 102 BC between China and a part of the Saka-ruled (Scythian) Greco-Bactrian kingdom known to the Chinese as Dayuan, in the Ferghana Valley (between modern-day Uzbekistan, Kyrgyzstan and Tajikistan).
First, Emperor Wu decided to defeat the nomadic steppe Xiongnu, who had harassed the Han dynasty for decades.
As said earlier, in 139 BC, the emperor sent diplomat Zhang Qian to survey the west and forge a military alliance with the Yuezhi nomads against another group of nomads, the Xiongnu. On the way to Central Asia through the Gobi desert, Zhang was captured twice. On his return, he impressed the emperor with his description of the « Heavenly Horses » of Dayuan, that could greatly improve the quality of Han cavalry mounts when fighting the Xiongnu.
The Han court sent at least five or six, and perhaps as many as ten diplomatic groups annually to Central Asia during this period to get a hold on these “Heavenly Horses”.

A trade mission arrived in Dayuanwith 1000 pieces of gold and a golden horse to purchase these precious animals.
Dayuan, who was one of the furthest western states to send envoys to the Han court at that point, had already been trading with the Han for quite some time and benefited greatly from it. Not only were they overflowed by eastern goods, they also learned from Han soldiers how to cast metal into coins and weapons. However unlike the other envoys to the Han court, the ones from Dayuan did not conform to the proper Han rituals and behaved with great arrogance and self-assurance, believing they were too far away to be in any danger of invasion.
Hence, in a stroke of folly and taken by pure arrogance, the Dayuanking not only refused the deal, but confiscated the payment in gold. The Han envoys cursed the men of Dayuanand smashed the golden horse they had brought. Enraged by this act of contempt, the nobles of Dayuanordered Yucheng, which lay on their eastern borders, to attack and kill the envoys and seize their goods.
Upon receiving word of the trade mission’s demise, humiliated and enraged, the Han court sent an army led by General Li Guangli to subdue Dayuan, but their first incursion was poorly organized and under-supplied.
A second, larger and much better provisioned expedition was sent two years later and successfully laid siege to the Dayuan capital at Alexandria Eschate, and forced Dayuan to surrender unconditionally.

The Han expeditionary forces installed a pro-Han regime in Dayuanand left with 3,000 horses, although only 1,000 remained by the time they reached China in 101 BCE.
The Ferghana also agreed to send two Heavenly horses each year to the Emperor, and lucerne seed was brought back to China providing superior pasture for raising fine horses in China, to provide cavalry which could cope with the Xiongnu who threatened China.
The horses have since captured the popular imagination of China, leading to horse carvings, breeding grounds in Gansu, and up to 430,000 such horses in the cavalry during the Tang dynasty.
China and the agricultural revolution
After imposing its role in military strategy for the next centuries, horsepower, together with water management, became a crucial factor to raise the productivity of the world’s food production.
First, contrary to the Romans, who preferred to use “human cattle” (slaves) rather than animals (which they raised for race contests), the Chinese greatly contributed to the survival of mankind with two crucial innovations respecting a more efficient use of horse power.

As can be seen in murals and paintings, through the ancient world, be it in Egyptor Greece, plows and carts were pulled using animal harnesses that had flat straps across the neck of the horse, with the load attached at the top of the collar, above the neck, in a manner similar to a yoke used for oxen.
In reality, this greatly limited a horse’s ability to exert itself as it was constantly choked at the neck. The harder the horse pulled, the harder it became to breathe.
Due to this physical limitation, oxen remained the preferred animal to do heavy work such as plowing. Yet oxen are hard to maneuver, are slow, and lack the quality of horses, whose power is equivalent but whose endurance is twice that of oxen.

China reportedly first invented the “breast strap” which was the first step in the right direction.
Then, in the Vth Century, China also invented what is called the “rigid horse collar”, designed as an oval that fits around the neck and shoulders of the horse.

It has the following advantages:
–First, it relieved the pressure of the horse’s windpipes. It left the airway of the horse free from constriction improving massively the animal’s energy through-put.
–Second, the traces could be attached to the sides of the collar. This allowed the horse to push forward with its more powerfulhind-legs rather than pulling with the weaker front legs.
Now you can argue that this is anecdotal. It is NOT, because what appears as only a slight change had absolutely monumental consequences.
European Renaissance

In a strategic alliance and cooperation with the humanist Baghdad Abbasid caliphate, Charlemagne and his successors introduced the “rigid horse collar” in Europe.
With that new, far more efficient tool, European farmers finally could take full advantage of a horse’s strength. The horse was able to pull another recent innovation, the heavy plow. This became particularly important in areas where the soil was hard and clay-like. This opened up new plots of lands to agriculture. The rigid horse collar, the heavy plow, and horseshoes helped usher in a period of increased agricultural production.

As a result, between 1000 CE and 1300 CE, it is estimated that in Europe, crop yields increased by threefold, allowing to feed a rising number of citizens in the urban cities appearing in the XVth century and kick starting the global “Golden” European Renaissance. Thank you, China!
Some numbers are nevertheless disturbing:
–it took humanity thousands of years to finally domesticate the horse (long after the cow), in 3200 BC.
–it took humanity another 3700 years to learn how to find out, in the Vth century AD, the most efficient way to use horse-power…
Shifting from a “lower” infrastructure platform to a “higher” infrastructure platform might take some time. Today’s new “higher” platforms are called “space data” and “fusion power.” Let’s not wait another century to find out how to use them correctly!
Afghanistan : « Le pays des 1000 cités d’or » et l’histoire d’Aï Khanoum



Invité par le Centre de recherche et de développement Ibn-e-Sina en tant que représentant de l’Institut Schiller, Karel Vereycken est intervenu le 7 novembre à la conférence sur la reconstruction du pays.
Son propos introductif, devant un groupe de travail composé d’historiens, d’archéologues et de membres de l’Académie des sciences d’Afghanistan, a donné lieu à une longue après-midi d’échanges sur le rôle de l’art, la méthodologie scientifique et les combats à mener pour sortir l’Afghanistan de son isolement et préserver un héritage culturel qui certes est afghan, mais appartient à toute l’humanité.
Parler de la culture d’un pays étranger est toujours une chose difficile, surtout si l’on n’en connaît pas la langue et si l’on n’a pas pu séjourner et voyager dans le pays pendant de longues périodes. Par conséquent, je ne peux que vous offrir mes impressions de l’extérieur et commenter ce que j’ai découvert dans des livres. Vous allez donc m’aider en me corrigeant et en me signalant ce qui a échappé à mon attention.
L’Afghanistan est un pays fascinant. Sa réputation de « tombeau des Empires » a capté mon imagination. Récemment, votre pays s’est émancipé de l’occupation américaine et de l’OTAN. Une poignée de combattants déterminés a mis en déroute un immense empire déjà en train de s’autodétruire. 34 ans plus tôt, le pays avait chassé l’occupant russe, après avoir résisté à l’Empire britannique au cours des trois guerres anglo-afghanes du XIXe siècle (1839-42, 1878-80 et 1919), alors que Londres, engagé dans le « Grand Jeu » (Great Game), tentait d’empêcher la Russie d’accéder aux mers chaudes.
Pour éviter d’être colonisé à la fois par la Russie et la Grande-Bretagne, l’Afghanistan a même courageusement refusé d’avoir des chemins de fer, ce qui explique qu’il n’existe aujourd’hui que 300 km de voies ferrées, une situation bien sûr inacceptable aujourd’hui.
Cette capacité de résistance et ce sentiment de dignité découlent, j’en suis convaincu, du fait que votre pays a su faire siennes les diverses influences qui s’y sont rencontrées. Voilà ce qui est devenu au fil des siècles le socle d’une forte identité afghane, totalement à l’opposé de l’étiquette tribale que les colonisateurs cherchent à lui coller.

J’aborderai uniquement, aujourd’hui, l’influence grecque, qui s’est avérée majeure à partir du moment où Alexandre le Grand traverse le Hindou Kouch, en 329 av. JC.
Dès lors, des dizaines de milliers de colons grecs, appelés Ioniens, s’installent en Asie centrale.

Sous le règne de ses successeurs concurrents, l’immense empire d’Alexandre le Grand se décompose en plusieurs entités et royaumes.
En 256 av. JC, Diodote Ier Soter fonde en Afghanistan le royaume gréco-bactrien, connu sous le nom de « Bactriane », dont le territoire englobe une grande partie de l’Afghanistan, de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Turkménistan actuels, ainsi que certaines parties de l’Iran et du Pakistan. L’influence grecque y perdure au moins jusqu’à l’arrivée de l’Islam au VIIIe siècle.
La Bactriane

De nombreuses fouilles archéologiques confirment un développement urbain, économique, social et culturel remarquable.
Strabon (64 av. JC – 24 après JC), comme d’autres historiens grecs, qualifiait déjà la Bactriane de « Terre des mille cités », une terre que tous les écrivains, anciens et modernes, louaient pour la douceur de son climat et sa fertilité, car « la Bactrianeproduit tout, sauf de l’huile d’olive. »
Pour le naturaliste romain Pline l’Ancien (23 – 79 après JC), en Bactriane,
« les grains de blé poussent si gros qu’un seul grain est aussi gros que nos épis. »
Sa capitale Bactres (aujourd’hui Balkh, proche de Mazâr-e Charîf au nord de l’Afghanistan), « Mère des cités », figure parmi les villes les plus riches de l’Antiquité.


C’est là qu’Alexandre le Grand épouse Roxana (« Petite étoile ») et adopte l’habit perse pour pacifier son Empire. C’est également là que naîtra le père du grand médecin et philosophe Ibn Sina (Avicenne), avant de s’installer à Boukhara (Ouzbékistan).
Au fil du temps, la Bactrianesera le creuset de cultures et de civilisations où se mêlent, sur le plan artistique, architectural et religieux, traditions grecques et cultures locales.
Si le grec y est la langue de l’administration, les langues locales y foisonnent. Rien que les noms des villes démontrent la prédominance de la culture hellénique.
Ainsi, Ghaznis’appelle « Alexandrie en Opiana », Bagram« Alexandrie au Caucase », Kandahar« Alexandrie Arachosia », Hérat« Alexandria Ariana », etc., et la liste ne s’arrête pas là.

La ville de Gonur Depe (actuellement au Turkménistan, au nord de Mary, l’ancienne Merv), capitale du Royaume de Margiane, est un autre exemple de ce qu’on s’accorde maintenant à appeler la « Culture de l’Oxus »)
Aï Khanoum, la grecque

Si certaines villes ne font que changer de nom, d’autres sont construites ex nihilo. C’est le cas d’Aï Khanoum (« Dame Lune » en ouzbek), cité érigée au confluent du grand fleuve Amou Daria (l’Oxus des Grecs) et de la rivière Kokcha.
En 1961, le roi d’Afghanistan (Mohammed Zahir Shah), voulant marquer son indépendance vis-à-vis des Soviétiques et des Américains, invite la France à participer aux fouilles.
C’est le Département des archéologues français en Afghanistan (DAFA) qui met au jour les vestiges d’un immense palais dans la ville basse, ainsi qu’un grand gymnase, un théâtre pouvant accueillir 6000 spectateurs, un arsenal et deux sanctuaires.

Entourée de terres agricoles bien irriguées, la ville elle-même était divisée entre une ville basse et une acropole de 60 mètres de haut.
Bien qu’elle n’est pas située sur une route commerciale majeure, Aï Khanoum commande l’accès aux mines du Hindou Koush. De vastes fortifications, continuellement entretenues et améliorées, entourent la ville.
Un monument au cœur de la ville y présente une stèle inscrite en grec avec une longue liste de maximes incarnant les idéaux de la vie grecque. Celles-ci sont copiées de Delphes et se terminent par :
« Dès l’enfance, apprends les bonnes manières ;
dans la jeunesse, maîtrise tes passions ;
dans la vieillesse, sois de bon conseil ;
dans la mort, n’aie aucun regret. »
L’architecture du site indique que les colons grecques y vivent en bonne entente avec les populations locales. Elle est très grecque mais intègre en même temps diverses influences artistiques et éléments culturels que les Ioniens ont pu observer au cours de leur voyage du bassin méditerranéen à l’Asie centrale. Par exemple, ils utilisent les styles néo-babylonien et achéménide pour la construction de leurs cours.

Shortugai et la Civilisation de la vallée de l’Indus

La date précise des premières fondations d’Aï Khanoum reste inconnue.
A une jetée de là, Shortugai, avant-poste commercial et minier de la fameuse civilisation de l’Indus (dite « harappéenne ») qui, au IIIe millénaire avant notre ère, était à l’avant-garde sur le plan de l’irrigation et de la maîtrise de l’eau. (voir notre article)
Des scientifiques de l’Institut indien de technologie de Kharagpur et du Service archéologique d’Inde ont publié le 25 mai 2016, dans la revue Nature, les fruits d’une recherche qui permettrait de dater la civilisation harappéenne d’au moins 8000 ans avant JC et non 5500 ans, comme on le croyait jusqu’à présent. Cette découverte majeure signifierait qu’elle serait encore plus ancienne que les civilisations mésopotamienne et égyptienne.
Shortugai est construite avec des briques standardisées typiques de la vallée de l’Indus. Des sceauxde la civilisation de la vallée de l’Indus ont également été trouvés sur d’autres sites archéologiques d’Afghanistan.

Pendant plusieurs siècles, Shortugaia fonctionné comme un site minier exceptionnel pour l’extraction de l’étain (un minerai indispensable pour la fabrication du bronze), de l’or et du fameux lapis-lazuli, cette pierre précieuse bleue qui, avec l’or, habille de sa splendeur la tombe du pharaon égyptien Toutankhamon et d’autres tombes religieuses majeures en Mésopotamie (Irak).
Les données archéologiques démontrent que Shortugaicommerçait avec ses voisins d’Aï Khanoum et construisit les premiers systèmes d’irrigation de la région, une spécialité de la civilisation de la vallée de l’Indus.
Bien des sites restent inexplorés en Afghanistan, pays où les guerres, les occupations étrangères et les pillages ont perturbé ou rendu impossible les recherches archéologiques.
Voici quelques-unes des découvertes de la DAFA, dont certaines restent exposées au Musée national de Kaboul.


Relations avec l’Inde

Ce qu’on a trouvé à Aï Khanoum, les pièces de monnaie, les objets et les céramiques, notamment d’origine indienne, témoigne qu’il s’agissait d’une importante plaque tournante du commerce avec l’Inde.
En 258 avant notre ère, Ashoka le Grand, souverain de l’empire Maurya (l’État dominant en Inde), fait ériger ce que l’on appelle « l’Edit grec d’Ashoka à Kandahar », une inscription rupestre bilingue, en grec et en araméen. Une autre inscription d’Ashokaétait rédigée uniquement en grec.
Le contenu même de ces édits donne également une indication claire du niveau des échanges entre l’Inde et le monde hellénistique. Par exemple, dans son XIIIe édit, Ashoka, faisant preuve d’érudition, énumère avec précision tous les souverains du monde hellénistique de son époque.

Relations avec la Chine
Outre son interaction avec le sous-continent indien, la Bactrianeétablira des contacts avec une puissance située encore plus à l’est : la Chine.
À la fin du IIe siècle avant JC, Zhang Qian, diplomate et explorateur de la dynastie Han, arrive en Bactriane. Le récit de sa visite, y compris son étonnement d’y trouver des marchandises chinoises sur les marchés (acquises via l’Inde), ainsi que ses voyages dans le reste de l’Asie centrale, sont conservés dans les œuvres de l’historien Sima Qian.

À son retour en Chine, Zhang Qian informe l’empereur de l’existence de civilisations urbaines sophistiquées en Asie centrale : le Dayuan(vallée de la Ferghana), la Bactriane (Afghanistan) et la Partie(nord-est du plateau iranien).
Les découvertes de Zhang Qian incitent l’empereur à envoyer des émissaires chinois en Asie centrale pour y favoriser le commerce avec la Chine. Certains historiens n’hésitent pas à qualifier cette décision de l’Empereur chinois de « naissance de la Route de la soie ».
Déclin et chute

Une grande partie des ruines actuelles d’Aï Khanoum datent de l’époque d’Eucratides Ier (172-145 av. JC), qui a considérablement réaménagé la ville et l’a peut-être rebaptisée Eucratideia, d’après son nom.
Il fut assassiné en 145 av. JC. par son fils. Un an plus tard, le royaume s’effondre face à l’invasion des nomades.
Aï Khanoum est pillée une première fois en 145 av. JC par les Sakas, des tribus iraniennes d’origine scythe, suivis quinze ans plus tard par les nomades chinois Yuezhi.
Le « complexe du trésor » d’Aï Khanoum montre des signes de pillage lors de deux assauts, à quinze ans d’intervalle. D’après des témoins oculaires, certaines villes se sont arrangées avec les envahisseurs et organisèrent une coexistence pacifique. Les villes qui ont résisté, comme Aï Khanoum, ont été pillées et incendiées.
L’empire Kouchan

Les nomades chinois Yuezhi se sédentarisent et créent au début du Ier siècle l’Empire kouchan, qui englobe une grande partie de ce qui est aujourd’hui l’Ouzbékistan, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde du Nord.
Son territoire s’étend de l’Asie centrale et du Gandhara (frontière occidentale actuelle du Pakistan) à Pataliputra, dans la plaine du Gange (Inde d’aujourd’hui). La capitale principale de son empire était située à Purushapura (aujourd’hui Peshawar au Pakistan).

C’est sous le règne de Kanishka le Grand (vers 127-150) que l’Empire kouchan deviendra célèbre pour ses réalisations militaires, politiques et spirituelles. Kanishka échange des ambassadeurs avec l’empereur romain Marc Aurèle (161-180) et l’empereur Han de Chine. Il noue des contacts diplomatiques avec la Perse sassanide et le royaume d’Aksoum (Yémen et Arabie saoudite d’aujourd’hui).
Si la dynastie kouchane reprend la tradition gréco-bactrienne, elle se forge peu à peu sa propre identité.
Les artistes kouchans enrichirent la sculpture bouddhique en donnant à Bouddha la forme humaine, innovation qui fut la plus importante de l’époque.
En 127, Kanishkaremplace le grec par le bactrien, une langue moyenne iranienne utilisant l’alphabet grec.
Le bouddhisme

Les Kouchans joueront également un rôle majeur dans la transmission du bouddhisme. Le rayonnement de cette religion venue des rives du Gange favorisera celui des Routes de la soie.
Dans le domaine de la religion, les Kouchans, initialement attirés par l’hindouisme, joueront un rôle majeur dans la transmission du bouddhisme mahayana du Gandhara vers la Chine, l’Asie centrale et même le Sri Lanka, favorisant ainsi l’expansion de la route de la soie.
Tous ces facteurs ont inauguré une période de paix relative de 200 ans, connue comme la « Pax Kouchana ».
À partir du milieu du IIIe siècle après JC, l’Empire kouchan, affaibli, commence à se désintégrer. Dans sa partie occidentale, il passe sous le contrôle des Kushanshahs, c’est-à-dire les Indo-Sassanides (perses), progressivement supplantés au nord par les Hephtalites (appelés également les « Huns blancs » ou « Huns iraniens ») venus de la steppe d’Asie centrale.
Le bouddhisme connaît néanmoins une période de grande prospérité, comme l’illustrent les descriptions du moine chinois Xuanzang du VIIe siècle ainsi que la construction des statues géantes de bouddhas dans la vallée de Bamiyan en Afghanistan.

L’Islam
Après avoir conquis l’Iran, l’islam pénètre l’Afghanistan par le nord. Il n’y a pas de preuve d’un rejet massif de la nouvelle religion, sauf dans des régions isolées. Cependant, la volonté de rester indépendants des gouverneurs nommés par Damas(Omeyyades) puis par Bagdad(Abassides) se manifeste rapidement. C’est même à partir d’une province couvrant une partie du nord de l’Afghanistan, le Khorasan, que se répand initialement une partie de l’insurrection contre les Omeyyades pour les remplacer par le califat abbassided’Haroun-al-Rachid, plus humaniste, et la création de Bagdad(voir notre article).
À partir de la fin du Xe siècle, une dynastie d’origine turque, les Ghaznévides, bâtit autour de leur capitale Ghazni(Afghanistan) un vaste sultanat qui s’étend jusqu’en Inde et fonde une communauté musulmane durable.


Leur influence culturelle se mesure par la beauté de l’architecture qu’ils nous ont laissée, mais aussi par le patronage qu’ils accordèrent au grand poète épique Ferdowsi (940-1025), à qui l’on doit la grande épopée nationale en langue persane, le Shahnameh : Le livre des rois.
Les Ghaznévides ont été suivis par une nouvelle dynastie, les Ghorides, originaire de la partie centrale de l’Hindou Kouch. C’est à eux que l’on doit l’impressionnant minaret de Jam.
Ce riche patrimoine culturel, qui a jeté les bases de leur identité et qui a donné sa dignité au peuple afghan, a été ignoré, détruit par les guerres successives, pillé et saccagé.
Fortement combattu par les talibans au pouvoir à Kaboul, ISIS, Daech et d’autres groupes terroristes, dont certains encouragés en sous-main par des agences de renseignement occidentales se sont livrés à un pillage à échelle quasi-industrielle du patrimoine culturel afghan. Pour eux, la revente d’objets d’art et d’antiquités est une des principales sources de revenus.
Recommandations
Aujourd’hui, le temps est venu d’un nouveau départ. L’Afghanistan peut changer complètement son image dans le monde, qui a été polluée par des adversaires et des ennemis qui veulent maintenir l’Afghanistan comme une zone de non-développement pour leur propre grand jeu géopolitique.
Ma proposition pour renouveler la contribution de l’Afghanistan à la culture mondiale est simple.
Avec Mes Aynak, qui signifie « petite mine », située à 35 km au sud de Kaboul, l’Afghanistan dispose du deuxième plus grand gisement de cuivre au monde. Alors que la Chine et les autres pays du BRICS ont besoin de ce métal précieux pour leur développement industriel, la mine offrira un revenu substantiel dont l’Afghanistan a un besoin urgent pour reconstruire le pays.
Le 25 mai 2008, Ibrahim Adel, ministre des Mines, et Shen Heting, directeur général de MCC, l’actionnaire majoritaire du consortium MCC-Jiangxi Copper MJAM, ont signé le contrat minier de Mes Aynak.
Ce contrat décrivait les conditions du premier grand projet minier et du plus important investissement étranger en Afghanistan. Cependant, suite à des incidents de sécurité qui ont créé d’importants problèmes d’insécurité, et sous la pression des puissances étrangères, le projet a été bloqué.

Paradoxalement, cela a donné aux archéologues le temps de mettre au jour sur le site minier une zone de 40 ha d’une valeur culturelle exceptionnelle de classe mondiale, principalement un vaste complexe de monastères bouddhistes, comprenant des stupas (temples), des peintures murales, des sculptures et des centaines d’artefacts archéologiques, etc.
Même si le contrat (fichier pdf) a pu être modifié depuis 2008, on ne peut que constater que le contrat initial contient une série d’aspects potentiellement très intéressants, à la fois pour la Chine mais surtout pour l’Afghanistan lui-même.
- EXPORTER DU MÉTAL, PAS DU MINERAI
De même que la Bolivie ne veut pas exporter du lithium (matière première) mais des batteries (produit fini transformé à haute valeur ajoutée), l’Afghanistan ne veut pas exporter du minerai de cuivre mais du cuivre métal. Pour atteindre cet objectif, le contrat prévoit la construction d’une fonderie sur le site.
Paragraphe IV, 33 : « Afin de respecter son engagement envers le gouvernement de financer, construire et exploiter une fonderie en Afghanistan, la MCC a demandé au gouvernement de lui donner accès à des gisements de phosphates, de calcaire et de quartz qu’elle pourra utiliser dans le cadre du projet Aynak. » - ACHATS LOCAUX
Paragraphe VII, 38 : « MCC s’efforce d’acheter des biens et des services en Afghanistan s’ils sont disponibles. » - MAIN-D’ŒUVRE LOCALE
Paragraphe VIII, 39, a : « MCC emploie du personnel afghan, dans toute la mesure du possible. » - APPROVISIONNEMENT EN EAU
Paragraphe IV, 32 : « MCC s’est engagée auprès du gouvernement à construire des puits d’approvisionnement en eau et des systèmes de canalisation … pour répondre aux besoins en eau douce du projet. La MCC s’est également engagée à réutiliser et à recycler l’eau de traitement dans la mesure du possible. » - CENTRALE AU CHARBON
Paragraphe IV, 31 : « MCC s’est engagée auprès du ministère des Mines à construire … une centrale au charbon d’une capacité de 400 mégawatts pour fournir de l’énergie électrique au projet et à Kaboul. » - CHEMIN DE FER
Paragraphe IV, 30 : « MCC s’est engagée à construire un chemin de fer associé au projet ». - LOGEMENT
Paragraphe IV, 24 : « MCC doit fournir des logements de qualité et en quantité suffisante à ses salariés et à leurs familles immédiates, à un prix de location raisonnable. » - SOINS MÉDICAUX
Paragraphe IV, 25 : « MCC fournira des soins médicaux gratuits à tous ses salariés et à leurs familles… et établira, dotera en personnel et entretiendra des dispensaires, des cliniques et des hôpitaux en nombre suffisant … » - ÉCOLES
Paragraphe IV, 26 : « MCC doit fournir gratuitement un enseignement primaire et secondaire adéquat aux enfants de tous les salariés et résidents de la zone entourant Aynak. » - CADRE DE VIE
Paragraphe IV, 27 : « MCC construira et financera le fonctionnement de centres d’activités récréatives adéquats tels que des gymnases et des terrains de sport. … En outre, il construira un marché/une zone commerciale. » - RELIGION
Paragraphe IV, 28 : « MCC respectera et protégera les convictions religieuses du peuple afghan. »
Le monde serait stupéfait en constatant que l’Afghanistan mobilise ses meilleurs architectes et urbanistes pour construire une nouvelle ville à Mes Aynak qu’il baptisera poétiquement, l’« Aï Khanoum du XXIe siècle ».
A Kaboul, un archéologue de premier plan qui travaille sur le site depuis une décennie, m’a confié avec une joie non-dissimulée que, suite à d’intenses discussions en octobre dernier entre les autorités afghanes et l’entreprise chinoise, une issue heureuse a été trouvée.
A l’heure actuelle, dit-il, les deux parties ont convenu de préserver, non plus une infime partie du site archéologique (la partie centrale avec les temples bouddhistes), mais l’ensemble des vestiges historiques du site en surface. A en croire mon interlocuteur, la décision est prise que l’ensemble du site sera désormais exclusivement exploité par la technique d’exploitation minière souterraine. N’en déplaise à la presse occidentale, le sauvetage de Mes Aynak révèle au monde le vrai visage du nouveau gouvernement afghan.
Il rendra également pensable, d’ici un certain temps, la reconstruction des bouddhas géants de la vallée de Bamiyan, l’un de 55 mètres et l’autre de 38 mètres, détruits en 2001. Plusieurs experts, lors de colloques récents de l’UNESCO, ont précisé que les difficultés techniques ne sont pas insurmontables, les bouddhas étant fabriqué en stuc. Le soi-disant « danger » que les sculptures soient considérées comme « fausses » n’a aucun sens, tant que l’intention d’atteindre un bien supérieur par leur reconstruction est réelle.
La « Proposition technique pour la revitalisation des statues du Bouddha de Bâmiyân » de 2017, élaborée par le département d’architecture de l’université japonaise Mukogawa Women’s University, mérite d’être examinée. Sans doute pourra-t-on faire mieux, mais elle a le mérite d’exister. Des chercheurs chinois se disent également prêts à donner un coup de main.
Rappelons que le monde compte 620 millions de bouddhistes qui considèrent Bamiyancomme une partie de leur culture et pourraient envisager de venir en Afghanistan pour mieux comprendre leur propre histoire.

Si l’Afghanistan indiquait clairement au monde qu’il a décidé de renforcer ses activités économiques et minières tout en protégeant, notamment grâce à l’aide généreuse de la Chine, le patrimoine culturel mondial sur son sol, il apparaîtra aux yeux de tous ce qu’il est désormais aujourd’hui : une force du bien, de la tolérance et de la paix dans le monde, en cohérence avec sa propre identité et son histoire.
L’Afghanistan apparaîtra comme le « Bouddha de feu » (IIe-IIIe siècle) du Musée national de Kaboul, où l’on voit la réponse donnée par Bouddha à un défi lancé par des hérétiques selon lequel il ne pouvait pas faire de miracles.
Connu sous le nom de « miracles jumeaux », on y voit Bouddha confiant avec des flammes sortant de ses épaules et des cours d’eau de ses pieds ! En altérant ces deux flux, dit la légende, Bouddha a même fait apparaître un arc-en-ciel !
En augmentant sa production d’énergie et en gérant d’une façon plus intelligence ses ressources en eau, l’Afghanistan démontrera, j’en suis convaincu, sa splendide force spirituelle !
Merci à tous et j’ouvre le débat à vos questions.
Afghanistan: « The Land of 1000 Golden Cities » and the Story of Ai-Khanoum



Edited transcript of Karel Vereycken’s presentation at the workshop on the « Cultural heritage of Afghanistan », presented in Kabul on Nov. 7 at the International conference on the economic reconstruction of Afghanistan organized by the Ibn-e-Sina Research and Development Center.
To talk about the culture of a foreign country is always a difficult thing to do, especially if one doesn’t know the language and if one wasn’t able to stay and travel around the country for a longer period. Therefore, I only can offer some impressions from the outside and things I read in books. So probably you will have to correct those things that escaped my attention.
Seen from the outside, Afghanistan is a fascinating country. Its reputation as the “Graveyard of Empires” captured my imagination. Most recently, Afghanistan resisted American and NATO occupation. A handful of determined combatants defeated a huge Empire already in the process of defeating itself. Before, Afghanistan resisted Russian occupation. And in the XIXth century, it resisted the British Empire during three Anglo-Afghan wars: the first in 1839-42, the second in 1878-1880 and the third one in 1919. Britain was playing the “Great Game”, trying to prevent Russia from getting access to the warm waters of the Arab gulf and the Indian Ocean. To prevent being colonized by both Russia and Britain, Afghanistan even courageously refused to have railroads, explaining why there only exists 300 km of rail today, a situation of course inacceptable today.
This capacity to resist, this quality of self respect and dignity, I think, derives from the fact that Afghanistan, being a roundabout on what was called the Silk-Road, absorbed and integrated into its own culture the best of the various influences that came to meet in this region and this became over centuries the foundation upon which was built the Afghan identity.
Totally opposed to that, foreign colonial powers, of course, always have wanted to erase the history, culture and heritage of the subjects over which they want to rule by “divide and conquer”. Justifying themselves as the unifying central power, they always pretend locals are mere representatives of eternally quarreling tribes.

The Greek influence along this trade spread massively into Central Asia in the IVth Century BC with Alexander the Great(356 BC – 323 BC) crossing the Hindu Kush mountain range in 329 BC.
Alexander and his successors brought with them thousands of Greek settlers sometimes called the « The Ionians ». Greek influence, before reaching regions as distant from Macedonia as India, would last at least till the arrival of Islam in the VIIIth Century.
The Greco-Bactrian Kingdom

Under the rule of his competing successors, Alexander the Great’s huge empire collapsed into various entities and kingdoms.
One of them, and I will limit myself to this one as an example, stands what today’s historians call the Greco-Bactrian Kingdom or Bactria(or Bactriana), where Greek influence can be thoroughly documented by archeological findings that demonstrate an exceptional urban, economic, social and cultural development.


Bactriawas founded in 256 BC by the Seleucid (persian) satrap Diodotus I Soter and lasted till its fall in 145 BC. Its territory stretched out from the Parthian Empire at its West side, to the North of the Indus River Valley civilization, much older, at its East. It covered much of present-day Afghanistan, Uzbekistan, Tajikistan, and Turkmenistan, and some parts of Iran and Pakistan.
Among the largest and richest cities of antiquity one counts cities as Ai-Khanoum and Bactria‘s capital Bactra(todays Balkh, some kilometers east of Mazar-e-Shariff in Afghanistan), the city where Ibn-Sina’s father, before moving to Buchara, currently Uzbekistan, was born.
Centuries before, it was also in Balkh, that Alexander the Great married Roxana (« Little Star »), the daughter of a Bactrian warlord and adopted local dress in a vast effort to create peace inside his Empire.
Strabo(64 or 63 BC – c. 24 AD), as many other Greek historians, referred to Bactriaas « The Land of a 1000 Golden Cities », a land that all writers, both ancient and modern, praised for its gentle climate and fertility:
« Bactriaproduces everything, except olive oil. »
And for the Roman naturalist Pliny the Elder (AD 23/24 – AD 79), in Bactria,
« the grains of wheat grow so large that a single grain is as big as our ears of corn. »
Often erected at key strategic positions of trading routes, over time Bactria‘s cities became significant cultural centers where local and Greek traditions interacted and blended in artistic areas, as well as in architecture and religion.
Greeks lived alongside the local population in these places. The Greek language was used in this Central Asian region for administrative, economic, and philosophical matters. However, due to the constant flow of ideas and people of different professions, it was employed alongside local languages.
It is sufficient to look at the Greek names of many afghan cities to realize how predominant the Greek heritage is in this country.
Nearly all cities founded by Alexander the Greatwere of course called “Alexandria”, the best known being the major port of Egypt where Greek scientists such as Eratosthenes and others worked and lived.
- Ghazni, for example, was simply named “Alexandria” (in Opiana);
- Bagram, mainly known as the former US Airbase, was called “Alexandria in the Caucasus” and “Kapisa” in the Middle Ages.
- Kandaharhad a Greek name: “Alexandria Arachosia”;
- Heratwas “Alexandria Ariana”;
- Mervin today’s Turkmenistan was named “Alexandria” and later “Antiochia in Margiana”.
And the list doesn’t end there.
Also part of Bactria, the city and oasis of Gonur Depe (now in Turkmenistan, north of Mary, the ancient Merv), capital of the Kingdom of Margiane, is another example of what has been called the Bactro-Margian Archeological Complex (BMAC), more recently rebranded as the « Oxus Culture ».

Other parts of today’s Afghanistan also came under the influence of Hellenistic culture under the rule of what are called the “Indo-Greek” Kingdoms, but that is yet another long story which I will not tell today.
Ai-Khanoum, the Greek

Some cities in Bactriajust got new names, but others were entirely built new or given a new beginning. Such seems to have been the case of an ancient city whose name remains unknown but who became known over centuries as Ai-Khanoum (meaning “Lady Moon” in Uzbek).
The city was beautifully located at the confluence of the Amou Daria (the Greek “Oxus”) and the Kokcha rivers.
In 1961, after visiting the site on a hunting trip, the King of Afghanistan, (Mohammed Zahir Shah), showed huge interest.
Invited by Afghanistan, which wanted to mark its independance from both the Soviets and the US, it was a French archaeological delegation, led by Paul Bernard of the Département des archéologues français en Afghanistan (DAFA), that unearthed the remains of a huge palace in the lower town, along with a large gymnasium, a theater capable of holding 6000 spectators, an arsenal, and two sanctuaries.


The precise date of Ai-Khanoum‘s initial foundations remains unknown. Interesting enough, Ai-Khanoum was erected some 20 kilometers south of Shortugai, an outpost and trading colony of the very innovative Indus Valley Civilization (also known as “Harappan”) during the late third millennium BC. (see my article here)
Shortugai was built with the typical Indus Valley standardized bricks. Indus Valley Civilization seals have also been found on other sites.

For several centuries Shortugai operated as an exceptional mining site for the extraction of tin, a key component of bronze, gold and the world famous magical blue gems of lapis lazuli used for the tomb of the Egyptian pharaon Toutankhamun and other major religious tombs in Mesopotamia (Iraq).
Shortugai traded with its southern neighbors of Ai-Khanoum and constructed the first irrigation systems in the area, a specialty of the Indus Valley Civilization.
In Ai-Khanoum, several inscriptions were found, along with coins, artifacts, and ceramics including from Indian origin showing the extensive trade relations of the city ! One monument in the heart of the city displayed a stela inscribed in Greek with a long list of maxims embodying the ideals of Greek life. Those were copied from Delphi and ended with:
« In childhood, learn good manners;
in youth, control your passions;
in old age, be of good counsel;
in death, have no regrets. »
Unfortunately, the onset of the Soviet-Afghan War in the late 1970s halted scholarly progress and during the following conflicts in Afghanistan, the site was extensively looted.
The excavations in Ai-Khanoum nevertheless show archaeological evidence of the Greek presence and their peaceful coexistence with the local populations in this region.
Its architecture remains very Greek, but has also integrated various artistic influences and cultural elements which they saw during their travel from the Mediterranean area to Central Asia. For example, they used the Neo-Babylonian and Achaemenid styles – for the construction of their courtyards.
Here are some of the findings of the DAFA, most of them in possession and eventually on display at the National Museum in Kabul.


Surrounded by well-irrigated farmland, the city itself was divided between a lower town and a 60-meter-high (200 ft) acropolis. Although not situated on a major trade route, Ai-Khanoum controlled access to both mining in the Hindu Kush and strategically important choke points. Extensive fortifications, which were continually maintained and improved, surrounded the city.
Trading with India

Ai-Khanoum also became an important trade hub with India. It is a testament to the level of Greek interaction with India and the influence of urban centres such as Ai-Khanoum in the region that even as early as 258 BCE, Ashokathe Great, ruler of the Maurya Empire (the dominant state in India), created the so-called « Kandahar Greek Edict of Ashoka », a bilingual rock inscription written in Greek and Aramaic. Another of Ashoka’s inscriptions near Kandahar was written solely in Greek. The actual content of these edicts also gives a clear indication of the level of exchange between India and the Hellenistic world. In his 13th Edict, Ashoka accurately names all of the rulers in the Hellenistic world at the time of the inscription.

Relations with China

In addition to its interaction with the Indian subcontinent, the Greco-Bactrian Kingdom as a whole would eventually come to develop increasing contacts with a power even further to the East: China.
In the late Second Century BC, Zhang Qian, a Han dynasty diplomat and explorer, arrived in Bactria. His account of his visit to Bactria, including his recollection of his amazement at finding Chinese goods in the markets (acquired via India), as well as his travels in the rest of Central Asia, is preserved in the works of the early Han historian Sima Qian.
Upon returning to China, Zhang Qian informed the Emperor of the sophisticated urban civilisations in Ferghana, Bactria and Parthia. Zhang Qian’s discoveries prompted the Emperor to dispatch Chinese envoys across Central Asia to negotiate and encourage trade with China. Some historians are convinced that « this was the birth of the Silk Road. »

Many of the present ruins of Ai-Khanoum date from the time of Eucratides I(reigned 172–145 BC), who substantially redeveloped the city and who may have renamed it Eucratideia, after himself.
Eucratides I was killed in 145 BC by his son and soon after his death, the Greco-Bactrian kingdom collapsed.
This invasion of Ai-Khanoum was probably carried out by the Iranian Saka tribes of Scythian origin driven south by the nomadic Chinese Yuezhi peoples, who in turn formed a second wave of invaders, in around 130 BC. The treasury complex of the city shows signs of having been plundered in two assaults, fifteen years apart.
According to eye-witness reports, some cities made arrangements with the invaders and organized peaceful co-existence. Urban cities that resisted, such as Ai-Khanoum, were plundered and burned to the ground.
Kushan Empire

Very soon, showing a very interesting process of sedentarization, after the Saka tribes, the Yuezhi themselves took over Bactria and created in the early Ist century the “Kushan Empire”encompassing much of what is now Uzbekistan, Afghanistan, Pakistan, and Northern India and which lasted from around the year 30 AD till its subjugation in 375 AD by the (persian) Kushanshahs, the name used to designate the Kushano-Sasanian Kingdom that established its rule over Bactriaover the declining Kushans.
The Kushan empire, which lasted till the end of 300 AD, was a center-point of the Silk Roads. Northern Pakistan and parts of India became part of the kingdom, which extended from Central Asia and Gandhara (Today’s western border of Pakistan) to Pataliputra on the Gangetic plain (today’s India). The main capital of his empire was located at Puruṣapura (today’s Peshawarin Pakistan).

Kanishka the Great was an emperor of the Kushan dynasty, under whose reign (c. 127–150 CE) the empire reached its zenith. He is famous for his military, political, and spiritual achievements. Under his rule, the Kushan Empire exchanged ambassadors with the Roman Emperor Marcus Aurelius (161-180) and the Han Emperor of China. He had had diplomatic contacts with Sassanian Persia and the Kingdom of Aksum (today’s Yemen and Saudi Arabia).
So while initially the Kushan dynasty followed Greek cultural ideas and iconography after the Greco-Bactrian tradition, they gradually developed their own.
For example, while initially they kept the Greek language for administrative purposes but in 127 AD, Kanisha replaced Greek with Bactrian, an Iranian language written in Greek letters, as the official language of administration in the empire.
In the domain of religion, the Kushans, which initially were attracted by Hinduism, would play a major role in the transmission of Mahayana Buddhism from Gandhara across the Karakoram range to China, Central Asia and even Sri Lanka, favoring the overall expansion of the Silk Road.
All of these factors ushered in a period of relative peace for 200 years, sometimes described as “Pax Kushana”.
From the middle of the 3rd century AD, the weakened Kushan kingdom began to disintegrate. In its western part, it came under the control of the (persian) Sassanids, gradually supplanted in the north by the Hephtalites(Called the « White » or « Iranian Huns ») from the Central Asian steppe.
Buddhism nevertheless enjoyed a period of great prosperity, as illustrated by the descriptions of the VIIth century Chinese monk Xuanzang and the construction of the giant buddha statues of the Bamiyan Valleyin Afghanistan.

Islam
After conquering Iran, Islam penetrated Afghanistan from the north. There is no evidence of mass rejection of the new religion, except in isolated areas. However, the desire to remain independent from the governors appointed by Damascus and then Baghdad soon became apparent. It was even from a province covering part of northern Afghanistan, Khorasan, that part of an insurrection spread against the Umayyad to replace them with the more humanist Abbasid Caliphate of Harun-al-Rachid and the creation of Baghdad (see my article here)
From the end of the Xth century, a dynasty of Turkish origin, the Ghaznevids, built a vast sultanate around their capital Ghazni, extending as far as India and establishing a long-lasting Muslim community.


Their cultural influence can be measured by the beauty of the architecture they left us, but also by the patronage they gave to the great poet Ferdowsi(940-1025), to whom we owe the great Persian-language national epic Shahnameh: The Book of Kings.
The Ghaznevids were followed by a new dynasty, the Ghorids, from the central Hindu Kush. It was to them that we owe Jam’s “Minaret”.
Much of this rich cultural heritage, which laid the foundations of their identity and gave dignity to the Afghan people, has been ignored, destroyed in successive wars, looted and plundered.
ISIS, Daech and other terrorist groups, some of them backed by certain western intelligence agencies, currently being eliminated by the Afghan government, have engaged in industrial plunder using their loot as a source of income.
Recommandations
Today, the time is ripe for a new beginning. Afghanistan can completely change its image in the world, which currently has been polluted by adversaries and enemies that want to keep Afghanistan a zone of non-development for their own new geopolitical Great Game.
My proposal to renew Afghanistan’s contribution to world culture is simple.
Mes Aynak, meaning “Little Mine”, 35 km south of Kabul, is in reality the world’s second largest copper reserve. While China and other BRICS countries need copper for industrial development, the mine could generate a substantial income which Afghanistan urgently requires to rebuild the country.
On May 25, 2008, Ibrahim Adel, Minister of Mines, and Shen Heting, general manager of MCC, the MCC-Jiangxi Copper MJAM consortium’s majority stakeholder, signed the Mes Aynak mining contract. The contract described the conditions for the first major mining project andbiggest foreign investment in Afghanistan.
However, after security incidents created major insecurity problems, and pressured by foreign powers, the project was stalled.

Archeological remains of Buddhist complex in Mes Aynak copper mine.
Paradoxically, this gave archeologists the time to unearth on the mining site an area of 40 ha of exceptional world class cultural value, mainly a vast complex of buddhist monasteries, including stupas (temples), murals, sculptures and hundreds of archeological artifacts, and more.
Even if the contract (pdf file) might have been modified since 2008, one cannot but note that the initial contract contains a series of potentially very interesting aspects, both for China but mainly for Afghanistan itself.
- SMELTER
Just as Bolivia doesn’t want to export lithium (as a raw material) but batteries (a finished transformed product with high added value), Afghanistan doesn’t want to export copper ore but copper metal. To achieve that aim, the contract plans to build a smelter on the site Part IV, 33: « In order to fulfill its commitment to the Government to fund, construct and operate a smelter in Afghanistan, MCC has requested that the Government provide access to deposits of phosphats, limestone and quartz for MCC’s use in the Aynak Project. » - LOCAL PURCHASING
Part VII, 38: « MCC shall use its best efforts to purchase goods and services in Afghanistan if they are available. » - LOCAL WORKFORCE
Part VIII, 39, a : « MCC shall employ Afghan personnel, to the maximum extent practicable. » - WATER
Part IV, 32: « MCC has made a commitment to the Government to construct water supply wells and pipeline systems … to supply the project’s fresh water requirements. MCC has also committed to reuse and re-circulate process water to the extent possible. » - POWER SUPPLY
Part IV, 31: « MCC has made a commitment to the Ministry of Mines to construct … one 400 megawatt capacity coal fired plant to supply electrical power to the project and to Kabul. » - RAILWAY
Part IV, 30: « MCC has committed to construct a railway associated with the project ». - HOUSING
Part IV, 24: « MCC shall provide housing facilities of sufficient quality and quantity for its employees and their immediate families at a reasonable rental rate. » - MEDICAL FACILITIES
Part IV, 25: « MCC shall furnish free medical care and attention to all its employees and families of employees … and shall establish, staff and maintain sufficient dispensary, clinic and hospital facilities … » - SCHOOLS
Part IV, 26: « MCC shall provide, free of charge, adequate primary and secondary school education for the children of all employees and residents in the area surrounding Aynak. » - ENTERTAINMENT AND SHOPPING
Part IV, 27: « MCC shall construct and fund the operation of adequate recreational activity centers such as gymnasiums and sport fields. … In addition, it shall construct a market/shopping area. » - RELIGION
Part IV, 28: MCC shall « respect and protect the religious belief of the Afghan people. »
The world would be stunned if Afghanistan would mobilize its best architects and city builders and make the new city under construction in Mes Aynak « The Aï Khanoum of the XXIst Century ».Let’s think about it.
According to a senior field archeologist who worked on the site for a decade, following intense discussions last October between the Afghan authorities and the Chinese company, big progress has been made. As of now, he says, both are fully committed to preserve the entirehistorical remains on the surface and not only a small part. While the contract planned to do « open-pit » mining in the western part and only wanted to preserve the central part with the Buddhist stupas (temples), from now on, says this highly credible source, the entire site will be mined by (more expensive) underground mining exploitation techniques that will leave the surface historical remains untouched.
If the world discovers the remains of the Mes Aynak buddhist monasteries are saved, Afghanistan’s image in the world will change. In a second period, it might become much easier to consider the reconstruction of the Bamiyan giant buddha statues, one of 55 meters and the other of 38 meters, destroyed in 2001.
It has been scientifically demonstrated by several experts speaking at conferences of UNESCO that this is not a technical problem and relatively easy to accomplish. The so-called “danger” that the sculptures would be considered as “fake” makes no sense, as long as the intention to reach a higher good by their reconstruction is real.
The 2017 “Technical Proposal for Revitalizing the Bamiyan Buddha Statues”, by the department of architecture of the Japanese Mukogawa Women’s University should be studied. It needs to be improved but it has the merit to exist. One should not forget that 620 million Buddhists in the world consider Bamiyan as a part of their own culture and might consider coming to Afghanistan to visit the site.

If Afghanistan would make it clear to the world it has decided to bolster its economic and mining activities but in the same time will protect at all cost and, in this case, with generous Chinese help, the world’s cultural heritage on its soil, it would underline its willingness to act as a force of good, tolerance and peace in the world, in coherence with its own identity and history.
An Afghan economic and cultural « miracle » would impress the world as much as Buddha in the story of the Greek influenced Buddha statue found north of Kabul in 1965.
Called the « Fire Buddha » (IInd-IIIrd Century) it represents Buddha’s response to a challenge from heretics that he could not perform miracles.
Known as « The Twin miracles », flames emanated from his shoulders and water poured from his feet, demonstrating his pre-eminence. By alternating both currents (fire and water), a wonderful rainbow appeared and convinced the heretics this man definitely was kind of special.
Today, in a simular miracle, by boosting its energy production and smart water management, Afghanistan will demonstrate its spiritual strength !
Thank You,
Rembrandt and the Light of Agapè


Rembrandt Harmenszoon van Rijn. Don’t count on me here to tell his story in a few lines! (*1) In any case, since the romantics, all, and nearly to much has been said and written about the rediscovered Dutch master of light inelegantly thrown into darkness by the barbarians of neo-classicism.

By Karel Vereycken, June 2001.
The uneasy task that imparts me here is like that of Apelles of Cos, the Greek painter who, when challenged, painted a line evermore thinner than the abysmal line painted by his rival. In order to draw that line, tracing the horizons of the political and philosophical battles who raged that epoch will unveil new and surprising angles throwing unusual light on the genius of our painter-philosopher.
First, we will show that Rembrandt (1606-1669) was « the painter of the Thirty years War » (1618-1648), a terrible continental conflict unfolding during a major part of his life, challenging his philosophical, religious and political commitment in favor of peace and unity of mankind.
Secondly, we will inquire into the origin of that commitment and worldview. Did Rembrandt met the person and ideas of the Czech humanist Jan Amos Komensky (« Comenius ») (1592-1670), one of the organizers of the revolt of Bohemia? This militant for peace, predecessor of Leibniz in the domain of pansophia(universal wisdom), traveled regularly to the Netherlands where he settled definitively in 1656. A strong communion of ideas seems to unite the painter with the great Moravian pedagogue.
Also, isn’t it astonishing that the treaties of Westphalia, who put an end to the atrocious war, are precisely based on the notions of repentance and pardon so dear to Comeniusand sublimely evoked in Rembrandt’s art?
Finally, we will dramatize the subject matter by sketching the stark contrast opposing Rembrandt’s oeuvre with that of one of the major war propagandist: (Sir) Peter Paul Rubens (1577-1640).
Rembrandt, who finished rejecting any quest for earthly glory could not but paint his work away from that of the fashion-styled Flemish courtier painter. Moreover, Rubens was in high gear mobilizing all his virtuoso energy in support of the oligarchy whose Counter Reformation crusades and Jesuitical fanaticism were engulfing the continent with gallows, fire and innocent blood.
What Rembrandt advises us for his painting also applies to his life: if you stick your head to close to the canvass, the toxic odors will sharply irritate your nose and eyes. But taking some distance will permit you to discover sublime and unforgettable beauty.
What Art?
Since the triumph of Immanuel Kant‘s modernist thesis, the Critique of the Faculty of Judgment, it has not been « politically correct » to assert that art has a political dimension. And with good reason! If art can influence the course of history and shape it through its power, it is because it is a vector of ideas! An impossibility, according to the Kantian thesis, because art is a gratuitous act, free of everything, including meaning. The ultimate freedom! You either like it or you don’t, it’s all a matter of taste.
Following in the footsteps of the German poet Friedrich Schiller, we’re here to convince you otherwise, and abolish the tyranny of taste. For us, art is an eminently political act, although the work of art has nothing in common with a mere political manifesto, and the artist can in no way be reduced to an ordinary « activist ».
His domain, that of the poet, the musician or the visual artist, is to be a guide for mankind. To enable people to identify within themselves what makes them human, i.e. to strengthen that part of their soul, of their divine creativity, which places them entirely at the zenith of their responsibility for the whole of creation.
To achieve this, and we’ll develop this here, what counts in art is the type of conception of love it communicates. By making this « universal » sensitive, sublime art makes the most elevated conception of love accessible.
Such art, which forces us think, employs enigmas, ambiguities, metaphores and ironies to give us access to the idea beyond the visible. For art that limits itself to theatricality and the beauty of form fatally sinks into erotic, romantic love, depriving man of his humanity and therefore of his revolutionary power.
Rubenswill be the ambassador of the great un-powers of his time: the glory of the empire and the magnificent financial strength of those days « new economy », the « tulip bubble ». In short, the oligarchy.
Rembrandt, in turn, will be the ambassador of the have-nots: the weak, the sick, the humiliated, the refugees; he will live in the image of the living Christ as the ambassador of humanity. It might seem strange to you to call such a man the « the painter of the thirty years war. »
Paradoxically, his historical period underscores the fact that very often mankind only wakes up and mobilizes its best resources for genius when confronted with the terrible menace of extinction. Today, when the Cheney’s, the Rumsfeld’s and the Kissinger’s want to plunge the world into a « post-Westphalian epoch », in reality a new dark age of « perpetual war », Rembrandt will be one of our powerful weapons of mass education.
Historical context and the origins of the war

Before entering Rembrandt, it is indispensable to know what was at stake those days. The academic name « Thirty Years War » indicates only the last period of a far longer period of « religious » conflict which was taking place around the globe during the sixteenth century, mainly centered in central Europe, on the territory of today’s Germany.
While 1618 refers to the revolt of Bohemia, the 1648 peace of Westphalia defines a reality far beyond the apparent religious pretext: the utter ruin of the utopian imperial dream of Habsburg and the birth of modern Europe composed of nation-states (*2)
On the reasons for « religious » warfare, let us look at the first half of the sixteenth century. At the eighteen years long Council of Trent (1545-1563), the Roman Catholic Church discarded stubbornly all the wise advise given earlier to avoid all conflict by one of its most ardent, but most critical supporters: Erasmus of Rotterdam.
As Erasmus forewarned, by choosing as main adversary the radical anti-semite demagogue Martin Luther, the church degraded itself to sterile and intolerant dogmatism, opening each day new highways for « the Reformation ».
The religious power-sharing of the « Peace of Augsburg » of 1555, between Rome and the protestant princes, temporarily calmed down the situation, but the ambiguous terms of that treaty incorporated all the germs of the new conflicts to come. Note that « freedom of religion » meant above all « freedom of possession ». The « peace » solely applied to Catholics and Lutherans, authorizing both to possess churches and territories, while ostracizing all the others, very often abusively labeled « Calvinists ».
Playing diabolically on internal divisions, some evil Jesuits of those days set up Calvinists and Lutherans to combat each other bitterly, by claiming, for example in Germany, that Calvinism was illegal since not explicitly mentioned in the treaty. Furthermore, the citizen obtained no real freedom of religion; he was simply authorized to leave the country or adopt the confessions of his respective lord or prince, which in turn could freely choose.
As a result of a general climate of suspicion, the protestant princes created in 1608 the « Evangelical Union » under the direction of the palatine elector Frederic V. Their eyes and hopes were turned on King Henri IV‘s France, where the Edit of Nantes and other treaties had ended a far long era of religious wars. After Henry IV‘s assassination in 1610, the Evangelical Union forged an alliance with Sweden and England.
The answer of the Catholic side, was the formation in 1609 of a « Holy League » allied with Habsburg’s Spain by Maximilian of Bavaria. Beyond all the religious and political labels, a real war party is created on both sides and the heavy clouds carrying the coming tempest threw their menacing shadows on a sharply divided Europe.
1618: The Revolt of Bohemia

Hence, after the never-ending revolt of the Netherlands, the very idea of an insurrection of Bohemia drove the Habsburgs (and the slave trading Fuggerand Welser banking empires controlling them) into total hysteria, since they felt the heath on their plans. If Bohemia would become « a new, but larger Holland », then many other nations, such as Poland, could join the Reformation camp and destabilize the imperial geopolitical power balance forever.
As from 1576, the crown of Bohemia was in the hands of the Catholic Rudolphe II, Holy Roman Emperor. Despite a far-fetched passion for esotericism, Rudolphe II will be the protector of astronomers Tycho Brahe and Johannes Kepler in Prague.
In 1609, the Protestants of Bohemia obtain from him a « Letter of Majesty » offering them certain rights in terms of religion. After his death in 1612, his brother Matthias, Holy Roman Emperor, became his successor and left the direction of the country to cardinal Melchior Klesl, a radical Counter Reformation militant refusing any application of the « letter of majesty ».
This set the conditions for the famous « defenestration of Prague », when two representatives of the imperial power were thrown out of the window and fall on a manure heap, at the end of hot diplomatic negotiations. That highly symbolical act was in reality the first signal for a general uprising, and following the early death of Matthias, the rebels made Frederic V their sovereign instead of accepting Habsburg’s choice.
Charles Zerotina, a protestant nobleman and Comenius, (see box below), a Moravian reverend and respected community leader, masterminded that revolt. Frederic V, for example was crowned in 1619 by Jan Cyrill, who was Zerotina’s confessor, and whose daughter will become Comenius wife.
The insurgents were defeated at the battle of White Mountain, close to Prague, in 1620 by a Catholic coalition, composed of Spanish troops pulled out of Flanders together with Maximilian’s Bavarians. On the scene: French philosopher René Descartes, who paid his own trip and who was part of the war coalition and joined in entering defeated Prague in search for Kepler’s astronomical instruments… (*3)
An arrest warrant immediately targeted Comenius, who escaped with Zerotina from bloody repression. Protestantism was forbidden and the Czech language replaced by German.
Most resistance leaders were arrested and 27 beheaded in public. Their heads were put up on pins and shown on the roof of Prague’s Saint-Charles bridge.
One of them was the famous Jan Jessenius, head of the University of Prague who performed one of Europe’s early public anatomical dissections in 1600 and was a close friend of Tycho Brahe. To warn those who used their speech to encourage « heresy », his tongue was pulled out before he was beheaded, quartered and impaled.
Thirty thousand people went into exile while Frederic V and his court took refuge in Den Haag in the Netherlands. There, but years before, Comenius had a personal encouter with the future « Winterkönig » and his wife Elisabeth Stuart, on their way back from their wedding in England for which Shakespearehad arranged a representation of « The Tempest ».
A World War

1618 marked the outbreak of an all-out war across Europe, provoked by the imperial drive of Habsburg to reunify all of the continent behind one unique emperor and one single religion.
As of 1625, aided by French and English financial facilities, Christian IV of Denmark and Gustave Adolphus of Sweden intervened on the northern flank against Habsburg descending from the north as far as up till Munich.
Then, France opened another flank on the western front in 1635. Catholic cardinal Richelieu, who defeated the Huguenots at LaRochelle in 1628 (since he « fought their political rights but not their religious ones », will heavily aid the Protestant camp. His fears were that,
« if the protestant party is completely in shambles, the offensive of the house of Austria will come down on France ».
The famous etchings of the Lorraine engraver Jacques Callot, « Misery and calamities of war » of 1633, give an idea how this savage war swept Europe with its cortège of misery, famine, epidemics and desolation.
The estimated population loss on the territory of present day Germany indicates a downturn from 15 to less than 10 million. Hundreds of cities were turned back into simple villages and thousands of communities simply disappeared from the map.
War affected all the colonies of those powers involved in the conflict. Dutch and English pirates would sink any Spanish or Portuguese ships encountered at the other edge of the Earth’s curve. For Spain, loyal pillar of Habsburg, 250 million ducats were spent for the war effort (between 1568 and 1654), despite the state bankruptcy of 1575. That amount represents more than the double of the revenue from the loot of the new world (gold, spices, slaves, etc.) which scarcely amounted only to 121 million ducats…
Rembrandt and Comenius

That the young Rembrandt was totally heckled by the situation of general war which was shaking up Europe is easily visible in the early self-portrait of Nuremberg.
Here he portrays himself divided between two choices. One shoulder reveals the gorget, a piece of armor that invokes the patriotic call for serving the nation calling on every young Dutchman of his generation in age of serving the military, especially after the surprise attack of the Spanish troops on Amersfoort of august 1629.
The other shoulder is nonchalantly caressed by a « liefdelok », the French « cadenette » or lovelock exhibited by amorous adolescents. What to choose? Love the nation, or the beloved?
More and more irritated by the ambitions of Constantijn Huygens, the powerful secretary of the stadholder which got him well-paid orders for the government and made him move from Leiden to Amsterdam, Rembrandt’s thinking and activity gets ever more concentrated and powerful.
Ten years later, the dying away of his wife Saskia in 1642, year of the « Night watch », plunges the painter into a deep personnal existential crisis. Gone, the self-portraits where he paints himself as an Italian courtier, with a glove in one hand carrying a heavy golden chain around his neck fronting for his social status and competing with the court. Suddenly he seems to realize that the totality of the world’s gold will never buy back the lost lives of those once loved.
When interrogated on the matter, Rembrandt would bluntly state he didn’t need to go to Italy, as the tradition used to be, since everything Italy ever produced came to him anyway as it was available in one form or another on the Amsterdam art market. But traveler he was, as drawings of the gates of London indicate, done in the early forties, maybe the year Comeniuscrossed the channel?
In 1644, the neo-Platonist rabbi and teacher of Spinoza, Menasseh Ben Israel, for which Rembrandt illustrated books, received a letter from Comeniusagent John Dury, chaplain of Mary Princess of Orange, starting a discussion on the reintegration of the Jews in England, and Menasseh finally went for negotiations to meet Cromwell in 1655.
The Nightly Conspiracy

Although some timid hypothesis’ exists concerning Comenius‘ influence on Rembrandt, a rigorous historian’s research could certainly bring more light on this matter.
Although Rembrandt’s worldview evolved in an environment of the Mennonite community, peace-loving Anabaptists miles away from any political commitment, Rembrandt’s passion for the « cause of Bohemia » seems particularly striking in « The nightly conspiracy of Claudius Civilus at the Schakerbos ».
The large painting figured as one in a series planned to decorate the new Amsterdam city hall to celebrate the revolt of the Batavians against the Romans. Starting from historical elements of Tacitus, the story had been cooked up to warm up Dutch patriotism since the reference to Spanish tyranny was clear to all. For reasons unknown today, Rembrandt’s painting was taken down after a couple of months. To mock the cowardice of the ruling elites, Rembrandt seems to have transposed the historical scene into his present timeframe.
One Swedish historian thinks that the leader of the conspiracy here is not Claudius Civilis (the Batavian general who lost an eye in battle), but another general who equally lost an eye in battle and which was non-other than the Hussite general Jan Zizka! (*4).
Remember that Comenius and the revolt of Bohemia strongly identified with John Huss. Looking closely makes you discover that Rembrandt’s Claudius Civilis is indeed dressed up in central European costume. From left to right one sees first a Dutch patrician. Is this a portrait of the then rising republican Jan De Wit?
Next, one sees a monk, without weapons, who poses his hand on Civilus’ arm in a conspiratorial gesture. Is this Comenius resistance movement, the Unity of the Brethren?
According to the historians, the two chalices, one wide, the other narrow, could signify the « Eucharist under the two species », namely that bread and wine be shared with all, which happened to be one of the demands of the Jan Hus tradition.
One also can identify a Jew or rabbi taking place in the conspiracy. Looks pretty weird for a simple Batavian conspiracy! That the establishment was unhappy to see their hero painted as an ugly Cyclops seems probable.
But to be challenged in their flight forward into pompous fantasy in stead of taking up the urgent tasks of their time was another one.
King of Swedish Steel, Louis De Geer

Comenius arrives in Amsterdam on invitation of the de Geer family in 1656, the year of Rembrandt’s bankruptcy (*5).
Louis de Geer, alias « the Steel King » and his son Laurent were the life-long protectors of Comenius for whom they paid the funeral and even build a chapel in the city of Naarden, some miles outside Amsterdam.
Originally from Luik (Liège) in today’s Belgium, that uncompromising Calvinist family settled in Amsterdam. It was the de Geer family who led the foundations of Sweden’s industrial flowering of iron, steel and copper . To do this, de Geer brought three hundred families of Walloon steelworkers to Sweden, and for whom he build hospitals, schools, housing projects and commercial facilities.
De Geer also financed the scottish preacher John Dury and the « intelligencer » Samuel Hartlib, two active friends of Comenius in England. At war with the Royal Society and Francis Bacon, they wanted to render scientific knowledge available to all of the population.
John Milton’s treatise On Education was dedicated to the same Samuel Hartlib. Louis de Geer and Sweden’s prime Minister Johan Skytte, realized Comenius education projects were the best of all possible investment to foster the physical economy. His educational reforms created a labor force of such an exceptional quality and astonishing productivity, that they warmly invited him to Sweden and asked him to reform the nation’s educational system.
That relationship of Comenius with the de Geer family leads us to Rembrandt, since Louis de Geer’s sister, Marghareta, and her husband Jacob Trip, one of the major shareholders of the Swedish copper mines, had their portrait done by Rembrandt, offering him a well paid order during very difficult years.

The City of Amsterdam allotted Comenius a yearly pension, encouraged him to publish his complete works on pedagogy and offered him the keys of the city library. Comenius brought over his family and assistants and installed a library and a printing shop behind the Westerkerk where Rembrandt will be buried.
Comenius, when going every day from his house to his printing shop crossed the street where Rembrandt lived his last days. Since early this century, Czech curators got convinced that Rembrandt’s Portrait of an old man at the Uffizi Gallery in Florence, is in reality a portrait of Comenius (*6).


True or not, one has to realize that Rembrandt demanded to each of his models to sit each day for four hours over a period of three months to paint their portrait, a thing maybe not so evident for the aging Comenius.
But what is known with certainty is the fact that one of Rembrandt’s pupils, Juriaen Ovens, painted Comenius portrait during that period.
The Peace of Westphalia and the « Via Lucis »

Although Bohemia did not gain its long-desired independence at the peace of Westphalia, one cannot underestimate Comenius influence on the negotiations leading to the establishment of the peace-treaty. His work, Cesta Pokoje (Road to peace) of 1630, written in Czech is described as,
« an ethical-religious writing in which love, faith and mutual comprehension are established as the single ethical foundations of a possible peace ».

From 1641 to 1642, right before the start of the first peace negotiations, Comenius wrote the Via Lucis (The path of light), which could have been used as a guiding memorandum for the negotiators.
At the question if this Via Lucis was a millenarist mystical vision, as has been often pretended, we can consider the following.
Asked what could be hoped for and when a major change could take place, Comenius answered that the hope would come with the arrival of a time where the Gospel of the Kingdom would be preached all over the world and universal peace established.
That change could arise as the result of the emergence of a light to which will turn not only the Christian, but all the people of the world.
That light will come, « from the combination of the lanterns of human conscience, of a rational consideration of the works of God or of nature, and from the law or divine will ».
For him, « human enterprise can, through prayer and considerations of pious men imagine the possible ways to unite these rays of light, to irradiate them on the entirety of the human species and to spill similar thoughts in the minds of others » (*7).

One identifies exactly that concept in an etching of Rembrandt that Goethe awkwardly used by having it copied as frontispiece for his Faustin 1790 (*8).
The subject here is not at all a man going along to get along with the devil, but light (mirror of Christ) enlightening the life and the mind of the mortals. Way before Voltaire and opposed to the Venetian illuminati, Comenius and Rembrandt made own the metaphor of light.
To get an even more precise idea of Comenius demands for peace, one can read another memorandum called Angelus Pacis (The peace-angel),
« send to the English and Dutch peace Ambassadors at Breda, a writing designated to be sent afterwards to all the Christians of Europe and then to all the nations of the world in order to stop them, that they cease fighting each other ».
Comenius first remarks laconically that England and Holland are morally so degraded that they even don’t need some spiritual difference as a pretext, but fight each other for purely material possessions! As a way out, he proposes a new friendship:
« But how do you conceive that new friendship (or rather reestablishment of your friendship)? Will it be not by the general pardon that you will allow each other? The wise men have always seen the oblivion of received injuries as the surest road leading to peace. Touching too rudely the wounds, is to revivify the pains and to furnish the wounds an occasion for irritation.
« When this is true, it would be to be wished that the river Aa, whose tranquil waters irrigate Breda, would turn for this hour into the river Lethe of which the poets tell us that whoever drinks their water forgets everything of the past.
« The one who is guilty of trouble, God will find him, even when men, for love of peace, spare him. That the just one starts accusing himself; that means that the one whose conscience accuses him of having broken the friendship and witnessed enmity, should, according to justice, be the first one and the most ardent to reestablish friendship. If the offended party neglects that duty of justice, it will be the honor of the offended party to assume that honorable role, according to the word of the philosopher. » (*9)

COMENIUS: TEACH EVERYTHING TO ALL AND EVERYONE
Jan Amos Komensky (« Comenius ») (1592-1670) was above all a militant teacher, practicing « the universal art of teaching everything to everybody » (pan-sophia) and reckless source of inspiring enthusiasm.
One year after his death in 1670, Leibnizwrote of him: « time will come, Comenius, that honors will be offered to your works, to your hopes and even to the objects of your desires ».
In some domains, indeed, Comenius was Leibniz‘s precursor. First, he fought the fossilization of thought resulting from the dominant Aristotelianism: « Little time after that unification between Christ and Aristotle, the church fell into a pitiable state and became filled with the uproar of theological dispute ».
Strong defender of the free will that he didn’t see entirely in contradiction with an Augustinianconcept of predestination, he felt closer to John Huss than to Calvin, while generally labeled a « Calvinist » by historians.
In 1608, Comenius enters the Latin School of Prérov (Moravia), a school reorganized at the demand of Charles Zerotina on the model of the Calvinist school of Sankt-Gall in Switzerland. Zerotina was one of the key figures of the Bohemian nobility, promoter of the Church of Unity of Brethren, organizer of popular education and key leader of the international anti-Habsburg resistance. For example, in 1589 he lends a considerable amount of money to the French King Henri IV, which he meets in Rouen, France, in 1593 in support of ending the religious wars with the the Spanish.
Henri IV’s conversion to Catholicism (« Paris is worth a mass ») ruined Zerotina’s hope to reproach the Unity of Brethren with the French Huguenots. Befriended with Theodore de Bèze, which he met regularly when studying in Basel and Geneva, Zerotina sent Comenius to study at the Herborn University in Nassau. That University was founded in 1584 by Louis of Nassau, brother of William the Silent, the leader of the revolt of the Netherlands against Habsburg’s Spain. Louis of Nassau, a key international coordinator of the revolt was in permanent contact with the humanist Huguenot leader Gaspard de Coligny in France and with Walsingham, the chancellor of England’s Queen Elisabeth Ist.
Together with Zerotina, Comenius unleashed the revolt of Bohemia of 1618. After spending some time with the guerrilla forces for which he drew a map of Moravia, Comenius went into exile, as bishop of his church, the « Unity Brethren of Bohemia ».
Till his death, he was the soul of the Bohemian resistance, the gray eminence of the Diaspora and the guardian that prevented the Czech language from disappearing, since it was replaced by German in Bohemia. Since wars are only possible if large parts of the population remain uneducated, for Comenius educationbecame the leading edge to fight for Peace.
Opposed to the Jesuit educators who consolidated their own power by education the elites only, Comenius, starting from his conviction that every individual is made in the living image of God, elaborated with great passion a very high level curriculum, which he wanted accessible to all, as he develops this in his « The Great Didactic » (1638).
Following the advice of Erasmus and Vivès, Comenius abolishes corporal punishment and decides to bring boys and girls in the same class. With him, a school needs to be available in every village, free of cost and open to everybody.
Breaking the division between intellectual and manual work, the schools were part-time technical workshops, anticipating France’s Ecole Polytechnique and the Arts et Metiers (technical school to perfect working people), completely oriented towards the joy of discovery. Leibniz idea of academiesoriginated in Comenius’ schools and societies of friends.
For him, as for Leibniz, the body of physics couldn’t walk without the legs of metaphysics. Integrating that transcendence, he strongly rejected the very idea that nature was reducible to a mere aggregate defined by formal laws, and he adamantly lambasted Bacon, Galileo and Descartes for doing so. In stead, nature has to be looked to as a dynamic process defined by the becoming. That becoming is not repetitive, but permanent progression and potentialization: nature has a quality of development, tending towards self-accomplishment and harmony.
He was severely attacked by Descartes’ « Judgment of the Pansophical works » and mocked by Voltaire, who made him appear as Candide‘s naive philosophy teacher « Pangloss ».
Founder of modern pedagogy, he realized children are beings of affection, before becoming beings of reason. Up till those days, ignorant children were often seen as possessed by the devil, a devil which had to be beaten out of them. The French cardinal Pierre de Bérulle, founder of the Oratorians, reflected that mindset when he wrote that « infancy is the most vile and abject state of man’s nature after that of death ».
To make knowledge accessible to all, Comenius revolutionized the dogmas of that educational approach. In well-ordered classrooms, beautifully decorated with maps, classes would last only one hour covering all the domains one fiends in an engraving of Comenius: theology, manual works, music, astronomy, geometry, botany, printing, construction, painting and sculpture.
Comenius taught Latin, but was strongly convinced that every pupil had to master first his mother tongue. That was a total revolution, since up till then, Latin was taught in Latin, and to bad for those who didn’t understand already !
He also will also re-introduce illustrated textbooks (« The sensible world in images »)(1653), which had been stupidly banned from schools to « not invite the senses to disturb the intellect ». For Comenius, images have the same role as a telescope, displacing the field of perception beyond immediate limits.
His ideas, and especially the rapid successes of schools adopting his pedagogy attracted all of Europe and beyond. In 1642, Comenius was hired by Johan Skytte, the influential chancellor of the University of Uppsala, to reorganize the Swedish education system according to his principles. Skytte, an erudite Platonist inspired by Erasmus, will be Gustaphe Adolph’s preceptor and his son Bengt Skytte will be an influential teacher of Leibniz.
Before that job, Comenius discarded a similar offer originating from Richelieu of France and the offer that came from John Winthrop Junior from the United States who offered Comenius to preside Harvard University, newly founded in the Massachussetts Bay Colony of America.
Rembrandt and Forgiveness
To express in art that precise moment where love gives birth to pardon and repentance will be precisely one of Rembrandt’s favorite subjects. The fact that he choose the name Titusfor his son, after the roman emperor who supposedly had showed great clemency toward the early Christians, demonstrates that point. But Titus was also the name of a bishop of Creta who was a close collaborator of Apostle Paul.
Rembrandt was fascinated by the figure of Saint-Paul, who used to be after all a roman officer who, through his conversion, showed the possible transformation of each individual for the better, capable of becoming a militant for the good.

Rembrandt’s self-portrait of the Rijksmuseum, with the famous « ghost-image » of a badly lit dagger nearly planted his breast supposedly represent him as Saint-Paul, traditionally represented defending Christian faith with the scripture in one hand and the sword in the other.
The bible in the armored hand do appear in that painting, but the sword here seems more as a dagger, suggesting an eventual reference to the name given by Erasmus to his Christian’s manual, the « Enchiridion » after the Greek word egkheiridion(dagger).
The Prodigal Son

In one of Rembrandt’s late works, the « Return of the prodigal son », despite the fact that the work was completed by a pupil, we see how profoundly he dealt with precisely that subject. The expressiveness of the figures is amplified by the nearly life-size representation on the wide canvas (262 x 205 cm).
The father’s eyes, plunged in interior vision, look yonder the small passage by which the son hasarrived, as doubting of the happiness that overwhelms him, since his son « who was dead », « came back to life ».
The son, who installs his convicts head on the father’s abdomen, engages in the act of total repentance. The naked foot who leaves behind the rotten shoe, communicates in a metaphorical way that sinners deed of repentance, offering what he has inside. The father embraces his son by putting his pardoning hands on his shoulders, while the jealous brothers stand by wondering and enraged why so much love is given to the son « who had spoiled the fathers good with prostitutes ».
Three observations indicate Comenius person and thought might have inspired this work.
First, according to all available portraits, the face of the father shows heavy resemblance with the treats of Comenius himself, a well known militant for peace based on repentance and pardon which Rembrandt probably met frequently during that period.
Second, and after a second look, the son doesn’t look European at all, but actually Negroid, which would add to the painting some critical thoughts on the widely practiced slavery of the European powers of those days.
To conclude, one could interpret the parable of the prodigal son in a much larger sense: is this not man itself, son of God, who returns to his father after having wandered on the roads of sin? Comenius, after a moment of nearly total desperation uses that same image in his book The labyrinth of the world and the paradise of the hearth (1623).
Similar to the image employed by the Dutch painter Hieronymous Bosch, in his « ambulant salesman », man gets lost in the multiplicity of the world that leads him to self-destruction, but after a crisis decides to regain divine unity.
In order to add still another dimension to the discussion on the quality of love involved in art, it is useful to contrast our master with the works of the most talented belonging to the tradition of his detractors: Peter-Paul Rubens.
Rembrandt, Rubens and other Philistines
But before investigating Rubens, it is appropriate to consider the following. Despite the fact that Rembrandt came out of the immense intellectual ferment of the late sixteenth century University of Leiden, one of the cradle’s of humanism, one cannot escape the fact that his lashing career would have infatuated many.
Remember, Constantijn Huygens« discovered Rembrandt » in 1629, while still a young millers son running a small boutique with Jan Lievens, asking them to come to Amsterdam and work for the government. (*10).
Rembrandt’s « patron » nevertheless would write without blushing in his diary Mijn Jeugd (my youth) that Peter Paul Rubens, the Flemish baroque painter was « one of the seven marvels of the world ».
Rubens was, before everything else, the talented standard bearer of the « enemy » Counterreformation and its Jesuits army, whose admiration made Rembrandt totally uncomfortable. How could this virtuoso painter be seen as the brightest star on the firmament of painting? According to some, Huygens was looking for « a Dutch Rubens », capable of making shine the « elites » of the nation.

Rembrandt at one point got so irritated with Huygens’ shortsightedness that he
offered him a large painting called Samson blinded by the Philistines. The work, a pastiche of the violent style, painted « à la Rubens », shows roman soldiers gouging out Samson’s eye with a dagger. Did Rembrandt suggest that his Republic (the strong giant) and its representatives were blinded by their own philistinism?
When a little Page becomes a great Leporello
Rembrandt perfectly translates the feeling of revulsion any honest Dutch patriot would have felt in front of Rubens. Had the Dutch elites already forgotten that Peter Paul’s father, Jan Rubens, once a Calvinist city councilor of Antwerp close to the leadership of the revolt of the Netherlands, had severely damaged the integrity of the father of the fatherland by engaging in an extra-conjugal relationship with Anna of Saxen, the unstable spouse of William the Silent?
Humiliated, but with courage and determination, Rubens mother fought as a lioness to free her husband from an uncertain jail. Her son Peter Paul, could not but become the calculated instrument of vengeance against the protestants and an indispensable tool to do away the blame hanging over the family. Hence, at the age of twelve, Peter Paul was sent to the special college of Romualdus Verdonck, a private school specifically designed to train the shock troops of the Counterreformation.
From there on, Rubens becomes a pageboy at the little court of Marguerite de Ligne, countess de Lalaing at Oudenaarde, whose descendants still form the Royal blood of today’s Belgium. As a kid, Rubens copied the biblical images of the woodprints of Holbein and the Swiss engraver Tobias Stimmer. After two waves of iconoclasm (1566 and 1581), the Counterreformation was very eager to recruit image-makers of all kinds, but under strict regulations specified by the final session of the Council of Trent in 1563. (*12).
After a short training by Abraham van Noort, Rubens career was boosted by his entering of the workshop of Otto van Veen. Born in Leiden in 1556 and trained by the Jesuits, « Venius » was the pupil of the master-courtier Federico Zuccariin Rome. Zuccari was the court painter of Habsburg’s Philippe II of Spain and the founder of the « Accademia di San Luca ». Traveling from court to court, Venius succeeded in getting the favors of Alexander Farnèse, the malign Spanish governor in charge of occupying Flanders.
Farnèse, who actually organized the successful assassination of the father of the Netherlands, the erasmian humanist William the Silent in 1584, nominated Venius as his court painter and as engineer of the Royal armies.
Furthermore, Venius will be the man who opened Rubens mind on Antiquity and together they will read and comment classical authors in Latin. Especially, he will show Rubens that an artist, if he wants to attain glory during his lifetime, must appeal a little bit to his talent and a very much to the powerful.
In Italia
In may 1600, Rubens rides his horse to Venice. In June, during Carnival he encounters the Duke of Mantua, Vincent of Gonzague, who is the cousin of archduke Albert who is ruling then Flanders with Isabella since 1598.
The duke of Mantua, the oligarchic type Mozartportrays in his « Don Giovanni » and Verdiexplicitly in « Rigoletto », was very fond at the idea to add a « fiamminghi » to his stable.
The court of Mantua, in a competition of magnificence with other courts, notably those of Milan, Florence or Ferrare, employed once the painter Mantegna, the architect Leon Battista Alberti and the codifier of courtly manners Baldassare Castiglione. At the times of Rubens, the court paid the living of poet Torquato Tasso and the composer Monteverdi which wrote in Mantua his « Orpheus » and « Ariane » in 1601.
Galileowas also one of the guests for a short period in 1606. But especially, the Duke had in his possession one of the largest collections of works of art of that period, and his agents in Italy and all over the world were in charge of identifying new works worth becoming part of the collection.

An inventory of 1629 lists three Titian’s, two Raphael’s, one Veronese, one Tintoretto, eleven Giulio Romano’s, three Mantegna’s, two Corregia’s and one Andrea del Sarto amidst others. Similar to Giulio Romano who became the mere instrument of the « scourge of the princes »Pietro Aretino, our Flemish painter became just another Leporello, an obligingly « valet » enslaved by the Duke.
When we look to his self-portrait with his Circle of friends in Mantua, we see a fearful man, who « became somebody » because surrounded by « people who made it » and recognized by the powerful.
In Espagna
Immediately the Duke gave Rubens a truly Herculean task: transport a quite sophisticated present to Philippe III and his prime minister the Duke of Lerma from Mantua to Madrid. On top of a little chariot specially designed for hunting and several boxes of perfume, the core of the present consisted of not less then forty copies of the best paintings of the Duke’s private collection, notably some Raphael‘s and Titians. On top, Rubens’ mission was « to paint the fanciest women of Spain » during his trip. While his patron in Mantua whines for his return, Rubens will deploy his seductive capabilities at the Spanish court which looked far more promising to his career.
Back in Italy, his immediate going to Rome seems an opportune move, since in these days Barocci was held for to old, Guido Reni for to young. Also, Annibale Carracci appeared out of order since suffering from melancholic apoplexies while Caravagio, accused of murder, was hiding on the properties of his patrons, the Colonna’s.
But essentially, Rubens goes to the holy city because he’s enthusiastically promoted there by the Genovese cardinal Giacoma Serra, very impressed by the « splendid portraits » of women Rubens painted for the Spinola-Doria dynasty in Genoa.
Nevertheless, hearing about the imminent death of his mother, Rubens rushes to Antwerp, and after much a hesitation settles his workshop there, far at a distance from the centers of power, but close to the fabulous privileges he obtains from the Spanish regents over the Netherlands, Albrecht and Isabella.
In Antwerpia

These advantages were such that conspiracy-theorist see them as sufficient proof that there was a blueprint to kill the soul of the Erasmian spirit in Christian painting in the region.
First, Rubens will receive 500 guilders per year without any obligation concerning his artistic output except the double portrait of the rulers, any supplementary order necessitating separate payment.
Next, Rubens obtains a status permitting him to bypass the regulations and obligations of the Saint-Luc painters guild, particularly the rule that limits the number of pupils and the amount of their salary. And since a lot is never enough, Rubens obtains a tax-exemption status in Antwerp! As a real patrician he orders the building of his palace.
Broken down long time ago, and for whatever reasons, one has to observe that it was during the times of Flemish collaboration with Hitler’s Germany (from 1938 to 1946) that his Genovese modeled resort, temporarily recreated in 1910 for the Universal Exposition in Brussels, will be entirely rebuild after the engravings of Jacobus Harrewijn of 1692, decorated as the original and the interior filled with fitting old furniture (*14).
It is true that his enthusiasm for opulent blondes and violent action was interpreted by Nazi historians as the expression of profound sympathy for the Nordic races, while his visual energy was seen as the antithesis of « degenerated » art. The Rubens cult in Antwerp might tell us something interesting about the recurrent rise of rightwing extremism in that city.
Propaganda Genius
Rubens feat was to « merchandize » the ruling taste of the oligarchy of his time. Similar to the German filmmaker Leni Riefenstahl under Hitler, Rubens became the genial producer of their propaganda. Precocious child and brilliant draughtsman, he had spent hours and hours working after Italian collections and bas-reliefs in the ruins of Rome.
Since the « Warrior-pope » Julius II and Leo X took over the Vatican, art had to submit to the dictatorship of the degenerated taste of imperial Rome. Eight years of work, from 1600 to 1608, in Genoa, Mantua, Florence, Rome, without forgetting Madrid, with free access to nearly all the great collections of antiquities and paintings of the old families, enabled Rubens to constitute a « data-base », whose fructification will generate the bulk of his fortune.
Specialists do point easily to the unending stream of visual quotes identified in his works. A group of Michelangelo in « The Baptism of Christ » (Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Antwerp); a pose of Raphael’sAristotle in the School of Athens in his « St-Gregory with St-Domitilla, St-Maurus and Papianus » (Gemäldegalerie, Berlin) or one of his Madonna’s in « The fall of man » (Rubenshuis, Antwerp), without forgetting a head of the Laoconein the « Elevation of the Cross » (Cathedral, Antwerp) or the « contraposto » of a Venus coming straight away from a roman statuary in « The union of Earth and Water » (Hermitage, Saint-Petersburg). (*11).
The Tulip, Seneca plus Ultra

The desire to be accepted by the ruling oligarchs becomes even clearer when we discover his admiration for Seneca.
Through his education and under the influence of his brother Philippe, Peter Paul Rubens will become a fanatical follower of the Roman neo-stoic Seneca (4 BC – 65 AC). In his painting The four philosophers, Rubens paints himself standing, once again « on the map » with those who got a chair at the table.
With a view on the palatine hill in the background, site of the Apollo cult considered the authentic Rome, we see his brother Philippe, a renowned jurist, sitting across the leading stoic ideologue of those days, Justus Lipsius and his pupil Wowerius, all situated beneath a niche filled with a bust of Seneca honored by a vase with four tulips, two of them closed, and the other two opened.
Originally from Persia, the tulip bulb was brought from Turkey to Europe by an Antwerp diplomat in 1560. Its culture degenerated rapidly from a hobby for gentleman-botanist into the immense collective folly known as the Tulip Mania and « tulip-bubble » or « Windhandel » (wind-trade).

That gigantic speculative bubble bursted in Haarlem on February 2, 1637, while some days earlier, a tulip with the name of « vice-roy » went for 2500 guilders, paid in real goods being two units of wheat and four of rye, four fat calves, eight pigs, a dozen of sheep, two barrels of wine, four tons of butter, a thousand pounds of cheese, a bed and a silver kettle drum (*14).

As can be seen in his painting Rubens in his garden with Helena Fourment, Rubens was not indifferent to that highly profitable business. Behind the master and his spouse, appears discretely behind a tree in Rubens garden a rich field of tulips!
But in the « Four philosophers », the tulip is nothing else than a metaphor of the « Brevity of life », an essay of Seneca.
The latter, tutor of Nero, preached a Roman form of sharp cynicism known under the label of fatum (fatality): to rise to (Roman) grandeur, man must cultivate absolute resignation. By an active retreat of oneself on oneself and by a obstinate denegation of a threatening and absurd world, man discovers his over-powerful self. That power even increases, if the self decides that death means nothing.
At the opposite of Socrates, who accepted to die for giving birth to the truth, Seneca makes his suicide his main existential deed. Waiting for his hour, his job is to steer his boredom by managing alternating pleasures and pains in a world where good and bad have no more sense.
As all cases of radical Aristotelianism, that philosophy, or « art of life » steers us in the hell of dualism, separating « reason », cleaned from any emotion, from the unbridled horses driving our senses. These two ways of being unfree makes us a double fool. Rubens fronts for that philosophy in his work Drunk Silenus.

The excess of alcohol evacuates all reason and brings man back to his bestial state, a state which Rubens considers natural. Instead of being a polemic, the painting reveals all the complacency of the painter-courtier with the concept of man being enslaved by blind passion. Instead of fighting it, as Friedrich Schiller outlines the case repeatedly and most explicitly in his « On the Esthetical Education of Mankind », Rubens cultivates that dualism and takes pleasure in it. And sincerely tries to recruit the viewer to that obscene and degrading worldview.
Peace IS war

As an example of « allegories », let us look for a moment at Rubens canvas Peace and War.
Above all, that painting is nothing but a glittering « business-card » as one understands knowing the history of the painting. At one point, Rubens, who had become a diplomat thanks to his international relations, organized successfully the conclusion of a peace-treaty between Spain and England (which collapsed fairly soon).
Repeating that for him « peace » was based on the unilateral capitulation of the Netherlands (reunification of the Catholic south with the North ordered to abandon Protestantism), he succeeded entering the Spanish diplomatic servicesomething pretty unusual for a Flemish subject, in particular during the revolt of the Netherlands.
Following this diplomatic success, the painter is threefold knighted: by the Court of Madrid to which he presents a demand to obtain Spanish nationality; by the Court of Brussels and also by the King of England!
Before leaving that country, he offers his painting « Peace and War » to King Charles. The canvas goes as follows: Marsis repelled by wisdom, represented as Minerva, the goddess protecting Rome. Peaceis symbolized by a woman directing the flow of milk spouting out of her breast towards the mouth of a little Pluto. In the mean time a satyr with goat hooves displays the corn of abundance…
On the far left, a blue sky enters on stage while on the right the clouds glide away as carton accessories of a theatre. Rubens main argument here for peace is not a desire for justice, but the increase of pleasures and gratifications resulting from the material objects which men could accumulate under peace arrangements! Ironically, seen the cupidity of the ruling Dutch elites, which Rembrandt would lambaste uncompromisingly, it seems that Rubens might have succeeded in convincing these elites to sell the Republic for a handful of tulips. If only his art would have been something else then self-glorification! Here, his style is purely didactical, copied from the Italian mannerism Leonardo despised so much.
Instead of using metaphors capable to make people think and discover ideas, the art of Rubens is to illustrate symbolized allegories. The beauty of an invisible idea has never, and can not be brought to light by this insane iconographical approach. His « style » will be so impersonal that dozens of assistants, real slave laborers, will be generously used for the expansion of his enterprise.
King Christian IV’s physician, Otto Sperling, who visits Rubens in 1621 reported:
« While still painting he was hearing Tacitus read aloud to him and at the same time was dictating a letter. When we kept silent so as not to disturb him with our talk, he himself began to talk to us while still continuing to work, to listen to the reading and to dictate his letter, answering our questions and then displaying his astonishing power. »
« Then he charged a servant to lead us through his magnificent palace and to show us his antiquities and Greek and Roman statues which he possessed in considerable number. We then saw a broad studio without windows, but whichcaptured the light of the day through an aperture in the ceiling. There, were united a considerable amount of young painters occupied each with a different work of which M. Rubens had produced the design by his pencil, heightened with colors at certain points. These models had to be executed completely in paint by the young people till finally, M. Rubens administered with his own hand thefinal touch.
« All these works came along as painted by Rubens himself, and the man, not satisfied to merely accumulate an immense fortune by operating in this manner, has been overwhelmed with honors and presents by kings and princes ». (*15).
We know, for example, that between 1609 and 1620, not less than sixty three altars were fabricated by « Rubens, Inc. ». In 1635, in a letter to his friend Pereisc, when the thirty years war is ravaging Europe, Rubens states cynically « let us leave the charge of public affairs to those who’s job it is ».
The painter asks and obtains a total discharge of his public responsibilities the same year while retiring to enjoy a private life with his new young partner.
Painter of Agapè, versus painter of Eros
Being a human, Rembrandt correctly had thousand reasons to be allergic to Rubens. The latter was not simply « on the wrong side » politically, but produced an art inspiring nothing but lowness: portraits designated to flatter the pride of the mighty by making shine and glitter some shabby gentry; history scenes being permanent apologies of Roman fascism where, under the varnish of pseudo-Catholicism, the alliance of the violent forces of nature and iron-cold reason dominated. Behind the « art of living » of Seneca, there stood the brutal methods of manipulation of the perfect courtier described by Baldassare Castiglione in his « Courtier ». For courtly ethics, everything stands with balance (sprezzatura) and appearance, and behind the mask of nice epithets operates the savage passions of seduction, possession, rape and power-games.
On the opposite, Rembrandt is the pioneer of interiority, of the creative sovereignty of each individual. To show the beauty of that interiority, why not underline paradoxically exterior ugliness?
In the « Old man and young boy » of Domenico Ghirlandajo, an imperfect appearance unveils a splendid beauty. The old man has a terribly looking nose, but the visual exchange between him and the boy shows a quality of love which transcends both of them. At the opposite of Seneca, they don’t contemplate the « brevity of life », but the longevity or « immortality of the soul ».
Martin Luther King, in a sermon tries equally to define these different species of love. After defining Eros(carnal love), and Philia(brotherly love), he says:
« And then the Greek language comes out with another word. It’s the word agape. Agape is more than Eros; it’s more than an aesthetic or romantic love; it is more than friendship. Agape is understanding, creative, redemptive goodwill for all men. It is an overflowing love which seeks nothing in return. Theologians would say that it is the love of God operating in the human heart. And so when one rises to love on this level, he loves every man, not because he likes him, not because his ways appeal to him, but he loves every man because God loves him, and he rises to the level of loving the person who does an evil deed, while hating the deed that the person does. » (*17)
Then, King shows how that love intervenes into the political domain:
« If I hit you and you hit me and I hit you back and you hit me back and go on, you see, that goes on ad infinitum. It just never ends. Somewhere somebody must have a little sense, and that’s the strong person.
The strongperson is the person who can cut off the chain of hate, the chain of evil. And that is the tragedy of hate, that it doesn’t cut it off. It only intensifies the existence of hate and evil in the universe. Somebody must have religion enough and morality enough to cut it off and inject within the very structure of the universe that strong and powerful element of love. »
You probably understood our point here. Martin Luther King, in his battle for justice, was living in the same « temporal eternity » as Rembrandt and Comenius opposing the thirty years war. Isn’t that a most astonishing truth: that the most powerful political weapon at man’s disposal is nothing but transforming universal love, over more available to everyone on simple demand? But to become a political weapon, that universal love cannot remain a vague sentiment or fancy romantic concept. Strengthened by reason, Agapè can only reach height with the wings of philosophy.
Rembrandt and Comenius knew that « secret », which will remain a secret for the oligarchs, if they remain what they are. »
The Little Fur
Another comparison between two paintings will make the difference even more clearer between Eros and Agapè: Het pelsken (the little fur) of Rubens (left) and Hendrickje bathing in a river of Rembrandt (right).

That comparison has a particular significance since the two paintings show the young wives of both painters. At the age of fifty-three Rubens remarried the sixteen year old Helena Fourment, while Rembrandt settled at the age of forty-three with the twenty-two year old Hendrickje Stoffels.
The naked Helena Fourment, with staring eyes, and while effecting an hopeless gesture of pseudo-chastity, pulls a black fur coat over her shoulders. The stark color contrast between the pale body skin and the deep dark fur, a typical baroque dramatic touch of Rubens, unavoidably evokes basic instincts. No wonder that this canvas was baptized the « little fur » by those who composed the catalogues.
However, paradoxically, Hendrickje is lifting her skirt to walk in the water, but entirely free from any erotic innuendo! Her hesitating, tender steps in the refreshing water seem dominated by her confident smile. Here, the viewer is not some « Peeping Tom » intruding into somebody’s private life, but another human being invited to share a moment of beauty and happiness.
Suzanne and the Elderly
Another excellent example is the way the two painters paint the story of Suzanne and the elderly. Comenius, was so impassioned by this story that in 1643 he called his daughter Zuzanna in 1646 his son Daniel. This Biblical parable (Daniel 13) deals with a strong notion of justice, quite similar to the one already developed in Greece by SophoclesAntigone. In both cases, in the name of a higher law, a young woman defies the laws of the city.
In her private garden, far from intruding viewers, the beautiful Suzanne gets watched on by two judges which will try to blackmail her: or you submit to our sexual requests, or we will accuse you of adultery with a young man which just escaped from here! Suzanne starts shouting and refuses to submit to their demands. The next day, Suzanne gets accused publicly by the judges (the strongest) in front of her family, but Daniel, a young man convinced of her innocence, takes her defense and unmasks the false proofs forged by the judges. At the end, the judges receive the sentence initially slated for Suzanne.

In the Rubens painting, a voluptuous Suzanne lifts her desperate eyes imploring divine help from heaven. The image incarnates the dominant but
insane ideology of both Counterreformation Catholicism and radical Protestantism: the denial of the free will, and thus of the incapacity to obtain divine grace through one’s acting for the good. For the Calvinist/protestant ideologues, the soul was predestinated for good or evil. Reacting by a simple inversion to the crazy indulgences, it was « logical » that no earthly action could « buy » divine grace. So whatever one did, whatever our commitment for doing the good on earth, nothing could derail God’s original design. The Counterreformation Catholics thought pretty much the same, except that one could claim God’s indulgence in the context of the rites of the Roman Catholic Church, especially by paying the indulgences: « No salvation outside the church ».

In a spectacular way, Rembrandt’s Suzanne and the elderly reinstates the real evangelical Christian humanist standpoint: a chaste Suzanne looks straight in the eyes of the viewer which is witnessing the terrible injustice happening right under his nos. So, will you be the new Daniel? Will you find the courage to intervene against the laws of the State to defend a « Divine » justice? Hence, agapè is that infinite love for justice and truth, that leads you to courageous action and makes you a sublime personality capable of changing history, in the same way Antigone, Jeanne d’Arc, or Suzannedid before.
Plato versus Aristotle
The fact that Rembrandt was a philosopher is regularly put into question, even denied. The inventory of his goods, established when his enemies forced him into bankruptcy in 1654, doesn’t mention any book outside a huge bible, supposedly establishing a legitimate suspicion of him being near to illiteracy. While romanticized biographies portray him as an accursed poet, a narcissistic genius or the simple-minded mystical visionary son of a miller, a comment in 1641 from the artist Philips Angel underscores, not his painting, but Rembrandt’s « elevated and profound reflection ».

It is Aristotle contemplating Homer’s bust, which demonstrates once and for ever how stupid the Romantics can be. Ordered by an Italian nobleman, the painting shows Aristotle as a Venetian aristocrat, as a perfect courtier: with a wide white shirt, a large black hat and especially carrying a heavy golden chain.
In short, clothed as Castiglione, Aretino, Titian and Rubens… Rembrandt shows here his intimate knowledge of the species nature of Plato’s enemies of the Republic, that oligarchy to whom Aristotelianism became a quasi-religion.
With great irony, the canvas completely mocks knowledge derived from the « blind » submittal to sense perception. Here Rembrandt seems to join Erasmus of Rotterdam saying « experience is the school of fools! ».
Equipped with empty eyes, incapable of perception, Aristotle is groping with an uncertain hand Homer’s head of which he was supposedly a knowledgeable commentator. Homer, the Greek poet who turned blind, stares worriedly to Aristotle with the open eyes of mind.
That inversion of the respective roles of Aristotle and Homer is dramatized by situating the source enlightening the scene as a tangent behind the bust of the poet.
Light reflections illuminating Aristotle’s hat underneath make appear the ironical « ghost image » of donkey ears, the conventional attribute widely used since the Renaissance to designate the stubbornness of scholastic Aristotelianism.
To this Aristotelian blindness, Rembrandt, whose own father became blind, opposes the other clear-sightedness of Simeon, as seen in his last painting, found on Rembrandt’s easel after his death.
All during his life, Simeon had wished to see the Christ with his own eyes. But, growing old, that hope quitted him with along with his sight. As he did every day, Simeon went one day to the temple. There, Maria asked him to keep her child in his arms. Suddenly, an infinite joy
overwhelmed Simeon, who, without seeing Christ with his mortal eyes, saw him much more clearly with his mind than all the healthy seers. Rembrandt wanted us to reflect on that conviction: don’t believe what you see, but act coherently with God’s design and you might see him. On Simeon’s hands, a series of dashes of paint suggest some kind of crystal ball, an image which only « appears » when our minds dares to see it, underlining Simeon’s prophetic nature.
Jesus Christ healing the sick

Rembrandt’s anti-Aristotelian philosophy is also explicitly manifest in an engraving known as Christ healing the sick, an exceptionally large etching on which he worked passionately over a six year period. In order to « sculpt » the ambiguous image of the Christ, son of both God and mankind, Rembrandt executed six oil portraits featuring young rabbi’s of Amsterdam. But it was Leonardo’s fresco, the Last Supper, which Rembrandt extensively studied as shown by drawings done after reproductions, that seems to have been his starting point.
Scientific analysis of his still existing copperplate indicate that the Christ’s hands were originally drawn as an exact imitation of Leonardo’s « Last Supper » fresco.
Completely different from the kind of « spotlight theatrics » that go from Caravagio to Hitchcock, the work reminds the description of the myth of the cavern in Plato’s Republic. But here stands the Christ blessing the sick.
Transfigured, and akin to the prisoners in Beethoven’s opera Fidelio, the sick people walk from right to left towards Christ. Encountering the light transforms them into philosophers!
One generally identifies easily, amidst others, Homerand Aristotle(who’s turning his head away from Christ), but also Erasmusand Saint-Peter, which according to some possesses here the traits of Socrates.
The etching brings together in a single instant eternal several sequences of Chapter XIX of Saint Mathew:
“Let the little children come to me, and do not hinder them, for the kingdom of heaven belongs to such as these.”
In a powerful gesture, Christ brushes aside even the best of all wise wisdom to make his love the priority, where Peter desperately tries to prevent the children from being presented to Jesus.
Sitting close to him we observe the image of an undecided young wealthy man plunged in profound doubts, since he desired eternal life but hesitated to sell his possessions and give it all to the poor.
When he left, Jesus commented that it was certainly easier for a camel to get through the eye of a needle, than for a rich man to enter the his kingdom.
Above simple earthly space situated in clock-ticking time, the action takes place in « the time of all times », an instantaneous eternity where human minds are measured with universality, some kind of « last judgment » of divine and philosophical consciousness.
The healing of the sick souls and bodies is the central breaking point which articulates the two universes, the one of sin and suffering, with the one of the good and happiness. Christ’s love, metaphorized as light, heals the « sick » and makes philosopher-kings out of them. They appear nearly as apostles and figure exactly on the same level as the apostles of Leonardo‘s milan fresco The last Supper. Brought out of darkness into the light, they become themselves sources of light capable of illuminating many others.
That « light of Agapè » is the single philosophical basis of Rembrandt’s revolution in the techniques of oil-painting: in stead of starting drawing and paint on a white gessounderground or lightly colored under-paint (the so-called priming, eventually adding imprimatura), all the later works are painted on a dark, even black under-paint!
The « modern » thick impasto, possible through the use of Venetian turpentine and the integration of bee wax, are revived by Rembrandt from the ancient « encaustic » techniques described by Pliny the Elder. They were employed by the School of Sycione three hundred years before Christ and gave us Alexander the Great‘s court painter Apelles, and the Fayoum mommy paintings in Alexandria, Egypt (*17).
Building the color-scale inversely permitted Rembrandt to reduce his late palette to only six colors and made him into a « sculptor of light ». His indirect pupil, Johannes Vermeer, systemized Rembrandt’s revolutionary discovery (*18).
Deprived of much earthly glory during their lives, Rembrandt and Comenius were immediately scrapped from official history by the oligarchic monsters that survived them. But their lives represent important victories for humanity. Their political, philosophical, esthetical and pedagogical battles against the oligarchy and its « valets » as Rubens, makes them eternal.
They are and will remain inexhaustible sources of inspiration for today’s and tomorrows combat.
NOTES:
- Karel Vereycken, « Rembrandt, bâtisseur de nation« , Nouvelle Solidarité, June 1985.
- The treatises of Westphalia (Munster and Osnabruck) of 1648, and the ensuing separate peace accords between France and the Netherlands with Spain, finally shred into pieces every political, philosophical and juridical argument serving as basis of the notion of empire, and by doing so put an end to Habsburg’s imperial fantasy, the « Thirty years war ». As some had outlined before, notably French King Henry IV’s great advisor Sully in his concept of « Grand Design », making the sovereign nation-state the highest authority for international law was, and remains today, the only safe road to guaranty durable peace. Empires, by definition, mean nothing but perpetual wars. If you want perpetual war, create an empire! Hence, through this revolution, small countries obtained the same rights as those held by large ones and the notions of big= strong, and small=weak, went out of the window. The Hobbesian idea that « might makes right » was abolished and replaced by mutual cooperation as the sole basis of international relations between sovereign nation-states. Hence, tiny Republics, as Switzerland or the Netherlands,the latter at war with Spain for nearly eighty years, finally obtained peace and international recognition. Second, and that’s undoubtedly the most revolutionary part of the agreements, mutual pardon became the core of the peace accords. For example paragraph II stipulated explicitly « that there shall be on the one side and the other a perpetual Oblivion, Amnesty or Pardon of all that has been committed since the beginning of these Troubles, in what place, or what manner soever the Hostilitys have been practis’d, in such a manner, that no body, under any pretext whatsoever, shall practice any Acts of Hostility, entertain any Enmity, or cause any Trouble to each other; » (translation: Foreign Office, London).Moreover, several paragraphs (XIII, XXXV, XXXVII, etc.) stipulate (with some exceptions) that there will be a general debt forgiveness concerning financial obligations susceptible of maintaining a dynamic of perpetual vengeance. In reality, the Peace of Westphalia was the birth of new political order, based on the creation of a new international economic and monetary system necessary to build peace on the ruins of the bankrupt imperial order.
- Footnote, p. 77 in Comenius by Olivier Cauly, Editions du Félin, Paris, 1995.
- Brochure dealing with that painting published by the Nationalmuseum of Stockholm.
- To put to an end to the politically motivated financial harassment which was organized by the family of his deceased wife, Saskia van Uylenburgh, Rembrandt submits on July 14, 1656 to the Dutch High Court a cessio bonorum (Cessation of goods to the profit of the creditors), accepting the sale of his goods. In 1660, Rembrandt abandons the official management of his art trading society to his wife Hendrickje Stoffels and his son Titus.
- p. 105, Henriette L.T.de Beaufort, in Rembrandt, HDT Willinck & Zoon, Harlem, 1957.
- p. 358, Samuel Hartlib and Universal Reformation, Cambridge University Press, 1994.
- p. 12-13, Bob van den Bogaert, in « Goethe & Rembrandt », Amsterdam University Press, Amsterdam 1999.
- p. 25, Marcelle Denis in Comenius, pédagogies & pédagogues, Presse Universitaire de France, 1994.
- Constantijn Huygens (1596-1687), was an exceptional precocious erudite. Politician, scientist, moralist, music composer, he played the violin at the age of six, wrote poems in Dutch, Latin, French, Spanish, English and Greek. His satire, « ‘t Kostelick Mal » (expensive folly), opposed to the « Profijtelijk Vermaak » (profitable amusement) makes great fun of courtly manners and the then rampant beaumondism. His son, Christiaan Huygens was a brilliant scientist and collaborator of Leibniz at the Paris Academy of sciences.
- One has to outline shortly here that contrary to the rule of the Greek canon of proportions (height of man = seven heads and a half), the Romans, as Leonardoseems to observe sourly in his drawing reworking Vitrivius, increase the body size up to eight and sometimes many more heads. It was the Greek canon established after the « Doryphore » of Polycletius, which settled the matter much earlier after many Egyptian inquiries on these matters. Leonardo, who wasn’t a fool, realized Vitruvius proportions (8 heads) are wrong, as can be seen by the two belly-buttons appearing in the famous man bounded by square and circle. Hence, the proportional « reduction » of the head was an easy trick to create the illusion of a stronger, more powerful musculature. That image of a biological man displaying « small head, big muscles » supposedly stood as the ultimate expression of Roman heroism. Foreknowledge of this arrangement permits the viewer to identify accurately what philosophy the painter is adhering to: Greek humanist or Roman oligarch? That Rubens chose Rome rather than Athens, leaves no doubt, as proven by his love for Seneca.
- « The holy Council states that it isn’t permitted to anybody, in any place or church, to install or let be installed an unusual image, unless it has been approved so by the bishop »; « finally any indecency shall be avoided, of that sort that the images will not be painted or possess ornaments of provoking beauty… » P. 1575-77, t. II-2, in G. Alberigo, « The ecumenical Councils », quoted by Alain Taton (p. 132) in « The Council of Trent », editions du CERF, Paris, 2000.
- p. 172, Simon Schama, in his magnificent Rembrandt’s eyes, Knopf, New York, 1999.
- For a more elaborate description of the tulip-bubble, Simon Schama, p. 471, « L’embarras de richesses, La culture hollandaise au Siècle d’Or », Gallimard, Paris, 1991.
- p. 117, Otto Sperling, Christian IV’s doctor, quoted by Marie-Anne Lescouret in her biography Pierre-Paul Rubens, J.C. Lattès, Paris, 1990.
- « Love your enemies », sermon of Martin Luther King, November 17, 1957, Dexter Avenue Baptist Church, Montgomery, Alabama. Quoted in Martin Luther King, Minuit, quelqu’un frappe à la porte, p.63, Bayard, Paris 1990.
- p. 87-88, Karel Vereycken, in The gaze from beyond, Fidelio, Vol. VIII, n°2, summer 1999.
- Johannes Vermeer of Delft was a close friend of Karel Fabritius, the most outstanding pupil of Rembrandt, who died at the age of thirty-four when the powderkeg of Delft exploded. Vermeer became the executor of his last will, a role generally reserved for the closest friend or relative. Anthonie van Leeuwenhoek, the inventor of the microscope and Leibnizcorrespondent, will become in turn the executor of Vermeer’s last will. That filiation does nothing more than prove the constant cross-fertilization of the artistic and scientific milieu. The Dutch « intimist » school, of which Vermeer is the most accomplished representative, is the most explicit expression of a « metaphysical » transcendence, transposed for political reasons, from the domain of religion, into the beauty of daily life scenes.
SELECTEDBIBLIOGRAPHY:
- Baudiquey, Paul, Le retour du prodigue, Editions Mame, 1995, Paris.
- Bély, Lucien, L’Europe des Traités de Westphalie, esprit de la diplomatie et diplomatie de l’esprit, Presses Universitaires de France, Paris, 2000.
- Callot, Jacques, etchings, Dover, New York, 1974.
- Castiglione, Baldassare, Le Livre du Courtisan, GF-Flammarion, 1991.
- Cauly, Olvier, Comenius, Editions du Félin, Paris, 1995.
- Clark, Kenneth, An introduction to Rembrandt, Readers Union, Devon, 1978.
- Comenius, La Grande Didactique, Editions Klincksieck, Paris, 1992.
- Denis, Marcelle, Comenius, Presses Universitaires de France, Paris 1994.
- Descargues, Pierre, Rembrandt, JC Lattès, 1990.
- Goethe Rembrandt, Tekeningen uit Weimar, Amsterdam University Press, 1999.
- Grimberg, Carl, Histoire Universelle, Marabout Université, Verviers, 1964.
- Haak, B., Rembrandt, zijn leven, zijn werk, zijn tijd, De Centaur, Amsterdam.
- Hobbes, Thomas, Le Citoyen ou les fondements de la politique, Garnier Flammarion, Paris, 1982.
- Jerlerup, Törbjorn, Sweden und der Westphalische Friede, Neue Solidarität, mai 2000.
- King, Martin Luther, Minuit, quelqu’un frappe à la porte, Bayard, Paris, 2000.
- Komensky, Jan Amos, Le labyrinthe du monde et le paradis du cœur, Desclée, Paris, 1991.
- Lescourret, Marie Anne, Pierre-Paul Rubens, JC Lattès, Paris, 1990.
- Marienfeld Barbara, Johann Amos Comenius : Die Kunst, alle Menschen alles zu lehren. Neue Solidarität.
- Rembrandt and his pupils, Nationalmuseum, Stockholm, 1993.
- Sénèque, Entretiens, Editions Bouquins, Paris, 1993.
- Schama Simon, Rembrandt’s Eyes, Knopf, New York 1999.
- Schama, Simon, L’embarras de richesses, La culture hollandaise au Siècle d’Or, Gallimard, 1991.
- Schiller, Friedrich, traduction de Regnier, Vol. 6, Histoire de la Guerre de Trente ans, Paris, 1860.
- Sutton, Peter C., Le Siècle de Rubens, Mercatorfonds, Albin Michel, Paris, 1994.
- Tallon, Alain, Le Concile de Trente, CERF, Paris, 2000.
- Tümpel, Christian, Rembrandt, Fonds Mercator-Albin Michel, 1986.
- Van Lil, Kira, La peinture du XVIIème siècle aux Pays-Bas, en Allemagne et en Angleterre, dans l’art du Baroque, Editions Köneman, 1998, Cologne.
How Jacques Cœur put an end to the Hundred Years’ War


has much to inspire us today.
Without waiting for the end of the Hundred Years’ War (1337-1453), Jacques Cœur, an intelligent and energetic man of whom no portrait or treatise exists, decided to rebuild a ruined, occupied and tattered France.
Not only a merchant, but also a banker, land developer, shipowner, industrialist and master of mines in Forez, Jacques Coeur was a contemporary of Joan of Arc (1412-1431), who lived in 1429 in Coeur’s native city of Bourges.

First and foremost, he entered into collaboration with some of the humanist popes of the Renaissance, patrons of the scientific genius Nicolaus Cusanus and the painter Piero della Francesca. With Europe threatened with implosion and chaos, their priority was to put an end to interminable warfare and unify Christendom.
Secondly, following in the footsteps of Saint-Louis (King Louis IX), Cœur was one of the first to fully assume France’s role as anaval power. Finally, thanks to an intelligent foreign exchange policy and by taking advantage of the maritime and overland Silk Roads of his time, he encouraged international trade. In Bruges, Lyon and Geneva, he traded silk and spices for cloth and herring, while investing in sericulture, shipbuilding, mining and steelmaking.
Paving the way for the reign of Louis XI, and long before Jean Bodin, Barthélémy de Laffemas, Sullyand Jean-Baptiste Colbert, his mercantilism heralded the political economy concepts later perfected by the German-American economist Friedrich List or the first American Secretary of the Treasury, Alexander Hamilton.
We will concentrate here on his vision of man and economy, leaving aside important subjects such as the trial against him, his relationship with Agnès Sorel and Louis XI, to which many books have been dedicated.

Jacques Cœur (1400-1454) was born in Bourges, where his father, Pierre Cœur, was a merchant pelletier. Of modest income, originating from Saint-Pourçain, he married the widow of a butcher, which greatly improved his status, as the butchers’ guild was particularly powerful.
The Hundred Years’ War

The early XVth century was not a particularly happy time. The « Hundred Years’ War » pitted the Armagnacs against the Burgundians allied with England. As with the great systemic bankruptcy of the papal bankers in 1347, farmland was plundered or left fallow.
While urbanization had thrived thanks to a productive rural world, the latter was deserted by farmers, who joined the hungry hordes populating towns lacking water, hygiene and the means to support themselves. Epidemics and plagues became the order of the day; cutthroats, skinners, twirlers and other brigands spread terror and made real economic life impossible.
Jacques Cœur was fifteen years old when one of the French army’s most bitter defeats took place in France. The battle of Agincourt (1415) (Pas-de-Calais), where French chivalry was routed by outnumbered English soldiers, marked the end of the age of chivalry and the beginning of the supremacy of ranged weapons (bows, crossbows, early firearms, etc.) over melee (hand-to-hand combat). A large part of the aristocracy was decimated, and an essential part of the territory fell to the English. (see map)
King Charles VII

In 1418, the Dauphin, the future Charles VII (1403-1461), as he is known thanks to a painting by the painter Jean Fouquet, escaped capture when Paris was taken by the Burgundians. He took refuge in Bourges, where he proclaimed himself regent of the kingdom of France, given the unavailability of his insane father (King Charles VI), who had remained in Paris and fallen to the power of John the Fearless, Duke of Burgundy.
The dauphin probably instigated the latter’s assassination on the Montereau bridge on September 10, 1419. By his ennemies, he was derisively nicknamed « the little King of Bourges ». The presence of the Court gave the city a boost as a center of trade and commerce.
Considered one of the most industrious and ingenious of men, Jacques Coeur married in 1420 Macée de Léodepart, daughter of a former valet to the Duke of Berry, who had become provost of Bourges.
As his mother-in-law was the daughter of a master of the mints, Jacques Coeur’s marriage in 1427 left him, along with two partners, in charge of one of the city’s twelve exchange offices. His position gave rise to much jealousy. After being accused of not respecting the quantity of precious metal contained in the coins he produced, he was arrested and sentenced in 1428, but soon benefited from a royal pardon.
Yolande d’Aragon

Although the Treaty of Troyes (1420) disinherited the dauphin from the kingdom of France in favor of a younger member of the House of Plantagenets, Charles VII nonetheless proclaimed himself King of France on his father’s death on October 21, 1422.
The de facto leader of the Armagnac party, retreating south of the Loire, saw his legitimacy and military situation considerably improved thanks to the intervention of Joan of Arc (1412-1431), operating under the benevolent protection of an exceptional world-historic person: the dauphin’s mother-in-law Yolande of Aragon (1384-1442),Duchess of Anjou, Queen of Sicily and Naples (Note 1).
Backed and guided by Yolande, Jeanne helped lift the siege of Orléans and had Charles VII crowned King of France in Reims in July 1429. In the mean time Yolande d’Aragon established contacts with the Burgundians in preparation for peace, and picked Jacques Coeur to be part of the Royal Court (Note 2).
The contemporary chronicler Jean Juvenal des Ursins (1433–44), Bishop of Beauvais described Yolande as « the prettiest woman in the kingdom. » Bourdigné, chronicler of the house of Anjou, says of her: « She who was said to be the wisest and most beautiful princess in Christendom. »Later, King Louis XI of France recalled that his grandmother had « a man’s heart in a woman’s body. »
A twentieth-century French author, Jehanne d’Orliac wrote one of the few works specifically on Yolande, and noted that the duchess remains unappreciated for her genius and influence in the reign of Charles VII. « She is mentioned in passing because she is the pivot of all important events for forty-two years in France », while « Joan [of Arc] was in the public eye only eleven months. »
Journey to the Levant

In 1430, Jacques Cœur, already renowned as a man « full of industry and high gear, subtle in understanding and high in comprehension; and all things, no matter how high, knowing how to lead by his work » (Note N° 3), with Barthélémy and Pierre Godard, two Bourges notables, set up,
« a company for all types of merchandise, especially for the King our lord, my lord the Dauphin and other lords, and for all other things for which they could provide proof ».
In 1431, Joan of Arc was handed over to the English by the Burgundians and burned alive at the stake in Rouen. One year later, in 1432, Jacques Cœur went to the Levant. A diplomat and humanist, Cœur went as an observer of customs as well as economic and political life.
His ship coasted from port to port, skirting the Italian coast as closely as possible, before rounding Sicily and arriving in Alexandria, Egypt. At the time, Alexandria was an imposing city of 70,000 inhabitants, bustling with thousands of Syrian, Cypriot, Genoese, Florentine and Venetian ships.

In Cairo, he discovered treasures arriving from China, Africa and India via the Red Sea. Around the Sultan’s Palace, Armenian, Georgian, Greek, Ethiopian and Nubian merchants offered precious stones, perfumes, silks and carpets. The banks of the Nile were planted with sugar cane and the warehouses full of sugar and spices.
Selling Silver at the Price of Gold

To understand Jacques Coeur’s financial strategy, a few words about bimetallism. At the time, unlike in China, paper money was not widely used. In the West, everything was paid for in metal coins, and above all in gold.
According to Herodotus, Croesus issued silver and pure gold coins in the 6th century BC. Under the Roman Empire, this practice continued. However, while gold was scarce in the West, silver-lead mines were flourishing.
Added to this, in the Middle Ages, Europe saw a considerable increase in the quantities of silver coinage in circulation, thanks to new mines discovered in Bohemia. The problem was that in France, national production was not sufficient to satisfy the needs of the domestic market. As a result, France was obliged to use its gold to buy what was lacking abroad, thus driving gold out of the country.
According to historians, during his trip to Egypt, Coeur observed that the women there dressed in the finest linens and wore shoes adorned with pearls or gold jewels. What’s more, they loved what was fashionable elsewhere, especially in Europe. Coeur was also aware of the existence of poorly exploited silver and copper mines in the Lyonnais region and elsewhere in France.
Historian George Bordonove, in his book Jacques Coeur, trésorier de Charles VII (Jacques Coeur, treasurer of Charles VII), reckons that Coeur was quick to note that the Egyptians « strangely preferred silver to gold, bartering silver for equal weight ». whereas in Europe, the exchange rate was 15 volumes of silver for one volume of gold !
In other words, he realized that the region « abounded in gold », and that the price of silver was very advantageous. The opportunity to enrich his country by obtaining a « golden » price for the silver and copper extracted from the French mines must have seemed obvious to him
What’s more, in China, only payments in silver were accepted. In other words, the Arab-Muslim world had gold, but lacked silver for its trade with the Far East, hence its huge interest in acquiring it from Europe…
Lebanon, Syria and Cyprus

Cœur then travels via Beirut to Damascus in Syria, at the time by far the biggest center of trade between East and West.
The city is renowned for its silkdamasks, light gauze veils, jams and rose essences. Oriental fabrics were very popular for luxury garments.
Europe was supplied with silkand gold muslin from Mosul, damasks with woven motifs from Persia or Damascus, silks decorated with baldacchino figures, sheets with red or black backgrounds adorned with blue and gold birds from Antioch, and so on.
The « Silk Road » also brought Persian carpets and ceramics from Asia. The journey continues to another of the Silk Roads’ great maritime warehouses: Cyprus, an island whose copper had offered exceptional prosperity to the Minoan, Mycenaean and Phoenician civilizations.
The best of the West was bartered here for indigo, silk and spices.
Genoa and Venice

During his voyage, Coeur also discovered the maritime empires of Venice and Genoa, each enjoying the protection of a Vatican dependent on these financial powers.
The former, to justify their lucrative trade with the Muslims, claimed that « before being Christian », they were Venetians…
Like the British Empire, the Venetians promoted total free trade to subjugate their victims, while applying fierce dirigisme at home and prohibitive taxes to others. Any artist or person divulging Venetian know-how suffered terrible consequences.
Venice, outpost of the Byzantine Empire and supplier to the Court of Constantinople, a city of several million inhabitants, developed fabric dyeing, manufactured silks, velvets, glassware and leather goods, not to mention weapons. Its arsenal employs 16,000 workers.

Its rival, Genoa, with its highly skilled sailors and cutting-edge financial techniques, had colonized the Bosphorus and the Black Sea, from where treasures from Persia and Muscovy flowed. They also shamelessly engaged in the slave trade, a practice they would pass on to the Spanish and especially the Portuguese, who held a monopoly on trade with Africa.
Avoiding direct confrontation with such powers, Cœur kept a low profile. The difficulty was threefold: following the war, France was short of everything! It had no cash, no production, no weapons, no ships, no infrastructure!
So much so, in fact, that Europe’s main trade route had shifted eastwards. Instead of taking the route of the Rhône and Saône rivers, merchants passed through Geneva, and up the Rhine to Antwerp and Bruges. Another difficulty was soon added: a royal decree prohibited the export of precious metals! But what immense profits the Kingdom could draw from the operation.
The Oecumenial Councils

On his return from the Levant, France’s history accelerated. While preparing the economic reforms he wanted, Jacques Cœur also became involved in the major issues of the day. Through his brother Nicolas Cœur, the future bishop of Luçon, he played an important role in the process initiated by the humanists to unify the Western Church in the face of the Turkish threat.
Since 1378, there had been two popes, one in Rome and the other in Avignon. Several councils attempted to overcome the divisions. Nicolas Cœur attended them. First there was the Council of Constance (1414 to 1448), followed by the Council of Basel (1431), which, after a number of interruptions, was transferred to Florence (1439), establishing a doctrinal « union » between the Eastern and Western churches with a decree read out in Greek and Latin on July 6, 1439, in the cathedral of Santa Maria del Fiore, i.e. under the dome of Florence’s dome, built by Brunelleschi.

The central panel of the Ghent polyptych (1432), painted by the diplomatic painter Jan Van Eyck on the theme of the Lam Gods (the Lamb of God or Mystic Lamb), symbolizes the sacrifice of the Son of God for the redemption of mankind, and is capable of reuniting a church torn apart by internal differences. Hence the presence, on the right, of the three popes, here united before the Lamb. Van Eyck also painted portraits of Cardinal Niccolo Albergati, one of the instigators of the Council of Florence, and Chancellor Rolin, one of the architects of the Peace of Arras in 1435.
The Peace treaty of Arras

To achieve this, the humanists concentrated on France. First, they were to awaken Charles VII. After the victories won by Joan of Arc, wasn’t it time to win back the territories lost to the English?
However, Charles VII knew that peace with the English depended on reconciliation with the Burgundians. He therefore entered into negotiations with Philip the Good, Duke of Burgundy.
The latter no longer expected anything from the English, and wished to devote himself to the development of his provinces. For him, peace with France was a necessity. He therefore agreed to treat with Charles VII, paving the way for the Arras Conference in 1435.
This was the first European peace conference. In addition to the Kingdom of France, whose delegation was led by the Duke of Bourbon, Marshal de La Fayette and Constable Arthur de Richemont, and Burgundy, led by the Duke of Burgundy himself and Chancellor Rolin, it brought together Emperor Sigismund of Luxembourg, Mediator Amédée VIII of Savoy, an English delegation, and representatives of the kings of Poland, Castile and Aragon.
Although the English left the talks before the end, thanks to the skill of the scholar Aeneas Silvius Piccolomini, at that cardinal of Cyprus (and futur Pope Pius II) and spokesman for the Council of Basel, the signing of the Treaty of Arras in 1435 led to a peace agreement between the Armagnacs and the Burgundians, the first step towards ending the Hundred Years’ War.
In the meantime, the Council of Basel, which had opened in 1431, dragged on but came to nothing, and on September 18, 1437, Pope Eugene IV, advised by cardinal philosopher Nicolaus Cusanus and arguing the need to hold a council of union with the Orthodox, transferred the Council from Basel to Ferrara and then Florence. Only the schismatic prelates remained in Basel. Furious, they « suspended » Eugene IV and named the Duke of Savoy, Amédée VIII, Felix V, as the new pope. This « anti-pope » won little political support. Germany remained neutral, and in France, Charles VII confined himself to implementing many of the reforms decreed in Basel by the Pragmatic Sanction of Bourges on July 13, 1438.
King’s Treasurer and Great State Servant

In 1438, Cœur became Argentier de l’Hôtel du roi. L’Argenterie was not concerned with the kingdom’s finances. Rather, it was a sort of commissary responsible for meeting all the needs of the sovereign, his servants and the Court, for their daily lives, clothing, armament, armor, furs, fabrics, horses and so on.
Cœur was to supply the Court with everything that could neither be found nor manufactured at home, but which he could bring in from Alexandria, Damascus and Beirut, at the time major nodal points of the Silk Road by land and sea, where he set up his commercial agents, his « facteurs » (manufacturers).
Following this, in 1439, after having been appointed Master of the Mint of Bourges, Jacques Cœur became Master of the Mint in Paris, and finally, in 1439, the King’s moneyer. His role was to ensure the sovereign’s day-to-day expenses, which involved making advances to the Treasury and controlling the Court’s supply channels.
Then, in 1441, the King appointed him commissioner of the Languedoc States to levy taxes. Cœur often imposed taxes without ever undermining the productive reconstruction process. And in times of extreme difficulty, he would even lend money, at low, long-term rates, to those who had to pay it.
Ennobled, Coeur became the King’s strategic advisor in 1442. He acquired a plot of land in the center of Bourges to build his « grant’maison », currently the Palais Jacques Coeur. This magnificent edifice, with fireplaces in every room and an oven supplying the rest and bath room with hot water, has survived the centuries, although Coeur rarely had the occasion to live there.
Coeur is a true grand state servitor, with broad powers to collect taxes and negotiate political and economic agreements on behalf of the king. Having reached the top, Coeur is now in the ideal position to expand his long-cherished project.
Rule over Finance
On September 25, 1443, the Grande Ordonnance de Saumur, promulgated at Jacques Coeur’s instigation, put the state’s finances on a sounder footing.
As Claude Poulain recounts in his biography of Jacques Coeur:
« In 1444, after affirming the fundamental principle that the King alone had the right to levy taxes, but that his own finances should not be confused with those of the kingdom, a set of measures was enacted that affected the French at every level. »
These included: « Commoners owning noble fiefs were obliged to pay indemnities; nobles who had received seigneuries previously belonging to the royal domain would henceforth be obliged to share in the State’s expenses, on pain, once again, of seizure; finally, the kingdom’s financial services were organized, headed by a budget committee made up of high-ranking civil servants, ‘Messieurs des Finances’. »
In clear, the nobility was henceforth obliged to pay taxes for the Common Good of the Nation !
The King’s Council of 1444, headed by Dunois, was composed almost exclusively, not of noblement but of commoners (Jacques Coeur, Jean Bureau, Étienne Chevalier, Guillaume Cousinot, Jouvenel des Ursins, Guillaume d’Estouteville, Tancarville, Blainville, Beauvau and Marshal Machet). France recovered and enjoyed prosperity.
If France’s finances recovered, besides « taxing the rich », it was above all thanks to strategic investments in infrastructure, industry and trade. The revival of business activity enabled taxes to be brought in. In 1444, he set up the new Languedoc Parliament in conjunction with the Archbishop of Toulouse and, on behalf of the King, presided over the Estates General.
Master Plan

In reality, Jacques Cœur’s various operations, sometimes mistakenly considered to be motivated exclusively by his own personal greed, formed part of an overall plan that today we would describe as « connectivity » and at the service of the « physical economy ».
The aim was to equip the country and its territory, notably through a vast network of commercial agents operating both in France and abroad from the major trading cities of Europe (Geneva, Bruges, London, Antwerp, etc.), the Levant (Beirut and Damascus) and North Africa (Alexandria, Tunis, etc.), in order to promote win-win trade. ), to promote win-win trade, while reinvesting part of the profits in improving national productivity: mining, metallurgy, arms, shipbuilding, training, ports, roads, rivers, sericulture, textile spinning and dyeing, paper, etc.
Mining

Of special interest were the silver mines of Pampailly, in Brussieu, south of l’Arbresle and Tarare, 25 kilometers west of Lyon, acquired and exploited as early as 1388 by Hugues Jossard, a Lyonnais jurist. They were very old, but their normal operation had been severely disrupted during the war. In addition, there were the Saint-Pierre-la-Palud and Joux mines, as well as the Chessy mine, whose copper was also used for weapons production.
Jacques Cœur made them operational. Near the mines, « martinets » – charcoal-fired blast furnaces – transformed the ore into ingots. Cœur brought in engineers and skilled workers from Germany, at the time a region far ahead of us in this field. However, without a pumping system, mining was no picnic.
Under Jacques Cœur’s management, the workers benefited from wages and comforts that were absolutely unique at the time. Each bunk had its own feather bed or wool mattress, a pillow, two pairs of linen sheets and blankets, a luxury that was more than unusual at the time. The dormitories were heated.
High quality food was provided to the laborers: bread containing four-fifths wheat and one-fifth rye, plenty of meat, eggs, cheese and fish, and desserts included exotic fruits such as figs and walnuts. A social service was organized: free hospitalization, care provided by a surgeon from Lyon who kept accident victims « en cure ». Every Sunday, a local priest came to celebrate a special mass for the miners. On the other hand, workers were subject to draconian discipline, governed by fifty-three articles of regulation that left nothing to chance.
The Ports of Montpellier and Marseille

On his return from the Levant in 1432, Jacques Coeur chose to make Montpellier the nerve center of his port and naval operations.
In principle, Christians were forbidden to trade with Infidels. However, thanks to a bull issued by Pope Urban V (1362-1370), Montpellier had obtained the right to send « absolved ships » to the East every year. Jacques Cœur obtained from the Pope that this right be extended to all his ships. Pope Eugene IV, by derogation of August 26, 1445, granted him this benefit, a permission renewed in 1448 by Pope Nicholas V.

At the time, only Montpellier, in the middle of the east-west axis linking Catalonia to the Alps (the Roman Domitian Way) and whose outports were Lattes and Aigues-Mortes, had a hinterland with a network of roads that were more or less passable, an exceptional situation for the time.
In 1963, it was discovered that at the site of the village of Lattes (population 17,000), 4 km south of today’s Montpellier and on the River Lez, there had been an Etruscan port city called Lattara, considered by some to be the first port in Western Europe. The city was built in the last third of the VIth century BC. A city wall and stone and brick houses were built. Original objects and graffiti in Etruscan – the only ones known in France – have suggested that Etrurian brokers played a role in the creation and rapid urbanization of the settlement.

Trading with the Greeks and Romans, Lattara was a very active Gallic port until the 3rd century AD. Then maritime access changed, and the town fell into a state of numbness.
In the 13th century, under the impetus of the Guilhem family, lords of Montpellier, the port of Lattes was revitalized, only to regain its splendor when Jacques Cœur set up his warehouses there in the 15th century.
As for the port of Aigues-Mortes, built from top to bottom by Saint-Louis in the XIIIth century for the crusades, it was also one of the first in France. To connect the two, Saint-Louis dug the canal known as « Canal de la Radelle » (today’s Canal de Lunel), which ran from Aigues-Mortes across the Lake of Mauguio to the port of Lattes. Cœur restored this river-port complex to working order, notably by building Port Ariane in Lattes.

Over the following centuries, these disparate elements of canals and water infrastructure will become an efficient network built around the Canal du Rhône à Sète, a natural extension of the « bi-oceanic » Canal du Midi (between the Meditteranean and the Atlantic) begun by Jean-Baptiste Colbert (see map).
Coeur had the local authorities involved in his project, shaking Montpellier out of its age-old lethargy. At the time, the town had no market or covered sales buildings. Also lacking were moneychangers, shipowners and other cloth merchants.

In Montpellier, an entire district of merchants and warehouses was erected him, the Great Merchants Lodge, modeled on those in Perpignan, Barcelona and Valencia.
Numerous houses in Béziers, Vias and Pézenas also belonged to him, as did residences in Montpellier, including the Hôtel des Trésoriers de France, which, it is said, was topped by a tower so high that Jacques Cœur could watch his ships arrive at the nearby Port of Lattes.
And yet, as an old merchant and industrial city, Montpellier had long been home to Italians, Catalans, Muslims and Jews, who enjoyed a tolerance and understanding that was rare at the time. It’s easy to see why François Rabelais felt so at home here in the XVIth century.
Port of Marseille

The hinterland was rich and industrious. It produced wine and olive oil, in other words, exportable goods. Its workshops produced leather, knives, weapons, enamels and, above all, drapery.
From 1448 onwards, faced with the limitations of the system and the constant silting-up of the port infrastructure, Coeur moved one of his agents, the navigator and diplomat Jean de Villages, his nephew by marriage, to the neighboring port of Marseille, at that time outside the Kingdom, to the home of King René d’Anjou, where port operations were easier, a deep harbor protected from the Mistral by hills and a port equipped with waterfront shops and storehouses. The boost that Jacques Coeur gave to Montpellier’s port Lattes, Jean de Villages, on Coeur’s behalf, immediately gave to Marseille.
Shipbuilding

Good ports mean ocean-going ships! Hence at that time, the best France could do was build a few river barges and fishing boats.
To equip himself with a fleet of ocean-going vessels, Cœur ordered a « galéasse » (an advanced model of the ancient three-masted « galley », designed primarily for boarding) from the Genoa arsenals.
The Genoese, who saw only immediate profit in the project, soon discovered that Coeur had had the shapes and dimensions of their ship copied by local carpenters in Aigues Mortes!
Furious, they landed at the shipyard and took it back, arguing that Languedoc merchants had no right to fit out ships and trade without the prior approval of the Doge of Venice!

Stained glass window of a ship (a caraque) in the Palais de Jacques Cœur in Bourges.
After complicated negotiations, but with the support of Charles VII, Coeur got his ship back. Cœur let the storm pass for a few years. Later, seven great ships would leave the Aigues-Mortes shipyard, including « La Madeleine » under the command of Jean de Villages, a great sailor and his loyal lieutenant.
Judging by the stained-glass window and bas-relief in the Palais de Coeur in Bourges, these were more like caraques, North Sea vessels with large square sails and much greater tonnage than galleasses. But that’s not all!
Having understood perfectly well that the quality of a ship depends on the quality of the wood with which it is built, Cœur, with the authorization of the Duke of Savoy, had his wood shipped from Seyssel. The logs were floated down the Rhône, then sent to Aigues-Mortes via the canal linking the town to the river.
The crews
One last problem remained to be solved: that of crews. Jacques Cœur’s solution was revolutionary: on January 22, 1443, he obtained permission from Charles VII to forcibly embark, in return for fair wages, the « idle vagabonds and caimans » who prowled the ports.
To understand just how beneficial such an institution was at the time, we need to remember that France was being laid to waste by bands of plunderers – the routiers, the écorcheurs, the retondeurs – thrown into the country by the Hundred Years’ War. As always, Coeur behaves not only according to his own personal interests, but according to the general interests of France.
Connecting France to the Silk Road

Now with financial clout, ports and ships at his disposal, Cœur organized win-win commercial exchanges and, in his own way, involved France in the land and Maritime Silk Road of the time. First and foremost, he organized « détente, understanding and cooperation » with the countries of the Levant.
After diplomatic incidents with the Venetians had led the Sultan of Egypt to confiscate their goods and close his country to their trade, Jacques Coeur, a gentleman but also in charge of a Kingdom that remained dependent on Genoa and Venice for their supplies of arms and strategic raw materials, had his agents on site mediating a happy end to the incident.
Seeing other potential conflicts that could disrupt his strategy, and possibly inspired by Admiral Zheng He‘s great Chinese diplomatic missions to Africa from 1405 onwards, he convinced the king to send an ambassador to Cairo in the person of Jean de Villages, his loyal lieutenant.
The latter handed over to the Sultan the various letters he had brought with him. Flattered, the Sultan handed him a reply to King Charles VII:
« Your ambassador, man of honor, gentleman, whom you name Jean de Villages, came to mine Porte Sainte, and presented me your letters with the present you mandated, and I received it, and what you wrote me that you want from me, I did.
« Thus I have made a peace with all the merchants for all my countries and ports of the navy, as your ambassador knew to ask of me… And I command all the lords of my lands, and especially the lord of Alexandria, that he make good company with all the merchants of your land, and on all the others having liberty in my country, and that they be given honor and pleasure; and when the consul of your country has come, he will be in favor of the other consuls well high…
« I send you, by the said ambassador, a present, namely fine balsam from our holy vine, a beautiful leopard and three bowls (cups) of Chinese porcelain, two large dishes of decorated porcelain, two porcelain bouquets, a hand-washer, a decorated porcelain pantry, a bowl of fine green ginger, a bowl of almond stones, a bowl of green pepper, almonds and fifty pounds of our fine bamouquet (fine balsam), a quintal of fine sugar. Dieu te mène à bon sauvement, Charles, Roy de France. »

To the Orient, Coeur exported furs, leathers and, above all, cloth of all kinds, notably Flanders cloth and Lyon canvas. His « factors » also offered Egyptian women dresses, coats, headdresses, ornaments and jewels from our workshops. Then came basketry from Montpellier, oil, wax, honey and flowers from Spain for the manufacture of perfumes.
From the Near East, he received animal-figured silksfrom Damascus (Syria), fabrics from Bukhara (Uzbekistan) and Baghdad (Iraq); velvet; wines from the islands; cane sugar; precious metals; alum; amber; coral; indigo; coral; indigo from Baghdad; madder from Egypt; shellac; perfumes made from the essence of the flowers he exported; spices – pepper, ginger, cloves, cinnamon, jams, nutmegs, etc. – and more.
From the Far East, by the Red Sea or by caravans from the Euphrates and Turkestan, came to him: gold from Sudan, cinnamon from Madagascar, ivory from Africa, silks from India, carpets from Persia, perfumes from Arabia – later evoked by Shakespeare in Macbeth – precious stones from India and Central Asia, lapis lazuli from Afghanistan, pearls from Ceylon, porcelain and musk from China, ostrich feathers from the black Sudan.
Manufactures
As we saw in the case of mining, Coeur had no hesitation in attracting foreigners with valuable know-how to France to launch projects, implement innovative processes and, above all, train personnel. In Bourges, he teamed up with the Balsarin brothers and Gasparin de Très, gunsmiths originally from Milan. After convincing them to leave Italy, he set up workshops in Bourges, enabling them to train a skilled workforce. To this day, the Bourges region remains a major center of arms production.
In the early days of printing in Europe, Coeur bought a paper mill in Rochetaillée, on the Saône near Lyon.

In Montpellier, he took an interest in the dyeing factories, once renowned for their cultivation of madder, a plant that had become acclimatized in the Languedoc region.
It’s easy to understand why Cœur had his agents buy indigo, kermes seeds and other coloring substances. The aim was to revive the manufacture of cloth, particularly scarlet cloth, which had previously been highly sought-after.
With this in mind, he built a fountain, the Font Putanelle, near the city walls, to serve the population and the dyers.
In Montpellier, he also teamed up with Florentine charterers based in the city, for maritime expeditions.
Through their intermediary, Coeur personally traveled to Florence in 1444, registering both his associate Guillaume de Varye and his own son Ravandas members of the « Arte della Seta » (silk production corporation), the prestigious Florentine guild whose members were the only ones authorized to produce silk in Florence.
Coeur engaged in joint ventures, as he often did in France, this time with Niccolo Bonnacorso and the Marini brothers (Zanubi and Guglielmo). The factory, in which he owned half the shares, manufactured, organized and controlled the production, spinning, weaving and dyeing of silk fabrics.
It is understood that Coeur was also co-owner of a gold cloth factory in Florence, and associated in certain businesses with the Medici, Bardi and Bucelli bankers and merchants. He was also associated with the Genevese and Bruges families.
Going International

Jacques Coeur organized a vast distribution network to sell his goods in France and throughout Europe. At a time when passable roads were extremely rare, this was no easy task. Most roads were little more than widened paths or poorly functioning tracks dating back to the Gauls.
Cœur, who had his own stables for land transport, renovated and expanded the network, abolished internal tolls on roads and rivers, and re-established the collection (abandoned during the Hundred Years’ War) of taxes (taille, fouage, gabelle) to replenish public finances.
Jacques Cœur’s network was essentially run from Bourges. From there, on the French level, we could speak of three major axes: the north-south being Bruges-Montpellier, the east-west being Lyon-Tours. Added to this was the old Roman road linking Spain (Barcelona) to the Alps (Briançon) via Languedoc.
From Bourges, for example, the Silverware, which served the Court, was transferred to Tours. This was only natural, since from 1444 onwards, Charles VII settled in a small castle near Tours, Plessis-les-Tours. So it was at the Argenterie de Tours that the exotic products the Court was so fond of were stocked. This did not prevent the goods from being shipped on to Bruges, Rouen or other towns in the kingdom.
Counters also existed in Orléans, Loches, Le Mans, Nevers, Issoudun and Saint-Pourçain, birthplace of the Coeur family, as well as in Fangeaux, Carcassonne, Toulouse, Bordeaux, Limoges, Thouars, Saumur, Angers and Paris.
Orléans and Bourges stocked salt from Guérande, the Vendée marshes and the Roche region. In Lyon, salt from the Camargue and Languedoc saltworks. River transport (on the Loire, Rhône, Saône and Seine rivers) doubled the number of road carts.

Jacques Coeur revived and promoted trade fairs. Lyon, with its rapid growth, geographic location and proximity to silver-lead and copper mines, was a particularly active trading post. Goods were shipped to Geneva, Germany and Flanders.
Montpellier received products from the Levant. However, trading posts were set up all along the coast, from Collioure (then in Catalonia) to Marseille (at the home of King René d’Anjou), and inland as far as Toulouse, and along the Rhône, in particular at Avignon and Beaucaire.
A trading post was set up in La Rochelle for the salt trade, certainly with a view to expanding maritime traffic. Jacques Cœur also had « factors » in Saint-Malo, Cherbourg and Harfleur. After the liberation of Normandy, these three centers grew in importance, and were joined by Exmes. In the north-east, Reims and Troyes are worth mentioning. They manufactured cloth and canvas. Abroad, Geneva was a first-rate trading post, as the city’s fairs and markets had already acquired an international character.
Coeur also had a branch in Bruges, bringing back spices and silks from the Levant, and shipping cloth and herring from there.

The fortunes of Bruges, like many other towns in Flanders, came from the cloth industry. The city flourished, and the power of its cloth merchants was considerable. In the 15th century, Bruges was one of the lungs of the Hanseatic League, which brought together the port cities of northern Europe.


It was in Bruges that business relations were handled, and loan and marine insurance contracts drawn up. After cloth, it was the luxury industries that ensured its prosperity, with tapestries. By land, it took less than three weeks to get from Bruges to Montpellier via Paris.
Between 1444 and 1449, during the Truce of Tours between France and the English, Jacques Coeur tried to build peace by forging trade links with England.
Coeur sent his representative Guillaume de Mazoran. His other trusted associate, Guillaume de Varye, began trading in sheets from London in February 1449. He also bought leather, cloth and wool in Scotland. Some went to La Rochelle, others to Bruges.
Internationally, Coeur continued to expand, with branches in Barcelona, Naples, Genoa (where a pro-French party was formed) and Florence.
At the time of his arrest in 1451, Jacques Coeur had at least 300 « factors » (associates, commercial agents, financial representatives and authorized agents), each responsible for his own trading post in his own region, but also running « factories » on the spot, promoting meetings and exchanges of know-how between all those involved in economic life. Several thousand people associated and cooperated with him in business.
The Military Reform that saved the Nation

Cœur used the profits from this lucrative business to serve his country. When in 1449, at the end of the truce, the English troops were left to their own devices, surviving by pillaging the areas they occupied, Agnès Sorel, the king’s mistress, Pierre de Brézé, the military leader, and Jacques Cœur, encouraged the king to launch a military offensive to finally liberate the whole country.
Coeur declared bluntly:
« Sire, under your shadow, I acknowledge that I have great proufis and honors, and mesme, in the land of the Infidels, for, for your honor, the souldan has given me safe-conduct to my galleys and factors… Sire, what I have, is yours. »
We’re no longer in 1435, when the king didn’t have a kopeck to face strategic challenges. Jacques Coeur, unlike other great lords, according to a contemporary account,
« spontaneously offered to lend the king a mass of gold, and provided him with a sum amounting, it is said, to around 100,000 gold ecus to use for this great and necessary purpose ».
Under the advice of Jacques Coeur and others, Charles VII was to carry out a decisive military reform.
On November 2, 1439, at the Estates General that had been meeting in Orleans since October of that year, Charles VII ordered a reform of the army following the Estates General’s complaint about the skinners and their actions.
As Charles V (the Wise) had tried to do before him, he set up a system of standing armies that would engage these flayers full-time against the English. The nobility got in the king’s way. In fact, they often used companies of skinners for their own interests, and refused to allow the king alone to be responsible for recruiting the army.
In February 1440, the king discovered that the nobles were plotting against him. Contemporaries named this revolt the Praguerie, in reference to the civil wars in Prague’s Hussite Bohemia.
Yolande d’Aragon passed away in November 1442, but Jacques Coeur would continue pressuring the King to go ahead with the required reforms.
Following the Truce of Tours in 1444, an ordinance was issued on May 26 announcing no general demobilization should occur; instead, the best of the larger units were reconstituted as “companies of the King’s ordinance » (Compagnies d’Ordonnance),” which were standing units of cavalry well selected and well equipped; they served as local guardians of peace at local expense. This consisted of some 10,000 men organized into 15 Ordonnance companies, entrusted to proven captains. These companies were subdivided into detachments of ten to thirty lances, which were assigned to garrisons to protect the towns’ inhabitants and patrol the countryside. In a territory similarly patrolled by the forerunners of our modern gendarmerie, robbery and plunder quickly ceased.

Although still a product of the nobility, this new military formation was the first standing army at the disposal of the King of France. Previously, when the king wished to wage war, he called upon his vassals according to the feudal custom of the ban. But his vassals were only obliged to serve him for forty days. If he wished to continue the war, the king had to recruit companies of mercenaries, a plague against which Machiavelli would later warn his readers. When the war ended, the mercenaries were dismissed. They then set about plundering the country. This is what happened at the start of the Hundred Years’ War, after the victories of Charles V and Du Guesclin.
Then, with the Ordinance of April 8, 1448, the Francs-Archers corps was created. The model for the royal « francs archiers » was probably taken from the militia of archers that the Dukes of Brittany had been raising, by parish, since 1425.
The Ordinance stipulated that each parish or group of fifty or eighty households had to arm, at its own expense, a man equipped with bow or crossbow, sword, dagger, jaque and salad, who had to train every Sunday in archery. In peacetime, he stays at home and receives no pay, but in wartime, he is mobilized and receives 4 francs a month. The Francs-Archers thus formed a military reserve unit with a truly national character.
As writes the Encyclopedia Brittanica:
« With the creation of the “free archers” (1448), a militia of foot soldiers, the new standing army was complete. Making use of a newly effective artillery, its companies firmly in the king’s control, supported by the people in money and spirit, France rid itself of brigands and Englishmen alike. »
At the same time, artillery grandmaster Gaspard Bureau and his brother Jean(Note N° 4) developed artillery, with bronze cannons capable of firing cast-iron cannonballs, lighter hand cannons, the ancestors of the rifle, and very long cannons or couleuvrines that could be dragged on wagons and taken to the battlefield.
As a result, when the time came to go on the offensive, the army went into battle. From all over the country, the Francs-Archers, made up of commoners trained in every region of France rather than nobles, began to converge on the north.
The war was on, and this time, « the gale changed sides ». The merciless French army, armed to the highest standards, pushed its opponents to the limit. This was particularly true at the Battle of Formigny near Bayeux, on April 15, 1450. It was a kind of Azincourt in reverse, with English losses amounting to 80% of the forces engaged, with 4,000 killed and 1,500 taken prisoner. At last, towns and strongholds returned to the Kingdom!
Helping a Humanist Pope
As mentioned above, the Council of Basel had ended in discord. On the one hand, with the support of Charles VII and Jacques Coeur, Eugene IV was elected Pope in Rome in 1431. On the other, in Basel, an assembly of prelates meeting in council sought to impose themselves as the sole legitimate authority to lead Christendom. In 1439, the Council declared Eugene IV deposed and appointed « his » own pope: the Duke of Savoy, Amédée VIII, who had abdicated and retired to a monastery. He became pope under the name of Felix V.
His election was based solely on the support of theologians and doctors of the universities, but without the support of a large number of prelates and cardinals.
In 1447, King Charles VII commissioned Jacques Coeur to intervene for Eugene IV’s return and Felix V’s renunciation. With a delegation, he went to Lausanne to meet Felix V. While the talks were going well, Eugene IV died. As Felix V saw no further obstacles to his pontificate, the Pontifical Council in Rome quickly proceeded to elect a new pope, the humanist scholar Nicholas V (Tommaso Parentucelli).
To make France’s case to him, Charles VII sent Jacques Coeur at the head of a large delegation. Before entering the Eternal City, the French formed a procession.
The parade was sumptuous: more than 300 horsemen, dressed in bright, shimmering colors, bearing weapons and glittering jewels, mounted on richly caparisoned horses, dazzled and impressed the whole of Rome, except for the English, who saw themselves doubled by the French to serve the Pope’s mission.
From the very first meeting, Nicholas V was charmed by Jacques Coeur. Slightly ill, Coeur was treated by the pope’s physician. Thanks to information obtained from the Pontiff, notably on the limits of concessions to be made, Coeur’s delegation subsequently obtained the withdrawal of Felix V, with whom Coeur remained on good terms.

Nicholas V, it should be remembered, was a happy exception. Nicknamed the « humanist pope », he knew Leonardo Bruni (Note N° 5), Niccolò Niccoli (Note N° 6) and Ambrogio Traversari (Note N° 7) in Florence, in the entourage of Cosimo de’ Medici.
With the latter and Eugenio IV, whose right-hand man he was, Nicholas V was one of the architects of the famous Council of Florence, which sealed a « doctrinal union » between the Western and Eastern Churches. (Note N° 8)
Elected pope, Nicholas V considerably increased the size of the Vatican Library. By the time of his death, the library contained over 16,000 volumes, more than any other princely library.
He welcomed the erudite humanist Lorenzo Valla to his court as apostolic notary. Under his patronage, the works of Herodotus, Thucydides, Polybius and Archimedes were reintroduced to Western Europe. One of his protégés, Enoch d’Ascoli, discovered a complete manuscript of Tacitus’ Opera minora in a German monastery.
In addition to these, he called to his court a whole series of scholars and humanists: the scholar and former chancellor of Florence Poggio Bracciolini, the Hellenist Gianozzo Manetti, the architect Leon Battista Alberti, the diplomat Pier Candido Decembrio, the Hellenist Giovanni Aurispa, the cardinal-philosopher Nicolas de Cues, founder of modern science, and Giovanni Aurispa, the first to translate Plato’s complete works from Greek into Latin.
Nicholas V also made gestures to his powerful neighbors: at the request of King Charles VII, Joan of Arc was rehabilitated.
Later, when he sought refuge in Rome, Jacques Coeur was received by Nicholas V as if he was a member of his family.
The Coup d’Etat against Jacques Coeur
Jacques Coeur’s adventurous life ended as if in a cloak-and-dagger novel. On July 31, 1451, Charles VII ordered his arrest and seized his possessions, from which he drew one hundred thousand ecus to wage war.
The result was one of the most scandalous trials in French history. The only reason for the trial was political. The hatred of the courtiers, especially the nobles, had built up. By making each of them a debtor, Coeur, believing he had made allies of them, made terrible enemies. By launching a number of national products, he undermined the financial empires of Genoa, Venice and Florence, which eternally sought to enrich themselves by exporting their products, notably silk, to France.
One of the most relentless, Otto Castellani, a Florentine merchant, treasurer of finances in Toulouse but based in Montpellier, and one of the accusers whom Charles VII appointed as commissioner to prosecute Jacques Coeur, practiced black magic and pierced a wax figure of the silversmith with needles!
Lastly, Charles VII undoubtedly feared collusion between Jacques Coeur and his own son, the Dauphin Louis, future Louis XI, who was stirring up intrigue after intrigue against him.
In 1447, following an altercation with Agnès Sorel, the Dauphin had been expelled from the Court by his father and would never see him again. Jacques Cœur lent money to the Dauphin, with whom he kept in touch through Charles Astars, who looked after the accounts of his mines.
« Trade with infidels », « Lèse majesté », « export of metals », and many other pretexts, the reasons put forward for Jacques Coeur’s trial and conviction are of little interest. They are no more than judicial window-dressing. The proceedings began with a denunciation that was almost immediately found to be slanderous.

A certain Jeanne de Mortagne accused Jacques Coeur of having poisoned Agnès Sorel, the king’s mistress and favorite, who died on February 9, 1450. This accusation was implausible and devoid of any serious foundation; for, having placed all her trust in Jacques Coeur, she had just appointed him as one of her three executors.
Coeur is imprisoned for a dozen equally questionable reasons. When he refused to admit what he was accused of, he was threatened with « the question » (torture). Confronted by the executioners, the accused, trembling with fear, claims that he « relies » on the words of the commissioners charged with breaking him.

His condemnation came on the same day as the fall of Constantinople, May 29, 1453. Only the intervention of Pope Nicholas V saved his life. With the help of his friends, he escaped from his prison in Poitiers, and took the route of the convents, including Beaucaire, to Marseille for Rome.
Pope Nicholas V welcomed him as a friend. The pontiff died and was succeeded by his successor. Jacques Cœur chartered a fleet in the name of his illustrious host, and set off to fight the infidels. Jacques Coeur, we are told, died on November 25, 1456 on the island of Chios, a Genoese possession, during a naval battle with the Turks.
The great King Louis XI, unloved son of Charles VII, as evidenced by his ordinances in favor of the productive economy, would continue the recovery of France begun by Jacques Coeur. Many of Coeur’s collaborators soon entered his service, including his son Geoffroy, who, as cupbearer, became Louis XI’s most trusted confidant.
Charles VII, by letters patent dated August 5, 1457, restored to Ravant and Geoffroy Coeur a small portion of their father’s property. It was only under Louis XI that Geoffroy obtained the rehabilitation of his father’s memory and more complete letters of restitution.
NOTES:
- During the five years between Joan of Arc’s first appearances and her departure for Chinon, several people attached to the Court stayed in Lorraine, including René d’Anjou, the youngest son of Yolande d’Aragon. While Charles VII remained undecided, his mother-in-law welcomed La Pucelle with maternal solicitude, opening doors for her and lobbying the king until he deigned to receive her. During the Poitiers trial, when Jeanne’s virginity had to be verified, she presided over the council of matrons in charge of the examination. She also provided financial support, helped her gather her equipment, provided safe stopping points on the road to Orléans, and gathered food and relief supplies for the besieged. To this end, she did not hesitate to open her purse wide, even going so far as to sell her jewelry and golden tableware. Yolande’s support was rewarded on April 30, 1429 with the liberation of Orléans, followed on July 17 by the King’s coronation in Reims. Although many of her contemporaries praised her simplicity, her closeness to her subjects and the warmth of her court, Yolande d’Aragon was a stateswoman. And whatever sympathy she may have felt for her protégée, she would not hesitate to abandon her to her sad fate when her warlike impulses no longer accorded with her own political objectives : to negociate a peaceful alliance with the Duchy of Burgundy. The Duchess knew how to be implacable, and like her comrades-in-arms, the Church and the King himself, she abandoned La Pucelle to the English, to Cauchon, to her trial and to the stake. For more: Gérard de Senneville, Yolande d’Aragon : La reine qui a gagné la guerre de Cent Ans, Editions Perrin)
- Georges Bordonove, Jacques Coeur, trésorier de Charles VII, p. 90, Editions Pygmalion, 1977).
- Description given by the great chronicler of the Dukes of Burgundy, Georges Chastellain (1405-1475), in Remontrances à la reine d’Angleterre.
- Jean Bureau was Charles VII’s grand master of artillery. On the occasion of his coronation in 1461, Louis XI knighted him and made him a member of the King’s Council. Louis XI stayed at Jean Bureau’s Porcherons house in northwest Paris after his solemn entry into the capital. Jean Bureau’s daughter Isabelle married Geoffroy Coeur, son of Jacques.
- Leonardo Bruni succeeded Coluccio Salutati as Chancellor of Florence, having joined his circle of scholars, which included Poggio Bracciolini and the erudite Niccolò Niccoli, to discuss the works of Petrarch and Boccaccio. Bruni was one of the first to study Greek literature, and contributed greatly to the study of Latin and ancient Greek, offering translations of Aristotle, Plutarch, Demosthenes, Plato and Aeschylus.
- Niccolò Niccoli built up one of the most famous libraries in Florence, and one of the most prestigious of the Italian Renaissance. He was assisted by Ambrogio Traversari in his work on Greek texts (a language he did not master). He bequeathed this library to the Florentine Republic on condition that it be made available to the public. Cosimo the Elder de’ Medici was entrusted with implementing this condition, and the library was entrusted to the Dominican convent of San Marco. Today, the library is part of the Laurentian Library.
- Prior General of the Camaldolese Order, Ambrogio Traversariwas, along with Jean Bessarion, one of the authors of the decree of church union. According to the Urbino court historian Vespasiano de Bisticci, Traversari gathered in his convent at San Maria degli Angeli near Florence. There, Traversari brought together the heart of the humanist network: Nicolaus Cusanus; Niccolo Niccoli, who owned an immense library of Platonic manuscripts; Gianozzi Manetti, orator of the first Oration on the Dignity of Man; Aeneas Piccolomini, the future Pope Pius II; and Paolo dal Pozzo Toscanelli, the physician-cartographer and future friend of Leonardo da Vinci, whom Piero della Francesca also frequented.
- Philosophically speaking, reminding the whole of Christendom of the primordial importance of the concept of the filioque, literally « and of the son », meaning that the Holy Spirit (divine love) came not only from the Father (infinite potential) but also from the Son (its realization, through his son Jesus, in whose living image every human being had been created), was a revolution. Man, the life of every man and woman, is precious because it is animated by a divine spark that makes it sacred. This high conception of each individual was reflected in the relationship between human beings and their relationship with nature, i.e., the physical economy.
The Congress for Cultural Freedom: How the CIA « weaponized » Modern Art


This article, first published in 2006, came as a book review of the book Who Paid the Piper of British researcher Frances Stonor Saunder, published in French Article under the title Qui mène la danse? La CIA et la guerre froide culturelle, 506 pages, Editions Denoël, Paris, 2003.
This book, which caused a stir in Germany, England and the Hispanic world, is literally appalling. Not only for what it reveals, but above all for what it leaves unsaid.
After years of meticulous research, interviews and archival work, the young writer Frances Stonor Saunders, producer of historical documentaries for the BBC, delivers an uncompromising account of the Anglo-American cultural Cold War against the Soviet Union from 1947 onwards.
Congress for Cultural Freedom

At the heart of this secret « Kulturkampf », a veritable cultural Cold War, was the Paris-based Congress for Cultural Freedom (CCF), headed from 1950 to 1967 by CIA agent Michael Josselson.
Josselson, who spoke four languages, along with music composer Nicholas Nabokov, was a former member of the psychological warfare division of the Office for Strategic Services (OSS), which US President HarryTruman replaced with the CIA in 1945.
The first thing that strikes the reader is the analogy between the language of the Cold War and the narrative of today’s war hawks to justify a new crusade « against terrorism. »
Back then, under the guise of a merciless struggle against the horrors of Stalinism, the Anglo-American imperial faction deployed whole swathes of the CIA in an attempt to impose Bertrand Russell‘s utopian vision of « world government. »

The CIA described itself as an « Order of Knights Templar » charged with « saving Western freedom from Communist darkness ».Its principal theoretician was George Kennan, Director of the Policy Planning Staff at the State Department.
Like the « Noble Lies » employed today by the neo-conservatives, followers of Leo Strauss, Kennan asserted in 1947 that the Communists had gained a position of prominence in Europe,
« through the shameless and skillful use of lies. They fought us with the weapon of unreality and irrationalism. Can we triumph over this unreality with rationalism, truth, honest and well-intentioned economic assistance? »
Obviously not! And the most formidable weapon for world domination will be, as always: the soft power of « culture ».
Indeed, « you can’t be a great power if you don’t have the art to go with it, it’s like Venice without Tintoretto or Florence without Giotto ».
So, ironically, while American public opinion was held hostage by the McCarthyite psychosis for whom « all modern art is communist », to the point of suspecting certain abstract paintings of indicating the exact location of American military bases (sic), the oligarchs saw in « lyrical abstract » expressionism the virtues of a specifically anti-communist ideology.
By a simple logic of inversion, everything that Nazis and Stalinists considered « degenerate art »automatically became emblematic of the values of freedom and free enterprise, and therefore got massively financed… in the greatest secrecy.
With a wealth of detail, the author documents the mesh of this operation over some five hundred pages. It is, of course, impossible to summarize here the descriptions of the lives of dozens of men, women, musicians, authors, magazines, networks and foundations, each page of which delivers a few pearls.
Some of the details shed a special light on contemporary French history.
The CIA in Paris

In Paris, it was Irving Brown (1911-1989), a representative of the powerful AFL-CIO union (with free access to secret Marshall Plan funds), who offered the CCF in Paris a suite in the Hôtel Baltimore on Avenue Kléber to set up its temporary headquarters, before paying the rent for a permanent office on Boulevard Haussmann.
On behalf of his boss Jay Lovestone (1897-1990), himself a helper of the CIA’s James Jesus Angleton, Irving Brown financed anything that might weaken France’s resistance to the utopia of world government, i.e. anything that might harm Gaullism and, to a certain extent, Communism.
Josselson and his wife met him quite often in a gay bar, « L’Indifférent ». One evening, they find him handing over a large sum of money to a Marseille mobster. A fan of the big boys, Brown was heavily involved in anythingthat could reduce the influence of the Communists.
It was from that perspective that he helped former members of the Vichy government, as well as Trotskyites. He controlled French ports, broke strikes and financed the new Force Ouvrière union to split the CGT communist union, all the while promoting modern art!*
Alongside Irving Brown, the CCF board included Michael Josselson, Lawrence de Neufville (his CIA recruiter, later appointed to Radio Free Europe), Arthur Koestler, Melvin Lasky, former Trotskyist James Burnham, as well as Carlo Schmid of the German SPD, Haakon Lie, leader of the Norwegian Labour Party, and David Rousset of the French Parti Socialiste.
In his book The Machiavellians, Burnham used Machiavelli to « challenge egalitarian political theory and show the persistence and inescapability of the elite, even in an age of equality ».
In 1953, Burnhamplayed a crucial role in the CIA’s Operation AJAX, which overthrew Dr. Mossadegh in Teheran and replaced him with the Shah.
Later, « more presentable » funding sources than Irving Brown came into play: CIA front organizations such as the Farfield Foundation, headed by Julius Fleischman, or the Hoblitzelle Foundation, but also classics like the Ford, Carnegie or Rockefeller brothers’ foundations.
Thanks to these generous donors, the CCF made millions of dollars available to literary magazines such as
- Encounter, edited by former Trotskyite Irving Kristol (father of current neo-conservative William Kristol) in London;
- Preuves, edited in Paris by François Bondy of the European Union of Federalists;
- Der Monat, edited by Melvin Lasky in Berlin;
- Tempo Presente, edited by Ignazio Silone in Rome;
- Soviet Survey, edited in Israel by historian Walter Laqueur.
After the OSS’s (reciprocal) expressions of sympathy for Hemingway or Antoine de Saint-Exupéry, these magazines opened their columns to authors such as Jorge-Louis Borges, Raymond Aron, Arnold Toynbee, Bertrand Russell, Arthur Schlesinger Jr., Herbert Read or Hugh Trevor-Roper, or contributed to the publication of their writings.
In 1950, the CIA commissioned the production of a cartoon based on George Orwell’s Animal Farm (real name Eric Blair).
Also in Paris, CIA man Peter Matthiessen helped found the Paris Review run by John Train, a far-right liberal New York billionaire.
CIA Culture

Destruction of the well tempered music
The CCF also financed major musical events to promote « modern » twelve-tone serialism (dodecaphony), such as the April 1952 festival organized by Nicolas Nabokovin Paris.
Nabokov believed that « dodecaphony abolishes natural hierarchies » and allows us to free ourselves from the internal logic of music.
Anne C. Shreffler argues that the « compositional avant-garde » was politicized more by its advocacy of personal freedom than by political influence. Shreffler goes on to argue that both the Soviet Union and the United States sent out messages that dealt with « freedom. » However, Western Europe and the United States claimed a « moral high ground » in the struggle for individual freedom, a high ground that made certain artistic aesthetics (e.g., cubism, surrealism, dodecaphony, and existentialism) almost « obligatory » for artists.
The promotion of « liberated » music as a counterpoint to « Social Realism« , which essentially « marginalized » the populist Soviet musical aesthetic, was explicitly a politically calculated move by the Congress for Cultural Freedom.
The festival opened with « The Rite of Spring » of Igor Stravinsky, new convert to twelve-tone dodecaphonic system.
Among the participants from the USA: Leontyne Price, Aaron Copland, Samuel Barber, the New York City Ballet (Balanchine‘s troupe), the Boston Symphony Orchestra, the New York Museum of Modern Art (MoMA), James T. Farrell, W.H. Auden and Gertrude Stein.
European participants included Jean Cocteau, William Walton, Laurence Olivier, Benjamin Britten, the Vienna Opera, Covent Garden Opera, Czeslaw Milosz, Denis de Rougemontand Guido Piovene, to name but a few.
Appointed Eisenhower’s special advisor on Cold War strategy, American Vice-President Nelson Rockefeller played a fundamental role in promoting the CIA’s modernist painting. Supporting left-wing artists practicing abstract expressionism was commonplace for the Rockefellers.
Nelson’s mother, Abby Aldrich Rockefeller, had founded the Museum of Modern Art in New York – the Modern Art Museum (MoMA) – asserting that reds would stop being reds « if we gave them artistic recognition ».Several MoMA trustees were also trustees of the Farfield Foundation, as indicated, a CIA front.
As Donald Jameson of the CIA put it:
« We understood that this was the kind of art that has nothing to do with social realism and makes it even more stylized, rigid and confined than it was. »
MoMA bought works by Diego Riviera, Jackson Pollock, Arshile Gorky, Alexander Calder, Robert Motherwell, Stuart Davis, Edward Hopper and others.
By attributing the « success » of an impressive number of contemporary cultural actors to the will of an imperial elite, motivated by a more than suspect ideological blindness and endowed, what’s more, with unparalleled financial resources and communication strategies, Stonor Saunders’ book immediately casts deep discredit on all post-war artistic creation.
Most of these « artists » were chosen because they conveyed an ideology deemed compatible with the totalitarian designs of the high priests of world order.
Only the reactionary Peregrine Worsthorne titles his book review of Saunders’ Who Paid the Piper, « How Western Culture was saved by the CIA », nostalgically lamenting the Machiavellian genius of the Anglo-American elite in its heyday.
Of course, some artists weren’t necessarily aware of the source of the funds, but they all expected them to fill their pockets… And perhaps most shockingly of all, the CIA took art more seriously than many citizens or critics of the time.
So, perhaps this survey does posthumous justice to all those talents sacrificed on the altar of illusory power. Think of all those crushed hopes, sabotaged careers and stifled seeds of genius. For in this delirious tournament of the Cold War, the great priesthood ruling over the art world would only saddle those willing to bend the knee, while with a wave of the hand, send others to the deadly silence of oblivion.
NOTE:
*In his book Les Trotskistes (Fayard, 2002), Christophe Nick states, with regard to the non-communist student union UNEF, that at one time, « thanks to Irwing Brown‘s good offices, the U.S. Embassy was able to cover the student union’s end-of-month budgets ».
In Secrets de famille (Fayard, Paris 2001), Serge Raffy reveals that « Lionel Jospin, then First Secretary of the Socialist Party, met in Washington on April 14, 1982 with leaders of the American AFL-CIO union to reassure them that the Mauroy government would include Communist ministers. The man who organized the meeting was a CIA agent, Irving Brown, the same man who founded and financed the French trade union Force Ouvrière to combat the Communist CGT financed by Soviet Russia. Irving Brown is also said to have constantly maintained links between the Trotskyites, and in particular the OCI, and FO. »
On the right, the student union, Union Inter-Universitaire (UNI), which made the career of so many politicians on the right, was also backed by CIA agent of influence Irving Brown and received $575,000 between April 1984 and April 1985 from the government of the United States through the National Endowment for Democracy.
Van Eyck, a Flemish Painter using Arab Optics?


What follows is an edited transcript of a lecture by Karel Vereycken on the subject of “Perspective in XVth-century Flemish religious painting”.
It was delivered at the international colloquium “La recherche du divin à travers l’espace géométrique” (The quest for the divine through geometrical space) at the Paris Sorbonne University on April 26-28, 2006, under the direction of Luc Bergmans, Department of Dutch Studies (Paris IV Sorbonne University).
Introduction
« Perspective in XVth-century Flemish religious painting ». At first glance, this title may seem surprising. While the genius of fifteenth-century Flemish painters is universally attributed to their mastery of drying oil and their intricate sense of detail, their spatial geometry as such is usually identified as the very counter-example of the “right perspective”.
Disdained by Michelangelo and his faithful friend Vasari, the Flemish « primitives » would never have overcome the medieval, archaic and empirical model. For the classical “narritive”, still in force today, stipulates that only « Renaissance » perspective, obeying the canon of « linear », “mathematical” perspective, is the only « right », and the “scientific” one.
According to the same narrative, it was the research carried out around 1415-20 by the Duomo architect Filippo Brunelleschi (1377-1446), superficially mentioned by Antonio Tuccio di Manetti some 60 years later, which supposedly enabled Leon Battista Alberti (1404-1472), proclaiming himself Brunelleschi’s intellectual heir, to invent « perspective ».

In 1435, in De Pictura, a book entirely devoid of graphic illustration, Alberti is said to have formulated the premises of a perspectivist canon capable of representing, or at least conforming to, our modern notions of Cartesian space-time (NOTE 1), a space-time characterized as « entirely rational, i.e. infinite, continuous and homogeneous », « in one word, a purely mathematical space [dixit Panofsky] » (NOTE 2)
Long afterwards, in a drawing from the Codex Madrid, Leonardo da Vinci (1452-1519) attempted to unravel the workings of this model.
But in the same manuscript, he rigorously demonstrated the inherent limitations of the Albertian Renaissance perspectivist canon.

The drawing on f°15, v° clearly shows that the simple projection of visual pyramid cross-sections on a plane paradoxically causes their size to increase the further they are from the point of vision, whereas reality would require exactly the opposite. (NOTE 3)
With this in mind, Leonardo began to question the mobility of the eye and the curvilinear nature of the retina. Refusing to immobilize the viewer on an exclusive point of vision (NOTE 4), Leonardo used curvilinear constructions to correct these lateral deformations. (NOTE 5) In France, Jean Fouquet and others worked along the same lines.
But Leonardo’s powerful arguments were ignored, and he was unable to prevent this rewriting of history.
Despite this official version of art history, it should be noted that at the time, Flemish painters were elevated to pinnacles by Italy’s greatest patrons and art connoisseurs, specifically for their ability to represent space.
Bartolomeo Fazio, around the middle of the 15th century, observed that the paintings of Jan van Eyck, an artist billed as the « principal painter of our time », showed « tiny figures of men, mountains, groves, villages and castles rendered with such skill that one would think them fifty thousand paces apart. » (NOTE 6)
Such was their reputation that some of the great names in Italian painting had no qualms about reproducing Flemish works identically. I’m thinking, for example, of the copy of Hans Memlinc‘s Christ Crowned with Thorns at the Genoa Museum, copied by Domenico Ghirlandajo (Philadelphia Museum).
But post-Michelangelo classicism deemed the non-conformity of Flemish spatial geometry with Descartes’ « extended substance »to be an unforgivable crime, and any deviation from, or insubordination to, the « Renaissance » perspectivist canon relegated them to the category of « primitives », i.e. « empiricists », clearly devoid of any scientific culture.
Today, ironically, it is almost exclusively those artists who explicitly renounce all forms of perspectivist construction in favor of pseudo-naïveté, who earn the label of modernity…

In any case, current prejudices mean that 15th-century Flemish painting is still accused of having ignored perspective.
It’s true, however, that at the end of the XIVth century, certain paintings by Melchior Broederlam (c. 1355-1411) and others by Robert Campin (1375-1444) (Master of Flémalle) show the viewer interiors where plates and cutlery on tables threaten to suddenly slide to the floor.
Nevertheless, it must be admitted that whenever the artist « ignores » or disregards the linear perspective scheme, he seems to do so more by choice than by incapacity. To achieve a limpid composition, the painter prioritizes his didactic mission to the detriment of all other considerations.
For example, in Campin’s Mérode Altarpiece, the exaggerated perspective of the table clearly shows that the vase is behind the candlestick and book.


Jan van Eyck’sLam Gods (Mystic Lamb) in Ghent is another example.
Never could so many figures, with so much detail and presence, be shown with a linear perspective where the figures in the foreground would hide those behind. (NOTE 7)
But the intention to approximate a credible sense of space and depth remains.
If this perspective seems flawed by its linear geometry, Campin imposes an extraordinary sense of space through his revolutionary treatment of shadows. As every painter knows, light is painted by painting shadow.
In Campin’s work, every object and figure is exposed to several sources of light, generating a darker central shadow as the fruit of crossed shadows.
Van Eyck influenced by Arab Optics?

Roger Bacon, statue in Oxord.
This new treatment of light-space has been largely ignored. However, there are several indications that this new conception was partly the result of the influence of « Arab » science, in particular its work on optics.
Translated into Latin and studied from the XIIth century onwards, their work was developed in particular by a network of Franciscans whose epicenter was in Oxford (Robert Grosseteste, Roger Bacon, etc.) and whose influence spread to Chartres, Paris, Cologne and the rest of Europe.
It should be noted that Jan van Eyck (1395-1441), an emblematic figure of Flemish painting, was ambassadorto Paris, Prague, Portugal and England.
I’ll briefly mention three elements that support this hypothesis of the influence of Arab science.

Curved mirrors

Robert Campin (master of Flémalle) in the Werl Triptych (1438) and Jan van Eyck in the Arnolfini portrait (1434), each feature convex mirrors of considerable size.
It is now certain that glaziers and mirror-makers were full members of the Saint Luc guild, the painters’ guild. (NOTE 8)
But it is relevant to know that Campin, now recognized as having run the workshop in Tournai where the painters Van der Weyden and Jacques Daret were trained, produced paintings for the Franciscans in this city. Heinrich Werl, who commissioned the altarpiece featuring the convex mirror, was an eminent Franciscan theologian who taught at the University of Cologne.

Artistic representation of Ibn Al-Haytam (Alhazen)
These convex and concave (or ardent) mirrors were much studied during the Arab renaissance of the IXth to XIth centuries, in particular by the Arab philosopher Al-Kindi (801-873) in Baghdad at the time of Charlemagne.
Arab scientists were not only in possession of the main body of Hellenic work on optics (Euclid‘s Optics, Ptolemy‘s Optics, the works of Heron of Alexandria, Anthemius of Tralles, etc.), but it was sometimes the rigorous refutation of this heritage that was to give science its wings.
After the decisive work of Ibn Sahl (Xth century), it was that of Ibn Al-Haytam (Latin name : Alhazen) (NOTE 9) on the nature of light, lensesand spherical mirrors that was to have a major influence. (NOTE 10)

As mentioned above, these studies were taken up by the Oxford Franciscans, starting with the English bishop of Lincoln, Robert Grosseteste (1168-1253).
In De Natura Locorum, for example, Grosseteste shows a diagram of the refraction of light in a spherical glass filled with water. And in his De Iride he marvels at this science which he connexts to perspective :
« This part of optics, so well understood, shows us how to make very distant things appear as if they were situated very near, and how we can make small things situated at a distance appear to the size we desire, so that it becomes possible for us to read the smallest letters from incredible distances, or to count sand, or grains, or any small object.«

Grosseteste’s pupil Roger Bacon (1212-1292) wrote De Speculis Comburentibus, a specific treatise on « Ardent Mirrors » which elaborates on Ibn Al-Haytam‘s work.
Flemish painters Campin, Van Eyck and Van der Weyden proudly display their knowledge of this new scientific and technological revolution metamorphosed into Christian symbolisms.
Their paintings feature not only curved mirrors but also glass bottles, which they use as a metaphor for the immaculate conception.
A Nativity hymn of that period says:
« As through glass the ray passed without breaking it, so of the Virgin Mother, Virgin she was and virgin she remained… » (NOTE 11)
The Treatment of Light
In his Discourse on Light, Ibn Al-Haytam develops his theory of light propagation in extremely poetic language, setting out requirements that remind us of the « Eyckian revolution ». Indeed, Flemish « realism » and perspective are the result of a new treatment of light and color.
Ibn Al-Haytam:
« The light emitted by a luminous body by itself -substantial light- and the light emitted by an illuminated body -accidental light- propagate on the bodies surrounding them. Opaque bodies can be illuminated and then in turn emit light. »

This physical principle, theorized by Leonardo da Vinci, is omnipresent in Flemish painting. Just look at the images reflected in the helmet of St. George in Van Eyck‘s Madonna to Canon van der Paele (NOTE 12).
In each curved surface of Saint George’s helmet, we can identify the reflection of the Virgin and even a window through which light enters the painting.
The shining shield on St. George’s back reflects the base of the adjacent column, and the painter’s portrait appears as a signature. Only a knowledge of the optics of curved surfaces can explain this rendering.
Ibn Al-Haytam:
« Light can penetrate transparent bodies: water, air, crystal and their counterparts. »
And :
« Transparent bodies have, like opaque bodies, a ‘receiving power’ for light, but transparent bodies also have a ‘transmitting power’ for light.«
Isn’t the development of oil mediums and glazes by the Flemish an echo of this research? Alternating opaque and translucent layers on very smooth panels, the specificity of the oil medium alters the angle of light refraction.
In 1559, the painter-poet Lucas d’Heere referred to van Eyck‘s paintings as « mirrors, not painted scenes.«
Binocular perspective



Before the advent of « right » central linear perspective, art historians sought a coherent explanation for its birth in the presence of several seemingly disparate vanishing points by theorizing a so-called central « fishbone » perspective.
In this model, a number of vanishing lines, instead of coinciding in a single central vanishing point on the horizon, either end up in a « vanishing region » (NOTE 13), or align with what some call a vertical « vanishing axis », forming a kind of « fishbone ».
French Professor Dominique Raynaud, who worked for years on this issue, underscores that « all medieval treatises on perspective address the question of binocular vision », notably the Polish scholar Witelo (1230-1280) (NOTE 15) in his Perspectiva (I,27), an insight he also got from the works of Ibn Al-Haytam.
Witelopresents a figure to defend the idea that
« the two forms, which penetrate two homologous points of the surface of the two eyes, arrive at the same point of the concavity of the common nerve, and are superimposed at this point to become one » (Perspectiva, III, 37).
A similar line of reasoning can be found in Roger Bacon‘s Perspectiva Communis, written by John Pecham, Archbishop of Canterbury (1240-1290) for whom:
« the duality of the eyes must be reduced to unity »
So, as Professor Raynaud proposed, if we extend the famous vanishing lines (i.e., in our case, the « fish bones ») until they intersect, the « vanishing axis » problem disappears, as the vanishing lines meet. Interestingly, the result is a perspective with two vanishing points in the central region!

Suddenly, the diagrams drawn up to demonstrate the « empiricism » of the Flemish painters, if viewed from this point of view, reveal a legitimate construction probably based on optics as transmitted by Arab science and rediscovered by Franciscan networks and others.
Two paintings by Jan van Eyck clearly demonstrate that he followed this approach: The Madonna with Canon van der Paele of 1436 and the Dresden Tryptic of 1437.


What seemed a clumsy, empirical approach in the form of a « fishbone » perspective (left) turns out to be a binocular perspective construction.
Was this type of perspective specifically Flemish?
A close examination of works by Ghiberti, Donatello and Paolo Uccello, generally dating from the first half of the XVth Century, reveals a mastery of the same principle.


Cusanus
But this whole demonstration is merely a look into the past through the eyes of modern scientific rationality. It would be a grave error not to take into account the immense influence of the Rhenish (Master Eckhart, Johannes Tauler, Heinrich Suso) and Flemish (Hadewijch of Antwerp, Jan van Ruusbroec, etc.) « mystics ».
This trend began to flourish again with the rediscovery of the Christianized neo-Platonism of Dionysius the Areopagite (Vth-VIth century), made accessible… by the new translations of the Franciscan Grosseteste in Oxford.
The spiritual vision of the Aeropagite, expressed in a powerful imagery language, is directly reminiscent of the metaphorical approach of the Flemish painters, for whom a certain type of light is simply the revelation of divine grace.
In On the Heavenly Hierarchy, Dionysius immediately presents light as a manifestation of divine goodness. It ennobles us and enables us to enlighten others:
« Let those who are illuminated be filled with divine clarity, and the eyes of their understanding trained to the work of chaste contemplation; finally, let those who are perfected, once their primitive imperfection has been abolished, share in the sanctifying science of the marvelous teachings that have already been manifested to them; similarly, let the purifier excel in the purity he communicates to others; let the illuminator, gifted with a greater penetration of spirit, equally fit to receive and transmit light, happily flooded with sacred splendor, pour it out in pressing streams on those who are worthy… » [Chap. III, 3]
Let’s think again of the St. George in Van Eyck‘s Madonna to Canon van der Paele, which indeed pours forth the multiple images of the Virgin who enlightens him.
This theo-philosophical trend reached full maturity in the work of Cardinal Nicolas of Cusa (Cusanus) (1401-1464) (NOTE 16), embodying the extremely fruitful encounter of this « negative theology » with Greek science, Socratic knowledge and Christian Humanism.

In contrast to both a science « without a hypothesis of God » and a metaphysics with an esoteric drift, an agapic love leads it to the education of the greatest number, to the defense of the weak and the humiliated.
The Brothers and Sisters of the Common Life, educating Erasmus of Rotterdam and inspiring Cusanus, are the best example of this.
But let’s sketch out some of Cusanus’ key ideas on painting.
In De Icona (The Vision of God) (1453), which he sent to the Benedictine monks of the Tegernsee, Cusanus condenses his fundamental work On Learned Ignorance (1440), in which he develops the concept of the coincidence of opposites. His starting point was a self-portrait of his friend « Roger », the Flemish painter Rogier van der Weyden, which he sent together with his sermon to the monks.
This self-portrait, like the multiple faces of Christ painted in the XVth century, uses an « optical illusion » to create the effect of a gaze that fixes the viewer, regardless of his or her position in front of the altarpiece.
In De Icona, written as a sermon, Cusanus asks monks to stand in a semicircle around the painting and watch this gaze pursue them as they move along the segment of the curve. In fact, he elaborates a pedagogical paradox based on the fact that the Greek name for God, Theos, has its etymological origin in the verb theastai(to see, to look at).
As you can see, he says, God looks at you personally, and his gaze follows you everywhere. He is therefore one and many. And even when you turn away from him, his gaze falls on you. So, miraculously, although he looks at everyone at the same time, he nevertheless establishes a personal relationship with each one. If « seeing » for God is « loving », God’s point of vision is infinite, omniscient and omnipotent love.

A parallel can be drawn here with the spherical mirror at the center of Jan van Eyck’s painting The Arnolfini portrait, painted in 1434, nineteen years before this sermon.
Firstly, this circular mirror is surrounded by the ten stations of Christ’s Passion, juxtaposed by a rosary, an explicit reference to God.
Secondly, it reveals a view of the entire room, an image that completely escapes the linear perspective of the foreground. A view comparable to the allcompassing « Vision of God » developed by Cusanus.
Finally, we see two figures in the mirror, but not the image of the painter behind his easel. These are undoubtedly the two witnesses to the wedding. Instead of signing his painting with « Van Eyck invent. », the painter signed his painting above the mirror with « Van Eyck was here » (NOTE 17), identifying himself as a witness.
As Dionysius the Aeropagite asserted:
« [the celestial hierarchy] transforms its adepts into so many images of God: pure and splendid mirrors where the eternal and ineffable light can shine, and which, according to the desired order, reflect liberally on inferior things this borrowed brightness with which they shine. » [Chap. III, 2]
The Flemish mystic Jan van Ruusbroec (1293-1381) evokes a very similar image in his Spiegel der eeuwigher salicheit (Mirror of eternal salvation) when he says:
« Ende Hi heeft ieghewelcs mensche ziele gescapen alse eenen levenden spieghel, daer Hi dat Beelde sijnre natueren in gedruct heeft. » (And he created each human soul as a living mirror, in which he imprinted the image of his nature).
And so, like a polished mirror, Van Eyck’s soul, illuminated and living in God’s truth, acts as an illuminating witness to this union. (NOTE 18)
So, although the Flemish painters of the XVth century clearly had a solid scientific foundation, they choose such or such perspective depending on the idea they wanted to convey.
In essence, their paintings remain objects of theo-philosophical speculation or as you like « intellectual prayer », capable of praising the goodness, beauty and magnificence of a Creator who created them in His own image. By the very nature of their approach, their interest lay above all in the geometry of a kind of « paradoxical space-light » capable, through enigma, of opening us up to a participatory transcendence, rather than simply seeking to « represent » a dead space existing outside metaphysical reality.
The only geometry worthy of interest was that which showed itself capable of articulating this non-linearity, a « divine » or « mystical » perspective capable of linking the infinite beauty of our commensurable microcosm with the immeasurable goodness of the macrocosm.
Thank you,
NOTES:
- Recently, Italian scholars have pointed to the role of Biagio Pelacani Da Parma (d. 1416), a professor at the University of Padua near Venice, in imposing such a perspective, which privileged only the « geometrical laws of the act of vision and the rules of mathematical calculation ».
- Erwin Panofsky, Perspective as Symbolic Form, p.41-42, Les Éditions de Minuit, Paris, 1975.
- Institut de France, Manuscrit E, 16 v° « the eye [h] perceives on the plane wall the images of distant objects greater than that of the nearer object. »
- Leonardo understands that Albertian perspective, like anamorphosis, condemns the viewer to a single, immobile point of vision.
- See, for example, the slight enlargement of the apostles at the ends of Leonardo da Vinci’sLast Supper in the Milan refectory.
- Baxandall, Bartholomaeus Facius on painting, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 27, (1964). Fazio is also enthusiastic about a world map (now lost) by Jan van Eyck, in which all the places and regions of the earth are depicted recognizably and at measurable distances.
- To escape this fate, Pieter Bruegel the Elder used a cavalier perspective, placing his horizon line high up.
- Lionel Simonot, Etude expérimentale et modélisation de la diffusion de la lumière dans une couche de peinture colorée et translucide. Application à l’effet visuel des glacis et des vernis, p.9 (PhD thesis, Nov. 2002).
- Ibn Al-Haytam (Alhazen) (965-1039) wrote some 200 works on mathematics, astronomy, physics, medicine and philosophy. Born in Basra, after working on the development of the Nile in Egypt, he travelled to Spain. He is said to have carried out a series of highly detailed experiments on theoretical and experimental optics, including the camera obscura (darkroom), work that was later to feature in Leonardo da Vinci’s studies. Da Vinci may well have read the lengthy passages by Alhazen that appear in the Commentari of the Florentine sculptor Ghiberti. According to Gerbert d’Aurillac (the future Pope Sylvester II in 999), Bishop of Rheims, brought back from Spain the decimal system with its zero and an astrolabe, it was thanks to Gerard of Cremona (1114-c. 1187) that Europe gained access to Greek, Jewish and Arabic science. This scholar went to Toledo in 1175 to learn Arabic, and translated some 80 scientific works from Arabic into Latin, including Ptolemy’sAlmagest, Apollonius’Conics, several treatises by Aristotle, Avicenna‘sCanon, and the works of Ibn Al-Haytam, Al-Kindi, Thabit ibn Qurra and Al-Razi.
- In the Arab world, this research was taken up a century later by the Persian physicist Al-Farisi (1267-1319). He wrote an important commentary on Alhazen’s Treatise on Optics. Using a drop of water as a model, and based on Alhazen’s theory of double refraction in a sphere, he gave the first correct explanation of the rainbow. He even suggested the wave-like property of light, whereas Alhazen had studied light using solid balls in his reflection and refraction experiments. The question was now: does light propagate by undulation or by particle transport?
- Meiss, M., Light as form and symbol in some fifteenth century paintings, Art Bulletin, XVIII, 1936, p. 434.
- Note also the fact that the canon shows a pair of glasses…
- Brion-Guerry in Jean Pèlerin Viator, sa place dans l’histoire de la perspective, Belles Lettres, 1962, p. 94-96, states in obscure language that « the object of representation behaves most often in Van Eyck as a cubic volume seen from the front and from the inside. Perspectival foreshortening is achieved by constructing a rectangle whose sides form the base of four trapezoids. The orthogonals thus tend towards four distinct points of convergence, forming a ‘vanishing region' ».
- Dominique Raynaud, L’Hypothèse d’Oxford, essai sur les origines de la perpective, PUF, Paris 1998.
- Witelo was a friend of the Flemish Dominican scholar Willem van Moerbeke, a translator of Archimedes in contact with Saint Thomas Aquinas. Moerbeke was also in contact with the mathematician Jean Campanus and the Flemish neo-Platonic astronomer Hendrik Bate van Mechelen. Johannes Kepler‘s own work on human vision builds on that of Witelo.
- Cusanuswas above all a man of science and theology. But he was also a political organizer. The painter Jan van Eyck fought for the same goals, as evidenced by the ecumenical theme of the Ghent polyptych. It shows the Mystic Lamb, symbolizing the sacrifice of the Son of God for the redemption of mankind, capable of reuniting a church torn apart by internal differences. Hence the presence of the three popes in the central panel, here united before the lamb. Van Eyck also painted a portrait of Cardinal Niccolo Albergati, one of the instigators of the great Ecumenical Council organized by Cusanus in Ferrara and then moved to Florence. If Cusanus called Van der Weyden « his friend Roger », it is also thought that Robert Campin may have met him, since he would have attended the Council of Basel, as did one of his commissioners, the Franciscan theologian Heinrich Werl.
- Jan Van Eyck was one of the first painters in the history of art to date and sign his paintings with his own name.
- Myriam Greilsammer’s book L’Envers du tableau, Mariage et Maternité en Flandre Médiévale (Editions Armand Colin, 1990) documents Arnolfini’s sexual escapades. Arnolfini was taken to court by one of his victims, a female servant. Van Eyck seems to have understood that the knightly Arnoult Fin, Lucchese financier and commercial representative of the House of Medici in Bruges, required the somewhat peculiar presence of the eye of the lord.