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Le Landjuweel d’Anvers de 1561 — Faire de l’art une arme pour la paix

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Sommaire

  • Introduction
  • Alphabétisation précoce (encadré)
  • Les Chambres de rhétorique
  • Réhabilitation
  • Joutes, compétitions et autres festivals
  • Landjuweel
  • Contexte politique et économique
  • Gand, 1539
  • L’influence d’Érasme
  • De Violieren et la Guilde de Saint-Luc
  • Anvers, 1561
  • Organisation du Landjuweel
  • Philosophie
  • Une journée mémorable
  • Paix et art, unis pour la célébration
  • Censure, répression et révolte dans les Pays-Bas bourguignons

Introduction

Comme chacun le sait, ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Non pas celle de l’humanité, mais la leur. Celle des « perdants » est laissée de côté. C’est pourquoi, en Belgique comme aux Pays-Bas, les églises officielles, catholiques, luthériennes ou calvinistes, et les élites dirigeantes, choisies par l’Espagne et les Britanniques, ont soigneusement effacé des livres la vérité sur le rôle révolutionnaire d’Érasme et son impact. 1

Comme nous le documentons ici, Érasme a réussi, grâce à sa bonté et son esprit noble et ironique, à mobiliser un assez large public, non seulement dans les sections instruites des élites européennes, mais également dans une large partie de la classe moyenne montante des travailleurs, une section sociale que l’on pourrait identifier aux Gilets jaunes d’aujourd’hui.

Denis van Alsloot – Détail, L’Ommeganck du 31 mai 1615 à Bruxelles, peinture, Victoria and Albert Museum.

A notre époque, les processions religieuses, les défilés de géants et les carnavals masqués de Venise, Rio de Janeiro ou encore de Dunkerque paraissent fort sympathiques, mais tellement loin de la « vraie culture » !

Qualifier ces événements et traditions de simple « folklore » résulte principalement d’une méconnaissance de l’histoire. Si l’on considère l’intention et le contenu de certaines de ces fêtes, comme le Landjuweel de Gand en 1539 et celui d’Anvers en 1561, avec cinq mille participants et encore plus de spectateurs, fêtes populaires plaçant l’art, la poésie et la musique comme véritables sources de paix et d’harmonie durables entre les nations, les États et les peuples, on peut dire qu’en terme de raffinement et de beauté, elles rivalisent, et je dirais même surpassent, bien des événements prétendument « culturels » d’aujourd’hui.

Les Chambres de rhétorique

Pays-Bas bourguignons vers 1500.

A l’origine de ces festivals et concours de poésie du type Landjuweel, des sociétés littéraires et dramatiques appelées Kamers van rhetorike (chambres de rhétorique), qui apparaissent à partir de la fin du XIVe siècle dans le nord-ouest de la France et dans les anciens Pays-Bas, surtout dans le comté de Flandre et le duché du Brabant.

Alors qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles ces chambres allaient devenir des clubs littéraires pour une bourgeoisie avide d’exercices d’éloquence et de rimes, à cette époque la culture rhétorique n’est pas socialement une culture d’élite, car la plupart des rhétoriciens étaient des commerçants et n’appartenaient pas à l’élite dirigeante de leur ville.

Des recherches récentes ont confirmé que les chambres de rhétorique de Flandre et du Brabant recrutaient principalement leurs membres dans les classes moyennes urbaines, plus précisément dans les cercles d’artisans (maçons, menuisiers, charpentiers, teinturiers, imprimeurs, peintres, etc.), de commerçants, de commis, d’exerçant des professions intellectuelles et de commerçants. 11

En 1530, parmi les 42 membres de la chambre bruxelloise De Corenbloem (Le Bleuet), on dénombre 32 artisans (bouchers, brasseurs, meuniers, charpentiers, tuiliers, peigneurs, pêcheurs, carrossiers, tailleurs de pierre, etc., soit 76,2 %). 12

Dans les professions artistiques, on compte un vitrier et deux peintres (7,1 %), et dans le commerce, un marchand de fruits, un aubergiste, un patron de bateau et un chiffonnier (9,5 %). Les autres membres sont un haut fonctionnaire, un harpiste et un annonceur.

Composition des membres de De Corenbloem, par profession.

Pour la période 1400-1650, on a recensé 227 chambres de rhétorique néerlandophones dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège, ce qui signifie que pratiquement chaque ville en possède au moins une. En 1561, le duché de Brabant compte environ 40 chambres de rhétorique reconnues, tandis qu’on en dénombre 125 dans le comté de Flandre. 13

Leur organisation est semblable à celle des corporations : à la tête de chacune se trouve le doyen, généralement un ecclésiastique (ces chambres conservaient un aspect religieux). Depuis leur création, elles sont de deux sortes : les libres (vrye), bénéficiant d’une subvention communale, et les soumises (onvrye ou vrywillige), n’ayant pas de subvention, mais rendant compte à une chambre suprême (hoofdkamer). Parmi les rhétoriciens se trouvent les fondateurs (ouders) et les membres (broeders ou gezellen) ; à la tête de toutes se trouvent un empereur, un prince, souvent un prince héréditaire (opperprins ou erfprins) ; viennent ensuite un président honoraire (hoofdman), un grand doyen, un doyen, un auditeur (fiscael), un porte-étendard (vaendraeger ou Alpherus) et un garçon (knaep), qui s’adonne parfois à la poésie.

Les plus importants sont les « facteurs », c’est-à-dire les poètes chargés de la « factie » (composition) des poèmes, des pièces de théâtre, des farces et de l’organisation des festivités. Initialement d’appartenance ecclésiastique, les chambres prirent leur indépendance pour s’établir, concrètement, comme un comité des fêtes, chargé par les autorités municipales d’égayer de poésie et de splendeur les événements politiques et culturels tout au long de l’année.

Réhabilitation

Des recherches plus poussées, principalement aux Pays-Bas, ont conduit les chercheurs à « réhabiliter » les chambres de rhétorique, désormais considérées comme des institutions ayant joué un rôle majeur dans le développement du néerlandais vernaculaire au cours de la période 1450-1620. 14

Certes, composées pour la plupart sous forme de dialogues entre personnages allégoriques, héritage du Moyen Âge et de la tradition des troubadours, artistiquement parlant, la plupart de ces pièces, à quelques exceptions près, n’ont jamais atteint le niveau ou la qualité d’intensité dramatique ou de raffinement de Shakespeare ou de Schiller.

Mais comme nous le verrons, le désir et l’intention d’émanciper le peuple à travers une forme d’art littéraire et musical qui élève par son contenu moral et libère par un rire cathartique (purificateur) étaient clairement au cœur de leurs objectifs admirables.

L’archiviste néerlandais Jeroen Vandommele suggère que les experts devraient repenser leur point de vue :

L’historien néerlandais respecté Herman Pleij a contribué à une meilleure compréhension du phénomène et a donné une impulsion majeure à cette approche en démontrant, à partir des années 1970, le potentiel de la littérature des XVe et XVIe siècles à générer ce qu’il appelle la « culture urbaine de la fin du Moyen Âge », véritable expression d’une culture civique et urbaine autonome. 16

Selon lui, leurs œuvres visaient à déclencher une « offensive civilisatrice » qui encouragerait les élites urbaines et les classes moyennes à se développer intellectuellement et moralement et à se distinguer (et se dissocier) de leurs homologues urbains moins civilisés.

Joutes, compétitions et autres festivals

Mystère de la Passion, tableau vivant sur le parvis des cathédrales.

Les chambres cultivent l’art de la poésie en s’affrontant lors de concours qui comptent parmi les événements majeurs qu’elles organisent entre elles ou pour le public. Chaque chambre fixe elle-même la fréquence des concours et la valeur des prix, souvent symboliques, à gagner. Si certaines chambres se contentent de quatre concours par an, la chambre anversoise De Violieren (La Giroflée) en fait une compétition hebdomadaire !

Très vite, ces activités donnent naissance à des festivités publiques, célébrées successivement dans toutes les grandes villes. Le Landjuweel combine habilement plusieurs genres théâtraux et musicaux, auparavant distincts, en une seule grande fête urbaine :

  • Les « Mystères » et « Miracles » (Mirakel-spelen, passie-spelen) sont des spectacles de rue ou de grands tableaux vivants, parfois sur des chars (wagen-spelen). Vers 1450, le Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban, joué des milliers de fois dans toute la France, est une pièce de 34 000 vers, nécessitant 394 acteurs qui retracent la vie du Christ cinq jours durant.
  • La « Fête des Fous » ou « Fête des Innocents », mascarades et déguisements organisés par des « sociétés joyeuses » auxquelles le clergé participe activement depuis le XIIe siècle. On assiste alors à un renversement total de la société : la femme devient l’homme, l’enfant l’évêque, le professeur l’élève… On élit un pape, un évêque et un abbé des fous, on brûle de vieilles chaussures dans des encensoirs, on danse dans les églises en marmonnant du latin de manière à provoquer de nombreux éclats de rire. On danse et chante, accompagnés par des musiciens jouant d’instruments à vent (flûte, trompette ou cornemuse) ou à cordes (vielle à roue, harpe, luth). Il n’est pas rare de constater une grave confusion au sein des couvents : relations nocturnes entre l’abbé des fous et les abbesses mineures, voire simulacres de mariage entre un évêque et une supérieure. Pour la fête des fous, le bas clergé se déguise, porte des masques hideux et s’enduit de suie. Le costume et les attributs des fous furent consacrés au XVe siècle. Papes, conciles et diverses autorités publièrent des textes visant à supprimer cette fête dès le XIIe siècle.
  • Les Ommegang (littéralement « tourner autour » de l’église) sont des processions religieuses, organisées par l’Église et les corporations d’arbalétriers en l’honneur des saints, dont ils portent les statues sur leurs épaules. Si à Bruxelles, l’Ommegang devient l’occasion pour les nobles de déambuler en ville (comme en 1549 pour témoigner de leur loyauté à l’occupant espagnol), à Anvers, deux Ommegang se succèdent : le premier, religieux, à la Pentecôte, le second, apparu plus tard, à l’Assomption, avec une forte participation laïque des corporations, des métiers et des chambres de rhétorique, chacun d’eux fournissant un char à une procession dans les rues de la ville.
  • Carnaval, nouveau nom donné par l’Église aux « Saturnales », grandes fêtes romaines de huit jours en l’honneur de Saturne, dieu de l’agriculture et du temps, lors du solstice d’hiver. Cette période de célébrations costumées et de libertés, notamment à Venise, qui se développe entre les XIe et XIIIe siècles, est encadrée par l’Église, qui juge nécessaire d’éviter les révoltes populaires. Elle se caractérise par une inversion des rôles et l’élection d’un faux roi. Les esclaves sont alors libres de parler et d’agir à leur guise et se font servir par leur maître. Ces festivités sont accompagnées de grands repas.

Les rhétoriciens estiment à juste titre que ces genres se complètent parfaitement. Les festivals alternent donc, sans mépriser la hiérarchie qu’impose la nature des sujets, pièces à contenu spirituel et religieux (mystères, passions) et pièces à contenu philosophique, didactique et moralisateur (zinne-spelen), sans oublier la satire, la farce et autres éléments humoristiques (sotties, esbattements, etc.).

Fête des fous. (après 1550). Maison du Roi, Réserves. Musée de la ville de Bruxelles.

Historiquement, la scène où se déroulent ces événements s’est déplacée, de la nef des églises vers le parvis des cathédrales, puis vers l’espace public au sens large, d’abord en plein air (sur la grand-place, dans le cimetière, sur un char) avant d’être obligée par les autorités de se tenir exclusivement dans des lieux fermés.

Parmi les concours organisés par les chambres de rhétorique, le plus ancien connu serait celui de Bruxelles en 1394. Celui d’Audenarde, en 1413, est mieux documenté. Suivront ceux de Furnes en 1419, de Dunkerque en 1426, de Bruges en 1427 et 1441, de Malines en 1427 et de Damme en 1431.

Landjuweel

A l’origine, les Landjuwelen étaient un cycle de sept compétitions entre milices communales pratiquant le maniement des armes, les Schutterijen du duché de Brabant. Les plus hautes personnalités du pays assistent à ces tournois, qui sont même honorés par les souverains.

L’idée est d’organiser un Landjuweel tous les trois ans, le vainqueur de la première compétition étant chargé d’organiser la suivante, et ainsi de suite. A l’issue du septième Landjuweel, les vainqueurs inaugurent un nouveau cycle. Le vainqueur du premier tournoi, qui a remporté une coupe d’argent, doit confectionner deux plats d’argent pour le vainqueur du deuxième Landjuweel d’un cycle, qui en confectionne à son tour trois pour le vainqueur de la compétition suivante, et ainsi de suite jusqu’au septième tournoi du cycle.

Il existait une étroite collaboration entre les sociétés chevaleresques des villes de Bruges et de Lille en Flandre, ainsi qu’entre Bruges et Bruxelles. Comme Bruges, Lille organisait un tournoi annuel, « L’Espinette ».

En février de chaque année, une délégation brugeoise se rend à Lille pour participer au tournoi, et en retour, les Lillois participent au concours annuel de l’Ours Blanc à Bruges, qui se déroule en mai. Ce spectacle donne lieu à des festivités auxquelles les poètes brugeois contribuent également. Ils écrivent les scénarios des esbattements, récitent des louanges et rapportent ces activités dans leurs chroniques.

Les divergences de langues ne suscitent aucune querelle. Des prix sont institués pour récompenser les œuvres rédigées en français ou en néerlandais, selon la langue véhiculaire de la ville où se tient le concours. Mais il arrive parfois que lors d’un même concours, un prix soit décerné pour des œuvres dans les deux langues. Ce fut notamment le cas à Gand en 1439. Des prix sont également décernés pour la plus belle œuvre.

Des thèmes sous forme de questions sont proposés, auxquelles seules les chambres autorisées peuvent répondre en vers, rédigés par les « facteurs ». Ces questions ont généralement un but moral ou politique.

Ainsi, en 1431, en pleine guerre entre la France et la Flandre alliée à l’Angleterre, la chambre de rhétorique d’Arras (l’ancienne Atrecht, dans les Pays-Bas bourguignons), pose la question : « Pourquoi la paix, si ardemment désirée, tarde-t-elle si longtemps à venir ? »

Rappelons qu’en 1435, la paix d’Arras, organisée par les amis du Cardinal Nicolas de Cues, Jacques Cœur et Yolande d’Aragon, scellait la fin de la guerre de Cent Ans. 17

Contexte politique et économique

Au fil des alliances et mariages, les Pays-Bas bourguignons tombent sous le contrôle de la famille des Habsbourg, entièrement à la merci de la banque des Fugger d’Augsbourg. 18

C’est ainsi qu’à sa mort, en 1519, l’empereur du Saint-Empire romain germanique, Maximilien Ier (de la famille des Habsbourg), devait environ 350 000 florins à Jacob Fugger. Pour éviter tout défaut de paiement sur cet investissement, Fugger rassemble un cartel de banquiers afin de réunir les pots-de-vin nécessaires pour permettre à Charles Quint, le petit-fils de Maximilien, d’acheter les votes et de lui succéder sur le trône.

En collaboration directe avec Marguerite d’Autriche, qui a rejoint le projet par crainte pour la paix en Europe, Jacob Fugger centralise ainsi les fonds nécessaires pour corrompre chaque « grand électeur » du Saint Empire germanique, profitant de l’occasion pour renforcer considérablement ses positions monopolistiques, notamment face à des concurrents comme les Welser et le port d’Anvers en pleine expansion. 19

Dans les années 1520, Charles Quint devra emprunter à un taux de 18 %, et jusqu’à 49 % entre 1553 et 1556. Pour maintenir les dépenses colossales nécessaires à la gestion de son vaste empire, il n’a d’autre choix que de mener une politique prédatrice. Il vend ses mines pour apaiser les banquiers, leur donne carte blanche pour coloniser le Nouveau Monde et consent au pillage des régions les plus prospères de son empire, la Flandre et le Brabant, les écrasant d’impôts et de dîmes pour financer l’« économie de guerre ». 20

L’essor assez spectaculaire de la Renaissance du Nord, qui accède, à travers l’apprentissage du grec, du latin et de l’hébreu, notamment grâce au Collège trilingue fondé par Érasme à Louvain en 1515 21, aux sciences et à toutes les richesses de l’époque classique, subit de plein fouet les coups de bélier d’une finance féodale devenue ogre.

Charles Quint ordonne de dresser une liste des auteurs à proscrire dans ses États, préfigurant ainsi la création de l’Index quelques années plus tard. De 1520 à 1550, il promulgue treize édits répressifs contre l’hérésie, introduisant une inquisition moderne inspirée du modèle espagnol.

Marie de Hongrie, portrait par Hans Knell.

La portée de ces « placards » reste assez limitée jusqu’à l’arrivée de Philippe II, en raison du manque d’enthousiasme de la reine régente Marie de Hongrie (1505-1558) et des élites locales à leur égard. Leur application est confiée aux autorités judiciaires urbaines et provinciales, ainsi qu’au Grand Conseil de Malines, sous la supervision d’un tribunal spécifique, établi en 1522 dans les Pays-Bas bourguignons sur le modèle de l’Inquisition espagnole.

En 1540 est fondé l’ordre des Jésuites, initialement chargé d’obtenir par la parole ce qui ne pouvait l’être par l’épée et le feu. Il se tourne rapidement vers son propre théâtre ! De 1545 à 1563, le Concile de Trente se réunit pour imposer des réformes et tenter d’éradiquer l’hérésie protestante. La lecture de la Bible était désormais interdite au commun des mortels, tout comme sa discussion et son illustration. Albrecht Dürer, le grand graveur et géomètre allemand établi à Anvers, fit ses valises en 1521 pour retourner à Nuremberg, et Érasme s’exila à Bâle la même année. Le grand cartographe flamand Gérard Mercator, formé par les érasmiens et soupçonné d’hérésie, fut emprisonné en 1544. Libéré de prison, il s’exila en Allemagne en 1552. En raison de leurs convictions religieuses, Jan et Cornelis, les deux fils du peintre Quinten Matsys 22, ami d’Erasme quittèrent Anvers et s’exilèrent en 1544.

Charles Quint abdiqua en 1555 pour laisser la place à son fils Philippe II. Ce dernier retourna en Espagne et confia la régence des Pays-Bas bourguignons à sa demi-sœur Marguerite de Parme (1522-1586).

Alors que l’administration des Pays-Bas bourguignons était officiellement assurée par le Conseil d’État, composé des stathouders et de la haute noblesse, un conseil secret (la consulta ) créé par Philippe II et composé de Charles de Berlaymont (1510-1578), Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1582) et Viglius van Aytta (1507-1577) prenait toutes les décisions importantes, notamment en matière de fiscalité, d’ordre, d’administration et de religion, et transformait ainsi le Conseil d’État en une simple chambre consultative.

Trois conflits surgirent rapidement : la présence de troupes espagnoles, l’établissement de nouveaux diocèses et la lutte contre le protestantisme. Les troupes espagnoles survivantes des guerres d’Italie, fortes d’environ 3000 hommes, ne recevaient pas de solde et pillaient le pays. Après de nombreuses hésitations de la part de Philippe II, et sous la menace de la démission simultanée d’Orange et d’Egmont, les troupes partirent finalement en janvier 1561.

1523, Exécution des luthériens Hendrik Vos et Jan Van Essen.

Les premières victimes des persécutions, exécutés à Bruxelles le 1er juillet 1523, furent Hendrik Vos et Jan Van Essen, deux moines augustiniens d’Anvers qui avaient embrassé les idées de Luther, qu’ils avaient fréquenté à Wittenberg. 23 La première victime wallonne fut le théologien tournaisien Jean Castellain, exécuté à Vic, en Lorraine, le 12 janvier 1525. 24

De nombreuses victimes étaient des membres du clergé catholique convertis à la Réforme, mais aussi de nombreuses femmes. À partir de 1529, les persécutions prirent une tournure dramatique suite à l’adoption du placard impérial généralisant la peine de mort. 40 % des exécutions pour hérésie en Occident entre 1523 et 1565 eurent lieu dans les Pays-Bas bourguignons. Les XVIIe Provinces furent l’une des régions qui connurent le plus fort taux de condamnations à mort par rapport à l’ensemble de sa population. Environ 1500 personnes furent exécutées, soit une intensité trente fois supérieure à celle de la France. 25

Ils ne feront que renforcer l’opposition à la tyrannie qui conduira en 1576 Guillaume d’Orange (dit « Le Taciturne ») à prendre la tête de la révolte des Pays-Bas bourguignons, aboutissant 80 ans plus tard à la scission entre le nord (les Pays-Bas, majoritairement protestants) et le sud (la Belgique, exclusivement catholique).

Gand, 1539

Podium du Landjuweel de Gand de 1539.

En juin 1539, la Chambre De Fonteine (La Fontaine) de Gand convoqua les sociétés dramatiques et littéraires du pays à un grand landjuweel en l’honneur de la Sainte Trinité, pour lequel l’empereur Charles Quint accorda une permission et un sauf-conduit d’un mois à ceux qui souhaitaient y participer.

Une charte d’invitation fut publiée à ce sujet. Elle posait, pour la pièce de moralité, une question ainsi formulée : « Quelle est la plus grande consolation du mourant ? »

Ce sujet fait clairement écho à l’un des écrits populaires d’Érasme, traduit en néerlandais l’année de sa publication en 1534, de De preparatione ad Mortem. 26

Dix-neuf sociétés de rhétoriciennes répondirent à l’appel : il s’agissait de chambres établies à Anvers, Audenarde, Axel, Bergues, Bruges, Bruxelles, Courtrai, Deinze, Enghien, Kaprijke, Leffinge, Lo (dans le commerce de Furnes), Menin, Messines, Neuve-Église, Nieuport, Tielt, Tirlemont et Ypres.

La chambre anversoise De Violieren remporta le premier prix. Pieter Huys de Bergues remporta le deuxième prix, composé de trois vases en argent pesant sept marcs sur lesquels était gravée l’entrée d’une académie. Son poème, composé d’environ cinq cents vers en néerlandais, met en scène cinq figures allégoriques : la Bienveillance, l’Observance des Lois, le Cœur Consolé, la Consolation et le Cœur Contrit. Chacune d’elles énumère les biens dans lesquels l’homme trouve le bonheur à l’heure de la mort. Pour De Violieren, la plus grande consolation était « la résurrection de la chair », un dogme purement catholique.

Mais c’était sans compter sur la partie « off » du concours. Car les trois autres questions, auxquelles il fallait répondre en chœur, étaient :

  • « Quel animal au monde acquiert le plus de force ? »
  • « Quelle nation au monde fait preuve du plus de folie ? »
  • « Serais-je soulagé si je pouvais lui parler ? »

En conséquence, la majorité des pièces allégoriques jouées étaient des satires sanglantes contre le pape, les moines, les indulgences, les pèlerinages, le cardinal Granvelle, etc. Les compositions des lauréats gantois furent publiées d’abord en format in-quarto, puis en in-duo.

Dès leur parution, ces pièces furent interdites, et ce n’est pas sans raison que, plus tard, ce landjuweel fut cité comme le premier à avoir mobilisé le pays littéraire en faveur de la Réforme protestante. Ces œuvres étant loin d’être favorables au régime espagnol, le duc d’Albe ordonna leur suppression par l’Index de 1571 et, plus tard, le gouvernement des Pays-Bas bourguignons interdit même les représentations théâtrales des Chambres de Rhétorique.

L’influence d’Érasme

Érasme dans l’atelier de Matsys à Anvers, tableau d’Eugène Siberdt (1851-1931). À droite, le célèbre tableau de Matsys représentant les collecteurs d’impôts cupides.

À Anvers, l’influence d’Érasme était notable et sa présence recherchée. On connaît son amitié avec le secrétaire de la ville, Pieter Gillis 27, un humaniste érudit anversois très apprécié de Thomas More 28qui intégra certains de ses poèmes dans son œuvre majeure, L’Utopie. Pour plaire à More, Pieter Gillis et Érasme lui offrent leur double portrait réalisé par Quentin Matsys 29. La maison de Gillis à Anvers était également un lieu de rencontre régulier pour tous les grands humanistes de l’époque.

Den Grooten Spiegel, la maison de Gillis à Anvers.

De 1523 à 1584, 21 éditeurs ne publient pas moins de 47 éditions des œuvres de l’humaniste, et le rhéteur Cornelis Crul traduit, avant 1550, les Colloques et d’autres œuvres majeures en néerlandais.

La plupart des rhétoriciens maîtrisaient le latin et pouvaient donc lire Érasme dans l’original. Certaines écoles latines, comme celle de Gouda en 1521, incluaient dans leur programme des écrits choisis de lui pour chaque niveau de classes. 30

Le prestige de l’humaniste se répand dans toute l’Europe.

Ferdinand Colomb (1488-1539), fils très bibliophile du navigateur génois Christophe Colomb, non seulement acquit une vaste série de ses œuvres, mais se rendit aussi à Louvain en octobre 1520 pour y rencontrer leur auteur. 31

Dans une lettre datée de 1521, Jérôme Aléandre (1480-1542), légat du pape Léon X, mettait en garde contre les « éléments de mauvais aloi » qui prospéraient à Anvers. « Ils [les rhétoriciens] se présentaient comme les défenseurs de la bonne littérature et étaient tous de l’école de notre ami devenu un grand nom [Érasme]. » Aléandre ajoutait : « Il [Érasme] a pourri toute la Flandre ! » 32

De Violieren et la Guilde de Saint-Luc

Le blason de De Violieren (La Giroflée) d’Anvers pour le Landjuweel.

A Anvers également, la Chambre de Rhétorique, De Violieren, fondée vers 1442, fut créée en 1480 au sein de la Guilde de Saint-Luc, la guilde des artistes.

La devise des rhéteurs était « Uyt ionsten versaemt » (Unis par l’affection. Mais « ionsten » est aussi proche de « consten », le mot flamand pour les arts).

Cette symbiose produisit des résultats fructueux. Pour la plupart des historiens, les Violieren constituaient en quelque sorte la branche littéraire de la Guilde de Saint-Luc. Jusqu’en 1664, la guilde avait son siège sur le côté nord de la Grand-Place d’Anvers, la maison Spaengien ou Pand van Spanje.

La guilde était composée de tous les métiers liés aux beaux-arts, notamment les peintres, les sculpteurs, les enlumineurs, les graveurs et les imprimeurs.

Les Liggeren, registre de la guilde des peintres de Saint-Luc d’Anvers.
  • En 1491, l’ami d’Érasme, le peintre Quinten Matsys 33, y fut inscrit comme maître. L’une de ses commandes majeures, le Triptyque de la Déploration du Christ, provenait de la guilde des charpentiers. Selon l’archiviste en chef de la ville d’Anvers, Van den Branden, Matsys lui-même était membre des Violieren et écrivait des poèmes pour leurs concours ;
  • En 1515, Matsys fut rejoint à la Guilde de Saint-Luc par deux autres grands artistes inspirés eux aussi par l’esprit d’Érasme, Joachim Patinir (1480-1524) et Gérard David (1460-1523) ;
  • En 1519, les registres de la guilde (The Liggeren 34) mentionnent l’inscription de Jan Sanders van Hemessen (1500-1566), dont la fille Catharina (1528-1565) deviendra en 1548 la première femme peintre – et professeur de peinture aux hommes – à être admise à la guilde des peintres ;
  • En 1527, celle de Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), maître de Bruegel ;
  • en 1531, ceux des deux enfants de Matsys, Jan et Cornelis ;
  • en 1540, celle de Peter Baltens (1527-1584) ;
  • en 1545, celle du graveur et imprimeur Hieronymous Cock (1510-1570) dont l’atelier produisit des estampes de Bruegel et du poète et traducteur révolutionnaire hollandais Dirk Coornhert (1522-1590), ami proche et conseiller de Guillaume le Taciturne (1533-1583) ;
  • en 1550, celle du grand imprimeur Christophe Plantin (1520-1589) ;
  • et en 1551, celle de Pieter Bruegel l’Ancien (1525-1569). 35

Les échanges quotidiens entre les rhétoriciens et les artistes les plus importants de l’époque eurent une influence bénéfique sur leurs activités et en firent, après quelques années, l’une des sociétés les plus prospères du Brabant.

Les correcteurs de l’imprimerie Plantin.

Dans les concours les plus importants, De Violieren remporta des lauriers : premier prix en 1493 à Bruxelles, en 1515 à Malines et en 1539 à Gand, dans une lutte mémorable à laquelle participèrent 19 chambres de différentes régions du pays.

En août 1541, un concours fut organisé à Diest par la Chambre locale De Lelie (Le lys), auquel participèrent dix autres chambres du Brabant. Le grand prix fut décerné à la Chambre anversoise De Violieren, pour la présentation d’un esbattement (farce).

Anvers, 1561

Comme de coutume, la Chambre ayant remporté le meilleur prix devait à son tour organiser un Landjuweel. C’était également l’avis de De Violieren, après son exploit à Diest ; cependant, les circonstances de l’époque ont fait que le sujet a été reporté. Vingt ans se sont écoulés avant que quiconque puisse songer à organiser un tel concours artistique.

Trois dirigeants de De Violieren, avec beaucoup de courage, s’engageront pleinement dans l’initiative, au péril de leur réputation, leur honneur, leur fortune, leur patrimoine et même de leur vie :

Anthonis van Stralen.
  • Anthonis van Stralen (1521-1568) était le chef des Violieren. Echevin d’Anvers, Van Stralen avait été étroitement associé à l’obtention du permis pour le Landjuweel. En mai 1561, il fut promu bourgmestre (buitenburgemeester) d’Anvers, peut-être en récompense de ses services. Le succès du Landjuweel était dû en grande partie à la coopération entre le magistrat anversois et le conseil des Violieren.
  • Melchior Schetz (vers 1513-1583) était prince de Violieren. Il était le beau-frère de Van Stralen et également échevin. Il était l’un des trois enfants du grand marchand anversois Érasme Schetz (mort en 1550), surnommé le « banquier d’Érasme ». 36 Avec ses trois fils, il a créé une importante société bancaire et commerciale. 37 Son amitié avec Érasme est symptomatique de la popularité dont Érasme jouissait à Anvers. Il lui offrit sa résidence hospitalière : la Huis van Aken, un palais où il avait reçu Charles Quint en personne.

    Dans une lettre, il lui fit, entre autres, cette proposition alléchante : « Mon cœur et l’âme de tant de personnes aspirent à votre présence parmi nous. Je me suis souvent demandé quel enchantement vous retenait ici plutôt que parmi nous. Pieter Gillis [secrétaire de la ville et leur ami commun] m’a donné une raison : nous n’avons pas de vin de Bourgogne, qui convient le mieux à votre tempérament, ne craignez rien, et si c’est le seul obstacle qui vous retient, n’hésitez pas à revenir ; nous veillerons à ce que vous soyez approvisionné en vin, et non seulement en vin de Bourgogne, mais aussi en vin de Perse et d’Inde si vous en avez envie et besoin. »

    En tant que prince de Violieren, son fils Melchior représentait la Chambre le plus souvent en public. Il devait également être responsable de l’organisation financière de la Chambre. Schetz était l’un des plus importants prêteurs d’argent d’Anvers. Il ne fait aucun doute que la ville a facilité financièrement l’organisation du festival.
  • Willem van Haecht (1530-1585) : Issu d’une famille de peintres et de graveurs, il était dessinateur et, vraisemblablement, libraire de profession. Sa devise était Behaegt Gods wille (conforme-toi à la volonté de Dieu). Van Haecht était un ami de l’humaniste et écrivain bruxellois Johan Baptista Houwaert (1533-1599). Il compare Houwaert à Cicéron dans l’éloge introductif du Lusthof der Maechden de Houwaert, publié vers 1582. Dans son éloge, Van Haecht affirme que tout homme sensé devrait reconnaître que Houwaert écrit avec éloquence et excellence.

    Van Haecht a également écrit les paroles de diverses chansons, généralement d’inspiration chrétienne. C’est le cas des paroles d’une chanson polyphonique à cinq voix, Ghelijc den dach hem baert, diet al verclaert, probablement composée par Hubert Waelrant (1517-1595) pour l’ouverture de la pièce des Violieren au landjuweel de 1561. Le poème a également été imprimé sur une feuille volante avec notation musicale, distribué à l’assistance.

    Dès 1552, Van Haecht était affilié à De Violieren, dont les membres comprenaient Cornelis Floris de Vriendt (1514-1575), le principal architecte de l’hôtel de ville de style Renaissance d’Anvers, ainsi que les peintres Frans Floris de Vriendt (vers 1519-1570) et Maerten de Vos (1532-1603). Van Haecht devint le « facteur » (poète titulaire) de De Violieren en 1558.

D’autres personnalités de premier plan impliquées dans l’organisation du Landjuweel comprenaient des imprimeurs tels que Jan de Laet (1524-1566), le graveur et éditeur Hieronymus Cock (vers 1510-1570) (fondateur de l’imprimerie Aux Quatre Vents qui publia les gravures de Bruegel) et le peintre Jacob Grimmer (1510-1590).

L’autre figure majeure était Peeter Baltens (1527-1584), peintre, rhéteur, graveur et éditeur anversois. 38 Baltens était membre de la Guilde de Saint-Luc et des Violieren. Ayant en partie formé Bruegel, son rôle s’avéra particulièrement important. Il noua des amitiés étroites (notamment avec les veuves de Hieronymus Cock (vers 1510-1570) et de Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), cette dernière étant également la belle-mère de Bruegel) et collabora avec les plus grands noms anversois de son temps. Il s’associa avec des patriciens anversois tels que le poète Jonker Jan van der Noot (1539-1595), la riche famille de marchands Schetz et de riches marchands tels que Nicolaes Jonghelinck (1517-1570), banquier d’affaires, mécène et bailleur de fonds de Bruegel.

Selon Lode Goukens,

Herman Pleij note que les Rhétoriciens ont comme consigne de redorer le blason des marchands d’Anvers en faisant la distinction entre le bon grain et l’ivraie. 40

De Groote Robijn, résidence d’Anthonis van Stralen, maire d’Anvers.

Cependant, les recherches sur les relations entre peintres, poètes (ou rederijkers) et marchands montrent que ces trois groupes développent un style de vie culturel commun au XVIe siècle, dans lequel l’amour de la science et de l’art occupe une place centrale.

Pour lancer un concours de rhétorique, il fallait obtenir l’autorisation du gouvernement du pays, ce qui n’était plus chose aisée à l’époque. C’était une conséquence du concours de Gand de 1539, où les idées de nouvelles doctrines contre les institutions de la religion catholique furent présentées et défendues sans la moindre hésitation.

Cependant, De Violieren et les élus d’Anvers (Van Stralen et Schetz) étaient farouchement déterminés à organiser leur Landjuweel. Celui qui fit le plus pour retarder l’obtention de l’autorisation fut le cardinal Perrenot de Granvelle (1517-1582), archevêque de Malines et conseiller de Marguerite de Parme (1522-1586), après l’abdication de l’empereur, son frère Charles Quint, régente des Pays-Bas bourguignons.

Organisation du Landjuweel

En février 1561, les délégués de la ville d’Anvers s’adressèrent à Granvelle avec une requête adressée à la régente, dans laquelle ils soutenaient que De Violieren, par rapport aux autres Chambres, était statutairement obligée d’organiser un concours.

Antoine Perrenot de Granvelle.

Granvelle espérait torpiller l’initiative, mais, conscient qu’un rejet brutal aurait enflammé l’opposition, il chercha divers prétextes. Il fit poliment comprendre aux délégués qu’il souhaitait reporter un tel événement, prétextant que, grâce à l’accord de paix entre la France et les Habsbourg, la guerre venait d’être suspendue et que de telles fêtes représentaient des dépenses importantes, que le pays ne pouvait ou ne voulait pas assumer.

Cela ne dissuada guère les Anversois. Ils répondirent que l’année précédente, l’autorisation avait été accordée à la Chambre de Vilvorde et qu’un report était inconcevable. Sentant qu’ils n’y renonceraient qu’avec un profond dégoût, Granvelle accepta à contrecœur de présenter leur demande à Marguerite, tout en affirmant que l’État s’arrogeait le droit de prélever des impôts sur tous ceux qui participaient au concours.

Craignant surtout que la fête ne devienne une caisse de résonance pour tous ceux qui critiquaient l’occupation espagnole et les abus de l’Église, Granvelle les somma aussi d’informer les chambres participantes que ne pouvait apparaître dans leurs pièces, leurs esbattements ou leurs poèmes, le moindre mot, phrase ou allusion contre la religion, le clergé ou le gouvernement, sinon elles perdraient non seulement le prix qu’elles auraient pu gagner, mais seraient punies et privées de leurs privilèges et de leurs droits ; et que la Chambre d’Anvers avait à veiller à ce que la ville soit bien gardée pendant les festivités et qu’aucun trouble ne puisse survenir.

Marguerite de Parme.

Marguerite de Parme, souvent en désaccord avec Madrid, se montra plus ouverte et moins craintive que Granvelle. Après avoir consulté le rapport fourni par le Conseil de Brabant, qui savait pertinemment que trop de répression encourageait la protestation, elle apposa l’apostille le 22 mars 1561, invitant le chancelier du duché à fournir à Anvers les lettres cachetées nécessaires à l’organisation du Landjuweel.

Ces lettres furent émises le même jour au nom du roi et accordèrent un sauf-conduit de quatorze jours avant le début jusqu’à quatorze jours après la fin du Landjuweel à tous ceux qui souhaitaient y assister, à l’exception de,

La chambre de rhétorique d’Anvers avait soumis 24 thèmes potentiels pour le Landjuweel (voir liste ci-dessous). Marguerite de Parme leur offrait le choix entre les trois sujets qu’elle avait sélectionné 42:

  • « L’expérience ou l’apprentissage apporte-t-il plus de sagesse ? »
  • « Qu’est-ce qui conduit le plus l’homme vers les arts ? »
  • « Pourquoi un homme riche et avide désire-t-il davantage de richesses ? »

Philosophie

Pour montrer combien nos rhétoriciens, sous la direction de Van Straelen et de Schetz, traitèrent de questions philosophiques et politiques de toutes sortes, voici l’ensemble des vingt-quatre sujets qu’ils avaient soumis 43:

  1. Wat sake dat Roomen dede triumpheren? (Qu’est-ce qui a permis à Rome de triompher ?)
  2. Wat dat Roomen meest dede declineren? (Qu’est-ce qui a fait le plus décliner Rome ?)
  3. Weder experientie oft geleertheyt meer wijsheyt bybrengt? (Est-ce que c’est l’expérience ou le savoir qui apporte le plus de sagesse ?)
  4. Hetwelck den mensche meer verwect tot cunsten? (Qu’est ce qui peut conduire le plus l’homme vers l’Art ?)
  5. Dwelk ‘t voetsel der cunsten is? (De quoi l’art se nourrit-il ?)
  6. Waeromme den mensche van tydelycke dinghen zoo begheerlijk is? (Pourquoi l’Homme est-il tellement désireux des choses temporelles ?)
  7. Waer deur des menschen dagen meest vercort worden? (Qu’est-ce qui raccourci les jours des hommes ?)
  8. Waer deur des menschen dagen verlengt worden? (Qu’est-ce qui rallonge les jours des hommes ?)
  9. Waerom dat matige rijckdom ‘t meeste geluck der waerelt genaemt wordt ? (Pourquoi c’est la richesse moyenne qui apporte le plus de bonheur au monde ?)
  10. Dwelck den meesten voorspoed in deser waerelt is? (Quelle est la plus grande prospérité dans ce monde ?)
  11. Dwelck den meesten tegenspoed in deser werelt is? (Quel est le plus grand contre-temps dans ce monde ?)
  12. Hoe compt dat dagelix alle dingen verdieren? (Comment se fait-il que toutes les choses se consument chaque jour ?)
  13. Oft een ghierich mensch kan versaegt worden? (Si un homme avare peut être découragé ?)
  14. Waerom een ryck ghierich mensch meer rykdom begeert? (Pourquoi un riche avare désire encore plus de richesse ?)
  15. Waerom dat ryckdom egeen giericheyt en blust? (Pourquoi la richesse n’étéint pas l’avarice?)
  16. Waerom dat d’eynde der blysschappen ongenucht volcht? (Pourquoi l’amusement est suivi de mécontement ?)
  17. Waerom dat wellust berouw voortbrenght? (Pourquoi la luxure engendre des remords?)
  18. Waerom dat wellust hare straffinghe medebrengt? (Pourquoi la luxure apporte sa propre punition ?)
  19. Waar deur dat Roomen tot zoe groote prosperiteyt quam? (Comment les Romains ont atteint une si grande prospérité ?)
  20. Dwelk de monarchie van Roomen in voorspoed hiel? (Quel gouvernement a maintenu les Romains dans la prospérité ?)
  21. Wat cunste eldernootelykste in een stad is? (Quel art est de la plus haute nécessité dans une ville ?)
  22. Wat der wereld meer rust inbrenct? (Qu’est-ce qui peut amener le monde vers plus de paix ?)
  23. Waer deur de mensche meest compt tot hoocheyt der werelt? (Qu’est-ce qui conduit le plus les gens vers l’orgueil du monde ?)
  24. Waer deur men den woeker best zoude mogen extirperen? (Quel serait le meilleur moyen pour éradiquer l’usure ?)

À première vue, on pourrait dire qu’en choisissant la question « Qu’est-ce qui peut le plus conduire l’homme vers l’art ? » 44, Van Stralen et Schetz choisissent le sujet le moins « politique ». C’est méconnaître Érasme et la pensée platonicienne pour qui beauté et bonté forment une unité et pour qui tout gouvernement qui ne promeut pas la beauté, la néglige ou, pire encore, la méprise, se condamne à l’échec ! En pratique, les poètes, partant de ce principe supérieur, ont fini par fustiger, sans les nommer explicitement, tous les criminels et bellicistes de cette époque.

D’ailleurs, Willem van Haecht, le « facteur » (poète officiel) de De Violieren, dans la pièce qu’il composa spécialement pour le Landjuweel d’Anvers en 1561, montrait que ce qui conduisit les Empires à leur déclin fut, comme c’est encore le cas aujourd’hui, leur manque d’estime pour les Arts, y compris évidemment la Rhétorique.

Du coup, c’est sur ce thème que les 5000 participants (!) au Landjuweel, ont commencé à réfléchir, composer des chants, des pièces de théâtre, des refrains, des allégories, des rébus, des tableaux et des farces, le tout présenté ensuite, par le Landjuweel, à presque tout le pays.

On se frotte les yeux pour y croire : deux siècles avant (!) Friedrich Schiller, le poète allemand surnommé « poète de la liberté » et inspirateur de nombreuses révolutions à la fin du XVIIIe siècle, une élite humaniste éclairée par Érasme aux Pays-Bas a conduit une partie substantielle du pays à s’élever vers une paix durable en s’émancipant du servage et de l’ignorance par la beauté morale ! Le Landjuweel d’Anvers de 1561 fut bien plus qu’une simple fête, ce fut un changement de paradigme et un véritable tournant. Chapeau !

Après avoir reçu l’autorisation, la Chambre de rhétorique et le Conseil municipal d’Anvers s’attelèrent aussitôt à donner à ce grand festival littéraire toute sa splendeur et sa magnificience. Un carton d’invitation en vers fut rédigé, précisant le sujet du concours et les prix à gagner.

Melchior Schetz, prince de De Violieren, défilant dans les rues d’Anvers au Landjuweel de 1561.

Le 23 avril, ce carton d’invitation fut remis par le bourgmestre Nicolaas Rockox, en présence de Melchior Schetz et d’Anthonis van Stralen, à l’hôtel de ville d’Anvers, à quatre messagers assermentés, chargés de le transmettre à toutes les chambres de rhétorique du Brabant et de les inviter également au Landjuweel. Ces messagers voyagèrent aux frais de la ville et se rendirent d’abord à Louvain, la plus ancienne ville du Brabant. Partout, la nouvelle d’un Landjuweel à Anvers fut accueillie avec une joie extraordinaire, et les messagers furent accueillis avec une grande générosité.

Alors que dans la plupart des villes du Brabant les rhétoriciens s’occupaient à composer et à enseigner des pièces de théâtre et des poèmes, à fabriquer des chars de triomphe et à peindre des armoiries, à Anvers ils ne restaient pas inactifs.

De Violieren fait alors confectionner de magnifiques vêtements neufs pour ses membres, à la suggestion de Melchior Schetz, pour la cérémonie d’accueil offerte aux participants.

Podium du Landjuweel d’Anvers 1561.

Une élégante scène de théâtre fut érigée sur la Grand-Place d’Anvers, conçue par Cornelis Floris. Ironie de l’histoire, elle fut installée à l’endroit même où l’Inquisition décapitait les « hérétiques ». Le public assistait aux représentations debout, à l’exception du jury et des hauts fonctionnaires, pour lesquels des bancs étaient prévus.

Partout, l’effervescence et l’animation régnaient ; chaque citoyen souhaitait apporter sa contribution pour accueillir les invités étrangers avec la solennité requise et beaucoup de faste.

Le conseil municipal, pour sa part, avait pris les mesures nécessaires pour que tout se passe bien. Tous les habitants des rues où devaient passer les rhéteurs ont reçu l’ordre de dégager les rues et de retirer tout échafaudage ou obstacle qui pourrait gêner leur passage.

Tout le monde attendait avec impatience le 3 août, jour où l’entrée officielle aurait lieu et où les jeux de Landjuweel commenceraient.

Une journée mémorable

Hôtel de ville d’Anvers (à gauche) conçu par Cornelis Floris Devriendt.

Le 3 août 1561 est un jour mémorable dans l’histoire d’Anvers. La ville était parée de ses habits de fête : sur les façades des maisons, drapeaux, fanions et festons ; sur les places publiques, d’élégantes arches de style Renaissance.

Ce n’est un secret pour personne : les Anversois aiment gagner beaucoup d’argent. Mais ils aiment aussi le dépenser sans compter ! Au cours de ce merveilleux XVIe siècle, ils prenaient plaisir à afficher, lors de ces occasions, une splendeur qui dépasse, pour ainsi dire, notre imagination.

Juerken, le bouffon ou imbécile de De Violieren au Landjuweel d’Anvers de 1561.

Partout régnait la joie et la vie. De nombreux étrangers traversaient les rues ; tous, étrangers comme locaux, s’engageaient à maintenir le meilleur ordre possible au milieu de cette agitation et de ce tumulte. 45

À 14 heures, les « frères » de la guilde De Violieren se rassemblèrent pour se rendre ensemble à la Keizerspoort afin de rencontrer les chambres participantes. Ils étaient 65, montés sur des chevaux magnifiquement parés, vêtus de précieux uniformes. Ceux-ci se composaient de tabards de soie violette rayés de satin blanc ou de drap argenté, de pourpoints blancs rayés de rouge, de bas et de bottes blancs, et de chapeaux violets ornés de plumes rouges, blanches et violettes.

À la Keizerspoort, les chambres étrangères participantes furent solennellement reçues. Elles étaient quatorze et, au son des clairons et sous les acclamations de la foule, elles entrèrent dans Anvers, suivant la Huidevetterstraat, l’Eiermarkt et le Melkmarkt jusqu’à la Grote Markt, devant l’Hôtel de Ville.

Représentation artistique du Landjuweel d’Anvers de 1561, peint en 1899 par Edgard Farasyn pour l’hôtel de ville d’Anvers.

Le cortège était grandiose et impressionnant ; on n’avait jamais rien vu de tel dans ces régions. Sans les frères de la Guilde sur les chars, les porteurs d’armoiries, les écuyers, les valets de pied, les trompettistes, les tambours et autres musiciens à pied, le nombre de rhétoriciens à cheval de toutes les villes s’élevait à 1393, celui des chars à 23 et celui des autres chars à 197. 46

L’Ommegang de 1685 (supposé être une procession religieuse sans concours de poésie ou de théâtre) donne néanmoins une idée de ce à quoi ressemblaient les événements culturels de masse à Anvers.

Après quinze jours de compétition entre les villes de grande et moyenne taille pendant le Landjuweel, une semaine supplémentaire de « Hagespelen », des compétitions moins fastueuses et moins coûteuses entre les cantons, villages et communes, a suivi. Les organisateurs ne voulaient pas de perdants. Les formats étaient si variés qu’à la fin du mois, pas une seule ville, village ou commune n’était sans prix.

Pièce de théâtre dans un village flamand.

Et de retour dans leurs villes, tous ces acteurs culturels, comédiens, chanteurs, poètes, farceurs et comiques, dynamisés comme jamais par la rencontre avec une nation entière, rejouèrent chez eux la pièce ou le spectacle qui leur avait valu un prix. Dans la mesure où chaque chambre primée fut obligée d’organiser un nouveau concours, un véritable effet de diffusion et de contamination culturelle se répandit dans le pays.

Bateaux de mer entrant à Bruxelles par le canal Bruxelles-Escaut. Peinture d’Andreas Martin (1699-1763).

La joie et la fierté étaient telles que la Chambre de Vilvorde a donné une représentation spéciale pour l’ouverture du nouveau canal Bruxelles-Willebroek en octobre 1561. Le projet d’un canal de 28 km de long, reliant Bruxelles à l’Escaut (et donc à Anvers et à la mer) était évoqué depuis 1415, mais c’est Marie de Hongrie qui, en 1550, a ouvert le chantier. Le canal a vu le jour après 11 ans de travaux.

Le Landjuweel d’Anvers impressionna les spectateurs venus de l’étranger, parmi lesquels Richard Clough 47, représentant du financier anglais Thomas Gresham. Le marchand ne cacha pas son admiration et ne tarit pas d’éloges sur les festivités, les comparant à l’entrée de Philippe II et de Charles Quint à Anvers en 1549. Il ne pouvait que constater que l’organisation du Landjuweel était plus vaste et le spectacle plus impressionnant :

Paix et art, unis pour la célébration

Le mardi 5 août, deux jours après la grande réception des chambres participantes, les rhétoriciens en visite, ainsi que le reste des spectateurs, sont solennellement accueillis sur la Grand-Place d’Anvers.

Les Violieren proposent ensuite une zinnespel (morale) de bienvenue : Den Wellecomme (La Bienvenue), écrite par Willem van Haecht. Au cœur de la pièce se trouve la paix relative qui permet l’organisation du Landjuweel, une rencontre symbolisant le renouveau de la rhétorique (l’art de la rhétorique) rendue possible grâce à la tranquillité retrouvée. Le duché avait beaucoup souffert dans les années 1550, mais s’était lentement relevé après la paix du Cateau-Cambrésis (1559) marquant une pause dans le conflit entre les Habsbourg et la France. L’espoir de jours meilleurs était permis. Les réactions littéraires à la paix furent donc particulièrement optimistes. L’aube d’un nouvel âge d’or était dans tous les esprits.

La pièce met en scène trois nymphes, des fleurs – sœurs – qui, ensemble, représentent De Violieren. Après des années de guerre, la Chambre a eu l’opportunité d’organiser le Landjuweel. Pour cela, les nymphes ont une grande dette de gratitude envers le peuple brabançon. Malgré les temps difficiles et les divisions croissantes entre les différents groupes sociaux, le peuple est resté uni.

C’est la Concordia, le sentiment d’unité et de solidarité, qui unit désormais les défenseurs du bien public. Par amour pour l’art de la rhétorique, tous sont venus de tous horizons à Anvers pour célébrer ensemble le Landjuweel. Selon les nymphes, il est grand temps que Rethorica reprenne la place qui lui revient dans la société. Maintenant que le dieu guerrier Mars et la détestée Discordia ont été chassés, elle seule peut apporter joie et paix au pays. Seule la semence de la rhétorique (« Rethorices saet ») peut porter des fruits de joie.

Les fleurs se mirent donc en quête de Rethorica. Autrement dit, De Violieren décrit principalement le Landjuweel comme une fête de la joie, organisée par les Chambres de Rhétorique pour renforcer le sentiment d’appartenance et les liens d’amitié entre les villes et les peuples de la région.

welcomme
Illustration du drame de Van Haecht « La Bienvenue ». Trois nymphes viennent réveiller Rethorica, endormie, mais protégée par Antwerpia. A gauche sur l’avant-plan, les outils d’invention et de travail que Rhetorica a abandonné en s’endormant.

Finalement, les nymphes trouvent Rhetorica, endormie dans les bras d’une jeune fille (Anwerpia), qui l’a toujours protégée. Alors que les déesses de la vengeance (« Érinnies ») ont ravagé le pays pendant vingt ans, la rhétorique a toujours été protégée et chérie à Anvers. Il est temps de la réveiller de son long sommeil hivernal. Une fois réveillée, Rhetorica et le Landjuweel marqueront le début d’une période de prospérité, pour Anvers et pour le monde.

Den Wellecomme ne se contente pas de dégager une atmosphère de joie et d’euphorie, il lance aussi quelques piques aux oppresseurs. Les Chambres conservèrent un arrière-goût amer. Au cours des années précédentes, plusieurs rhétoriciens avaient été frappés par le destin. Le « facteur » précédent, le très estimé Jan van den Berghe (mort en 1559), était décédé de vieillesse. De plus, deux membres éminents avaient été victimes de persécutions religieuses.

Les imprimeurs Frans Fraet (1505-1558) et Willem Touwaert Cassererie (vers 1478-1558) furent condamnés et exécutés en 1558, malgré les protestations vigoureuses de leur guilde, pour avoir imprimé et été trouvés en possession de livres interdits (des Bibles néerlandaises).

Gravure d’après Jan van der Straet (Johannes Stradanus).

Anvers était le centre nord-européen de l’édition hétérodoxe dans la première moitié du XVIe siècle. C’est d’Anvers que les livres étaient expédiés dans toute l’Europe. Alastair Duke, qui a étudié les méthodes de l’Inquisition à cette époque, a suggéré que sur quatre mille livres publiés en Europe entre 1500 et 1540, la moitié a été imprimée à Anvers 49 ; presque la moitié de ces publications contenaient des influences protestantes. 50

Ces persécutions renforcèrent la méfiance du gouvernement central envers les rhéteurs. Les temps n’étaient pas faciles pour eux.

L’art de la rhétorique « n’a pas beaucoup d’amis », comme le regrette Van Haecht. 51

Bien que le Landjuweel ait été conçu pour célébrer la paix et non pour exprimer le mécontentement, l’horreur des années de guerre passées et les divisions qui en ont résulté étaient clairement palpables.

La rencontre se déroula sous le signe de l’amitié et de la solidarité – ce qui n’était pas sans raison la devise de De Violieren. Faisant référence au miracle de la Pentecôte, le carton d’invitation comparait les rhétoriciens aux apôtres, qui reçurent le Saint-Esprit en se rassemblant dans l’unité, sans désaccord ni conflit. Ce motif était courant chez les rhétoriciens.

Déjà dans les poèmes du brugeois Anthonis de Roovere (vers 1430-1482), les pièces de théâtre gantoises de 1539 et dans Const van Rhetoriken de Matthijs de Castelein (1485-1550), l’inspiration du rhétoricien est comparée à l’enthousiasme religieux des apôtres à la Pentecôte. Les rhétoriciens considéraient leur poésie comme un don du Saint-Esprit. Cela rappelle fortement la thématique d’Érasme dans sa Querela Pacis (La Complainte de la paix, 1517). Dans ce célèbre pamphlet pour la paix, le miracle de la Pentecôte est également utilisé pour souligner l’importance de l’unité et de l’amour dans la société. Seule la religion chrétienne, selon Érasme, avait la force de se défendre contre la tyrannie et la guerre. Le bien-être de la société tout entière a toujours eu la priorité sur toute forme d’intérêt personnel.

Un carton d’invitation rimé fut envoyé à toutes les chambres du Brabant, accompagnée d’une gravure sur bois (probablement réalisée par Willem van Haecht). Cette gravure allégorique souligne l’importance de la rhétorique pour parvenir à la paix.

Estampe sur bois illustrant l’invitation adressée aux autres chambres de rhétorique par les Violieren d’Anvers pour le Landjuweel de 1561.

Rhetorica trône au centre, ses attributs étant un parchemin et un lys, symboles respectivement des vertus de promotion du savoir et d’harmonisation de l’art rhétorique. De chaque côté d’elle se trouvent Prudentia (à gauche) et Inventio (à droite). Prudentia, la Providence, est représentée tenant un miroir (la perspicacité) et un serpent (la prudence). Inventio, l’Invention, possède les attributs d’un compas et d’un livre. Ces deux personnifications font référence aux qualités de conception soignée et d’érudition. Elles sont toutes deux destinées à soutenir Rhetorica. Elles se tiennent sur une marche surélevée, sur laquelle pousse la fleur de violette. Sous la fleur, le bœuf de la guilde de Saint-Luc soutient les armoiries de la guilde des peintres d’Anvers. Les personnifications Pax, Charitas et Ratio se placent à gauche du trône pour rendre hommage à Rhetorica. Une lumière divine (Lux) les illumine.

À droite, Ira, Invidia et Discordia sont poursuivies dans une profondeur brûlante (tenebrae). Les ténèbres du passé cèdent ainsi la place à un avenir illuminé où règne la rhétorique. Contrairement au texte du carton d’invitation, l’art de la rhétorique assure ici la paix. Il y a donc une interaction constante entre rhétorique et paix.

Dans le carton d’invitation et la pièce de bienvenue de De Violieren, la paix crée les conditions propices à l’épanouissement de la rhétorique. Dans la gravure sur bois, c’est précisément l’art de la rhétorique qui, grâce à ses qualités de perspicacité et d’invention, chasse la colère, l’envie et la discorde vers le ravin des ténèbres. Sa lumière divine crée les conditions propices à l’épanouissement de la paix, de l’amour et de la raison.

Les trois allégories positives à gauche de la Rhétorique contrastent délibérément avec les trois figures à sa droite. Ratio est opposée à Ira, Charitas à Invidia et Pax à Discordia. Dans sa conception, Van Haecht a choisi la discorde (Discordia) plutôt que la guerre (Bellum) comme opposé à la paix (Pax).

Le concept de paix était profondément ancré dans le système des valeurs collectives. Dans ce discours, la paix, avec la justice, l’ordre et l’esprit collectif, constitue l’un des piliers de la cohésion sociale interne. La paix protège la ville du monde extérieur et maintient l’équilibre entre les différents segments de la société, notamment par l’exercice de la cohésion et de la solidarité. De plus, la paix, tant spirituelle que matérielle, apporte bien-être et prospérité. Mais cela ne peut être atteint que si tous les groupes urbains travaillent ensemble à l’unisson.

La discorde, qu’elle soit entre les guildes, entre les sections du patriciat urbain, entre les riches et les pauvres, ou entre les factions religieuses, constitue la plus grande menace pour la paix intérieure et doit être évitée par-dessus tout. 52

Le discours des rhétoriciens sur la paix repose sur l’idée que Dieu avait créé le monde comme un tout harmonieux, ordonné et parfait. Discordia personnifie la rupture de cette création, de la relation entre Dieu et l’homme, et de celle entre l’homme et la nature.

La discorde perturbe également l’équilibre entre les citadins, entre la ville et la campagne, et entre le prince et ses sujets. De plus, elle provoque des troubles dans l’esprit humain. Ce concept implique une perte individuelle de maîtrise de soi et de raison.

Vandommele écrit que selon eux,

Tout comme la musique, la poésie était, à leurs yeux, un don du ciel. Toutes deux utilisaient la théorie de l’harmonie pour refléter l’ordre du cosmos et servaient également à communiquer avec Dieu. De plus, le mot « discorde » dans la littérature des rhétoriciens désigne également un manque d’harmonie dans les vers et les rimes, une offense impardonnable en poésie.

Pour toutes ces raisons, la discorde était considérée comme la principale cause de malheur. Il fallait à tout prix la bannir au plus profond de l’enfer. Les rhétoriciens, grâce à leur maîtrise de la poésie et de la rhétorique, étaient ceux qui pouvaient y parvenir. Ils assumaient le rôle de gardiens de la paix, responsables de la sociabilité urbaine.

Le Landjuweel d’Anvers de 1561, gigantesque événement culturel de masse rappelant ces nobles qualités humaines qui unissent le bien et le beau dans un contexte ou la survie de la société était loin d’être certaine, fut un véritable « cri du peuple », un peu semblable à ce que la France connaîtra ultérieurement avec la Fête de la Fédération avant la Révolution française. 54

Au Landjuweel, une entente entre commerçants, artisans, poètes et artistes, éclairés par les lumières d’Erasme, ont appelé les gouvernements du monde à renoncer à l’usure, au pillage et à la guerre et à organiser une paix durable fondée sur l’harmonie des intérêts mutuellement bénéfiques.

Anvers, bourse du commerce, reconstruction datant de 1872 de l’original construite en 1531.

Censure, répression et révolte

À partir de 1521, des décrets répriment la lecture et la possession de livres interdits, tant les écrits luthériens que les Bibles. En 1525, la justice anversoise mit en garde les imprimeurs et les libraires. À partir de 1528, les rhétoriciens sont tenus de faire examiner et valider au préalable leurs œuvres avant toute production ou publication.

En 1533, la réforme gagna du terrain. Pas un jour ne se passait sans une joute satirique contre le clergé. Cinq rhéteurs d’Amsterdam sont condamnés à effectuer un pèlerinage à Rome à leurs frais. En 1536, un imprimeur ayant enfreint la réglementation est décapité sur la Grand-Place d’Anvers. Sans autorisation préalable, les Chambres de rhétorique ne peuvent plus présenter de pièces de théâtre en public. Cela conduit au Landjuweel de Gand en 1539, où, nous l’avons vu, la liberté prévaut. Le 6 octobre de la même année, le chancelier de Brabant écrivit au régent que la vente du recueil imprimé des pièces peut avoir de très graves conséquences. D’emblée, la collection est placée sur l’index des livres interdits.

Un décret stipule également qu’il est désormais interdit de faire référence aux Saintes Écritures et aux sacrements. L’interdiction de vente des recueils provoqua une réaction contraire et attira de nombreux lecteurs. Ces œuvres furent réimprimées trois fois, la dernière édition datant de 1564, deux ans avant le déclenchement du Beeldenstorm (Fureur iconoclaste).

En 1566, les peintures et sculptures des églises et des monastères, les reliques et tout ce qui était associé au culte des images furent brisés et détruits par les calvinistes, la branche la plus radicale du protestantisme. On soupçonne et accuse immédiatement les Chambres de Rhétorique d’inspiration érasmienne, d’être responsables des destructions !

Avec l’arrivée du sanguinaire duc d’Albe dans les Pays-Bas bourguignons en 1567, le climat religieux relativement tolérant est remplacé par la persécution de ceux qui critiquent la foi catholique.

Anthonis van Stralen, chef des Violieren et, comme nous l’avons vu, l’un des principaux organisateurs du Landjuweel d’Anvers et ami personnel de Guillaume le Taciturne, tente de partir en exil en Allemagne. Mais le 9 septembre, sur ordre du duc d’Albe, il est intercepté par le comte Lodron entre Anvers et Lierre. Le 25 septembre, il est transféré à la prison de Treurenberg à Bruxelles. En février 1568, il est transféré au château de Vilvorde pour comparaître devant le nouveau Conseil des Troubles.

Après avoir été soumis pendant plusieurs jours à la torture, Van Stralen est porté au bourreau. Peinture d’Emile Godding (1841-1898), Hôtel de ville d’Anvers.

Après avoir été torturé, ses biens sont confisqués et il est condamné à mort par l’épée. La sentence est exécutée au château de Vilvorde le 24 septembre 1568. 55

Cette décision suscita une vive indignation à Anvers. De nombreux marchands et citoyens importants quittent alors définitivement la ville.

Les pièces du Landjuweel d’Anvers de 1561, dont celles de Willem Van Haecht, qui respirent l’esprit d’Érasme, sont interdites. Leur représentation du 21 juin 1565, bien accueillie par le public, fait grincer des dents le clergé, selon Godevaert van Haecht, un proche parent de l’auteur.

Van Haecht s’enfuit à Aix-la-Chapelle, puis aux Pays-Bas. Son poème « Hoe salich zijn die landen », écrit pour De Violieren, fut mis en musique par Jacobus Flori et inclus dans le Geuzenliedboek, recueil de chants de ceux qui s’étaient révoltés contre la domination espagnole dans les Pays-Bas bourguignons.

Eclate alors la « Furie espagnole » (ou Terreur espagnole), une série de saccages violents de villes (Malines, Anvers, Naarden, etc.) des Pays-Bas bourguignons. La principale cause en était le retard de paiement dû aux soldats et aux mercenaires par Philippe II. L’Espagne vient de déclarer faillite. Les banquiers refusent d’effectuer les transactions que leur demande le roi d’Espagne tant qu’ils n’ont pas trouvé de compromis. A titre d’exemple, le transfert depuis l’Espagne du salaire des troupes ne pouvait être effectué par lettre de change (l’équivalent au XVIe siècle d’un mandat postal). Le gouvernement espagnol a donc dû transférer l’argent réel par voie maritime – une opération beaucoup plus coûteuse, lente et périlleuse. Malheureusement pour Philippe, 400 000 florins destinés à payer les troupes ont été saisis par le gouvernement anglais d’Elizabeth I lorsque des navires contenant les florins se sont mis à l’abri d’une tempête dans les ports anglais. 56

La furie espagnole la plus célèbre fut le sac et l’incendie d’Anvers, qui durèrent trois jours en novembre 1576. Au moins 7000 personnes furent tuées et de nombreux biens furent détruits. Un écrivain anglais, témoin de l’événement, estima à 17 000 le nombre de morts.

Sac d’Anvers pendant la furie espagnole de 1576.

Peu après, sous la direction du grand érasmien Guillaume le Taciturne, soutenu par les Chambres de Rhétorique, la nation entière se soulève contre l’oppression et en faveur d’une République.

Le Plakkaat ou Akte van Verlatinghe (traduit par Acte d’abjuration), signé le 26 juillet 1581, est considéré comme la « déclaration d’indépendance » de nombreuses provinces des Pays-Bas qui considéraient que le roi avait failli dans ses obligations envers son peuple.

Le texte a été rédigée par le législateur et greffier anversois Jan van Asseliers (1530-1587), un ami proche aussi bien de Melchior Schetz que d’autres organisateurs clés du Landjuweel anversois de 1561. 57 Le texte a été imprimé à Leyden par Charles Silvius, le fils de Willem Silvius (1521-1580) 58 , l’humaniste anversois qui a imprimé et publié l’intégralité des actes du même Landjuweel. 59

Ce n’est qu’après 80 ans de guerre (1568-1648), lors du traité de Westphalie, que la République des Pays-Bas a été reconnue, laissant le sud sous le contrôle des Habsbourg.

Les citoyens instruits s’exilent. Entre 150.000 et 200.000 réfugiés se seraient établis dans les Provinces-Unies et en Allemagne. Certaines villes, comme Francfort, Hambourg, Londres et Amsterdam, doivent leur prospérité à l’arrivée des réfugiés des Pays-Bas méridionaux. Après 1581, les autorités espagnoles ne tentent plus d’empêcher ces départs qui répondent à leur volonté de vider le pays de ses habitants protestants. 60

Biographie choisie

(En ordre chronologique)

NOTES :

  1. VEREYCKEN, Karel, Comment la folie d’Erasme sauva notre civilisation, Schiller Institute, Washington; ↩︎
  2. DERVILLE, Alain, L’alphabétisation du peuple à la fin du Moyen Age, La Revue du Nord, 1984. ↩︎
  3. DERVILLE, Alain, Ibid. ↩︎
  4. STOUTEN, Hanna, GOEDGEBUURE, Jaap, VERBIJ-SCHILLINGS, Jeanne, Histoire de la littérature néerlandaise (Pays-Bas et Flandres), Fayard, Paris, 1999. ↩︎
  5. AKCILAK, İ. Semih Akçomak, WEBBINK Dinand, TER WEEL Bas, Why Did the Netherlands Develop so Early? The Legacy of the Brethren of the Common Life, IZA DP No. 7167, Forschungsinstitut zur Zukunft der Arbeit Institute for the Study of Labor (IZA), 2013 ; ↩︎
  6. Open Universiteit Nederland, Orientatiecursus cultuurwetenschappen, Van Bourgondische Nederlanden tot Republiek, Deel 2, 2009. ↩︎
  7. PYE, Mychael, The Babylon of Europe, Editions Nevetica, Brussels, 2024 ; ↩︎
  8. PYE, Mychael Pye, Ibid. ; ↩︎
  9. CIPOLLA, C., Literacy and Development in the West, Penguin Books: London, 1969, p. 47 ; ↩︎
  10. PARKER, G., The Dutch Revolt, Cornell University Press: Ithaca, NY., notes of Philip’s visit to the Netherlands in 1549, 1977, p. 21 ; ↩︎
  11. VANDOMMELE, Jeroen, Als in een spiegel, Vrede, kennis en gemeenschap op het Antwerpse Landjuweel van 1561, Uitgeverij Verloren, Hilversum, 2011. ↩︎
  12. REMCO, Sleiderink, De schandaleuze spelen van 1559 en de leden van De Corenbloem. Het socioprofessionele, literaire en religieuze profiel van de Brusselse rederijkerskamer, Belgian Review of Philology and History, volume 92, fascic. 3, 2014. Modern languages and literatures, pp. 847-875; ↩︎
  13. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  14. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  15. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  16. PLEIJ, Herman, Het gevleugelde woord. Geschiedenis van de Nederlandse literatuur 1400-1560, Bert Bakker, Amsterdam, 2007 : ↩︎
  17. VEREYCKEN, Karel, Comment Jacques Coeur a mis fin à la guerre de cent ans, Artkarel.com, 2018; ↩︎
  18. VEREYCKEN, Karel, Jacob Fugger le riche, père du fascisme financier, Artkarel.com, 2024: ↩︎
  19. VEREYCKEN, Karel, Fugger, Ibid. ↩︎
  20. VEREYCKEN, Karel, Fugger, Ibid. ↩︎
  21. VEREYCKEN, Karel, Le rêve d’Erasme, le collège des trois langues de Louvain, Artkarel, 2019; ↩︎
  22. VEREYCKEN, Karel, Quinten Matsys et Léonard. L’aube de l’ère du rire et de la créativité, Artkarel, 2024; ↩︎
  23. NIJENHUIS, Andreas, Les Pays-Bas au prisme des Réformes (1500-1650), L’Europe en conflits, p. 101-136, Presses universitaires de Rennes, 2019. ↩︎
  24. CHARLES, Pierre-Yves, Chercheur invité à l’Université Libre d’Amsterdam, La Réformation des Réfugiés, site internet de l’Eglise protestante unie de Belgique; ↩︎
  25. CHARLES, Pierre-Yves, Ibid. ; ↩︎
  26. DEGROOTE, Dr. Gilbert, In Erasmus’ Lichtkring, Koninklijke Nederlandse Maatschappij, 1962; ↩︎
  27. VEREYCKEN, Karel, Comment la folie d’Erasme sauva notre civilisation, Schiller Institute, Washington ; ↩︎
  28. VEREYCKEN, Karel, Ibid. ↩︎
  29. VEREYCKEN, Karel, Quinten Matsys, Op. Cit. ; ↩︎
  30. DEGROOTE, Dr. Gilbert, Ibid. ; ↩︎
  31. DEGROOTE, Dr. Gilbert, Ibid. ; ↩︎
  32. DEGROOTE, Dr. Gilbert, Ibid. ; ↩︎
  33. VEREYCKEN, Karel, Quinten Matsys, Op. cit. ; ↩︎
  34. ISRAEL, N. , De Liggeren en andere historische archieven der Antwerpsche Sint Lucasgilde, Amsterdam, 1961; ↩︎
  35. MEGANCK, Tine Luk Meganck (Op. cit.) underscores that « Bruegel’s visual language is closely related to the poetic imaginary of the rhetoricians. Like the rhymesters, Bruegel often presented a serious message with a dash of mockery, as an inversion of the established order, as the world upside down. » ↩︎
  36. GODIN, André. Érasme et son banquier. In: Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 34 N°4, pp. 529-552, Octobre-décembre 1987. ↩︎
  37. SOLY, Hugo Soly, Capital at Work in Antwerp’s Golden Age, Studies in European Urban History (SEUH)(1100-1800), Volume 55, Ghent University, Brepols, 2021. ↩︎
  38. GOUKENS, Lode, Peeter Baltens, een “grafisch diplomaat” tijdens de troebelen (Antwerpen 1572-1584), VUB, 2018 ; ↩︎
  39. GOUKENS, Lode, Ibid.; ↩︎
  40. PLEIJ, Herman, Het gevleugelde woord. Geschiedenis van de Nederlandse literatuur 1400-1560, Bert Bakker, Amsterdam, 2007 ; ↩︎
  41. KRUYSKAMP, Dr. C. , Het Antwerpse Landjuweel van 1561, De Nederlandse Boekhandel, Antwerpen, 1962 ; ↩︎
  42. ROOSES, Max, De feesten van het Landjuweel in 1892, De Vlaamse School, Nieuwe Reeks, jaargang 5, 1892 ; ↩︎
  43. CLAES, Henri, Het Landjuweel van Antwerpen in 1561, De Vlaamsche Kunstbode, 1890; ↩︎
  44. VAN DIXHOORN, Arjan, (Op. cit.), s’appuyant sur Vandommele, soutient que le mot « Art » (consten) se réfère ici seulement aux arts libéraux et aux arts mécaniques et non aux arts ”supérieurs ». Cet argument ne tient pas, car le leitmotiv de l’ensemble du Landjuweel, comme Vandommele lui-même le démontre avec force, était que l’harmonie de la poésie et de la musique, un don du ciel, était la seule base viable d’une paix et d’une concorde durables. ↩︎
  45. GRAPHEUS, Abraham; VAN STRALEN, Anthonis; VAN EVEN, Edward; Het Landjuweel van Antwerpen in 1561, Eene verhandeling Over Dezen Beroemden Wedstrijd Tusschen De Rederijkerskamers van Braband, Bewerkt naar Eventijdige Oorkonden En Versierd met 35 platen, naar tekeningen van Frans Floris en andere meesters, CJ Fontayn, Leuven, 1861 ; ↩︎
  46. GRAPHEUS, Abraham; VAN STRALEN, Anthonis; VAN EVEN, Edward; Ibid. ; ↩︎
  47. CLOUGH, Richard, Brief over het Landjuweel van 1561, DBNL; ↩︎
  48. CLOUGH, Richard, Ibid. ; ↩︎
  49. DUKE, Alastair C., Dissident Identities in the Early Modern Low Countries, ed. Judith Pollmann and Andrew Spicer, Aldershot, Ashgate, 2009 ; ↩︎
  50. CHRISTMAN, Victoria, The Coverture of Widowhood: Heterodox Female Publishers in Antwerp, 1530-1580. The Sixteenth Century Journal, 2011 ; ↩︎
  51. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  52. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  53. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  54. La Fête de la Fédération était une célébration qui se déroula au Champ-de-Mars le 14 juillet 1790, premier anniversaire de la prise de la Bastille. Avec plus de 300 000 personnes présentes, l’événement célébrait les réalisations de la Révolution française (1789-1799) et l’unité du peuple français. La fête elle-même fut un accomplissement monumental : des dizaines de milliers de citoyens français se portèrent volontaires pour travailler dans la boue et la pluie à la construction d’un amphithéâtre sur le Champ-de-Mars, avec un autel de la Patrie colossal en son centre. Cet événement marqua la naissance du patriotisme français, du moins au sens où on l’entend aujourd’hui, et fut la première célébration du 14 juillet, fête nationale française, toujours célébrée chaque année. Parallèlement, cette fête marqua l’apogée de l’unité pendant la Révolution française, car par la suite, les révolutionnaires sombrèrent dans des luttes entre factieux et une politique fondée sur la terreur. ↩︎
  55. VAN CAPPELLE, Johannes Pieter, Anthonis van Stralen. National Library of the Netherlands (original from the University of Amsterdam), 1827; ↩︎
  56. Le sac d’Anvers, connu comme la Furie Espagnole, Gifex.com; ↩︎
  57. GENARD, P. , Jean van Asseliers, Biographie nationale de Belgique, Wikisource; ↩︎
  58. Portail Biblissima, Willem Silvius (1521-1580); ↩︎
  59. SILVIUS, Willem, Spelen van sinne vol scoone moralisacien uutleggingen ende bediedenissen op alle loeflijcke consten … Ghespeelt … binnen der stadt van Andtwerpen op dLant-juweel … den derden dach augusti … M.D.LXI., Erfgoedbibliotheek Hendrik Conscience, Antwerpen, 1562; ↩︎
  60. CHARLES, Pierre-Yves, Ibid. ↩︎

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LOUVRE AUDIO GUIDE: Van Eyck, Rolin and the Peace of Arras

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Back of Van Eyck’s painting showing imitation of gorgeous marble!
La Vierge du Chancelier Rolin

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Other audios of the Louvre Audio Guide collection:

  1. Short note about the building;
  2. The Greek tradition behind the Fayum Mummy Portraits;
  3. Cimabue, Giotto, Fra Angelico, the Wonders of the Italian Trecento;
  4. Who was whispering in the Ear of Joan of Arc;
  5. Van der Weyden and Cusanus;
  6. Antonello de Messina and Man in the image of Christ;
  7. Ghirlandaio’s immortality;
  8. The Rigor of Mantegna’s crucifixion;
  9. Leonardo and Verrocchio’s workshop;
  10. Why Leonardo didn’t like painting;
  11. Mona Lisa made in China?;
  12. How Bosch’s Ship of Fools drove the Jester out of business;
  13. Why Erasmus had no time to pause for portraits;
  14. Rembrandt, sculptor of Light;
  15. Why Vermeer was hiding his convictions;
  16. Van Eyck, Nicolas Rolin and the Peace of Arras.

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How Jacques Cœur put an end to the Hundred Years’ War

The life of Jacques Cœur (1400-1456), a simple shoemaker’s son who became the King’s treasurer and whose motto was « A vaillans cuers, riens impossible » (To a valiant heart, nothing is impossible),
has much to inspire us today.

Without waiting for the end of the Hundred Years’ War (1337-1453), Jacques Cœur, an intelligent and energetic man of whom no portrait or treatise exists, decided to rebuild a ruined, occupied and tattered France.


Not only a merchant, but also a banker, land developer, shipowner, industrialist and master of mines in Forez, Jacques Coeur was a contemporary of Joan of Arc (1412-1431), who lived in 1429 in Coeur’s native city of Bourges.

First and foremost, he entered into collaboration with some of the humanist popes of the Renaissance, patrons of the scientific genius Nicolaus Cusanus and the painter Piero della Francesca. With Europe threatened with implosion and chaos, their priority was to put an end to interminable warfare and unify Christendom.

Secondly, following in the footsteps of Saint-Louis (King Louis IX), Cœur was one of the first to fully assume France’s role as a naval power. Finally, thanks to an intelligent foreign exchange policy and by taking advantage of the maritime and overland Silk Roads of his time, he encouraged international trade. In Bruges, Lyon and Geneva, he traded silk and spices for cloth and herring, while investing in sericulture, shipbuilding, mining and steelmaking.

Paving the way for the reign of Louis XI, and long before Jean Bodin, Barthélémy de Laffemas, Sully and Jean-Baptiste Colbert, his mercantilism heralded the political economy concepts later perfected by the German-American economist Friedrich List or the first American Secretary of the Treasury, Alexander Hamilton.

We will concentrate here on his vision of man and economy, leaving aside important subjects such as the trial against him, his relationship with Agnès Sorel and Louis XI, to which many books have been dedicated.

Jacques Cœur’s palace in Bourges, a residence where he rarely stayed.

Jacques Cœur (1400-1454) was born in Bourges, where his father, Pierre Cœur, was a merchant pelletier. Of modest income, originating from Saint-Pourçain, he married the widow of a butcher, which greatly improved his status, as the butchers’ guild was particularly powerful.

The Hundred Years’ War

The early XVth century was not a particularly happy time. The « Hundred Years’ War » pitted the Armagnacs against the Burgundians allied with England. As with the great systemic bankruptcy of the papal bankers in 1347, farmland was plundered or left fallow.

While urbanization had thrived thanks to a productive rural world, the latter was deserted by farmers, who joined the hungry hordes populating towns lacking water, hygiene and the means to support themselves. Epidemics and plagues became the order of the day; cutthroats, skinners, twirlers and other brigands spread terror and made real economic life impossible.

Jacques Cœur was fifteen years old when one of the French army’s most bitter defeats took place in France. The battle of Agincourt (1415) (Pas-de-Calais), where French chivalry was routed by outnumbered English soldiers, marked the end of the age of chivalry and the beginning of the supremacy of ranged weapons (bows, crossbows, early firearms, etc.) over melee (hand-to-hand combat). A large part of the aristocracy was decimated, and an essential part of the territory fell to the English. (see map)

King Charles VII

Portrait of King Charles VII by Jean Fouquet.

In 1418, the Dauphin, the future Charles VII (1403-1461), as he is known thanks to a painting by the painter Jean Fouquet, escaped capture when Paris was taken by the Burgundians. He took refuge in Bourges, where he proclaimed himself regent of the kingdom of France, given the unavailability of his insane father (King Charles VI), who had remained in Paris and fallen to the power of John the Fearless, Duke of Burgundy.

The dauphin probably instigated the latter’s assassination on the Montereau bridge on September 10, 1419. By his ennemies, he was derisively nicknamed « the little King of Bourges ». The presence of the Court gave the city a boost as a center of trade and commerce.

Considered one of the most industrious and ingenious of men, Jacques Coeur married in 1420 Macée de Léodepart, daughter of a former valet to the Duke of Berry, who had become provost of Bourges.

As his mother-in-law was the daughter of a master of the mints, Jacques Coeur’s marriage in 1427 left him, along with two partners, in charge of one of the city’s twelve exchange offices. His position gave rise to much jealousy. After being accused of not respecting the quantity of precious metal contained in the coins he produced, he was arrested and sentenced in 1428, but soon benefited from a royal pardon.

Yolande d’Aragon

Yolande d’Aragon in front of the Virgin and Child.

Although the Treaty of Troyes (1420) disinherited the dauphin from the kingdom of France in favor of a younger member of the House of Plantagenets, Charles VII nonetheless proclaimed himself King of France on his father’s death on October 21, 1422.

The de facto leader of the Armagnac party, retreating south of the Loire, saw his legitimacy and military situation considerably improved thanks to the intervention of Joan of Arc (1412-1431), operating under the benevolent protection of an exceptional world-historic person: the dauphin’s mother-in-law Yolande of Aragon (1384-1442), Duchess of Anjou, Queen of Sicily and Naples (Note 1).

Backed and guided by Yolande, Jeanne helped lift the siege of Orléans and had Charles VII crowned King of France in Reims in July 1429. In the mean time Yolande d’Aragon established contacts with the Burgundians in preparation for peace, and picked Jacques Coeur to be part of the Royal Court (Note 2).

The contemporary chronicler Jean Juvenal des Ursins (1433–44), Bishop of Beauvais described Yolande as « the prettiest woman in the kingdom. » Bourdigné, chronicler of the house of Anjou, says of her: « She who was said to be the wisest and most beautiful princess in Christendom. » Later, King Louis XI of France recalled that his grandmother had « a man’s heart in a woman’s body. »

A twentieth-century French author, Jehanne d’Orliac wrote one of the few works specifically on Yolande, and noted that the duchess remains unappreciated for her genius and influence in the reign of Charles VII. « She is mentioned in passing because she is the pivot of all important events for forty-two years in France », while « Joan [of Arc] was in the public eye only eleven months. »

Journey to the Levant

In 1430, Jacques Cœur, already renowned as a man « full of industry and high gear, subtle in understanding and high in comprehension; and all things, no matter how high, knowing how to lead by his work » (Note N° 3), with Barthélémy and Pierre Godard, two Bourges notables, set up,

« a company for all types of merchandise, especially for the King our lord, my lord the Dauphin and other lords, and for all other things for which they could provide proof ».

In 1431, Joan of Arc was handed over to the English by the Burgundians and burned alive at the stake in Rouen. One year later, in 1432, Jacques Cœur went to the Levant. A diplomat and humanist, Cœur went as an observer of customs as well as economic and political life.

His ship coasted from port to port, skirting the Italian coast as closely as possible, before rounding Sicily and arriving in Alexandria, Egypt. At the time, Alexandria was an imposing city of 70,000 inhabitants, bustling with thousands of Syrian, Cypriot, Genoese, Florentine and Venetian ships.

Port of Alexandria in the XVIth century.

In Cairo, he discovered treasures arriving from China, Africa and India via the Red Sea. Around the Sultan’s Palace, Armenian, Georgian, Greek, Ethiopian and Nubian merchants offered precious stones, perfumes, silks and carpets. The banks of the Nile were planted with sugar cane and the warehouses full of sugar and spices.

Selling Silver at the Price of Gold

« Gros de roi », a silver coin made in Lyon, issued in 1447.

To understand Jacques Coeur’s financial strategy, a few words about bimetallism. At the time, unlike in China, paper money was not widely used. In the West, everything was paid for in metal coins, and above all in gold.

According to Herodotus, Croesus issued silver and pure gold coins in the 6th century BC. Under the Roman Empire, this practice continued. However, while gold was scarce in the West, silver-lead mines were flourishing.

Added to this, in the Middle Ages, Europe saw a considerable increase in the quantities of silver coinage in circulation, thanks to new mines discovered in Bohemia. The problem was that in France, national production was not sufficient to satisfy the needs of the domestic market. As a result, France was obliged to use its gold to buy what was lacking abroad, thus driving gold out of the country.

According to historians, during his trip to Egypt, Coeur observed that the women there dressed in the finest linens and wore shoes adorned with pearls or gold jewels. What’s more, they loved what was fashionable elsewhere, especially in Europe. Coeur was also aware of the existence of poorly exploited silver and copper mines in the Lyonnais region and elsewhere in France.

Historian George Bordonove, in his book Jacques Coeur, trésorier de Charles VII (Jacques Coeur, treasurer of Charles VII), reckons that Coeur was quick to note that the Egyptians « strangely preferred silver to gold, bartering silver for equal weight ». whereas in Europe, the exchange rate was 15 volumes of silver for one volume of gold !

In other words, he realized that the region « abounded in gold », and that the price of silver was very advantageous. The opportunity to enrich his country by obtaining a « golden » price for the silver and copper extracted from the French mines must have seemed obvious to him

What’s more, in China, only payments in silver were accepted. In other words, the Arab-Muslim world had gold, but lacked silver for its trade with the Far East, hence its huge interest in acquiring it from Europe…

Lebanon, Syria and Cyprus

Umayyad Mosque in Damascus.

Cœur then travels via Beirut to Damascus in Syria, at the time by far the biggest center of trade between East and West.

The city is renowned for its silk damasks, light gauze veils, jams and rose essences. Oriental fabrics were very popular for luxury garments.

Europe was supplied with silk and gold muslin from Mosul, damasks with woven motifs from Persia or Damascus, silks decorated with baldacchino figures, sheets with red or black backgrounds adorned with blue and gold birds from Antioch, and so on.

The « Silk Road » also brought Persian carpets and ceramics from Asia. The journey continues to another of the Silk Roads’ great maritime warehouses: Cyprus, an island whose copper had offered exceptional prosperity to the Minoan, Mycenaean and Phoenician civilizations.

The best of the West was bartered here for indigo, silk and spices.

Genoa and Venice

Genoese trade expansion.

During his voyage, Coeur also discovered the maritime empires of Venice and Genoa, each enjoying the protection of a Vatican dependent on these financial powers.

The former, to justify their lucrative trade with the Muslims, claimed that « before being Christian », they were Venetians…

Like the British Empire, the Venetians promoted total free trade to subjugate their victims, while applying fierce dirigisme at home and prohibitive taxes to others. Any artist or person divulging Venetian know-how suffered terrible consequences.

Venice, outpost of the Byzantine Empire and supplier to the Court of Constantinople, a city of several million inhabitants, developed fabric dyeing, manufactured silks, velvets, glassware and leather goods, not to mention weapons. Its arsenal employs 16,000 workers.

Port of Genoa.

Its rival, Genoa, with its highly skilled sailors and cutting-edge financial techniques, had colonized the Bosphorus and the Black Sea, from where treasures from Persia and Muscovy flowed. They also shamelessly engaged in the slave trade, a practice they would pass on to the Spanish and especially the Portuguese, who held a monopoly on trade with Africa.

Avoiding direct confrontation with such powers, Cœur kept a low profile. The difficulty was threefold: following the war, France was short of everything! It had no cash, no production, no weapons, no ships, no infrastructure!

So much so, in fact, that Europe’s main trade route had shifted eastwards. Instead of taking the route of the Rhône and Saône rivers, merchants passed through Geneva, and up the Rhine to Antwerp and Bruges. Another difficulty was soon added: a royal decree prohibited the export of precious metals! But what immense profits the Kingdom could draw from the operation.

The Oecumenial Councils

Council of Constance (1414-18).

On his return from the Levant, France’s history accelerated. While preparing the economic reforms he wanted, Jacques Cœur also became involved in the major issues of the day. Through his brother Nicolas Cœur, the future bishop of Luçon, he played an important role in the process initiated by the humanists to unify the Western Church in the face of the Turkish threat.

Since 1378, there had been two popes, one in Rome and the other in Avignon. Several councils attempted to overcome the divisions. Nicolas Cœur attended them. First there was the Council of Constance (1414 to 1448), followed by the Council of Basel (1431), which, after a number of interruptions, was transferred to Florence (1439), establishing a doctrinal « union » between the Eastern and Western churches with a decree read out in Greek and Latin on July 6, 1439, in the cathedral of Santa Maria del Fiore, i.e. under the dome of Florence’s dome, built by Brunelleschi.

The central panel of the Ghent polyptych (1432), painted by the diplomatic painter Jan Van Eyck on the theme of the Lam Gods (the Lamb of God or Mystic Lamb), symbolizes the sacrifice of the Son of God for the redemption of mankind, and is capable of reuniting a church torn apart by internal differences. Hence the presence, on the right, of the three popes, here united before the Lamb. Van Eyck also painted portraits of Cardinal Niccolo Albergati, one of the instigators of the Council of Florence, and Chancellor Rolin, one of the architects of the Peace of Arras in 1435.

The Peace treaty of Arras

Proclamation of the Peace of Arras in Reims.

To achieve this, the humanists concentrated on France. First, they were to awaken Charles VII. After the victories won by Joan of Arc, wasn’t it time to win back the territories lost to the English?

However, Charles VII knew that peace with the English depended on reconciliation with the Burgundians. He therefore entered into negotiations with Philip the Good, Duke of Burgundy.

The latter no longer expected anything from the English, and wished to devote himself to the development of his provinces. For him, peace with France was a necessity. He therefore agreed to treat with Charles VII, paving the way for the Arras Conference in 1435.

This was the first European peace conference. In addition to the Kingdom of France, whose delegation was led by the Duke of Bourbon, Marshal de La Fayette and Constable Arthur de Richemont, and Burgundy, led by the Duke of Burgundy himself and Chancellor Rolin, it brought together Emperor Sigismund of Luxembourg, Mediator Amédée VIII of Savoy, an English delegation, and representatives of the kings of Poland, Castile and Aragon.

Although the English left the talks before the end, thanks to the skill of the scholar Aeneas Silvius Piccolomini, at that cardinal of Cyprus (and futur Pope Pius II) and spokesman for the Council of Basel, the signing of the Treaty of Arras in 1435 led to a peace agreement between the Armagnacs and the Burgundians, the first step towards ending the Hundred Years’ War.

In the meantime, the Council of Basel, which had opened in 1431, dragged on but came to nothing, and on September 18, 1437, Pope Eugene IV, advised by cardinal philosopher Nicolaus Cusanus and arguing the need to hold a council of union with the Orthodox, transferred the Council from Basel to Ferrara and then Florence. Only the schismatic prelates remained in Basel. Furious, they « suspended » Eugene IV and named the Duke of Savoy, Amédée VIII, Felix V, as the new pope. This « anti-pope » won little political support. Germany remained neutral, and in France, Charles VII confined himself to implementing many of the reforms decreed in Basel by the Pragmatic Sanction of Bourges on July 13, 1438.

King’s Treasurer and Great State Servant

One of the corridors of the Palais Jacques Cœur in Bourges. The roof, in the shape of a ship’s hull, bears witness to his great passion for maritime affairs.

In 1438, Cœur became Argentier de l’Hôtel du roi. L’Argenterie was not concerned with the kingdom’s finances. Rather, it was a sort of commissary responsible for meeting all the needs of the sovereign, his servants and the Court, for their daily lives, clothing, armament, armor, furs, fabrics, horses and so on.

Cœur was to supply the Court with everything that could neither be found nor manufactured at home, but which he could bring in from Alexandria, Damascus and Beirut, at the time major nodal points of the Silk Road by land and sea, where he set up his commercial agents, his « facteurs » (manufacturers).

Following this, in 1439, after having been appointed Master of the Mint of Bourges, Jacques Cœur became Master of the Mint in Paris, and finally, in 1439, the King’s moneyer. His role was to ensure the sovereign’s day-to-day expenses, which involved making advances to the Treasury and controlling the Court’s supply channels.

Then, in 1441, the King appointed him commissioner of the Languedoc States to levy taxes. Cœur often imposed taxes without ever undermining the productive reconstruction process. And in times of extreme difficulty, he would even lend money, at low, long-term rates, to those who had to pay it.

Ennobled, Coeur became the King’s strategic advisor in 1442. He acquired a plot of land in the center of Bourges to build his « grant’maison », currently the Palais Jacques Coeur. This magnificent edifice, with fireplaces in every room and an oven supplying the rest and bath room with hot water, has survived the centuries, although Coeur rarely had the occasion to live there.

Coeur is a true grand state servitor, with broad powers to collect taxes and negotiate political and economic agreements on behalf of the king. Having reached the top, Coeur is now in the ideal position to expand his long-cherished project.

Rule over Finance

On September 25, 1443, the Grande Ordonnance de Saumur, promulgated at Jacques Coeur’s instigation, put the state’s finances on a sounder footing.

As Claude Poulain recounts in his biography of Jacques Coeur:

« In 1444, after affirming the fundamental principle that the King alone had the right to levy taxes, but that his own finances should not be confused with those of the kingdom, a set of measures was enacted that affected the French at every level. »

These included: « Commoners owning noble fiefs were obliged to pay indemnities; nobles who had received seigneuries previously belonging to the royal domain would henceforth be obliged to share in the State’s expenses, on pain, once again, of seizure; finally, the kingdom’s financial services were organized, headed by a budget committee made up of high-ranking civil servants, ‘Messieurs des Finances’. »

In clear, the nobility was henceforth obliged to pay taxes for the Common Good of the Nation !

The King’s Council of 1444, headed by Dunois, was composed almost exclusively, not of noblement but of commoners (Jacques Coeur, Jean Bureau, Étienne Chevalier, Guillaume Cousinot, Jouvenel des Ursins, Guillaume d’Estouteville, Tancarville, Blainville, Beauvau and Marshal Machet). France recovered and enjoyed prosperity.

If France’s finances recovered, besides « taxing the rich », it was above all thanks to strategic investments in infrastructure, industry and trade. The revival of business activity enabled taxes to be brought in. In 1444, he set up the new Languedoc Parliament in conjunction with the Archbishop of Toulouse and, on behalf of the King, presided over the Estates General.

Master Plan


In reality, Jacques Cœur’s various operations, sometimes mistakenly considered to be motivated exclusively by his own personal greed, formed part of an overall plan that today we would describe as « connectivity » and at the service of the « physical economy ».

The aim was to equip the country and its territory, notably through a vast network of commercial agents operating both in France and abroad from the major trading cities of Europe (Geneva, Bruges, London, Antwerp, etc.), the Levant (Beirut and Damascus) and North Africa (Alexandria, Tunis, etc.), in order to promote win-win trade. ), to promote win-win trade, while reinvesting part of the profits in improving national productivity: mining, metallurgy, arms, shipbuilding, training, ports, roads, rivers, sericulture, textile spinning and dyeing, paper, etc.

Mining

Mining sites around Lyon.

Of special interest were the silver mines of Pampailly, in Brussieu, south of l’Arbresle and Tarare, 25 kilometers west of Lyon, acquired and exploited as early as 1388 by Hugues Jossard, a Lyonnais jurist. They were very old, but their normal operation had been severely disrupted during the war. In addition, there were the Saint-Pierre-la-Palud and Joux mines, as well as the Chessy mine, whose copper was also used for weapons production.

Jacques Cœur made them operational. Near the mines, « martinets » – charcoal-fired blast furnaces – transformed the ore into ingots. Cœur brought in engineers and skilled workers from Germany, at the time a region far ahead of us in this field. However, without a pumping system, mining was no picnic.

Under Jacques Cœur’s management, the workers benefited from wages and comforts that were absolutely unique at the time. Each bunk had its own feather bed or wool mattress, a pillow, two pairs of linen sheets and blankets, a luxury that was more than unusual at the time. The dormitories were heated.

High quality food was provided to the laborers: bread containing four-fifths wheat and one-fifth rye, plenty of meat, eggs, cheese and fish, and desserts included exotic fruits such as figs and walnuts. A social service was organized: free hospitalization, care provided by a surgeon from Lyon who kept accident victims « en cure ». Every Sunday, a local priest came to celebrate a special mass for the miners. On the other hand, workers were subject to draconian discipline, governed by fifty-three articles of regulation that left nothing to chance.

The Ports of Montpellier and Marseille

On his return from the Levant in 1432, Jacques Coeur chose to make Montpellier the nerve center of his port and naval operations.

In principle, Christians were forbidden to trade with Infidels. However, thanks to a bull issued by Pope Urban V (1362-1370), Montpellier had obtained the right to send « absolved ships » to the East every year. Jacques Cœur obtained from the Pope that this right be extended to all his ships. Pope Eugene IV, by derogation of August 26, 1445, granted him this benefit, a permission renewed in 1448 by Pope Nicholas V.

At the time, only Montpellier, in the middle of the east-west axis linking Catalonia to the Alps (the Roman Domitian Way) and whose outports were Lattes and Aigues-Mortes, had a hinterland with a network of roads that were more or less passable, an exceptional situation for the time.

In 1963, it was discovered that at the site of the village of Lattes (population 17,000), 4 km south of today’s Montpellier and on the River Lez, there had been an Etruscan port city called Lattara, considered by some to be the first port in Western Europe. The city was built in the last third of the VIth century BC. A city wall and stone and brick houses were built. Original objects and graffiti in Etruscan – the only ones known in France – have suggested that Etrurian brokers played a role in the creation and rapid urbanization of the settlement.

Model of the Etruscan port of Lattara, founded in the 6th century BC and, according to some, the first port in Western Europe. (Today known as Lattes, 4 km south of Montpellier).

Trading with the Greeks and Romans, Lattara was a very active Gallic port until the 3rd century AD. Then maritime access changed, and the town fell into a state of numbness.

In the 13th century, under the impetus of the Guilhem family, lords of Montpellier, the port of Lattes was revitalized, only to regain its splendor when Jacques Cœur set up his warehouses there in the 15th century.

As for the port of Aigues-Mortes, built from top to bottom by Saint-Louis in the XIIIth century for the crusades, it was also one of the first in France. To connect the two, Saint-Louis dug the canal known as « Canal de la Radelle » (today’s Canal de Lunel), which ran from Aigues-Mortes across the Lake of Mauguio to the port of Lattes. Cœur restored this river-port complex to working order, notably by building Port Ariane in Lattes.

The Roman trade axis, Via Domitia.

Over the following centuries, these disparate elements of canals and water infrastructure will become an efficient network built around the Canal du Rhône à Sète, a natural extension of the « bi-oceanic » Canal du Midi (between the Meditteranean and the Atlantic) begun by Jean-Baptiste Colbert (see map).

Coeur had the local authorities involved in his project, shaking Montpellier out of its age-old lethargy. At the time, the town had no market or covered sales buildings. Also lacking were moneychangers, shipowners and other cloth merchants.

Montpellier: remnants of Jacques Cœur’s residence, now the Hôtel des Trésoriers de la Bourse.

In Montpellier, an entire district of merchants and warehouses was erected him, the Great Merchants Lodge, modeled on those in Perpignan, Barcelona and Valencia.

Numerous houses in Béziers, Vias and Pézenas also belonged to him, as did residences in Montpellier, including the Hôtel des Trésoriers de France, which, it is said, was topped by a tower so high that Jacques Cœur could watch his ships arrive at the nearby Port of Lattes.

And yet, as an old merchant and industrial city, Montpellier had long been home to Italians, Catalans, Muslims and Jews, who enjoyed a tolerance and understanding that was rare at the time. It’s easy to see why François Rabelais felt so at home here in the XVIth century.

Port of Marseille

Port of Marseille.

The hinterland was rich and industrious. It produced wine and olive oil, in other words, exportable goods. Its workshops produced leather, knives, weapons, enamels and, above all, drapery.

From 1448 onwards, faced with the limitations of the system and the constant silting-up of the port infrastructure, Coeur moved one of his agents, the navigator and diplomat Jean de Villages, his nephew by marriage, to the neighboring port of Marseille, at that time outside the Kingdom, to the home of King René d’Anjou, where port operations were easier, a deep harbor protected from the Mistral by hills and a port equipped with waterfront shops and storehouses. The boost that Jacques Coeur gave to Montpellier’s port Lattes, Jean de Villages, on Coeur’s behalf, immediately gave to Marseille.

Shipbuilding

Good ports mean ocean-going ships! Hence at that time, the best France could do was build a few river barges and fishing boats.

To equip himself with a fleet of ocean-going vessels, Cœur ordered a « galéasse » (an advanced model of the ancient three-masted « galley », designed primarily for boarding) from the Genoa arsenals.

The Genoese, who saw only immediate profit in the project, soon discovered that Coeur had had the shapes and dimensions of their ship copied by local carpenters in Aigues Mortes!

Furious, they landed at the shipyard and took it back, arguing that Languedoc merchants had no right to fit out ships and trade without the prior approval of the Doge of Venice!


Stained glass window of a ship (a caraque) in the Palais de Jacques Cœur in Bourges.

After complicated negotiations, but with the support of Charles VII, Coeur got his ship back. Cœur let the storm pass for a few years. Later, seven great ships would leave the Aigues-Mortes shipyard, including « La Madeleine » under the command of Jean de Villages, a great sailor and his loyal lieutenant.

Judging by the stained-glass window and bas-relief in the Palais de Coeur in Bourges, these were more like caraques, North Sea vessels with large square sails and much greater tonnage than galleasses. But that’s not all!

Having understood perfectly well that the quality of a ship depends on the quality of the wood with which it is built, Cœur, with the authorization of the Duke of Savoy, had his wood shipped from Seyssel. The logs were floated down the Rhône, then sent to Aigues-Mortes via the canal linking the town to the river.

The crews

One last problem remained to be solved: that of crews. Jacques Cœur’s solution was revolutionary: on January 22, 1443, he obtained permission from Charles VII to forcibly embark, in return for fair wages, the « idle vagabonds and caimans » who prowled the ports.

To understand just how beneficial such an institution was at the time, we need to remember that France was being laid to waste by bands of plunderers – the routiers, the écorcheurs, the retondeurs – thrown into the country by the Hundred Years’ War. As always, Coeur behaves not only according to his own personal interests, but according to the general interests of France.

Connecting France to the Silk Road

Cairo Citadel

Now with financial clout, ports and ships at his disposal, Cœur organized win-win commercial exchanges and, in his own way, involved France in the land and Maritime Silk Road of the time. First and foremost, he organized « détente, understanding and cooperation » with the countries of the Levant.

After diplomatic incidents with the Venetians had led the Sultan of Egypt to confiscate their goods and close his country to their trade, Jacques Coeur, a gentleman but also in charge of a Kingdom that remained dependent on Genoa and Venice for their supplies of arms and strategic raw materials, had his agents on site mediating a happy end to the incident.

Seeing other potential conflicts that could disrupt his strategy, and possibly inspired by Admiral Zheng He‘s great Chinese diplomatic missions to Africa from 1405 onwards, he convinced the king to send an ambassador to Cairo in the person of Jean de Villages, his loyal lieutenant.

The latter handed over to the Sultan the various letters he had brought with him. Flattered, the Sultan handed him a reply to King Charles VII:

« Your ambassador, man of honor, gentleman, whom you name Jean de Villages, came to mine Porte Sainte, and presented me your letters with the present you mandated, and I received it, and what you wrote me that you want from me, I did.

« Thus I have made a peace with all the merchants for all my countries and ports of the navy, as your ambassador knew to ask of me… And I command all the lords of my lands, and especially the lord of Alexandria, that he make good company with all the merchants of your land, and on all the others having liberty in my country, and that they be given honor and pleasure; and when the consul of your country has come, he will be in favor of the other consuls well high…

« I send you, by the said ambassador, a present, namely fine balsam from our holy vine, a beautiful leopard and three bowls (cups) of Chinese porcelain, two large dishes of decorated porcelain, two porcelain bouquets, a hand-washer, a decorated porcelain pantry, a bowl of fine green ginger, a bowl of almond stones, a bowl of green pepper, almonds and fifty pounds of our fine bamouquet (fine balsam), a quintal of fine sugar. Dieu te mène à bon sauvement, Charles, Roy de France. »

Syria was a pioneer in sericulture, so much so that any silk fabric, monochromatic in color with a satin weave, is called « damask », bringing out a contrast of brilliance between the background and the pattern formed by the weave.

To the Orient, Coeur exported furs, leathers and, above all, cloth of all kinds, notably Flanders cloth and Lyon canvas. His « factors » also offered Egyptian women dresses, coats, headdresses, ornaments and jewels from our workshops. Then came basketry from Montpellier, oil, wax, honey and flowers from Spain for the manufacture of perfumes.

From the Near East, he received animal-figured silks from Damascus (Syria), fabrics from Bukhara (Uzbekistan) and Baghdad (Iraq); velvet; wines from the islands; cane sugar; precious metals; alum; amber; coral; indigo; coral; indigo from Baghdad; madder from Egypt; shellac; perfumes made from the essence of the flowers he exported; spices – pepper, ginger, cloves, cinnamon, jams, nutmegs, etc. – and more.

From the Far East, by the Red Sea or by caravans from the Euphrates and Turkestan, came to him: gold from Sudan, cinnamon from Madagascar, ivory from Africa, silks from India, carpets from Persia, perfumes from Arabia – later evoked by Shakespeare in Macbeth – precious stones from India and Central Asia, lapis lazuli from Afghanistan, pearls from Ceylon, porcelain and musk from China, ostrich feathers from the black Sudan.

Manufactures

As we saw in the case of mining, Coeur had no hesitation in attracting foreigners with valuable know-how to France to launch projects, implement innovative processes and, above all, train personnel. In Bourges, he teamed up with the Balsarin brothers and Gasparin de Très, gunsmiths originally from Milan. After convincing them to leave Italy, he set up workshops in Bourges, enabling them to train a skilled workforce. To this day, the Bourges region remains a major center of arms production.

In the early days of printing in Europe, Coeur bought a paper mill in Rochetaillée, on the Saône near Lyon.

Le livre des propriétés des choses, Teinturiers au travail, manuscript copied and painted in Bruges, completed in 1482. London, British Library © The British Library Board/Leemage.

In Montpellier, he took an interest in the dyeing factories, once renowned for their cultivation of madder, a plant that had become acclimatized in the Languedoc region.

It’s easy to understand why Cœur had his agents buy indigo, kermes seeds and other coloring substances. The aim was to revive the manufacture of cloth, particularly scarlet cloth, which had previously been highly sought-after.

With this in mind, he built a fountain, the Font Putanelle, near the city walls, to serve the population and the dyers.

In Montpellier, he also teamed up with Florentine charterers based in the city, for maritime expeditions.

Through their intermediary, Coeur personally traveled to Florence in 1444, registering both his associate Guillaume de Varye and his own son Ravand as members of the « Arte della Seta » (silk production corporation), the prestigious Florentine guild whose members were the only ones authorized to produce silk in Florence.

Coeur engaged in joint ventures, as he often did in France, this time with Niccolo Bonnacorso and the Marini brothers (Zanubi and Guglielmo). The factory, in which he owned half the shares, manufactured, organized and controlled the production, spinning, weaving and dyeing of silk fabrics.

It is understood that Coeur was also co-owner of a gold cloth factory in Florence, and associated in certain businesses with the Medici, Bardi and Bucelli bankers and merchants. He was also associated with the Genevese and Bruges families.

Going International

Jacques Coeur organized a vast distribution network to sell his goods in France and throughout Europe. At a time when passable roads were extremely rare, this was no easy task. Most roads were little more than widened paths or poorly functioning tracks dating back to the Gauls.

Cœur, who had his own stables for land transport, renovated and expanded the network, abolished internal tolls on roads and rivers, and re-established the collection (abandoned during the Hundred Years’ War) of taxes (taille, fouage, gabelle) to replenish public finances.

Jacques Cœur’s network was essentially run from Bourges. From there, on the French level, we could speak of three major axes: the north-south being Bruges-Montpellier, the east-west being Lyon-Tours. Added to this was the old Roman road linking Spain (Barcelona) to the Alps (Briançon) via Languedoc.

From Bourges, for example, the Silverware, which served the Court, was transferred to Tours. This was only natural, since from 1444 onwards, Charles VII settled in a small castle near Tours, Plessis-les-Tours. So it was at the Argenterie de Tours that the exotic products the Court was so fond of were stocked. This did not prevent the goods from being shipped on to Bruges, Rouen or other towns in the kingdom.

Counters also existed in Orléans, Loches, Le Mans, Nevers, Issoudun and Saint-Pourçain, birthplace of the Coeur family, as well as in Fangeaux, Carcassonne, Toulouse, Bordeaux, Limoges, Thouars, Saumur, Angers and Paris.

Orléans and Bourges stocked salt from Guérande, the Vendée marshes and the Roche region. In Lyon, salt from the Camargue and Languedoc saltworks. River transport (on the Loire, Rhône, Saône and Seine rivers) doubled the number of road carts.

The great crane of Bruges. Miniature from the early 16th century.

Jacques Coeur revived and promoted trade fairs. Lyon, with its rapid growth, geographic location and proximity to silver-lead and copper mines, was a particularly active trading post. Goods were shipped to Geneva, Germany and Flanders.

Montpellier received products from the Levant. However, trading posts were set up all along the coast, from Collioure (then in Catalonia) to Marseille (at the home of King René d’Anjou), and inland as far as Toulouse, and along the Rhône, in particular at Avignon and Beaucaire.

A trading post was set up in La Rochelle for the salt trade, certainly with a view to expanding maritime traffic. Jacques Cœur also had « factors » in Saint-Malo, Cherbourg and Harfleur. After the liberation of Normandy, these three centers grew in importance, and were joined by Exmes. In the north-east, Reims and Troyes are worth mentioning. They manufactured cloth and canvas. Abroad, Geneva was a first-rate trading post, as the city’s fairs and markets had already acquired an international character.

Coeur also had a branch in Bruges, bringing back spices and silks from the Levant, and shipping cloth and herring from there.

Member cities of the Hanseatic League.

The fortunes of Bruges, like many other towns in Flanders, came from the cloth industry. The city flourished, and the power of its cloth merchants was considerable. In the 15th century, Bruges was one of the lungs of the Hanseatic League, which brought together the port cities of northern Europe.

Bruges in the XVth century. On the left, the Genoese factorie; on the right, opposite, the Florentine factorie.
Hof Blandelin in Bruges. Built in 1435, the building housed the branch of the Medici Bank in 1466.

It was in Bruges that business relations were handled, and loan and marine insurance contracts drawn up. After cloth, it was the luxury industries that ensured its prosperity, with tapestries. By land, it took less than three weeks to get from Bruges to Montpellier via Paris.

Between 1444 and 1449, during the Truce of Tours between France and the English, Jacques Coeur tried to build peace by forging trade links with England.

Coeur sent his representative Guillaume de Mazoran. His other trusted associate, Guillaume de Varye, began trading in sheets from London in February 1449. He also bought leather, cloth and wool in Scotland. Some went to La Rochelle, others to Bruges.

Internationally, Coeur continued to expand, with branches in Barcelona, Naples, Genoa (where a pro-French party was formed) and Florence.

At the time of his arrest in 1451, Jacques Coeur had at least 300 « factors » (associates, commercial agents, financial representatives and authorized agents), each responsible for his own trading post in his own region, but also running « factories » on the spot, promoting meetings and exchanges of know-how between all those involved in economic life. Several thousand people associated and cooperated with him in business.

The Military Reform that saved the Nation

Charles VII’s ordinance of April 8, 1448 created the Franc-Archers (free archers), a popular army that could be mobilized in the event of war.

Cœur used the profits from this lucrative business to serve his country. When in 1449, at the end of the truce, the English troops were left to their own devices, surviving by pillaging the areas they occupied, Agnès Sorel, the king’s mistress, Pierre de Brézé, the military leader, and Jacques Cœur, encouraged the king to launch a military offensive to finally liberate the whole country.

Coeur declared bluntly:

« Sire, under your shadow, I acknowledge that I have great proufis and honors, and mesme, in the land of the Infidels, for, for your honor, the souldan has given me safe-conduct to my galleys and factors… Sire, what I have, is yours. »

We’re no longer in 1435, when the king didn’t have a kopeck to face strategic challenges. Jacques Coeur, unlike other great lords, according to a contemporary account,

« spontaneously offered to lend the king a mass of gold, and provided him with a sum amounting, it is said, to around 100,000 gold ecus to use for this great and necessary purpose ».

Under the advice of Jacques Coeur and others, Charles VII was to carry out a decisive military reform.

On November 2, 1439, at the Estates General that had been meeting in Orleans since October of that year, Charles VII ordered a reform of the army following the Estates General’s complaint about the skinners and their actions.

As Charles V (the Wise) had tried to do before him, he set up a system of standing armies that would engage these flayers full-time against the English. The nobility got in the king’s way. In fact, they often used companies of skinners for their own interests, and refused to allow the king alone to be responsible for recruiting the army.

In February 1440, the king discovered that the nobles were plotting against him. Contemporaries named this revolt the Praguerie, in reference to the civil wars in Prague’s Hussite Bohemia.

Yolande d’Aragon passed away in November 1442, but Jacques Coeur would continue pressuring the King to go ahead with the required reforms.

Following the Truce of Tours in 1444, an ordinance was issued on May 26 announcing no general demobilization should occur; instead, the best of the larger units were reconstituted as “companies of the King’s ordinance » (Compagnies d’Ordonnance),” which were standing units of cavalry well selected and well equipped; they served as local guardians of peace at local expense. This consisted of some 10,000 men organized into 15 Ordonnance companies, entrusted to proven captains. These companies were subdivided into detachments of ten to thirty lances, which were assigned to garrisons to protect the towns’ inhabitants and patrol the countryside. In a territory similarly patrolled by the forerunners of our modern gendarmerie, robbery and plunder quickly ceased.

Crossbowman loading his weapon.

Although still a product of the nobility, this new military formation was the first standing army at the disposal of the King of France. Previously, when the king wished to wage war, he called upon his vassals according to the feudal custom of the ban. But his vassals were only obliged to serve him for forty days. If he wished to continue the war, the king had to recruit companies of mercenaries, a plague against which Machiavelli would later warn his readers. When the war ended, the mercenaries were dismissed. They then set about plundering the country. This is what happened at the start of the Hundred Years’ War, after the victories of Charles V and Du Guesclin.

Then, with the Ordinance of April 8, 1448, the Francs-Archers corps was created. The model for the royal « francs archiers » was probably taken from the militia of archers that the Dukes of Brittany had been raising, by parish, since 1425.

The Ordinance stipulated that each parish or group of fifty or eighty households had to arm, at its own expense, a man equipped with bow or crossbow, sword, dagger, jaque and salad, who had to train every Sunday in archery. In peacetime, he stays at home and receives no pay, but in wartime, he is mobilized and receives 4 francs a month. The Francs-Archers thus formed a military reserve unit with a truly national character.

As writes the Encyclopedia Brittanica:

« With the creation of the “free archers” (1448), a militia of foot soldiers, the new standing army was complete. Making use of a newly effective artillery, its companies firmly in the king’s control, supported by the people in money and spirit, France rid itself of brigands and Englishmen alike. »

At the same time, artillery grandmaster Gaspard Bureau and his brother Jean (Note N° 4) developed artillery, with bronze cannons capable of firing cast-iron cannonballs, lighter hand cannons, the ancestors of the rifle, and very long cannons or couleuvrines that could be dragged on wagons and taken to the battlefield.

As a result, when the time came to go on the offensive, the army went into battle. From all over the country, the Francs-Archers, made up of commoners trained in every region of France rather than nobles, began to converge on the north.

The war was on, and this time, « the gale changed sides ». The merciless French army, armed to the highest standards, pushed its opponents to the limit. This was particularly true at the Battle of Formigny near Bayeux, on April 15, 1450. It was a kind of Azincourt in reverse, with English losses amounting to 80% of the forces engaged, with 4,000 killed and 1,500 taken prisoner. At last, towns and strongholds returned to the Kingdom!

Helping a Humanist Pope

As mentioned above, the Council of Basel had ended in discord. On the one hand, with the support of Charles VII and Jacques Coeur, Eugene IV was elected Pope in Rome in 1431. On the other, in Basel, an assembly of prelates meeting in council sought to impose themselves as the sole legitimate authority to lead Christendom. In 1439, the Council declared Eugene IV deposed and appointed « his » own pope: the Duke of Savoy, Amédée VIII, who had abdicated and retired to a monastery. He became pope under the name of Felix V.

His election was based solely on the support of theologians and doctors of the universities, but without the support of a large number of prelates and cardinals.

In 1447, King Charles VII commissioned Jacques Coeur to intervene for Eugene IV’s return and Felix V’s renunciation. With a delegation, he went to Lausanne to meet Felix V. While the talks were going well, Eugene IV died. As Felix V saw no further obstacles to his pontificate, the Pontifical Council in Rome quickly proceeded to elect a new pope, the humanist scholar Nicholas V (Tommaso Parentucelli).

To make France’s case to him, Charles VII sent Jacques Coeur at the head of a large delegation. Before entering the Eternal City, the French formed a procession.

The parade was sumptuous: more than 300 horsemen, dressed in bright, shimmering colors, bearing weapons and glittering jewels, mounted on richly caparisoned horses, dazzled and impressed the whole of Rome, except for the English, who saw themselves doubled by the French to serve the Pope’s mission.

From the very first meeting, Nicholas V was charmed by Jacques Coeur. Slightly ill, Coeur was treated by the pope’s physician. Thanks to information obtained from the Pontiff, notably on the limits of concessions to be made, Coeur’s delegation subsequently obtained the withdrawal of Felix V, with whom Coeur remained on good terms.

The humanist Pope Nicholas V, fresco by Fra Angelico, one of the painters he protected. Fresco in the Nicoline Chapel in the Vatican.

Nicholas V, it should be remembered, was a happy exception. Nicknamed the « humanist pope », he knew Leonardo Bruni (Note N° 5), Niccolò Niccoli (Note N° 6) and Ambrogio Traversari (Note N° 7) in Florence, in the entourage of Cosimo de’ Medici.

With the latter and Eugenio IV, whose right-hand man he was, Nicholas V was one of the architects of the famous Council of Florence, which sealed a « doctrinal union » between the Western and Eastern Churches. (Note N° 8)

Elected pope, Nicholas V considerably increased the size of the Vatican Library. By the time of his death, the library contained over 16,000 volumes, more than any other princely library.

He welcomed the erudite humanist Lorenzo Valla to his court as apostolic notary. Under his patronage, the works of Herodotus, Thucydides, Polybius and Archimedes were reintroduced to Western Europe. One of his protégés, Enoch d’Ascoli, discovered a complete manuscript of Tacitus’ Opera minora in a German monastery.

In addition to these, he called to his court a whole series of scholars and humanists: the scholar and former chancellor of Florence Poggio Bracciolini, the Hellenist Gianozzo Manetti, the architect Leon Battista Alberti, the diplomat Pier Candido Decembrio, the Hellenist Giovanni Aurispa, the cardinal-philosopher Nicolas de Cues, founder of modern science, and Giovanni Aurispa, the first to translate Plato’s complete works from Greek into Latin.

Nicholas V also made gestures to his powerful neighbors: at the request of King Charles VII, Joan of Arc was rehabilitated.

Later, when he sought refuge in Rome, Jacques Coeur was received by Nicholas V as if he was a member of his family.

The Coup d’Etat against Jacques Coeur

Jacques Coeur’s adventurous life ended as if in a cloak-and-dagger novel. On July 31, 1451, Charles VII ordered his arrest and seized his possessions, from which he drew one hundred thousand ecus to wage war.

The result was one of the most scandalous trials in French history. The only reason for the trial was political. The hatred of the courtiers, especially the nobles, had built up. By making each of them a debtor, Coeur, believing he had made allies of them, made terrible enemies. By launching a number of national products, he undermined the financial empires of Genoa, Venice and Florence, which eternally sought to enrich themselves by exporting their products, notably silk, to France.

One of the most relentless, Otto Castellani, a Florentine merchant, treasurer of finances in Toulouse but based in Montpellier, and one of the accusers whom Charles VII appointed as commissioner to prosecute Jacques Coeur, practiced black magic and pierced a wax figure of the silversmith with needles!

Lastly, Charles VII undoubtedly feared collusion between Jacques Coeur and his own son, the Dauphin Louis, future Louis XI, who was stirring up intrigue after intrigue against him.

In 1447, following an altercation with Agnès Sorel, the Dauphin had been expelled from the Court by his father and would never see him again. Jacques Cœur lent money to the Dauphin, with whom he kept in touch through Charles Astars, who looked after the accounts of his mines.

« Trade with infidels », « Lèse majesté », « export of metals », and many other pretexts, the reasons put forward for Jacques Coeur’s trial and conviction are of little interest. They are no more than judicial window-dressing. The proceedings began with a denunciation that was almost immediately found to be slanderous.

Tomb of Agnès Sorel, Collégiale Saint-Ours, Loches.

A certain Jeanne de Mortagne accused Jacques Coeur of having poisoned Agnès Sorel, the king’s mistress and favorite, who died on February 9, 1450. This accusation was implausible and devoid of any serious foundation; for, having placed all her trust in Jacques Coeur, she had just appointed him as one of her three executors.

Coeur is imprisoned for a dozen equally questionable reasons. When he refused to admit what he was accused of, he was threatened with « the question » (torture). Confronted by the executioners, the accused, trembling with fear, claims that he « relies » on the words of the commissioners charged with breaking him.

A miniature representing Christ (in front of the Palais Jacques Cœur in Bourges) on his way to the Mount of Calvary…

His condemnation came on the same day as the fall of Constantinople, May 29, 1453. Only the intervention of Pope Nicholas V saved his life. With the help of his friends, he escaped from his prison in Poitiers, and took the route of the convents, including Beaucaire, to Marseille for Rome.

Pope Nicholas V welcomed him as a friend. The pontiff died and was succeeded by his successor. Jacques Cœur chartered a fleet in the name of his illustrious host, and set off to fight the infidels. Jacques Coeur, we are told, died on November 25, 1456 on the island of Chios, a Genoese possession, during a naval battle with the Turks.

The great King Louis XI, unloved son of Charles VII, as evidenced by his ordinances in favor of the productive economy, would continue the recovery of France begun by Jacques Coeur. Many of Coeur’s collaborators soon entered his service, including his son Geoffroy, who, as cupbearer, became Louis XI’s most trusted confidant.

Charles VII, by letters patent dated August 5, 1457, restored to Ravant and Geoffroy Coeur a small portion of their father’s property. It was only under Louis XI that Geoffroy obtained the rehabilitation of his father’s memory and more complete letters of restitution.

NOTES:

  1. During the five years between Joan of Arc’s first appearances and her departure for Chinon, several people attached to the Court stayed in Lorraine, including René d’Anjou, the youngest son of Yolande d’Aragon. While Charles VII remained undecided, his mother-in-law welcomed La Pucelle with maternal solicitude, opening doors for her and lobbying the king until he deigned to receive her. During the Poitiers trial, when Jeanne’s virginity had to be verified, she presided over the council of matrons in charge of the examination. She also provided financial support, helped her gather her equipment, provided safe stopping points on the road to Orléans, and gathered food and relief supplies for the besieged. To this end, she did not hesitate to open her purse wide, even going so far as to sell her jewelry and golden tableware. Yolande’s support was rewarded on April 30, 1429 with the liberation of Orléans, followed on July 17 by the King’s coronation in Reims. Although many of her contemporaries praised her simplicity, her closeness to her subjects and the warmth of her court, Yolande d’Aragon was a stateswoman. And whatever sympathy she may have felt for her protégée, she would not hesitate to abandon her to her sad fate when her warlike impulses no longer accorded with her own political objectives : to negociate a peaceful alliance with the Duchy of Burgundy. The Duchess knew how to be implacable, and like her comrades-in-arms, the Church and the King himself, she abandoned La Pucelle to the English, to Cauchon, to her trial and to the stake. For more: Gérard de Senneville, Yolande d’Aragon : La reine qui a gagné la guerre de Cent Ans, Editions Perrin)
  2. Georges Bordonove, Jacques Coeur, trésorier de Charles VII, p. 90, Editions Pygmalion, 1977).
  3. Description given by the great chronicler of the Dukes of Burgundy, Georges Chastellain (1405-1475), in Remontrances à la reine d’Angleterre.
  4. Jean Bureau was Charles VII’s grand master of artillery. On the occasion of his coronation in 1461, Louis XI knighted him and made him a member of the King’s Council. Louis XI stayed at Jean Bureau’s Porcherons house in northwest Paris after his solemn entry into the capital. Jean Bureau’s daughter Isabelle married Geoffroy Coeur, son of Jacques.
  5. Leonardo Bruni succeeded Coluccio Salutati as Chancellor of Florence, having joined his circle of scholars, which included Poggio Bracciolini and the erudite Niccolò Niccoli, to discuss the works of Petrarch and Boccaccio. Bruni was one of the first to study Greek literature, and contributed greatly to the study of Latin and ancient Greek, offering translations of Aristotle, Plutarch, Demosthenes, Plato and Aeschylus.
  6. Niccolò Niccoli built up one of the most famous libraries in Florence, and one of the most prestigious of the Italian Renaissance. He was assisted by Ambrogio Traversari in his work on Greek texts (a language he did not master). He bequeathed this library to the Florentine Republic on condition that it be made available to the public. Cosimo the Elder de’ Medici was entrusted with implementing this condition, and the library was entrusted to the Dominican convent of San Marco. Today, the library is part of the Laurentian Library.
  7. Prior General of the Camaldolese Order, Ambrogio Traversariwas, along with Jean Bessarion, one of the authors of the decree of church union. According to the Urbino court historian Vespasiano de Bisticci, Traversari gathered in his convent at San Maria degli Angeli near Florence. There, Traversari brought together the heart of the humanist network: Nicolaus Cusanus; Niccolo Niccoli, who owned an immense library of Platonic manuscripts; Gianozzi Manetti, orator of the first Oration on the Dignity of Man; Aeneas Piccolomini, the future Pope Pius II; and Paolo dal Pozzo Toscanelli, the physician-cartographer and future friend of Leonardo da Vinci, whom Piero della Francesca also frequented.
  8. Philosophically speaking, reminding the whole of Christendom of the primordial importance of the concept of the filioque, literally « and of the son », meaning that the Holy Spirit (divine love) came not only from the Father (infinite potential) but also from the Son (its realization, through his son Jesus, in whose living image every human being had been created), was a revolution. Man, the life of every man and woman, is precious because it is animated by a divine spark that makes it sacred. This high conception of each individual was reflected in the relationship between human beings and their relationship with nature, i.e., the physical economy.

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