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ARTKAREL AUDIO GUIDE — The culture behind Brueghel’s proverbs (Berlin)

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ARTKAREL AUDIO GUIDE — Bruegel’s Two Apes (Berlin)

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Le Landjuweel d’Anvers de 1561 — Faire de l’art une arme pour la paix

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Sommaire

  • Introduction
  • Alphabétisation précoce (encadré)
  • Les Chambres de rhétorique
  • Réhabilitation
  • Joutes, compétitions et autres festivals
  • Landjuweel
  • Contexte politique et économique
  • Gand, 1539
  • L’influence d’Érasme
  • De Violieren et la Guilde de Saint-Luc
  • Anvers, 1561
  • Organisation du Landjuweel
  • Philosophie
  • Une journée mémorable
  • Paix et art, unis pour la célébration
  • Censure, répression et révolte dans les Pays-Bas bourguignons

Introduction

Comme chacun le sait, ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Non pas celle de l’humanité, mais la leur. Celle des « perdants » est laissée de côté. C’est pourquoi, en Belgique comme aux Pays-Bas, les églises officielles, catholiques, luthériennes ou calvinistes, et les élites dirigeantes, choisies par l’Espagne et les Britanniques, ont soigneusement effacé des livres la vérité sur le rôle révolutionnaire d’Érasme et son impact. 1

Comme nous le documentons ici, Érasme a réussi, grâce à sa bonté et son esprit noble et ironique, à mobiliser un assez large public, non seulement dans les sections instruites des élites européennes, mais également dans une large partie de la classe moyenne montante des travailleurs, une section sociale que l’on pourrait identifier aux Gilets jaunes d’aujourd’hui.

Denis van Alsloot – Détail, L’Ommeganck du 31 mai 1615 à Bruxelles, peinture, Victoria and Albert Museum.

À notre époque, les processions religieuses, les défilés de géants et les carnavals masqués de Venise, Rio de Janeiro ou encore de Dunkerque paraissent fort sympathiques, mais tellement loin de la « vraie culture » !

Qualifier ces événements et traditions de simple « folklore » résulte principalement d’une méconnaissance de l’histoire. Si l’on considère l’intention et le contenu de certaines de ces fêtes, comme le Landjuweel de Gand en 1539 et celui d’Anvers en 1561, avec 5000 participants et encore bien plus de spectateurs, fêtes populaires plaçant l’art, la poésie et la musique comme véritables sources de paix et d’harmonie durables entre les nations, les États et les peuples, on peut dire qu’en termes de raffinement et de beauté, elles rivalisent, et je dirais même surpassent, bien des événements prétendument « culturels » d’aujourd’hui.

Les Chambres de rhétorique

Pays-Bas bourguignons vers 1500.

A l’origine de ces festivals et concours de poésie du type Landjuweel, des sociétés littéraires et dramatiques appelées Kamers van rhetorike (chambres de rhétorique), qui apparaissent à partir de la fin du XIVe siècle dans le nord-ouest de la France et dans les anciens Pays-Bas, surtout dans le comté de Flandre et le duché du Brabant.

Alors qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles ces chambres allaient devenir des clubs littéraires pour une bourgeoisie avide d’exercices d’éloquence et de rimes, à cette époque la culture rhétorique n’est pas socialement une culture d’élite, car la plupart des rhétoriciens étaient des commerçants et n’appartenaient pas à l’élite dirigeante de leur ville.

Des recherches récentes ont confirmé que les chambres de rhétorique de Flandre et du Brabant recrutaient principalement leurs membres dans les classes moyennes urbaines, plus précisément dans les cercles d’artisans (maçons, menuisiers, charpentiers, teinturiers, imprimeurs, peintres, etc.), de commerçants, de commis, d’exerçant des professions intellectuelles et de commerçants. 15

En 1530, parmi les 42 membres de la chambre bruxelloise De Corenbloem (Le Bleuet), on dénombre 32 artisans (bouchers, brasseurs, meuniers, charpentiers, tuiliers, peigneurs, pêcheurs, carrossiers, tailleurs de pierre, etc., soit 76,2 %). 16

Dans les professions artistiques, on compte un vitrier et deux peintres (7,1 %), et dans le commerce, un marchand de fruits, un aubergiste, un patron de bateau et un chiffonnier (9,5 %). Les autres membres sont un haut fonctionnaire, un harpiste et un annonceur.

Composition des membres de De Corenbloem, par profession.

Pour la période 1400-1650, on a recensé 227 chambres de rhétorique néerlandophones dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège, ce qui signifie que pratiquement chaque ville en possède au moins une. En 1561, le duché de Brabant compte environ 40 chambres de rhétorique reconnues, tandis qu’on en dénombre 125 dans le comté de Flandre. 17

Leur organisation est semblable à celle des corporations : à la tête de chacune se trouve le doyen, généralement un ecclésiastique (ces chambres conservaient un aspect religieux). Depuis leur création, elles sont de deux sortes : les libres (vrye), bénéficiant d’une subvention communale, et les soumises (onvrye ou vrywillige), n’ayant pas de subvention, mais rendant compte à une chambre suprême (hoofdkamer). Parmi les rhétoriciens se trouvent les fondateurs (ouders) et les membres (broeders ou gezellen) ; à la tête de toutes se trouvent un empereur, un prince, souvent un prince héréditaire (opperprins ou erfprins) ; viennent ensuite un président honoraire (hoofdman), un grand doyen, un doyen, un auditeur (fiscael), un porte-étendard (vaendraeger ou Alpherus) et un garçon (knaep), qui s’adonne parfois à la poésie.

Les plus importants sont les « facteurs », c’est-à-dire les poètes chargés de la « factie » (composition) des poèmes, des pièces de théâtre, des farces et de l’organisation des festivités. Initialement d’appartenance ecclésiastique, les chambres prirent leur indépendance pour s’établir, concrètement, comme un comité des fêtes, chargé par les autorités municipales d’égayer de poésie et de splendeur les événements politiques et culturels tout au long de l’année.

Réhabilitation

Des recherches plus poussées, principalement aux Pays-Bas, ont conduit les chercheurs à « réhabiliter » les chambres de rhétorique, désormais considérées comme des institutions ayant joué un rôle majeur dans le développement du néerlandais vernaculaire au cours de la période 1450-1620. 18

Certes, composées pour la plupart sous forme de dialogues entre personnages allégoriques, héritage du Moyen Âge et de la tradition des troubadours, artistiquement parlant, la plupart de ces pièces, à quelques exceptions près, n’ont jamais atteint le niveau ou la qualité d’intensité dramatique ou de raffinement de Shakespeare ou de Schiller.

Mais comme nous le verrons, le désir et l’intention d’émanciper le peuple à travers une forme d’art littéraire et musical qui élève par son contenu moral et libère par un rire cathartique (purificateur) étaient clairement au cœur de leurs objectifs admirables.

L’archiviste néerlandais Jeroen Vandommele suggère que les experts devraient repenser leur point de vue :

L’historien néerlandais respecté Herman Pleij a contribué à une meilleure compréhension du phénomène et a donné une impulsion majeure à cette approche en démontrant, à partir des années 1970, le potentiel de la littérature des XVe et XVIe siècles à générer ce qu’il appelle la « culture urbaine de la fin du Moyen Âge », véritable expression d’une culture civique et urbaine autonome. 20

Selon lui, leurs œuvres visaient à déclencher une « offensive civilisatrice » qui encouragerait les élites urbaines et les classes moyennes à se développer intellectuellement et moralement et à se distinguer (et se dissocier) de leurs homologues urbains moins civilisés.

Joutes, compétitions et autres festivals

Mystère de la Passion, tableau vivant sur le parvis des cathédrales.

Les chambres cultivent l’art de la poésie en s’affrontant lors de concours qui comptent parmi les événements majeurs qu’elles organisent entre elles ou pour le public. Chaque chambre fixe elle-même la fréquence des concours et la valeur des prix, souvent symboliques, à gagner. Si certaines chambres se contentent de quatre concours par an, la chambre anversoise De Violieren (La Giroflée) en fait une compétition hebdomadaire !

Très vite, ces activités donnent naissance à des festivités publiques, célébrées successivement dans toutes les grandes villes. Le Landjuweel combine habilement plusieurs genres théâtraux et musicaux, auparavant distincts, en une seule grande fête urbaine :

  • Les « Mystères » et « Miracles » (Mirakel-spelen, passie-spelen) sont des spectacles de rue ou de grands tableaux vivants, parfois sur des chars (wagen-spelen). Vers 1450, le Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban, joué des milliers de fois dans toute la France, est une pièce de 34 000 vers, nécessitant 394 acteurs qui retracent la vie du Christ cinq jours durant.
  • La « Fête des Fous » ou « Fête des Innocents », mascarades et déguisements organisés par des « sociétés joyeuses » auxquelles le clergé participe activement depuis le XIIe siècle. On assiste alors à un renversement total de la société : la femme devient l’homme, l’enfant l’évêque, le professeur l’élève… On élit un pape, un évêque et un abbé des fous, on brûle de vieilles chaussures dans des encensoirs, on danse dans les églises en marmonnant du latin de manière à provoquer de nombreux éclats de rire. On danse et chante, accompagnés par des musiciens jouant d’instruments à vent (flûte, trompette ou cornemuse) ou à cordes (vielle à roue, harpe, luth). Il n’est pas rare de constater une grave confusion au sein des couvents : relations nocturnes entre l’abbé des fous et les abbesses mineures, voire simulacres de mariage entre un évêque et une supérieure. Pour la fête des fous, le bas clergé se déguise, porte des masques hideux et s’enduit de suie. Le costume et les attributs des fous furent consacrés au XVe siècle. Papes, conciles et diverses autorités publièrent des textes visant à supprimer cette fête dès le XIIe siècle.
  • Les Ommegang (littéralement « tourner autour » de l’église) sont des processions religieuses, organisées par l’Église et les corporations d’arbalétriers en l’honneur des saints, dont ils portent les statues sur leurs épaules. Si à Bruxelles, l’Ommegang devient l’occasion pour les nobles de déambuler en ville (comme en 1549 pour témoigner de leur loyauté à l’occupant espagnol), à Anvers, deux Ommegang se succèdent : le premier, religieux, à la Pentecôte, le second, apparu plus tard, à l’Assomption, avec une forte participation laïque des corporations, des métiers et des chambres de rhétorique, chacun d’eux fournissant un char à une procession dans les rues de la ville.
  • Carnaval, nouveau nom donné par l’Église aux « Saturnales », grandes fêtes romaines de huit jours en l’honneur de Saturne, dieu de l’agriculture et du temps, lors du solstice d’hiver. Cette période de célébrations costumées et de libertés, notamment à Venise, qui se développe entre les XIe et XIIIe siècles, est encadrée par l’Église, qui juge nécessaire d’éviter les révoltes populaires. Elle se caractérise par une inversion des rôles et l’élection d’un faux roi. Les esclaves sont alors libres de parler et d’agir à leur guise et se font servir par leur maître. Ces festivités sont accompagnées de grands repas.

Les rhétoriciens estiment à juste titre que ces genres se complètent parfaitement. Les festivals alternent donc, sans mépriser la hiérarchie qu’impose la nature des sujets, pièces à contenu spirituel et religieux (mystères, passions) et pièces à contenu philosophique, didactique et moralisateur (zinne-spelen), sans oublier la satire, la farce et autres éléments humoristiques (sotties, esbattements, etc.).

Fête des fous. (après 1550). Maison du Roi, Réserves. Musée de la ville de Bruxelles.

Historiquement, la scène où se déroulent ces événements s’est déplacée, de la nef des églises vers le parvis des cathédrales, puis vers l’espace public au sens large, d’abord en plein air (sur la grand-place, dans le cimetière, sur un char) avant d’être obligée par les autorités de se tenir exclusivement dans des lieux fermés.

Parmi les concours organisés par les chambres de rhétorique, le plus ancien connu serait celui de Bruxelles en 1394. Celui d’Audenarde, en 1413, est mieux documenté. Suivront ceux de Furnes en 1419, de Dunkerque en 1426, de Bruges en 1427 et 1441, de Malines en 1427 et de Damme en 1431.

Landjuweel

A l’origine, les Landjuwelen étaient un cycle de sept compétitions entre milices communales pratiquant le maniement des armes, les Schutterijen du duché de Brabant. Les plus hautes personnalités du pays assistent à ces tournois, qui sont même honorés par les souverains.

L’idée est d’organiser un Landjuweel tous les trois ans, le vainqueur de la première compétition étant chargé d’organiser la suivante, et ainsi de suite. A l’issue du septième Landjuweel, les vainqueurs inaugurent un nouveau cycle. Le vainqueur du premier tournoi, qui a remporté une coupe d’argent, doit confectionner deux plats d’argent pour le vainqueur du deuxième Landjuweel d’un cycle, qui en confectionne à son tour trois pour le vainqueur de la compétition suivante, et ainsi de suite jusqu’au septième tournoi du cycle.

Il existait une étroite collaboration entre les sociétés chevaleresques des villes de Bruges et de Lille en Flandre, ainsi qu’entre Bruges et Bruxelles. Comme Bruges, Lille organisait un tournoi annuel, « L’Espinette ».

En février de chaque année, une délégation brugeoise se rend à Lille pour participer au tournoi, et en retour, les Lillois participent au concours annuel de l’Ours Blanc à Bruges, qui se déroule en mai. Ce spectacle donne lieu à des festivités auxquelles les poètes brugeois contribuent également. Ils écrivent les scénarios des esbattements, récitent des louanges et rapportent ces activités dans leurs chroniques.

Les divergences de langues ne suscitent aucune querelle. Des prix sont institués pour récompenser les œuvres rédigées en français ou en néerlandais, selon la langue véhiculaire de la ville où se tient le concours. Mais il arrive parfois que lors d’un même concours, un prix soit décerné pour des œuvres dans les deux langues. Ce fut notamment le cas à Gand en 1439. Des prix sont également décernés pour la plus belle œuvre.

Des thèmes sous forme de questions sont proposés, auxquelles seules les chambres autorisées peuvent répondre en vers, rédigés par les « facteurs ». Ces questions ont généralement un but moral ou politique.

Ainsi, en 1431, en pleine guerre entre la France et la Flandre alliée à l’Angleterre, la chambre de rhétorique d’Arras (l’ancienne Atrecht, dans les Pays-Bas bourguignons), pose la question : « Pourquoi la paix, si ardemment désirée, tarde-t-elle si longtemps à venir ? »

Rappelons qu’en 1435, la paix d’Arras, organisée par les amis du Cardinal Nicolas de Cues, Jacques Cœur et Yolande d’Aragon, scellait la fin de la guerre de Cent Ans. 21

Contexte politique et économique

Au fil des alliances et mariages, les Pays-Bas bourguignons tombent sous le contrôle de la famille des Habsbourg, entièrement à la merci de la banque des Fugger d’Augsbourg. 22

C’est ainsi qu’à sa mort, en 1519, l’empereur du Saint-Empire romain germanique, Maximilien Ier (de la famille des Habsbourg), devait environ 350 000 florins à Jacob Fugger. Pour éviter tout défaut de paiement sur cet investissement, Fugger rassemble un cartel de banquiers afin de réunir les pots-de-vin nécessaires pour permettre à Charles Quint, le petit-fils de Maximilien, d’acheter les votes et de lui succéder sur le trône.

En collaboration directe avec Marguerite d’Autriche, qui a rejoint le projet par crainte pour la paix en Europe, Jacob Fugger centralise ainsi les fonds nécessaires pour corrompre chaque « grand électeur » du Saint Empire germanique, profitant de l’occasion pour renforcer considérablement ses positions monopolistiques, notamment face à des concurrents comme les Welser et le port d’Anvers en pleine expansion. 23

Dans les années 1520, Charles Quint devra emprunter à un taux de 18 %, et jusqu’à 49 % entre 1553 et 1556. Pour maintenir les dépenses colossales nécessaires à la gestion de son vaste empire, il n’a d’autre choix que de mener une politique prédatrice. Il vend ses mines pour apaiser les banquiers, leur donne carte blanche pour coloniser le Nouveau Monde et consent au pillage des régions les plus prospères de son empire, la Flandre et le Brabant, les écrasant d’impôts et de dîmes pour financer l’« économie de guerre ». 24

L’essor assez spectaculaire de la Renaissance du Nord, qui accède, à travers l’apprentissage du grec, du latin et de l’hébreu, notamment grâce au Collège trilingue fondé par Érasme à Louvain en 1515 25, aux sciences et à toutes les richesses de l’époque classique, subit de plein fouet les coups de bélier d’une finance féodale devenue ogre.

Charles Quint ordonne de dresser une liste des auteurs à proscrire dans ses États, préfigurant ainsi la création de l’Index quelques années plus tard. De 1520 à 1550, il promulgue treize édits répressifs contre l’hérésie, introduisant une inquisition moderne inspirée du modèle espagnol.

Marie de Hongrie, portrait par Hans Knell.

La portée de ces « placards » reste assez limitée jusqu’à l’arrivée de Philippe II, en raison du manque d’enthousiasme de la reine régente Marie de Hongrie (1505-1558) et des élites locales à leur égard. Leur application est confiée aux autorités judiciaires urbaines et provinciales, ainsi qu’au Grand Conseil de Malines, sous la supervision d’un tribunal spécifique, établi en 1522 dans les Pays-Bas bourguignons sur le modèle de l’Inquisition espagnole.

En 1540 est fondé l’ordre des Jésuites, initialement chargé d’obtenir par la parole ce qui ne pouvait l’être par l’épée et le feu. Il se tourne rapidement vers son propre théâtre ! De 1545 à 1563, le Concile de Trente se réunit pour imposer des réformes et tenter d’éradiquer l’hérésie protestante. La lecture de la Bible était désormais interdite au commun des mortels, tout comme sa discussion et son illustration. Albrecht Dürer, le grand graveur et géomètre allemand établi à Anvers, fit ses valises en 1521 pour retourner à Nuremberg, et Érasme s’exila à Bâle la même année. Le grand cartographe flamand Gérard Mercator, formé par les érasmiens et soupçonné d’hérésie, fut emprisonné en 1544. Libéré de prison, il s’exila en Allemagne en 1552. En raison de leurs convictions religieuses, Jan et Cornelis, les deux fils du peintre Quinten Matsys 26, ami d’Erasme quittèrent Anvers et s’exilèrent en 1544.

Charles Quint abdiqua en 1555 pour laisser la place à son fils Philippe II. Ce dernier retourna en Espagne et confia la régence des Pays-Bas bourguignons à sa demi-sœur Marguerite de Parme (1522-1586).

Alors que l’administration des Pays-Bas bourguignons était officiellement assurée par le Conseil d’État, composé des stathouders et de la haute noblesse, un conseil secret (la consulta ) créé par Philippe II et composé de Charles de Berlaymont (1510-1578), Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1582) et Viglius van Aytta (1507-1577) prenait toutes les décisions importantes, notamment en matière de fiscalité, d’ordre, d’administration et de religion, et transformait ainsi le Conseil d’État en une simple chambre consultative.

Trois conflits surgirent rapidement : la présence de troupes espagnoles, l’établissement de nouveaux diocèses et la lutte contre le protestantisme. Les troupes espagnoles survivantes des guerres d’Italie, fortes d’environ 3000 hommes, ne recevaient pas de solde et pillaient le pays. Après de nombreuses hésitations de la part de Philippe II, et sous la menace de la démission simultanée d’Orange et d’Egmont, les troupes partirent finalement en janvier 1561.

1523, Exécution des luthériens Hendrik Vos et Jan Van Essen.

Les premières victimes des persécutions, exécutés à Bruxelles le 1er juillet 1523, furent Hendrik Vos et Jan Van Essen, deux moines augustiniens d’Anvers qui avaient embrassé les idées de Luther, qu’ils avaient fréquenté à Wittenberg. 27 La première victime wallonne fut le théologien tournaisien Jean Castellain, exécuté à Vic, en Lorraine, le 12 janvier 1525. 28

De nombreuses victimes étaient des membres du clergé catholique convertis à la Réforme, mais aussi de nombreuses femmes. À partir de 1529, les persécutions prirent une tournure dramatique suite à l’adoption du placard impérial généralisant la peine de mort. 40 % des exécutions pour hérésie en Occident entre 1523 et 1565 eurent lieu dans les Pays-Bas bourguignons. Les XVIIe Provinces furent l’une des régions qui connurent le plus fort taux de condamnations à mort par rapport à l’ensemble de sa population. Environ 1500 personnes furent exécutées, soit une intensité trente fois supérieure à celle de la France. 29

Ils ne feront que renforcer l’opposition à la tyrannie qui conduira en 1576 Guillaume d’Orange (dit « Le Taciturne ») à prendre la tête de la révolte des Pays-Bas bourguignons, aboutissant 80 ans plus tard à la scission entre le nord (les Pays-Bas, majoritairement protestants) et le sud (la Belgique, exclusivement catholique).

Gand, 1539

Podium du Landjuweel de Gand de 1539.

En juin 1539, la Chambre De Fonteine (La Fontaine) de Gand convoqua les sociétés dramatiques et littéraires du pays à un grand landjuweel en l’honneur de la Sainte Trinité, pour lequel l’empereur Charles Quint accorda une permission et un sauf-conduit d’un mois à ceux qui souhaitaient y participer.

Une charte d’invitation fut publiée à ce sujet. Elle posait, pour la pièce de moralité, une question ainsi formulée : « Quelle est la plus grande consolation du mourant ? »

Ce sujet fait clairement écho à l’un des écrits populaires d’Érasme, traduit en néerlandais l’année de sa publication en 1534, de De preparatione ad Mortem. 30

Dix-neuf sociétés de rhétoriciennes répondirent à l’appel : il s’agissait de chambres établies à Anvers, Audenarde, Axel, Bergues, Bruges, Bruxelles, Courtrai, Deinze, Enghien, Kaprijke, Leffinge, Lo (dans le commerce de Furnes), Menin, Messines, Neuve-Église, Nieuport, Tielt, Tirlemont et Ypres.

La chambre anversoise De Violieren remporta le premier prix. Pieter Huys de Bergues remporta le deuxième prix, composé de trois vases en argent pesant sept marcs sur lesquels était gravée l’entrée d’une académie. Son poème, composé d’environ cinq cents vers en néerlandais, met en scène cinq figures allégoriques : la Bienveillance, l’Observance des Lois, le Cœur Consolé, la Consolation et le Cœur Contrit. Chacune d’elles énumère les biens dans lesquels l’homme trouve le bonheur à l’heure de la mort. Pour De Violieren, la plus grande consolation était « la résurrection de la chair », un dogme purement catholique.

Mais c’était sans compter sur la partie « off » du concours. Car les trois autres questions, auxquelles il fallait répondre en chœur, étaient :

  • « Quel animal au monde acquiert le plus de force ? »
  • « Quelle nation au monde fait preuve du plus de folie ? »
  • « Serais-je soulagé si je pouvais lui parler ? »

En conséquence, la majorité des pièces allégoriques jouées étaient des satires sanglantes contre le pape, les moines, les indulgences, les pèlerinages, le cardinal Granvelle, etc. Les compositions des lauréats gantois furent publiées d’abord en format in-quarto, puis en in-duo.

Dès leur parution, ces pièces furent interdites, et ce n’est pas sans raison que, plus tard, ce landjuweel fut cité comme le premier à avoir mobilisé le pays littéraire en faveur de la Réforme protestante. Ces œuvres étant loin d’être favorables au régime espagnol, le duc d’Albe ordonna leur suppression par l’Index de 1571 et, plus tard, le gouvernement des Pays-Bas bourguignons interdit même les représentations théâtrales des Chambres de Rhétorique. 31

L’influence d’Érasme

Érasme dans l’atelier de Matsys à Anvers, tableau d’Eugène Siberdt (1851-1931). À droite, le célèbre tableau de Matsys représentant les collecteurs d’impôts cupides.

À Anvers, l’influence d’Érasme était notable et sa présence recherchée. On connaît son amitié avec le secrétaire de la ville, Pieter Gillis 32, un humaniste érudit anversois très apprécié de Thomas More 33 qui intégra certains de ses poèmes dans son œuvre majeure, L’Utopie. Pour plaire à More, Pieter Gillis et Érasme lui offrent leur double portrait réalisé par Quentin Matsys 34. La maison de Gillis à Anvers était également un lieu de rencontre régulier pour tous les grands humanistes de l’époque.

Den Grooten Spiegel, la maison de Gillis à Anvers.

De 1523 à 1584, 21 éditeurs ne publient pas moins de 47 éditions des œuvres de l’humaniste, et le rhéteur Cornelis Crul traduit, avant 1550, les Colloques et d’autres œuvres majeures en néerlandais.

La plupart des rhétoriciens maîtrisaient le latin et pouvaient donc lire Érasme dans l’original. Certaines écoles latines, comme celle de Gouda en 1521, incluaient dans leur programme des écrits choisis de lui pour chaque niveau de classes. 35

Le prestige de l’humaniste se répand dans toute l’Europe.

Ferdinand Colomb (1488-1539), fils très bibliophile du navigateur génois Christophe Colomb, non seulement acquit une vaste série de ses œuvres, mais se rendit aussi à Louvain en octobre 1520 pour y rencontrer leur auteur. 36

Dans une lettre datée de 1521, Jérôme Aléandre (1480-1542), légat du pape Léon X, mettait en garde contre les « éléments de mauvais aloi » qui prospéraient à Anvers. « Ils [les rhétoriciens] se présentaient comme les défenseurs de la bonne littérature et étaient tous de l’école de notre ami devenu un grand nom [Érasme]. » Aléandre ajoutait : « Il [Érasme] a pourri toute la Flandre ! » 37

De Violieren et la Guilde de Saint-Luc

Le blason de De Violieren (La Giroflée) d’Anvers pour le Landjuweel. Au centre, le boeuf ailé, symbole de Saint-Luc.

A Anvers également, une Chambre de rhétorique, De Violieren (Les Giroflées), est officiellement créée en 1480 comme une sorte de division littéraire au sein de la Guilde de Saint-Luc, la guilde des artistes datant de 1382. 38

La devise des rhéteurs était « Uyt ionsten versaemt » (Unis par l’affection. Mais « ionsten » est aussi proche de « consten », le mot flamand pour les arts).

Cette symbiose produisit des résultats fructueux. Pour la plupart des historiens, les Violieren constituaient en quelque sorte la branche littéraire de la Guilde de Saint-Luc. Jusqu’en 1664, la guilde avait son siège sur le côté nord de la Grand-Place d’Anvers, la maison Spaengien ou Pand van Spanje. La guilde était composée de tous les métiers liés aux beaux-arts, notamment les peintres, les sculpteurs, les enlumineurs, les graveurs et les imprimeurs.

L’Eglise, entre 1460 et 1560, pour se financer, louait aux artistes l’Onze-Lieve-Vrouwepand, un claustrum avec de galeries entourant une cour ouverte. Dans ce bâtiment, les peintres d’art, les sculpteurs, les ébénistes et les libraires pouvaient louer un stand où ils pouvaient exposer leurs produits à la vente. Il s’agissait de la plus grande foire d’art de ce qui était alors l’Europe. Après 1560, le marché s’organisait au premier étage de la Bourse du Commerce.

La Guilde de Saint-Luc :

Les Liggeren, registre de la guilde des peintres de Saint-Luc d’Anvers.
  • En 1491, l’ami d’Érasme, le peintre Quinten Matsys 39, y fut inscrit comme maître. L’une de ses commandes majeures, le Triptyque de la Déploration du Christ, provenait de la guilde des charpentiers. Selon l’archiviste en chef de la ville d’Anvers, Van den Branden, Matsys lui-même était membre des Violieren et écrivait des poèmes pour leurs concours ;
  • En 1515, Matsys fut rejoint à la Guilde de Saint-Luc par deux autres grands artistes inspirés eux aussi par l’esprit d’Érasme, Joachim Patinir (1480-1524) et Gérard David (1460-1523) ;
  • En 1519, les registres de la guilde (The Liggeren 40) mentionnent l’inscription de Jan Sanders van Hemessen (1500-1566), dont la fille Catharina (1528-1565) deviendra en 1548 la première femme peintre – et professeur de peinture aux hommes – à être admise à la guilde des peintres ;
  • En 1527, celle de Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), maître de Bruegel ;
  • en 1531, ceux des deux enfants de Matsys, Jan et Cornelis ;
  • en 1540, celle de Peter Baltens (1527-1584) ;
  • en 1545, celle du graveur et imprimeur Hieronymous Cock (1510-1570) dont l’atelier produisit des estampes de Bruegel et du poète et traducteur révolutionnaire hollandais Dirk Coornhert (1522-1590), ami proche et conseiller de Guillaume le Taciturne (1533-1583) ;
  • en 1550, celle du grand imprimeur Christophe Plantin (1520-1589) ;
  • et en 1551, celle de Pieter Bruegel l’Ancien (1525-1569). 41

En bref, plusieurs personnalités culturelles éminentes des Pays-Bas ont participé ou auraient certainement pu participer au Landjuweel d’Anvers en 1561 : Jan Sanders van Hemissen et sa fille Catherina ; Jan et Cornelis Matsys, les deux fils de Quinten Matsys ; Peter Baltens, Hieronymous Cock, Dirk Coornhert, Guillaume le Taciturne, Christophe Plantin et Pieter Breugel l’Ancien. 42

Les échanges quotidiens au sein des Violieren entre les poètes et les artistes les plus importants de l’époque eurent une influence bénéfique sur leurs activités et en firent, après quelques années, l’une des sociétés les plus prospères du Brabant.

Les correcteurs de l’imprimerie Plantin.

Dans les concours les plus importants, De Violieren remporta des lauriers : premier prix en 1493 à Bruxelles, en 1515 à Malines et en 1539 à Gand, dans une lutte mémorable à laquelle participèrent 19 chambres de différentes régions du pays.

En août 1541, un concours fut organisé à Diest par la Chambre locale De Lelie (Le lys), auquel participèrent dix autres chambres du Brabant. Le grand prix fut décerné à la Chambre anversoise De Violieren, pour la présentation d’un esbattement (farce).

Anvers, 1561

Comme de coutume, la Chambre ayant remporté le meilleur prix devait à son tour organiser un Landjuweel. C’était également l’avis de De Violieren, après son exploit à Diest ; cependant, les circonstances de l’époque ont fait que le sujet a été reporté. Vingt ans se sont écoulés avant que quiconque puisse songer à organiser un tel concours artistique.

Trois dirigeants de De Violieren, avec beaucoup de courage, s’engageront pleinement dans l’initiative, au péril de leur réputation, leur honneur, leur fortune, leur patrimoine et même de leur vie :

Anthonis van Stralen.
  • Anthonis van Stralen (1521-1568) était le chef des Violieren. Echevin d’Anvers, Van Stralen avait été étroitement associé à l’obtention du permis pour le Landjuweel. En mai 1561, il fut promu bourgmestre (buitenburgemeester) d’Anvers, peut-être en récompense de ses services. Le succès du Landjuweel était dû en grande partie à la coopération entre le magistrat anversois et le conseil des Violieren.
  • Melchior Schetz (vers 1513-1583) était prince de Violieren. Il était le beau-frère de Van Stralen et également échevin. Il était l’un des trois enfants du grand marchand anversois Érasme Schetz (mort en 1550), surnommé le « banquier d’Érasme ». 43 Avec ses trois fils, il a créé une importante société bancaire et commerciale. 44 Son amitié avec Érasme est symptomatique de la popularité dont Érasme jouissait à Anvers. Il lui offrit sa résidence hospitalière : la Huis van Aken, un palais où il avait reçu Charles Quint en personne.

    Dans une lettre, il lui fit, entre autres, cette proposition alléchante : « Mon cœur et l’âme de tant de personnes aspirent à votre présence parmi nous. Je me suis souvent demandé quel enchantement vous retenait ici plutôt que parmi nous. Pieter Gillis [secrétaire de la ville et leur ami commun] m’a donné une raison : nous n’avons pas de vin de Bourgogne, qui convient le mieux à votre tempérament, ne craignez rien, et si c’est le seul obstacle qui vous retient, n’hésitez pas à revenir ; nous veillerons à ce que vous soyez approvisionné en vin, et non seulement en vin de Bourgogne, mais aussi en vin de Perse et d’Inde si vous en avez envie et besoin. »

    En tant que prince de Violieren, son fils Melchior représentait la Chambre le plus souvent en public. Il devait également être responsable de l’organisation financière de la Chambre. Schetz était l’un des plus importants prêteurs d’argent d’Anvers. Il ne fait aucun doute que la ville a facilité financièrement l’organisation du festival.
  • Willem van Haecht (1530-1585) : Issu d’une famille de peintres et de graveurs, il était dessinateur et, vraisemblablement, libraire de profession. Sa devise était Behaegt Gods wille (conforme-toi à la volonté de Dieu). Van Haecht était un ami de l’humaniste et écrivain bruxellois Johan Baptista Houwaert (1533-1599). Il compare Houwaert à Cicéron dans l’éloge introductif du Lusthof der Maechden de Houwaert, publié vers 1582. Dans son éloge, Van Haecht affirme que tout homme sensé devrait reconnaître que Houwaert écrit avec éloquence et excellence.

    Van Haecht a également écrit les paroles de diverses chansons, généralement d’inspiration chrétienne. C’est le cas des paroles d’une chanson polyphonique à cinq voix, Ghelijc den dach hem baert, diet al verclaert, probablement composée par Hubert Waelrant (1517-1595) pour l’ouverture de la pièce des Violieren au landjuweel de 1561. Le poème a également été imprimé sur une feuille volante avec notation musicale, distribué à l’assistance.

    Dès 1552, Van Haecht était affilié à De Violieren, dont les membres comprenaient Cornelis Floris de Vriendt (1514-1575), le principal architecte de l’hôtel de ville de style Renaissance d’Anvers, ainsi que son frère, le peintre Frans Floris de Vriendt (vers 1519-1570) et le peintre Maerten de Vos (1532-1603). Van Haecht devint le « facteur » (poète titulaire) de De Violieren en 1558.
La résidence style Renaissance du rhétoricien et peintre Frans Floris Devriendt dans l’Arenbergstraat d’Anvers, conçue par son frère Cornelis en 1563. Entre les croisées de l’étage Frans peignit les niches dans lesquelles étaient représentés les emblèmes du véritable artiste, à savoir : La Diligence, la Pratique, la Poésie, l’Architecture, le Travail, l’Expérience et l’Industrie. (Estampe d’après un dessin de Joseph Linning, avant 1868)

D’autres personnalités de premier plan impliquées dans l’organisation du Landjuweel comprenaient des imprimeurs tels que Jan de Laet (1524-1566), le graveur et éditeur Hieronymus Cock (vers 1510-1570) (fondateur de l’imprimerie Aux Quatre Vents qui publia les gravures de Bruegel) et le peintre Jacob Grimmer (1510-1590).

L’autre figure majeure était Peeter Baltens (1527-1584), peintre, rhéteur, graveur et éditeur anversois. 45 Baltens était membre de la Guilde de Saint-Luc et des Violieren. Ayant en partie formé Bruegel, son rôle s’avéra particulièrement important. Il noua des amitiés étroites (notamment avec les veuves de Hieronymus Cock (vers 1510-1570) et de Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), cette dernière étant également la belle-mère de Bruegel) et collabora avec les plus grands noms anversois de son temps. Il s’associa avec des patriciens anversois tels que le poète Jonker Jan van der Noot (1539-1595), la riche famille de marchands Schetz et de riches marchands tels que Nicolaes Jonghelinck (1517-1570), banquier d’affaires, mécène et bailleur de fonds de Bruegel.

Selon Lode Goukens,

Herman Pleij note que les Rhétoriciens ont comme consigne de redorer le blason des marchands d’Anvers en faisant la distinction entre le bon grain et l’ivraie. 47

De Groote Robijn, résidence d’Anthonis van Stralen, maire d’Anvers.

Cependant, les recherches sur les relations entre peintres, poètes (ou rederijkers) et marchands montrent que ces trois groupes développent un style de vie culturel commun au XVIe siècle, dans lequel l’amour de la science et de l’art occupe une place centrale.

Pour lancer un concours de rhétorique, il fallait obtenir l’autorisation du gouvernement du pays, ce qui n’était plus chose aisée à l’époque. C’était une conséquence du concours de Gand de 1539, où les idées de nouvelles doctrines contre les institutions de la religion catholique furent présentées et défendues sans la moindre hésitation.

Cependant, De Violieren et les élus d’Anvers (Van Stralen et Schetz) étaient farouchement déterminés à organiser leur Landjuweel. Celui qui fit le plus pour retarder l’obtention de l’autorisation fut le cardinal Perrenot de Granvelle (1517-1582), archevêque de Malines et conseiller de Marguerite de Parme (1522-1586), après l’abdication de l’empereur, son frère Charles Quint, régente des Pays-Bas bourguignons.

Organisation du Landjuweel

En février 1561, les délégués de la ville d’Anvers s’adressèrent à Granvelle avec une requête adressée à la régente, dans laquelle ils soutenaient que De Violieren, par rapport aux autres Chambres, était statutairement obligée d’organiser un concours.

Antoine Perrenot de Granvelle.

Granvelle espérait torpiller l’initiative, mais, conscient qu’un rejet brutal aurait enflammé l’opposition, il chercha divers prétextes. Il fit poliment comprendre aux délégués qu’il souhaitait reporter un tel événement, prétextant que, grâce à l’accord de paix entre la France et les Habsbourg, la guerre venait d’être suspendue et que de telles fêtes représentaient des dépenses importantes, que le pays ne pouvait ou ne voulait pas assumer.

Cela ne dissuada guère les Anversois. Ils répondirent que l’année précédente, l’autorisation avait été accordée à la Chambre de Vilvorde et qu’un report était inconcevable. Sentant qu’ils n’y renonceraient qu’avec un profond dégoût, Granvelle accepta à contrecœur de présenter leur demande à Marguerite, tout en affirmant que l’État s’arrogeait le droit de prélever des impôts sur tous ceux qui participaient au concours.

Craignant surtout que la fête ne devienne une caisse de résonance pour tous ceux qui critiquaient l’occupation espagnole et les abus de l’Église, Granvelle les somma aussi d’informer les chambres participantes que ne pouvait apparaître dans leurs pièces, leurs esbattements ou leurs poèmes, le moindre mot, phrase ou allusion contre la religion, le clergé ou le gouvernement, sinon elles perdraient non seulement le prix qu’elles auraient pu gagner, mais seraient punies et privées de leurs privilèges et de leurs droits ; et que la Chambre d’Anvers avait à veiller à ce que la ville soit bien gardée pendant les festivités et qu’aucun trouble ne puisse survenir.

Marguerite de Parme.

Marguerite de Parme, souvent en désaccord avec Madrid, se montra plus ouverte et moins craintive que Granvelle. Après avoir consulté le rapport fourni par le Conseil de Brabant, qui savait pertinemment que trop de répression encourageait la protestation, elle apposa l’apostille le 22 mars 1561, invitant le chancelier du duché à fournir à Anvers les lettres cachetées nécessaires à l’organisation du Landjuweel.

Ces lettres furent émises le même jour au nom du roi et accordèrent un sauf-conduit de quatorze jours avant le début jusqu’à quatorze jours après la fin du Landjuweel à tous ceux qui souhaitaient y assister, à l’exception de,

La chambre de rhétorique d’Anvers avait soumis 24 thèmes potentiels pour le Landjuweel (voir liste ci-dessous). Marguerite de Parme leur offrait le choix entre les trois sujets qu’elle avait sélectionné 49:

  • « L’expérience ou l’apprentissage apporte-t-il plus de sagesse ? »
  • « Qu’est-ce qui conduit le plus l’homme vers les arts ? »
  • « Pourquoi un homme riche et avide désire-t-il davantage de richesses ? »

Philosophie

Pour montrer combien nos rhétoriciens, sous la direction de Van Straelen et de Schetz, traitèrent de questions philosophiques et politiques de toutes sortes, voici l’ensemble des vingt-quatre sujets qu’ils avaient soumis 50:

  1. Wat sake dat Roomen dede triumpheren? (Qu’est-ce qui a permis à Rome de triompher ?)
  2. Wat dat Roomen meest dede declineren? (Qu’est-ce qui a fait le plus décliner Rome ?)
  3. Weder experientie oft geleertheyt meer wijsheyt bybrengt? (Est-ce que c’est l’expérience ou le savoir qui apporte le plus de sagesse ?)
  4. Hetwelck den mensche meer verwect tot cunsten? (Qu’est ce qui peut conduire le plus l’homme vers l’Art ?)
  5. Dwelk ‘t voetsel der cunsten is? (De quoi l’art se nourrit-il ?)
  6. Waeromme den mensche van tydelycke dinghen zoo begheerlijk is? (Pourquoi l’Homme est-il tellement désireux des choses temporelles ?)
  7. Waer deur des menschen dagen meest vercort worden? (Qu’est-ce qui raccourci les jours des hommes ?)
  8. Waer deur des menschen dagen verlengt worden? (Qu’est-ce qui rallonge les jours des hommes ?)
  9. Waerom dat matige rijckdom ‘t meeste geluck der waerelt genaemt wordt ? (Pourquoi c’est la richesse moyenne qui apporte le plus de bonheur au monde ?)
  10. Dwelck den meesten voorspoed in deser waerelt is? (Quelle est la plus grande prospérité dans ce monde ?)
  11. Dwelck den meesten tegenspoed in deser werelt is? (Quel est le plus grand contre-temps dans ce monde ?)
  12. Hoe compt dat dagelix alle dingen verdieren? (Comment se fait-il que toutes les choses se consument chaque jour ?)
  13. Oft een ghierich mensch kan versaegt worden? (Si un homme avare peut être découragé ?)
  14. Waerom een ryck ghierich mensch meer rykdom begeert? (Pourquoi un riche avare désire encore plus de richesse ?)
  15. Waerom dat ryckdom egeen giericheyt en blust? (Pourquoi la richesse n’étéint pas l’avarice?)
  16. Waerom dat d’eynde der blysschappen ongenucht volcht? (Pourquoi l’amusement est suivi de mécontement ?)
  17. Waerom dat wellust berouw voortbrenght? (Pourquoi la luxure engendre des remords?)
  18. Waerom dat wellust hare straffinghe medebrengt? (Pourquoi la luxure apporte sa propre punition ?)
  19. Waar deur dat Roomen tot zoe groote prosperiteyt quam? (Comment les Romains ont atteint une si grande prospérité ?)
  20. Dwelk de monarchie van Roomen in voorspoed hiel? (Quel gouvernement a maintenu les Romains dans la prospérité ?)
  21. Wat cunste eldernootelykste in een stad is? (Quel art est de la plus haute nécessité dans une ville ?)
  22. Wat der wereld meer rust inbrenct? (Qu’est-ce qui peut amener le monde vers plus de paix ?)
  23. Waer deur de mensche meest compt tot hoocheyt der werelt? (Qu’est-ce qui conduit le plus les gens vers l’orgueil du monde ?)
  24. Waer deur men den woeker best zoude mogen extirperen? (Quel serait le meilleur moyen pour éradiquer l’usure ?)

À première vue, on pourrait dire qu’en choisissant la question « Qu’est-ce qui peut le plus conduire l’homme vers l’art ? » 51, Van Stralen et Schetz choisissent le sujet le moins « politique ». C’est méconnaître Érasme et la pensée platonicienne pour qui beauté et bonté forment une unité et pour qui tout gouvernement qui ne promeut pas la beauté, la néglige ou, pire encore, la méprise, se condamne à l’échec ! En pratique, les poètes, partant de ce principe supérieur, ont fini par fustiger, sans les nommer explicitement, tous les criminels et bellicistes de cette époque.

D’ailleurs, Willem van Haecht, le « facteur » (poète officiel) de De Violieren, dans la pièce qu’il composa spécialement pour le Landjuweel d’Anvers en 1561, montrait que ce qui conduisit les Empires à leur déclin fut, comme c’est encore le cas aujourd’hui, leur manque d’estime pour les Arts, y compris évidemment la Rhétorique.

Du coup, c’est sur ce thème que les 5000 participants (!) au Landjuweel, ont commencé à réfléchir, composer des chants, des pièces de théâtre, des refrains, des allégories, des rébus, des tableaux et des farces, le tout présenté ensuite, par le Landjuweel, à presque tout le pays.

On se frotte les yeux pour y croire : deux siècles avant (!) Friedrich Schiller, le poète allemand surnommé « poète de la liberté » et inspirateur de nombreuses révolutions à la fin du XVIIIe siècle, une élite humaniste éclairée par Érasme aux Pays-Bas a conduit une partie substantielle du pays à s’élever vers une paix durable en s’émancipant du servage et de l’ignorance par la beauté morale ! Le Landjuweel d’Anvers de 1561 fut bien plus qu’une simple fête, ce fut un changement de paradigme et un véritable tournant. Chapeau !

Après avoir reçu l’autorisation, la Chambre de rhétorique et le Conseil municipal d’Anvers s’attelèrent aussitôt à donner à ce grand festival littéraire toute sa splendeur et sa magnificience. Un carton d’invitation en vers fut rédigé, précisant le sujet du concours et les prix à gagner.

Melchior Schetz, prince de De Violieren, défilant dans les rues d’Anvers au Landjuweel de 1561.

Le 23 avril, ce carton d’invitation fut remis par le bourgmestre Nicolaas Rockox, en présence de Melchior Schetz et d’Anthonis van Stralen, à l’hôtel de ville d’Anvers, à quatre messagers assermentés, chargés de le transmettre à toutes les chambres de rhétorique du Brabant et de les inviter également au Landjuweel. Ces messagers voyagèrent aux frais de la ville et se rendirent d’abord à Louvain, la plus ancienne ville du Brabant. Partout, la nouvelle d’un Landjuweel à Anvers fut accueillie avec une joie extraordinaire, et les messagers furent accueillis avec une grande générosité.

Alors que dans la plupart des villes du Brabant les rhétoriciens s’occupaient à composer et à enseigner des pièces de théâtre et des poèmes, à fabriquer des chars de triomphe et à peindre des armoiries, à Anvers ils ne restaient pas inactifs.

De Violieren fait alors confectionner de magnifiques vêtements neufs pour ses membres, à la suggestion de Melchior Schetz, pour la cérémonie d’accueil offerte aux participants.

Podium du Landjuweel d’Anvers 1561.

Une élégante scène de théâtre fut érigée sur la Grand-Place d’Anvers, conçue par Cornelis Floris. Ironie de l’histoire, elle fut installée à l’endroit même où l’Inquisition décapitait les « hérétiques ». Le public assistait aux représentations debout, à l’exception du jury et des hauts fonctionnaires, pour lesquels des bancs étaient prévus.

Partout, l’effervescence et l’animation régnaient ; chaque citoyen souhaitait apporter sa contribution pour accueillir les invités étrangers avec la solennité requise et beaucoup de faste.

Le conseil municipal, pour sa part, avait pris les mesures nécessaires pour que tout se passe bien. Tous les habitants des rues où devaient passer les rhéteurs ont reçu l’ordre de dégager les rues et de retirer tout échafaudage ou obstacle qui pourrait gêner leur passage.

Tout le monde attendait avec impatience le 3 août, jour où l’entrée officielle aurait lieu et où les jeux de Landjuweel commenceraient.

Une journée mémorable

Hôtel de ville d’Anvers (à gauche) conçu par Cornelis Floris Devriendt.

Le 3 août 1561 est un jour mémorable dans l’histoire d’Anvers. La ville était parée de ses habits de fête : sur les façades des maisons, drapeaux, fanions et festons ; sur les places publiques, d’élégantes arches de style Renaissance.

Ce n’est un secret pour personne : les Anversois aiment gagner beaucoup d’argent. Mais ils aiment aussi le dépenser sans compter ! Au cours de ce merveilleux XVIe siècle, ils prenaient plaisir à afficher, lors de ces occasions, une splendeur qui dépasse, pour ainsi dire, notre imagination.

Juerken, le bouffon ou imbécile de De Violieren au Landjuweel d’Anvers de 1561.

Partout régnait la joie et la vie. De nombreux étrangers traversaient les rues ; tous, étrangers comme locaux, s’engageaient à maintenir le meilleur ordre possible au milieu de cette agitation et de ce tumulte. 52

À 14 heures, les « frères » de la guilde De Violieren se rassemblèrent pour se rendre ensemble à la Keizerspoort afin de rencontrer les chambres participantes. Ils étaient 65, montés sur des chevaux magnifiquement parés, vêtus de précieux uniformes. Ceux-ci se composaient de tabards de soie violette rayés de satin blanc ou de drap argenté, de pourpoints blancs rayés de rouge, de bas et de bottes blancs, et de chapeaux violets ornés de plumes rouges, blanches et violettes.

À la Keizerspoort, les chambres étrangères participantes furent solennellement reçues. Elles étaient quatorze et, au son des clairons et sous les acclamations de la foule, elles entrèrent dans Anvers, suivant la Huidevetterstraat, l’Eiermarkt et le Melkmarkt jusqu’à la Grote Markt, devant l’Hôtel de Ville.

Représentation artistique du Landjuweel d’Anvers de 1561, peint en 1899 par Edgard Farasyn pour l’hôtel de ville d’Anvers.

Le cortège était grandiose et impressionnant ; on n’avait jamais rien vu de tel dans ces régions. Sans les frères de la Guilde sur les chars, les porteurs d’armoiries, les écuyers, les valets de pied, les trompettistes, les tambours et autres musiciens à pied, le nombre de rhétoriciens à cheval de toutes les villes s’élevait à 1393, celui des chars à 23 et celui des autres chars à 197. 53

L’Ommegang de 1685 (supposé être une procession religieuse sans concours de poésie ou de théâtre) donne néanmoins une idée de ce à quoi ressemblaient les événements culturels de masse à Anvers.

Après quinze jours de compétition entre les villes de grande et moyenne taille pendant le Landjuweel, une semaine supplémentaire de « Hagespelen », des compétitions moins fastueuses et moins coûteuses entre les cantons, villages et communes, a suivi. Les organisateurs ne voulaient pas de perdants. Les formats étaient si variés qu’à la fin du mois, pas une seule ville, village ou commune n’était sans prix.

Pièce de théâtre dans un village flamand.

Et de retour dans leurs villes, tous ces acteurs culturels, comédiens, chanteurs, poètes, farceurs et comiques, dynamisés comme jamais par la rencontre avec une nation entière, rejouèrent chez eux la pièce ou le spectacle qui leur avait valu un prix. Dans la mesure où chaque chambre primée fut obligée d’organiser un nouveau concours, un véritable effet de diffusion et de contamination culturelle se répandit dans le pays.

Bateaux de mer entrant à Bruxelles par le canal Bruxelles-Escaut. Peinture d’Andreas Martin (1699-1763).

La joie et la fierté étaient telles que la Chambre de Vilvorde a donné une représentation spéciale pour l’ouverture du nouveau canal Bruxelles-Willebroek en octobre 1561. Le projet d’un canal de 28 km de long, reliant Bruxelles à l’Escaut (et donc à Anvers et à la mer) était évoqué depuis 1415, mais c’est Marie de Hongrie qui, en 1550, a ouvert le chantier. Le canal a vu le jour après 11 ans de travaux.

Le Landjuweel d’Anvers impressionna les spectateurs venus de l’étranger, parmi lesquels Richard Clough 54, représentant du financier anglais Thomas Gresham. Le marchand ne cacha pas son admiration et ne tarit pas d’éloges sur les festivités, les comparant à l’entrée de Philippe II et de Charles Quint à Anvers en 1549. Il ne pouvait que constater que l’organisation du Landjuweel était plus vaste et le spectacle plus impressionnant :

Paix et art, unis pour la célébration

Le mardi 5 août, deux jours après la grande réception des chambres participantes, les rhétoriciens en visite, ainsi que le reste des spectateurs, sont solennellement accueillis sur la Grand-Place d’Anvers.

Les Violieren proposent ensuite une zinnespel (morale) de bienvenue : Den Wellecomme (La Bienvenue), écrite par Willem van Haecht. Au cœur de la pièce se trouve la paix relative qui permet l’organisation du Landjuweel, une rencontre symbolisant le renouveau de la rhétorique (l’art de la rhétorique) rendue possible grâce à la tranquillité retrouvée. Le duché avait beaucoup souffert dans les années 1550, mais s’était lentement relevé après la paix du Cateau-Cambrésis (1559) marquant une pause dans le conflit entre les Habsbourg et la France. L’espoir de jours meilleurs était permis. Les réactions littéraires à la paix furent donc particulièrement optimistes. L’aube d’un nouvel âge d’or était dans tous les esprits.

La pièce met en scène trois nymphes, des fleurs – sœurs – qui, ensemble, représentent De Violieren. Après des années de guerre, la Chambre a eu l’opportunité d’organiser le Landjuweel. Pour cela, les nymphes ont une grande dette de gratitude envers le peuple brabançon. Malgré les temps difficiles et les divisions croissantes entre les différents groupes sociaux, le peuple est resté uni.

C’est la Concordia, le sentiment d’unité et de solidarité, qui unit désormais les défenseurs du bien public. Par amour pour l’art de la rhétorique, tous sont venus de tous horizons à Anvers pour célébrer ensemble le Landjuweel. Selon les nymphes, il est grand temps que Rethorica reprenne la place qui lui revient dans la société. Maintenant que le dieu guerrier Mars et la détestée Discordia ont été chassés, elle seule peut apporter joie et paix au pays. Seule la semence de la rhétorique (« Rethorices saet ») peut porter des fruits de joie.

Les fleurs se mirent donc en quête de Rethorica. Autrement dit, De Violieren décrit principalement le Landjuweel comme une fête de la joie, organisée par les Chambres de Rhétorique pour renforcer le sentiment d’appartenance et les liens d’amitié entre les villes et les peuples de la région.

Illustration du drame de Van Haecht « La Bienvenue ». Trois nymphes viennent réveiller Rethorica, endormie, mais protégée par Antwerpia. A gauche sur l’avant-plan, les outils d’invention et de travail que Rhetorica a abandonné en s’endormant.

Finalement, les nymphes trouvent Rhetorica, endormie dans les bras d’une jeune fille (Anwerpia), qui l’a toujours protégée. Alors que les déesses de la vengeance (« Érinnies ») ont ravagé le pays pendant vingt ans, la rhétorique a toujours été protégée et chérie à Anvers. Il est temps de la réveiller de son long sommeil hivernal.

Frans Floris, L’éveil des arts (vers 1560), Musée des arts de Porto Rico, USA.

Une fois réveillée, Rhetorica et le Landjuweel marqueront le début d’une période de prospérité et d’un reveil des arts, pour Anvers et pour le monde, un thème allégorique développé par Frans Floris, le rhétoricien ami de Van Haecht, dans son oeuvre L’éveil des arts (vers 1560). Cette œuvre allégorique commémore la signature du traité du Cateau-Cambrésis, l’accord de paix le plus important du XVIe siècle, marqué par la guerre. siècle, marqué par la guerre. Dans un paysage ravagé par la guerre, Philippe II d’Espagne assume le rôle d’Apollon, représenté par le personnage barbu au centre. Le dieu du soleil éveille les arts libéraux, représentés par des femmes dotées d’attributs (le berceau des sculpteurs, la plume des poètes, les partitions des musiciens, les globes des cartographes, etc.) De sa main gauche, Philippe II montre quatre femmes qui éloignent un Mars abject. Mars, le dieu de la guerre, dépouillé de son épée et ses trophées de bataille. Cette scène symbolise une nouvelle ère de prospérité culturelle rendue possible par la paix.

Den Wellecomme de Van Haecht ne se contente pas de dégager une atmosphère de joie et d’euphorie, il lance aussi quelques piques aux oppresseurs. Les Chambres conservèrent un arrière-goût amer. Au cours des années précédentes, plusieurs rhétoriciens avaient été frappés par le destin. Le « facteur » précédent, le très estimé Jan van den Berghe (mort en 1559), était décédé de vieillesse. De plus, deux membres éminents avaient été victimes de persécutions religieuses.

Les imprimeurs Frans Fraet (1505-1558) et Willem Touwaert Cassererie (vers 1478-1558) furent condamnés et exécutés en 1558, malgré les protestations vigoureuses de leur guilde, pour avoir imprimé et été trouvés en possession de livres interdits (des Bibles néerlandaises).

Gravure d’après Jan van der Straet (Johannes Stradanus).

Anvers était le centre nord-européen de l’édition hétérodoxe dans la première moitié du XVIe siècle. C’est d’Anvers que les livres étaient expédiés dans toute l’Europe. Alastair Duke, qui a étudié les méthodes de l’Inquisition à cette époque, a suggéré que sur quatre mille livres publiés en Europe entre 1500 et 1540, la moitié a été imprimée à Anvers 56 ; presque la moitié de ces publications contenaient des influences protestantes. 57

Ces persécutions renforcèrent la méfiance du gouvernement central envers les rhéteurs. Les temps n’étaient pas faciles pour eux.

L’art de la rhétorique « n’a pas beaucoup d’amis », comme le regrette Van Haecht. 58

Bien que le Landjuweel ait été conçu pour célébrer la paix et non pour exprimer le mécontentement, l’horreur des années de guerre passées et les divisions qui en ont résulté étaient clairement palpables.

La rencontre se déroula sous le signe de l’amitié et de la solidarité – ce qui n’était pas sans raison la devise de De Violieren. Faisant référence au miracle de la Pentecôte, le carton d’invitation comparait les rhétoriciens aux apôtres, qui reçurent le Saint-Esprit en se rassemblant dans l’unité, sans désaccord ni conflit. Ce motif était courant chez les rhétoriciens.

Déjà dans les poèmes du brugeois Anthonis de Roovere (vers 1430-1482), les pièces de théâtre gantoises de 1539 et dans Const van Rhetoriken de Matthijs de Castelein (1485-1550), l’inspiration du rhétoricien est comparée à l’enthousiasme religieux des apôtres à la Pentecôte. Les rhétoriciens considéraient leur poésie comme un don du Saint-Esprit. Cela rappelle fortement la thématique d’Érasme dans sa Querela Pacis (La Complainte de la paix, 1517). Dans ce célèbre pamphlet pour la paix, le miracle de la Pentecôte est également utilisé pour souligner l’importance de l’unité et de l’amour dans la société. Seule la religion chrétienne, selon Érasme, avait la force de se défendre contre la tyrannie et la guerre. Le bien-être de la société tout entière a toujours eu la priorité sur toute forme d’intérêt personnel.

Un carton d’invitation rimé fut envoyé à toutes les chambres du Brabant, accompagnée d’une gravure sur bois (probablement réalisée par Willem van Haecht). Cette gravure allégorique souligne l’importance de la rhétorique pour parvenir à la paix.

Estampe sur bois illustrant l’invitation adressée aux autres chambres de rhétorique par les Violieren d’Anvers pour le Landjuweel de 1561.

Rhetorica trône au centre, ses attributs étant un parchemin et un lys, symboles respectivement des vertus de promotion du savoir et d’harmonisation de l’art rhétorique. De chaque côté d’elle se trouvent Prudentia (à gauche) et Inventio (à droite). Prudentia, la Providence, est représentée tenant un miroir (la perspicacité) et un serpent (la prudence). Inventio, l’Invention, possède les attributs d’un compas et d’un livre. Ces deux personnifications font référence aux qualités de conception soignée et d’érudition. Elles sont toutes deux destinées à soutenir Rhetorica. Elles se tiennent sur une marche surélevée, sur laquelle pousse la fleur de violette. Sous la fleur, le bœuf de la guilde de Saint-Luc soutient les armoiries de la guilde des peintres d’Anvers. Les personnifications Pax, Charitas et Ratio se placent à gauche du trône pour rendre hommage à Rhetorica. Une lumière divine (Lux) les illumine.

À droite, Ira, Invidia et Discordia sont poursuivies dans une profondeur brûlante (tenebrae). Les ténèbres du passé cèdent ainsi la place à un avenir illuminé où règne la rhétorique. Contrairement au texte du carton d’invitation, l’art de la rhétorique assure ici la paix. Il y a donc une interaction constante entre rhétorique et paix.

Dans le carton d’invitation et la pièce de bienvenue de De Violieren, la paix crée les conditions propices à l’épanouissement de la rhétorique. Dans la gravure sur bois, c’est précisément l’art de la rhétorique qui, grâce à ses qualités de perspicacité et d’invention, chasse la colère, l’envie et la discorde vers le ravin des ténèbres. Sa lumière divine crée les conditions propices à l’épanouissement de la paix, de l’amour et de la raison.

Les trois allégories positives à gauche de la Rhétorique contrastent délibérément avec les trois figures à sa droite. Ratio est opposée à Ira, Charitas à Invidia et Pax à Discordia. Dans sa conception, Van Haecht a choisi la discorde (Discordia) plutôt que la guerre (Bellum) comme opposé à la paix (Pax).

Le concept de paix était profondément ancré dans le système des valeurs collectives. Dans ce discours, la paix, avec la justice, l’ordre et l’esprit collectif, constitue l’un des piliers de la cohésion sociale interne. La paix protège la ville du monde extérieur et maintient l’équilibre entre les différents segments de la société, notamment par l’exercice de la cohésion et de la solidarité. De plus, la paix, tant spirituelle que matérielle, apporte bien-être et prospérité. Mais cela ne peut être atteint que si tous les groupes urbains travaillent ensemble à l’unisson.

La discorde, qu’elle soit entre les guildes, entre les sections du patriciat urbain, entre les riches et les pauvres, ou entre les factions religieuses, constitue la plus grande menace pour la paix intérieure et doit être évitée par-dessus tout. 59

Le discours des rhétoriciens sur la paix repose sur l’idée que Dieu avait créé le monde comme un tout harmonieux, ordonné et parfait. Discordia personnifie la rupture de cette création, de la relation entre Dieu et l’homme, et de celle entre l’homme et la nature.

La discorde perturbe également l’équilibre entre les citadins, entre la ville et la campagne, et entre le prince et ses sujets. De plus, elle provoque des troubles dans l’esprit humain. Ce concept implique une perte individuelle de maîtrise de soi et de raison.

Vandommele écrit que selon eux,

Tout comme la musique, la poésie était, à leurs yeux, un don du ciel. Toutes deux utilisaient la théorie de l’harmonie pour refléter l’ordre du cosmos et servaient également à communiquer avec Dieu. De plus, le mot « discorde » dans la littérature des rhétoriciens désigne également un manque d’harmonie dans les vers et les rimes, une offense impardonnable en poésie.

Pour toutes ces raisons, la discorde était considérée comme la principale cause de malheur. Il fallait à tout prix la bannir au plus profond de l’enfer. Les rhétoriciens, grâce à leur maîtrise de la poésie et de la rhétorique, étaient ceux qui pouvaient y parvenir. Ils assumaient le rôle de gardiens de la paix, responsables de la sociabilité urbaine.

Le Landjuweel d’Anvers de 1561, gigantesque événement culturel de masse rappelant ces nobles qualités humaines qui unissent le bien et le beau dans un contexte ou la survie de la société était loin d’être certaine, fut un véritable « cri du peuple », un peu semblable à ce que la France connaîtra ultérieurement avec la Fête de la Fédération avant la Révolution française. 61

Au Landjuweel, une entente entre commerçants, artisans, poètes et artistes, éclairés par les lumières d’Erasme, ont appelé les gouvernements du monde à renoncer à l’usure, au pillage et à la guerre et à organiser une paix durable fondée sur l’harmonie des intérêts mutuellement bénéfiques.

Anvers, bourse du commerce, reconstruction datant de 1872 de l’original construite en 1531.

Censure, répression et révolte

À partir de 1521, des décrets répriment la lecture et la possession de livres interdits, tant les écrits luthériens que les Bibles. En 1525, la justice anversoise mit en garde les imprimeurs et les libraires. À partir de 1528, les rhétoriciens sont tenus de faire examiner et valider au préalable leurs œuvres avant toute production ou publication.

En 1533, la réforme gagna du terrain. Pas un jour ne se passait sans une joute satirique contre le clergé. Cinq rhéteurs d’Amsterdam sont condamnés à effectuer un pèlerinage à Rome à leurs frais. En 1536, un imprimeur ayant enfreint la réglementation est décapité sur la Grand-Place d’Anvers. L’Eloge de la folie et les Colloques d’Erasme sont mises à l’Index des livres interdits en 1559, avant même la date du Landjuweel, pour y rester jusqu’en 1900.

Sans autorisation préalable, les Chambres de rhétorique ne peuvent plus présenter de pièces de théâtre en public. C’est la conséquence du Landjuweel de Gand en 1539, où, nous l’avons vu, la liberté prévaut. Le 6 octobre de la même année, le chancelier de Brabant écrivit au régent que la vente du recueil imprimé des pièces peut avoir de très graves conséquences. D’emblée, la collection est placée sur l’index des livres interdits. Un décret stipule également qu’il est désormais interdit de faire référence aux Saintes Écritures et aux sacrements. L’interdiction de vente des recueils provoqua une réaction contraire et attira de nombreux lecteurs. Ces œuvres de 1536 furent réimprimées trois fois, la dernière édition datant de 1564, deux ans avant le déclenchement du Beeldenstorm (Fureur iconoclaste).

En 1566, les peintures et sculptures des églises et des monastères, les reliques et tout ce qui était associé au culte des images furent brisés et détruits par les calvinistes, la branche la plus radicale du protestantisme. On soupçonne et accuse immédiatement les Chambres de Rhétorique d’inspiration érasmienne, d’être responsables des destructions de la « Furie iconoclaste » !

Avec l’arrivée du sanguinaire duc d’Albe dans les Pays-Bas bourguignons en 1567, le climat religieux relativement tolérant est remplacé par la persécution de ceux qui critiquent la foi catholique.

Anthonis van Stralen, chef des Violieren et, comme nous l’avons vu, l’un des principaux organisateurs du Landjuweel d’Anvers et ami personnel de Guillaume le Taciturne, tente de partir en exil en Allemagne. Mais le 9 septembre, sur ordre du duc d’Albe, il est intercepté par le comte Lodron entre Anvers et Lierre. Le 25 septembre, il est transféré à la prison de Treurenberg à Bruxelles. En février 1568, il est transféré au château de Vilvorde pour comparaître devant le nouveau Conseil des Troubles.

Après avoir été soumis pendant plusieurs jours à la torture, Van Stralen est porté au bourreau. Peinture d’Emile Godding (1841-1898), Hôtel de ville d’Anvers.

Après avoir été torturé, ses biens sont confisqués et il est condamné à mort par l’épée. La sentence est exécutée au château de Vilvorde le 24 septembre 1568. 62

Cette décision suscita une vive indignation à Anvers. De nombreux marchands et citoyens importants quittent alors définitivement la ville.

Les pièces du Landjuweel d’Anvers de 1561, dont celles de Willem Van Haecht, qui respirent l’esprit d’Érasme, sont interdites. Leur représentation du 21 juin 1565, bien accueillie par le public, fait grincer des dents le clergé, selon Godevaert van Haecht, un proche parent de l’auteur.

Van Haecht s’enfuit à Aix-la-Chapelle, puis aux Pays-Bas. Son poème « Hoe salich zijn die landen », écrit pour De Violieren, fut mis en musique par Jacobus Flori et inclus dans le Geuzenliedboek, recueil de chants de ceux qui s’étaient révoltés contre la domination espagnole dans les Pays-Bas bourguignons.

Eclate alors la « Furie espagnole » (ou Terreur espagnole), une série de saccages violents de villes (Malines, Anvers, Naarden, etc.) des Pays-Bas bourguignons. La principale cause en était le retard de paiement dû aux soldats et aux mercenaires par Philippe II. L’Espagne vient de déclarer faillite. Les banquiers refusent d’effectuer les transactions que leur demande le roi d’Espagne tant qu’ils n’ont pas trouvé de compromis. A titre d’exemple, le transfert depuis l’Espagne du salaire des troupes ne pouvait être effectué par lettre de change (l’équivalent au XVIe siècle d’un mandat postal). Le gouvernement espagnol a donc dû transférer l’argent réel par voie maritime – une opération beaucoup plus coûteuse, lente et périlleuse. Malheureusement pour Philippe, 400 000 florins destinés à payer les troupes ont été saisis par le gouvernement anglais d’Elizabeth I lorsque des navires contenant les florins se sont mis à l’abri d’une tempête dans les ports anglais. 63

La furie espagnole la plus célèbre fut le sac et l’incendie d’Anvers, qui durèrent trois jours en novembre 1576. Au moins 7000 personnes furent tuées et de nombreux biens furent détruits. Un écrivain anglais, témoin de l’événement, estima à 17 000 le nombre de morts.

Sac d’Anvers pendant la furie espagnole de 1576.

Peu après, sous la direction du grand érasmien Guillaume le Taciturne, soutenu par les Chambres de Rhétorique, la nation entière se soulève contre l’oppression et en faveur d’une République.

Le Plakkaat ou Akte van Verlatinghe (traduit par Acte d’abjuration), signé le 26 juillet 1581, est considéré comme la « déclaration d’indépendance » de nombreuses provinces des Pays-Bas qui considéraient que le roi avait failli dans ses obligations envers son peuple.

Le texte a été rédigée par le législateur et greffier anversois Jan van Asseliers (1530-1587), un ami proche aussi bien de Melchior Schetz que d’autres organisateurs clés du Landjuweel anversois de 1561. 64 Le texte a été imprimé à Leyden par Charles Silvius, le fils de Willem Silvius (1521-1580) 65 , l’humaniste anversois qui a imprimé et publié l’intégralité des actes du même Landjuweel en 1562. 66

Ce n’est qu’après 80 ans de guerre (1568-1648), lors du traité de Westphalie, que la République des Pays-Bas a été reconnue, laissant le sud sous le contrôle des Habsbourg.

Les citoyens instruits s’exilent. Entre 150.000 et 200.000 réfugiés se seraient établis dans les Provinces-Unies et en Allemagne. Certaines villes, comme Francfort, Hambourg, Londres et Amsterdam, doivent leur prospérité à l’arrivée des réfugiés des Pays-Bas méridionaux. Après 1581, les autorités espagnoles ne tentent plus d’empêcher ces départs qui répondent à leur volonté de vider le pays de ses habitants protestants. 67

Biographie choisie

(En ordre chronologique)

NOTES :

  1. VEREYCKEN, Karel, Comment la folie d’Erasme sauva notre civilisation, Schiller Institute, Washington; ↩︎
  2. Les taux d’alphabétisation à Venise et Florence étaient supérieurs à 15 %. Cependant, ils n’étaient pas de 70 % comme l’affirme Ross King dans son livre The Bookseller of Florence. King cite deux sources distinctes. Sur l’alphabétisation florentine, l’article de Robert Black Literacy in Florence, 1427, dans Florence and Beyond: Culture, Society and Politics in Renaissance Italy… ainsi que le premier chapitre de Education and Society in Florentine Tuscany de Black (qui traitent tous deux du même sujet). Pour l’estimation générale de l’alphabétisation, King cite R.C. Allen, Progress and Poverty in Early Modern Europe, Economic History Review 56 (2003), p. 415. Nous trouvons ici un taux d’alphabétisation urbain de 23 %, qui est lui-même basé essentiellement sur l’estimation pour Venise en 1587 de Paul Grendler, Schooling in Renaissance Italy: Literacy and Learning, 1300-1600. King induit le lecteur en erreur dans la manière dont il présente ces données. Il affirme que sept adultes florentins sur dix savaient lire et écrire, mais la base de son chiffre (Black) concerne exclusivement l’alphabétisation des hommes (en particulier les chefs de famille adultes et valides). En revanche, le chiffre de King de moins de 25 % (pour les autres villes européennes) est une estimation de l’alphabétisation des hommes et des femmes combinée. (Les chiffres réels donnés par Grendler sont de 33 % d’alphabétisation des hommes et de 12 à 13 % d’alphabétisation des femmes.) Il faut noter que les chiffres de Grendler sont basés sur ses estimations de la scolarisation. Plus précisément, en 1587, Venise a enregistré une profession de foi pour chaque enseignant (256 au total) de la République, ce qui fournit des informations sur des éléments tels que le nombre d’élèves qu’ils ont enseignés. Sur cette base, Grendler estime le nombre d’élèves dans l’enseignement formel à environ 4625. (4595 garçons et 30 filles, soit 26% et 0,2% des populations respectives.) Gendler ajoute à ce chiffre celui de l’enseignement informel ou du soutien scolaire, dont le nombre est estimé en supposant que la majorité des nobles et des citoyens (9,4 % de la population) auraient soit instruit leurs filles, soit les auraient envoyées dans un couvent. (Il semble que ce soit les estimations de 2 % de tutorat informel et de 3-4 % de couvents d’internat pour filles, bien que ces chiffres spécifiques ne soient pas précisés dans le texte.) Enfin, il y a aussi les écoles de doctrine chrétienne (fonctionnellement l’école du dimanche), pour lesquelles, sur la base des chiffres d’autres villes, Grendler estime un effectif d’environ 2000 garçons et 3000 filles, parmi lesquels Grendler estime que peut-être 1000 de chaque (soit 6 % de garçons et 7 % de filles) auraient atteint un niveau d’alphabétisation rudimentaire. Voici donc la base des estimations de 33 % (hommes) et de 12-13 % (femmes). ↩︎
  3. DERVILLE, Alain, L’alphabétisation du peuple à la fin du Moyen Age, La Revue du Nord, 1984. ↩︎
  4. DERVILLE, Alain, Ibid. ↩︎
  5. STOUTEN, Hanna, GOEDGEBUURE, Jaap, VERBIJ-SCHILLINGS, Jeanne, Histoire de la littérature néerlandaise (Pays-Bas et Flandres), Fayard, Paris, 1999. ↩︎
  6. AKCILAK, İ. Semih Akçomak, WEBBINK Dinand, TER WEEL Bas, Why Did the Netherlands Develop so Early? The Legacy of the Brethren of the Common Life, IZA DP No. 7167, Forschungsinstitut zur Zukunft der Arbeit Institute for the Study of Labor (IZA), 2013 ; ↩︎
  7. Open Universiteit Nederland, Orientatiecursus cultuurwetenschappen, Van Bourgondische Nederlanden tot Republiek, Deel 2, 2009. ↩︎
  8. PYE, Mychael, The Babylon of Europe, Editions Nevetica, Brussels, 2024 ; ↩︎
  9. PYE, Mychael Pye, Ibid. ; ↩︎
  10. CIPOLLA, C., Literacy and Development in the West, Penguin Books: London, 1969, p. 47 ; ↩︎
  11. PYE, Michael, Ibid., p. 105 ; ↩︎
  12. PARKER, G., The Dutch Revolt, Cornell University Press: Ithaca, NY., notes of Philip’s visit to the Netherlands in 1549, 1977, p. 21 ; ↩︎
  13. PYE, Michael, Ibid., p. 124 ; ↩︎
  14. HUET, Leen, Guiciardini cité dans Pieter Bruegel, la biographie, CFC Editions, Bruxelles, 2021, p. 55 ; ↩︎
  15. VANDOMMELE, Jeroen, Als in een spiegel, Vrede, kennis en gemeenschap op het Antwerpse Landjuweel van 1561, Uitgeverij Verloren, Hilversum, 2011. ↩︎
  16. REMCO, Sleiderink, De schandaleuze spelen van 1559 en de leden van De Corenbloem. Het socioprofessionele, literaire en religieuze profiel van de Brusselse rederijkerskamer, Belgian Review of Philology and History, volume 92, fascic. 3, 2014. Modern languages and literatures, pp. 847-875; ↩︎
  17. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  18. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  19. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  20. PLEIJ, Herman, Het gevleugelde woord. Geschiedenis van de Nederlandse literatuur 1400-1560, Bert Bakker, Amsterdam, 2007 : ↩︎
  21. VEREYCKEN, Karel, Comment Jacques Coeur a mis fin à la guerre de cent ans, Artkarel.com, 2018; ↩︎
  22. VEREYCKEN, Karel, Jacob Fugger le riche, père du fascisme financier, Artkarel.com, 2024: ↩︎
  23. VEREYCKEN, Karel, Fugger, Ibid. ↩︎
  24. VEREYCKEN, Karel, Fugger, Ibid. ↩︎
  25. VEREYCKEN, Karel, Le rêve d’Erasme, le collège des trois langues de Louvain, Artkarel, 2019; ↩︎
  26. VEREYCKEN, Karel, Quinten Matsys et Léonard. L’aube de l’ère du rire et de la créativité, Artkarel, 2024; ↩︎
  27. NIJENHUIS, Andreas, Les Pays-Bas au prisme des Réformes (1500-1650), L’Europe en conflits, p. 101-136, Presses universitaires de Rennes, 2019. ↩︎
  28. CHARLES, Pierre-Yves, Chercheur invité à l’Université Libre d’Amsterdam, La Réformation des Réfugiés, site internet de l’Eglise protestante unie de Belgique; ↩︎
  29. CHARLES, Pierre-Yves, Ibid. ; ↩︎
  30. DEGROOTE, Dr. Gilbert, In Erasmus’ Lichtkring, Koninklijke Nederlandse Maatschappij, 1962; ↩︎
  31. DE BAECKER, Louis, Les Flamands de France, Messager des sciences historiques et archives des arts de Belgique, Gand, Vanderhaeghen, 1850, p. 181; ↩︎
  32. VEREYCKEN, Karel, Comment la folie d’Erasme sauva notre civilisation, Schiller Institute, Washington ; ↩︎
  33. VEREYCKEN, Karel, Ibid. ↩︎
  34. VEREYCKEN, Karel, Quinten Matsys, Ibid. ; ↩︎
  35. DEGROOTE, Dr. Gilbert, Ibid. ; ↩︎
  36. DEGROOTE, Dr. Gilbert, Ibid. ; ↩︎
  37. DEGROOTE, Dr. Gilbert, Ibid. ; ↩︎
  38. PEETERS, Natacha, The painter’s apprentice in fifteenth and sixteenth century Antwerp. An analysis of the archival sources, Apprentissages, États et sociétés dans l’Europe moderne, Mélanges de l’Ecole française de Rome, 131-2, p. 221-227, 2019 ;
    ↩︎
  39. VEREYCKEN, Karel, Quinten Matsys, Ibid. ; ↩︎
  40. ISRAEL, N. , De Liggeren en andere historische archieven der Antwerpsche Sint Lucasgilde, Amsterdam, 1961; ↩︎
  41. MEGANCK, Tine Luk Meganck (Op. cit.) underscores that « Bruegel’s visual language is closely related to the poetic imaginary of the rhetoricians. Like the rhymesters, Bruegel often presented a serious message with a dash of mockery, as an inversion of the established order, as the world upside down. » ↩︎
  42. HUET, Leen, Ibid. ↩︎
  43. GODIN, André. Érasme et son banquier. In: Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 34 N°4, pp. 529-552, Octobre-décembre 1987. ↩︎
  44. SOLY, Hugo Soly, Capital at Work in Antwerp’s Golden Age, Studies in European Urban History (SEUH)(1100-1800), Volume 55, Ghent University, Brepols, 2021. ↩︎
  45. GOUKENS, Lode, Peeter Baltens, een “grafisch diplomaat” tijdens de troebelen (Antwerpen 1572-1584), VUB, 2018 ; ↩︎
  46. GOUKENS, Lode, Ibid.; ↩︎
  47. PLEIJ, Herman, Het gevleugelde woord. Geschiedenis van de Nederlandse literatuur 1400-1560, Bert Bakker, Amsterdam, 2007 ; ↩︎
  48. KRUYSKAMP, Dr. C. , Het Antwerpse Landjuweel van 1561, De Nederlandse Boekhandel, Antwerpen, 1962 ; ↩︎
  49. ROOSES, Max, De feesten van het Landjuweel in 1892, De Vlaamse School, Nieuwe Reeks, jaargang 5, 1892 ; ↩︎
  50. CLAES, Henri, Het Landjuweel van Antwerpen in 1561, De Vlaamsche Kunstbode, 1890; ↩︎
  51. VAN DIXHOORN, Arjan, (Op. cit.), s’appuyant sur Vandommele, soutient que le mot « Art » (consten) se réfère ici seulement aux arts libéraux et aux arts mécaniques et non aux arts ”supérieurs ». Cet argument ne tient pas, car le leitmotiv de l’ensemble du Landjuweel, comme Vandommele lui-même le démontre avec force, était que l’harmonie de la poésie et de la musique, un don du ciel, était la seule base viable d’une paix et d’une concorde durables. Le thème du Réveil des arts « supérieurs » est d’ailleurs le thème d’un tableau peint par Frans Floris en 1560, un peintre et un intellectuel influent appartenant aux organisateurs du Landjuweel. Parmis les arts endormis de Floris, la musique, la sculpture, la cartographie, etc. ↩︎
  52. GRAPHEUS, Abraham; VAN STRALEN, Anthonis; VAN EVEN, Edward; Het Landjuweel van Antwerpen in 1561, Eene verhandeling Over Dezen Beroemden Wedstrijd Tusschen De Rederijkerskamers van Braband, Bewerkt naar Eventijdige Oorkonden En Versierd met 35 platen, naar tekeningen van Frans Floris en andere meesters, CJ Fontayn, Leuven, 1861 ; ↩︎
  53. GRAPHEUS, Abraham; VAN STRALEN, Anthonis; VAN EVEN, Edward; Ibid. ; ↩︎
  54. CLOUGH, Richard, Brief over het Landjuweel van 1561, DBNL; ↩︎
  55. CLOUGH, Richard, Ibid. ; ↩︎
  56. DUKE, Alastair C., Dissident Identities in the Early Modern Low Countries, ed. Judith Pollmann and Andrew Spicer, Aldershot, Ashgate, 2009 ; ↩︎
  57. CHRISTMAN, Victoria, The Coverture of Widowhood: Heterodox Female Publishers in Antwerp, 1530-1580. The Sixteenth Century Journal, 2011 ; ↩︎
  58. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  59. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  60. VANDOMMELE, Jeroen, Ibid. ; ↩︎
  61. La Fête de la Fédération était une célébration qui se déroula au Champ-de-Mars le 14 juillet 1790, premier anniversaire de la prise de la Bastille. Avec plus de 300 000 personnes présentes, l’événement célébrait les réalisations de la Révolution française (1789-1799) et l’unité du peuple français. La fête elle-même fut un accomplissement monumental : des dizaines de milliers de citoyens français se portèrent volontaires pour travailler dans la boue et la pluie à la construction d’un amphithéâtre sur le Champ-de-Mars, avec un autel de la Patrie colossal en son centre. Cet événement marqua la naissance du patriotisme français, du moins au sens où on l’entend aujourd’hui, et fut la première célébration du 14 juillet, fête nationale française, toujours célébrée chaque année. Parallèlement, cette fête marqua l’apogée de l’unité pendant la Révolution française, car par la suite, les révolutionnaires sombrèrent dans des luttes entre factieux et une politique fondée sur la terreur. ↩︎
  62. VAN CAPPELLE, Johannes Pieter, Anthonis van Stralen. National Library of the Netherlands (original from the University of Amsterdam), 1827; ↩︎
  63. Le sac d’Anvers, connu comme la Furie Espagnole, Gifex.com; ↩︎
  64. GENARD, P. , Jean van Asseliers, Biographie nationale de Belgique, Wikisource; ↩︎
  65. Portail Biblissima, Willem Silvius (1521-1580); ↩︎
  66. SILVIUS, Willem, Spelen van sinne vol scoone moralisacien uutleggingen ende bediedenissen op alle loeflijcke consten … Ghespeelt … binnen der stadt van Andtwerpen op dLant-juweel … den derden dach augusti … M.D.LXI., Erfgoedbibliotheek Hendrik Conscience, Antwerpen, 1562; ↩︎
  67. CHARLES, Pierre-Yves, Ibid. ↩︎

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The 1561 Landjuweel of Antwerp made Art a Weapon for Peace

Cet article, en FR

Antwerp

By Karel Vereycken, April 2025

Summary

Introduction

Of course, as it is well known, it is the victors who write history. Not that of humanity, but their own. The history of the « losers » falls by the wayside. Therefore, in the Low Countries, be it Belgium or the Netherlands, the official churches, be they Catholic, Lutheran or Calvinist, and ruling elites, chosen by Spain and the British, have carefully erased from the books the truth about the revolutionary role and impact of Erasmus. 1

As we document here, Erasmus succeded, through his noble spirit and delicious wit, to mobilize quite a large following, not only in educated layers of the European elites, but in a broad part of the rising middle-class working people, a social layer which might resemble today’s « Yellow Vests ».

1616 Ommegang of Brussels.

For modern people, of course, the religious processions, parades of giants, and masked carnivals of Venice, Rio de Janeiro, or Dunkirk in France appear as sympathetic as mere folkloric manifestations on UNESCO’s list of the intangible cultural heritage of France and Belgium. Appealing, no doubt, but without any connection to « true culture »!

Qualifying these events and traditions as « folkloric » results mostly from a lack of knowledge and understanding of real history. Regarding both the intent and the content of some of these festivals, such as the « Landjuweel » of Ghent in 1539 and the one in Antwerp in 1561, with five thousand participants and many more spectators, placing art, poetry and music as the true source of durable peace and harmony among nations, states and peoples, in terms of refinement and beauty, it can be said that they rival, and I would even say surpass many supposedly « cultural » events of today.

The Chambers of Rhetoric

Burgundian Low Countries around 1500.

At the origin of these poetry festivals and competitions of the Landjuweel type, literary and drama societies called Kamers van rhetorike (Chambers of Rhetoric) which emerged from the end of the XIVth century in the northwest of France and in the former Low Countries, above all in the County of Flanders and the Duchy of Brabant.

While in the XVIIth and XVIIIth centuries these chambers became literary clubs for a bourgeoisie enjoying exercises in eloquence and rhyme, in these early days rhetorical culture was not socially an elite culture, as most rhetoricians were tradespeople and did not belong to the ruling elite of their city.

Recent research has confirmed that the rhetorical chambers of Flanders and Brabant primarily recruited their members from the urban middle classes, more specifically from the circles of artisans (masons, joiners, carpenters, dyers, printers, painters, etc.), merchants, clerks, practitioners of intellectual professions, and merchants. 15

In 1530, among the 42 members of the Brussels Chamber of De Corenbloem, there were 32 craftsmen (butchers, brewers, millers, carpenters, tile layers, comb makers, fishermen, coachbuilders, stonemasons, etc. = 76.2%). 16

In the artistic professions, there was a glazier and two painters (7.1%), in commerce, a fruit seller, an innkeeper, a skipper and a rag seller (9.5%). The remaining members were a civil servant, a harp-player and an announcer.

Composition of the membership of De Corenbloem, by profession.

For the period 1400-1650, records were found of 227 Dutch-speaking chambers of rhetoric in the Southern Low Countries and the Principality of Liège, meaning that virtually every town had at least one. In 1561, the Duchy of Brabant had about 40 recognized chambers of rhetoric, while the County of Flanders had 125. 17

Their organization was similar to that of the corporations: at the head of each chamber was the dean, usually a clergyman (the chambers retained a religious aspect). Since their creation, the chambers were of two kinds: the free (vrye), enjoying a communal grant, and the subject (onvrye or vrywillige), having no grant, but reporting to a supreme chamber (hoofdkamer). Among the rhetoricians were the founders (ouders), and the members (broeders or gezellen); at the head of all were an emperor, a prince, often a hereditary prince (opperprins or erfprins); then came an honorary president (hoofdman), a grand dean, a dean, an auditor (fiscael), a standard-bearer (vaendraeger or Alpherus), and a boy (knaep), who sometimes dabbled in poetry.

The most important of all were the « factors » or « factors », that is to say the poets who were in charge of the « factie » (composition), poems, plays, farces and the organization of festivities. Initially in the bosom of the ecclesiastics, the Chambers took their independence and established themselves, in practical terms, as a « Festival Committee », charged by the municipal authorities with brightening up with poetry and splendor the joyous entries and cultural events throughout the year.

Rehabilitation

Further research, primarily in the Netherlands, has led scholars to « rehabilitate » the Chambers of Rhetoric, now considered of having been institutions that played a major role in the development of vernacular Dutch during the period 1450-1620. 18

Admittedly, mostly composed as dialogues among allegorical figures, a legacy of the Middle Ages and the troubadour tradition, artistically speaking, with some exceptions, most of these plays never reached the level or quality of dramatic intensity or refinement of Shakespeare or Schiller.

But as we shall see, the desire and intent to emancipate the people through a form of literary and musical art that uplifts by its moral content and liberates through ironical « cathartic » laughter was clearly central to their admirable objectives.

Jeroen Vandommele suggests that experts should rethink their views:

The respected Dutch historian Herman Pleij, who has contributed to a better understanding of the phenomenon and gave a major boost to this approach by demonstrating, from the 1970s onwards, the potential of XVth- and XVIth-century literature to generate what he calls « late medieval urban culture, » a true expression of an autonomous civic and urban culture. 20

According to him, their works were intended to unleash a « civilizing offensive » that would encourage the urban elite and middle classes to develop intellectually and morally and to distinguish (and dissociate) themselves from their less civilized urban counterparts.

Jousts, competitions and other festivals

Mystery Play.

The Chambers cultivated the art of poetry by competing against each other in competitions that were among the major events they organized for themselves or for the public. Each chamber itself set the frequency of the competitions and the value of the prizes, often quite symbolic, that could be won. While for some chambers, four competitions per year were enough, for the Antwerp chamber, De Violieren, it was a weekly competition!

Very quickly, these activities gave rise to public festivities, celebrated successively in all the major cities. The Landjuweel skillfully combined several genres of theatrical and musical dramaturgy, which had previously been separate, into a single large city festival:

  • The “Mystery Plays » and « Miracle Plays » (Mirakel-spelen, passie-spelen) street theater or large tableaux vivants, sometimes on floats (wagen-spelen). The Mystère de la Passion by Arnoul de Gréban, performed thousands of times throughout France, was a play of 34,000 verses requiring 394 actors reenacting the last five days of the life of Christ.
  • The « Feast of Fools » or « Feast of the Innocents », masquerades and disguises organized by « joyous societies » in which the clergy had actively participated since the XIIth century. We were then witnessing a total reversal of society: the woman became the boy, the child the bishop, the teacher the student, … The pope was elected, the bishop of fools, the abbot of fools, old shoes were burned in censers, people danced in churches while mumbling Latin in such a way as to trigger many fits of laughter. People danced and sang, accompanied for this by musicians who played wind instruments (flute, trumpet or bagpipes) or string instruments (hurdy-gurdy, harp, lute). It was not uncommon to find serious confusion reigning within convents: nocturnal relations between the abbot of fools and the minor abbesses or even mock weddings between a bishop and a superior. For the Feast of Fools, the lower clergy disguised themselves, wore hideous masks and smeared themselves with soot. The costume and attributes of fools became established in the XVth century. Popes, councils and various authorities published texts aimed at suppressing the said festival from the XIIth century onwards.
  • The Ommegang (literally « going around » the church and the city) were religious processions, organized by the church and the crossbowmen’s guilds in honor of the saints whose statues were carried on their shoulders. If in Brussels, the Ommegang became an opportunity for nobles to exhibit themselves in the city (as in 1549 to show their loyalty to the Spanish occupier), in Antwerp, two Ommegangs followed one another: the first, religious, at Pentecost, the second, on the feast of the Assumption, with a strong secular participation of the guilds, trades and chambers of rhetoric, each of them contributing a float to a procession in the streets of the city.
  • Carnival, the new name given by the Church to the « Saturnalia, » the great eight-day Roman festivities in honor of Saturn, god of agriculture and time, during the winter solstice. This period of costumed celebrations and freedoms, particularly in Venice, which developed between the XIth and XIIIth centuries, was supervised by the Church, which considered it necessary to avoid popular revolts. It featured a reversal of roles and the election of a false king. Slaves were then free to speak and act as they wished and were served by their masters. The festivities were accompanied by large meals.

The Rhetoricians rightly believed that these genres complemented each other perfectly. The festivals therefore alternated, without losing the hierarchy of the depth of the meaning that one wanted to convey, both pieces with spiritual and religious content (mysteries, passions) and pieces with philosophical, didactic and moralizing content (zinne-spelen), without forgetting satire, farce and other humorous things (sotties, esbattements, etc.).

Feast of fools (after 1550). Brussels city museum.

Historically, the stage where such events took place moved from the nave of churches, first to the forecourt of cathedrals and finally to the public space in the wider sense, first in the open air (in the Great Square, in the cemetery, on a chariot) before being forced by the authorities to occur exclusively in closed halls.

Among the competitions organized by the Chambers of Rhetoric, the oldest known was that of Brussels in 1394. The one in Oudenaarde, which took place in 1413, is better documented. These were followed by those of Furnes in 1419, Dunkirk in 1426, Bruges in 1427 and 1441, Mechelen in 1427 and Damme in 1431.

Landjuweel

The Landjuwelen were originally a cycle of seven competitions between communal militias practicing their skills in the use of weapons: the Schutterijen of the Duchy of Brabant. The highest luminaries of the country attended such shootings; they were even honored by sovereigns.

The idea was to organize a Landjuweel every three years. The winner of the first competition would organize the next competition and so on; the winners of the seventh Landjuweel would start a new cycle. The winner of the first tournament, having obtained a silver cup, would make two silver dishes for the winner of the second Landjuweel in a cycle, and the latter would in turn make three for the winner of the next competition, and so on until the seventh tournament in the cycle.

There was close cooperation between the knightly societies of the cities of Bruges and Lille in Flanders, as well as between Bruges and Brussels. Like Bruges, Lille organized an annual tournament, « L’Espinette. »

Every February, a delegation from Bruges came to Lille to compete in the tournament, just as the inhabitants of Lille participated in the annual competition of the White Bear in Bruges, which took place in May. This spectacle gave rise to festivities to which the poets of Bruges also contributed. They wrote the scenarios for the esbattements, recited praises, and reported on these activities in their chronicles.

There were no quarrels about differences of languages. Prizes were established to reward works in either French or Dutch, depending on the lingua franca of the city where the competition was held. But sometimes, at the same competition, a prize was awarded for works in both languages. This was notably the case in Ghent in 1439. Prizes were also awarded for the most beautiful entry.

Themes in the form of questions were suggested, which only authorized chambers could answer in verse. These questions were resolved by the « factors » and generally had a moral or political purpose. Thus, in 1431, in the midst of the wars between France and Flanders allied to Britain, the Chamber of Rhetoric of Arras, formerly a city named Atrecht in the Burgundian Low Countries, posed the question « Why is peace, so eagerly desired, so slow in coming »? Note that in 1435, the Peace of Arras, organized by the friends of Nicolas Cusanus, Jacques Coeur and Yolande d’Aragon, sealed the end of the Hundred Years’ War. 21

Political and economic context

Through alliances and marriages, the Burgundian Low Countries fell under the control of the Habsburg family, who were completely at the mercy of the famous Augsburg bank, the evil Fuggers, known as the fathers of « financial fascism ». 22

Hence, when Maximilian I, of the Habsburg family and Holy Roman Emperor, died in 1519, he owed Jacob Fugger approximately 350,000 florins. To prevent default on this investment, Fugger assembled a cartel of bankers to gather all the necessary bribe money to enable Maximilian’s grandson, Charles V, to buy the vote and succeed him to the throne. Thus, Jacob Fugger, in direct liaison with Margaret of Austria, who joined the project because of her fears for peace in Europe, centrally gathered the money to bribe each Elector, taking advantage of the opportunity to dramatically strengthen his monopolistic positions, particularly over competitors such as the Welsers and the rapidly expanding port of Antwerp. 23

Charles V, in the 1520s, had to borrow at 18% and even 49% between 1553 and 1556. To maintain the enormous expenditures to oversee his vast Empire, Charles V had no choice but to pursue a predatory policy. He sold his mines to appease the bankers, gave them carte blanche to colonize the New World, and consented to the pillaging of the most prosperous region of his Empire, Flanders and Brabant, which were subject to taxes and tithes to pay for the « war economy. » 24

The rather spectacular rise of the Northern Renaissance, which gained access, thanks to the learning of Greek, Latin and Hebrew, notably thanks to the Three Language College founded by Erasmus in Louvain in 1515 25, to science and all the wealth of the classical period, was to collide head-on with the battering rams of feudal finance which had become an ogre.

Charles V ordered that a list of authors to be proscribed be drawn up in his states, thus foreshadowing the establishment of the Index a few years later. From 1520 to 1550, he promulgated thirteen repressive edicts against heresy, introducing a modern inquisition based on the Spanish model.

Mary of Hungary, portrait by Hans Knell.

The application of these « placards » remained rather weak until the arrival of Philip II due to the lukewarm attitude of Queen Regent Mary of Hungary (1505-1558) and local elites towards them. Their application was entrusted to the urban and provincial judicial authorities, as well as to the Grand Council of Mechelen, with the supervision of a specific tribunal, established in 1522 in the Burgundian Low Countries based on the model of the Spanish Inquisition.

In 1540, the Jesuit order was founded, initially tasked with obtaining by word what could not be obtained by the sword. It quickly turned to the use of theater! From 1545 to 1563, the Council of Trent met to impose reforms and seek to eradicate Protestant heresy. Reading the Bible was now forbidden to ordinary mortals, as was discussing and illustrating it. Albrecht Dürer, the great German engraver and geometer based in Antwerp, packed his bags in 1521 to return to Nuremberg, and Erasmus went into exile in Basel the same year. The great Flemish cartographer Gerard Mercator, educated by the Erasmians and suspected of heresy, was imprisoned in 1544. Released from prison, he went into exile in Germany in 1552. Because of their religious beliefs, Jan and Cornelis, the two sons of Quinten Matsys 26, left Antwerp and went into exile in 1544.

Charles V abdicated in 1555 to leave his place to his son Philip II. The latter returned to Spain and entrusted the regency of the Burgundian Low Countries to his half-sister Margaret of Parma (1522-1586).

While the administration of the Burgundian Low Countries was officially carried out through the Council of State, composed of the stadholders and the high nobility, a secret council (the consulta) created by Philip II and composed of Charles de Berlaymont (1510-1578), Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1582) and Viglius van Aytta (1507-1577) was responsible for making the most important decisions, particularly concerning taxation, order, administration and religion, and thus transformed the Council of State into a simple consultative chamber.

Three disputes quickly arose: the presence of Spanish troops in the Seventeen Provinces, the establishment of new dioceses in the Burgundian Low Countries, and the fight against Protestantism. Spanish troops remaining from the Italian Wars, approximately 3,000 strong, were not paid and were pillaging the country. After much hesitation by Philip II, and under threat of the simultaneous resignation of Orange and Egmont, the troops finally left in January 1561.

1523, execution of heretics in Brussels.

The first victims of persecution in Europe were Antwerp’s Hendrik Vos and Jan Van Essen, two augustinian monks who had become friends of Luther, executed in Brussels on July 1, 1523. 27 The first Walloon victim was the Tournai theologian Jean Castellain, executed in Vic, Lorraine, on January 12, 1525. 28

Many victims were Catholic clergy who had converted to the Reformation, but also many women. From 1529, the persecutions took a dramatic turn following the adoption of the imperial placard generalizing the death penalty. 40% of executions for heresy in the West between 1523 and 1565 occurred in the Burgundian Low Countries. The 17 Provinces were one of the regions that suffered the highest rate of death sentences relative to its entire population. Approximately 1,500 people were executed, an intensity thirty times higher than in France. 29

They will only strengthen the opposition to the tyranny which will lead in 1576 William of Orange (known as « The Silent ») to take the lead in the revolt of the Burgundian Low Countries, ending 80 years later with the split between the north (the Netherlands, predominantly Protestant) and the south (Belgium, exclusively Catholic).

Ghent, 1539

Stage of the Ghent Landjuweel of 1539.

In June 1539, the De Fonteine (The Fountain) Chamber of Ghent summoned the dramatic and literary societies of the country to a great landjuweel in honor of the Holy Trinity, for which Emperor Charles V granted permission and a month’s safe conduct to those wishing to participate.

An invitation charter was published on this subject. It posed, for the morality play, a question thus formulated: « What is the greatest consolation of the dying man? »

This subject clearly echoes one of Erasmus‘s popular writings, quickly translated into Dutch in the year of its publication in 1534, De preparatione ad Mortem. 30

Nineteen rhetorician societies responded to the call: these were chambers established in Antwerp, Oudenaarde, Axel, Bergues, Bruges, Brussels, Courtrai, Deinze, Enghien, Kaprijke, Leffinge, Lo (in the Furnes Trade), Menin, Messines, Neuve-Église, Nieuwpoort, Tielt, Tirlemont, and Ypres.

The chamber known as « De Violieren » from Antwerp won first prize. Pieter Huys de Bergues won second prize, consisting of three silver vases weighing seven marks on which the entrance to an academy was engraved. His poem comprises about five hundred verses in Dutch, and it features five allegorical figures under the names of Benevolence, Observance of the Laws, the Consoled Heart, Consolation, and the Contrite Heart. Each of them lists the goods in which man finds happiness at the hour of death. For De Violieren, the greatest consolation was « the resurrection of the body, » a purely Catholic dogma.

But that was without counting on the « off » part of the competition. Because the three other questions, to be answered in chorus, were:

  • « Which animal in the world gains the most strength? »
  • « Which nation in the world shows the most madness? »
  • « Would I be relieved if I could talk to him? »

As a result, the majority of allegorical plays performed were bloody satires against the Pope, monks, indulgences, pilgrimages, Cardinal Granvelle, etc. The compositions of the Ghent laureates were published first in quarto format, then in duodecimo.

From the moment they appeared, these plays were banned, and it was not without reason that, later, this landjuweel was cited as the first to have stirred the literary country in favor of the Protestant Reformation. These works being far from favorable to the Spanish regime, the Duke of Alba ordered their suppression by the Index of 1571 and, later, the government of the Burgundian Low Countries even banned theatrical performances of the Chambers of Rhetoric.

The influence of Erasmus

Erasmus in Matsys’ studio in Antwerp, painting by Eugène Siberdt (1851-1931). On the right, Matsys’ famous painting of the avaricious taxcollectors.

In Antwerp, Erasmus‘s influence was notable, and his presence was sought after. Well-known was his friendship to the city’s secretary Pieter Gilles 31, an Antwerp erudite humanist dearly appreciated by Thomas More 32 who integrated Gillis poems in his opus majus, Utopia. To please More, Pieter Gillis and Erasmus got their portraits done by Quinten Matsys33 to whom they offered their double portrait. Gillis house in Antwerp was also a regular meeting point for all the leading humanists of that time.

Den Grooten Spiegel, Gillis’ house in Antwerp.

Between 1523 and 1584, 21 publishers published no fewer than 47 editions of the humanist’s works, and the rhetorician Cornelis Crul, before 1550, translated the Colloquies and other major works into Dutch.

Most rhetoricians mastered Latin and could therefore read Erasmus in the original. Some Latin schools, as documented in the case of Gouda for the year 152134, included selected writings for each grade in their curriculum. The humanist’s prestige spread throughout Europe.

Ferdinand Columbus (1488-1539), the very bibliophile son of Christopher Columbus, not only acquired a vast series of his works, but also traveled to Louvain in October 1520 to meet their author. 35

In a letter dated 1521, Hieronymus Aleander (1480-1542), the legate of Pope Leo X, warned of « elements having bad reputation » who were thriving in Antwerp. They presented themselves « as the defenders of good literature and were all from the school of our friend who became a great name [Erasmus]. » Aleander added that « He [Erasmus] has spoiled all of Flanders! » 36

Erasmus in 1532, by Hans Holbein the Younger.

De Violieren and the Guild of Saint Luke

The emblem of De Violieren of Antwerp for the Landjuweel.

Also in Antwerp, a Chamber of Rhetoric, De Violieren (The Gillyflowers), was officially created in 1480 within the Guild of Saint Luke, the artists’ guild dating back from 1382. 37

The rhetoricians’ motto was « Uyt ionsten versaemt » (United by affection. But « ionsten » is also close to « consten », the Flemish word for arts).

This symbiosis produced fruitful results. For most historians, De Violieren were, in a way, the literary branch of the Guild of Saint Luke.

The latter was composed of all trades related to the fine arts, including painters, sculptors, illuminators, engravers, and printers. Until 1664, the guild had its headquarters on the north side of Antwerp’s Grote Markt, in the Spaengien or Spanish House.

Between 1460 and 1560, to finance its activities, the Church rented out to artists the Onze-Lieve-Vrouwepand, a claustrum with galleries surrounding an open courtyard. In this building, art painters, sculptors, cabinetmakers and booksellers could rent a stand where they could display their wares for sale. It was the largest art fair in what was then Europe. After 1560, the market moved to the second floor of the new Handelsbeurs (Trade Exchange).

The Saint-Luke artist guild:

The Liggeren, archives of Antwerp’s Saint-Luke painters guild.
  • In 1491, Erasmus’s friend, the painter Quinten Matsys 38, was listed as a master. One of his major commissions, the Triptych of the Lamentation of Christ, came from the carpenters’ guild. According to the Antwerp chief city archivist Van den Branden, Matsys himself was a member of De Violieren and wrote poems for their contests.
  • In 1515, Matsys was joined in the Guild of Saint Luke by two other great artists equally inspired by the spirit of Erasmus, Joachim Patinir (1480-1524) and Gerard David (1460-1523).
  • In 1519, the guild registers (The Liggeren 39) mention the registration of Jan Sanders van Hemessen (1500-1566), whose daughter Catharina (1528-1565) would become the first female painter in 1548 – and teacher of painting to men – to be admitted to the painters’ guild;
  • In 1527, that of Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), Bruegel’s master;
  • in 1531, those of Matsys’s two children, Jan and Cornelis;
  • in 1540, that of Peter Baltens (1527-1584);
  • in 1545, that of the engraver and printer Hieronymous Cock (1510-1570) whose workshop produced prints of Bruegel and Dutch revolutionary poet and translator Dirk Coornhert (1522-1590), close friend and collaborator of William the Silent (1533-1583);
  • in 1550, that of the great printer Christophe Plantin (1520-1589);
  • and in 1551, that of Pieter Bruegel the Elder (1525-1569). 40

In short, several of the Low Countries towering cultural personalities, assisted or certainly could have asisted at the Antwerp 1561 Landjuweel: Jan Sanders van Hemissen and his daughter Catherina; Jan and Cornelis Matsys, sons of Quinten Matsys; Peter Baltens, Hieronymous Cock, Dirk Coornehert, William the Silent, Christophe Plantin and Pieter Breugel the Elder. 41

The daily exchanges between the rhetoricians and the most important artists of the day united in the Violieren had a beneficial influence on their activities and, after a few years, made them one of the most successful societies in Brabant.

Proofreaders at the Plantin printingshop.

In the most important competitions, De Violieren won laurels: first prize in 1493 in Brussels, in 1515 in Mechelen and in 1539 in Ghent, in a memorable fight in which 19 chambers from different regions of the country participated.

In August 1541, a competition was held in Diest, organized by the local Chamber De Lelie in which ten other chambers from Brabant participated. The grand prize was awarded to the Antwerp Chamber, De Violieren, for the presentation of an esbattement (farce).

Antwerp, 1561

As was customary, the Chamber that won the best prize was in turn to organize a Landjuweel. This was also the opinion of De Violieren, after his feat in Diest; however, the circumstances of the time meant that the subject was postponed. 20 years passed before anyone could think of organizing such an artistic competition.

Three leaders of De Violieren, with great courage, will fully commit to the initiative, risking their reputation, honor, life and heritage:

Anthonis van Stralen.
  • Anthonis van Stralen (1521-1568) was the leader of De Violieren. As a member of the Antwerp city council, Van Stralen had been closely involved in obtaining the patent. His appointment as city leader, two months before the first attempt at rapprochement with the Council of Brabant, must have been a strategic move on the part of De Violieren. In May 1561, he was promoted to mayor of Antwerp, perhaps as a reward for his services. The success of the Landjuweel was largely due to the cooperation between the Antwerp magistrate and De Violieren’s board.
  • Melchior Schetz (c. 1513-1583) was the Prince of De Violieren. He was Van Stralen’s brother-in-law and also an alderman.

    He was one of the three children (Gaspard, Balthasar and Melchior) of the leading Antwerp merchant Erasmus Schetz (died in 1550), known as the « banker of Erasmus ». 42 With his three sons, he set up a major banking and merchant firm. 43 His friendship with Erasmus is symptomatic of the popularity Erasmus enjoyed in Antwerp. He provided him with his hospitable residence: the Huis van Aken, a palace where he had received Charles V himself. In a letter, he made him, among other things, this tempting proposition:

    « My heart and the souls of so many people long for your presence among us. I have often wondered what enchantment it was that kept you there rather than among us. Peter Gillis [city secretary and their mutual friend] gave me a reason: we do not have Burgundy wine, which best suits your temperament, do not fear this, and if this is the only obstacle holding you back, do not hesitate to come back; we will see to it that you are supplied with wine, and not only Burgundy wine, but also Persian and Indian wine if you desire and need it . »

    As Prince of De Violieren, his son Melchior represented the chamber most often publicly. He must also have been responsible for the financial organization of the Chamber. Schetz was one of the largest moneylenders in Antwerp. There is no doubt that the city financially facilitated the organization of the festival.
  • Willem van Haecht (1530-1585) : Born into a family of painters and engravers, he was a draughtsman and, presumably, also a bookseller by profession. His motto was Behaegt Gods wille (translated as « conform to the will of God »). Van Haecht was a friend of the Brussels humanist and author Johan Baptista Houwaert (1533-1599). He compares Houwaert to Cicero in the introductory eulogy to Houwaert’s The Lusthof der Maechden, written by him and published in 1582 or 1583. In his eulogy, Van Haecht states that every sensible man should recognize that Houwaert writes with eloquence and excellence. Van Haecht wrote lyrics for various songs, usually of Christian inspiration. This is the case for the lyrics of a five-part polyphonic song, Ghelijc den dach hem baert, diet al verclaert, probably composed by Hubert Waelrant (1517-1595) for the overture to the play De Violieren at the landjuweel of 1561. The poem was also printed on a loose leaf with musical notation. As early as 1552, Van Haecht was affiliated with De Violieren, whose members included Cornelis Floris de Vriendt (1514-1575), the main architect of the Renaissance-style Town Hall in Antwerp, as well as painters Frans Floris de Vriendt (c. 1519-1570) and Maerten de Vos (1532-1603). Van Haecht became the « factor » (title poet) of De Violieren in 1558.
The Renaissance residence of rhetorician and painter Frans Floris Devriendt in Antwerp’s Arenbergstraat, designed by his brother Cornelis in 1563. Between the crosspieces on the first floor, Frans painted the niches depicting the true artist’s emblems, namely: Diligence, Practice, Poetry, Architecture, Labor, Experience and Industry. (Print after a drawing of Joseph Linnig, before 1868)

Other people involved in the organization of the Landjuweel included printers such as Jan de Laet (1524-1566) and renowned artists such as Hieronymus Cock (c. 1510-1570) (founder of the In de Vier Winden printing house which published Bruegel’s engravings) and Jacob Grimmer (1510-1590).

The other major figure was Peeter Baltens (1527-1584) 44 an Antwerp painter, rhetorician, engraver and publisher. Baltens was a member of the Guild of Saint Luke and De Violieren. Having partly trained Bruegel, Baltens’ role proved particularly important.

He formed close friendships (notably with the widows of both Hieronymus Cock (c. 1510-1570) and Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), the latter also being Bruegel’s stepmother) and collaborated with the greatest names in Antwerp of his time.

He associated with Antwerp patricians such as Jonker Jan van der Noot (1539-1595), the wealthy Schetz merchant family, and wealthy merchants such as Nicolaes Jonghelinck (1517-1570), merchant banker and Bruegel’s financial backer.

According to Lode Goukens,

Den Grooten Robijn, residence of Antwerp mayor Anthony van Stralen.

Herman Pleij notes that the Rhetoricians have as consignment to repolish the reputation of the Antwerp merchant by making the distinction between the honest ones and the sharks. 46

Research into the relationships between painters, poets (or rederijkers), and merchants has shown that these three groups developed a common cultural lifestyle in the XVIth century, in which the love of science and art occupied a central place.

To launch a rhetoric competition, permission had to be obtained from the country’s government, which was no longer easily done at that time. This was a consequence of the Ghent competition of 1539, when the ideas of new doctrines against the institutions of the Catholic religion were presented and defended without the slightest qualm.

However, De Violieren and the elected representatives of Antwerp (Van Stralen and Schetz) were fiercely determined to be able to organize their Landjuweel. The man who did the most to delay obtaining authorization was the hated Cardinal Perrenot de Granvelle (1517-1582), Archbishop of Mechelen and advisor to Margaret of Parma (1522-1586), following the abdication of the Emperor, her brother Charles V, the regent of the Burgundian Low Countries.

Organization of the Landjuweel

In February 1561, the delegates of the city of Antwerp approached Granvelle with a petition to the regent, in which they argued that De Violieren, compared to the other Chambers, were statutorily obliged to organize a competition.

Antoine Perrenot de Granvelle.

Granvelle hoped to torpedo the initiative, but realizing that a brutal rejection would have inflamed the opposition, he sought various pretexts to postpone the event indefinitely. He politely made it clear to the delegates that he wished to postpone such an event for a while longer, using the pretext that, thanks to the peace agreement between France and the Habsburgs, the war had just been suspended, and that such festivals represented significant expenses, while the country could not or would not bear the costs. This did little to deter the people of Antwerp. They replied that the previous year, permission had been granted to the Chamber of Vilvoorde and that a postponement could not reasonably be imagined. Sensing that they would only renounce it with immense disgust, Granvelle reluctantly agreed to present their request to Marguerite, while asserting that the government had given itself the right to levy taxes on all those who came to the competition.

Fearing above all that the festival would become a sounding board for all those criticizing the Spanish occupation and the abuses of the Church, Granvelle also summoned them to inform the participating chambers that they would not intervene in their plays, their esbattements or their poems with a single word against religion, the clergy or the government, otherwise they would not only lose the prize they might have won, but would also be punished and deprived of their privileges and rights; and that the Chamber of Antwerp should ensure that the city was well guarded during the festivities and that no disturbances could arise.

Margaret of Parma.

Margaret of Parma, often at odds with Madrid, was less fearful and more open.

After consulting the report provided by the Council of Brabant, which was well aware that too much repression encouraged protest, she placed the apostille on March 22, 1561, inviting the Chancellor of the Duchy to provide Antwerp with the sealed letters required to organize the Landjuweel.

These letters were issued the same day in the name of the king and granted safe conduct from fourteen days before the start until fourteen days after the end of the Landjuweel to all those who wished to attend, with the exception of

The Antwerp Chamber submitted 24 themes as potential topics for the Landjuweel competition (seen below). Among those, Margaret of Parma approved three topics among which the Chamber was free to pick one. 48

  • Does experience or learning bring more wisdom? »
  • « What most leads man towards the arts? »
  • « Why does a rich and greedy man desire more wealth? »

Philosophy

To show how much our rhetoricians, under the direction of Van Straelen and Schertz, dealt with philosophical and political questions of all kinds, here are the whole of the twenty-four subjects which they had submitted 49:

  1. What made Rome triumph?
  2. What caused Rome to decline the most?
  3. Is it experience or knowledge that brings more wisdom?
  4. What can lead man most towards Art?
  5. What feeds art?
  6. Why is man so desirous of temporal things?
  7. What shortens the days of men?
  8. What lengthens the days of men?
  9. Why is average wealth the most happiness in the world?
  10. What is the greatest prosperity in this world ?
  11. What is the biggest setback in this world?
  12. How is it that all things are consumed every day?
  13. If a miserly man can be discouraged?
  14. Why does a rich miser desires even more wealth?
  15. Why does wealth not extinguish greed?
  16. Why is amusement followed by displeasure?
  17. Why does lust breed remorse?
  18. Why does lust bring its own punishment?
  19. How did the Romans achieve such a great prosperity?
  20. What sort of government kept the Romans prosperous ?
  21. What art is most necessary for a city?
  22. What can bring the world more rest [peace] ?
  23. What most drives people to worldly pride?
  24. What would be the best way to eradicate usery?

At first glance, one could say that by choosing the question « What can lead man most towards Art? »50, Van Stralen and Schetz choose the least « political » subject. This is to misunderstand Erasmus and Platonic thought for whom beauty and goodness form a unity and for whom any government that does not promote beauty, neglects it or worse still, despises it, condemns itself to failure! In practice, poets starting from this higher principle, ended blasting, without explicitly naming them, all the criminals and warmongereres of those days.

Moreover, Willem van Haecht, the « factor » (official poet) of De Violieren, in the play he composed especially for the Landjuweel of Antwerp in 1561, would say that what led Empires to their decline was, as it still is today, their lack of esteem for the Arts, including obviously Rhetoric.

So, it was on this theme that the 5000 participants (!) of the Landjuweel, and beyond a large part of the country, began to reflect, to compose songs, dramas, refrains, allegories, rebuses, pintings and farces and presented them to thousands of fellow citizens.

Amazingly, two centuries before (!) Friedrich Schiller, the German poet that earned the name of « poet of freedom » and who inspired many revolutions at the end of the XVIIIth century, a humanist elite enlightened by Erasmus in the Low Countries led a substantial part of the country to rise up to the conditions of a durable peace by emancipating itself from serfdom and ignorance through moral beauty! The Antwerp Landjuweel of 1561 was much more than a feast, it was a shift of paradigm and a real game changer. Hats off!

After receiving permission, the Chamber of Rhetoric and the City Council immediately set about giving the great literary festival as much pomp as possible. A rhymed invitation card was drawn up, stating the subject of the competition and the prizes to be won.

Melchior Schetz, prince of De Violieren, parading in the streets of Antwerp at the Landjuweel of 1561.

On April 23, this invitation card was presented by Mayor Nicolaas Rockox, in the presence of Melchior Schetz and Anthonis van Stralen, at the Antwerp City Hall to four sworn messengers, who were instructed to convey it to all the Chambers of Rhetoric in Brabant and to invite them to the Landjuweel as well. These messengers traveled at the city’s expense and first went to Leuven, the oldest city in Brabant. Everywhere, the news of a Landjuweel in Antwerp was greeted with extraordinary joy, and the messengers were very generously received.

While in most cities of Brabant the rhetoricians were busy composing and teaching plays and poems, making triumphal chariots and painting coats of arms, in Antwerp they were not inactive.

De Violieren had beautiful new clothes made for its members, at the suggestion of Melchior Schetz, for the welcoming ceremony offered to the participants.

Stage of the Antwerp 1561 Landjuweel.

An elegant theatre stage was erected on Antwerp’s Grote Markt (Great Square), designed by Cornelis Floris. Coincidentally, it was installed on the exact spot where the Inquisition had been beheading « heretics. » The audience watched the performances standing, with the exception of the jury and high-ranking officials, for whom benches were provided.

There was excitement and liveliness everywhere; every citizen wanted to do their part to welcome the foreign guests with all possible pomp and wealth. The city council, for its part, had taken the necessary measures.

All residents of the streets where the rhetoricians were to pass were ordered to clear the streets and remove any scaffolding or obstacles that might hinder their passage.

Everyone was eagerly awaiting August 3rd, the day when the formal entry would take place and the Landjuweel games would begin.

A memorable day

Antwerp City Hall (left) designed by Cornelis Floris Devriendt.

August 3, 1561, is indeed a memorable day in the history of Antwerp. The city was dressed in its festive attire; on the facades of houses, flags, pennants, and festoons; in public places, graceful arches in the opulent Renaissance style.

It’s no secret that the people of Antwerp like to make a lot of money. But they also like to spend it lavishly! In that marvelous XVIth century, they took pleasure in displaying a splendor on such occasions that, so to speak, surpasses our imagination.

Juerken, the jester or fool of De Violieren at the 1561 Antwerp Landjuweel.

Everywhere there was joy and life. Many strangers passed through the streets; all, foreigners and locals alike, agreed to maintain the best possible order amidst this agitation and commotion. 51

At 2:00 p.m., the « brothers » of De Violieren guild gathered to ride together to the Keizerspoort to meet the participating chambers. There were 65 of them, mounted on magnificently adorned horses, in their precious uniforms. These consisted of tabards of purple silk, striped with white satin or silver cloth, white doublets striped with red, white stockings and boots, and purple hats with red, white, and purple plumes.

At the Keizerspoort, the participating foreign chambers were solemnly received. There were 14 of them, and to the sound of bugles and the cheers of the crowd, they entered Antwerp, following the Huidevetterstraat, the Eiermarkt, and the Melkmarkt to the Grote Markt in front of the City Hall (at that time under construction).

Artistic representation of the Antwerp 1561 Landjuweel, painted in 1899 by Edgard Farasyn for the Antwerp City Hall.

The procession was grandiose and impressive; nothing like it had ever been seen before in these parts. Without the Guild brothers on the chariots, the coat-of-arms bearers, the squires, the footmen, the trumpeters, the drummers, and other musicians on foot, the number of mounted rhetoricians from all the towns amounted to 1,393, that of the chariots to 23, and that of the other chariots to 197. 52

The Ommegang of 1685 (supposedly a religious procession without poetry contest of drama) gives nevertheless an idea about how cultural mass events in Antwerp looked like.

After weeks of competition between the large and medium-sized towns during the Landjuweel, followed an additional week of « Hagespelen, » that is, the less lavish but less expensive competitions between the townships, villages, and municipalities. The formats were so varied that by the end of the month, not a single town, village, or municipality was without a prize.

Theater play in a Flemish village.

And once back in their cities, all these cultural actors, actors, singers, poets, jokers, and comical fools, energized like never before by the encounter with an entire nation, reenacted at home the piece or play that had won them a prize. To the extent that each chamber that won a prize was obliged to organize a new competition, a true effect of cultural diffusion and contamination was infused into the country.

Seaships entering Brussels via the Brussels-Scheldt canal. Painting of Andreas Martin (1699-1763).

The joy and proudness was such that the Chamber of Vilvorde did a special performance for the opening of the newly built Brussels-Willebroek canal in octobre 1561. The project for a 28 km long canal, connecting Brussels to the Scheldt (and therefore to Antwerp and the Sea) had been discussed since 1415 but it was Mary of Hungary in 1550 who kickstarted its actual construction.

The splendid Landjuweel of Antwerp impressed the spectators, among them Richard Clough53, the representative of the English financier Thomas Gresham. The merchant did not hide his admiration and was full of praise for the festivities, drawing a comparison with the entry of Philip II and Charles V into Antwerp in 1549.

He could only note that the organization of the Landjuweel was larger and the spectacle more impressive:

Peace and art, united for celebration

On Tuesday, August 5, two days after the grand reception of the participating chambers, the visiting rhetoricians, along with the rest of the spectators, were solemnly welcomed on the Grand Place in Antwerp.

De Violieren then offer a welcoming zinnespel (morality): Den Wellecomme (The Welcome), written by Willem van Haecht. At the heart of the play is the proclaimed peace of 1559, which made possible the organization of the Landjuweel, a national gathering symbolizing the renewed awakening of the Art of Rhetoric, for which peace was a necessary condition. The duchy had suffered greatly in the 1550s, but had slowly recovered after the Peace of Cateau-Cambrésis (1559). There was hope for better times. Literary reactions to the peace were therefore particularly optimistic. The dawn of a new golden age was on everyone’s mind.

The play features three flower nymphs—sisters—who together represent De Violieren. After years of war, the Chamber was given the opportunity to organize the Landjuweel. For this, the nymphs owe a great debt of gratitude to the people of Brabant. Despite the difficult times and growing divisions between the different social groups, the people remained united.

It is « Concordia, » the feeling of unity and solidarity, that now unites the defenders of the public good. Out of love for the art of rhetoric, everyone has come from far and wide to Antwerp to celebrate the Landjuweel together. According to the nymphs, it is high time that the character of Rethorica resumes her rightful place in society. Now that the war god Mars and the hated Discordia have been driven out, she alone can bring joy and peace to the country. Only the seed of rhetoric (« Rethorices saet ») can bear fruit of joy.

So the flowers set out in search of Rethorica. In other words: De Violieren primarily describes the Landjuweel as a festival of joy, organized by the Chambers of Rhetoric to strengthen the sense of community and bonds of friendship between the region’s cities.

Illustration of the Van Haechts drama The Welcome. Three nymps come to wake Rtetorica, sleeping, but protected by Antwerpia.

Eventually, the nymphs find Rhetorica, asleep in the arms of a young girl (Antwerp), who has always protected her. While the goddesses of vengeance (« Erinniae ») ravaged the country for twenty years, rhetoric was always protected and cherished in Antwerp. Now it is time to awaken her from her long winter sleep.

Once awakened, Rhetorica and the Landjuweel will mark the beginning of a period of prosperity and an awakening of the arts, for Antwerp and for the world, an allegorical theme developed by Frans Floris, the rhetorician and friend of Van Haecht, in his work The Awakening of the Arts (circa 1560).

Frans Floris, The Awakening of the Arts (circa 1560).

This allegorical work commemorates the signing of the Treaty of Cateau-Cambrésis, the most important peace agreement of the war-torn 16th century.

In a landscape ravaged by war, Philip II of Spain (it was hoped) assumes the role of Apollo, represented by the bearded figure in the center. The sun god awakens the liberal arts, represented by women endowed with attributes (sculptors’ cradles, poets’ feather, musicians’ scores, cartographers’ globes, etc.). With his left hand, Philip II shows four women warding off an abject Mars, the god of war, stripped of his sword and battle trophies. The scene symbolizes a new era of cultural prosperity made possible by peace.

The play Den Wellecomme not only exudes an atmosphere of joy and euphoria, but also launches a few barbs at the oppressors. The Chambers retained a bitter aftertaste. In the preceding years, several rhetoricians had been struck by fate. The previous factor, the highly praised Jan van den Berghe (died in 1559) , had died of old age. In addition, two prominent members had fallen victim to religious persecution. The printers Frans Fraet (1505-1558) and Willem Touwaert Cassererie (c. 1478-1558) were condemned and executed in 1558, despite the vigorous protests of their guild, for printing and being found in possession of forbidden books (Dutch Bibles).

Engraving after Jan van der Straet (Johannes Stradanus).

Antwerp was the Northern European centre of heterodox publishing in the first half of the sixteenth century. From Antwerp the books were shipped all over Europe. Alastair Duke, who studied the methods of the Inquisition in this period, has suggested that of four thousand books published in Europe between 1500 and 1540, half were printed in Antwerp 55 almost half of those publications contained Protestant influences. 56

These persecutions increased the central government’s distrust of the rhetoricians. These were not easy times for them. The art of rhetoric « doesn’t have many friends, » as Van Haecht puts it. 57 Although the Landjuweel was designed to celebrate peace and not to express discontent, the horror of the past war years and the resulting divisions were clearly palpable.

The contest was to be held under the banner of friendship and solidarity – not without reason the motto of De Violieren. Referring to the miracle of Pentecost, the invitation card compares the Brabant rhetoricians to the apostles, who received the Holy Spirit by gathering together in unity, without disagreement or conflict. This motif was common among rhetoricians.

Already in the poems of Anthonis de Roovere (c. 1430-1482), the Ghent plays of 1539, and in Matthijs de Castelein ‘s Const van Rhetoriken (c. 1485-1550), the rhetorician’s inspiration were compared to the religious enthusiasm of the apostles at Pentecost. Rhetoricians saw their poetry as a gift from the Holy Spirit.

This is strongly reminiscent of the discourse Erasmus presents in his Querella pacis (The Complaint for Peace, 1517). In this famous pamphlet for peace, the miracle of Pentecost is also used to emphasize the importance of unity and love in society. Only the Christian religion, according to Erasmus, had the strength to defend itself against tyranny and war. The well-being of the whole society has always taken priority over any form of personal interest.

An « invitation card » was personnaly transmitted by messagers to all the chambers in Brabant, accompanied by a woodcut (probably also designed by Willem van Haecht). The print emphasizes the importance of rhetoric in achieving peace.

Printed invitation to other chambers of rhetoric by the Antwerp Violieren for the 1561 Landjuweel.

Rhetoric sits enthroned in the center, her attributes being a scroll and a lily, symbols respectively of the qualities of promoting knowledge and harmonizing the art of rhetoric. On either side of Rhetoric are Prudentia (left) and Inventio (right). Prudentia —Providence—is depicted holding a mirror (insight) and a serpent (prudence) in her hands. Inventio —Invention—has the attributes of a compass and a book. These two personifications refer to the qualities of careful design and erudition. Both personifications are intended to support Rhetoric. They stand on a raised step, on which grows the violet flower. Beneath the flower, the ox of the Guild of Saint Luke supports the coat of arms of the Antwerp painters’ guild. The personifications Pax, Charitas, and Ratio come to the left of the throne to pay homage to Rhetoric.

Divine light (Lux) illuminates them. On the right, Ira, Invidia, and Discordia are pursued into a burning depth (tenebrae). The darkness of the past thus gives way to an illuminated future in which rhetoric reigns. In contrast to the text on the invitation card, here the art of rhetoric ensures peace. There was thus a constant interaction between rhetoric and peace.

In De Violieren’s « invitation » and welcome piece, peace created the conditions in which rhetoric could flourish. In the woodcut, it is precisely the art of rhetoric that drives anger, envy, and discord into the darkness, making use of its qualities of insight and invention. Its divine light creates the conditions in which peace, love, and reason can flourish.

The three positive allegories on the left of the Rhetoric are deliberately contrasted with the three figures on its right. Ratio is placed against Ira, Charitas against Invidia, and Pax against Discordia. In his design, Van Haecht chose discord (Discordia) rather than war (Bellum) as the opposite of peace (Pax).

The concept of peace was deeply rooted in the urban community’s value system. In this discourse, peace, along with justice, order, and community spirit, constituted one of the pillars of internal social cohesion. Peace protected the city from the outside world and maintained balance between the different urban segments, particularly through the exercise of cohesion and solidarity. Moreover, peace, both spiritual and material, brought well-being and prosperity. But this could only be achieved if all urban groups worked together in unison.

Discord, whether between guilds, between sections of the urban patriciate, between rich and poor, or between religious factions, posed the greatest threat to internal peace and was to be avoided above all else. 58

The urban discourse on peace followed the idea that God had created the world as a harmonious, orderly, and perfect whole. Discordia personified the breakdown of this creation, of the relationship between God and man, and that between man and nature.

Discord also disrupted the balance between city dwellers, between city and countryside, and between the prince and his subjects. Furthermore, it caused unrest in the human spirit. This concept implied an individual loss of self-control and reason.

Vandommele writes that according to them,

Along with music, poetry was, in their eyes, of celestial origin. Both used the theory of harmony to reflect the order of the cosmos and were also used to communicate with God. Moreover, the word « discord » in the literature of the rhetoricians also refers to a lack of harmony in verse and rhyme, an unforgivable offense in poetry.

For all these reasons, discord was considered the main cause of unhappiness. It had to be banished to the depths of hell at all costs. Rhetoricians, thanks to their mastery of poetry and rhetoric, were the ones who could achieve this. They assumed the role of guardians of the peace, responsible for urban sociability.

The Antwerp Landjuweel of 1561, a gigantic cultural mass event recalling the noblest human qualities that unite the good and the beautiful, was a true « cry of the people, » somewhat similar to what France would later experience with the Fête de la Fédération60 before the French Revolution.

At the Landjuweel, enlightened artisans and artists called on the governments of the world to renounce usury, plunder, and war and to organize a lasting peace based on the harmony of mutually beneficial interests.

Antwerp trade and later stock market. 1872 reconstruction of the 1531 original.

Censorship, repression and revolt

From 1521, decrees repressed the reading and possession of forbidden books, both Lutheran writings and Bibles. In 1525, the Antwerp judiciary warned printers and booksellers. From 1528, Rhetoricians were required to have their works validated before any production or publication. In 1533, the reform gained ground. Not a day went by without a satirical joust against the clergy. Five rhetoricians from Amsterdam were sentenced to make a pilgrimage to Rome at their own expense. In 1536, a printer who had violated the regulations was beheaded at Antwerp’s Grote Markt. Without a prior permit, the Chambers of Rhetoric could no longer present plays in public. This didn’t prevent the Landjuweel in Ghent in 1939, where freedom prevailed. On October 6 of the same year, the Chancellor of Brabant wrote to the Regent that the sale of the printed collection of plays could have very serious consequences. Consequently, the collection was placed on the index of prohibited books. In 1559, two years before the Landjuweel, Erasmus’ In Praise of Folly and Colloquia were put on the index of forbidden books where they remained till 1900.

A decree also stipulated that it was henceforth forbidden to make references to the Holy Scriptures and the sacraments. The ban on the sale of the collections provoked a counter-reaction and attracted many readers. These works were reprinted three times, the last edition being in 1564, two years before the outbreak of the Beeldenstorm (Iconoclastic Fury). 61

In 1566, the paintings and sculptures in churches and monasteries, relics, and everything associated with the cult of images, were broken and destroyed by the Calvinists, the most radical branch of the Protestants. Immediately suspected of being responsible for this destruction: the erasmian spirited Chambers of Rhetoric!

With the arrival of the Duke of Alva in the Burgundian Low Countries in 1567, the relatively tolerant religious climate was replaced by persecution of those who no longer adhered to the Catholic faith.

Anthonis van Stralen, the masthead of De Violieren, and as we have seen, one of the main organizers of the Antwerp Landjuweel, and a personal friend of William the Silent, went into exile in Germany. But on September 9, on the orders of the Duke of Alva, he got intercepted by Count Lodron between Antwerp and Lier. On September 25 he was transferred to the Brussels Treurenberg prison. In February 1568, he was transferred to Vilvoorde Castle to appear before the new Council of Troubles.

After having been subjected for several days to torture, Van Stralen is carried to the executioner. Painting of Emile Godding (1841-1898), Antwerp City Hall.

After being tortured, his property was confiscated, and he was sentenced to death by the sword. The sentence was carried out at Vilvoorde Castle on September 24, 1568. 62

This decision sparked great indignation in Antwerp. Many important merchants and citizens left the city permanently.

The plays of the Antwerp Landjuweel of 1561, including those by Willem Van Haecht, which exuded the spirit of Erasmus, were banned. Their performance on 21 June 1565, which was well received by the public, is said to have made the clergy grind their teeth, according to Godevaert van Haecht, a close relative of the author.

Van Haecht fled to Aachen, and then to the northern Burgundian Low Countries. His poem Hoe salich zijn die landen, written for De Violieren, was set to music by Jacob Florius and was included in the Geuzenliedboek, a collection of songs by those who revolted against Spanish rule in the Burgundian Low Countries.

Then broke out the Spanish Fury, a number of violent sackings of cities (Mechelen, Antwerp, Naarden, etc.) of the Burgundian Low Countries. The main cause was Philip II’s delay in paying soldiers and mercenaries. Spain had just declared bankruptcy. The bankers refused to carry out the transactions demanded of them by the King of Spain until they had found a compromise. For example, the transfer of troops’ wages from Spain could not be carried out by bill of exchange (the 16th century equivalent of a postal order). The Spanish government therefore had to transfer the real money by sea – a much more costly, slow and perilous operation. Unfortunately for Philip, 400,000 florins intended to pay the troops were seized by the English government of Elizabeth I when ships containing the florins were sheltered from a storm in English ports. 63

The most notorious Spanish Fury was the three-day long sack and burning of Antwerp in November 1576. At least 7,000 lives and a great deal of property were lost. The deaths were assessed at 17,000 by an English writer who was a witness.

Sack of Antwerp during the Spanish Fury of 1576.

Soon after, under the leadership of the great Erasmian William the Silent, supported by the Chambers of Rhetoric, the entire nation rose up against oppression and in favor of a Republic.

The Plakkaat van Verlatinghe (translated as the Act of Abjuration), signed on July 26, 1581, is considered the « declaration of independence » of many of the provinces of the Low Countries who considered that the King had betrayed his obligations towards his own people.

It was written by the Antwerp lawmaker and Registrar Jan van Asseliers (1530-1587), a close friend of Melchior Schetz and other key organizers of the Antwerp 1561 Landjuweel. 64 It was printed in Leyden by Charles Silvius, the son of Willem Silvius (1521-1580) 65 , the Antwerp humanist that printed and published the full proceedings of the same Landjuweel. 66

It was only after 80 years of war (1568-1648), at the Treaty of Westphalia, that the Republic of the Netherlands was recognized, leaving the south under Habsburg control.

Educated citizens went into exile. Between 150,000 and 200,000 refugees settled in the United Provinces and Germany. Cities such as Frankfurt, Hamburg, London and Amsterdam owed their prosperity to the arrival of refugees from the Southern Low Countries. After 1581, the Spanish authorities made no attempt to prevent these departures, which were in line with their desire to empty the country of its Protestant inhabitants. 67

Selected biography

(chronological order)

NOTES:

  1. Karel Vereycken, How Erasmus folly saved our civilization, Schiller Institute; ↩︎
  2. Literacy rates were above 15% in Venice and Florence. However, they were not 70% as claimed by Ross King in his book The Bookseller of Florence. King cites two separate sources. On Florentine literacy Robert Black’s article Literacy in Florence, 1427, in Peterson and Bornstein (eds), Florence and Beyond: Culture, Society and Politics in Renaissance Italy… as well as the first chapter of Black’s Education and Society in Florentine Tuscany (both of which cover the same material). For the general literacy estimate, King cites R. C. Allen, Progress and Poverty in Early Modern Europe, Economic History Review 56 (2003), p. 415. Here we find an urban literacy rate of 23% given, which is itself based centrally on the estimate for Venice in 1587 from Paul Grendler, Schooling in Renaissance Italy: Literacy and Learning, 1300-1600. King misleads the reader in the way he presents this data. He claims that seven in ten Florentine adults could read and write, but the basis for his number (Black) is exclusively addressing male literacy (specifically adult and able-bodied male heads of household). By contrast, King’s figure of less than 25% (for other european cities) is an estimate of male and female literacy combined. (The actual numbers given by Grendler are 33% male literacy and 12-13% female literacy.) One must note that Grendler’s numbers are based on his estimates of schooling. Specifically, in 1587 Venice recorded a profession of faith for every teacher (256 in total) in the Republic, which provide information about things like the number of students they taught. On this basis Grendler estimates the number of students in formal education at around 4625. (4595 boys and 30 girls, i.e. 26% and 0.2% of the respective populations.) Gendler adds to this figure that of informal schooling or tutoring, whose number is estimated on the assumption that the majority of nobles and citizens (9.4% of the population) would have either educated their daughters or sent them to a convent. (This appears to be the estimates of 2% informal tutoring and 3-4% boarding convents for girls are coming from, though these specific numbers aren’t spelled out in the text.) Finally there are also Schools of Christian Doctrine (functionally sunday school), for which, on the basis of numbers from other cities, Grendler estimates an enrolment of around 2000 boys and 3000 girls, out of which Grendler guestimates that maybe 1000 of each (i.e. 6% of boys and 7% of girls) would have achieved rudimentary literacy. So here is the basis for the 33% (male) and 12-13% (female) estimates. ↩︎
  3. Alain Derville, L’alphabétisation du peuple à la fin du Moyen Age, La Revue du Nord, 1984. ↩︎
  4. Alain Derville, Op. cit. ↩︎
  5. Hanna Stouten, Jaap Goedgebuure, Jeanne Verbij-Schillings, History of Dutch Literature (Netherlands and Flanders), Fayard, Paris, 1999. ↩︎
  6. İ. Semih Akçomak, Dinand Webbink, Bas ter Weel, Why Did the Netherlands Develop so Early? The Legacy of the Brethren of the Common Life, IZA DP No. 7167, Forschungsinstitut zur Zukunft der Arbeit Institute for the Study of Labor (IZA), 2013; ↩︎
  7. Open Universiteit Nederland, Orientatiecursus cultuurwetenschappen, Van Bourgondische Nederlanden tot Republiek, Deel 2, 2009. ↩︎
  8. Mychael Pye, La Babylone d’Europe, Anvers, les années de gloire, Editions Nevetica, Brussels, 2024, p. 21. ↩︎
  9. Mychael Pye, Ibid, p. 33. ↩︎
  10. Cipolla, C., Literacy and Development in the West, Penguin Books: London, 1969, p. 47 ↩︎
  11. Michael Pye, Ibid., p. 105; ↩︎
  12. Parker, G., The Dutch Revolt, Cornell University Press: Ithaca, NY., notes of Philip’s visit to the Low Countries in 1549, 1977, p. 21. ↩︎
  13. Michale Pye, Ibid., p. 124; ↩︎
  14. Leen Huet, quoted in Pieter Bruegel, la biographie, CFC Editions, Brussels, 2021, p. 55; ↩︎
  15. Jeroen Vandommele, Als in een spiegel, Vrede, kennis en gemeenschap op het Antwerpse Landjuweel van 1561, Uitgeverij Verloren, Hilversum, 2011. ↩︎
  16. Sleiderink Remco, De schandaleuze spelen van 1559 en de leden van De Corenbloem. Het socioprofessionele, literaire en religieuze profiel van de Brusselse rederijkerskamer, Belgian Review of Philology and History, volume 92, fascic. 3, 2014. Modern languages and literatures, pp. 847-875; ↩︎
  17. Jeroen Vandommele, Op. cit. ↩︎
  18. Jeroen Vandommele, Op. cit. ↩︎
  19. Jeroen Vandommele, Op. cit. ↩︎
  20. Herman Pleij, Het gevleugelde woord. Geschiedenis van de Nederlandse literatuur 1400-1560, Bert Bakker, Amsterdam, 2007. ↩︎
  21. Karel Vereycken, How Jacques Cœur put an end to the Hundred Years’ War, Artkarel.com, 2018; ↩︎
  22. Karel Vereycken, Jacob Fugger « The Rich », father of financial fascism, Artkarel.com, 2024; ↩︎
  23. Karel Vereycken, Fugger, Op. cit. ↩︎
  24. Karel Vereycken, Fugger, Op. cit. ↩︎
  25. Karel Vereycken, Erasmus Dream, the Leuven Three Language College, Artkarel, 2019; ↩︎
  26. Karel Vereycken, Quinten Matsys and Leonardo, the dawn of an age of laughter and creativity, Artkarel, 2024; ↩︎
  27. Andreas Nijenhuis, Les Pays-Bas au prisme des Réformes (1500-1650), L’Europe en conflits, p. 101-136, Presses universitaires de Rennes, 2019. ↩︎
  28. Pierre-Yves Charles, Chercheur invité à l’Université Libre d’Amsterdam, La Réformation des Réfugiés, site internet de l’Eglise protestante unie de Belgique; ↩︎
  29. Pierre-Yves Charles, Op. cit. ; ↩︎
  30. Dr. Gilbert Degroote, In Erasmus’ Lichtkring, Koninklijke Nederlandse Maatschappij, 1962. ↩︎
  31. Karel Vereycken, How Erasmus folly saved our civilization, Schiller Institute; ↩︎
  32. Karel Vereycken, Erasmus, Op. cit. ↩︎
  33. Karel Vereycken, Quinten Matsys and Leonardo, the Dawn of an Age of Laughter and Creativity, Artkarel, 2024. ↩︎
  34. Dr. Gilbert Degroote, Op. cit. ↩︎
  35. Dr. Gilbert Degroote, Op. cit. ↩︎
  36. Dr. Gilbert Degroote, Op. cit. ↩︎
  37. Natacha Peeters, The painter’s apprentice in fifteenth and sixteenth century Antwerp. An analysis of the archival sources, Apprentissages, États et sociétés dans l’Europe moderne, Mélanges de l’Ecole française de Rome, 131-2, p. 221-227, 2019; ↩︎
  38. Karel Vereycken, Quinten Matsys and Leonardo, the dawn of an age of laughter and creativity, Artkarel, 2024; ↩︎
  39. N. Israel, De Liggeren en andere historische archieven der Antwerpsche Sint Lucasgilde, Amsterdam, 1961; ↩︎
  40. Tine Luk Meganck (Op. cit.) underscores that « Bruegel’s visual language is closely related to the poetic imaginary of the rhetoricians. Like the rhymesters, Bruegel often presented a serious message with a dash of mockery, as an inversion of the established order, as the world upside down. » ↩︎
  41. Leen Huet, Pieter Bruegel, la biographie, 2023; ↩︎
  42. André Godin. Érasme et son banquier. In: Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 34 N°4, pp. 529-552, Octobre-décembre 1987. ↩︎
  43. Hugo Soly, Capital at Work in Antwerp’s Golden Age, Studies in European Urban History (SEUH)(1100-1800), Volume 55, Ghent University, Brepols, 2021. ↩︎
  44. Lode Goukens, Peeter Baltens, een “grafisch diplomaat” tijdens de troebelen (Antwerpen 1572-1584), VUB, 2018; ↩︎
  45. Lode Goukens, Op. cit. ↩︎
  46. Herman Pleij, Het gevleugelde woord. Geschiedenis van de Nederlandse literatuur 1400-1560, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam, 2007; ↩︎
  47. Dr. C. Kruyskamp, Het Antwerpse Landjuweel van 1561, De Nederlandse Boekhandel, Antwerpen, 1962. ↩︎
  48. Max Rooses, De feesten van het Landjuweel in 1892, De Vlaamse School, Nieuwe Reeks, jaargang 5, 1892; ↩︎
  49. Henri Claes, Het Landjuweel van Antwerpen in 1561, De Vlaamsche Kunstbode, 1890; ↩︎
  50. Arjan van Dixhoorn (Op. cit.), building on Vandommele, argues that the word « Art » (consten) refers here to the 7 liberal arts and mechanical arts and not the « higher » arts. That is unconvincing since the leitmotiv of the entire Landjuweel, as Vandommele himself keenly demonstrates, was that it was the harmony of poetry and music, a gift from heaven, that was the only viable basis for durable peace and concord. The Awakening of the Arts is in fact the theme of a painting by Frans Floris in 1560, an influential painter and an intellectual belonging to the Landjuweel organizers. Among Floris’s dormant arts are music, sculpture, cartography and other « higher » arts. ↩︎
  51. Abraham Grapheus, Anthonis van Stralen, Edward van Even, Het Landjuweel van Antwerpen in 1561, Eene verhandeling Over Dezen Beroemden Wedstrijd Tusschen De Rederijkerskamers van Braband, Bewerkt naar Eventijdige Oorkonden En Versierd met 35 platen, naar tekeningen van Frans Floris en andere meesters, CJ Fontayn, Leuven, 1861; ↩︎
  52. Abraham Grapheus, Anthonis van Stralen, Edward van Even, Op. cit.; ↩︎
  53. Richard Clough, Brief over het Landjuweel van 1561, DBNL; ↩︎
  54. Richard Clough, Op. cit.; ↩︎
  55. Alastair C. Duke, Dissident Identities in the Early Modern Low Countries, ed. Judith Pollmann and Andrew Spicer, Aldershot, Ashgate, 2009; ↩︎
  56. Victoria Christman, The Coverture of Widowhood: Heterodox Female Publishers in Antwerp, 1530-1580. The Sixteenth Century Journal, 2011; ↩︎
  57. Jeroen Vandommele, Op. cit. ↩︎
  58. Jeroen Vandommele, Op. cit. ↩︎
  59. Jeroen Vandommele, Op. cit. ↩︎
  60. The Festival of the Federation (Fête de la Fédération) was a celebration that occurred on the Champ de Mars on 14 July 1790, the first anniversary of the Storming of the Bastille. With over 300,000 people in attendance, the event honored the achievements of the French Revolution (1789-99) and the unity of the French people. The festival itself was a monumental accomplishment, as tens of thousands of French citizens volunteered to labor in the mud and rain to build an amphitheater on the Champ de Mars with a colossal Altar of the Fatherland at its center. The event marked the birth of French patriotism, at least in the sense that such a term is understood today, and was the first celebration of 14 July, France’s national holiday, which is still annually celebrated. At the same time, the festival was the high watermark of unity during the French Revolution itself, since afterward the revolutionaries devolved into factionalism and politics based on terror. ↩︎
  61. Louis de Baecker, Les Flamands de France, Messager des sciences historiques et archives des arts de Belgique, Gand, Vanderhaeghen, 1850, p. 181; ↩︎
  62. Johannes Pieter van Cappelle, Anthonis van Stralen. National Library of the Netherlands (original from the University of Amsterdam), 1827; ↩︎
  63. Le sac d’Anvers, connu comme la Furie Espagnole, Gifex.com ; ↩︎
  64. P. Génard, Jean van Asseliers, Biographie nationale de Belgique, Wikisource. ↩︎
  65. Portail Biblissima, Willem Silvius (1521-1580). ↩︎
  66. Willem Silvius, Spelen van sinne vol scoone moralisacien uutleggingen ende bediedenissen op alle loeflijcke consten … Ghespeelt … binnen der stadt van Andtwerpen op dLant-juweel … den derden dach augusti … M.D.LXI., Erfgoedbibliotheek Hendrik Conscience, Antwerpen, 1562; ↩︎
  67. Pierre-Yves Charles, Op. cit. ↩︎
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Quinten Matsys en Da Vinci – Dageraad van louterend gelach en creativiteit

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Ongepast koppel (Ongelijke Liefde), 1525, National Gallery of Art, Washington D.C.

Inhoud

Inleiding

A. Culturele en filosofische kwesties van een context

  1. Cynische grappen of socratische dialogen?
  2. Wat is « Christelijk humanisme?« 
  3. Petrarca en de “Triomf van de Dood« 
  4. Dageraad van louterend gelach
  5. Sebastian Brant, Jheronimus Bosch en Het Narrenschip
  6. Rederijkers en Landjuweel

B. Quinten Matsys

  1. Biografische elementen
  2. Van smid tot schilder
  3. Hertogdom Brabant
  4. Opleiding: Bouts, Memling en/of Van der Goes?
  5. Debuten in Antwerpen en in het buitenland

C. Enkele werken, analyses en interpretaties

  1. De Maagd en het Kind, Gratie Gods en Vrije Wilskeuze
  2. Het altaarstuk van Sint-Anna
  3. Een nieuw perspectief
  4. Samenwerking met Joachim Patinir en Albrecht Dürer
  5. In de ban van Erasmus
  6. Utopia en Thomas More
  7. Pieter Gillis en het « Tweeluik der vriendschap« 
  8. De « Da Vinci-connection » (I)

D. Erasmiaanse kunst van het groteske

  1. In religieuze schilderijen
  2. Bankiers, tollenaars en woekeraars
  3. De da Vinci-connection (II)
  4. De kunst van het groteske per se
  5. De metafoor van « Het ongepast koppel« 
  6. Matsys, Da Vinci, wie schilderde de « De groteske oude vrouw »?
  7. Hans Liefrinck en Hieronymus Cock
  8. Dood gaan van het lachen, Zeuxis, Matsys en Rembrandt

E. Slotbeschouwing

Bibliografie

Portret van Quinten Matsys, gravure door Johannes Wierix, 1572.

In 1550 was Antwerpen 2 met bijna 100.000 inwoners de grootste stad van het Westen. In het Oosten had Istanboel er al 200.000 in 1500…

Antwerpen was een belangrijke havenstad en het kloppend hart van een bloeiende internationale handel die op het einde van de 15de eeuw het oude Brugge 3 van de Medici overtrof. Antwerpen was een trekpleister voor talenten uit vele streken en landen. 4

Het was in die economische en culturele smeltkroes dat Quinten Matsys meerdere van de briljantste christelijke humanisten van zijn tijd kon ontmoeten, of het nu ging om geleerden en vredesactivisten als Erasmus van Rotterdam 5, Thomas More 6 en Pieter Gillis 7, innovatieve drukkers als Dirk Martens 8 van Aalst, hervormers als Gerard Geldenhouwer 9 en Cornelius Grapheus 10, Vlaamse kunstschilders als Gerard David 11 en Joachim Patinir 12 of buitenlandse schilder-graveurs en boekverluchters als Albrecht Dürer 13, Lucas van Leyden 14 en Hans Holbein de Jongere 15. Antwerpen was the place to be!

Boeken over Quinten Matsys en zijn milieu zijn vandaag moeilijk te vinden en meestal duur. De grote internationale uitgeversbedrijven, om tot zover onbekende redenen, schijnen hem tot eeuwige vergetelheid te hebben veroordeeld. Soms verschijnt zijn naam, maar slechts sporadisch en in de marge en dan nog alleen wanneer er sprake is van het « manierisme » van de « Antwerpse School » 16

Erger nog, er wordt niet naar zijn werken verwezen en zijn naam wordt slechts twee keer vermeld in L’art flamand et hollandais, le siècles des primitifs (1380-1520), een referentienaslagwerk over deze periode. 17

Het goede nieuws is dat het Interdisciplinair Centrum voor Kunst en Wetenschap in Gent, 18 België, sinds 2007 sleutelt aan een nieuwe « Catalogue raisonné » van zijn werk. Maar dat is nog even wachten.

De laatste uitgave van het volledig werk, verzorgd door de Amerikaanse kunsthistoricus Larry Silver, dateert van 1984 19 en wordt vandaag voor hoge prijzen op Amazon aan de man gebracht.

Er bestaat nog de mooie, zeldzame monografie van Andrée de Bosque 20, waarvan helaas de meeste afbeeldingen in zwart-wit zijn. Als troostprijs hebben de lezers nog het proefschrift 21 van Harald Brising uit 1908, herdrukt in 2019.

Om Quinten Matsys te eren en recht te doen, zullen we hier proberen een aantal vragen te beantwoorden die tot nu toe onbeantwoord zijn.

In hoeverre was het werk van Erasmus een directe inspiratiebron voor Matsys, Patinir en hun omgeving? Wat weten we over de uitwisselingen tussen deze kring in Antwerpen en vooraanstaande renaissancekunstenaars als Leonardo da Vinci en Albrecht Dürer? Welke invloed had de Erasmiaanse kunstenaar op zijn buitenlandse correspondenten?

Dit onderwerp roept meteen vragen op, aangezien Erasmus niet echt een liefhebber was van de « religieuze schilderkunst » van zijn eeuw. Hij gaf de voorkeur aan daadwerkelijke inzet en handelingen voor het algemeen belang, boven passieve bewondering en onderwerping aan religieuze rituelen en heiligenbeeldjes.

Zoals de Belgische kunstcriticus Georges Marlier (1898-1968) 22 in zijn gedocumenteerd boek benadrukt, was Erasmus geen amateur van kerkpropaganda, maar als een werk een authentiek gevoel van geloof, liefde en tederheid opriep, bracht hij daar eerbied voor op. Voor onze humanist was de innerlijke strijd van de mens veel belangrijker, gezien

Quinten Matsys. Vroeger heette dit schilderij, niet voor niets, De Hypocrieten, tegenwoordig De twee monniken in gebed. (Galleria Arti Doria Pamphilj, Rome).

Dankzij eerder onderzoek naar de Italiaanse Renaissance, het levenswerk van Erasmus 24 en de kunst van Dürer 25 hebben we ons verdiept in de tijd van Matsys. We kunnen daar niet hier uitgebreid op terugkomen, maar het biedt ons wel een sterke basis om de buitengewone waarde van deze kunstenaar in te schatten.

A. Culturele en filosofische kwesties van een context

1. Cynische grappen of socratische dialogen?

« Tussen neus en lepel », een spreekwoord. The Phoebus Foundation.

Voor de huidige « trash-cultuur », gebaseerd op emotionele effecten in een soort gevangenis van grenzeloos pessimisme, is het erg moeilijk om de culturele verfijndheid van een Matsys ten volle te waarderen.

Wat ontbreekt, is de morele en intellectuele integriteit die nodig is om de grappen, 26 ironie en metaforen 27 te begrijpen die de essentie vormden van het culturele leven in de Lage Landen van zijn tijd. 28

Veel mensen zien de wereld niet zoals hij is. Wel geven ze uitgebreid commentaar over de kleur van hun bril. Beknot door hun culturele vooroordelen, wanneer ze naar een geschilderd aangezicht kijken, zien ze niet de intentie, de ironisch knipoog of het idee dat de kunstenaar wil overbrengen. Een echte kunstenaar, schildert niet op doek of paneel, maar roept een beeld op in de geest van de toeschouwer. Moderne kijkers vluchten snel weg van het hogere domein van de metafoor. Ze klampen zich vast aan de veelvuldige details wiens symbolische interpretaties ze aan elkaar rijgen, in de hoop dat dit snoer de betekenis zal leveren voor het werk.

Wanneer ze een « grotesk » gezicht zien, houden ze vast aan het idee dat het over een portret gaat van een bepaalde persoon die echt heeft bestaan, in plaats van hardop te lachen! Omdat zij deze « onzichtbare » dimensie niet willen zien en het beeld « letterlijk » opvatten, zijn voor hen de « grotesken » van Erasmus, Matsys en Da Vinci slechts « cynische grappen » die getuigen van sluiks misprijzen en vermoedelijk van een sterk « gebrek van verdraagzaamheid » jegens « lelijke », « zieke », « abnormale », of gewoon « andere », mensen!

Laten we het hier luid en duidelijk herhalen: Erasmus en zijn drie belangrijkste geestelijke volgelingen, François Rabelais, 29 Miguel de Cervantes 30 en William Shakespeare 31, zijn de incarnaties, hoewel zelden erkend, van het « Christelijk humanisme » en de louterend gelach, een machtig politiek wapen en een instrument dat het mogelijk maakt « alle leden van het menselijk genre tot de waardigheid van het menszijn te verheffen », zoals de Franse generaal, medeoprichter van de Ecole Polytechnique, Lazare Carnot, dat formuleerde.

2. Wat is « Christelijk humanisme »?

De kern van Erasmus’ onderwijs- en politiek programma was het bevorderen van docta pietas, geleerde vroomheid, of wat hij de « Filosofie van Christus » noemde. Het is méér dan een overtuiging, een manier van zijn. 32

Deze filosofie kan worden samengevat als een « eedverbond » tussen de humanistische principes samengevat in Plato‘s Republiek 33 en het agape-mensbeeld 34 van het Evangelie en de geschriften van eerste kerkvaders zoals Hiëronymus 35 en Augustinus 36, die Plato en Socrates beschouwden als een van hun onvolmaakte voorlopers.

Het christelijk humanisme was een breuk met het zich onderwerpen aan een ‘blind’ en feodaal geloof, dat de redding van de mens, via de onsterfelijkheid van de ziel, uitsluitend zag in een bestaan ​​na de dood.

Voor het christelijk humanisme is het de essentie van de menselijke natuur naar het hoogste goed te streven. « Hell is empty and all the devils are here » (De Hel is leeg en al de duivels staan hier), schreef William Shakespeare in 1610 in The Tempest.

De oorsprong van het kwaad is niet de mens op zichzelf of een externe « duivel », maar de ondeugden en morele kwalen die Plato al eeuwen vroeger had geïdentificeerd voordat de christenen ze de « zeven hoofdzonden » (ondeugden) noemden, kwalen die men kan beperken, bestrijden en zelfs overwinnen dankzij de « zeven hoofddeugden ». 37

Jheronimus Bosch, De zeven hoofdzonden en de vier laatste dingen (dood, oordeel, hemel en hel), circa 1500, tafelblad, Prado, Madrid.

Ter herinnering, deze hoofdzonden en hun tegengif zijn:

  • Superbia (hoogmoed, hovaardigheid, ijdelheid, trots, hubris) tegenover Humilitas (nederigheid);
  • Avaritia (hebzucht, gierigheid) tegenover Caritas, Agapè (naastenliefde);
  • Luxuria (onkuisheid, lust, wellust, hoererij) tegenover Castitas (kuisheid);
  • Invidia (nijd, jaloezie, afgunst) tegen Humanitas (goedheid);
  • Gula (onmatigheid, gulzigheid, vraatzucht) tegenover Temperantia (matigheid);
  • Ira (woede, toorn, wraak, gramschap) tegenover Patientia (geduld);
  • Acedia (gemakzucht, traagheid, luiheid, vadsigheid, spleen, melancholie) tegenover Diligentia (ijver);

Het is veelzeggend voor onze tijd dat deze “zonden” (ondeugden of kwalen die ons ervan weerhouden het goede te doen), en niet hun tegengestelde deugden, op tragische wijze zijn geprezen als de « basiswaarden” die het goede functioneren van het huidige “neoliberale” financiële systeem en zijn “op regels gebaseerde” wereldorde garanderen!

Particuliere ondeugden zorgen voor publieke voordelen,” betoogde Bernard Mandeville in 1705 in De Fabel van de bijen. Het is de dynamiek van particuliere belangen die de welvaart van een samenleving stimuleert, meende deze Nederlandse theoreticus die Adam Smith inspireerde en voor wie « moraliteit » alleen maar lusteloosheid uitlokt en de wereld ongelukkig maakt.

Het zijn hebzucht en het voortdurende nastreven van genot, en niet het algemeen belang, die zijn uitgeroepen tot de essentiële drijfveren van de mens, volgens de filosofische school die dominant werd: het Britse empirisme, verkondigd door Locke, Hume, Smith en hun soortgenoten. De zintuigen, en niet de menselijke rede, zijn de piloot van het menselijke vliegtuig!

Menselijke basiswaarden, zoals liefde voor de medemens en « humanitaire » hulp, worden aldus beperkt tot kortstondige activiteiten. Niet van de overheid, maar van liefdadigheidsinstellingen. Voor de oligarchie blijven ze instrumenten om het juk van het criminele systeem wat draagbaarder te maken voor het te onderwerpen « menselijk vee. » Meer en meer liefdadigheidsinstellingen zijn in de handen van grote patriciërsfamilies en belangrijke NGO’s. Alhoewel hun werk vaak uiterst nuttig is, blijven zij helaas instrumenten van overheersing, een betreurenswaardige realiteit.

3. Petrarca en de “Triomf van de Dood”

Daniel Hopfer, Vrouwen kijken in de spiegel, verrast door dood en duivel, 1515. Metropolitan, New York.

Het ware christendom, net als alle grote humanistische religies, streeft er onvermoeibaar naar om degenen die hun leven in zonde verspillen ertoe te brengen deze ondeugden van zich af te schudden. Dat kan door hen te laten inzien dat hun gedrag niet alleen tragisch, maar totaal lachwaardig is in het licht van de uiterste kortstondigheid van het menselijke fysieke bestaan.

De Duitse kunstenaar Albrecht Dürer, in harmonie met dit Renaissanceparadigma, maakte het tot het centrale thema van zijn drie beroemde Meisterstiche (meestergravures), die als één geheel moeten worden begrepen: De ridder, de dood en de duivel (1513); Hiëronymus in zijn studeervertrek (1514) en Melencolia I (1514). 38

Op elk van deze gravures is een zandloper afgebeeld, een metafoor voor de onstuitbare stroom van de tijd. Door de zandloper (tijd) naast een schedel (dood), een kaars die uitgaat (laatste adem), een verwelkende bloem (de leegte van de passies) enz. te plaatsen, slagen de kunstenaars erin de metafoor van de « ijdelheid » (Vanitas) voor te stellen. 39

Erasmus, die het zandloper/schedelbeeld tot zijn persoonlijk embleem maakte, voegde er het motto aan toe: Concedi Nulli (Ik wijk voor niets, de dood zal niemand sparen, rijk of arm.) In die zin was het christelijk humanisme in de Renaissance een massabeweging die beoogde mensen te onderwijzen over geestelijke « onsterfelijkheid », tegen zowel religieus bijgeloof als tegen een sluipende terugkeer naar het Grieks-Romeinse heidendom.

Illustratie van de « Triomf van de roem », over de « Triomf van de dood » in Petrarca’s I Trionfi. Bnf, Parijs.

Met deze filosofische eis treedt Erasmus hier direct in de voetsporen van Petrarca 40 en diens I Trionfi (1351-1374) 41, een gedichtencyclus die is opgebouwd uit zes elkaar opvolgende allegorische triomfen. De « Triomf der Liefde » wordt er overtroffen door de « Triomf der Kuisheid. » Op haar beurt wordt Kuisheid verslagen door de Dood; de Dood wordt overwonnen door Roem; Roem wordt veroverd door de Tijd; en zelfs de Tijd wordt uiteindelijk overwonnen door de Eeuwigheid en uiteindelijk staan we voor de « Triomf van God » over al deze louter aardse aangelegenheden.

Omdat de dood aan het einde van ons vluchtige fysieke bestaan ​​zal « triomferen », is het in de pre-Renaissance visie de angst voor de dood en de vrees voor God die de mens moet helpen zich te richten op het bijdragen van iets onsterfelijks aan toekomstige generaties. Dat is veel beter dan te verdwalen in het labyrint van aardse genoegens en pijnen dat Jheronimus Bosch (1450-1516) 42 met zoveel ironie afbeeldt in zijn Tuin der Wereldse Lusten (1503-1515). 43

Leonardo da Vinci, wiens filosofisch-religieuze opvattingen door velen in het Vaticaan als ketters werden beschouwd, 44 schreef in zijn aantekeningen dat veel mannen en vrouwen, gezien hun gedrag, het prachtige lichaam dat God hen had gegeven niet eens verdienden:

4. De dageraad van louterend gelach

Erasmus, zelfportret?

Volgens woordenboeken spreekt men van « good laughter » wanneer we een situatie, die eerst vervelend en moeilijk blijkt, plotseling grappig vinden. Meestal is de oplossing zo eenvoudig, dat we ze niet zien! We lachen dan eigenlijk met de ironie van de situatie, met onszelf en met onze gebreken. Kortom, een goede lach is de beloning voor een authentiek creatief proces, wanneer de agonie van het uitputten van hypothesen in de zoektocht naar oplossingen, zowel voor wetenschappelijke als persoonlijke problemen, eindigt met een vreugdevol Eureka! De gure storm en de donkere wolken zijn door de creatieve winden weggeblazen en een helder licht toont ons plotseling een wijde horizon en een nieuw perspectief.

Op haar blog Angeles Earth, benadrukt de visuele kunstenares Angeles Nieto de innige verbondenheid tussen humor en creativiteit, twee basisingrediënten van de Renaissance:

Erasmus gecensureerd.

Volgens christelijke humanisten kan men de mens vleugels geven door hem te bevrijden van de ondeugd die hem verlaagt.

Een middel daarvoor is hem een spiegel voor te houden, een proces inherent aan de « socratische dialoog ». Ken uzelf! Als hij de moed heeft zichzelf te zien zoals hij is, zal hij misschien zijn onwetendheid aanvaarden. Dat is een eerste vorm van het soort wijsheid dat Cusanus De docta ignorantia 47 of « wetende onwetendheid » noemde.

Via zijn « vrije wilskeuze » kan ieder mens beslissen te handelen (of niet te handelen) in overeenstemming met zijn ware (goede) aard. Een totale toewijding aan het algemeen belang wordt dan een bron van immens plezier, zowel in onze persoonlijke relaties als in onze economische activiteiten. Het is dit doel, namelijk de vorming en de veredeling of verheffing van het persoonlijk karakter, dat de fundamentele doelstelling werd van zowel het christelijk als het republikeins onderwijs. Hoofden vullen met kennis en feiten, is geen doel op zichzelf. Gewetensvolle burgers met eigen kennis en oordeelsvermogen vormen is de echte uitdaging.

Maar door te beweren dat het leven van de mens volledig door God was voorbestemd, ontkende Luther het bestaan ​​van de vrije wilskeuze en maakte hij de mens onverantwoordelijk voor zijn daden. 48

Deze opvatting was het tegenovergestelde van die van Erasmus, die de Kerk al lang vóór Luther had opgeroepen een einde te maken aan haar financiële uitbuiting van geloof, zoals de beroemde « aflaten » (indulgentia). 49

Christelijke humanisten beogen onze zielen te verheffen tot de hoogste graden van morele en intellectuele schoonheid. Ze trachten ons te bevrijden van onze overdreven gehechtheid aan aards plezier en aardse goederen – niet door doempreken, schuldgevoelens of de erg lucratieve handel van « aflaten », maar… dankzij de « louterende werking » (catharsis) van een bevrijdende lach! Keihard tegen de zonden, maar vol liefde en mededogen voor de zondaar die zich inzet voor zelfverbetering.

Oef, we kunnen ademen! Laten we even afstand nemen. Terwijl we serieus bezig zijn met onszelf te verbeteren, laat ons goedhartig lachen om onze onvolkomenheden. God heeft ons het leven gegeven en het is prachtig, zolang we maar weten hoe we het moeten benutten!

De Franse humanist, de socialist Jean Jaurès, vermoedelijk een lezer van Erasmus, zei zelfs:

5. Sebastian Brant, Jheronimus Bosch en Het Narrenschip

« Genre-schilderkunst », welke gewone mensen afbeeldt in hun alledaagse activiteiten, ziet de dag met Quinten Matsys (men zou eerder moeten zeggen met het Erasmiaanse paradigma dat we zojuist hebben geïdentificeerd), benadrukt Larry Silver 50, die alzo bevestigt wat Georges Marlier 51 al in 1954 had geschreven.

Enkele jaren voordat Erasmus zijn Lof der Zotheid publiceerde (geschreven in 1509 en al in 1511 in Parijs uitgegeven) 52, opende de humanistische dichter en sociaal hervormer Sebastian Brant (1558-1921) uit Straatsburg het bal van de Socratische lach met zijn Narrenschiff (Het Narrenschip, uitgegeven in 1494 in Bazel, Straatsburg, Parijs en Antwerpen) 53, een hilarisch satirisch werk geïllustreerd door Holbein de Jongere (1497-1543) en Albrecht Dürer (1471-1528), die 73 van de 105 illustraties in de oorspronkelijke uitgave verzorgde.

Het Narrenschip werd een bestseller in heel Europa. De auteur was niet zomaar een simpele satiricus, maar een érudiet humanist wiens vertaling van de gedichten van Petrarca bekend is. 54

Brant was een sleutelfiguur en vriend van Johann Froben (1460-1529) en Johann Amerbach (1441-1513), afkomstig uit Zwitserse drukkersfamilies. Zij verwelkomden later Erasmus, toen de humanist, vervolgd in Leuven en de Lage Landen, gedwongen werd in ballingschap te gaan in Bazel.

Na de heiligen en de vorsten zijn het opeens gewone vrouwen, mannen en kinderen die in de werken verschijnen. Niet meer als « schenkers » die als getuigen aanwezig zijn bij een Bijbels of hemels tafereel, maar vanwege hun eigen kwaliteiten als verdienstelijke menselijke wezens.

Dürer maakte bijvoorbeeld een gravure, zij het enigszins ironisch, van « een kok en zijn vrouw ». 55 In het begin van de 15e eeuw duikt de klassieke Griekse taal terug op in West-Europa; in het begin van de 16de eeuw is het « de man van de straat » die opduikt in kunstwerken.

Met de opkomst van de kleine man, de ambachten en de burgerij verandert fundamenteel de klantenkring van de schilders. De opdrachten komen minder van religieuze orden en rijke kardinalen, meer van welvarende handelaars, burgers, gilden, gemeentes, steden, corporaties, broederschappen en ambachten die hun kapellen en huizen willen verfraaien en hun portretten aan vrienden willen schenken.

De uitbreiding van de Antwerpse markt, waarbij schilderkunst een luxeproduct voor de middenklasse werd, is een goed gedocumenteerd fenomeen. Onderzoek heeft de bewering van Lodovico Guicciardini (1521-1589) 56 bevestigd dat er in de jaren 1560 minstens 300 schilderateliers actief waren in Antwerpen.

Het Narrenschip van Brant was een mijlpaal en een keerpunt, het begin van een nieuw paradigma, van creativiteit, rede en opvoeding door middel van een oprechte, louterende en bevrijdende lach, waarvan de echo nog zeer luid zal weerklinken tot aan de dood van Pieter Bruegel de Oude in 1569. 57

Deze dynamiek kwam in gevaar toen Karel V in 1521 de Inquisitie nieuw leven inblies. Hij voerde de « plakkaten » in om zijn gezag en dat van de kerk te vrijwaren. Dat waren decreten die iedere burger die de Bijbel durfde te lezen en er commentaar op uitbracht, met de dood bestraften.

Het Narrenschip bestaat uit 113 delen. Elk deel, met uitzondering van een korte inleiding en twee afsluitende delen, handelt onafhankelijk van elkaar over een bepaalde klasse zotten, imbecielen of wrede mensen. Slechts af en toe wordt herinnerd aan het basisidee van het schip.

Geen enkele zotheid van de eeuw wordt vergeten. De auteur valt met nobele ijver de fouten en de buitensporigheden van de mens aan.

Het boek begint met de veroordeling van de allergrootste dwaas, degene die weigert de prachtige boeken te lezen die in zijn kas staan. Hij wil zijn hersenpan niet overladen met wijsheid. « Ik heb alles verkregen, » zegt de nar, « van een groot heer die de vermoeidheid van hen die in zijn plaats leren, in baar geld kan betalen. » 58

De derde zotheid (van de 113), die zich aansluit bij de eerste, is hebzucht en gierigheid:

De houten panelen van deze drie schilderijen komen van dezelfde boom, zegt de Duitse specialist Peter Klein.

Deze visie is ook het thema van een drieluik van Jheronimus Bosch dat gedeeltelijk verloren is gegaan. Recentelijk onderzoek heeft aangetoond dat het huidige schilderij van Bosch, Het Narrenschip (Louvre, Parijs), dat mogelijk zelfs werd geschilderd voordat Brant 60 zijn satire schreef, mogelijkerwijs het linkerpaneel is van een drieluik waarvan het rechterpaneel De dood van de vrek (National Gallery, Washington) was. 61

Het interessante aan dit laatste paneel is dat niets fataal is! Zelfs de gierigaard kan tot zijn laatste ademtocht kiezen tussen het opslaan van zijn ogen naar Christus of het neerslaan van zijn ogen naar de duivel!

Dat de mens eeuwig vervolmaakbaar is en dat zijn lot ook afhangt van zijn persoonlijke, vrije wilskeuze, vormde de kern van de leer van de Zusters en Broeders des Gemene Leven, 62 een lekenbeweging van christelijke devotie waarmee Bosch, zonder er lid van te zijn, belangrijke affiniteiten had. Tot op heden blijft her raden naar het onderwerp et de titel van het middenpaneel. Voor het gesloten retabel, denkt men aan een afbeelding van een marskramer die wegloopt van slechte oorden.

Dat is reeds het thema van de buitenpanelen van Boschs drieluik De Hooiwagen. Op het centrale middenpaneel van dit werk ziet men koningen, prinsen en pausen die een kar achtervolgen die geladen is met een gigantische berg hooi (een metafoor voor geld) en door duivels naar de hel worden getrokken.

Het thema van de rondtrekkende marskramer 63 was zeer populair bij de Broeders van het Gemene Leven en de Devotio Moderna. 64 Voor hen, net als voor Augustinus, wordt de mens voortdurend geconfronteerd met een existentiële keuze. Hij bevindt zich voortdurend voor een tweesprong (het bivium). Ofwel kiest hij het moeilijke, rotsige pad dat naar boven loopt en hem dichter bij God brengt, ofwel kiest hij de gemakkelijke weg die naar beneden loopt naar aardse hartstochten, genegenheden, zonde en ondeugd.

Augustinus en later Dionysius de Kartuizer (1403-1471) verwierpen niet de schoonheid van mens en natuur. Ze waarschuwden wel dat we ervan moeten genieten als « een voorproef van de goddelijke wijsheid ». 65

De « marskramer » van Bosch en Patinir is daarom een ​​metafoor voor de mens, die zich permanent onthecht en verder zoekt naar het juiste pad. Bosch schilderde verdwaasde mannen en vrouwen als hersenloze dieren die zich passioneel trachten te verzadigen met kleine vruchtjes zoals kersen, aardbeien en bessen, metaforen voor geld en aardse genoegens. Het bekomen plezier was intens, maar zo vluchtig en onvoldoende, dat men alleen maar dacht, bijna als drugverslaafden, deze ervaring zo snel mogelijk te hernieuwen. Alzo werd de ganse levensloop niets anders dan een permanente wedloop naar plezier dat nooit eindigde in waar geluk.

Hans Holbein de Jongere, illustratie bij Erasmus’ Lof der Zotheid: de Homo Viator, die altijd van de ene naar de andere plaats gaat.

De marskramer gaat « op een slof en een schoen », dat wil zeggen dat hij zijn huis verlaat en de geschapen wereld van zonde (we zien een bordeel, dronkaards, enz.) en alle materiële goederen achter zich laat.

Met zijn « stok » (symbool van geloof) weet hij de « helse honden » (het kwaad) af te weren die hem in de kuiten bijten en hem trachten te weerhouden.

Een illustratie uit een Engels psalmenboek uit de 14e eeuw, het Luttrell Psalter, toont precies dezelfde allegorische voorstelling.

Deze metaforische beelden zijn dus niet het resultaat van een « zieke geest » of een losbandige verbeelding van Jheronimus Bosch, maar citaten van een gemeenschappelijke beeldentaal die we al aantreffen in de marges van verluchte boeken, maar die met Bosch een eigen leven kregen en op de voorgrond kwamen.

Hetzelfde thema, dat van de Homo Viator, de mens die zich onthecht van aardse goederen, komt ook steeds terug in de kunst en literatuur van deze periode, met name sinds de Nederlandse vertaling van De pelgrimstocht van de menselijke ziel, geschreven in 1358 door de Normandische cisterciënzer monnik Guillaume de Degulleville (1295-na 1358).

Christus verandert ons in pelgrims over de hele wereld. Samen met Hem doorkruisen wij de « aardse stad » met als enig doel de « hemelse stad. » Niet langer alleen homo sapiens, maar homo viator, een man op weg naar de hemel.

Hoewel de drie overgebleven delen van Bosch’ drieluik (Het Narrenschip, De dood van de Vrek en De Marskramer) op het eerste gezicht totaal los van elkaar lijken te staan, wordt hun samenhang duidelijk zodra de toeschouwer dit overkoepelende concept identificeert. 66

Voor een hedendaagse kunstenaar, met talent, techniek, humor, ironie en verbeelding, zou het wel eens leuk zijn om het verloren middenpaneel te trachten te schilderen op een passende manier. Het thema is mijns inziens noodzakelijkerwijs de val van de mens die zich niet kan onthechten van aardse goederen, de weg die de toeschouwer leidt van het Narrenschip naar De dood van de vrek.

6. Rederijkers en Landjuweel

De lach van sommigen maakt niet iedereen blij. Spitsige humor en ironie ondermijnen het onrechtmatig gezag van keizers, pausen, bankiers, hertogen en tirannen. Ironie, satire en humor zijn inderdaad de machtigste politieke wapens ooit bedacht. Vervolging, censuur, intimidatie, terreur en bestraffing moeten gedaan maken met humor en ironie.

Ommegang in Antwerpen, schilderij van Erasmus de Bie, museum van Cassel, Frankrijk.

De golf van culturele emancipatie in de Lage Landen, waar Erasmus en Matsys zelf deel van uitmaakten met hun eigen bijdragen, bereikte een hoogtepunt in de tweede helft van de 16de eeuw en lokte een brutale reactie uit.

Het « begin van het einde » van de Spaanse bezetting in de Lage Landen, aldus de historici, kondigde zich aan toen het Landjuweel 67 werd beknot. Al in de 13de en 14de eeuw waren Landjuwelen wedstrijden in de dichtkunst tussen schuttersgilden in het hertogdom Brabant. In de 15de en de 16de eeuw organiseerden de Rederijkers naar dit voorbeeld wedstrijden tussen de kamers.

Elke wedstrijd werd georganiseerd rond een centrale filosofische vraag, een zinne, bijvoorbeeld: “Wat de mens het meest tot de kunst aanzet » (Antwerpen, 1561) of « “wat de mens in het uur van zijn dood de meeste troost biedt” (Gent, 1539). De kamers moesten dan met een toneelstuk, een spel van zinne (waarbij de zinne de gestelde vraag is) een antwoord geven.

Andere wedstrijdcategorieën waren de vermakelijke, kluchtige toneelstukken, esbattementen, liederen en het rebusblazoen. Dat was een soort wapenschild met daarop een rebus. De oplossing van die rebus was een spreuk of een leus.

De louterende werking van catharsis (zuivering) in komedie en satire is algemeen bekend. Geconfronteerd met de angsten van het dagelijks leven of politieke onderdrukking, zorgt humor voor een onmiddellijke emotionele ontlading, terwijl het tegelijkertijd een kritische afstand biedt die zelfverbetering mogelijk maakt.

Louterend lachen, spot en satire werken bevrijdend, hoewel het gevaar bestaat dat ze ons demobiliseren als ze niet worden gevolgd door een oproep tot actie.

Relaas over het Landjuweel van 1561 in Antwerpen. Waar het licht (Lux) schijnt, is er Vrede (Pax), Naastenliefde (Charitas) et Rede (Ratio). Dankzij gematigdheid (Prudentia), Dichtkunst (Rhetorica) en Vindingrijkheid (Inventio), verjagen ze Toorn (Ira), Nijd (Invidia) en Verdeeldheid (Discordia) over de kloof in de Duisternis (Tenebrae). In het midden, de stier (van de Sint-Lukasgilde) met het epigram « Wt ionsten Versaemt » (Uit genegenheid [voor de kunst] samengekomen).

Een absoluut hoogtepunt van volkscultuur in de Lage Landen was het schitterende Landjuweel van 1561 in Antwerpen, op touw gezet door de Antwerpse rederijkerskamer De Violieren. Deze kamer was in feite niets anders dan de letterkundige afdeling van het Sint-Lucasgilde, dat wil zeggen het schildersgilde waarvan Matsys, Patinir, David en andere vrienden van Erasmus leden waren. 68

Veertien kamers van Brabant namen deel. Zo’n 1400 rederijkers te paard, in feestelijk kostuum, met muziek en zang, deden hun intrede in de stad. In de stoet reden 23 praalwagens en 200 andere rijtuigen.

Toneel, dichtkunst, muziek en schilderkunst hadden eenzelfde beeldentaal. Een van deze « punten » (sierlijk opgetuigde praalwagens met allegorisch-moralizerende voorstellingen) gedurende de Onze-Lieve-Vrouwe-ommegang van Antwerpen in 1563 werd omschreven als het soort hooiwagen dat Bosch centraal stelde in zijn schilderij De Hooiwagen (1501, Madrid), een allegorie voor het ziekelijk streven naar « aards gewin » :

Frans Hogenberg (?) De hooiwagen, ets uitgegeven door Bartholomeus de Mompere, Koninklijke bibliotheek, Brussel.

Hetzelfde thema staat ook centraal in een gravure van Frans Hogenberg van 1559. Op deze prent is het volk rondom de hooiwagen in groepjes verdeeld en voorzien van bijschriften. Zo staat bij een van deze groepjes te lezen:

Podium voor de toneelstukken gedurende het Landjuweel van 1561 in Antwerpen.

De toneelvoorstellingen vinden plaats op een fraai versierd houten podium op de Grote Markt, voor de werf van het nieuwe stadhuis. Het is ontworpen door Cornelis II Floris de Vriendt (1514-1575). De inleidende spelen zijn geschreven door de « factor » van de Violieren, Willem van Haecht (c. 1530-1585).

Het spel van zinnen moet een antwoord geven op de vraag “wat de mens het meest tot de kunst aanzet”. Twee honderd jaar voor Immanuel Kant en Friedrich Schiller, beschouwde men de opwaardering van kunst als belangrijk instrument voor humanisering en politieke ontvoogding.

Het Landjuweel en de Ommegang waren volksfeesten waar « alles mocht », waar de « kleine man » met satires, vermommingen en spotliederen de verdrukker mocht beschimpen en voor de zot houden en alzo, al was het voor een héél kort moment, het juk van Spanje wat draagbaarder werd.

De meeste allegorische toneelstukken die werden opgevoerd, waren bijtende satires tegen de paus, monniken, aflaten, pelgrimstochten, enzovoort.

Zodra ze verschenen, werden ze verboden, en het was niet zonder reden dat het landjuweel van 1561 later werd aangehaald als het eerste (en het laatste) dat de literaire wereld ophitste ten gunste van de protestantse reformatie. Omdat deze werken verre van gunstig waren voor het Spaanse regime, beval de hertog van Alba hun afschaffing door de Index van 1571 en later verbood de regering zelfs theatervoorstellingen van retorische genootschappen.

B. Quinten Matsys, biografische elementen

Nu we vertrouwd zijn met de belangrijkste filosofische en culturele problematiek van zijn tijd, kunnen we met een gerust hart het leven 71 van Matsys en enkele van zijn werken onderzoeken.

1. Van smid tot schilder

Quinten Matsys, penning met zelfportret.

Volgens de Historiae Lovaniensium van Joannes Molanus (1533-1585) werd Matsys geboren in Leuven tussen 4 april en 10 september 1466, als een van de vier kinderen van Joost Matsys (overleden 1483) en Catherine van Kincken.

De meeste verslagen over zijn leven vervlechten feiten en fabels. 72 De archieven zijn gierig aan sporen van zijn activiteiten of karakter.

In Leuven zou Quinten bescheiden zijn begonnen als kunstsmid. Volgens de legende werd hij verliefd op een mooi meisje, dat ook het hof werd gemaakt door een schilder. Het meisje gaf de voorkeur aan schilders boven smeden. Quinten zou het aambeeld al snel hebben ingeruild voor het penseel, aldus de legende.

De kroniekschrijver Karel Van Mander geeft een ander verhaal. Hij schreef in 1604 dat Quinten, die al sinds zijn twintigste jaar zwak en ziek was, in werkelijkheid « niet in staat was zijn brood te verdienen » als kunstsmid. Van Mander herinnert zich dat, op het moment van de feestvieringen van Vastenavond (Mardi Gras),

Karel Vereycken, Antwerpen. Ets op zink. Terwijl de reus Antigoon de haven bedreigt.

In Antwerpen, voor de Onze-Lieve-Vrouwekathedraal, op de Handschoenmarkt, kan men nog steeds de « putkevie » (versierd smeedijzeren hek op een waterput) vinden. Deze zou door Quinten Matsys zelf zijn gemaakt en stelt de legende van Silvius Brabo en Druon Antigoon voor. Dit zijn respectievelijk de namen van een mythische Romeinse officier die Antwerpen bevrijdde van de onderdrukking door een reus genaamd Antigoon. De reus Antigoon schaadde de handel in de stad door de toegang tot de rivier te blokkeren. Brabo kapte Antigoons hand af en wierp het in de Schelde.

Het opschrift op de waterput luidt: “Dese putkevie werd gesmeed door Quinten Matsijs. De liefde maeckte van den smidt eenen schilder.”

De archieven betreffende de bezittingen van Joost Matsys, de vader van Quinten, die smid en klokkenmaker was in de stad, tonen aan dat het gezin over een behoorlijk inkomen beschikte en dat financiële noodzaak niet de meest waarschijnlijke reden was waarom Matsys zich tot het schilderen wendde.

In 1897 schreef Edward van Even 74, zonder enig bewijs te leveren, dat Matsys ook muziek componeerde, gedichten schreef en gravures maakte.

Quinten Matsys, Maria met Kind op de troon met vier engelen, 1505, National Gallery, Londen.

Hoewel er geen bewijs is van een opleiding die Quinten Metsys heeft gehad vóór zijn inschrijving als vrij meester bij het Antwerpse schildersgilde in 1491, doen de bouwplannen van zijn broer Joos Matsys II in Leuven en de activiteiten van hun vader vermoeden dat de jonge kunstenaar binnen eigen familie leerde tekenen en zijn ideeën op papier zetten. Deze zou hem ook voor het eerst in aanraking hebben gebracht met architecturale vormen 75 en hun creatief gebruik.

Vooral uit zijn vroege werken blijkt duidelijk dat hij is opgeleid als bouwkundig tekenaar. Op zijn schilderij Madonna en kind op troon met vier engelen (1505, National Gallery, Londen) zitten de goddelijke figuren op een vergulde troon, waarvan de gotische omkadering lijkt op die van het raam op de tekening op perkament en het kalkstenen model van het Sint-Pietersproject, waaraan zijn broer ongeveer in dezelfde tijd heeft gewerkt.

Quinten Matsys, bronzen medaille met de beeltenis van Erasmus.

Wat wel zeker is, is dat de kunstenaar prachtige bronzen medaillons heeft gemaakt waarop Erasmus, zijn zus Catarina en hijzelf zijn afgebeeld.

Rond 1492 trouwde onze schilder met Alyt van Tuylt die hem drie kinderen gaf: twee zonen, Quinten en Pawel, en een dochter, Katelijne. Alyt stierf in 1507 en Quinten hertrouwde een jaar later.

Nadien, met zijn nieuwe vrouw Catherina Heyns kreeg hij nog tien kinderen, vijf zonen en vijf dochters.

Kort na de dood van hun vader werden twee van zijn zonen, Jan (1509-1575) en Cornelis (1510-1556) 76 op hun beurt schilder en lid van het Antwerpse Gilde.

2. Het Hertogdom Brabant

Leuven, Stadhuis en Sint-Pieterskerk (rechts).

Leuven was destijds de hoofdstad van het hertogdom Brabant, dat zich uitstrekte van Luttre, ten zuiden van Nijvel, tot ‘s-Hertogenbosch (het huidige Nederland). Tot deze regio behoorden de steden Aalst, Antwerpen, Mechelen, Brussel en Leuven, waar in 1425 een van de eerste universiteiten van Europa werd gesticht. Vijf jaar later, in 1430, erfde Filips de Goede van Bourgondië samen met de hertogdommen Neder-Lotharingen en Limburg, Brabant, dat deel uitmaakte van de Bourgondische Nederlanden. 77

In 1477, toen Matsys ongeveer 11 jaar oud was, viel het hertogdom Brabant onder Habsburgse heerschappij als deel van de bruidsschat van Maria van Bourgondië toen ze trouwde met Maximiliaan van Oostenrijk.

De latere geschiedenis van Brabant maakt deel uit van de geschiedenis van de Habsburgse « Zeventien Provinciën », die steeds meer onder controle kwamen van Augsburgse bankiersfamilies zoals de Fuggers 78 en de Welsers.

Als het tijdperk van Erasmus en Matsys een voorspoedige periode van de « Noordelijke Renaissance » was, dan werd het ook gekenmerkt door steeds grotere inspanningen van bankiersfamilies om het pausschap te « kopen » om zo de wereld te kunnen domineren.

De geopolitieke verdeling van de hele wereld (en haar grondstoffen) tussen het Spaanse Rijk (geregeerd door Venetiaanse bankiers) en het Portugese Rijk (onder leiding van Genuese bankiers) werd bezegeld door het Verdrag van Tordesillas, een akkoord dat in 1494 in het Vaticaan werd bekrachtigd door paus Alexander VI Borgia. Dit verdrag opende de deur voor de koloniale onderwerping van vele volkeren en landen, allemaal in naam van een zeer twijfelachtig gevoel van culturele en religieuze superioriteit.

Na herhaaldelijke staatsbankroeten werden de bewoners van de Lage Landen het doelwit van brutale economische en financiële plundering. De Fuggers leenden heel veel geld, zowel aan de keizer als de paus. Maar om nieuwe financieringen te verkrijgen, moesten de oudere worden terugbetaald. Door Luther, die steeds meer pleitte voor een breuk met Rome, overmatig te demoniseren, ontweek de heersende macht de prangende vragen die Erasmus en Thomas More stelden. Zij eisten dringende hervormingen om misbruik en corruptie binnen de katholieke kerk en de staat uit te roeien.

Het is niet ondenkbaar dat de abrupte weigering van paus Clemens VII om de eisen van Hendrik VIII voor een echtscheiding te honoreren, deel uitmaakte van een algehele strategie om het hele Europese continent in godsdienstoorlogen te storten, waaraan pas in 1648 een einde kwam met de Vrede van Westfalen ook wel Vrede van Münster genoemd.

3. Formatie: Memling, Bouts of Van der Goes?

De vroege, grote drieluiken die Matsys schilderde, leverden hem veel lof. Historici beschrijven hem als « een van de laatste Vlaamse primitieven ». Maar dat was in die tijd eigenlijk een spotnaam, gebruikt door Michelangelo 79 om alle niet-Italiaanse kunst, die hij als « gotisch » (barbaars) of « primitief » beschouwde, in wezen in diskrediet te brengen in vergelijking met de Italiaanse kunst die de ware antieke stijl imiteerde.

Omdat Matsys in Leuven werd geboren, is gesuggereerd dat hij zijn opleiding heeft genoten bij Aelbrecht Bouts (1452-1549), de zoon van de destijds dominante schilder in Leuven, Dieric Bouts de Oude (ca. 1415-1475). 80

In 1476, een jaar na de dood van zijn vader, zou Aelbrecht Leuven hebben verlaten om zijn opleiding te vervolgen bij een meester buiten de stad, hoogstwaarschijnlijk Hugo van der Goes (1440-1482), 81 wiens invloed op Aelbrecht Bouts, maar ook op Quinten Matsys, aannemelijk lijkt.

Van der Goes, die in 1474 deken werd van het schildersgilde van Gent en in 1482 overleed in het Rood Klooster bij Brussel, was een vurig aanhanger van de Broeders van het Gemene Leven en hun principes. 82

Als jonge assistent van Aelbrecht Bouts, zelf een leerling van Van der Goes, had Matsys de bakermat van het christelijk humanisme kunnen ontdekken.

Het bekendste werk van Van der Goes is het Portinari-drieluik (Uffizi, Florence), een altaarstuk dat Tommaso Portinari, hoofd van het Brugse filiaal van de Medici-bank, in opdracht van de kerk van Sant’Egidio in het ziekenhuis Santa Maria Nuova in Florence maakte.

De ruwe trekken van de drie herders (die elk een van de door de Broeders des Gemene Levens voorgeschreven stadia van spirituele verheffing uitdrukten 83) in de compositie van Van der Goes maakten diepe indruk op de schilders die in Florence werkten.

Quinten Matsys, Portret van Jacob Obrecht, 1496.

Matsys wordt ook beschouwd als een mogelijke leerling van Hans Memling (1430-1494), zelf een leerling was van Van der Weyden (1400-1464) 84 en een vooraanstaand schilder in Brugge.

De stijl van Memling en die van Matsys lijken zo veel op elkaar dat het moeilijk is om ze te onderscheiden.

Terwijl de Vlaamse kunsthistoricus Dirk de Vos in zijn catalogus van het werk van Hans Memling uit 1994 het portret van de musicus en componist Jacob Obrecht 85 (1496, Kimbell Art Museum, Fort Worth) beschreef als een zeer laat werk van Hans Memling, konden hedendaagse experts, waaronder Larry Silver 86, in 2018 vaststellen dat het veel waarschijnlijker is dat het portret het vroegst bekende werk van Quinten Matsys is.

Obrecht, die een grote invloed had op de Vlaamse polyfone (meerstemmige) en contrapuntische muziek uit de Renaissance, werd in 1492 benoemd tot koorleider van de Onze-Lieve-Vrouwekathedraal in Antwerpen. Rond 1476 was Erasmus toevallig een van Obrechts koorknapen.

Obrecht bezocht Italië minstens twee keer, in 1487 op uitnodiging van hertog Ercole d’Este I van Ferrara 87 en nadien, in 1504. Ercole had Obrechts muziek gehoord, waarvan bekend is dat deze tussen 1484 en 1487 in Italië circuleerde, en had verklaard dat hij deze meer waardeerde dan de muziek van alle andere componisten van zijn tijd; Daarom nodigde hij Obrecht uit. De componist overleed later in Italië aan de pest.

Al in de jaren 1460 reisde Erasmus’ leraar in Deventer, de componist en organist Rudolph Agricola (1443-1483), 88 naar Italië. Nadat hij burgerlijk recht had gestudeerd in Pavia en lessen had gevolgd bij de Italiaanse pedagoog Battista Guarino (1434-1505), vertrok hij naar Ferrara, waar hij een protegé werd van het hof van Este.

Rond 1499 maakte Leonardo een tekening van Ercole’s dochter, Isabella d’Este. Op de basis van die tekening, denken sommigen dat zij dezelfde persoon is als de Mona Lisa.

4. Debuten in Antwerpen en in het buitenland

Matsys werd in 1491 in Leuven ingeschreven, maar werd datzelfde jaar ook als meester-schilder toegelaten tot het Sint-Lucasgilde van Antwerpen. Op vijfentwintigjarige leeftijd besloot hij zich in de havenstad te vestigen. Hij schilderde er, zoals gezegd, in 1496 de kapelmeester Jacob Obrecht, zijn eerste bekende werk, en verschillende devotionele schilderijen met als onderwerp de Maagd Maria en het Kind.

Omdat de Liggeren (registers van de schildersgilden) geen informatie bevatten over Matsys’ activiteiten in de Lage Landen over een periode van meerdere jaren, is het verleidelijk om te veronderstellen dat Matsys een reis ondernam naar Italië. 89

Daar had hij grote meesters kunnen ontmoeten. Da Vinci woonde tussen 1482 en 1499 in Milaan en keerde daar in 1506 terug. Het is in Milaan waar Da Vinci zijn leerling Francesco Melzi (1491-1567) ontmoette, die hem vervolgens naar Frankrijk vergezelde. Matsys kan ook Colmar of Straatsburg hebben bezocht, steden die ook bezocht werden door Albrecht Dürer, een kunstenaar met wie hij blijkbaar vertrouwd was voor zijn komst in 1520 in onze gewesten.

Voor de Belgische kunsthistoricus Dirk de Vos (1943-2024), oud-conservator van het Groeningemuseum, was een reis naar Italië niet alleen mogelijk maar hoogstwaarschijnlijk:

Dürer werd door zijn ouders naar Colmar in de Elzas gestuurd om daar een opleiding in de graveerkunst te volgen bij Martin Schongauer (1450-1491), veruit de meest bekwame graveur van zijn tijd. 91

Maar toen Dürer in de zomer van 1492 in Colmar aankwam, was Schongauer al overleden. Vanuit Colmar vertrok de kunstenaar naar Bazel, waar hij houtsneden maakte om boeken te illustreren en de indrukwekkende gravures van Jacob Burgkmair (1473-1531) en Hans Holbein de Oude (1460-1524) ontdekte. 92

Vervolgens ging hij naar Straatsburg, waar hij de hierboven genoemde erudiete dichter en humanist Sebastian Brant ontmoette en een portret van hem tekende.

C. Geselecteerde werken

1. De Maagd en het Kind, goddelijke genade en vrije wilskeuze

In 1495 schilderde Matsys Maria met Kind (Brussel). Hoewel het werk nog steeds zeer normatief is, verrijkt Matsys de devotionele beeldentaal met minder formele scènes uit het dagelijks leven. Het Kind, dat op speelse wijze nieuwe natuurkundige principes verkent, probeert onhandig de bladzijden van een boek om te slaan, terwijl een zeer ernstige Maagd Maria in een nis in gotische stijl zit, die ongetwijfeld is gekozen om aan te sluiten bij de architectuur en stijl van de zaal of kapel waar het schilderij geplaatst moest worden.

In een andere Maria met Kind (Rotterdam) gaat Matsys nog verder in deze richting. Men ziet er een zorgzame en gelukkige jonge moeder met een speels kind, zoon van God, maar ook zoon van de Mens. In een opstelling vlakbij de toeschouwer bemerkt men een brood en een kom melksoep met een lepel. Dit is ongetwijfeld een alledaags tafereel voor de meeste mensen van die tijd. God is niet alleen aanwezig in de kerk, maar in ons dagelijks bestaan.

Gérard David, Maagd met Kind en melksoep, 1520, Brussel.

In zijn Madonna met kind en melksoep (Brussel), dat Matsys’ vriend Gerard David (1460-1523) schilderde in 1520, toont hij met grote tederheid een jonge moeder die haar kind aanleert dat de achterkant van een lepel niet de beste manier is om de soep vanuit de kom in de mond te brengen!

Veel schilderijen over dit thema, zowel van Quinten Matsys (Maria met Kind, Louvre, 1529, Parijs) als van Gerard David (Rust tijdens de vlucht naar Egypte, National Gallery, Washington), tonen een kind dat met enorme inspanning doet om enkele druiven, kersen of ander fruit te bemachtigen.

In 1534 gebruikt Erasmus in zijn De libero arbitrio sive collatio (Gesprek of verzameling uitspraken over de vrije wilskeuze) dezelfde metafoor voor het fragiele evenwicht dat centraal staat in de verhouding tussen de vrije wil (die, los van een hoger doel, op zichzelf pure arrogantie kan worden) en de goddelijke genade (die als loutere voorbestemming kan worden geïnterpreteerd).

Om dit ​​onderwerp, dat men zou denken dat alleen voor theologen is bestemd, voor zoveel mogelijk mensen toegankelijk te maken, gebruikt Erasmus een heel eenvoudige metafoor, vol tederheid en schoonheid:

Jan Matsys, Maria met kind, 1537, Metropolitan, New York.

Kortom, de vrije wilskeuze van de mens, welke Erasmus verdedigt, is essentieel, maar zonder God gaat de mens niet ver.

2. Altaarstuk van Sint-Anna

De op het paneel geschilderde « portiek » (in twee dimensies) lijkt één geheel te hebben gevormd met de oorspronkelijke driedimensionale kader, die inmiddels verloren is gegaan.
Quinten Matsys, Broederschap van Sint-Anna (Brussel)

In Antwerpen beleefde Matsys’ activiteit een grote doorbraak met de eerste grote publieke bestellingen voor twee grote drieluik-altaarstukken:

  • Het Drieluik van de Broederschap van Sint-Anna (1507-1509, Museum van Brussel), gesigneerd “Quinten Metsys screef dit”;
  • Het Altaarstuk van het schrijnwerkersambacht (ook wel Nood Gods of Bewening van Christus genoemd, naam van het middenpaneel) (1507-1508, Museum van Antwerpen), geschilderd voor de kapel van het timmermansgilde in de kathedraal van Antwerpen, een werk dat grotendeels is geïnspireerd op de Kruisafname van Rogier Van der Weyden (Prado, Madrid). Johannes de Doper en Johannes de Evangelist, die verschijnen wanneer het drieluik gesloten is, zijn de patroonheiligen van de kerk.

Sint-Anna drieluik

Het thema en de iconografie van het Sint-Anna-drieluik werden, zoals gebruikelijk, volledig aan de schilder gedicteerd door de broederschap van Sint-Anna van Leuven, die hem deze opdracht gaf voor hun kapel in de Sint-Pieterskerk in dezelfde stad.

Het middenpaneel toont het verhaal van de familie van Sint-Anna, in een monumentaal gebouw met een afgeknotte koepel en een marmeren booggewelf die een breed uitzicht bieden op een bergachtig landschap. Het altaarstuk vertelt in vijf scènes het leven van Anna, de moeder van Maria, en haar man Joachim. Op het middenpaneel zijn de verschillende familieleden van de heilige afgebeeld.

De belangrijkste gebeurtenis in het leven van Anna en haar man Joachim, namelijk dat zij de ouders zouden worden van de Maagd Maria, terwijl zij zelf dachten dat zij geen kinderen konden krijgen, wordt afgebeeld op het linker- en rechterpaneel van het drieluik.

De kuise kus

De « onbevlekte ontvangenis » van Sint-Anna, moeder van Maria, uitgebeeld door de afbeelding van een « kuise kus » tussen de twee echtelieden (Anna en Joachim) voor de Gouden Poort van de muur van Jeruzalem, is een immens populair onderwerp in de geschiedenis van de schilderkunst, van Giotto tot Dürer.

Daarom werd het al snel getransformeerd naar de « onbevlekte ontvangenis » van Christus zelf. Vandaar dat er plotseling schilderijen verschenen waarop Maria « kuis » (maar toch op de lippen) haar kindje Jezus kuste.

De altaarstukkencyclus eindigt met de dood van Anna, die op het rechterbinnenpaneel is afgebeeld, omringd door haar kinderen en waar Christus zijn zegen geeft.

Ondanks de indrukwekkende omvang van dit werk en de conventionele verhaallijn, slaagt Matsys erin een vrijer en intiemer gevoel van contemplatie te creëren. Een voorbeeld hiervan is het neefje van Jezus in de linkerhoek, die plezier heeft in het verzamelen van heiligenbeeldjes en die, volledig geconcentreerd, probeert ze te lezen.

3. Een nieuw perspectief

In twee andere geschriften 94 heb ik aangetoond dat, in hun werk, zowel de Vlaamse schilder Jan Van Eyck 95 als de Italiaanse beeldhouwer en bronsgieter Lorenzo Ghiberti 96 zich vertrouwd hebben gemaakt met de « Arabische optica », in het bijzonder de wetenschappelijke werken van Ibn al-Haytham 97 (bekend onder zijn Latijnse naam Alhazen).

Tijdens de Renaissance probeerden verschillende scholen, met verschillende en soms tegenstrijdige benaderingen, de beste manier te vinden om drie dimensionele ruimte weer te geven door middel van perspectief.

Vanaf het begin van de 15e eeuw, voortbouwend op het werk van de Franciscanen van Oxford (Roger Bacon, Grosseteste, enz.), was er een school die uitging van de menselijke fysiognomie (twee ogen die een beeld creëren in de geest van de toeschouwer). In plaats van een mono-focaal (cyclopisch) model, hebben zijn, gebaseerd of Alhazen, een perspectief bedacht met twee centrale vluchtpunten (bi-focaal perspectief).

Dit perspectief is duidelijk herkenbaar in zekere werken van Van Eyck en Lorenzo Ghiberti, waarbij laatstgenoemde zelf wetenschappelijke teksten van Alhazen vertaalde in het Italiaans en opnam in zijn handboek voor schilders, de Commentarii, welke door Da Vinci werden geraadpleegd tijdens zijn opleiding in het atelier van Verrocchio, zelf een leerling van Ghiberti.

Een andere school, die verbonden is met Leon Battista Alberti, 98 beweerde dat « juist » perspectief, dat puur geometrisch en wiskundig is, een beroep doet op een uniek « centraal vluchtpunt ».

Ten slotte probeerde een derde school, die van Jean Fouquet in Frankrijk en Leonardo da Vinci, een curvilineair (kromlijnig) perspectief te hanteren, waarbij de beperkingen van het Albertiaanse model worden overkomen en de vervormingen vermeden.

In de moderne tijd wilden de volgelingen van Descartes en Galileo absoluut aantonen dat hun model van de lege ruimte geboren was in de Renaissance, met het Albertiaanse model. Zij beweerden dus dat alle andere benaderingen het werk was van boerse en onwetende « primitieven ».

Een onschatbare ontdekking

Zoals eerder vermeld, werkt het Gentse Interdisciplinair Centrum voor Kunst en Wetenschap (GICAS) sinds 2007 aan een nieuwe « Catalogue raisonné » van het werk van Quinten Matsys. In dit kader onderzochten Jochen Ketels en Maximiliaan Martens 99 in 2010 het Anna-altaarstuk van Matsys en de indrukwekkende Italiaanse portiek van het middenpaneel.

Laten we niet vergeten dat het geschilderde deel (in twee dimensies) op het centrale luik door de kunstenaar zo was ontworpen dat het harmonieus aansloot op een grote houten constructie (in drie dimensies) die als kader diende. Deze constructie is helaas verloren gegaan, maar we weten van zijn bestaan dankzij tekeningen.

Infrarood benadrukte ook het bestaan,

Nog interessanter,

Albrecht Dürer, gebaseerd op Piero della Francesca.

In dit verband is het interessant om op te merken dat een van de weinige personen die op enig moment contact heeft gehad met Matsys en die Piero della Francesca‘s verhandeling103 over perspectief heeft gelezen en bestudeerd, niemand minder is dan Albrecht Dürer, wiens Vier boeken over de menselijke verhoudingen (1528) voortbouwt op Piero’s revolutionaire benadering.

Wat Dürer de « transfer-methode » van Piero noemt, zou later de basis vormen voor de projectieve meetkunde, met name aan de École Polytechnique onder leiding van Gaspard Monge, de belangrijkste wetenschap die de Industriële Revolutie mogelijk maakte.

De onderzoekers controleerden ook Matsys’ gebruik van het centrale vluchtpunt-perspectief met behulp van de « kruisverhouding-methode ».

Verbaasd, omdat het volgens de leer van de beste scholen onmogelijk zou zijn, stellen ze het volgende vast:

Tot nu toe werd aangenomen dat de perspectiefwetenschap pas in de Lage Landen doordrong na de reis van Jan Gossaert naar Rome in 1508. Matsys, die blijk gaf van een meesterlijke en uitgebreide kennis van de perspectiefwetenschap, begon echter al in 1507 met de opbouw van dit werk.

4. Matsys’ samenwerking met Joachim Patinir en Albrecht Dürer

Antwerpen, Grote Markt met gildehuizen.
Albrecht Dürer, portret van Joachim Patinir.

Een laatste opmerking over dit schilderij: het bergachtige landschap achter de figuren doet denken aan de typische en verontrustende landschappen van Matsys’ vriend Joachim Patinir (1480-1524), een andere weinig bekende maar grote kunstenaar in de geschiedenis van de schilderkunst.

In zijn tijd was Patinir’s vermaardheid niet klein. Felipe de Guevara, vriend en artistiek adviseur van Karel V en Filips II, noemt Patinir in zijn Commentaren op de schilderkunst (1540) als één van de drie grootste schilders van de regio, samen met Rogier van der Weyden en Jan van Eyck.

Patinir leidde een grote werkplaats met assistenten in Antwerpen. Onder degenen die onderhevig zijn aan de drievoudige invloed van Bosch, Matsys en Patinir, de volgende namen:

  • Cornelis Matsys (1508-1556), zoon van Quinten, die trouwde met de dochter van Patinir;
  • Herri met de Bles (1490-1566), actief in Antwerpen, mogelijke neef van Patinir;
  • Lucas Gassel (1485-1568), actief in Brussel en Antwerpen;
  • Jan Provoost (1465-1529), actief in Brugge en Antwerpen;
  • Jan Mostaert (1475-1552), schilder werkzaam in Haarlem;
  • Frans Mostaert (1528-1560), schilder actief in Antwerpen;
  • Jan Wellens de Cock (1460-1521), schilder actief in Antwerpen;
  • Matthijs Wellens de Cock (1509-1548), schilder-graveur werkzaam in Antwerpen;
  • Hieronymus (Wellens de) Cock (1510-1570), schilder-graveur, die samen met zijn vrouw de Antwerpse uitgeversbedrijf In de Vier Winden oprichtte, destijds waarschijnlijk de grootste ten noorden van de Alpen, waar Pieter Bruegel de Oude werkzaam was.
Cornelis Matsys, De blinde leidt de blinde (1550). Afmetingen: 4,5 x 7,8 cm. Gravure die Pieter Brueghel de Oude inspireerde tot zijn eigen schilderij over dit thema in 1558.

Het is algemeen aanvaard dat Quinten Matsys de figuren in enkele van Patinir’s landschappen heeft geschilderd. Volgens de inventaris van het Escorial uit 1574 was dit het geval voor De verzoekingen van de Heilige Antonius (1520, Prado, Madrid).

Maar deze samenwerking kwam beide vrienden tegoed: Patinir ontwierp landschappen voor de werken van Matsys op diens verzoek. Deze realiteit ondermijnt enigszins de hardnekkige mythe van een Renaissance die wordt geprezen als het begin van competitief individualisme.

Dat Matsys en Patinir een hechte band hadden, blijkt wel uit het feit dat Matsys, na Patinirs vroege dood, de voogd werd van zijn twee dochters. Interessant is ook dat Gerard David, die na Memling de belangrijkste schilder in Brugge werd, in 1515 samen met Patinir lid werd van het Sint-Lucasgilde in Antwerpen, wat hem het recht gaf zijn werk te verkopen, niet alleen in Brugge, maar tevens op bloeiende Antwerpse kunstmarkt.

Moderne kunsthistorici beschouwen Patinir vaak als de vader en « uitvinder » van de landschapsschilderkunst. Ze beweren dat religieuze onderwerpen voor hem slechts een voorwendsel waren om te laten zien wat hem werkelijk interesseerde: landschappen. Men legt ook uit dat Rubens Adam en Eva schilderde alleen maar omdat hij graag naakten schilderde (en verkocht). Voor Rubens was dat misschien zo, maar voor Patinir ligt het duidelijk anders. Zoals de kunsthistoricus Reindert L. Falkenberg heeft aangetoond, 105 waren zijn « prachtige » landschappen niets meer zijn dan een soort geraffineerde, heel aantrekkelijke duivelse valstrik. De schoonheid van de wereld, een duivelse schepping volgens Patinir, bestaat enkel om mensen te verleiden en hen te laten bezwijken voor de zonde…

Ontmoeting met Albrecht Dürer

Hendrik Leys, Dürers bezoek aan Antwerpen, 1855, Antwerpen.

Dürers reisdagboek 106 van zijn bezoek in de Lage Landen is een trouwe bron van informatie.

Waarom kwam Dürer naar Brabant? Een mogelijke verklaring is dat de kunstenaar, na de dood van zijn belangrijkste opdrachtgever, keizer Maximiliaan I, zijn pensioen wou laten uitbetalen door Karel V.

Dürer kwam op 3 augustus 1520 in Antwerpen aan en bezocht Brussel en Mechelen, waar hij werd ontvangen door Margaretha van Oostenrijk (1480-1530), de tante van Karel V. Ze was verantwoordelijk voor het bestuur van de Bourgondische Nederlanden zolang Karel nog te jong was. Soms luisterde ze naar Erasmus, maar ze hield ook afstand.

In Mechelen bezocht Dürer zeker het prachtige paleis van Hieronymus (Jeroen) van Busleyden (1470-1517), de beschermheer die Erasmus de financiële steun gaf om in 1517 in Leuven het “Dry Tonghen College” op te richten. 107 Een grondige kennis van Latijn, Grieks en Hebreeuws, zou zowel misverstanden die het resultaat waren van slechte vertalingen, als religieuze conflicten kunnen vermijden, dacht Erasmus. Busleyden was een vriend van de bisschop van Londen, Cuthbert Tunstall (1475-1559), die hem voorstelde aan Thomas More (1478-1535).

Tijdens zijn verblijf bij Margaretha kon Dürer een prachtig schilderij uit haar collectie bewonderen: Het Arnolfini-echtpaar (1434) van Jan van Eyck.

Margaretha had net een pensioen toegekend aan de Venetiaanse schilder Jacopo de’ Barbari (1440-1515), 108 een diplomaat en politieke balling in Mechelen die een portret schilderde van Luca Pacioli (1445-1514), de Franciscaan die de Griekse teksten van Euclides aan Leonardo da Vince verklaarde. Pacioli was ook de auteur van De Divina Proportione (1509) (De Gulden Snede), een werk dat Da Vinci rijkelijk illustreerde.

De’ Barbari wordt door verschillende van zijn tijdgenoten vermeld, namelijk Dürer, Marcantonio Michiel (1584-1552) en Gerard Geldenhauer (1482-1542).

In 1504 ontmoette De’ Barbari Dürer in Neurenberg en ze bespraken de canon van de menselijke proporties, een centraal thema in het onderzoek van laatstgenoemde. 109 Uit een ongepubliceerd manuscript van Dürers verhandeling blijkt dat de Italiaan niet bereid was zijn bevindingen te delen:

Volgens de archieven was de’ Barbari in maart 1510 in dienst van aartshertogin Margeretha in Brussel en Mechelen. In januari 1511 werd hij ziek en schreef een testament. In maart kende de aartshertogin hem een ​​levenslang pensioen toe. Hij stierf in 1516 en liet de aartshertogin een serie van 23 gravureplaten na. Maar wanneer Dürer haar vroeg ​​om hem een ​​aantal van De’ Barbari’s geschriften over menselijke proporties te overhandigen, wijst ze zijn verzoek beleefd af. 111

De duitse historicus Matthias Mende is van mening dat:

Uit het reisdagboek van Dürer blijkt hoe hartelijk hij door zijn lokale collega’s werd ontvangen. 113

In Antwerpen schreef hij in zijn reisdagboek: « Ik ging Quinten Matsys in zijn huis opzoeken. » In dezelfde stad schetste hij een portret van Lucas van Leyden (1489-1533) 114 en vervaardigde hij het beroemde portret van de 93-jarige man die later als model zou dienen voor zijn Sint-Hiëronymus.

Hij ontmoet Erasmus minstens drie keer en tekent, schildert of graveert portretten die wederzijdse medeplichtigheid uitstralen. Erasmus gaf Dürer de opdracht omdat hij een groot aantal portretten nodig had om naar zijn correspondenten over heel Europa te sturen. Zoals hij in zijn dagboek aangeeft, schetste Dürer Erasmus tijdens deze ontmoetingen meerdere malen met houtskool. Zes jaar later zou hij er een wat onhandig gegraveerd portret van maken.

Hans Schwartz, portret van Dürer, bronzen medaillon, 1520.

Ter gelegenheid van zijn tweede huwelijk, op 5 mei 1521, nodigde Patinir Dürer uit. Het is niet bekend wanneer en hoe hun vriendschap ontstond, of dat het gewoon toevallig was. De Meester van Neurenberg schetste een portret van Patinir en noemde hem « der gute Landschaftsmaler » (de goede landschapsschilder). Daarmee bedacht hij een nieuw woord voor wat een nieuw genre zou worden.

Tijdens het huwelijksfeest maakte hij kennis met Jan Provoost (1465-1529), Jan Gossaert (de Mabuse) (1462-1533) en Bernard van Orley (1491-1542), de twee laatste, populaire schilders aan het hof van Mechelen.

Maar Provoosts De vrek en de dood. (1515, Brugge) is duidelijk geïnspireerd door Erasmus.

Jan Provoost, De vrek en de dood, circa 1515, Groeningenmuseum, Brugge.

De dichter, hoogleraar Latijn en filoloog Cornelis de Schryver (Grapheus) (1482-1558), medewerker van Erasmus’ drukker in Leuven en Antwerpen, Dirk Martens, is een figuur die Dürer in contact kon brengen met de schilders van Antwerpen, een stad waarvan hij in 1520 secretaris was.

Drukkers en uitgevers speelden een belangrijke rol in de Renaissance. Ze fungeerden als bemiddelaars tussen intellectuelen en geleerden enerzijds en illustratoren, graveurs, schilders en ambachtslieden anderzijds. Net als Dürer zelf voelde Grapheus zich aangetrokken tot de ideeën van de Reformatie, waarvan Luther en Erasmus de leiders waren. Grapheus heeft Dürer een exemplaar bezorgt van Luthers De Captivitate (Over de Babylonische gevangenschap van de kerk), een must-read voor iedereen die geïnteresseerd is in de toekomst van het christendom.

Net als Erasmus en vele andere humanisten was Dürer te gast bij Quinten Matsys in diens prachtige huis aan de Schuttershofstraat, versierd met Italiaanse ornamenten (guirlandes van bladeren, bloemen of vruchten) en decoratieve en symmetrische motieven van lijnen en figuren).

Nicaise de Keyser, de ontmoeting tussen Dürer en Matsys (onder toeziend oog van Thomas More en Erasmus), Antwerpen.

Een geïdealiseerde weergave van de ontmoeting tussen Dürer en Matsys (onder toeziend oog van Thomas More en Erasmus) is te zien op een schilderij van Nicaise de Keyser (1813-1887) in het Koninklijk Museum voor Schone Kunsten in Antwerpen.

Een ander tafereel, een tekening van Godfried Guffens (1823-1901) uit 1889, toont hoe de Antwerpse schepen Gérard van de Werve Albrecht Dürer ontvangt, die door Quinten Matsys aan hem wordt voorgesteld.

Toen Karel V uit Spanje terugkeerde en Antwerpen bezocht, schreef Grapheus een lofrede om zijn terugkomst te vieren. Maar in 1522 werd hij gearresteerd wegens ketterij, meegenomen naar Brussel voor verhoor en gevangengezet. Hij verloor toen zijn functie als secretaris. In 1523 werd hij vrijgelaten en keerde terug naar Antwerpen, waar hij hoogleraar Latijn werd. In 1540 werd hij opnieuw stadssecretaris van Antwerpen.

De zuster van Quinten Matsys, Catharina, en haar man werden in 1543 in Leuven ter dood veroordeeld. Hun misdaad? Het lezen van de Bijbel. Hij werd onthoofd en zij werd levend begraven op het plein voor de kerk.

Vanwege hun religieuze overtuigingen verlieten Matsys’ kinderen Antwerpen en gingen in 1544 in ballingschap. Cornelis bracht zijn laatste dagen door in het buitenland.

5. In de ban van Erasmus

In 1499 ontmoetten Thomas More en Erasmus elkaar in Londen. Hun eerste ontmoeting groeide uit tot een levenslange vriendschap en ze bleven regelmatig met elkaar corresponderen. In deze tijd werkten ze samen aan de vertaling in het Latijn en het drukken van enkele werken van de satiricus Lucianus van Samosata (ca. 125-180 n.Chr.), die ten onrechte de bijnaam « de Cynicus » kreeg.

Erasmus vertaalde Lucianus’ satirische tekst, Over hen die door de groten worden betaald,115 en liet deze naar zijn vriend Jean Desmarais sturen, hoogleraar Latijn aan de Universiteit Leuven en kanunnik van de Sint-Pieterskerk in die stad.

Lucien valt in zijn tekst de denkwijze aan van geleerden die hun ziel, hun geest en hun lichaam verkopen aan de dominante macht:

In een waar manifest tegen vrijwillige onderwerping, vooruitlopend op de soumission volontaire van La Boétie, valt Lucien hun perverse fantasie aan als de oorzaak van hun capitulatie:

Het was in 1515 dat Thomas More door de Engelse koning Hendrik VIII op een diplomatieke missie werd gestuurd om belangrijke internationale handelsgeschillen in Brugge te beslechten. In Antwerpen, ontmoette hij Erasmus’ vriend Pieter Gillis (1486-1533) (gelatiniseerd als Petrus Ægidius), een collega-humanist en secretaris (burgemeester) van de stad Antwerpen. Gillis, die op zeventienjarige leeftijd als proeflezer was begonnen in de drukkerij van Dirk Martens in Leuven en Antwerpen, kende Erasmus al sinds 1504. De humanist raadde hem aan om verder te studeren en ze hielden contact.

In Leuven gaf drukker Martens diverse boeken van humanisten uit, waaronder die van Dionysius de Kartuizer (1401-1471) en De inventione dialectica (1515) van Rudolphus Agricola, het meest gekochte en gebruikte handboek voor hoger onderwijs op scholen en universiteiten in heel Europa.

Net als Erasmus was Gillis een leerling en bewonderaar van Agricola, een emblematische figuur van de school van de Broeders van het Gemene Leven in Deventer. Agicola, Erasmus’ favoriete leraar, was een uitmuntend pedagoog, muzikant, orgelbouwer, dichter in het Latijn en de volkstaal, diplomaat, bokser en tegen het einde van zijn leven een Hebreeuws kenner. Hij was een inspiratiebron voor een hele generatie. Gillis’ huis in Antwerpen was ook een belangrijke ontmoetingsplaats voor humanisten, diplomaten en internationaal gerenommeerde kunstenaars.

Ook Quinten Matsys was daar altijd welkom. Ten slotte was het Gillis die de schilder Hans Holbein de Jongere aan het Engelse hof aanbeval, de jonge tekenaar die het Lof der Zotheid van Erasmus had geïllustreerd. Hierdoor werd hij in Engeland met groot enthousiasme ontvangen door Thomas More. Zijn broer Ambrosius Holbein (1494-1519) zou later More’s Utopia illustreren.

6. De utopie van Thomas More

Pagina’s van Utopia, met het alfabet van de utopisten, bedacht door Pieter Gillis.

Gillis deelt met More en Erasmus een sterk gevoel voor rechtvaardigheid, en ook een typisch humanistische bezorgdheid die zich toelegt op het zoeken naar betrouwbaardere bronnen van wijsheid. Hij is vooral bekend als een personage dat verschijnt in de openingspagina’s van Utopia, wanneer Thomas More hem presenteert als een toonbeeld van beleefdheid en een humanist die zowel aangenaam als serieus is:

Barokke Spaanse toegangspoort van Den Spieghel, Antwerpen.

Het bekendste werk van Thomas More is natuurlijk Utopia, gecomponeerd in twee delen.

Het is een beschrijving van een fictief eiland dat niet werd geregeerd door aristocraten of een oligarchie zoals de meeste Europese staten, maar dat werd bestuurd op basis van de ideeën die Plato formuleerde in zijn dialoog De Republiek.

Terwijl Erasmus in Lof der Zotheid opriep tot hervorming van de kerk, riep More in Utopia (deels door Erasmus afgewerkt), een andere satire op de corruptie, hebzucht, hebberigheid en mislukkingen die zij om zich heen zagen, op tot hervorming van de staat en de economie.

Thomas More kreeg het idee voor het boek toen hij in 1515 in Gillis’ Antwerpse residentie Den Spieghel verbleef.

Het eerste deel van Utopia begint met briefwisseling tussen More en zijn vrienden, waaronder Pieter Gillis. Toen de Engelse humanist in 1516 naar Engeland terugkeerde, schreef hij het grootste deel van het werk.

Tussen december 1516 en november 1518 werden vier edities van Utopia samengesteld door Erasmus en Thomas More en in december 1516 gepubliceerd bij uitgever Dirk Martens in Leuven.

Bij de tekst is er een kaart van het eiland Utopia, verzen van Gillis en het « utopische alfabet » dat hij voor deze gelegenheid had bedacht. Verder vinden we verzen van Geldenhouwer, een geschiedschrijver en hervormer die eveneens een opleiding had genoten bij de Broeders van het Gemene Levens te Deventer, verzen van Grapheus en de brief van Thomas More waarin hij het boek aan Gillis opdroeg.

Enkele jaren na de dood van More en Erasmus, publiceerde Grapheus samen met Pieter Gillis zijn Enchiridio Principis Ac Magistratus Christiani (1541).

7. Pieter Gillis en het “Tweeluik der Vriendschap”

Quinten Matsys, dubbelportret van Erasmus en Pieter Gillis.

Naast drieluiken en religieuze schilderijen muntte Matsys uit in het schilderen van portretten. Een van Matsys’ mooiste werken is het dubbelportret van Erasmus en zijn vriend Gillis, geschilderd in 1517. 118

Dit vriendschapstweeluik zou dienen als een « virtueel » bezoek aan hun Engelse vriend Thomas More in Londen. Ze vroegen aan hun vriend Quinten Matsys om de twee portretten te maken, omdat hij in Antwerpen de beste schilder was. Het portret van Erasmus was het eerste dat voltooid werd. Het portret van Gillis vroeg meer tijd omdat het model tussen de poseer-sessies ziek werd. De twee humanisten hadden in hun correspondentie met Thomas More over dit dubbelportret gesproken, wat misschien geen goed idee was, omdat More voortdurend naar de evolutie van de werkzaamheden informeerde en erg ongeduldig werd om dit geschenk te ontvangen. Beide werken werden uiteindelijk voltooid en naar More gestuurd toen hij in Calais was. Hoewel de twee geleerde mannen op afzonderlijke panelen zijn afgebeeld, worden ze in een doorlopende studieruimte gepresenteerd. Als we de twee schilderijen naast elkaar zetten, zien we hoe Matsys de boekenkast achter de twee figuren heeft geplaatst. Hierdoor ontstaat de indruk dat de twee personen die op de twee afzonderlijke panelen zijn afgebeeld, zich in dezelfde ruimte bevinden en elkaar aankijken.

Erasmus is druk aan het schrijven en Pieter Gillis toont de Antibarbari, een boek dat Erasmus voorbereidde voor publicatie, terwijl hij in zijn linkerhand een brief van More vasthoudt. De voorstelling van Erasmus in zijn studeervertrek doet denken aan de voorstellingen van Sint-Hiëronymus, die met zijn vertaling van de Bijbel een voorbeeld was voor alle humanisten en wiens werk Erasmus net had gepubliceerd. Het is interessant om naar de boeken in de planken op de achtergrond te kijken.

Op de bovenste plank van het schilderij van Erasmus staat een boek met de tekst Novum Testamentum Graece, de eerste editie van het Nieuwe Testament in het Grieks, uitgegeven door Erasmus in 1516.

Op de onderste plank staat een stapel met drie boeken.

  • Het onderste boek draagt ​​het opschrift Hieronymus, dat verwijst naar de humanistische edities van de werken van deze kerkvader;
  • Het middelste boek draagt ​​het opschrift Lucianus, verwijzend naar de samenwerking tussen Erasmus en Thomas More bij de vertaling van Lucianus’ Dialogen.
  • Het opschrift op het boek bovenaan de drie is het woord Hor, dat oorspronkelijk werd gelezen als Mor. De eerste letter werd waarschijnlijk veranderd tijdens een vroege restauratie, want naast het feit dat Mor de eerste letters zijn van de achternaam van Thomas More, verwijzen ze zeker naar de satirische essays die Erasmus schreef toen hij in 1509 bij Thomas More in Londen verbleef en die de titel Encomium Moriae (Lof der zotheid) droegen.

We zien Erasmus een boek schrijven. Aan deze weergave is speciale aandacht besteed, omdat de woorden op het papier een parafrase zijn van de brief van Paulus aan de Romeinen, het handschrift een nauwkeurige weergave is van dat van Erasmus en de rietpen die hij vasthoudt bekend stond als Erasmus’ favoriete schrijfmedium.

Als we beter kijken, zien we in de schaduwen een beurs in de plooien van Erasmus’ mantel. Erasmus wilde wellicht dat de kunstenaar dit verbeelde om zijn vrijgevigheid te illustreren. Erasmus en Gillis lieten Thomas More weten dat ze samen de kosten van het schilderij deelden, omdat ze wilden dat het een geschenk van hen beiden zou zijn.

Thomas More gaf in talloze brieven uiting aan zijn grote tevredenheid over deze portretten. Volgens hem schilderde Matsys de schilderijen met « zo’n grote virtuositeit dat alle schilders uit de oudheid erbij in het niet vallen ». Maar hij gaf toe dat hij zijn beeltenis liever in steen had zien gehouwen (in een vorm die hij minder vergankelijk achtte…).

8. De Da Vinci-connection (I)

Verschillende schilderijen tonen onomstotelijk aan dat Matsys en zijn gevolg over meer dan oppervlakkige kennis beschikten en zich deels lieten inspireren door de schilderijen en tekeningen van Leonardo da Vinci, zonder dat ze noodzakelijkerwijs de wetenschappelijke en filosofische bedoelingen en diepte van de auteur volledig begrepen.

Dat is duidelijk het geval bij Madonna met Kind in het Museum van Poznan (1513, Polen). Hier wordt, in de stijl van Patinir, de sierlijke en liefdevolle houding van Maria met Christus in haar armen afgebeeld, waarbij Christus het lam omhelst. Het is bijna een kopie van Leonardo da Vinci’s Sint-Anna en de Maagd Maria, een werk dat hij in 1503 begon en in 1517 naar Amboise in Frankrijk bracht. Zoals reeds vermeld, is het niet bekend hoe dit beeld de meester heeft bereikt, via prenten, tekeningen of persoonlijke contacten.

Quinten Matsys, Altaarstuk van het schrijnwerkersambacht, Brussel.

Een tweede voorbeeld vinden we in het Altaarstuk van het schrijnwerkersambacht (1508-1511).

Het centrale tafereel van het open drieluik doet denken aan De Kruisafname van Rogier van der Weyden (1435, Museo del Prado, Madrid). Op de achtergrond, een landschap. Het religieuze drama wordt tot in detail bestudeerd en op harmonieuze wijze opgevoerd.

Tegelijkertijd heeft Matsys eerbied voor de gelovigen die veel waarde hechten aan het verhaal van het religieus gebeuren zelf. Hoewel de scène aanzet tot nadenken en gebed, maakt Matsys ook gebruik van contrast. Hoewel sommige van de meer rustieke personages, met name de oosterse hoofden, mogelijk geïnspireerd zijn door de gezichten van zeelieden en kooplui die hij in de haven tegenkwam, zijn de gelaatstrekken van degenen die getroffen zijn door pijn en verdriet, vol gratie. Zoals van der Weyden, schildert ook Matsys ogen vol tranen.

Detail van de Klaagzang.

Op het middelste paneel zien we niet het lijden, maar de klaagzang na het lijden. Het toont het moment waarop Jozef van Arimathea 119 de Maagd Maria om toestemming komt vragen om het lichaam van Christus te begraven. Achter de centrale handeling ligt de heuvel Golgotha, met zijn paar bomen, het kruis en de gekruisigde dieven.

Op het linkerpaneel is te zien hoe Salome het hoofd van Johannes de Doper aanbiedt aan Herodes de Grote 120 , koning van Judea, een vazalstaat van Rome.

Het rechterpaneel is een scène van buitengewone wreedheid. Het toont Johannes de Doper, wiens lichaam in een ketel met kokende olie wordt gedompeld. De heilige, naakt vanaf zijn middel, lijkt bijna engelachtig, alsof hij niet lijdt. Om hem heen een menigte sadistische gezichten, lelijke boeren in schreeuwerige kleding. De enige uitzondering op deze regel is de figuur van een jonge man, mogelijk een afbeelding van de schilder zelf, die het tafereel vanaf de kruin van een boom bekijkt.

De gezichten van de figuren die Johannes de Doper omringen, net als de gezichten van de figuren die de ketel verwarmen, zijn rechtstreeks overgenomen van een tekening van Leonardo da Vinci, Man misleid door zigeuners (vroegere titel: De vijf groteske koppen, circa 1494, Windsor Castle, Engeland).

Vlaamse ironie en humor verwelkomden die van Da Vinci!

Leonardo da Vinci, Een man misleid door zigeuners, Royal Trust Collection, Windsor Castle. Aan de rechterkant is een deel van de tekening afgesneden. Terwijl de zigeuner (of zigeunerin) rechts de hand van de man leest, steelt de zigeuner links zijn portemonnee. Op de achterkant staan aantekeningen, waaronder deze, misschien gerelateerd aan het onderwerp op de voorkant: “Ik heb deze man goed gekend, ondanks mezelf. Hij is een vergaarbak van verachtelijkheid; hij is een perfecte hoop van de grootste ondankbaarheid gecombineerd met alle ondeugden. Maar wat heeft het voor zin om me te vermoeien met lege woorden? Er zit niets anders in dan elke vorm van zonde…”.

Bij Da Vinci lijken de gezichten zelfs in lachen uit te barsten als ze naar elkaar en naar de gekroonde figuur in het midden kijken. De bladeren van deze kroon zijn niet die van de laurierbomen ter ere van dichters en helden, maar die van… een eik. De antihumanistische en oorlogszuchtige paus die in die tijd in Rome zegevierde, was Julius II, 121 die door Rabelais in de hel werd opgesloten omdat hij kleine pasteitjes verkocht. Giulio was een lid van een machtige Italiaanse adellijke familie, het Huis Della Rovere, letterlijk « van de eik »…

C. Erasmiaanse wetenschap van het groteske

1. In religieuze schilderkunst

Het gebruik van groteske koppen (tronies), die de lage passies uitdrukken die slechte mensen overweldigen en domineren, was een gangbare praktijk in religieuze schilderijen om de werken levendiger en contrastrijker te maken.

In 1505 reisde Dürer naar Venetië en de universiteitsstad Bologna om perspectief te leren. Vervolgens reisde hij verder naar het zuiden, naar Florence, waar hij, volgens de experten, de werken van Leonardo da Vinci en van de jonge Raphael ontdekte. Vervolgens reisde hij naar Rome.

Albrecht Dürer, Christus onder de rechtsgeleerden, Madrid.

Christus tussen de Schriftgeleerden (1506, Collectie Thyssen Bornemisza, Madrid) werd in vijf dagen in Rome geschilderd en weerspiegelt ook de mogelijke invloed van Da Vinci’s grotesken.

Dürer was begin 1507 terug in Venetië, alvorens hij datzelfde jaar naar Neurenberg terugkeerde.

Een ander sprekend voorbeeld is het schilderij De kruisdraging van Jheronimus Bosch (na 1510, Gent). Het hoofd van Christus wordt omgeven door een dynamische groep « tronies » of groteske gezichten.

Jheronimus Bosch, Kruisdraging, Gent.

Werd Bosch geïnspireerd door Da Vinci en Matsys, of was het andersom? Hoewel de compositie op het eerste gezicht chaotisch lijkt, is de structuur heel doordacht.

Het hoofd van Christus, in Bosch’s oeuvre, bevindt zich precies op het snijpunt van twee diagonalen. De balk van het kruis vormt een diagonaal, met linksboven de figuur van Simon van Cyrene die Christus helpt het kruis te dragen, en rechtsonder de « slechte » moordenaar.

De andere diagonaal verbindt de afdruk van het gezicht van Christus op de lijkwade van Veronica (linksonder) met de afdruk van de berouwvolle dief (rechtsboven). Hij wordt agressief bedreigt door een slechte charlatan of Farizeeër en een slechte monnik. Bosch verwijst hiermee duidelijk naar het religieuze fanatisme van zijn tijd.

De groteske koppen doen denken aan de maskers die vaak in de Passiespelen worden gebruikt en aan de karikaturen van Leonardo da Vinci. Het gezicht van Christus daarentegen is sereen en vol zachtheid. Hij is de lijdende Christus, door iedereen verlaten, die over alle kwaad in de wereld zal zegevieren. Deze voorstelling past perfect bij de ideeën van de Devotio Moderna. 122

Quinten Matsys, in zowel zijn Kruisdraging als zijn Ecce Homo (1526, Venetië, Italië) is duidelijk vertrouwd met de Bosch-traditie.

2. Bankiers, tollenaars en woekeraars

Quinten Matsys, Het koopcontract, 1515, Berlijn. Een goede « deal » tussen bankiers, advocaten, theologen en criminelen aan de ene kant en een zot aan de andere kant, misschien een contract voor een aflaat?

Matsys’ satirische veroordeling van woeker en hebzucht houdt rechtstreeks verband met de religieuze, filosofische, sociale en politieke kritiek van Erasmus en More.

Marlier beschrijft op meesterlijke wijze hoe woekeraars en speculanten de dominante spelers werden in het economische leven van die tijd in Antwerpen, een situatie die doet denken aan de huidige wereldwijde situatie:

Quinten Matsys, De woekeraars (en hun slachtoffers), 1520, Galleria Doria Pamphilj, Rome.

Manillas.

Daarbij komt nog dat de Fuggers en vooral de Welsers 124 nauw betrokken waren bij de vroege slavenhandel van Afrika naar Amerika.

De Fuggers gebruikten hun mijnen in Oost-Europa en Duitsland om manillas te produceren. Dit waren koperen en bronzen armbanden die de geschiedenis ingingen als ruilobjecten en « handelsgeld » aan de kusten van West-Afrika.

De Welsers, die zich toelegden op de handel in specerijen en textiel, probeerden een kolonie te stichten in het huidige Venezuela (de Spaanse naam is afgeleid van het Italiaanse Venezziola, « Klein Venetië », dat later Welserland werd) en verscheepten meer dan 1.000 Afrikaanse slaven naar Amerika.

Ondertussen werden in de huizen van de welvarende burgers van Augsburg slaven van Indië gedwongen om voor hun « meesters » te werken.

Olieverfschilderij van Carl Ludwig Friedrich Becker. Anton Fugger verbrandt de schuldbrieven van Karel V, 1866.

Volgens de officiële website van de familie Fugger is het verhaal dat Anton Fugger in 1530 zijn schuldbewijzen in het vuur gooide, voor het oog van Karel V, om zo ruimhartig de terugbetaling van leningen kwijt te schelden, puur uitvindsel en propaganda.

Maar hij verleende de nieuwe keizer een kleine schuldvermindering (haircut). In ruil daarvoor zag Karel V af van de door hem voorgestelde « Keizerlijke Monopoliewet », die de macht van de banken en handelshuizen van het Heilige Roomse Rijk aanzienlijk zou hebben beperkt.

Volgens Fugger-onderzoeker Richard Ehrenberg ontstond het verhaal over Anton pas aan het einde van de 17e eeuw, alleen maar om aan te tonen hoe trouw zij waren aan de keizer. 125

Thomas More en Erasmus veroordelen de brutale opkomst van aasgier-kapitalisme, uitbuiting en criminele financiële praktijken in Utopia.

Zonder de opkomst van het moderne ondernemerskapitalisme te ontkennen, veroordeelt Erasmus botweg de misstanden van ongebreideld financieel winstbejag:

Ambtenaren, zo betoogde hij in zijn Opvoeding van een christelijke prins (1516), geschreven ter lering van de jonge Karel V die het boek nooit zal lezen, moesten worden gerekruteerd op basis van hun bekwaamheid en verdiensten, niet vanwege hun roemruchte naam of maatschappelijke status.

Voor Erasmus (satirisch sprekend door de mond van Zotheid):

Quinten Matsys, Belastingontvangers, eind jaren 1520, Liechtenstein.

Volgens Larry Silver, op basis van de registers van de boekhouding die in dit werk zijn afgebeeld en het feit dat de belastinginning in die tijd aan privé agenten was toevertrouwd, zou men de naam van dit werk, De woekeraars moeten veranderen in De tollenaars.

Dat verandert niets aan het feit dat het centraal onderwerp van dit werk overeenkomt met de inhoud van een oud spreekwoord uit die tijd:

De man rechts (de woekeraar met een groteske uitdrukking) geeft hier een deel van de buit aan de gemeentesecretaris (de tollenaar, met een « normale » uitdrukking). De woekeraar, die zijn eigen leren beurs beschermd, toont hier het groteske en lelijke gezicht van hebzucht, gerechtvaardigd door de wet en wat in de officiële registers werd vastgelegd.

De actieve/passieve medeplichtigheid tussen de twee mannen is de ware lelijkheid van het verhaal. Silver geeft toe dat geldwisselaars vaak dezelfde rol speelden als bankiers, waarbij hij economisch historicus Raymond de Roover citeert.

Bovendien werd de vierde beschuldigde, de molenaar (doelwit van de schilderijen van Bosch en Bruegel), vaak gehekeld omdat de graanprijs een steeds terugkerend pijnpunt werd in tijden van schommelende prijzen voor basisproducten, zoals in deze periode het geval was.

Aangezien de verarming van de bevolking, in het bijzonder vanaf de jaren 1520, werden dergelijke satirische veroordelingen van financiële hebzucht natuurlijk heel populair. Het onderwerp werd vrijwel onmiddellijk overgenomen door de zoon van de schilder, Jan Matsys (1510-1575), die het vrijwel identiek kopieerde, Marinus van Reymerswaele (1490-1546) en Jan Sanders van Hemessen (1500-1566).

De bankier en zijn vrouw

Quinten Matsys, De bankier en zijn vrouw, 1514, Louvre, Parijs.
Lorenzo Lotto, Jacob Fugger, 1505.

In een meer « beschaafde » versie van deze metafoor, op hetzelfde thema, vinden we de beroemde Bankier en zijn vrouw van Quinten Matsys (1514, Louvre, Parijs). 128

In een hoofdstuk van zijn boek De Vlaamse Primitieven getiteld De erfgenamen van de grondleggers beschouwt kunsthistoricus Erwin Panofsky 129 dit werk als een « reconstructie » van een « verloren werk van Jan van Eyck (een « schilderij met halffiguren, voorstellende een baas die zijn rekeningen vereffent met zijn werknemer »), dat Marcantonio Michiel beweert te hebben gezien in de Casa Lampugnano in Milaan. »

Laten we nogmaals benadrukken dat dit geen dubbelportret is van een bankier en zijn vrouw, maar één metafoor.

Terwijl de bankier (in hetzelfde gebaar als Jacob Fugger op het schilderij van Lorenzo Lotto) controleert of het gewicht van het metaal van de munten overeenkomt met hun nominale waarde, werpt zijn vrouw, die de bladzijden van een getijdenboek omslaat, een trieste blik op de hebzuchtige activiteiten van haar zichtbaar ongelukkige echtgenoot.

In 1963 schreef Georges Marlier:

In Leviticus XIX, 35-36 kunnen we lezen:

De bankier heeft, naast de weegschaal die hij gebruikt, ook een weegschaal aan de muur hangen achter zich. Voor christelijke humanisten is het gewicht van materiële rijkdom het tegenovergestelde van dat van geestelijke rijkdom. In Van der Weydens Laatste Oordeel in Beaune toont de schilder ironisch genoeg een engel die de herrezen zielen weegt en de zwaarste onder hen… naar de hel stuurt.

Anderen beweren dat de vrouw van de bankier niet helemaal ongevoelig is voor de geldstukken, maar dat haar ogen meer op de handen van haar man gericht zijn dan op de voorwerpen die op tafel liggen. Vroomheid of het genot van rijkdom? Een stuk fruit op de plank (een appel of sinaasappel), net boven haar man, zou kunnen verwijzen naar de verboden vrucht, maar de kaars die niet brandt op de plank achter haar, herinnert aan de kortstondigheid van aardse genoegens.

Marinus van Reymerswaele, De bankier en zijn vrouw.

Wanneer Marinus van Reymerswaele dit thema (hierboven) opneemt, lijkt de verleiding voor de vrouw om geld op tafel te leggen nog wat groter.

Bolle (convexe) spiegel, detail van Quinten Matsys, De bankier en zijn vrouw, Louvre, Parijs.

We kunnen aannemen dat de bolle (convexe) spiegel, 131 die op de voorgrond op de tafel van het echtpaar is geplaatst, functioneert als een « mise en abyme » (een « kamer in een kamer » of « een schilderij in een schilderij »). We zien een man (de bankier?) die zelf een boek (religieus?) leest.

De bolle spiegel toont niet noodzakelijkerwijs een bestaande, reële ruimte, maar kan ook een denkbeeldige plaats buiten de ruimte-tijd van de hoofdscène weergeven. Het kan eventueel de bankier in zijn toekomstige leven laten zien, vrij van hebzucht, die met grote passie een religieus boek leest?

Terwijl het gebruik van bolle spiegels (waarvan de optische wetten werden beschreven door Arabische wetenschappers zoals Alhazen en bestudeerd door Franciscanen uit Oxford, zoals Roger Bacon). 132 doet Matsys’ werk denken aan Van Eycks’ Echtpaar Arnolfini (1434, National Gallery, Londen) 133 en Petrus Christus’ (1410-1475) Goudsmid in zijn atelier of Sint-Eligius 134 (1449, Metropolitan Museum of Art, New York) en is een oprecht en zeer geslaagd eerbetoon aan Van Eyck.

Het goede nieuws is dat de tot nu toe meest aanvaarde hypothese over de betekenis van dit schilderij is dat het een religieus en moraliserend werk is, met als thema de ijdelheid van aardse goederen in tegenstelling tot tijdloze christelijke waarden, en een veroordeling van hebzucht als een doodzonde.

De roeping van Mattheüs.

Inhoudelijk gezien kan het schilderij ook in verband worden gebracht met een gemeenschappelijk en populair thema uit die tijd, namelijk De roeping van Mattheüs.135

De bovenstaande passage is waarschijnlijk autobiografisch, omdat het de roeping beschrijft van Matteüs om Jezus te volgen als apostel. Zoals bekend, reageerde Mattheüs positief op de roeping van Jezus en werd hij een van de twaalf apostelen.

Volgens het Evangelie heette Mattheüs oorspronkelijk Levi. Hij was een belastinginner (tollenaar) in dienst van Herodes en was daarom niet erg geliefd. De Romeinen dwongen het Joodse volk om belasting te betalen. Het was bekend dat tollenaars de bevolking oplichtten door meer te vragen dan vereist en het verschil in eigen zak stoken. Toen Levi eenmaal de roeping om Jezus te volgen had aanvaard, werd hij vergeven en kreeg hij de naam Mattheüs, wat « geschenk van Jahweh » betekent.

Dit thema kon Erasmus alleen maar bevallen, sinds het niet de nadruk legde op straf of zonde zelf, maar op positieve transformatie en verandering als resultaat van vrije wilskeuze.

Marinus van Reymerswaele, De roeping van Mattheus, 1530, Madrid.

Jan van Hemessen, De roeping van Mattheüs, 1536, München.

Zowel Marinus van Reymerswaele (in 1530) als Jan van Hemessen (in 1536), die Matsys na diens dood kopieerden en door hem werden geïnspireerd, namen het onderwerp over. Op het schilderij van Van Hemessen, net als op het werk van Matsys, zien we ook de vrouw van de belastinginner vooraan staan, eveneens met haar hand op een open boek.

3. De Da Vinci-connection (II)

Leonardo da Vinci, Man misleid door zigeuners, Windsor.
Quinten Matsys, detail van Sint-Anna Triptiek, Antwerpen.

Samengevat kunnen we zeggen dat er tot nu toe drie elementen in Matsys’ werk zijn die ons in staat stellen zijn nauwe banden met Italië en Da Vinci vast te stellen.

  1. Zijn goede kennis van perspectief, in het bijzonder die van Piero della Francesca, zoals blijkt uit het marmeren gewelf in Italiaanse stijl dat voorkomt in het Triptiek van Sint-Anna (Antwerpen); 136
  2. Zijn overname van Da Vinci’s vijf groteske koppen, in de sadisten aan het werk in het zijluik van het Sint-Anna retabel (Antwerpen)
  3. De overname van de houding van de Maria met kind en Sint-Anna van Da Vinci (Louvre) in Matsys’ Madonna met Kind (Poznan, Polen).

Hoe deze invloed tot stand kwam, blijft een raadsel. Er zijn meerdere hypothesen toegestaan, die elkaar kunnen aanvullen:

  1. Hij kon met andere kunstenaars die dergelijke reizen hadden gemaakt, van gedachten wisselen en in Italië contacten leggen. Een andere hypothese die onderzocht moet worden, is de vraag of Dürer, die zelf contacten in Italië had, mogelijk als tussenpersoon heeft gehandeld. Er wordt gezegd dat sommige anatomische tekeningen van Dürer naar Leonardo zijn gemaakt. Jacopo de’ Barbari schilderde een portret van Luca Pacioli, de franciscaan die Leonardo had geholpen Euclides in het Grieks te lezen. Dürer had Barbari in Neurenberg ontmoet, maar zoals we hierboven hebben gezien, was hun relatie niet erg coöperatief.
  2. Op vrij jonge leeftijd ging hij naar Italië (Milaan, Venetië, enz.) waar hij direct contact kon leggen met Leonardo of met een of meerdere van diens studenten. Volgens Philippe d’Aarschot werd Matsys, « zonder ooit een voet in Italië te hebben gezet, beïnvloed door Leonardo da Vinci. Is zijn Maria Magdalena (Museum Antwerpen) niet een replica van de Mona Lisa? « 137 Er wordt ook gezegd dat ook Holbein de Jongere beïnvloed werd door Leonardo, zoals blijkt uit enkele van zijn composities.138
  3. Matsys kreeg gravures te zien die door Italiaanse en Noord-Italiaanse kunstenaars waren gemaakt en verspreid. Hoewel de originele tekeningen en manuscripten na de dood van Leonardo’s meester in 1519 in Amboise werden gekopieerd en later verkocht door Melzi’s zoon, is Leonardo’s invloed op Matsys al vanaf 1507 merkbaar.

Albrecht Dürer, anatomische studie naar Leonardo, Dresden notebooks.

Het werk van Leonardo wekte de interesse van heel Europa. Zo werd in 1545 een levensgrote replica van het fresco Het Laatste Avondmaal van Leonardo da Vinci aangekocht door de Norbertijnerabdij van Tongerlo. Andrea Solario (1460-1524), een leerling van Leonardo da Vinci, zou het werk samen met andere kunstenaars hebben gemaakt. Uit recentelijk wetenschappelijk onderzoek blijkt echter dat Leonardo delen van deze replica zelf heeft geschilderd.

Replica op ware grootte van het fresco Het Laatste Avondmaal van Leonardo da Vinci, gemaakt vóór de dood van de meester. Sinds 1545 is het in het bezit van de abdij van Tongerlo in België.

Professor Jean-Pierre Isbouts 139 en een team wetenschappers van onderzoeksinstituut IMEC onderzochten het doek met multispectrale camera’s. Daarmee kunnen de verschillende lagen van een schilderij worden gereconstrueerd en kunnen restauraties worden onderscheiden van het origineel.

Volgens de onderzoekers trekt één personage in het bijzonder de aandacht. Johannes, de apostel links van Jezus, is geschilderd met de speciale « sfumato »-techniek. Het is dezelfde techniek die werd gebruikt om de Mona Lisa te schilderen, en die alleen Leonardo beheerste, meent Isbouts.

Joos van Cleve, Het Laatste Avondmaal, 1520-1525).

Op vergelijkbare wijze neemt Joos Van Cleve in het onderste luik van zijn Bewening (1520-1525) de compositie van Leonardo da Vinci’s Laatste Avondmaal over, wat duidelijk aantoont dat dit schilderij bij de meeste schilders in het Noorden bekend was.

Tenslotte, zoals Silver opmerkt, verschijnt één van Leonardo’s Vijf groteske koppen, in spiegelbeeld ten opzichte van het origineel, opnieuw voor de oude man in Matsys’ later schilderij, het Ongepast koppel!

Dat het in spiegelbeeld verschijnt, zou verklaard kunnen worden als Matsys het in een gravure zag. Bij het afdrukken van de plaat verschijnt het afgedrukte beeld daadwerkelijk negatief ten opzichte van het origineel.

Quinten Matsys, Het ongepast koppel.

Ook een studie van Leonardo da Vinci van een (niet-grotesk) hoofd van een apostel voor het Laatste Avondmaal, vertoont kenmerken die dicht bij die van Matsys liggen.

Leonardo, studie voor een apostel.

4. De kunst van het groteske per se

Vermoedelijk portret van de jonge Leonardo, studie van Verrocchio voor zijn David.

Leonardo da Vinci’s werk betreffende visi monstruosi (monsterlijke gezichten), dateert in ieder geval uit de vroege Milanese periode (jaren 1490), toen hij op zoek ging naar een model om « Judas » op het fresco van het Laatste Avondmaal (1495-1498) te schilderen.

Er wordt gezegd dat Da Vinci zich bij de schepping van de personages in het schilderij liet inspireren door echte mensen in en rond Milaan. Toen het schilderij bijna klaar was, had de meester nog steeds geen model voor Judas. Er wordt gezegd dat hij rondhing in de gevangenissen van Milaan en bij criminelen op zoek naar een passend gezicht en een passende uitdrukking voor Judas, de vierde figuur van links en de apostel die uiteindelijk Jezus verraadde.

Da Vinci adviseerde kunstenaars om altijd een notaboekje bij de hand te hebben en mensen te tekenen die « ruziemakend, lachend of vechtend » waren. Hij lette op de vreemde gezichten op het plein. In een briefje waarin hij uitlegt hoe je vreemden kunt tekenen, voegt hij toe:

Wanneer de prior van het klooster bij Ludovico Sforza klaagt over Da Vinci’s « luiheid » bij het ronddwalen door de straten op zoek naar een crimineel die Judas kan voorstellen, antwoordt de kunstenaar dat als hij niemand anders kan vinden, de prior zelf een ideaalmodel kan worden… Tijdens de uitvoering van het schilderij is Da Vinci’s vriend, de Franciscaanse wiskundige Luca Pacioli, in de stad en heeft contact met de meester.

Voor de laatstgenoemde, die altijd gretig was om de dynamiek van de contrasten in de natuur te verkennen en vast te leggen, is lelijkheid niet zomaar een spel, maar inherent aan de rol van de kunstenaar:

Da Vinci en anderen humanisten vroegen zich af wat de relatie was tussen innerlijke schoonheid (deugdzaamheid) en uiterlijke, lichamelijke schoonheid. Op de achterkant van Da Vinci’s portret van Genivra de Benci (Washington DC), ziet men een vaandel met daarop de Latijnse tekst: « Virtutem forma decorat » (Schoonheid siert de deugd). En dus ook omgekeerd, vroeg men zich af hoe iemands lelijk uiterlijk de uitdrukking was van zijn ondeugdzaamheid.

De Italiaanse experte Sara Taglialagamba meent dat het groteske, dat abnormaal of « buiten de normen » is, niet door Leonardo werd bedoeld « om zich tegen schoonheid te verzetten », maar als een contrast, als « het tegenovergestelde van evenwicht en harmonie ». 140

De misvormingen die kenmerkend zijn voor de figuren van Da Vinci, komen zowel bij mannen als vrouwen voor. Ze komen voor bij zowel jonge als oude mensen (hoewel ze zich vooral op oudere mensen concentreren). Geen enkel lichaamsdeel wordt gespaard en ze worden vaak gecombineerd om de geportretteerden een nog dierlijker uiterlijk te geven.

Albrecht Dürer, pagina uit de Vier boeken over de verhoudingen van de mens.

Dürer, die vandaag de dag wordt beschuldigd van racial profiling, nam de studie van de canon van de menselijke proporties zeer ernstig. Deze studie werd, met name door de ontdekking van Vitruvius’ boek De Architectura, beschouwd als de sleutel tot harmonieuze verhoudingen voor zowel de schilderkunst als de architectuur en de stedenbouw.

Dürer heeft alle delen van het menselijk lichaam systematisch gemeten om harmonische relaties tussen de delen vast te stellen. Hij concludeert dat de variaties in de verhoudingen van gezichten en lichamen overeenkomen met de variaties die door geometrische projecties worden gegenereerd. Ze veranderen niet qua harmonie, maar ze zien er anders uit, zelfs grotesk, als ze vanuit een bepaalde hoek worden geprojecteerd.

Da Vinci en Dürer, en later Holbein de Jongere in zijn schilderij De ambassadeurs (1533, National Gallery, Londen), waren meesters in de wetenschap van de « anamorfosen », dat wil zeggen geometrische projecties vanuit raaklijnen waardoor een afbeelding zo vervormd wordt dat ze moeilijk te herkennen is voor de toeschouwer die rechtstreeks naar het platte oppervlak kijkt, terwijl de afbeelding alleen te begrijpen is wanneer deze vanuit deze verrassende hoek wordt bekeken.

Da Vinci, anamorfose.

Het feit dat meesters die geraffineerd mooie figuren creëren, zoals Da Vinci of Matsys, zich plotseling uitten met gekke karikaturen en bizarre tronies, lijkt misschien verontrustend, maar dat hoeft niet. Elke karikatuur is gebaseerd op metaforische gedachten, net als alle grote kunst. Renaissancekunst wordt vaak gezien als ordelijk en geruststellend, maar de grotesken zijn slechts een voortzetting van de spuiers van de kathedraalbouwers. En de « monsters » in de marge van zoveel verluchte manuscripten die Bosch uitlicht, zijn een voorbode van die van François Rabelais, Francesco Goya en James Ensor. 142

Zijn tronies zijn zo misvormd en afwijkend van de gebruikelijke normen dat ze als « grotesk » worden beschreven. Ze kunnen ons doen huiveren maar ze kunnen ons ook aan het lachen krijgen als we met tegenzin instemmen om neer de kijken op onze eigen onvolkomenheden of die van onze dierbaren die we liever niet willen zien. Laten we eerlijk zijn. Ons uiterlijk staat heel ver van de beelden die we in tijdschriften en op schermen zien en die we voor de werkelijkheid aanzien.

In de Lof der Zotheid van Erasmus prijst de verteller (de personificatie van de Zotheid) voor het eerst, naast vele andere prestaties, zijn eigen leidende rol bij het bereiken van dingen die met pure logica, menselijke rede, formele wijsheid en intellect zouden mislukken, zoals de belachelijke handelingen die nodig zijn om de menselijke voortplanting te bewerkstelligen.

Pas op, waarschuwt de Zotheid, als iedereen wijs en vrij van zotheid zou zijn, zou de wereld snel ontvolkt worden!

5. De metafoor van « Het ongepast koppel »

Quinten Matsys, Het ongepast koppel, Washington.

Als Erasmus met bijtende ironie de corruptie en zotheid van koningen, pausen, hertogen en prinsen aan de kaak stelt, legt hij ook dezelfde corruptie bloot die de gewone man treft, bijvoorbeeld oudere mannen die hun vrouw verlaten om bij jongere vrouwen in te trekken, een praktijk die zo wijdverbreid was, betreurde de Zotheid, « dat het bijna een onderwerp van lof is. »

De Zotheid feliciteert zichzelf met satirische ironie voor het uitstekende werk dat het doet door senioren, zowel mannen als vrouwen, enkele flinke korrels zotheid te geven:

De vorming van ongelijke paren in de literatuurgeschiedenis gaat terug tot de oudheid, toen Plautus, een Romeinse komische dichter uit de 3e eeuw voor Christus, oudere mannen afraadde om jongere vrouwen het hof te maken. Erasmus neemt slechts één thema uit de satirische literatuur over, met name Het Narrenschip, dat in hoofdstuk 52, waarin afgunst en hebzucht worden gecombineerd, het thema « huwelijk om geld » aansnijdt.

Naast de Lof der Zotheid wijdde Erasmus in 1529, in dialogen die hij schreef om Latijn aan kinderen te leren, een Colloquium getiteld Het ongepast koppel. (Uittreksel, hieronder)

Dit Erasmiaanse thema van « niet bij elkaar passende geliefden » is erg populair geworden. Volgens kunsthistoricus Max J. Friedlander 145 was Matsys de eerste die dit thema in onze gewesten propageerde. Matsys beeldt dit thema uit door een oudere man af te beelden die verliefd wordt op een jongere, mooiere vrouw. Hij kijkt haar vol bewondering aan, maar merkt niet dat ze zijn beurs steelt. In werkelijkheid komt de groteske lelijkheid van de man, verblind door zijn verlangen naar de jonge vrouw, overeen met de lelijkheid van zijn ziel. De jonge vrouw, verblind door haar hebzucht, lijkt oppervlakkig gezien een tof meisje, maar in werkelijkheid misbruikt ze de naïeve dwaas.

Van buitenaf ziet de toeschouwer al snel dat het geld dat ze van de oude gek steelt, direct in de handen van de nar terechtkomt die achter haar staat, wiens gezicht zowel lust als hebzucht uitdrukt. De moraal dit werk is dat alle winst noch naar hem noch naar haar gaat, maar naar de zotheid zelf (De Nar)! Een situatie die doet denken aan Bosch’ schilderij uit 1502, De Goochelaar (1475, St Germain-en-Laye).

Véél meer dan « ongelijke » liefde (een oude man met een jonge vrouw), benadrukt het schilderij van Matsys een soort van « wederzijdse corruptie » sinds elkeen alleen maar denkt aan zijn eigenbelang. Net als in de geopolitiek, denken beide partijen dat ze ten koste van elkaar winnen, maar in werkelijkheid verliezen ze beiden. Vanuit dit oogpunt gaat de « moraal » van het gebeuren veel verder dan vreemdgaan tussen partners.

Zoals we al zeiden, werden de kwalen (zoals wellust en hebzucht), die tot dan toe door de Kerk waren beschouwd als « zonden », voor de christelijke humanisten een onderwerp van hartelijk gelach, waarbij het schilderij fungeerde als een « spiegel », waardoor de toeschouwer over zichzelf kon nadenken en zijn eigen karakter kon verbeteren.

In de folklore van Saksen en later voornamelijk in Vlaanderen is Tyl Uylenspieghel een belangrijke figuur. In het woord Uyl-en-spieghel betekent Uyl de wijsheid en spieghel de weerkaatsing. Zijn fratsen zijn in werkelijkheid een afspiegeling van volkswijsheid. Zijn fratsen zijn in werkelijkheid een afspiegeling van volkswijsheid.

Het thema van het ongepast koppel komt al voor in een kopergravure van Dürer uit 1495, waarop een jong meisje haar hand opent om geld uit de beurs van de oude man naar haar eigen hand over te hevelen. In 1503 pakte Jacopo de’ Barbari het onderwerp opnieuw op met De oude man en de jonge vrouw (Philadelphia).

Cranach de Oudere, 146 die Antwerpen in 1508 bezocht en duidelijk werd geïnspireerd door de grotesken van Matsys, maakte ontelbare variaties op dit thema (inclusief het gebruik van de grotesken van Da Vinci die door Matsys waren overgenomen!). Cranach reageerde op de groeiende vraag in het protestantse Duitsland, een productie die werd voortgezet door zijn zoon Cranach de Jongere. 147

Cranach zou zijn eigen variaties op het thema schilderen, waarbij hij het vaak alleen tot « wellust » beperkte en de geldkwestie wegliet. Hoe lelijker en ouder de man, en hoe mooier en jonger de vrouw, hoe meer het resulterende contrast een emotionele impact heeft die het storende karakter van de gebeurtenis benadrukt. Cranach vindt het leuk om de rollen om te draaien en laat een rijke oude vrouw zien, vergezeld door haar bediende, die een verleidelijke jongeman verleidt…

Ongelijke geliefden, Jan Massys, Nationaal Museum, Stockholm, Zweden.

Jan Matsys, een van de zonen van Quinten Matsys, die ook met Erasmus bevriend was, heeft ons een interessante interpretatie van het thema nagelaten. Hij heeft er een sociale dimensie aan toegevoegd: arme gezinnen gebruiken hun dochters als lokaas om oudere, rijke heren te lokken, die met hun rijkdom en geld in staat zijn om de familie te voeden. Dit thema van « koppelaarsters » is ook door Goya aangesproken.

In een van Cranachs versies heeft de rijke man al een brood op tafel voor zich staan, een waar symbool van voedselchantage. Wat opvalt in de versie van Jan is de moeder, die achter de gekke oude man staat en naar het brood en het fruit op tafel staart. Hoewel hebzucht en lust nog steeds reëel zijn, dramatiseert Jan een gegeven context die niet zomaar belachelijk gemaakt kan worden.

Tot de vele andere kunstenaars die dit thema opnamen, behoren onder meer Hans Baldung Grien (1485-1545), Christian Richter (1587-1667) en Wolfgang Krodel de Oude (1500-1561). Geen van hen slaagde erin de metafoor van Matsys, die het meest trouw bleef aan de geest van Erasmus, volledig weer te geven: de zotheid die het spel wint. Een werkelijk lachwekkende situatie! De triomf van de zotheid! Ook hier baseert Matsys zich, zoals we al zeiden, voor het gezicht van de oude zot op Da Vinci’s schetsen van groteske koppen.

6. De “groteske oude vrouw”, auteurschap van Da Vinci

De lelijke hertogin (links), Quinten Matsys, National Gallery, London.
De oude man (rechts), Quinten Matsys, Musée Jacquemart André, Paris.

Op dit punt kunnen we de bespreking aandurven van wat misschien het meest schandalige schilderij ooit is, afwisselend genoemd de « groteske oude vrouw » of de « lelijke hertogin ».

Er is veel inkt gevloeid om te speculeren over zijn identiteit, zijn « ziekte » (de ziekte van Paget, volgens een dokter), zijn « geslacht », vooral om de blik van de toeschouwer te richten op een letterlijke, « op feiten gebaseerde » interpretatie, in plaats van om de hilarische metafoor te waarderen en te ontdekken die de kunstenaar schildert, niet op het paneel, maar zoals gezegd in het hoofd van de toeschouwer.

Het schilderij moet worden geanalyseerd en begrepen in samenhang met zijn tegenhanger – een begeleidend schilderij – waarop een oude man is afgebeeld, wiens aandacht deze oude vrouw wil afdwingen. Verrassend genoeg kan men op het eerste gezicht zeggen dat Matsys, lang vóór Cranach, hier de gebruikelijke genderrollen omdraait. We zien immers niet een oude man die een jong meisje probeert te verleiden, maar een oude vrouw die een rijke oude man probeert te versieren.

Ten eerste is er de oude dame, die in een staat van ultieme aftakeling verkeert en wanhopig probeert een rijke oude man te verleiden. Het uiterlijk van de persoon roept, net als bij Domenico Ghirlandaio‘s Oude man en jongen (1490, Louvre, Parijs), bij de toeschouwer meteen vragen op over de relatie tussen innerlijke en uiterlijke schoonheid.

Opnieuw is de literaire invloed duidelijk te zien in Lof der Zotheid (1511), dat vrouwen op de hak neemt die « nog steeds de coquette spelen », die « zich niet los kunnen maken van hun spiegels » en welke « niet aarzelen hun afstotelijke verschrompelde borsten te tonen ». 149

Jan van Eyck, Portret van zijn vrouw Margaretha, 1439, National Gallery, London.

De kleding van de vrouw is duur. Ze is gekleed om indruk te maken, met onder andere een bolvormig hoofddeksel dat haar bijzondere gelaatstrekken accentueert. Ze tart de bescheidenheid die van oudere vrouwen tijdens de Renaissance werd verwacht en draagt ​​een strak geregen lijfje dat haar gerimpelde decolleté benadrukt.

Haar haar is verborgen in de horens van een hartvormig kapje, waarover ze een witte sluier heeft geplaatst, vastgehouden door een grote broche versierd met juwelen.

Hoe goed ze ook gekleed was, toen dit paneel begin 16e eeuw werd geschilderd, waren haar kleren waarschijnlijk al tientallen jaren verouderd. Ze deden denken aan de kleren op het portret dat Van Eyck een eeuw eerder van zijn vrouw Margaret had gemaakt. Ze wekten eerder gelach dan bewondering op.

In De Ciceronianus, een fictieve dialoog gepubliceerd in 1528, stelt Erasmus dat literaire stijl, net als mode, van de ene op de andere dag verandert. Een van zijn personages, Nosophon, wordt geciteerd als hij zegt:

Deze hoofdtooi was een iconografisch symbool geworden van vrouwelijke ijdelheid. De horens werden vergeleken met die van de duivel of, in het beste geval, met de horens die aangaven dat zij door haar minnaars was bedrogen (cornuto). Het lijkt erop dat ze zichzelf verkoopt op basis van haar uiterlijk, want ze biedt een bloem aan. In de Renaissance-kunst staat deze bloem vaak symbool voor seksualiteit.

Het tragische lot van de afgesneden roos illustreert op de meest verontrustende manier het verstrijken van de tijd en daarmee ook het fysieke verval. Fris of kwetsbaar, de roos roept op tot onmiddellijk genot, maar lijkt tegelijkertijd te protesteren tegen de dood die haar wacht.

Margarete Maultasch, fresco, Kasteel Runkelstein, Duitsland.

Er zijn verschillende namen genoemd om de vrouw te identificeren. In de 17e eeuw werd het schilderij verward met het portret van Margarete Maultasch (1318-1369) die, gescheiden van haar eerste echtgenoot Jean Henri van Luxemburg, hertrouwde met Lodewijk I, markgraaf van Brandenburg, na duizend-en-een verwikkelingen die resulteerden in de excommunicatie van het echtpaar door Clemens VI.

Een ingewikkeld verhaal in roerige tijden, waaraan Margarete de bijnaam « muil-tas’ (grote mond) of « hoer » in het Beierse dialect overhield. Het probleem is dat we andere portretten van Margarete kennen waarop ze op haar mooist is… Ze werd niettemin omschreven als « de lelijkste vrouw uit de geschiedenis » en kreeg de bijnaam « de lelijke hertogin ».

In de Victoriaanse tijd inspireerde deze afbeelding (of een van de vele versies ervan) John Tenniels afbeelding van de hertogin in zijn illustraties voor Lewis Carrolls Alice’s Adventures in Wonderland (1865). Dit hielp om de bijnaam te bevestigen en het personage tot een icoon te maken voor generaties lezers.

De oude man, Quinten Matsys, Musée Jacquemart André, Parijs.

Ten tweede is er de oude man, wiens met bont afgezette gewaad en gouden ringen, hoewel niet zo duidelijk ouderwets of absurd als het kostuum van de vrouw, toch opzichtig rijkdom suggereren.

Zijn opvallende profiel doet denken aan het bekende profiel van de belangrijkste Europese zakenbankier in de 15e eeuw, de overleden Cosimo de’ Medici van Florence. Deze laatste, die een belangrijke rol had gespeeld als beschermheer van de kunsten en als voorstander van het Oecumenisch Concilie van Florence, verloor op latere leeftijd zowel zijn verstand als zijn waardigheid.

Het is opmerkelijk dat in 1513, het jaar dat het schilderij werd voltooid, de oorlogslustige paus Julius II, de grote vijand van Erasmus, stierf en Giovanni di Lorenzo de’ Medici de nieuwe paus werd onder de naam Leo X.

Jacob Fugger.

De figuur van de oude man doet ook denken aan de verloren gegane portretten uit het begin van de 15e eeuw van hertog Filips de Stoute van Bourgondië.

Als je nog een keer kijkt en de borsten van de vrouw vergeet, zie je dat haar gezicht, een gezicht is van… een vreselijke man.

Het zou een gehate politicus of theoloog uit die tijd kunnen zijn, die de een aan de ander verkoopt in een vlaag van hebzucht en lust.

Is de lelijke oude hoer misschien een verwijzing naar de bankier Jacob de Rijke, de perverse bankier van het Vaticaan? Laten we voor nu accepteren dat we het niet weten.

De Boheemse kunstenaar Wenceslaus Hollar (1607-1677) zag het dubbelportret van Matsys en maakte er in 1645 een gravure van. Hij voegde er de titel « Koning en koningin van Tunis, bedacht door Leonardo da Vinci, uitgevoerd door Hollar » aan toe.

Da Vinci’s « vaderschap » van dit werk was dus blijkbaar een ​​publiek geheim.

In de carnavalsperiode, waarin mensen zich een paar dagen mochten onttrekken aan de regels van de maatschappij, althans in de Lage landen en de regio Noordrijn-Westfalen, werd er met veel plezier van rolwisselingen genoten. Arme boeren konden zich voordoen als rijke kooplieden, leken als geestelijken, dieven als politieagenten, mannen als vrouwen, enzovoort.

Leonardo da Vinci, schets, National Gallery, Washington.

Het oorspronkelijke idee voor deze metafoor komt duidelijk van Da Vinci, die een klein schetsje maakte van een lelijke vrouw, mogelijk een oude hoer, opvallend genoeg met horens, een kapje en een klein bloemetje tussen haar borsten. Precies dezelfde attributen, metaforen en symbolen die Matsys later in zijn werk gebruikte!

Francesco Melzi? Kopie naar Leonardo, Harvard University.

Melzi, de leerling van Da Vinci, maar ook andere leerlingen of discipelen hebben hoogst waarschijnlijk het werk van hun meester gekopieerd of gebruikt. Het plaatsen van de oude geile vrouw tegenover een rijke Florentijnse koopman is dus misschien een originele grap van Melzi of Salai (« kleine duivel »), een lievelingsleerling van Da Vinci vooral bekend als een grapjas. Werden er onder de mantel tekeningen verkocht? Het blijft maar gissen.

Francesco Melzi? naar Leonardo, Harvard Universiteit.
Leonardo da Vinci, schets, Uffizi Museum, Florence.

Er zijn over de hele wereld verschillende grappige versies van het thema te vinden in zowel particuliere als openbare collecties.

Een andere schets, gemaakt door Da Vinci zelf of door zijn discipelen, toont een groteske wildeman, met overeind staand haar, vergezeld door een reeks grotesk ogende geleerden, van wie er één op Dante lijkt!

Francesco Melzi, zeven karikaturen, 1515, Galleria dell’Academia, Venetië.

Da Vinci, die zijn geschriften altijd ondertekende met de woorden « man zonder letteren » (omo sanza lettere) 151, voelde zich verdrukt in zijn statuut als ambachtsman en werd nooit ernstig genomen door de boekgeleerden die Lucianus veroordeelde omdat zij hun ziel hadden verkocht aan de gevestigde orde.

Dit alles laat zien dat er niets « ziekelijk » was aan wat Matsys schilderde, maar dat hij deel uitmaakte van een « cultuur » van groteske gezichten waarvan variaties werden gebruikt om de metaforische inhoud en verbeelding van de humanistische cultuur te verrijken.

De impact van Matsys behandeling van dit kluchtig onderwerp was en blijft explosief. Van vluchtige schetsen van Da Vinci, maakte hij levensgrote en adembenemend hyperrealistische voorstellingen!

In de Windsor-collectie van de koningin bevindt zich een tekening met rood krijt waarop de vrouw vrijwel exact hetzelfde is afgebeeld als in het werk van Matsys.

Melzi of Da Vinci? naar Quinten Matsys, Windsor, Londen.

Tot voor kort waren historici ervan overtuigd dat Quentin Matsys deze tekening, toegeschreven aan da Vinci, had « gekopieerd » en had vergroot als onderwerp van zijn olieverfschilderij.

Recentelijk onderzoek suggereert echter dat het anders ging!

In werkelijkheid zou Melzi, of Da Vinci zelf, de rode krijt tekening naar het schilderij van Matsys hebben kunnen gemaakt, hetzij door er direct naar te kijken, hetzij op basis van reproducties. Kunt u zich voorstellen dat een Italiaan een Vlaamse schilder kopieert?

Susan Foister, adjunct-directeur en conservator van Oudhollandse, Duitse en Britse schilderijen bij de National Gallery in Londen, die ook de tentoonstelling Renaissance Faces: Van Eyck tot Titiaan uit 2008 cureerde, vertelde destijds aan The Guardian:

Volgens Foister ontdekten ze dat Matsys tijdens het proces wijzigingen aanbracht aan zijn schilderij. Dit suggereert dat de Vlaming het zelf maakte in plaats van een sjabloon te kopiëren. Bovendien zijn in de rode krijt tekening de vormen van het lichaam en de kleding te simplistisch afgebeeld en ontbreekt het linkeroog van de vrouw in de oogkas.

Ze voegde toe dat beide kunstenaars bekend stonden om hun interesse in grotesken en dat ze tekeningen uitwisselden, « maar de eer voor dit meesterlijke werk gaat naar Matsys. » 155

Emma Capron, Associate Curator of Renaissance Painting in de National Gallery in Londen, schreef in 2023:

7. Liefrinck en Cock

In een commentaar157 geeft Jan Muylle enkele interessante gegevens over het werk van de Antwerpse houtsnijder-graveur en prentenuitgever Hans Liefrinck (ca. 1518-1573).

Liefrinck maakte onder meer de tweede staat van Pieter Bruegels ontwerpen De Vette Keuken en De Magere Keuken, en hij werkte samen met meester drukker Christoffel Plantijn.

Hij publiceerde ook, gedrukt op twee vellen, vier nauwelijks bekende kopergravuren met groteske koppen ontleend aan tekeningen van of naar Leonardo da Vinci.

Hans Liefrinck, kopergravure.

De bijschriften en epigrammen van Liefrinck’s en Cock’s gravures geven ook “een hoogstnoodzakelijke houvast bij het formuleren van een interpretatie. Dit is welkom, omdat het hier een representatief corpus van werken betreft.”

Hans Liefrinck, kopergravure. Het epigram zegt: « Sordida, deformis sic est coniuncta marito Foemina, quo quaerat quisque sibi similem« . (De lelijke vrouw is even wanstaltig als haar man. Hieruit blijkt dat iedereen een evenbeeld zoekt).

In de cartouche van Liefrincks tweede onderschrift leest men iets wat Da Vinci ook bijna zegde : “Deformes, bone spectator, ne despice vultus. Sic natura homines sic variare solet.” (Waarde kijker, veracht deze misvormde gezichten niet. Zo zorgt de natuur er gewoonlijk voor dat de mensen onderling verschillen.)

Hieronymus Cock (ca. 1510-1570) neemt ook de groteske verbeelding over van “Het ongepast koppel” (Ongelijke Liefde) in een gravure. Er wordt gezegd dat hij ze kopieerde van de Italiaan Agostino Veniziano (1490-1550). Het epigram van Veniziano is typische Venitiaanse “humor” : “Chi non ci vol veder si cavi gli occhi“ (Wie ons niet wil zien, trek zijn ogen uit). Welke versie er eerst is gemaakt blijft voorlopig onduidelijk. In de epigrammen maken beide kunstenaars eigenlijk geen referentie meer naar het oorspronkelijk thema.

Wat duidelijk is, is het feit dat het epigram onderaan Cocks prent, veel humanistischer is :

De onderschriften bij de gravures van Liefrinck en Cock sluiten goed aan met het humanisme van Erasmus en de visie van Da Vinci.

8. Dood gaan van het lachen, Zeuxis, Matsys en Rembrandt

Tot slot trok het lezen van Daniel Ménagers boek De Renaissance en de Lach 158 onze aandacht op het relaas van het leven van de Griekse schilder Zeuxis. Deze historische anekdote biedt naar onze mening een belangrijke sleutel tot het begrijpen van Matsys’ schilderij « De lelijke oude vrouw ».

Zeuxis van Heraclea (464-398 v. Chr.) was een van de beroemdste Griekse schilders uit de oudheid. Hij was geboren in Heraclea en zijn kunst overtrof die van bijna alle andere schilders uit zijn tijd.

Volgens de legende schilderde Zeuxis tijdens een kunstenaarswedstrijd druiven zo waarheidsgetrouw dat vogels eraan kwamen pikken. Een concurrerende schilder, Parrhasios van Efeze , presenteerde echter een gordijnschilderij dat zo levensecht was dat Zeuxis, trots op het oordeel van de vogels, vroeg of het gordijn dichtgetrokken kon worden zodat hij het schilderij kon zien. Hij erkende zijn waan en gaf met openhartige bescheidenheid zijn nederlaag toe, aangezien hij alleen dieren had misleid, terwijl Parrhasios mensen had misleid.

Zeuxis, verluchting uit een manuscript van de Roman de la Rose , 1525.

Zoals zowel Plinius de Oudere als Cicero vertellen, werd Zeuxis, wiens werk niet bewaard is gebleven, gevraagd om de Tempel van Hera in Crotona te decoreren. De schilder stelde voor om daar het ideaal van vrouwelijke schoonheid te schilderen: een voorstelling van Helena van Troje, de kanunnik van die tijd. Om dit ideaal van schoonheid te creëren, zou Zeuxis de meest sublieme aspecten van vijf vrouwen hebben geëxtraheerd en in één figuur hebben verenigd.

De scène verscheen in 1525 in een verluchting van een manuscript van de Roman de la Rose, uitgevoerd voor Koning Frans I.

In de tweede eeuw berichtte Sextus Pompeius Festus dat Zeuxis ooit Aphrodite schilderde, de Griekse godin van de voortplanting, het genot, de liefde en de schoonheid. Het schilderij was in opdracht van een oude vrouw die erop stond dat zij zelf model zou staan voor de jonge, mooie en rondingen hebbende Aphrodite.

Zeuxis stemde toe, maar toen ze het eindresultaat zag, een Aphrodite, afgebeeld als een gerimpelde oude vrouw, barstte hij in lachen uit en stierf. Het was de koppigheid van oude vrouwen om te geloven dat ze eeuwig waren in hun uiterlijk, een thema dat Goya in zijn tijd opnieuw zou oppakken, die zo’n heftige lach opriep dat het levensgevaarlijk werd!

Het verhaal ontging ook Erasmus niet. Hij vermeldt het in zijn Lof der Zotheid (uitgegeven in 1511) in een passage die in verband kan worden gebracht met het schilderij van Matsijs, dat dateert van omstreeks 1513.

Erasmus speelt de bal terug in het mannenveld:

De man, de tegenhanger van Matsys’ dubbelportret met de « lelijke oude vrouw », is duidelijk het type man dat door waanzin is getroffen en gelooft dat zijn geliefde de godin Venus is, terwijl zij in werkelijkheid een « angstaanjagend lelijke vrouw » is. De man, net als veel toeschouwers, realiseert zich niet eens dat dit lichaam van zijn geliefde bekroond is met een mannenhoofd! De waanzin is dus dubbelzinnig en breed gedeeld, ook onder de toeschouwers.

De humanist is niet onkundig van de oorzaken van de dood van Zeuxis, die hij terloops vermeldt in Adagium 2401 over ‘Het sardonisch lachen’:

Rembrandt, zelfportret als Zeuxis (1662), Wallraf-Richartz Museum, Keulen.

Matsys, lid van het Sint-Lucasgilde en volgens sommigen van de literaire afdeling daarvan, de Rederijkerskamer De Violieren, heeft mogelijk inspiratie gehaald uit dit verhaal.

Door de « lelijke oude vrouw » te schilderen, zoals Zeuxis vóór hem had gedaan, wilde Matsys ons doen sterven van het lachen (om ijdelheid)! Een lofzang op de waanzin, omgezet in schilderkunst!

Het onderwerp heeft veel interesse gewekt.

In 1662, Rembrandt, op ongeveer 56-jarige leeftijd, beeldde zichzelf op een werk slechts zeven jaar voor zijn dood in 1669 af als Zeuxis terwijl hij zichzelf doodlacht. Rembrandt schilderde een oude vrouw van wie de neus en juwelen zichtbaar zijn. 160

Het thema werd in 1685 overgenomen door Rembrandt’s laatste leerling, Aert de Gelder. Hoewel Rembrandt het profiel van de oude vrouw in de schaduw tekende, is De Gelders onderwerp onomstotelijk helder.

Zelfportret als Zeuxis, 1685, Arent de Gelder. Städler-Museum, Frankfurt.

E. Slotbeschouwing

Het werk van Quinten Matsys en zijn visuele dialoog met dat van Leonard da Vinci levert ons een duidelijk bewijs dat de Lage Landen zich niet hermetisch afsloten tegen de invloed van de Italiaanse Renaissance. In deze gewesten koos men eerder wat men zag als een meerwaarde voor onze nationale cultuur: de liefde voor God, schoonheid en de mens van Petrarca, de wetenschap van perspectief van Piero della Francesca, de hilarische tronies van Leonardo da Vinci. Dat alles vond in de Lage Landen veel aandacht en bewondering. Dit was niet het land van achterlijke boeren zonder cultuur zoals dat weleens beweerd werd in aristocratische kringen die helemaal niets begrepen hebben van Bruegels diepere boodschap.

Op cultureel gebied moet men helaas vaststellen dat de « Zeven hoofdzonden » die More en Erasmus vijf eeuwen geleden probeerden in te dijken, zijn verheven tot de axiomatische « waarden » van de hedendaagse « westerse » samenleving!

Totaal het tegenovergestelde van de universele mensenwaarden die de kern vormen van de filosofische, religieuze of agnostische overtuigingen van de grote meerderheid.

« Vrijheid » werd losgekoppeld van « noodzakelijkheid », « rechten » van « plichten. » Alles mag. Lust, afgunst, hebzucht, luiheid, vraatzucht, hebzucht, woede, geweld, wreedheid, verslaafdheid, enz. worden dagelijks in een positief licht gezet op televisie en internet, met inbegrip voor laagjarige kinderen. Het mag allemaal en wordt zelfs aangemoedigd, zolang het niet indruist tegen de dominante machtsstructuur.

Erasmus zou zich in zijn graf omdraaien als hij wist dat zijn naam in 2024 vooral verbonden is aan een studiebeurs die de EU aanbiedt aan jongeren die in andere EU-lidstaten willen gaan studeren. Zoals een Belgische professor voorstelde, zouden deze beurzen een periode van verplichte training in het gedachtegoed van Erasmus moeten bevatten, en in het bijzonder in zijn vergevorderde concepten van vredesopbouw. 161

Kortom, om een ​​nieuwe renaissance te realiseren, moeten we onze medeburgers bevrijden van Angst. Ze negeren reële gevaren, zoals een kernoorlog, en leven in angst voor denkbeeldige bedreigingen.

Redelijkheid alleen is niet genoeg. Zonder humor zou de Renaissance, met zijn ongeëvenaarde bloei van ontdekkingen en uitvindingen in wetenschap, kunst en maatschappij, nooit hebben plaatsgevonden. Humor is een katalysator voor creativiteit. Zoals sommige hedendaagse Chinese wetenschappers zeggen: “Effectief Ha-ha [lachen] helpt mensen naar A-Ha [ontdekken]”. 162

Door ons gevoel voor humor te ontwikkelen, ontwikkelen we een nieuw vermogen om problemen vanuit verschillende invalshoeken te begrijpen, en dit type denken leidt tot meer creativiteit. Problemen op een lineaire, traditionele manier benaderen leidt tot conventionele, zelfs triviale oplossingen. Maar, zoals Albert Einstein suggereerde: “Om creativiteit te stimuleren, moeten we een kinderlijke liefde voor spel ontwikkelen”.

Humor is een creatieve daad omdat creativiteit, net als humor, verrassing uitlokt door bepaalde kaders te doorbreken. In beide gevallen is het doel om niet voor de hand liggende verbanden te leggen tussen ongerijmde elementen. En wat is een grap anders dan een combinatie van verschillende en/of contrasterende ideeën die ironie creëren, een verschuiving, een ongehoorzaamheid aan conventionele verwachtingen. Humor maakt ons bewust van de ongerijmdheid tussen twee elementen. En het vermogen om van het ene element naar het andere te gaan is een cognitief proces dat creativiteit bevordert. Met andere woorden, humor verandert de manier waarop we denken en vergemakkelijkt onverwachte manieren van denken, zoals het “gedachte-experiment” dat Einstein ertoe bracht zich voor te stellen dat hij “op een lichtstraal” reed.

En het “spelinstinct” van de mens, zoals Friedrich Schiller aangeeft in zijn werk Over de esthetische opvoeding van de mens in een reeks brieven (1795), als een eerste ontmoeting met een afwezigheid van beperkingen, dient een breder project van menselijke vooruitgang, waarin de vrijheid die nodig is voor de mens om zichzelf adequaat te besturen wordt uitgeoefend door de interactie van de vermogens die zich manifesteren in de loop van de esthetische ervaring. Kortom, de ontwikkeling van zowel “spelinstinct” als humor zijn essentieel voor creativiteit en kunst, inclusief de kunst van zelfbestuur.

Laten we stoppen met onder onze adem lachen en hartelijk lachen. De meeste wetenschappelijke studies zijn het erover eens dat lachen goed is voor je gezondheid en dat plotselinge sterfgevallen door lachaanvallen zeldzaam zijn.

Voor hen die, net als wij, streven naar vrede door de ontwikkeling van ieder individu en iedere staat, is het tijd om de visie van Erasmus, Rabelais, Da Vinci en Matsys over de « hartelijke lach » heel, heel, heel serieus te nemen. Dat is de weg naar ontvoogding !

Jan Matsys, circa 1530, Phoebus Foundation, Antwerpen.

Tot slot, een visuele rebus van Jan Matsys.

Oplossing:

  • De “D” is een afkorting van “de »;
  • De wereldbol betekent “wereld”;
  • De voet, in het Nederlands, is de naam van het lichaamsdeel “voet”, maar het woord ligt dicht bij het woord “voedt” (voedsel geven);
  • De vedel (snaarinstrument), waarvan de betekenis dicht bij het woord “vele” ligt;
  • Hieronder… de twee narren of zotten die wijzen naar wat er gebeurt « tussen neus en lepel » (tussendoor, en passant).

De oplossing van de reubus is dus: « De wereld voedt veel zotten. »

En jij, toeschouwer, jij bent één van ons, vertellen ons de zotten. Ze weten het en adviseren ons om het aan niemand te vertellen! Mondeke Toe!

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VERKLARENDE VOETNOTEN:

  1. De spelling van de naam van de kunstenaar verschilt in de loop van de tijd en per taalcultuur. In het Frans heet hij Quentin Metsys, in het Engels Quinten Massys en in het Nederlands Quinten (Kwinten) Matsijs. In Grobbendonk heet hij Matsys. Omdat de « ij » aan het einde van de 15e eeuw nog niet bestond, koos de auteur voor deze tekst « Quinten Matsys », identiek aan de spelling die Harald Brising in 1908 gebruikte en die Matsys zelf gebruikte om zijn schilderij De bankier en zijn vrouw (1514, Louvre) te signeren. ↩︎
  2. Antwerpen, Twaalf eeuwen geschiedenis en cultuur, Karel Van Isacker en Raymond van Uytven, Mercatorfonds, Antwerpen, 1986. ↩︎
  3. Brugge, duizend jaar kunst, Valentin Vermeersch, Mercatorfonds, Antwerpen, 1981. ↩︎
  4. L’âge d’or d’Anvers, Léon Voet, Fonds Mercator, Antwerpen, 1976. ↩︎
  5. Erasmus (1466-1536) is een van de grootste denkers uit de geschiedenis van de Lage landen. Hij was priester, theoloog, filosoof, schrijver en humanist. Twee centrale motieven bepalen Erasmus’ denken: de vrijheid van mensen en vrede. In 1517 schreef hij Querela Pacis, “De Klacht van de Vrede”, waarin hij de vredesengel aan het woord laat. De engel spreekt zich uit tegen strikt nationalisme, vooral wanneer dit misbruikt wordt om oorlog te voeren, en ten gunste van internationale samenwerking. ↩︎
  6. Jean Anouilh, Thomas More of de vrije man, Editions de la Table ronde, Parijs, 1987. ↩︎
  7. Pieter Gillis (1486-1533), beter bekend onder zijn Latijnse naam Petrus Ægidius, was een humanist, jurist, proeflezer en redacteur die werkte voor Dirk Martens. Hij is een vriend van Erasmus en komt voor in de Utopia van Thomas More. Hij beveelde de schilder Holbein de Jongere aan bij Thomas More en werd stadssecretaris (burgemeester) van de stad Antwerpen. ↩︎
  8. Dirk Martens (1446-1534) van Aalst was een geleerde, humanist, uitgever en boekdrukker in Vlaanderen, gevestigd in Leuven en Antwerpen. Hij publiceerde de eerste brief van Christoffel Columbus, waarin hij verslag doet van zijn reis, en een vijftigtal werken van Erasmus, evenals de eerste druk van Utopia van Thomas More. Om studenten gemakkelijk toegang te geven tot kennis, liet Martens veel klassiekers drukken in zakformaat. Zie Dirk Martens, de drukker van Erasmus die de paperback verspreidde, Karel Vereycken, Artkarel, 2019. ↩︎
  9. Gerard Geldenhouwer (1482-1442), ook bekend als Gerhardus Noviomagus, was een humanist en satiricus met erasmiaanse inspiratie. Net als Erasmus kreeg hij onderwijs aan de beroemde Latijnse school van de Broeders van het Gemene Leven in Deventer. In Leuven schreef hij zijn eerste publicaties, waaronder een bundel Satires in de traditie van Erasmus’ Lof der Zotheid. Hij hield toezicht op het drukken van diverse werken van Erasmus en Thomas More. Later sloot Geldenhouwer zich aan bij de protestantse Reformatie, meer bepaald bij de tolerante stroming van Philipp Melanchthon in Maagdenburg. ↩︎
  10. De Nederlandse historicus Cornelius de Schryver (1482-1558), beter bekend als Cornelius Grapheaus, was een humanist, dichter, filoloog en hoogleraar Latijn. Oorspronkelijk afkomstig uit Nijmegen, vestigde hij zich in Antwerpen. Toen hij jong was, ging hij naar Italië. Als vriend van Erasmus, Gillis en Geldenhouwer leverde hij zes elegische verzen voor de uitgave van Thomas More’s Utopia, uitgegeven door Dirk Martens. Hij was meermaals stadssecretaris (burgemeester) van Antwerpen. ↩︎
  11. Na de dood van Hans Memling in 1494 werd Gerard David (1460-1523) de belangrijkste schilder van Brugge. In 1501 werd hij deken van het gilde. Ondanks zijn succes in Brugge, liet hij zich samen met Patinir inschrijven als meester in Antwerpen, waardoor hij zijn werken ook op de bloeiende kunstmarkt van die stad kon verkopen. Zie Gerard David, Hans J. Van Miegroet, Mercator Fonds, Antwerpen, 1989. ↩︎
  12. De Antwerpse schilder Joachim Patinir (1483-1524), afkomstig van Dinant, was een goede vriend van Quinten Matsys. Zie Patinir ou l’harmonie du monde, Maurice Pons en André Barret, Robert Laffont, Parijs, 1980. ↩︎
  13. De Neurenbergse schilder-graveur en meetkundige Albrecht Dürer (1471-1528) woonde elf maanden in Antwerpen: van 2 augustus 1520 tot 2 juli 1521. In zijn reisdagboek lezen we over de mensen die hij in Antwerpen ontmoette, onder wie de beroemde kunstenaars Quinten Matsys, Bernard van Orley en Lucas van Leyden. Zijn terugkeer naar Neurenberg viel samen met de aankondiging van de ‘plakkaten’ (decreten) van Karel V, die katholieken verboden de Bijbel te lezen. Omdat Dürers inkomsten grotendeels afkomstig waren van het illustreren van Bijbelteksten, waren de vooruitzichten om er zijn brood mee te verdienen vrijwel nihil. ↩︎
  14. In 1510 produceerde de in Leiden geboren en door Dürer beïnvloede Lucas van Leyden (1489-1533) twee meesterlijke gravures, Het melkmeisje en Ecce Homo. Laatstgenoemde werd door Rembrandt zeer bewonderd. Lucas ontmoette Dürer in 1521 in Antwerpen en profiteerde opnieuw van zijn invloed, zoals blijkt uit de Passieserie uit datzelfde jaar. Het is mogelijk dat Lucas zijn graveervaardigheden met de hulp van Dürer heeft verbeterd, aangezien hij na hun ontmoeting een aantal etsen heeft gemaakt. ↩︎
  15. Holbein de Jongere (1497-1543) was een schilder uit Bazel. Als tiener werd hem gevraagd om een ​​exemplaar van Erasmus’ Lof der Zotheid te voorzien van tekeningen, wat hem zeer goed lukte. Holbein schilderde meerdere olieverfportretten van de humanist en kwam naar Antwerpen om Pieter Gillis te ontmoeten. Later sloot hij zich aan bij Thomas More in Engeland. ↩︎
  16. De stijl van de Antwerpse maniëristen wordt bekritiseerd vanwege het gebrek aan karakter en individuele expressie. Er wordt gezegd dat het ‘gemanierd’ is en, erger nog, dat het gekenmerkt wordt door een kunstmatige elegantie. Zie Les Primitifs flamands et leur temps, pages 621-622-623-624, Editions Renaissance du Livre, 1994. ↩︎
  17. L’art flamand et hollandais, le siècles des primitifs (1380-1520), Christian Heck, Citadelles & Mazenod, Parijs. ↩︎
  18. De onderzoeksgroep Ghent Interdisciplinary Centre for Art and Science (GICAS) is een samenwerking tussen leden van de faculteiten Letteren en Wijsbegeerte (Kunstgeschiedenis, Archeologie, Geschiedenis), Wetenschappen (Analytische Chemie) en Architectuur en Ingenieurswetenschappen (Beeldverwerking). Het onderzoek richt zich op de materiële aspecten van kunstwerken, met een bijzondere nadruk op de Nederlandse schilderkunst (15e-17e eeuw). Het centrum past zowel beeldvorming als beeldverwerkingstechniek toe, als ook materiaalanalyse in relatie tot kunsthistorische kwesties en toepassingen in conservering en restauratie. ↩︎
  19. The Paintings of Quinten Massys: With Catalogue Raisonne, Larry Silver, Allanheld & Schram, 1984. ↩︎
  20. Quentin Metsys, Andrée de Bosque, Arcade Press, Brussel, 1975. ↩︎
  21. Quinten Matsys; essai sur l’origine de l’italianisme dans l’art des Pays-Bas, Harald Brising, proefschrift van 1908, Leopold Classic Library, herdrukt in 2015. ↩︎
  22. Erasme et la peinture flamande de son temps, Georges Marlier, Editions van Maerlant, Damme, 1954. ↩︎
  23. Georges Marlier, ibid. p. 163. ↩︎
  24. Hoe Erasmus’ zotheid onze beschaving redde, Karel Vereycken, Artkarel, 2005. ↩︎
  25. Albrecht Dürers strijd tegen neoplatoonse melancholie, Karel Vereycken, Solidarité & Progrès webpagina, 2007. ↩︎
  26. De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd, Herman Pleij, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam, 2007. ↩︎
  27. Le bas Moyen Âge et le temps de la rhétorique, Hanna Stouten, Jaap Goedegebuure, Frits Van Oostrom, in Histoire de la littérature néerlandaise, Fayard, 1999. ↩︎
  28. De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Dr Eric de Bruyn, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001; Bosch, his picture-writing deciphered, Dirk Bax, A.A.Balkema, Rotterdam, 1978. ↩︎
  29. De Franse schrijver en christelijk humanist François Rabelais (1483-1553) in zijn brief aan Salignac (in werkelijkheid Erasmus) zijn « vader » en zelfs zijn « moeder » en vergelijkt zichzelf liefdevol met een soort baby die in zijn baarmoeder groeide, Rabelais, Oeuvres complètes, p. 947, Editions du Seuil, Parijs, 1973. ↩︎
  30. Het Spaanse literaire genie Miguel de Cervantes (1546-1616) kreeg zijn opleiding van zijn schoolmeester Juan Lopez de Hoyos (1511-1583), een fervent volgeling van Erasmus, wiens visie hij overbracht op zijn meest geliefde leerling.
    ↩︎
  31. Het is overtuigend aangetoond dat de Engelse toneelschrijver en dichter William Shakespeare (1564-1616) het toneelstuk Sir Thomas More uit 1595 schreef, of er in ieder geval een substantiële bijdrage aan leverde. Hij beschouwde zich, in geest en daad, als de « tweelingbroer » van Erasmus. ↩︎
  32. Erasmus of the Low Countries, James D. Tracy, p. 104, Erasmus begon rond 1515 in zijn werken te spreken over « de filosofie van Christus ». Al in Julius Exclusus (Paus Julius II uitgesloten van de hemel, 1514) introduceert hij het idee wanneer Sint-Petrus de goddelijke eenvoud van Christus’ leer contrasteert met de wereldse arrogantie van de krijger-Paus Julius II. « Dit soort filosofie » (van Christus) komt « meer tot uitdrukking in emoties [affectibus] dan in syllogismen », het gaat « meer over inspiratie dan over leren, meer over transformatie dan over redeneren. » ↩︎
  33. Over Plato‘s humanisme: Bierre, Christine, Platon contre Aristote, la République contre l’oligarchie, webpage Solidarité & Progrès, 2004.
    ↩︎
  34. Martin Luther King, in een sermoen, herinnert er ons aan dat in het oude Griekenland onderscheidde men drie verschillende vormen van liefde: eros, voor geslachtelijke liefd, philia voor (broederlijke) vriendschap en agape, vertaald in het latijn als caritas voor grenzeloze naastenliefde. Agape kiest ervoor de ander te beschouwen zoals in 1 Korintiërs 13 gebeurt: altijd bereid het beste van de ander te denken, klaar om te vergeven, bereid het beste voor de ander te zoeken. Een belangrijke eigenschap van agape, is dat ze niet gebaseerd is op de eigen behoeften. ↩︎
  35. Tussen 339 en 397 n. Chr. studeerde en schreef kerkvader Hiëronymus van Stridon, waarbij hij gebruikmaakte van veel historische en filosofische werken uit zijn eigen bibliotheek. Hieronymus bleef zijn klassieke geleerdheid inzetten in dienst van het christendom, en de intellectuele discipline die daarbij kwam kijken werd gewaardeerd zolang deze het christelijke doel kon dienen – en zonder de nieuwe christelijke samenleving in gevaar te brengen. ↩︎
  36. De epistemologie van Augustinus van Hippo was duidelijk Platonisch. Volgens hem is God, ondanks het feit dat Hij buiten de mens staat, zich van Hem bewust vanwege zijn directe handelen op hen (wat tot uiting komt in de straling van zijn licht op de geest of soms in zijn onderricht) en niet vanwege redeneringen of het leren uit louter empirische zintuiglijke ervaringen. ↩︎
  37. Tot de grootste successen van Pieter Bruegel de Oude behoren De zeven hoofdzonden en De deugden, twee series tekeningen, gegraveerd en gedrukt door zijn vrienden en medewerkers in drukkerij In de Vier Winden van Hieronymus Cock in Antwerpen, in een beeldtaal die hij overnam van zijn inspiratiebron, de schilder Hieronymus Bosch. ↩︎
  38. Het leven en de kunst van Albrecht Dürer, Erwin Panofsky, Princeton University Press, 1971. ↩︎
  39. Vanitas (van het Latijnse ‘ijdelheid’, wat in deze context nutteloosheid of zinloosheid betekent) is een soort memento mori of symbolische metafoor die herinnert aan de onvermijdelijkheid van de dood. Het symboliseert de vergankelijkheid van het leven, de zinloosheid van genot en daarmee de ijdelheid van een bestaan ​​dat wordt gedefinieerd door de permanente zoektocht naar aards genot. ↩︎
  40. Over de strijd van Petrarca en zijn boezemvriend Boccaccio voor de introductie van het klassieke Grieks in Europa: De revolutie van het antieke Grieks, Plato en de Renaissance, Karel Vereycken, Artkarel, 2021. ↩︎
  41. De immense populariteit en daarmee het historische belang van deze cycli, vooral in Frankrijk, mag niet worden onderschat. In Nederland is de vaak verkeerd begrepen beeldtaal van Pieter Brueghel de Oude voor zijn schilderij De triomf van de dood (Prado, Madrid) vrijwel rechtstreeks ontleend aan de dichtbundel van Petrarca. ↩︎
  42. Met Hieronymus Bosch op het spoor van het Sublieme, Karel Vereycken, Archiefwebpagina, Schiller Instituut, Washington. ↩︎
  43. Bosch, De Tuin der Lusten, Reindert Falkenburg, Hazan, Parijs, 2015. ↩︎
  44. In zijn magnum opus, Il Cortegiano (De hoveling), Boek XXXIX, bespot de pauselijke nuntius Baldassar Castiglione (1478-1519) Leonardo da Vinci en betreurt « dat een van de eerste schilders ter wereld de kunst waarin hij uniek is, verachtte en filosofie begon te studeren, waarin hij concepten en hersenschimmen smeedde die zo vreemd waren dat hij ze nooit in zijn werk kon schilderen. » ↩︎
  45. Leonardo da Vinci’s notitieboeken, Richter, 1888, XIX filosofische stelregels. Moraal. Controverses en speculaties, nr. 1178, Dover Editions, Vol. II., 1970. ↩︎
  46. Het geheim om creatief te zijn: lachen, Angeles Nieto, Angeles Earth; ↩︎
  47. De Docta Ignorantia (Over aangeleerde onwetendheid), Nicolaas van Cusa, 1440. Cusanus volgt hier Socrates, die volgens Plato zei: « Ik weet dat ik niets weet » (Plato, Apologie, 22d). ↩︎
  48. Met zijn De servo arbitrio (De Verslaafde Wil) reageerde Maarten Luther in 1525 op Erasmus’ De libero arbitrio (Over de Vrije Wil) die een jaar eerder, in 1524, werd gepubliceerd. ↩︎
  49. Op 31 oktober 1517 schreef Luther een brief aan zijn bisschop, Albert van Brandenburg, om te protesteren tegen de verkoop van aflaten. Bij zijn brief voegde hij een kopie van zijn Dispuut over de kracht en doeltreffendheid van aflaten, beter bekend als de 95 stellingen. Erasmus en anderen hadden deze oplichterij al uitgebreid veroordeeld, met name in zijn Lof der Zotheid uit 1509. ↩︎
  50. Massys and Money: Tax Collectors Rediscovered, Larry Silver, JHNA, Volume 7, Number 2 (zomer 2015), Silver schrijft: « Toch wordt de invloed van Massys’ schilderkunst op de geschiedenis van de genreschilderkunst al enige tijd erkend. Het onderwerp werd vrijwel onmiddellijk opgenomen door de zoon van de schilder, Jan Massys, door Marinus van Reymerswaele en door Jan van Hemessen. » ↩︎
  51. Ibid, noot nr. 22. ↩︎
  52. Het werk werd in een paar dagen geschreven in de residentie van Thomas More in Bucklersbury bij Londen en drukt de diepe schok van Erasmus uit toen hij ontdekte in welke erbarmelijke staat hij « zijn » Kerk en « zijn » Italië aantrof toen hij in 1506 naar Rome kwam. Voor Erasmus, in tegenstelling tot de scholastici, moest emotie niet genegeerd of onderdrukt worden, maar verheven en opgeleid, een thema dat later door Friedrich Schiller werd ontwikkeld in zijn Brieven over de esthetische opvoeding van de mens (1795). Stultitia (de Latijnse naam voor Zotheid) is de personificatie van Waanzin die voortdurend heen en weer slingert tussen schijnbare zotheid = echte wijsheid en schijnbare wijsheid = echte zotheid, zichzelf uitdrukt en stellig aanspraak maakt op haar vaderschap en op haar vaderschap van alles. Van de « zachte » zotheid van de zwakken, van vrouwen en kinderen, van mannen die door hun zonde de rede hebben verlaten, gaat Erasmus over tot het mobiliseren van al zijn ironie en vernuft om de « harde » criminele zotheid van de machtigen, van de « philo-sofisten », van kooplieden, bankiers, prinsen, koningen, pausen, theologen en monniken te kastijden. ↩︎
  53. La Nef des Fous, Sebastian Brant, Editions Seghers en Nuée Bleue, herdruk, 1979, Straatsburg. ↩︎
  54. Sebastian Brant, Forschungsbeiträge zu seinem Leben, zum Narrenschiff und zum übrigen Werk, Thomas Wilhelmi, Schwabe Verlag, p. 34, 2002, Basel. ↩︎
  55. Dürer maakte deze gravure ter illustratie van een populaire bundel met de titel Het Boek van de Torenridder, een handleiding voor goed gedrag voor jonge meisjes. Volgens het verhaal at de vrouw van de kok een paling die bedoeld was voor een speciale gast, maar in plaats van het aan haar man te vertellen, loog ze. Er wordt gezegd dat een ekster het geheim van de vrouw aan haar man vertelde en dat de wraakzuchtige vrouw hem als straf zijn veren liet uitplukken. De kok, afgebeeld met alle attributen van zijn vak: mes, pan en lepel, luistert naar de vogel met een uitdrukking van toenemende verbazing op zijn gezicht, terwijl zijn vrouw haar blik opzij richt in afwachting die grenst aan een oplossing. ↩︎
  56. Het feit dat de Florentijnse schrijver en koopman Lodovico Guicciardini (1521-1589) het grootste deel van zijn leven in Antwerpen woonde, zij het na 1542, maakt hem een waardevolle bron van informatie. ↩︎
  57. For Bruegel, his World is Vast, Interview van de auteur met Bruegel expert Michael Gibson, kunstcriticus voor de International Herald Tribune, Fidelio, Vol. 8, N° 4, Winter 1998. ↩︎
  58. Sebastian Brant, Ibid., p. 23. ↩︎
  59. Sebastian Brant, Ibid., p. 27. ↩︎
  60. Dendrochronologisch onderzoek van Peter Klein heeft het hout gedateerd op 1491, dus voor de publicatie van Brants Narrenschip. Meestal ziet men Bosch’s oeuvre als een illustratie van de eerste editie van 1493. Een andere mogelijke bron voor de allegorie van het schip is de Bedevaart van de ziel, een werk van de 14e-eeuwse cisterciënzer Guillaume de Deguileville, gedrukt in het Nederlands in 1486. ↩︎
  61. Dendrochronological Analysis of Works by Hieronymus Bosch and His Followers, Peter Klein, Museum Boijmans Van Beuningen-NAi Publishers-Ludion, Rotterdam, 2001; ↩︎
  62. See Moderne Devotie et Broeders en van het Gemene Leven, bakermat van het Humanisme, lezing van Karel Vereycken, 2011, Artkarel.com. ↩︎
  63. Dit thema, verder ontwikkeld door Joachim Patinir, Herri met de Bles en anderen, staat centraal in De Bedevaart van de ziel, Guillaume De Deguileville, 14de eeuw. ↩︎
  64. De Moderne Devotie, Spiritualiteit en cultuur vanaf de late Middeleeuwen, collectief werk, WBooks, Zwolle, 2018. ↩︎
  65. Dionysus de Kartuizer (1401-1471) ging op 13-jarige leeftijd naar Zwolle om les te volgens aan de Latijnse school van de Broeders van het Gemene Leven, die werd geleid door Johannes Cele. Hij vergezelde Cusanus op zijn reis door de Nederlanden in 1451. Hij was bechtvader en raadsman van Hertog Filips de Goede. Hij was waarschijnlijk de theologische adviseur van Jan van Eyck voor de compositie van het Lam Gods. Dionysus schreef De Venustate Mundi et Pulchritudine Dei (Over de aantrekkingskracht van de wereld en de schoonheid van God). Een ander bekend traktaat van hem is Speculum amatorum mundi, vertaald als Spieghel der liefhebbers deser werelt (verschenen in 1535). Het is een moralistisch-didactisch werk dat de dwaasheid van aardse genietingen uitlegt. Wie de wereld liefheeft is verdoemd, want de weg naar de hemel is smal. Een zuiver hart kan geen vreugde vinden op aarde en begrijpt dat de eeuwige vreugde alleen is weggelegd voor wie tijdens het leven godvruchtig lijdt. ↩︎
  66. Hier moeten we het baanbrekende werk van Prof. Eric de Bruyn erkennen in zijn opmerkelijke boek De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001, waarin hij onomstotelijk aantoonde dat het onderwerp van de achterkant van Bosch’ schilderij « De hooiwagen » niet de « Terugkeer van de verloren zoon » was, zoals jarenlang werd gedacht, maar eerder « De marskramer » ↩︎
  67. Les Flamands de France, Louis de Baecker, Messager des sciences historiques et archives des arts de Belgique, p. 181, Gent, Vanderhaeghen, 1850. ↩︎
  68. Le Landjuweel d’Anvers de 1561 — Faire de l’art une arme pour la paix, Karel Vereycken, Artkarel.com, 2025; ↩︎
  69. Eigentijdse beschrijving, in De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, p. 23. Dr. Eric de Bruyn, Adriaan Heinen Uitgevers, s’Hertogenbosch, 2001 ↩︎
  70. De Bruyn, Ibid. p. 23; ↩︎
  71. Voor een gedetailleerd relaas van Matsys’ jeugd, zie Quinten Metsys, Andrée de Bosque, p. 33, Arcade Press, Brussel, 1975. ↩︎
  72. De legende begon met Dominicus Lampsonius (1536-1599), die in zijn Gelijkenissen van enige bekende schilders uit Neder-Duitsland, uitgegeven in 1572 door de weduwe van Hieronymus Cock in Antwerpen, een gegraveerd portret van Matsys opnam, gemaakt door Jan Wierix, vergezeld van een gedicht over hoe Matsys’ vriendin de voorkeur gaf aan het geluid van het stille penseel boven het zware geluid van de hamerslagen van een smid. Het verhaal wordt in 1604 opgenomen door Karel van Mander in zijn Schilder-Boeck en later door Alexander van Fornenberg (1621-1663) in zijn enthousiaste presentatie van Matsys, Den Antwerpschen Protheus, vaak Cyclopshen Apelles; dat wil zeggen; Het leven, het einde van de koninklijke familie, het einde van het land, het einde van het hoge land, de heer Quinten Matsys: Van Grof-Smidt, in Fyn-Schilder, Antwerpen, uitgegeven door Hendrick van Soest, 1658. ↩︎
  73. Het schildersboek, Karel Van Mander, 1604. ↩︎
  74. Quinten Metsys, Edward van Even, in Het Belfort, Jaargang 12, 1897, Digitale Bibliotheek voor Nederlandse Letteren, webpagina. ↩︎
  75. Architectuurtekeningen uit Nederland: 15e-16e eeuw, Oliver Kik, CODART eZine, nr. 8, herfst 2016. ↩︎
  76. Voor meer: Cornelis Matsys 1510/11-1556/57: Grafisch werk, Jan Van der Stock, Tentoonstellingscatalogus. ↩︎
  77. De Bourgondische Nederlanden, Walter Prevenier en Wim Blockmans, Mercator en Albin Michel Fonds, 1983. ↩︎
  78. Zie The Age of the Fuggers, Franz Herre, Presse-Druck- und Verlag-GmbH Augsburg, 1985. ↩︎
  79. In 1548 vermeld Francisco de Hollanda (1517-1585), in zijn De Pinture Antigua (1548), het gesprek tussen Vittoria Colonna en de beroemde schilder Michelangelo waarin ze de kunst van het noorden bespraken. Michelangelo: « Over het algemeen, mevrouw, zal de Vlaamse schilderkunst de liefhebber beter bevallen dan welke schilderkunst uit Italië dan ook, die hem nooit een traan zal doen laten, terwijl die uit Vlaanderen hem er vele zal doen laten; en dit niet vanwege de levendigheid en de vaardigheid van het schilderen, maar vanwege de goedheid van de vrome persoon. In Vlaanderen schildert men omwille van de uiterlijke precisie of van dingen die je blij kunnen maken en waarover niemand kwaad mag spreken, zoals heiligen en profeten. Zij schilderen voorwerpen en metselwerk, het groene gras van de velden, de schaduwen van bomen, rivieren en bruggen. Dit noemen zij landschappen, met veel figuren aan de ene kant en veel figuren aan de andere kant. En dit alles, hoewel het sommigen bevalt, gebeurt zonder enige vakkundige keuze van stoutmoedigheid en, in laatste analyse, zonder inhoud of kracht. » ↩︎
  80. Over deze kunstenaar: zie Dieric Bouts, Catheline Périer D’Ieteren, Mercator Fonds, Brussel, 2005. ↩︎
  81. Over deze kunstenaar: zie Hugo van der Goes, Elisabeth Dhanens, Mercatorfonds, Antwerpen, 1998. Ook Hugo van der Goes en de Moderne Devotie, Karel Vereycken, Artkarel.com. ↩︎
  82. Zie Schilderijen in de Bourgondische Nederlanden, Bernhard Ridderbos, Davidsfonds, Leuven, 2014. ↩︎
  83. De drie graden van visie volgens Ruusbroec de Wonderbare en de herders in Van der Goes’ Portinari Triptiek, Delphine Rabier, Studies in Spirituality, nr. 27, pp. 163-179, 2017. In zijn tweede Brusselse werk, Die geestelike brulocht (ca. 1335/40) legt Ruusbroec uit dat het geestelijke leven in drie stadia verloopt waarin de liefde tot God zich telkens verdiept: het werkende leven, het innige leven en het Godschouwende leven. Ruusbroec beklemtoont dat de mysticus die het hoogste stadium heeft bereikt de vorige twee nooit achterlaat, maar ze beoefent vanuit de vereniging met God. Dit noemt Ruusbroec het ‘gemene’ leven. ↩︎
  84. Over deze kunstenaar: zie Rogier van der Weyden, Dirk De Vos, Mercatorfonds, Antwerpen, 1999. ↩︎
  85. Over de muziekcomposities van Jacob Obrecht (1457-1505), zie Vlaamse Muziek, Robert Wangermée, Arcade, Brussel, 1968. ↩︎
  86. Metsys’s Musician: A Newly Recognized Early Work, Larry Silver, Journal of Historians of Netherlandish Art (JHNA), Volume 10, N° 2, Zomer 2018. ↩︎
  87. Over de Renaissance en het hof van Ferrara: Een unieke Renaissance, Het Este-hof in Ferrara, Bentini Jadranka, Quo Vadis, 2003. ↩︎
  88. De Latijnse school van de Broeders des Gemene Leven in Deventer werd ten tijde van Erasmus geleid door Alexander Hegius (1433-1498), een leerling van de beroemde Rudolf Agricola (Huisman) (1442-1485), een leerling van Cusa en een vurig verdediger van de Italiaanse Renaissance en de klassieke literatuur. Erasmus noemde het een ‘goddelijk intellect’. Op 24-jarige leeftijd reisde Agricola door Italië om orgelconcerten te geven en ontmoette daar Ercole d’Este I (1431-1505), heerser van het hof van Ferrara. Aan de Universiteit van Pavia ontdekte hij ook de verschrikkingen van de aristotelische scholastiek. Toen Agricola in Deventer doceerde, begon hij zijn lezing met de woorden: « Vertrouw niets van wat je tot op heden hebt geleerd. Wijs alles af! Begin met het standpunt dat alles moet worden afgeleerd, behalve datgene wat u opnieuw kunt ontdekken op basis van uw eigen autoriteit of op basis van decreten van hogere auteurs. » ↩︎
  89. De hypothese dat Quentin Matsys een reis naar Italië heeft gemaakt, is met name geopperd door de Italiaanse auteur Limentani Virdis. Hij schrijft de schilder zelfs het vaderschap toe van een fresco in het Milanese oratorium van de abdij van Santa Maria di Rovegnano. ↩︎
  90. Vlaamse Kunst, p. 261, Dirk de Vos, Mercatorfonds, 1985. ↩︎
  91. Le Beau Martin, Gravures et dessins, Musée d’Unterlinden, Colmar, 1991; ↩︎
  92. Renaissance in the North, Holbein, Burgkmair, and the Age of the Fuggers, Guido Messling, Jochen Sanders (eds), Hirmer, 2023; ↩︎
  93. Over de vrije wilskeuze, Erasmus. ↩︎
  94. Van Eyck, Vlaams schilder die de Arabische optica gebruikte, Karel Vereycken, lezing over het thema « Perspectief in de Vlaamse religieuze schilderkunst van de 15e eeuw » aan de Sorbonne Universiteit van Parijs, 26-28 april 2006. ↩︎
  95. Van Eyck, een optische revolutie, Maximiliaan Martens, Till-Holger Borchert, Jan Dumolyn, Johan De Smet en Frederica Van Dam, Hannibal, MSK Gent, 2020. ↩︎
  96. De rol van Avicenna en Ghiberti bij de uitvinding van het perspectief in de Renaissance, Karel Vereycken, Artkarel, 2022. ↩︎
  97. Ibn al-Haytham over binoculaire visie: een voorloper van de fysiologische optica, Arabische Wetenschappen en Filosofie, pp. 79-99, Raynaud, Dominique, Cambridge University Press, 2003. ↩︎
  98. Leon Battista Alberti (1404-1472) publiceerde zijn De Pictura in 1435. Hoewel het werk belangrijke geometrische concepten uitwerkt die gebruikt worden in perspectiefweergave, ontbreekt elke vorm van illustratie of beeldspraak en gaat het niet in op de vorming van beelden in de geest van de toeschouwer. Leonardo nam de tijd om de beperkingen van het Albertiaanse systeem te demonstreren en presenteerde enkele alternatieven. ↩︎
  99. Grondslagen van de Renaissance, architectuur en verhandelingen in het altaarstuk van Anna van Quentin Matsys (1509), Jochen Ketels en Maximiliaan Martens, European Architectural Historians Network, EAHN: Onderzoeken en schrijven van architectuurgeschiedenis: onderwerpen, methodologieën en grenzen. blz. 1072-1083. ↩︎
  100. Ketels, Martens, Ibid.; ↩︎
  101. Ketels, Martens, Ibid.; ↩︎
  102. Ketels, Martens, Ibid.; ↩︎
  103. De prospectiva pingendi (Over het perspectief van de schilderkunst), geschreven door Piero della Francesca (1415-1492), is het eerste Italiaanse Renaissance-traktaat dat aan het onderwerp perspectief is gewijd. Zie Het ei zonder schaduw van Piero della Francesca, Karel Vereycken, Fidelio, Vol. 9, nr. 1, voorjaar 2000, Schiller Institute, Washington. ↩︎
  104. Ketels, Martens, Ibid.; ↩︎
  105. Joachim Patinir, Het landschap als beeld van de levende wereld, Reindert L. Falkenburg, Nijmegen, 1985. ↩︎
  106. In Albrecht Dürer, Anja-Franziska Eichler, Könemann, 1999, Keulen, p. 112. ↩︎
  107. Zie Erasmus’ droom, het « Drietalen college » van Leuven (1517-1797), Pr. Jan Papy, Editions Peeters, Leuven, 2018. ↩︎
  108. Jacopo de’ Barbari en de vroege zestiende-eeuwse noordelijke kunst, Jay A. Levenson, New York University, 1978. ↩︎
  109. Vier boeken over menselijke verhoudingen, Albrecht Dürer, 1528. Het is de moeite waard om op te merken, voor ons onderwerp hier, dat de kunstenaar in het derde boek principes geeft waarmee de verhoudingen van figuren kunnen worden veranderd, inclusief de wiskundige simulatie van convexe (bolle) en concave (holle) spiegels. ↩︎
  110. Citaat uit Italiaanse prenten uit de National Gallery of Art, Jay A. Levenson, Konrad Oberhuber, Jacquelyn L. Sheehan, National Gallery of Art, 1971. ↩︎
  111. Les premières gravures italiennes, Quattrocento-début du cinquecento. Venise, Vicence, Padoue : Jacopo de Barbari, Girolamo Mocetto, p. 312-348, Inventaire de la collection du département des Estampes et de la Photographie, Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2015. ↩︎
  112. Albert Dürer et ses rencontres avec les artistes des Pays-Bas, Matthias Mende, Stadtgeschiedliches Museum-Nürnberg, in Albert Dürer aux Pays-Bas, son voyage (1520-1521), son influence, Paleis voor Schone Kunsten, Brussel, 1977, p. 149. ↩︎
  113. Albrecht Dürer, Dagboek van zijn reis naar de Lage landen, 1520-1521. Vergezeld van het zilverstift schetsboek en de schilderijen en tekeningen gemaakt tijdens zijn reis, New York Graphic Society, Greenwich, 1996. ↩︎
  114. Ibid, Noot nr. 14. ↩︎
  115. Over hen die in dienst staan ​​van de groten, Lucianus van Samosata, vertaald door Eugène Talbot, Hachette, Parijs, 1866. ↩︎
  116. Lucianus van Samosata, Ibid. ;
    ↩︎
  117. Lucianus van Samosata, Ibid. ; ↩︎
  118. Erasme parmi nous, p. 72-73, Léon E. Halkin, Fayard, Parijs, 1987. ↩︎
  119. Jozef van Arimathea is een Bijbelse figuur die verantwoordelijk was voor de begrafenis van Jezus na zijn kruisiging.
    ↩︎
  120. Herodes de Grote (ca. 72 – ca. 4 v.Chr.) was een Romeins-Joodse ‘cliëntkoning’ (satraap) van het koninkrijk Judea. Hij staat bekend om zijn kolossale bouwprojecten, waaronder de herbouw van de Tweede Tempel in Jeruzalem. ↩︎
  121. Over de rol van Julius II bij de wederopbouw van Rome, zie What Humanity Can Learn from Raphael’s School of Athens, Karel Vereycken, Artkarel.com, 2022. ↩︎
  122. Ibid, noot nr. 88 betreffende Moderne Devotie. ↩︎
  123. Marlier, Ibid, p. 252.. ↩︎
  124. Over de rol van de Fuggers en de Welsers in de financiële en fysieke slavernij in die tijd, zie Jacob the Rich, father of financial fascism, Karel Vereycken, Artkarel, 2024. ↩︎
  125. Ehrenberg, Richard, Capital et finance à l’âge de la Renaissance : A Study of the Fuggers, and Their Connections, 1923 ; ↩︎
  126. Marlier, Ibid., p. 252 ↩︎
  127. Geciteerd door Marlier, Ibid. ↩︎
  128. Le prêteur et sa femme de Quinten Metsys, Emmanuelle Revel, Collection Arrêt sur œuvre, Service culturel, Action éducative, Louvre, Paris, 1995. ↩︎
  129. Les primitifs flamands, Erwin Panofsky, Harvard University Press, 1971, vertaald van het Engels door Dominique Le Bourg, Hazan, collection « 35/37 », Parijs, 1992, pp. 280-282. ↩︎
  130. Le siècle de Bruegel. La Peinture en Belgique qu XVIe siècle, catalogue d’exposition 27 septembre – 24 novembre 1963, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, nota van Georges Marlier. ↩︎
  131. Voor een bespreking van dit onderwerp en tegenstrijdige interpretaties: voor de duivelse aard van spiegels, zie Histoire du miroir, Sabine Melchior-Bonnet, Imago, Paris, 1994; voor spiegels als bemiddeling van het goddelijke, zie Cusanus, Het zien van God, 1453. ↩︎
  132. L’hypothèse d’Oxford, Dominque Raynaud, Presses Universitaires de France, Paris, 1988. ↩︎
  133. Jan van Eyck, a Flemish painter using Arab Optics, Karel Vereycken, lezing, 2006 Sorbonne Universiteit, Parijs, Artkarel, France. ↩︎
  134. Zie Petrus Christus, Maryan W. Ainsworth and Maximiliaan P. J. Martens, p. 96. ↩︎
  135. Iconographie de l’art chrétien, Louis Réau, Presses Universitaires de France, 1958, tome III, Iconographie des saints, pp. 927-928. ↩︎
  136. Ketels, Martens, Ibid. ↩︎
  137. Gids voor de Kunst in België, Philippe d’Aarschot, p. 105, Spectrum, 1965. ↩︎
  138. Holbeins De Lais van Corintië uit 1526 toont de invloed van Leonardo da Vinci. Pierre Vays, hoogleraar kunstgeschiedenis aan de faculteit van Genève, benadrukt ook de “Leonardesque toets van sommige van zijn composities”, in Holbein de Jongere, op https://www.clio.fr ↩︎
  139. Da Vinci likely painted part of Belgium’s ‘The Last Supper’ replica, Maïthé Chini, The Brussels Times, May 2, 2019. ↩︎
  140. In Les grotesques et mouvements de l’âme, Léonard de Vinci conçu par Wenceslaus Hollar à la Fondation Pedretti, Federico Giannini, Finstre Sull’Arte, 26 mars 2019. ↩︎
  141. De Tien Boeken over Architectuur, Vitruvius. ↩︎
  142. Figures du fou, Du Moyen Âge aux Romantiques, Elisabeth Antoine-König, Pierre-Yves Le Pogam, Musée du Louvre, Gallimard, 2024; ↩︎
  143. Erasmus, Lof der zotheid, hoofdstuk. XXXI. ↩︎
  144. The Colloquies of Erasmus, door de auteur vertaald van het engels, Gibbing & Company, London, 1900. ↩︎
  145. Early Netherlandish Painting. volume 7, Quentin Massys, Max J. Friedländer, Editions de la Connaissance, Bruxelles, 1971. ↩︎
  146. Cranach der Ältere und die Niederlande, Till-Holger Borchert, in DIe Welt von Lucas Cranach, editions G. Messling, 2010. ↩︎
  147. Les couples mal assortis – Lucas Cranach, Perceval, eve-adam.over-blog.com, 2016 ↩︎
  148. The Ugly Duchess by Quinten Massys, An Analysis, Katie Shaffer, Academia.edu, 2015. ↩︎
  149. In Picturing women in late Medieval and Renaissance art, Christa Grössinger, Manchester University Press, 1997. p. 136. ↩︎
  150. Quinten Massys and the Art of Satire, Emma Capron, in The Ugly Duchess, Beauty & Satire in the Renaissance, p. 20-21, uitgegeven in 2023 door National Galery Global en Yale University Press ter gelegenheid van de eponieme tentoonstelling; ↩︎
  151. Léonard de Vinci, Daniel Arasse, p. 36, Hazan, Paris, 1997. ↩︎
  152. De Larousse Encyclopedie merkt op dat « de invloed van Leonardo zichtbaar is in een Maria met kind (Museum van Poznań), geïnspireerd op de Maagd Maria en Sint-Anna, en ook te zien is in het vakmanschap van de Maagd van Rattier (1529, Louvre) of de Madeleine (Museum van Antwerpen). Het kan de karikaturale tendens hebben geïnspireerd van De oude man (1514, Parijs, Jacquemart-André Museum), van De lelijke vrouw (kopie in Londen, NG) en misschien zelfs genretaferelen zoals De oude Galant (Washington, NG) of De woekeraar (Rome, Gal. Doria-Pamphili). » ↩︎
  153. Opgelost: Het mysterie van de boze hertogin – en de Da Vinci-connectie, Mark Brown, The Guardian, 11 oktober 2008. ↩︎
  154. Mark Brown, Ibid. ; ↩︎
  155. Mark Brown, Ibid. ; ↩︎
  156. Emma Capron, Ibid. ; ↩︎
  157. Groteske koppen van Quinten Metsijs, Hieronymus Cock en Hans Liefrinck naar Leonardo da Vinci, De Zeventiende Eeuw, Jaargang 10, 1994. ↩︎
  158. Daniel Ménager, La Renaissance et le rire, PUF, 1995, Paris; ↩︎
  159. Erasmus, Lof der Zotheid; ↩︎
  160. Rembrandt database, IV 25, Self-portrait as Zeuxis laughing, p. 551, Ernst van de Wetering, Rembrandt Research Project. ↩︎
  161. Erasmus, De Klacht van de Vrede, Ibid. ↩︎
  162. Creativity and Humor, Chapter 4 – Why Humor Enhances Creativity From Theoretical Explanations to an Empirical Humor Training Program: Effective “Ha-Ha” Helps People to “A-Ha”, Ching-Hui Chen, Hsueh-Chih Chen, Anne M. Roberts, pages 83-108, Explorations in Creativity Research, 2019; ↩︎
  163. De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd, Herman Pleij, p. 11, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam. ↩︎

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Quinten Matsys et Léonard – L’aube d’une ère du rire et de la créativité

par Karel Vereycken, août 2024.

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Matsys et Léonard, sommaire

Introduction

A. Les enjeux culturels et philosophiques d’un contexte

  1. Blagues cyniques ou dialogue socratique ?
  2. Qu’est-ce que l’humanisme chrétien ?
  3. Pétrarque et le « Triomphe » de la mort
  4. L’ère du « rire cathartique »
  5. Sebastian Brant, Jérôme Bosch et la Nef des fous
  6. Chambres de Rhétorique et Landjuweel

B. Quinten Matsys

  1. Éléments biographiques
  2. De forgeron à peintre
  3. Duché de Brabant
  4. Formation : Bouts, Memling et Van der Goes
  5. Débuts à Anvers et à l’étranger

C. Œuvres choisies, décryptage et nouvelles interprétations

  1. La Vierge et l’Enfant, « Grâce divine » et « Libre arbitre »
  2. Le retable de Sainte-Anne
  3. Une nouvelle perspective
  4. Coopération avec Patinir et Dürer
  5. Le lien avec Érasme
  6. L’Utopie de Thomas More
  7. Pieter Gillis et le « diptyque de l’amitié »
  8. La connexion Léonard de Vinci (I)

D. L’art érasmien du grotesque

  1. Dans les peintures religieuses
  2. Avares, banquiers, receveurs d’impôt et agents de change, la lutte contre l’usure
  3. La connexion Léonard de Vinci (II)
  4. L’art du grotesque per se
  5. La métaphore du « couple mal assorti ».
  6. « La vieille femme hideuse », la paternité de Léonard
  7. Liefrick et Cock
  8. A mourir de rire, Zeuxis, Matsys et Rembrandt

E. Conclusion

Bibliographie choisie

Quinten Matsys, gravure de Johannes Wierix, 1572.

En 1500, Anvers 2, avec quelque 90 000 habitants, est la plus grande ville (précisons-le) d’Occident. Grand port et cœur battant d’un florissant commerce international qui dépasse alors la vieille Bruges 3 des Médicis, Anvers est un aimant qui attire tous les talents de toutes les nations 4.

C’est dans ce contexte de brassage culturel que Quinten Matsys croise et collabore avec les plus brillants des grands humanistes chrétiens de son époque, qu’il s’agisse d’érudits militants pour la paix tels qu’Érasme de Rotterdam 5, Thomas More 6 et Pieter Gillis 7, d’imprimeurs novateurs comme Dirk Martens 8 d’Alost, de réformateurs exigeants comme Gérard Geldenhouwer 9 et Cornelius Grapheus 10, de peintres flamands comme Gérard David 11 et Joachim Patinir 12 ou de peintres-graveurs et illustrateurs étrangers comme Albrecht Dürer 13, Lucas van Leyden 14 et Hans Holbein le Jeune 15.

Malheureusement, aujourd’hui, les grandes maisons d’édition internationales, pour des raisons qui restent à élucider, semblent l’avoir condamné à l’oubli éternel. Ailleurs, son nom n’apparaît que sporadiquement. 16 Pire encore, aucune de ses œuvres n’est référencée et seules deux mentions de son nom figurent dans L’art flamand et hollandais, les siècles des Primitifs, œuvre de référence sur cette période. 17

La bonne nouvelle est que depuis 2007, le Centre interdisciplinaire pour l’art et la science de Gand, 18 en Belgique, prépare un nouveau « catalogue raisonné » de son œuvre. Celui de Larry Silver 19 se vend hors de prix. Reste celui d’Andrée de Bosque, 20 avec la majorité des images en noir et blanc. En guise de consolation, les lecteurs se contenteront de la thèse de doctorat de Harald Brising 21 de 1908, dans une version réimprimée en 2019.

Afin d’honorer et de rendre justice à cet artiste, nous tenterons d’explorer dans cet article certaines questions restées sans réponse jusqu’à présent. Dans quelle mesure l’œuvre d’Érasme a-t-elle directement inspiré Matsys, Patinir et leur cercle ? Que savons-nous des échanges entre ce cercle à Anvers et d’éminents artistes de la Renaissance tels que Léonard de Vinci et Albrecht Dürer ? Quelle influence l’artiste érasmien a-t-il exercée sur ses correspondants étrangers ?

Quinten Matsys. Autrefois, pour de bonnes raisons, ce tableau était appelé Les Hypocrites, et aujourd’hui Les deux moines en prière. (Galleria Arti Doria Pamphilj, Rome).

Nos recherches antérieures sur la Renaissance italienne, la vie d’Érasme 25 et l’art de Dürer 26 nous ont familiarisés avec l’époque de Matsys et ses défis, un sujet que nous ne pouvons pas redévelopper ici de façon exhaustive, mais qui nous donne quelques bases pour appréhender la valeur extraordinaire de cet artiste.

A. Les enjeux culturels et philosophiques d’un contexte

1. Blagues cyniques ou dialogue socratique ?

« Tussen neus en lepel », proverbe néerlandais signifiant littéralement “entre le nez et la cuillère”, c’est-à-dire “entre une chose et une autre”.

De nombreux spectateurs contemporains, pénalisés par un regard non entraîné et pollués par un wokisme et un pessimisme abusif, passent à côté du sujet. Il leur manque l’intégrité morale et intellectuelle nécessaire pour comprendre les plaisanteries 27, l’ironie et les métaphores qui constituaient l’essence même de la vie culturelle 28 des Pays-Bas de l’époque. 29

Beaucoup contemplent et commentent la couleur de leurs lunettes en croyant livrer leur vision du monde. Perdus dans leurs préjugés culturels, en regardant un visage peint, ils ne voient pas l’intention ou l’idée que l’artiste a voulu faire apparaître, non pas sur le tableau, mais dans l’esprit du spectateur. Fuyant ce domaine supérieur de la métaphore, ils se ruent sur les détails en enchaînant des interprétations symboliques dont la somme est supposée expliquer le sens de l’œuvre.

Ainsi, devant un visage « grotesque », ils s’obstinent à croire qu’il s’agit d’un portrait plutôt que de rire à pleins poumons ! Du coup, ne voulant pas voir cette dimension « invisible », prenant l’image « à la lettre », pour eux, les « grotesques » d’Érasme, de Matsys et de Léonard, ne sont et ne peuvent être que des « plaisanteries cyniques » témoignant d’un « manque de tolérance » à l’égard des personnes « laides », « malades », « anormales » ou, tout simplement, « différentes » !

Répétons-le donc haut et fort : Erasme et ses trois principaux disciples, François Rabelais 30 , Miguel de Cervantès 31 et William Shakespeare 32, sont les incarnations, quoique rarement reconnues, de l’« humanisme chrétien » et l’ironie, en tant qu’arme politique puissante pour « élever à la dignité d’homme, tous les membres du genre humain ».

2. Qu’est-ce que l’humanisme chrétien ?

L’idée maîtresse du programme éducatif et politique d’Érasme était de promouvoir la docta pietas, la piété savante, ou ce qu’il appelait la « philosophie du Christ ». 33 Cette philosophie peut être résumée comme un « mariage » entre les principes humanistes résumés dans La République de Platon 34 et la notion d’amour pour son prochain transmise par les Saintes Écritures et les écrits des premiers Pères de l’Église comme Jérôme 35 et Augustin 36, qui considéraient Platon comme un de leurs précurseurs imparfaits.

En rupture totale avec la soumission à une foi « aveugle » et féodale, qui plaçait le salut de l’homme uniquement dans une existence après la mort, l’humanisme chrétien considère que la nature humaine est bonne. L’origine du mal n’est donc pas l’homme lui-même ou un « diable » extérieur, mais les vices et les afflictions morales que Platon avait déjà largement identifiés des siècles avant qu’elles deviennent chez les Chrétiens les « sept péchés capitaux » qui peuvent être surmontés par les « sept vertus capitales ». 37

Jérôme Bosch, Les sept péchés capitaux et les quatre dernières choses (la mort, le jugement, le ciel et l’enfer), vers 1500, dessus de table, Prado, Madrid.

Pour rappel, ces péchés capitaux et leurs antidotes sont :

  1. L’orgueil (Superbia, hubris) par opposition à l’humilité (Humilitas) ;
  2. L’avarice (Avaricia) par opposition à la charité (Caritas, Agapè) ;
  3. La colère (Ira, rage) opposée à la patience (Patientia) ;
  4. L’envie (Invidia, jalousie) opposée à la bonté (Humanitas) ;
  5. La luxure (Luxuria, fornication) opposée à la chasteté (Castitas) ;
  6. La gourmandise (Gula) opposée à la tempérance (Temperantia) ;
  7. La paresse (Acedia, mélancolie, spleen, paresse morale) opposée à la diligence (Diligentia).

Il est assez révélateur pour notre époque que ces « péchés » (affections qui nous empêchent de faire le bien), et non leurs vertus opposées, aient été tragiquement sacralisés comme les « valeurs » de base garantissant le bon fonctionnement du système financier « néolibéral » actuel et de son ordre mondial « fondé sur les règles » !

« Les vices privés font la vertu publique », arguait Bernard Mandeville en 1705 dans La fable des abeilles. C’est la dynamique des intérêts particuliers qui stimule la prospérité d’une société, estimait ce théoricien néerlandais qui a inspiré Adam Smith et pour qui « la morale » ne fait qu’inviter à la léthargie et provoque le malheur de la cité.

C’est la cupidité et la recherche perpétuelle du plaisir, et non le bien commun, qui ont été proclamées motivations essentielles de l’homme, selon l’école philosophique devenue dominante, celle de l’empirisme britannique proféré par Locke, Hume, Smith et consorts.

De ce fait, la « charité », le « Care » et l’aide « humanitaire » ont été réduits à une activité souvent éphémère de dames de charité, permettant au système criminel actuel de faire accepter au plus grand nombre son existence perpétuelle. Ainsi, et c’est tout à fait regrettable, les « organisations humanitaires », les « fondations charitables » aux mains de grandes familles patriciennes et certaines ONG, dont le travail est souvent essentiel, sont malheureusement devenues des outils de domination.

3. Pétrarque et le « Triomphe de la mort »

Daniel Hopfer, Femmes se regardant dans un miroir, surprises par la Mort et le Diable, 1515.

Le vrai christianisme, comme toutes les grandes religions humanistes, s’efforce sans relâche de secouer ceux qui gaspillent leur vie dans le péché en leur montrant que leur comportement est à la fois dramatique et surtout ridicule à la lumière de l’extrême brièveté de l’existence physique humaine.

Dürer en fait le thème central de ses trois célèbres Meisterstiche (gravures de maître) qui ne peuvent être comprises que comme une seule et même unité : Le chevalier, la mort et le diable (1513) ; Saint Jérôme dans son étude (1514) et Melencolia I (1514).38

Dans chacune de ces gravures figure un sablier, métaphore de l’écoulement inexorable du temps qui passe. En juxtaposant au sablier (le temps) un crâne (la mort), une bougie qui s’éteint (dernier souffle), une fleur qui flétrie (la vacuité des passions) etc., les artistes arrivent à faire émerger la métaphore de la « vanité ».39

Érasme, qui fait du couple sablier-crâne son emblème, y ajoute sa devise : Concedi Nulli (Signifiant que la mort n’épargnera personne et que tous, riches ou pauvres, mourront un jour). En ce sens, à la Renaissance, l’humanisme chrétien était un mouvement de masse visant à éduquer les gens à « l’immortalité » spirituelle, à la fois contre les superstitions religieuses et contre un retour sournois du paganisme gréco-romain.

Illustration du Triomphe de la renommée sur le Triomphe de la mort dans les I Trionfi de Pétrarque. Bnf, Paris.

Avec cette exigence philosophique, Erasme marche ici directement dans les pas de Pétrarque40 et ses I Trionfi (1351-1374)41, un cycle poétique structuré en six triomphes allégoriques qui s’enchaînent les uns aux autres. Par exemple, le Triomphe de l’amour est lui-même surpassé par le Triomphe de la chasteté. À son tour, la Chasteté est vaincue par la Mort ; la Mort est vaincue par la Renommée ; la Renommée est conquise par le Temps ; et même le Temps est finalement vaincu par l’Éternité et enfin par le Triomphe de Dieu sur toutes ces préoccupations terrestres.

Puisque la mort « triomphera » à la fin de notre existence physique éphémère, dans la vision pré-Renaissance, c’est la peur de la mort et la peur de Dieu qui doivent aider l’homme à se concentrer pour apporter quelque chose d’immortel aux générations futures plutôt que de se perdre dans le labyrinthe des plaisirs et des douleurs terrestres que Jérôme Bosch (1450-1516)42 dépeint avec tant d’ironie dans son Jardin des délices terrestres (1503-1515).43

Léonard de Vinci, dont le sentiment théo-philosophique était considéré comme une hérésie44 par bon nombre au Vatican, notait amèrement dans ses carnets que, vu leur comportement, beaucoup d’hommes et de femmes ne méritaient même pas le beau corps que Dieu leur avait offert :

4. L’ère du « rire cathartique »

Érasme, autoportrait ?

Selon les dictionnaires, on rit bien lorsqu’on trouve amusante et drôle une situation qui est, au départ, contrariante. En bref, le bon rire est la récompense d’un véritable processus créatif lorsque « l’agonie » de l’épuisement des hypothèses lors d’une recherche de solutions se dissipe par un joyeux Eurêka !

Cela peut être le cas pour des problématiques scientifiques et purement matérielles, mais aussi dans le processus de développement de l’identité personnelle. La tempête et les nuages ont disparu et la pleine lumière ouvre des horizons qui apportent des nouvelles perspectives.

Sur son blog Angeles Earth, l’artiste visuelle et historienne d’art Angeles Nieto souligne le lien intime entre humour et créativité :

Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

Érasme censuré.

Pour les humanistes chrétiens, grâce à « l’effet miroir » intrinsèquement inhérent au « dialogue socratique » (qui commence par accepter que l’on ne sait pas – appelé docta ignorantia 47 par Nicolas de Cues), l’homme peut être libéré de ces afflictions « pécheresses » qui le plombent et lui coupent les ailes.

Son libre arbitre peut être mobilisé pour l’amener à agir conformément à sa vraie (bonne) nature, celle de se consacrer et de trouver son ultime plaisir dans l’accomplissement du bien commun au service d’autrui, aussi bien dans ses relations personnelles que dans ses activités économiques. C’est cet objectif, celui de former et d’ennoblir le caractère de chacun, qui deviendra le but fondamental de l’éducation républicaine. On ne remplit pas les têtes mais on forme des citoyens.

Or, en affirmant que la vie de l’homme est entièrement prédéterminée par Dieu, Luther niait l’existence du libre arbitre et rendait l’homme totalement irresponsable de ses actes. 48 Ce point de vue était à l’opposé de celui d’Érasme, qui avait commencé par demander à l’Église d’éradiquer ses propres abus financiers, tels que les fameuses « indulgences » 49, et ceci bien avant que Luther n’entre en scène.

Les humanistes chrétiens se sont fermement engagés à élever nos âmes au plus haut niveau de beauté morale et intellectuelle en nous libérant de notre attachement excessif aux biens terrestres – non pas en nous infligeant des sentiments de culpabilité et des injonctions morales ou par le commerce lucratif de la peur de l’enfer, mais… par l’effet « cathartique » (moralement purificateur) du rire libérateur ! Ouf, on respire ! Prenons un peu de recul et, tout en nous engageant sérieusement à nous améliorer, rions de nos imperfections. Dieu nous a donné la vie et elle est belle, pourvu qu’on sache comment s’en servir !

Dur comme fer contre le péché, mais plein d’amour et de compassion pour le pécheur engagé avec sincérité dans une démarche d’amélioration de soi.

L’humaniste français, Jean Jaurès, lecteur probable d’Érasme disait même que :

5. Sebastian Brant, Jérôme Bosch et La nef des fous

Albrecht Dürer, portrait de Sébastian Brant.

La « peinture de genre », qui dépeint des aspects de la vie quotidienne de gens ordinaires, est née avec Quinten Matsys (on devrait plutôt dire avec le paradigme érasmien que nous venons d’identifier), souligne Larry Silver 50 en reprenant ce qu’affirmait déjà Georges Marlier 51 en 1954.

Plusieurs années avant qu’Erasme ne publie son Eloge de la folie (écrit en 1509 et publié à Paris dès 1511) 52, le poète humaniste et réformateur social strasbourgeois Sébastien Brant (1558-1921) ouvre le bal du rire socratique avec son Narrenshiff (La Nef des fous, publiée en 1494 à Bâle, Strasbourg, Paris et Anvers) 53, une œuvre satirique hilarante illustrée par Holbein le Jeune (1497-1543) et Albrecht Dürer (1471-1528) qui exécute 73 des 105 illustrations de l’édition originale.

La Nef des fous s’imprime, se copie, se diffuse et se vend comme des petits pains dans toute l’Europe. Son auteur n’était pas seulement un simple satiriste, mais un humaniste cultivé dont on retient la traduction de poèmes de Pétrarque. 54

Brant était une figure clé et un allié de Johann Froben (1460-1529) et Johann Amerbach (1441-1513) issus de familles d’imprimeurs suisses qui accueillirent plus tard Érasme lorsque, persécuté aux Pays-Bas, il dut s’exiler à Bâle.

Après les saints et les princes, soudainement, ce sont des femmes, des hommes et des enfants ordinaires, des marchands certes encore souvent aisés, qui apparaissent dans les œuvres, non plus comme des « donateurs » assistants comme témoin à une scène biblique, mais pour leur qualités propres d’humains méritoires.

Dürer fait, par exemple, une gravure certes un peu ironique, d’« un cuisinier et sa femme ». 55 Si au XVe siècle, la philosophie grecque pénètre en Europe, en ce début du XVIe, c’est le peuple qui fait irruption.

Bien sûr, les temps ont changé et la clientèle des peintres aussi. Les commandes proviennent beaucoup moins d’ordres religieux et de riches cardinaux de Rome et de plus en plus de bourgeois prospères ou de guildes, corporations, confréries et communautés des métiers désirant embellir leurs chapelles et demeures et offrir leurs portraits à leurs amis.

L’expansion du marché anversois, qui a fait de la peinture un produit de luxe pour la classe moyenne, est un phénomène bien documenté, et les recherches ont confirmé l’affirmation de Lodovico Guicciardini (1521-1589) 56 selon laquelle il y avait au moins 300 ateliers de peintres actifs à Anvers dans les années 1560.

La Nef des fous de Brant marque un véritable tournant, prélude à un nouveau paradigme. Elle marque le début d’un long arc de créativité, de raison et d’éducation par le rire vérace et libérateur, dont l’écho résonnera très fort jusqu’à la mort de Pieter Bruegel l’Aîné en 1569. 57

Cet élan ne sera interrompu que lorsque le roi Charles Quint, croyant faire peur, ressuscite, en 1521, l’Inquisition et adopte les « placards », c’est-à-dire des décrets punissant par la mort tout citoyen osant lire, commenter ou discuter de la Bible.

La Nef des fous s’organise en 113 sections, dont chacune, à l’exception d’une courte introduction et de deux pièces finales, traite indépendamment d’une certaine classe de fous, d’imbéciles ou de vicieux. L’idée fondamentale de la nef n’étant rappelée qu’occasionnellement.

Aucune folie du siècle n’est censurée. Le poète s’attaque avec noble zèle aux défauts et aux extravagances de l’homme.

Le livre s’ouvre sur la dénonciation du plus grand fou de tous, celui qui se détourne de l’étude de tous les livres merveilleux qui l’entourent. Il ne veut pas « se casser la tête » et « encombrer » son crâne. « J’ai tout, dit le sot, d’un grand seigneur qui peut payer comptant la fatigue de ceux qui apprennent pour moi ». 58

La troisième folie (sur les 113), donc tout près de la première, est la cupidité et l’avarice:

Les panneaux de bois de ces trois tableaux proviennent du même arbre, explique le spécialiste allemand de la dendrochronologie Peter Klein.

Un triptyque de Jérôme Bosch, en partie perdu, s’inscrit dans cette lignée. Des recherches relativement récentes ont établi que le tableau actuel La Nef des fous (Louvre, Paris) de Bosch, possiblement exécuté avant même 60 que Brant n’écrive sa satire, n’est que le volet gauche d’un triptyque dont le panneau droit était La Mort de l’avare (National Gallery, Washington). 61

Ce qui est intéressant avec ce dernier panneau, c’est qu’il n’y a pas de fatalité ! Même l’avare, jusqu’à son dernier souffle, peut choisir entre lever les yeux vers le Christ ou les abaisser vers le diable ! Que l’homme soit éternellement perfectible et que son sort dépende de sa volonté, était au cœur de la doctrine des Frères de la Vie commune 62, un mouvement laïc de dévotion chrétienne avec lequel Bosch, sans en être membre, avait d’importantes affinités. Cependant, personne ne connaît à ce jour l’image et le nom du panneau central qui a été perdu. Mais ce qui apparaît lorsqu’on referme les deux volets latéraux, c’est l’image d’un colporteur (autrefois appelé à tort Le retour de l’enfant prodigue) fuyant des mauvais lieux.

Ce thème figure également sur les panneaux extérieurs du triptyque de Bosch le Chariot de foin, montrant des rois, des princes et des papes courant après un chariot chargé d’une gigantesque botte de foin (une métaphore de l’argent) et que les diables tirent vers l’Enfer.

Le thème du colporteur qui pérégrine 63 était très populaire parmi les Frères de la Vie commune et la Devotio Moderna. 64

Pour eux, comme pour Saint Augustin, l’homme est en permanence confronté à un choix existentiel. Il est en permanence à la croisée du chemin (le bivium). Soit il emprunte le chemin rocailleux et difficile qui le mène à une position spirituellement plus élevée et plus proche de Dieu, soit il emprunte la voie de la facilité vers le bas en s’abaissant aux passions et aux affections terrestres.

La beauté de l’homme et de la nature, prévient Augustin et par la suite Denis le Chartreux 65, peut et doit être pleinement appréciée et célébrée sous condition qu’elle soit vécue comme « l’avant-goût de la sagesse divine », et non pas comme un simple plaisir des sens.

Le colporteur que l’on retrouve chez Bosch et Patinir est donc une métaphore de l’humanité qui s’efforce d’avancer sur le bon chemin et dans la bonne direction. Bosch peuplera ses tableaux d’hommes et de femmes ressemblant à des animaux décervelés se précipitant avec grande frénésie sur de petits fruits comme des cerises, des fraises et des baies, métaphores de plaisirs terrestres tellement éphémères qu’ils doivent éternellement renouveler l’expérience pour en tirer le moindre plaisir.

Hans Holbein le Jeune, Illustration de l’Éloge de la folie d’Érasme: Homo Viator, qui va toujours d’un endroit à l’autre.

Le colporteur avance « op een slof en een schoen » (sur une pantoufle et une chaussure), c’est-à-dire qu’il abandonne sa maison et quitte le monde créé du péché (on voit un bordel, des ivrognes, etc.), et tous les biens matériels. Avec son « bâton » (symbole de la foi), il réussit à repousser les « chiens infernaux » (le mal) qui tentent de le retenir. Une enluminure d’un livre de psaumes anglais du XIVe siècle, le Luttrell Psalter, présente exactement la même représentation allégorique.

Ces images métaphoriques ne sont donc pas les fruits d’un « esprit malade » ou d’une imagination exubérante de Bosch, mais un langage courant qu’on retrouve assez souvent dans les marges des livres enluminés.

Le même thème, celui de l’Homo Viator, l’homme qui se détache des biens terrestres, est également récurrent dans l’art et la littérature de cette époque, notamment depuis la traduction néerlandaise du Pèlerinage de la vie et de l’âme humaine, écrit en 1358 par le moine cistercien normand Guillaume de Digulleville (1295-après 1358). Le Christ nous transforme en pèlerins à travers le monde. Unis à Lui nous traversons la Cité terrestre n’ayant comme véritable but que la Cité Céleste. Non plus seulement homo sapiens, mais homo viator, homme en route vers le Ciel.

Si les trois volets qui subsistent du triptyque de Bosch (la Nef des fous, La mort de l’Avare et le Colporteur) semblent de prime abord sans aucun lien, leur cohérence saute aux yeux une fois que le spectateur identifie ce concept primordial. 66

Il serait amusant, pour un peintre imaginatif et créatif vivant aujourd’hui, de recréer et de réinventer une image digne du volet perdu de Bosch, le thème étant forcément la chute de l’homme qui n’arrive pas à se détacher des biens terrestres, passant de la Nef des fous à La Mort de l’Avare.

6. Chambres de Rhétorique et Landjuweel

La vague d’émancipation culturelle qui marque nos contrées à cette époque atteint son apogée à la deuxième moitié du 16e siècle et provoque une réaction brutale du pouvoir en place. Le rire vérace des uns, on s’en doute, ne fait pas le bonheur des autres, car il ruine l’autorité illégitime des puissants et des tyrans. Il s’agit bien de l’arme politique la plus dévastatrice jamais conçue. Par conséquent, pour les forces du mal, le rire vérace, cathartique et libérateur, tel qu’il est promu par Érasme et ses disciples, doit être ignoré, calomnié et autant que possible éradiqué et remplacé par la mélancolie, l’obéissance et la soumission à des doctrines et des « narratifs » écrits d’avance par et pour les élites dominantes grâce à une constipation scolastique douloureuse.

Le « début de la fin » de l’occupation espagnole dans les Pays-Bas fût l’interdiction du Landjuweel 67. Dès les 13e et 14e siècles, les Landjuwelen étaient des concours de poésie entre les guildes d’archers du duché de Brabant. Aux 15e et 16e siècles, les Rederijkers (Rhétoriciens) organisaient des concours entre Chambres de rhétorique sur le même modèle.

Chaque concours était organisé autour d’une question hautement philosophique ou morale, une zinne, par exemple « Qu’est-ce qui incite le plus l’homme à l’art » (Anvers, 1561) ou « Qu’est-ce qui réconforte le plus l’homme à l’heure de sa mort » (Gand, 1539). Chaque chambre de rhétorique devait ensuite répondre par une pièce de théâtre, un zinne-spel (où le zinne est la question posée).

Les autres catégories de concours comprenaient les divertissements, les pièces farfelues, les esbattements, les chansons et le blason du rebus. Il s’agit d’une sorte de blason sur lequel figure un rébus. La solution de ce rébus était un sort ou un slogan.

Illustration d’une chronique relatant le Landjuweel 1561 à Anvers. Là où la Lumière (Lux) brille, il y a la Paix (Pax), la Charité (Charitas) et la Raison (Ratio). Grâce à la Modération (Prudentia), à la Poésie (Rhetorica) et à l’Ingéniosité (Inventio), la Rage (Ira), l’Orgeuil (Invidia) et la Discorde sont poussés vers le gouffre des Ténègres. Au centre, le taureau (de la guilde de Saint-Luc, guilde des peintres) avec l’épigramme « Wt ionsten Versaemt » (Rassemblés par affection [pour l’art]).

Les autres épreuves comprenaient des pièces drolatiques et farfelues, des esbattements, des chansons et des « blasons du rebus. » Il s’agissait d’une sorte de blason sur lequel figurait un rébus.

Plus personne n’ignore le rôle du « rire cathartique » (catharsis = purification) propre à la comédie et la satire. Face aux angoisses du quotidien ou aux oppressions politiques, l’humour permet une décharge émotionnelle immédiate, tout en apportant une distance critique. La dérision et le rire cathartique nous sont bénéfiques, bien que le danger existe, lorsqu’ils ne sont pas suivis d’un appel à l’action, qu’en nous réconfortant, ils nous démobilisent.

Le Landjuweel organisé en août 1561 à Anvers par la Chambre des rhétoriciens De Violieren reste dans l’histoire comme le plus éclatant. Cette chambre était en réalité la branche littéraire de la Guilde de Saint-Luc, c’est-à-dire la guilde des peintres dont firent parti Matsys, Patinir, David et tant d’autres artistes associés avec Erasme. 68

Quatorze chambres y participèrent. Quelque 1 400 rhétoriciens à cheval, en costume de fête, avec musique et chants, firent leur entrée dans la ville. Le cortège comprenait 23 chars et 200 autres voitures.

Le théâtre, la poésie, la musique et la peinture partageaient un même langage visuel. L’un de ces « points » (chars ornés de représentations allégoriques et moralisatrices) de la procession du Onze-Lieve-Vrouwe-ommegang de 1563 a été décrit comme le type de chariot de foin que Bosch a placé au centre de son tableau Le chariot de foin (1501, Madrid), une allégorie de la poursuite morbide du « gain terrestre » :

Frans Hogenberg (?) Le char de foin, eau-forte publiée par Bartholomée de Mompere, Bibliothèque Royale, Bruxelles.

Le même thème figure également au centre d’une gravure de Frans Hogenberg datant de 1559. Sur cette estampe, les personnes entourant la charrette de foin sont divisées en groupes et accompagnées de légendes, comme celle-ci :

L’Estrade montée pour le Landjuweel d’Anvers en 1561. Gravure de l’ouvrage Spelen van Sinne, gespeelt op de Lant juweel binnen Antwerpen, imprimé en 1562.

Les représentations scéniques ont lieu sur une scène en bois magnifiquement décorée sur la Grand-Place, devant le quai du nouvel hôtel de ville. Elle a été conçue par Cornelis II Floris. Les pièces introductives sont écrites par Willem van Haecht.

Comme déjà dit, les participants doivent répondre à la question « qu’est-ce qui pousse le plus l’homme à l’art ». Trois cents ans avant Kant et Schiller, les gens considéraient l’élévation de l’art comme un outil important pour l’humanisation et l’émancipation politique !

Le Landjuweel et l’Ommegang étaient des fêtes populaires où tout était permis, où le « l’homme de la rue », avec ses satires, ses déguisements et ses chansons moqueuses, pouvait narguer et interpeler l’oppresseur, le ridiculiser et rendre ainsi, ne serait-ce que pour un très court instant, le joug de l’Espagne un peu plus supportable.

La plupart des pièces allégoriques jouées étaient des satires mordantes contre le pape, les moines, les indulgences, les pèlerinages, etc.

Dès leur parution, elles irritent les pouvoirs en place. Ce n’est pas sans raison que le Landjuweel de 1561 fut cité plus tard comme le premier évènement culturel à inciter aussi bien le monde lettré que le peuple en faveur de la Réforme protestante. Comme ces œuvres étaient loin d’être favorables au régime espagnol, le duc d’Albe ordonna en 1571 leur bannissement en les inscrivant sur l’Index (des livres interdits). Le gouvernement finira par interdire toutes les représentations théâtrales des Chambres de rhétorique, véritable pôle d’opposition culturelle à l’oppression.

B. Quinten Matsys, éléments biographiques

Connaissant maintenant les enjeux philosophiques et culturels majeurs de l’époque, nous pouvons examiner avec sérénité la vie 71 de Matsys et quelques-unes de ses œuvres.

1. De forgeron à peintre

Quinten Matsys, médaille avec auto-portrait.

Selon l’Historiae Lovaniensium de Joannes Molanus (1533-1585), Matsys est né à Louvain entre le 4 avril et le 10 septembre 1466, comme un des quatre enfants de Joost Matsys (mort en 1483) et de Catherine van Kincken.

La plupart des récits de sa vie mêlent à cœur joie des faits et des légendes. 72 En réalité, on dispose de très peu d’indices concernant son activité ou son caractère.

A Louvain, Quinten aurait eu des débuts modestes en tant que ferronnier d’art. La légende veut qu’il se soit épris d’une belle fille que courtisait également un peintre. La fille préférant de loin les peintres aux forgerons, Quinten aurait aussi vite abandonné l’enclume pour le pinceau.

An 1604, le chroniqueur Karel Van Mander affirme que Quinten, frappé d’une maladie depuis l’âge de vingt ans, « se trouvait dans l’impossibilité de gagner son pain » en tant que forgeron.

Van Mander rappelle que lors des fêtes du mardi gras,

Karel Vereycken, Anvers. Avec le géant Antigoon menaçant de bloquer l’accès au port.

A Anvers, devant la cathédrale Notre-Dame, au Handschoenmarkt (marché aux gants), on trouve encore la « putkevie » (porte en fer forgé décorée sur un puits) qui aurait été réalisée par Quinten Matsys lui-même et qui représente la légende de Silvius Brabo et Druon Antigoon, respectivement les noms d’un officier romain mythique qui libéra Anvers de l’oppression d’un géant appelé Antigoon qui nuisait au commerce de la ville en bloquant l’entrée de la rivière.

L’inscription sur le puits se lit comme suit : « Dese putkevie werd gesmeed door Quinten Matsijs. De liefde maeckte van den smidt eenen schilder. » (La ferronnerie de ce puits a été forgée par Quinten Matsys. L’amour a fait du forgeron un peintre.)

Les dons documentés et les possessions de Joost Matsys, le père de Quinten, forgeron et horloger de la ville, indiquent que la famille disposait d’un revenu respectable et que le besoin financier n’était pas la raison la plus probable pour laquelle Matsys s’est tourné vers la peinture.

En 1897, Edward van Even 74 a écrit, sans présenter la moindre preuve, que Matsys composait également de la musique, écrivait des poèmes et réalisait des gravures.

Quinten Matsys, La Vierge à l’enfant trônant avec quatre anges, 1505, National Gallery, Londres.

Bien qu’il n’existe aucune preuve de la formation de Quinten Metsys avant son inscription en tant que maître libre à la guilde des peintres d’Anvers en 1491, le projet de dessin de son frère Joos Matsys II à Louvain et les activités de leur père suggèrent que le jeune artiste a d’abord appris à dessiner et à transposer ses idées sur le papier auprès de sa famille et qu’ils l’ont exposé pour la première fois aux formes architecturales 75 et à leur déploiement créatif.

Ses premières œuvres, en particulier, suggèrent clairement qu’il a reçu une formation de dessinateur d’architecture. Dans sa Vierge à l’enfant trônant avec quatre anges de 1505 (National Gallery, Londres), les personnages divins sont assis sur un trône doré dont le tracé gothique fait écho à celui de la fenêtre du dessin sur parchemin et à la maquette en calcaire du projet de Saint-Pierre auquel son frère était affecté à peu près à la même époque.

Quinten Matsys, médaille en bronze avec l’effigie d’Erasme.

Ce qui est sûr, c’est que l’artiste a réalisé de magnifiques médaillons en bronze représentant Érasme, sa sœur Catarina et lui-même.

Vers 1492, il épouse Alyt van Tuylt qui lui donne trois enfants : deux fils, Quinten et Pawel, et une fille, Katelijne. Alyt meurt en 1507 et Quinten se remarie un an plus tard.

Avec sa nouvelle épouse Catherina Heyns, il a dix autres enfants, cinq fils et cinq filles. Peu après la mort de leur père, deux de ses fils, Jan (1509-1575) et Cornelis (1510-1556) 76 deviennent à leur tour peintres et membres de la Guilde d’Anvers.

Les aveugles guidant les aveugles, gravure au burin de Cornelis Matsys, 1550.

2. Le Duché de Brabant

Leuven, Hôtel de ville et Eglise Saint Pierre (à droite).

Louvain était alors la capitale du Duché de Brabant qui s’étendait de Luttre, au sud de Nivelles, à ‘s Hertogenbosch (Pays-Bas actuel). Il comprenait les villes d’Alost, Anvers, Malines, Bruxelles et Louvain, où, en 1425, l’une des premières universités d’Europe vit le jour. Cinq ans plus tard, en 1430, avec les duchés de Basse-Lotharingie et de Limbourg, Philippe le Bon (1396-1567) de Bourgogne hérite du Brabant qui fait partie des Pays-Bas bourguignons. 77

En 1477, alors que Matsys avait environ 11 ans, le duché de Brabant tomba sous la domination des Habsbourg en tant que partie de la dot de Marie de Bourgogne lors de son mariage avec Maximilien d’Autriche.

L’histoire ultérieure du Brabant fait partie de l’histoire des « dix-sept provinces » des Habsbourg, de plus en plus sous le contrôle de familles de banquiers d’Augsbourg, telles que les Fugger 78 et les Welser.

Si l’époque d’Érasme et de Matsys est une période faste de la « Renaissance du Nord », elle marque aussi des efforts toujours plus grands des familles de banquiers pour « acheter » la papauté afin de dominer le monde.

Le partage géopolitique du monde entier (et de ses ressources) entre l’Empire espagnol (dirigé par des banquiers vénitiens) et l’Empire portugais (sous la houlette des banquiers génois), fut scellé en 1494 par le traité de Tordesillas, une combine entérinée au Vatican par le pape Alexandre VI (Borgia) (1331-1503). Ce traité a ouvert les portes à l’asservissement colonial de nombreux peuples et pays, le tout au nom d’un sentiment très discutable de supériorité culturelle et religieuse.

Suite à des banqueroutes d’État à répétition, les Pays-Bas bourguignons deviennent alors la cible d’un intense pillage économique et financier, imposé aux populations par l’alliance du sabre et de goupillon. En diabolisant à outrance Martin Luther, de plus en plus déterminé à créer une opposition en dehors de l’Église catholique, le pouvoir en place esquive les questions pressantes formulées par Erasme et Thomas More exigeant des réformes urgentes pour éradiquer les abus et la corruption à l’intérieur de l’Église catholique.

Tout laisse à penser que le refus du Pape Clément VII d’accepter les demandes de divorce d’Henri VIII faisait partie d’une stratégie globale visant à plonger l’ensemble du continent européen dans des « guerres de religion », qui n’ont pris fin qu’avec la paix de Westphalie en 1648.

3. Formation : Bouts, Van der Goes et Memling

Les premiers triptyques peints par Matsys lui valent de nombreux éloges et amènent les historiens à le présenter comme « l’un des derniers primitifs flamands », le quolibet utilisé par Michel-Ange 79 pour discréditer intrinsèquement tout art non-italien considéré comme « gothique » (barbare) ou « primitif » par rapport à l’art italien imitant le style antique.

Comme Matsys est né à Louvain, on a pensé qu’il a pu être formé par Aelbrecht Bouts (1452-1549), le fils du peintre dominant de Louvain à l’époque, Dieric Bouts l’Ancien (v. 1415-1475). 80

En 1476, un an après la mort de son père, Aelbrecht aurait quitté Louvain afin de compléter sa formation auprès d’un maître en dehors de la ville, très probablement Hugo van der Goes (1440-1482), 81 dont l’influence sur Aelbrecht Bouts, mais aussi sur Quinten Matsys, semble plausible. Van der Goes, qui devint en 1474 le doyen de la guilde des peintres de Gand et mourut en 1482 à Rouge Cloître près de Bruxelles, était un fervent des Frères de la Vie commune et de leurs principes. 82

En tant que jeune assistant d’Aelbrecht Bouts, lui-même en cours de formation chez Van der Goes, Matsys aurait pu découvrir ce qui était alors le berceau de l’humanisme chrétien.

L’œuvre la plus célèbre de Van der Goes est le Triptyque Portinari (Uffizi, Florence), un retable commandité pour l’église Sant’Egidio de l’hôpital Santa Maria Nuova de Florence par Tommaso Portinari, directeur de la succursale brugeoise de la banque Médicis.

Les traits rudes de trois bergers (exprimant chacun un des états d’élévation spirituelle stipulés par les Frères de la Vie commune 83) dans la composition de van der Goes ont profondément impressionné les peintres travaillant à Florence.

Matsys est également considéré comme un possible élève de Hans Memling (1430-1494), ce dernier étant un disciple de Van der Weyden 84 et un peintre de premier plan à Bruges.

Quinten Matsys, Portrait de Jacob Obrecht, 1496.

Le style de Memling et celui de Matsys sont si proches qu’il est difficile de les distinguer.

Alors que l’historien de l’art flamand Dirk de Vos a qualifié, dans son catalogue de 1994 sur l’oeuvre de Hans Memling, le portrait du musicien et compositeur Jacob Obrecht85 (1496, Kimbell Art Museum, Fort Worth) d’œuvre très tardive de Hans Memling, les experts actuels, parmi lesquels Larry Silver86, ont pu établir en 2018 qu’en réalité, il est beaucoup plus probable que le portrait soit la première œuvre connue de Quinten Matsys.

Obrecht, qui a exercé une influence majeure sur la musique flamande polyphonique et contrapuntique de la Renaissance, avait été nommé maître de chapelle de la cathédrale Notre-Dame d’Anvers en 1492. Vers 1476, Érasme est l’un des enfants de chœur d’Obrecht.

Obrecht se rendit au moins deux fois en Italie, en 1487 à l’invitation du duc Ercole d’Este Ier de Ferrare87 et en 1504. Ercole avait entendu la musique d’Obrecht, dont on sait qu’elle a circulé en Italie entre 1484 et 1487, et avait déclaré qu’il l’appréciait plus que la musique de tous les autres compositeurs contemporains ; il invita donc Obrecht, qui mourut de la peste en Italie.

Dès les années 1460, le professeur d’Érasme à Deventer, le compositeur et organiste Rudolph Agricola,88 s’était rendu en Italie. Après avoir étudié le droit civil à Pavie et suivi les cours de Battista Guarino, il se rendit à Ferrare où il devint un protégé de la cour des Este.

Vers 1499, Léonard réalise un dessin de la fille d’Ercole, Isabella d’Este, qui, selon certains, serait la personne peinte dans la Joconde.

4. Débuts à Anvers et à l’étranger

Matsys est enregistré à Louvain en 1491, mais la même année, il est également admis comme maître peintre à la Guilde de Saint-Luc à Anvers où, à l’âge de vingt-cinq ans, il décide de s’installer. A Anvers, comme nous l’avons déjà dit, il a représenté le maître de chapelle Jacob Obrecht en 1496, sa première œuvre connue, et plusieurs tableaux de dévotion à la Vierge et à l’Enfant.

Ensuite, comme les Liggeren (registres des guildes de peintres) ne rapportent aucune information sur l’activité de Matsys dans les Pays-Bas pendant une période de plusieurs années, il est très tentant d’imaginer que Matsys s’est rendu en Italie89 où il aurait pu rencontrer de grands maîtres (Léonard a vécu à Milan entre 1482 et 1499 et y est retourné en 1506 où il a rencontré son élève Francesco Melzi (1491-1567) qui l’a ensuite accompagné en France) ou à Colmar ou Strasbourg où il aurait pu rencontrer Albrecht Dürer qu’il semble avoir connu longtemps avant que ce dernier ne vienne aux Pays-Bas en 1520.

Pour l’historien d’art belge Dirk de Vos, il s’agit d’une hypothèse très plausible, car

Dürer est envoyé par ses parents à Colmar en Alsace pour être formé à l’art de la gravure par Martin Schongauer (1450-1491) de loin le plus grand graveur de son époque. 91

Mais lorsque Dürer arrive à Colmar à l’été 1492, Schongauer a rendu l’âme. De Colmar, l’artiste se rend à Bâle, où il produit des gravures sur bois pour illustrer des livres et découvre les impressionnantes gravures de Jacob Burgkmair (1473-1531) et de Hans Holbein l’Ancien (1460-1524). 92

Il se rend ensuite à Strasbourg où il rencontre et réalise le portrait de l’érudit poète et écrivain humaniste Sébastien Brant, évoqué précédemment.

C. Œuvres choisies

1. La Vierge à l’Enfant, la grâce divine et le libre arbitre

En 1495, Matsys peint une Vierge à l’Enfant (Bruxelles). Même si l’œuvre reste encore très normative, Matsys enrichit déjà la dévotion avec des scènes moins formelles de la vie quotidienne. L’Enfant, explorant de manière ludique de nouveaux principes physiques, tente maladroitement de tourner les pages d’un livre alors qu’une Vierge très sérieuse est assise dans une niche de style gothique, sans doute choisie pour s’intégrer à l’architecture et au style du lieu qui accueillera le tableau.

Dans une autre Vierge à l’Enfant (Rotterdam) Matsys va plus loin dans cette direction. On y voit une jeune maman bienveillante et heureuse avec un enfant enjoué, ce qui souligne le fait que le Christ était le fils de Dieu, mais aussi celui des Hommes. Sur un présentoir proche du spectateur, on remarque la présence d’une miche de pain et un bol de soupe au lait avec une cuillère, sans doute une scène quotidienne pour la plupart des habitants des Pays-Bas essayant de nourrir leurs enfants à l’époque.

Gérard David, Vierge à l’Enfant avec la soupe au lait, 1520, Bruxel.

Dans sa Vierge à l’Enfant avec la soupe au lait (Bruxelles), peinte en 1520 par l’ami de Matsys, le peintre Gérard David (1460-1523), montre avec une immense tendresse une jeune maman apprenant à son enfant que le dos d’une cuillère n’est pas vraiment l’idéal pour amener la soupe du bol à sa bouche.

De nombreux tableaux sur ce thème, qu’ils soient de Quinten Matsys (Vierge à l’Enfant, Louvre, 1529, Paris) ou de Gérard David (Repos lors de la fuite en Égypte, National Gallery, Washington), montrent un enfant qui tente, avec d’énormes difficultés, de saisir quelques raisins, des cerises ou d’autres fruits.

En 1534, dans sa Diatribe sur le libre arbitre, Érasme utilise également cette métaphore sur l’équilibre fragile à considérer dans la proportion entre les opérations du libre arbitre (qui, seul, séparé d’un but supérieur, peut devenir pure arrogance) et celles de la grâce divine (qui, seule, peut être interprétée comme une forme de prédestination).

Pour rendre accessible au plus grand nombre, un sujet qu’on croirait réservé aux théologiens, Érasme emploie une métaphore très simple, mais d’une tendresse et d’une beauté extrêmes :

Jan Matsys, Vierge à l’Enfant, 1537, Metropolitan, New York.

Bref, le libre arbitre, certes, Erasme le défendra, car il en faut, mais sans prétendre que l’homme peut y arriver tout seul…

2. Retable de Sainte-Anne

A Anvers, l’activité de Matsys connaît une avancée majeure avec les premières commandes publiques importantes de deux grands retables en triptyque :

  • le Triptyque de la Confrérie de Sainte-Anne (1507-1509, Musée de Bruxelles), signé « Quinten Metsys screef dit ». (Quinten Metsys a écrit ceci).;
  • le Triptyque de la Déploration du Christ (1507-1508, Musée d’Anvers), peint pour la chapelle de la guilde des charpentiers à la cathédrale d’Anvers, œuvre largement inspirée de la Déposition de croix de Roger Van der Weyden (Prado, Madrid). Jean-Baptiste et Jean l’Évangéliste, qui apparaissent lorsque le triptyque est fermé, sont les saints patrons de la corporation.
Le « portique » peint sur le panneau (en deux dimensions) semble avoir formé une seule unité avec le cadre tridimensionnel d’origine, aujourd’hui perdu.

Le thème et l’iconographie du Triptyque Saint-Anne ont bien sûr été entièrement dictés au peintre par la confrérie de Sainte-Anne de Louvain qui lui a passé cette commande pour leur chapelle dans l’église Saint-Pierre de la même ville.

Le panneau central dépeint l’histoire de la famille de sainte Anne – la Sainte Parenté – à l’intérieur d’un édifice monumental couronné d’une coupole tronquée et d’arcades qui offrent une large vue sur un paysage montagneux. En cinq scènes, le retable raconte la vie d’Anne, mère de la Vierge, et de son époux Joachim. Les différents membres de la famille de la sainte apparaissent sur le panneau central.

L’événement clé de la vie d’Anne et de son mari Joachim, à savoir qu’ils deviendront les parents de la Vierge Marie alors qu’ils se croyaient incapables d’avoir des enfants, est représenté sur les panneaux gauche et droit du triptyque.

Le baiser chaste

La « conception immaculée » de la Vierge, représentée par l’image d’un « chaste baiser » entre les deux époux devant la Porte d’Or de la muraille de Jérusalem, a été un sujet immensément populaire dans l’histoire de la peinture, de Giotto à Dürer.

Il a donc été rapidement transposé à l’Immaculée conception du Christ lui-même. D’où l’apparition soudaine de tableaux montrant Marie embrassant « chastement » (mais chaleureusement et parfois sur les lèvres) son enfant Jésus.

Le cycle du retable se termine par la mort d’Anne, représentée sur le panneau intérieur droit où elle est entourée de ses enfants et où le Christ donne sa bénédiction.

Malgré l’échelle impressionnante de cette œuvre et son récit conventionnel, Matsys réussit à créer un sentiment de contemplation plus libre et plus intime. Un exemple en est la figure du petit cousin de Jésus dans le coin gauche, qui s’amuse à rassembler de belles enluminures autour de lui et, maintenant pleinement concentré, tente de les lire.

3. Une nouvelle perspective

Dans deux autres occasions, 94 j’ai pu documenter qu’aussi bien le peintre flamand Jan Van Eyck 95 que le bronzier italien Lorenzo Ghiberti 96ont pu se familiariser avec « l’optique arabe », en particulier les travaux scientifiques d’Ibn al-Haytham 97 (connu sous son nom latin Alhazen).

A la Renaissance, plusieurs « écoles », avec des approches différentes et parfois opposés, ont tenté d’établir la meilleure façon de représenter l’« espace » dans l’art grâce à « la perspective ».

D’abord, dès le début du XVe siècle, une école, profitant des travaux des Franciscains d’Oxford (Roger Bacon, Grosseteste, etc.) sur Alhazen, tente de partir de la physionomie humaine (deux yeux fabriquant une image dans l’esprit du spectateur) et à la place d’un modèle monofocal (cyclopique) invente une perspective avec deux points de fuite centraux (perspective bi-focale).

Cette perspective est bien identifiable dans certaines œuvres de Van Eyck et de Lorenzo Ghiberti ce dernier ayant traduit certains textes d’Alhazen. Ensuite, une autre école, celle associée à Alberti, 98 affirme que la « bonne » perspective, purement géométrique et mathématique, fait appel à un « point de fuite central ». Enfin, une troisième école, celle de Jean Fouquet en France et Léonard de Vinci, constatant les limites du modèle albertien, tente une perspective curviligne.

A l’époque moderne, les partisans de Descartes et de Galilée ont absolument voulu démontrer que leur modèle d’un espace vide était né à la Renaissance avec le modèle albertien. Du coup, toute autre démarche ne peut être que tâtonnement et bidouillage de « primitifs » égarés ou ignares.

Une découverte inestimable

Comme nous l’avons l’évoqué précédemment, le Centre interdisciplinaire d’art et de science de Gand (GICAS) en Belgique travaille depuis 2007 à un nouveau « catalogue raisonné » de l’œuvre de Quinten Matsys. Dans ce cadre, en 2010, Jochen Ketels et Maximiliaan Martens 99 ont examiné le Retable Sainte Anne de Matsys et l’impressionnant portique italianisant du panneau central.

Rappelons que la partie peinte (en deux dimensions) sur le volet central a été conçue par l’artiste pour se prolonger et s’intégrer harmonieusement dans une vaste construction en bois (en trois dimensions) servant d’encadrement, structure malheureusement perdue mais dont on connaît l’existence grâce à des dessins.

L’infrarouge a également mis en lumière l’existence d’un

Encore plus intéressant,

Albrecht Dürer, reprenant Piero della Francesca.

A cet égard, il est intéressant de noter que l’une des rares personnes, en contact avec Matsys à un moment ou à un autre, à avoir lu et étudié le traité de Piero della Francesca 103 sur la perspective n’est autre qu’Albrecht Dürer, dont les Quatre livres sur la proportion humaine (1528) s’appuie sur l’approche révolutionnaire de Piero.

Ce que Dürer appelle la méthode du « transfert » de Piero deviendra par la suite la base de la géométrie projective, notamment à l’Ecole polytechnique sous Gaspard Monge, la science clé qui a rendu possible la révolution industrielle.

Les chercheurs ont également vérifié l’utilisation par Matsys de la perspective du point de fuite central en employant la méthode du « birapport » (cross-ratio en anglais).

Étonnés, car supposément impossible selon ce qu’ils ont appris dans les meilleures écoles, ils constatent que :

Jusqu’à présent, on tenait pour acquis que la science de la perspective n’avait atteint les Pays-Bas qu’après le voyage de Jan Gossaert à Rome en 1508, alors que Matsys, qui fait preuve d’une connaissance magistrale et étendue de la science de la perspective, a commencé à composer cette œuvre dès 1507.

4. La collaboration de Matsys avec Patinir et Dürer

Antwerpen, Grote Markt avec maisons des guildes de métier.

Albrecht Dürer, portrait de Joachim Patinir.

Une dernière remarque concernant ce tableau, le paysage montagneux derrière les personnages, qui s’apparente déjà aux paysages typiques et inquiétants produits par l’ami de Matsys, Joachim Patinir (1480-1524), un autre géant mal connu de l’histoire de la peinture.

Pourtant l’autorité de Patinir n’était pas des moindres. Felipe de Guevara, ami et conseiller artistique de Charles Quint et de Philippe II, mentionne Patinir dans ses Commentaires sur la peinture (1540) comme l’un des trois plus grands peintres de la région, aux côtés de Rogier van der Weyden et de Jan van Eyck.

Patinir dirigeait un grand atelier avec des assistants à Anvers. Parmi ceux qui subissent la triple influence de Bosch, Matsys et Patinir, on note :

  • Cornelis Matsys (1508-1556), fils de Quinten, qui se mariera avec la fille de Patinir ;
  • Herri met de Bles (1490-1566), actif à Anvers, possible neveu de Patinir ;
  • Lucas Gassel (1485-1568), actif à Bruxelles et à Anvers p;
  • Jan Provoost (1465-1529), actif à Bruges et Anvers ;
  • Jan Mostaert (1475-1552), peintre actif à Haarlem ;
  • Frans Mostaert (1528-1560), peintre actif à Anvers ;
  • Jan Wellens de Cock (1460-1521), peintre actif à Anvers ;
  • Matthijs Wellens de Cock (1509-1548), peintre-graveur actif à Anvers ;
  • Jérôme Wellens de Cock (1510-1570), peintre-graveur, qui fonda, avec sa femme, l’entreprise Aux Quatre Vents, probablement le plus grand atelier de gravure au nord des Alpes de l’époque, qui employait Pieter Brueghel l’Aîné.

Cornelis Matsys, L’aveugle guidant l’aveugle (1550). 4,5 x 7,8 cm. Gravure qui a inspiré Pieter Brueghel l’Ancien pour sa propre peinture sur ce thème en 1558.

Il est généralement admis que Matsys a peint les figures de certains paysages de Patinir. D’après l’inventaire de 1574 de l’Escorial, ce fut le cas pour Les tentations de saint Antoine (1520, Prado, Madrid). On est tenté de penser que cette collaboration entre amis a fonctionné dans les deux sens, à savoir que Patinir a réalisé des paysages pour des œuvres de Matsys et à sa demande, une réalité qui met quelque peu à mal le mythe persistant d’une Renaissance présentée comme le berceau de l’individualisme moderne.

Le fait que Matsys et Patinir étaient très proches est confirmé par le fait qu’après la mort prématurée de Patinir, Matsys devient le tuteur de ses deux filles. Il est également intéressant de noter que Gérard David, qui est devenu le principal peintre de Bruges après Memling, est devenu membre de la guilde St. Lucas d’Anvers en 1515 conjointement avec Patinir, ce qui lui a permis d’accéder légalement au marché de l’art anversois, en pleine expansion.

Les historiens de l’art moderne ont tendance à présenter Patinir comme l’« inventeur » de la peinture de paysage, affirmant que pour lui, les sujets religieux n’étaient que des prétextes pour présenter ce qui l’intéressait vraiment, les paysages, tout comme Rubens a peint Adam et Eve uniquement parce qu’il aimait peindre (et vendre) des nus.

C’est plausible pour Rubens, mais assez faux pour Patinir, dont les « beaux » paysages, comme l’a démontré l’historien de l’art Reindert L. Falkenberg,105 n’auraient été qu’une sorte de tromperie sophistiquée du diable. La beauté du monde, création satanique chez Patinir, n’existe que pour tenter les humains et les faire succomber au péché.

Rencontre avec Albrecht Dürer

Henri Leys, Visite de Dürer à Anvers, 1855, Anvers.

Une source unique d’information, c’est le journal106 de Dürer sur sa visite aux Pays-Bas.

Pourquoi Dürer est-il venu dans les Pays-Bas ? L’une des explications est qu’après la mort de son principal mécène et donneur d’ordre, l’empereur Maximilien Ier, l’artiste serait venu pour faire confirmer sa pension par Charles Quint.

Dürer arrive à Anvers le 3 août 1520 et visite Bruxelles et Malines où il est reçu par Marguerite d’Autriche (1480-1530), tante de Charles Quint. Chargée d’administrer les Pays-Bas bourguignons tant que Charles est trop jeune, elle prête parfois à Érasme une oreille attentive tout en gardant ses distances.

A Malines, Dürer a certainement visité la belle demeure de Jérôme de Busleyden (1470-1517), le mécène qui permettra à Erasme de démarrer en 1517 le « Collège trilingue ». 107

Busleyden était l’ami de l’évêque de Londres, Cuthbert Tunstall (1475-1559), qui le présente à Thomas More (1478-1535).

Lors de son séjour chez Margaret, Dürer a pu admirer un incroyable tableau de sa collection, Le couple Arnolfini (1434) de Jan van Eyck. Marguerite venait d’accorder une pension au peintre vénitien, Jacopo de’ Barbari (1440-1515), 108 diplomate et exilé politique à Malines, qui réalisa un portrait de Luca Pacioli (1445-1514), le franciscain qui fit découvrir Euclide à Léonard et écrivit De Divina Proportione (1509) que Léonard illustra.

De’ Barbari est mentionné par plusieurs de ses contemporains, notamment Dürer, Marcantonio Michiel (1584-1552) et Gérard Geldenhauer (1482-1542). En 1504, de’ Barbari a rencontré Dürer à Nuremberg et ils ont discuté du canon des proportions humaines, un sujet central des recherches 109 de ce dernier. Un manuscrit non publié du traité de Dürer révèle que l’Italien n’était pas disposé à partager ses découvertes :

En mars 1510, selon les archives, de’ Barbari est au service de l’archiduchesse Marguerite à Bruxelles et à Malines. En janvier 1511, il tombe malade et rédige un testament. En mars, l’archiduchesse lui accorde une pension à vie en raison de son âge et de sa faiblesse. Il meurt en 1516, laissant à l’archiduchesse une série de 23 planches à graver. Mais lorsque Dürer lui demande de lui fournir certains des écrits de de’ Barbari sur les proportions humaines, elle décline poliment sa demande. 111

Pour sa part, Matthias Mende estime que :

Le journal de Dürer révèle qu’il était souvent reçu par ses collègues locaux. 113 A Anvers, « je suis allé voir Quinten Matsys dans sa maison », écrit-il dans son journal. Dans la même ville, il esquisse un portrait de Lucas van Leyden (1489-1533) 114, et réalise le célèbre portrait du vieillard barbu de 93 ans qui servira de modèle à son Saint Jérôme.

Il rencontre au moins trois fois Érasme dont il fait un portrait respirant une complicité mutuelle. Érasme lui passe commande car il a besoin d’un grand nombre de portraits pour les envoyer à ses correspondants dans toute l’Europe. Comme il l’indique dans son journal, Dürer esquisse plusieurs fois Érasme au fusain lors de ces rencontres. Il en tirera un portrait gravé un peu maladroit, réalisé six ans plus tard.

Hans Schwartz, portrait de Dürer, médaillon en bronze, 1520.

A l’occasion de son deuxième mariage, le 5 mai 1521, Patinir invite Dürer. On ne sait pas quand et comment cette amitié a commencé, ou si elle était simplement de circonstance. Le maître de Nuremberg esquisse le portrait de Patinir et l’appelle « der gute Landschaftsmaler » (le bon peintre de paysages), créant ce mot nouveau pour ce qui devient un nouveau genre.

Lors du mariage, il rencontre Jan Provoost (1465-1529), Jan Gossaert (de Mabuse) (1462-1533) et Bernard van Orley (1491-1542), des peintres en vogue à la cour de Malines.

Mais la Mort et l’Avare (1515, Bruges) de Provoost est clairement d’inspiration erasmienne.

Jan Provoost, La Mort et l’Avare, vers 1515, Groeningenmuseum, Bruges.

Le poète, professeur de latin et philologue Cornelis de Schryver (Grapheus) (1482-1558), collaborateur de l’imprimeur d’Érasme à Louvain et Anvers, Dirk Martens, est une figure qui a pu mettre Dürer en lien avec les peintres d’Anvers, ville dont il est le secrétaire en 1520.

Les imprimeurs et les éditeurs ont joué un rôle clé à la Renaissance, car ils serviront d’intermédiaires entre, d’une part, les intellectuels, les érudits et les savants, et d’autre part, les illustrateurs, les graveurs, les peintres et les artisans. Comme Dürer lui-même, Grapheus était attiré par les idées de la Réforme, dont Luther et Érasme étaient les chefs de file. On sait que Grapheus a acheté à Dürer un exemplaire du De Captivitate (De la captivité babylonienne de l’Église) de Luther, un ouvrage incontournable pour quiconque s’intéressait à l’avenir de la chrétienté.

Comme Érasme et bien d’autres humanistes, Dürer a été l’hôte de Quinten Matsys dans sa fabuleuse maison de la Schuttershofstraat, ornée de décorations italiennes (festons de feuilles, de fleurs ou de fruits) et de grotesques (réseaux décoratifs et symétriques de lignes et de figures).

Nicaise de Keyser, la rencontre Dürer-Matsys (sous le regard de Thomas More et d’Érasme), Anvers.

Une représentation idéalisée de la rencontre Dürer-Matsys (sous le regard de Thomas More et d’Érasme) figure dans un tableau de Nicaise de Keyser (1813-1887) conservé au Musée royal des arts d’Anvers. Une autre scène, un dessin de Godfried Guffens (1823-1901) datant de 1889, montre l’échevin anversois Gérard van de Werve recevant Albrecht Dürer qui lui est présenté par Quinten Matsys.

Lorsque Charles Quint revint d’Espagne et visita Anvers, Grapheus écrivit un panégyrique pour saluer son retour. Mais en 1522, il est arrêté pour hérésie, emmené à Bruxelles pour y être interrogé et emprisonné. Il perd alors son poste de secrétaire. En 1523, il est libéré et retourne à Anvers, où il devient professeur de latin. En 1540, il redevient secrétaire de la ville d’Anvers. La propre sœur de Quentin Matsys, Catherine, et son mari ont été condamnés à mort à Louvain en 1543 pour ce qui était devenu le délit capital de lecture de la Bible depuis 1521 : il a été décapité, elle aurait été enterrée vivante sur la place devant l’église.

A cause de leurs convictions religieuses, les enfants de Matsys quittent Anvers et partent en exil en 1544. Cornelis finira ses jours à l’étranger.

5. Le lien avec Erasme

En 1499, Thomas More et Érasme se rencontrent à Londres. Leur rencontre initiale s’est transformée en une amitié à vie, puisqu’ils ont continué à correspondre régulièrement. A cette époque, ils ont collaboré à la traduction en latin et à l’impression de certaines œuvres du satiriste assyrien Lucien de Samosate (vers 125-180 après J.-C.), surnommé à tort « le Cynique ».

Érasme a traduit le texte satirique de Lucien, Sur ceux qui sont aux gages des grands,115 et l’a fait envoyer à son ami Jean Desmarais, professeur de latin à l’Université de Louvain et chanoine à l’église Saint-Pierre de cette ville.

Lucien, dans son texte, attaque l’état d’esprit des érudits qui vendent leur âme, leur esprit et leur corps au pouvoir dominant. Il en cite, fier de lui, disant :

Dans un véritable manifeste contre la servitude volontaire, anticipant celui de La Boétie, Lucien, qui pardonne d’abord ceux qui se soumettent par pure nécessité alimentaire, s’en prend à leur fantasme pervers comme cause de leur capitulation :

C’est en 1515 à Anvers, lorsque Thomas More est envoyé en mission diplomatique par le roi Henri VIII pour régler d’importants litiges commerciaux internationaux à Bruges, qu’Erasme lui présente son ami Pieter Gillis (1486-1533) (latinisé en Petrus Ægidius), compagnon humaniste et secrétaire de la ville d’Anvers. Gillis, qui avait débuté à dix-sept ans comme correcteur d’épreuves dans l’imprimerie de Dirk Martens à Louvain et Anvers, connaît Érasme depuis 1504. L’humaniste lui conseille de poursuivre ses études et ils restent en contact. L’imprimeur Martens a édité à Louvain plusieurs livres d’humanistes, notamment ceux de Denis le Chartreux (1401-1471) et De inventione dialectica (1515) de Rudolphus Agricola, le manuel d’enseignement supérieur le plus largement acheté et utilisé dans les écoles et les universités de toute l’Europe.

Tout comme More et Érasme, Gilles était un admirateur et disciple d’Agricola, une figure emblématique de l’école des Frères de la Vie commune de Deventer. Grand pédagogue, musicien, facteur d’orgues d’églises, poète en latin et en langue vernaculaire, diplomate, boxeur et, vers la fin de sa vie, érudit en hébreu, Agicola, l’enseignant préféré d’Erasme, était la source d’inspiration de toute une génération. La maison de Gillis à Anvers était également un lieu de rencontre important pour les humanistes, les diplomates et les artistes de renommée internationale.

Quinten Matsys y est également un invité de marque. Enfin, c’est Gillis qui recommande à la cour d’Angleterre le peintre Hans Holbein le Jeune, le jeune prodige qui avait illustré l’Éloge de la folie d’Érasme. Du coup il sera reçu outre-manche par Thomas More avec grand enthousiasme. Son frère Ambrosius Holbein (1494-1519) illustrera plus tard l’Utopie de More.

6. L’Utopie de Thomas More

Pages de l’Utopie, avec l’alphabet des utopiens inventé en réalité par Pieter Gillis.

Gillis partage avec More et Érasme une grande sensibilité à la justice, ainsi qu’une sensibilité typiquement humaniste vouée à la recherche de sources de sagesse plus fiables. Il est avant tout connu comme un personnage apparaissant dans les premières pages de l’Utopie, lorsque Thomas More le présente comme un modèle de civilité et un humaniste à la fois plaisant et sérieux :

Porte d’entrée baroque de Den Spieghel, Anvers.

L’oeuvre la plus célèbre de Thomas More est bien sûr l’Utopie, composée en deux volumes.

Il s’agit de la description d’une île fictive qui n’était pas gouvernée par une oligarchie comme la plupart des États et empires occidentaux, mais qui était gouvernée sur la base des idées du bien et du juste que Platon a formulées dans son dialogue, La République.

Alors que l’Éloge de la folie d’Érasme appelait à une réforme de l’Église, l’Utopie de More (écrit en partie par Erasme), une autre satire de la corruption, de l’avidité, de la cupidité et des échecs qu’ils voyaient autour d’eux, appelait à une réforme de l’État et de l’économie.

L’idée du livre est venue à Thomas More alors qu’il séjournait dans la résidence anversoise de Gillis, Den Spieghel, en 1515.

Le premier volume, commence par une correspondance entre More et d’autres personnes, dont Pieter Gillis. De retour en Angleterre en 1516, l’humaniste anglais rédige l’essentiel de l’ouvrage.

Entre décembre 1516 et novembre 1518, quatre éditions de l’Utopie furent composées par Erasme et Thomas More et paraissent en décembre 1516 chez l’éditeur Dirk Martens à Louvain. Avec le texte, une carte gravée sur bois de l’île d’Utopie, des vers de Gillis et l’« alphabet utopique » que ce dernier invente pour l’occasion, des vers de Geldenhouwer, historien et réformateur lui aussi éduqué par les Frères de la Vie commune de Deventer, des vers de Grapheus ainsi que l’épître de Thomas More dédicaçant l’ouvrage à Gillis. Plusieurs années après la mort de More et d’Érasme, en 1541, Grapheus, avec Pieter Gillis, publia son Enchiridio Principis Ac Magistratus Christiani.

7. Pieter Gillis et le « Diptyque de l’amitié »

Quinten Matsys, double portrait d’Erasme et Pieter Gillis.

Outre les triptyques et les peintures religieuses, Matsys excellait dans les portraits. L’une des plus belles oeuvres de Matsys est le double portrait d’Érasme et de son ami Gillis, peint en 1517.118

Ce diptyque de l’amitié devait servir de visite « virtuelle » à leur ami anglais Thomas More à Londres et ils ont demandé à Quinten Matsys de réaliser les deux tableaux, car il était le meilleur peintre de la place. Le portrait d’Érasme fut le premier à être achevé. Celui de Gillis était constamment retardé parce qu’il tombait malade entre les séances de pose. Les deux hommes, dans leur correspondance, avaient parlé de ce double portrait à Thomas More, ce qui n’était peut-être pas une bonne idée, car More les interrogeait constamment sur l’état d’avancement des oeuvres et devenait très impatient de recevoir ce cadeau. Les deux oeuvres furent finalement achevées et envoyées à More alors qu’il se trouvait à Calais. Bien qu’ils soient représentés sur des panneaux distincts, les deux hommes érudits et cultivés sont présentés dans un espace d’étude continu. Si l’on regarde les deux tableaux côte à côte, on constate que Matsys a astucieusement maintenu la bibliothèque derrière les deux personnages, ce qui donne l’impression que les deux hommes représentés dans les deux panneaux distincts occupent la même pièce et se font face.

Érasme est occupé à écrire et Pieter Gillis montre les Antibarbari, un livre qu’Erasme préparait pour publication, tandis qu’il tient une lettre de More dans sa main gauche. La présentation d’Erasme dans son étude fait écho aux représentations de Saint Jérôme qui, avec sa traduction de la Bible, est un exemple pour tous les humanistes et dont Erasme venait de publier l’oeuvre. Il est intéressant de regarder les livres sur les étagères à l’arrière-plan.

  • Sur l’étagère supérieure du tableau d’Érasme se trouve un livre portant l’inscription Novum Testamentum Graece, la première édition du Nouveau Testament en grec publiée par Érasme en 1516.
  • L’étagère inférieure contient un tas de trois livres.
    –Le livre du bas porte l’inscription Jérôme, qui fait référence aux éditions de l’humaniste des oeuvres de ce Père de l’Eglise ;
    –le livre du milieu porte l’inscription Lucien, en référence à la collaboration entre Érasme et Thomas More dans la traduction des Dialogues de Lucien.
    –L’inscription sur le livre au sommet des trois est le mot Hor, qui se lisait à l’origine Mor. La première lettre a probablement été modifiée lors d’une restauration ancienne, car outre le fait que Mor soit les premières lettres du nom de famille de Thomas More, elles font certainement référence aux essais satiriques écrits par Érasme alors qu’il séjournait chez Thomas More à Londres en 1509 et intitulés Encomium Moriae (Éloge de la folie).

Nous voyons Érasme en train d’écrire un livre. Cette représentation a fait l’objet d’une attention particulière, car les mots que l’on voit sur le papier sont une paraphrase de l’Épître aux Romains de saint Paul, l’écriture étant une reproduction soignée de celle d’Érasme, et la plume de roseau qu’il tient est connue pour être le moyen d’écriture favori d’Érasme.

En y regardant de plus près, dans l’ombre, on distingue une bourse dans les plis de la cape d’Érasme. Il se peut qu’Érasme ait voulu que l’artiste l’inclue pour illustrer sa générosité. Erasmus et Gillis ont tenu à informer Thomas More qu’ils avaient partagé le coût du tableau parce qu’ils voulaient qu’il s’agisse d’un cadeau de tous les deux.

Thomas More a fait part de sa grande satisfaction à propos de ces portraits dans de nombreuses lettres, les peintures étant exécutées « avec une si grande virtuosité que tous les peintres de l’Antiquité pâlissent en comparaison », tout en avouant une fois un peu après qu’il aurait préféré son image taillée dans la pierre (dans une incarnation qu’il estimait moins périssable).

8. Le lien avec Léonard de Vinci (I)

Plusieurs tableaux indiquent de façon incontestable que Matsys et son entourage avaient des connaissances approfondies et s’inspiraient en partie des peintures et dessins de Léonard de Vinci, sans nécessairement saisir pleinement l’intention scientifique et philosophique de l’auteur. C’est clairement le cas de la Vierge à l’Enfant du musée de Poznan (1513, Pologne), qui présente littéralement, devant un paysage de montagne de style Patinir, la pose gracieuse et aimante de Marie tenant le Christ dans ses bras, ce dernier embrassant l’agneau, presqu’une une copie de Sainte Anne et la Vierge de Léonard de Vinci, une oeuvre qu’il commence en 1503 et qu’il apporte à Amboise en France en 1517. Comme nous l’avons déjà dit, on ne sait pas comment cette image a pu atteindre le maître, qu’il s’agisse d’estampes, de dessins ou de contacts plus personnels.

Quinten Matsys, Triptyque de la Déploration du Christ, Bruxelles.

Un deuxième exemple se trouve dans le Triptyque de la Déploration du Christ (1508-1511).

La scène centrale du triptyque ouvert, qui rappelle La descente de croix de Rogier van der Weyden (1435, Prado, Madrid), est soutenue par le paysage. Le drame religieux est étudié en détail et mis en scène de manière harmonieuse. En même temps, Matsys respecte la grande importance des croyants pour la narration et la description. Si la scène est propice à la réflexion et à la prière, Matsys déploie également la science du contraste. Si certains personnages plus rustres, notamment les têtes orientales, ont pu être inspirés par des visages de marins et de marchands qu’il a pu croiser dans le port, les traits de ceux qui sont frappés par la douleur et le chagrin sont plein de grâce.

Détail de la Déploration.

Dans le panneau du milieu, nous ne voyons pas la souffrance, mais la lamentation après la souffrance. Il dépeint le moment où Joseph d’Arimathie119 vient demander à la Vierge la permission d’enterrer le corps du Christ. Derrière l’action centrale se trouve la colline du Golgotha, avec ses quelques arbres, la croix et les voleurs crucifiés.

Le panneau de gauche montre Salomé présentant la tête de Jean-Baptiste à Hérode le Grand,120 roi de Judée, Etat client de Rome.

Le panneau de droite est une scène d’une extraordinaire cruauté, représentant saint Jean, dont le corps est plongé dans un chaudron d’huile bouillante. Le saint, nu jusqu’à la taille, semble presque angélique, comme s’il ne souffrait pas. Autour de lui, une foule de visages sadiques, de vilains rustres aux vêtements criards. La seule exception à cette règle est la figure d’un jeune Flamand, peut-être une représentation du peintre lui-même, qui observe la scène du haut d’un arbre.

Quant aux visages des personnages qui entourent Saint Jean Baptise, tout comme ceux qui chauffent le chaudron, ils proviennent directement du dessin de Léonard de Vinci intitulé Un homme trompé par des gitans (anciennement Les cinq têtes grotesques) (vers 1494, Chateau de Windsor, Angleterre). L’ironie et l’humour flamands ont fait bon accueil à ceux de Léonard !

Léonard de Vinci, Un homme trompé par des gitans, Royal Collection Trust, Windsor Castle. Une partie du dessin a été coupée. Alors que le gitan, ou la gitane, à droite, lit la main de l’homme, le gitan à gauche subtilise sa bourse. Au verso, des notes dont celle-ci, peut-être en rapport avec le sujet du recto: « J’ai bien connu cet homme, bien malgré moi. Celui-ci est un réceptacle de vilenies ; c’est un amas parfait de la plus grande ingratitude combinée à tous les vices. Mais à quoi bon me fatiguer avec de vaines paroles ? On n’y trouve rien d’autre que toutes les formes du péché … »

Chez Léonard, les visages semblent même éclater dans un rire hilarant, en se regardant les uns les autres et en regardant la figure couronnée au centre. Les feuilles de cette couronne ne sont pas celles des lauriers qui célèbrent les poètes et les héros, mais celles… d’un chêne.

A cette époque, le pape anti-humaniste et belliciste qui triomphait à Rome était Jules II,121 que Rabelais a mis en enfer en train de vendre des petits pâtés. Jules était membre d’une puissante famille de la noblesse italienne, la maison Della Rovere, littéralement « du chêne »…

C. La science erasmienne du grotesque

1. Dans la peinture religieuse

L’utilisation de têtes grotesques, exprimant les basses passions qui submergent et dominent les personnes malveillantes, était une pratique courante dans les peintures religieuses pour donner vie et contraste dans les oeuvres. En 1505, Dürer se rend à Venise et dans la ville universitaire de Bologne pour s’initier à la perspective. Il se rend ensuite plus au sud, à Florence, où il découvre les oeuvres de Léonard de Vinci et du jeune Raphaël, puis à Rome.

Albrecht Dürer, Le Christ parmi les docteurs, Madrid.

Le Christ parmi les docteurs (1506, Collection Thyssen Bornemisza, Madrid), a été peint à Rome en cinq jours et reflète l’influence éventuelle des grotesques de Léonard.

Dürer était de retour à Venise au début de l’année 1507 avant de retourner à Nuremberg la même année. Le Christ portant la croix de Jérôme Bosch (après 1510, Gand) est un autre exemple célèbre. La tête du Christ est entourée d’un groupe dynamique de « tronies » ou visages grotesques.

Bosch s’est-il inspiré de Léonard et de Matsys, ou est-ce l’inverse ? Si la composition peut sembler chaotique à première vue, sa structure est en réalité très rigide et formelle. La tête du Christ est placée précisément à l’intersection de deux diagonales. La poutre de la croix forme une diagonale, avec la figure de Simon de Cyrène aidant à porter la croix en haut à gauche, et avec le « mauvais » meurtrier en bas à droite.

L’autre diagonale relie l’empreinte du visage du Christ sur le suaire de Véronique, en bas à gauche, au voleur pénitent, en haut à droite.

Quinten Matsys, Ecce Homo (1526, Venise).

Il est attaqué par un charlatan diabolique ou un pharisien et un moine diabolique, allusion évidente de Bosch au fanatisme religieux de son époque.

Les têtes grotesques rappellent les masques souvent utilisés dans les jeux de la passion ainsi que les caricatures de Léonard de Vinci.

En revanche, le visage du Christ, modelé avec douceur, est serein. Il est le Christ souffrant, abandonné de tous et qui triomphera de tous les maux du monde. Cette représentation s’inscrit parfaitement dans les idées de la Devotio Moderna.122

Quinten Matsys, dans son Ecce Homo’s (1526, Venise, Italie), se base clairement sur la tradition de Bosch.

2. Les avares, les banquiers, les receveurs d’impôts et les agents de change, la lutte contre l’usure

Quinten Matsys, Le contrat de vente, 1515, Berlin. Une bonne « affaire “ entre banquiers, avocats, théologiens et malfaiteurs d’un côté, et un fou de l’autre, peut-être un contrat pour une indulgence ? (Gemäldegalerie, Berlin)

La dénonciation satirique par Matsys de l’usure et de la cupidité est directement liée à la critique religieuse, philosophique, sociale et politique d’Érasme et de More.

Marlier, dans une description magistrale, met en lumière comment les usuriers et les spéculateurs sont devenus à Anvers les acteurs dominants de la vie économique de l’époque, une situation qui n’est pas sans rappeler la situation mondiale actuelle :

Quinten Matsys, Les usuriers (et leurs victimes), 1520, Galleria Doria Pamphilj, Rome.

Manillas.

A cela ajoutez le fait que les Fugger et les Welser 124 s’impliquent massivement dans le commerce d’esclaves en provenance d’Afrique.

Les Fugger utilisent leurs mines d’Europe de l’Est et d’Allemagne pour produire des manillas (bracelets), des objets d’échange en métal qui sont entrés dans l’histoire comme « monnaie de traite » en raison de leur utilisation sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest.

Les Welser, qui se concentrent sur les épices et le commerce de textile, ont tenté de leur côté d’établir une colonie dans ce qui est aujourd’hui le Venezuela (Nom espagnol dérivé de l’italien Venezziola, « petite Venise », devenue Welserland) et ont expédié plus de 1 000 Africains réduits en esclavage vers l’Amérique.

Pendant ce temps, dans les maisons des citoyens prospères d’Augsbourg, des esclaves indiens étaient forcés de travailler pour leurs « maîtres ».

Tableau de Carl Ludwig Friedrich Becker montrant Anton Fugger brûlant les reconnaissances de dette de Charles Quint, 1866.

D’après le site officiel de la famille Fugger, l’histoire selon laquelle Anton Fugger aurait jeté les reconnaissances de dettes de ce dernier dans le feu en 1530, sous les yeux de Charles Quint, afin de renoncer généreusement au remboursement de crédits, est une pure fiction.

Mais il a accordé au nouvel empereur une petite réduction de dette (haircut). En échange, Charles Quint renonce à son projet de « loi impériale sur les monopoles », qui aurait considérablement réduit le champ d’action des banques et des maisons de commerce du Saint Empire romain germanique.

Selon Richard Ehrenberg, chercheur sur les Fugger, l’histoire concernant Anton n’est apparue qu’à la fin du XVIIe siècle, sans doute pour attester de sa loyauté envers l’empereur. 125

Thomas More et Érasme dénoncent et condamnent cette montée brutale des abus financiers prédateurs et criminels dans l’Utopie.

Sans refuser l’essor du capitalisme entrepreneurial moderne, Érasme condamne sans façons les abus d’un capitalisme financier totalement débridé :

Les fonctionnaires, plaide-t-il dans son Éducation d’un prince chrétien (1516), écrit pour éclairer le jeune Charles Quint qui ne l’a jamais lu, doivent être recrutés sur la base de leur compétence et de leur mérite, et non en raison de leur nom glorieux ou de leur statut social. Pour Érasme, (s’exprimant de façon satirique par la bouche de la Folie) :

Quinten Matsys, Collecteurs d’impôts, fin des années 1520.

On peut, comme l’affirme Silver, sur la base de ce qui est écrit dans les registres représentés dans cette oeuvre et du fait que la collecte des impôts était confiée à des particuliers, réattribuer au tableau de Matsys, désigné jusqu’à récemment comme Les usuriers, la description plus « factuellement exacte » de Les receveurs d’impôts.

Cependant, force est de constater que cela ne change rien au fait que le sujet de cette oeuvre semble correspondre à ce que dénonce un vieux proverbe de l’époque :

Alors que le clerc municipal, à gauche, semble « raisonnable », puisque son visage n’est pas « grotesque », l’homme assis derrière, celui qui a extorqué l’impôt au peuple en s’engraissant au passage, dans une étrange rotation de son bras protégeant une bourse en cuir, montre la face grotesque et laide de la cupidité, justifiée par ce qu’il a déclaré et qui a été consigné dans les registres officiels.

La complaisance entre les deux hommes, l’un faisant le mal, l’autre fermant les yeux devant des pratiques innommables, est la véritable laideur de l’histoire. Les agents de change ou changeurs de monnaie, admet Silver, ont souvent joué le même rôle que les banquiers, citant l’historien de l’économie Raymond de Roover.

De plus, la quatrième canaille non représentée, le meunier (cible des peintures de Bosch et de Brueghel), était souvent fustigée parce que le prix des céréales devenait un point sensible à répétition dans les époques de fluctuation des prix des matières premières, comme c’était le cas à cette période.

Étant donné que le pillage financier prévalait après les années 1520, de telles dénonciations satiriques de la cupidité financière ne pouvaient que devenir très populaires. Le sujet est repris presque immédiatement par le fils du peintre, Jan Matsys (1510-1575), copié presque à l’identique par Marinus van Reymerswaele (1490-1546) et par Jan Sanders van Hemessen (1500-1566).

Le Banquier et sa femme

Quinten Matsys, Le banquier et sa femme, 1514, Louvre, Paris.

Lorenzo Lotto, Jacob Fugger, 1505.

Dans une version plus « civilisée » de cette métaphore, sur le même thème, on trouve le célèbre Banquier (changeur ou prêteur) et sa femme de Matsys (1514, Louvre, Paris).128

Dans un chapitre de son livre Les primitifs flamands intitulé Les héritiers des fondateurs, l’historien d’art Erwin Panofsky 129 considère cette oeuvre comme une « reconstruction » d’une « oeuvre perdue de Jan van Eyck (un ‘tableau avec des figures à mi-corps, représentant un patron faisant ses comptes avec son employé’), que Marcantonio Michiel prétend avoir vue à la Casa Lampugnano de Milan ».

Soulignons de nouveau qu’il ne s’agit pas ici d’un double portrait d’un banquier et sa femme, mais d’une seule métaphore.

Tandis que le banquier (dans le même geste que Jacob Fugger sur le tableau de Lorenzo Lotto) vérifie si le poids du métal des pièces correspond bien à leur valeur nominale, sa femme, qui tourne les pages d’un livre d’heures, jette un regard triste sur les activités cupides de son mari visiblement malheureux.

En 1963, Georges Marlier écrivait :

Le banquier a, en plus de la balance qu’il utilise, fixé une paire de balances au mur derrière lui. Pour les humanistes chrétiens, le poids de la richesse matérielle est à l’opposé de celui de la richesse spirituelle. Dans le Jugement dernier de Van der Weyden à Beaune, le peintre montre ironiquement un ange pesant les âmes ressuscitées, envoyant les plus lourdes d’entre elles… en enfer.

D’autres supposent que la femme du banquier n’est pas complètement insensible à toutes les pièces de monnaie sur la table, mais que l’attention de ses yeux se porte davantage sur les mains de son mari que sur les objets posés sur la table. Piété ou plaisir de la richesse ? Un fruit sur l’étagère (pomme ou orange), juste au-dessus de son mari, pourrait être une référence au fruit défendu mais la bougie éteinte sur l’étagère derrière elle rappelle la brièveté des plaisirs terrestres.

Marinus van Reymerswaele, Le banquier et sa femme.

Lorsque Marinus van Reymerswaele reprend ce thème (ci-dessus), la tentation de la femme pour l’argent sur la table semble encore plus grande.

Miroir bombé

Quinten Matsys, Le banquier et sa femme, détail du miroir bombé, Louvre, Paris.

On peut supposer que le miroir convexe (bombé), 131 posé au premier plan de la table du couple, opère comme une « mise en abîme » (une « pièce dans la pièce » ou « un tableau dans le tableau »). On y voit un homme (le banquier ?), lisant lui-même un livre (religieux ?).

Le miroir ne montre pas nécessairement un espace réel existant mais peut très bien représenter une séquence temporelle imaginaire en dehors de l’espace-temps de la scène principale. Il peut montrer le banquier dans sa vie future, libéré de la cupidité, lisant un livre religieux avec une grande ferveur.

Si l’utilisation d’images de miroirs convexes (dont les lois optiques ont été décrites par des scientifiques arabes comme Alhazen et étudiées par des franciscains d’Oxford 132 comme Roger Bacon) rappelle à la fois le tableau représentant le couple Arnolfini de Van Eyck (1434, National Gallery, Londres) 133 et celui de Petrus Christus (1410-1475) Orfèvre dans son atelier ou Saint Eligius 134 (1449, Metropolitan Museum of Art, New York), la peinture de Matsys, qui cherche à rendre hommage au grand Van Eyck, est une création très réussie en son genre.

La bonne nouvelle est que, jusqu’à présent, l’hypothèse la plus généralement retenue quant à la signification de cette peinture est qu’il s’agit d’une œuvre religieuse et moralisante, sur le thème de la vanité des biens terrestres en opposition aux valeurs chrétiennes intemporelles, et d’une dénonciation de l’avarice en tant que péché capital.

Sur le plan du contenu, le tableau pourrait également être lié à un thème courant à l’époque, à savoir La vocation de saint Matthieu.135

Le passage ci-dessus est probablement autobiographique en ce sens qu’il décrit l’appel de Matthieu à suivre Jésus en tant qu’apôtre. Comme nous le savons, saint Matthieu a répondu positivement à l’appel de Jésus et est devenu l’un des douze apôtres.

Selon l’Évangile, le nom de Matthieu était à l’origine Lévi, un collecteur d’impôts au service d’Hérode et donc peu populaire. Les Romains obligeaient le peuple juif à payer des impôts. Les collecteurs d’impôts étaient connus pour tromper le peuple en demandant plus que ce qui était exigé et en empochant la différence. Bien sûr, une fois que Lévi a accepté l’appel à suivre Jésus, il a été gracié et a reçu le nom de Matthieu, qui signifie « don de Yahvé ».

Ce thème ne pouvait évidemment que plaire à Érasme, puisqu’il n’insiste pas sur la punition, mais sur la transformation positive pour le mieux.

Marinus van Reymerswaele, La vocation de Saint Matthieu, 1530, Madrid.
Jan van Hemessen, La vocation de Saint Matthieu, 1536, Munich.

Tant Marinus van Reymerswaele (en 1530) que Jan van Hemessen (en 1536), qui ont copié Matsys après sa mort et s’en sont inspirés, ont repris le sujet dans La vocation de Saint-Matthieu. Dans le tableau de Van Hemessen, on voit également, comme dans l’œuvre de Matsys, la femme du collecteur d’impôts qui se tient devant, elle aussi la main sur un livre ouvert.

3. Le lien avec Da Vinci (II)

Léonard de Vinci, Un homme trompé par des gitans, Windsor.
Quinten Matsys, détail du Triptique de la Déploration, Bruxelles.

Pour résumer, jusqu’ici, trois éléments de l’oeuvre de Matsys nous ont permis d’établir ses liens approfondis avec l’Italie et Léonard.

  1. Sa bonne connaissance de la perspective, en particulier de celle de Piero della Francesca, comme le démontre la voûte en marbre de style italien apparaissant dans le Triptyque de Saint Anne (Anvers) 136 ;
  2. Sa reprise des têtes grotesques de Léonard, dans les sadiques à l’oeuvre dans le même Triptyque de Saint-Anne (Anvers) ;
  3. Sa reprise de la pose de la Vierge de la Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus jouant avec un agneau de Léonard (Louvre, Parijs), dans sa Vierge et l’enfant (Poznan, Pologne).

Comment cette influence a pu s’établir reste entièrement à élucider. Plusieurs hypothèses, qui peuvent d’ailleurs se compléter, sont permises :

  1. Il a pu échanger avec d’autres artistes qui eux avaient effectué de tels voyages et avaient pu établir des contacts en Italie. La question de savoir si Dürer, qui avait ses propres contacts en Italie, aurait servi d’intermédiaire est une autre hypothèse à explorer. Certains dessins anatomiques de Dürer auraient été réalisés d’après Léonard. Jacopo de’ Barbari avait réalisé un portrait de Luca Pacioli, le frère franciscain qui avait aidé Léonard à lire Euclide en grec. Dürer avait rencontré Barbari à Nuremberg, mais, comme nous l’avons vu plus haut, leurs relations se sont dégradées.
  2. Assez jeune, il s’est rendu, soit en Italie (Milan, Venise, etc.) où il a pu établir, soit un contact direct avec Léonard, soit avec un ou plusieurs de ses élèves. Pour Philippe d’Aarschot, Matsys, « sans jamais avoir mis un pied en Italie, subit l’influence de Léonard de Vinci. Sa Marie-Madeleine (musée d’Anvers) n’est-elle pas une réplique à la Joconde? »137
  3. Holbein le jeune, dit-on, a également été influencé par Léonard comme le suggèrent certains de ses compositions.138
  4. Matsys a pu voir des gravures réalisées et diffusées par des artistes italiens et du Nord. Si les dessins et manuscrits originaux ont été copiés et vendus par Melzi, l’élève de Léonard, après la mort de son maître à Amboise en 1519, l’influence de Léonard sur Matsys apparaît dès 1507.
Albrecht Dürer, étude anatomique d’après Léonard, carnets de Dresden.

L’oeuvre de Léonard intéressait toute l’Europe. Par exemple, une réplique grandeur nature de la fresque de la Cène de Léonard est achetée en 1545 par l’abbaye des Norbertins de Tongerlo. Andrea Solario (1460-1524), élève de Léonard de Vinci, aurait créé l’oeuvre avec d’autres artistes. Selon des recherches récentes, il semble que Léonard ait peint lui-même certaines parties de cette réplique.

Réplique grandeur nature de la fresque de la Cène de Léonard de Vinci, réalisée avant la mort du maître, appartenant à l’abbaye de Tongerlo en Belgique depuis 1545.

Le professeur Jean-Pierre Isbouts139 et une équipe de scientifiques de l’institut de recherche IMEC ont examiné la toile à l’aide de caméras multispectrales, qui permettent de reconstituer les différentes couches d’une peinture et de distinguer les restaurations de l’original. Selon les chercheurs, un personnage attire particulièrement l’attention. Jean, l’apôtre à la gauche de Jésus, est peint avec la technique spéciale du « sfumato ». Il s’agit de la même technique que celle utilisée pour peindre la Joconde, et que seul Léonard maîtrisait, affirme Isbouts.

Joos van Cleve, la Cène, 1520-1525).

De même, Joos Van Cleve, dans la partie inférieure de sa Déploration (1520-1525), reprend la composition de la Cène de Léonard, ce qui montre bien que l’image était connue de la plupart des peintres du Nord.

Enfin, comme le souligne Silver, l’une des cinq têtes grotesques de Léonard, inversée par rapport à l’original, réapparaît pour le vieillard dans le Couple mal assorti de Matsys, plus tard ! Le fait qu’elle apparaît en image miroir s’expliquerait si Matsys l’a vue en gravure. En imprimant sa plaque, l’image gravée apparaît en effet en négatif par rapport à l’original.

Mais aussi une étude de Léonard de Vinci d’une tête (non grotesque) d’apôtre pour la Cène, présente des caractéristiques proches de celles utilisées par Matsys.

Léonard, étude pour un apôtre.

4. L’art du grotesque per se

Portrait probable du jeune Léonard, étude de Verrocchio pour son David.

Le travail de Léonard de Vinci sur les visi monstruosi, (visages monstrueux) date au moins du début de la période milanaise (années 1490), lorsqu’il a commencé à chercher un modèle pour peindre « Judas » dans la fresque de la Cène (1495-1498).

Léonard se serait inspiré de vraies personnes de Milan et des environs pour créer les personnages du tableau. Lorsque le tableau est presque terminé, Léonard n’a toujours pas de modèle pour Judas. On dit qu’il a traîné dans les prisons et avec les criminels milanais pour trouver un visage et une expression appropriés pour Judas, le quatrième personnage en partant de la gauche et l’apôtre qui a fini par trahir Jésus.

Léonard conseillait aux artistes d’avoir toujours un carnet de notes pour dessiner les gens « se disputant, riant ou se battant ». Il prenait note des visages bizarres sur la piazza. Dans une note où il explique comment dessiner des inconnus, il ajoute,

Lorsque le prieur du couvent se plaint à Ludovic Sforza de la « paresse » de Léonard qui erre dans les rues à la recherche d’un criminel pour représenter Judas, Léonard répond que s’il ne trouve personne d’autre, le prieur sera un modèle idéal… Pendant l’exécution du tableau, l’ami de Léonard, le mathématicien franciscain Luca Pacioli, est dans les parages et en contact avec le maître.

Pour ce dernier, toujours désireux d’explorer et de capter la dynamique des contrastes de la nature, l’exploration de la laideur n’est pas seulement un jeu, mais inhérente au rôle de l’artiste : « Si le peintre souhaite voir des beautés qui l’enchanteraient », écrit-il dans son carnet,

Léonard et d’autres humanistes s’interrogeaient sur la relation entre la beauté intérieure (la vertu) et la beauté extérieure, physique. Au dos du portrait de Genivra de’ Benci (Washington DC), on peut voir une bannière avec le texte latin Virtutem forma decorat (La beauté orne la vertu). Et donc, à l’inverse, ils se sont demandés comment la laideur de quelqu’un pouvait être l’expression de son vice.

La chercheuse italienne Sara Taglialagamba note que le grotesque, ce qui est anormal ou « hors norme », n’est pas conçu par Léonard « pour s’opposer à la beauté », mais comme un contraste, comme « l’opposé de l’équilibre et de l’harmonie ». 140

Les difformités qui caractérisent les figures de Léonard touchent aussi bien les hommes que les femmes, sont présentes chez les jeunes et les vieux (bien qu’elles se concentrent surtout sur ces derniers), n’épargnent aucune partie du corps et sont souvent combinées pour donner aux sujets des apparences encore plus bestiales.

Géométrie des proportions humaines

Albrecht Dürer, page des Quatre Livres sur la proportion de l’Homme.

De son côté, Dürer, aujourd’hui accusé de « profilage racial », a pris très au sérieux l’étude du canon des proportions humaines, considérées, notamment avec la découverte du livre De Architectura de Vitruve, comme offrant la clé des bonnes proportions pour aussi bien la peinture que l’architecture et l’urbanisme.

Dürer a mesuré de façon systématique toutes les parties du corps humain afin d’établir des relations harmoniques entre elles. Les variations des proportions des visages et des corps, conclut-il, obéissent aux variations générées par des projections géométriques. Elles ne changent pas en termes d’harmonie mais apparaîtront différentes, voire grotesques, lorsqu’elles seront projetées sous un angle particulier.

Léonard et Dürer, et plus tard Holbein le Jeune dans son tableau Les Ambassadeurs (1533, National Gallery, Londres), sont passés maîtres dans la science des « anamorphoses », c’est-à-dire des projections géométriques à partir d’angles tangents qui rendent une image difficilement reconnaissable pour le spectateur qui regarde directement la surface plane, alors que l’image peut être comprise lorsqu’elle est regardée sous cet angle surprenant.

Léonard, anamorphose.

Le fait que des maîtres produisant de belles formes agréables comme Léonard ou Matsys se lancent soudainement dans des caricatures délirantes peut sembler troublant, alors qu’il ne devrait pas en être ainsi.

Toute caricature est basée sur une pensée métaphorique, comme tout grand art.

L’art de la Renaissance est souvent considéré comme ordonné et rassurant, mais les grotesques ne font que perpétuer l’art des gargouilles des bâtisseurs de cathédrales et les « monstres » en marge de tant de manuscrits enluminés que Bosch invitait à mettre en avant, anticipent ceux de François Rabelais, de Francesco Goya et de James Ensor. 142

Ses têtes sont tellement déformées et hors des normes habituelles qu’elles sont qualifiées de « grotesques ». Elles peuvent nous faire frémir et faire grincer des dents, mais également nous faire sourire lorsque nous acceptons, à contrecoeur et retenant notre irritation, de regarder de haut nos propres imperfections ou celles de nos bien-aimés que nous préférons ne pas voir. Soyons honnêtes. Nous sommes si loin des images que nous voyons dans les magazines et sur les écrans et que nous prenons pour la réalité.

Dans l’Eloge de la Folie d’Érasme, le narrateur (la Folie personnifiée) identifie d’abord, parmi de nombreux autres accomplissements, son propre rôle de premier plan dans la réalisation de choses qui, avec la logique, la raison, la sagesse formelle et l’intellect purs, échoueraient, comme les actes ridicules requis pour parvenir à la reproduction humaine.

Attention, avertit la Folie, si tout le monde était sage et dépourvu de folie, le monde serait bientôt dépeuplé !

5. La métaphore du « Couple mal assorti »

Quinten Matsys, Le couple mal assorti, Washington.

Si Erasme dénonce avec une ironie mordante la corruption et la folie des rois, des papes, des ducs et des princes, il expose également avec une ironie sans concession la corruption qui touche l’homme de la rue, par exemple les hommes plus âgés qui abandonnent leur épouse pour se mettre en ménage avec des femmes plus jeunes, « une chose si répandue, regrette la Folie, qu’elle est presque un sujet de louange ». La folie, avec une ironie satirique, se félicite de l’excellent travail qu’elle accomplit en offrant quelques gros grains aux seniors aussi bien homme que femme :

La formation de couples inégaux dans l’histoire littéraire remonte à l’Antiquité, lorsque Plaute, poète comique romain du IIIe siècle avant J.-C., déconseillait aux hommes âgés de faire la cour à des femmes plus jeunes. Erasme ne fait que reprendre un thème de la littérature satirique, notamment La Nef des fous, qui dans son 52e chapitre, combinant l’envie et la cupidité, aborde le thème du « mariage pour l’argent ».

Outre l’Eloge de la folie, Érasme consacre en 1529, dans des dialogues qu’il écrivait pour enseigner le latin aux enfants, un Colloque intitulé Le mariage qui n’en est pas un, ou l’union mal assortie.144 (Extrait, voir encadré)

Ce thème érasmien des « amants mal assortis » est devenu très populaire. Selon l’historien de l’art Max J. Friedlander,146 Matsys a été le premier à propager ce thème dans les Pays-Bas. Matsys dépeint ce thème en montrant un homme plus âgé qui s’éprend d’une femme plus jeune et plus belle. Il la regarde avec adoration, sans s’apercevoir qu’elle lui vole sa bourse. En réalité, la laideur grotesque de l’homme, aveuglé par son désir pour la jeune femme, correspond à la laideur de son âme. Celle-ci, aveuglée par sa cupidité, apparaît superficiellement comme une « gentille » fille, mais abuse en réalité de l’imbécile naïf.

De dehors, le spectateur s’aperçoit rapidement que l’argent qu’elle vole au vieux fou va directement dans les mains du bouffon qui se tient derrière elle et dont le visage exprime à la fois la luxure et la cupidité. La morale de la fin, c’est que tout le gain ne va ni à lui ni à elle, mais à la folie elle-même (Le Bouffon) !

Une situation qui n’est pas sans rappeler le tableau de Bosch de 1502, L’escamoteur (1475, St Germain-en-Laye). Le tableau de Matsys pose la question de la « corruption mutuelle assurée », où, comme en géopolitique, les deux parties pensent gagner aux dépens de l’autre dans un jeu à somme nulle mais en réalité chacune d’elles finissent par perdre. De ce point de vue, la leçon « moralisatrice » va bien au-delà de la simple tricherie entre partenaires.

Comme nous l’avons déjà dit, ce qui était considéré jusqu’à présent comme des « péchés » (la luxure et la cupidité) par l’Église, devient avec les humanistes chrétiens un sujet de rire, le tableau offrant un « miroir » permettant aux spectateurs de réfléchir sur eux-mêmes et d’améliorer leur propre caractère. Dans le folklore de la Saxe et ensuite des Flandres, Tyl Uylenspieghel est une grande figure. Uyl signifiant la chouette (sagesse), spieghel signifiant miroir.

Albrecht Dürer, Le couple mal assorti, 1495, Metropolitan, New York.

Jacopo de’ Barbari, Vieillard et jeune femme, 1503.

Le thème du couple mal assorti apparaît déjà dans une gravure sur cuivre de Dürer datant de 1495, où une jeune fille ouvre sa main pour siphonner de l’argent de la bourse du vieux vers la sienne.

En 1503, Jacopo de’ Barbari reprend le sujet avec Vieillard et jeune femme (Philadelphie).

Cranach l’Ancien,147 qui s’est rendu à Anvers en 1508 et a été visiblement inspiré par les grotesques de Matsys, a commencé à produire en série des peintures sur ce thème (y compris l’utilisation des grotesques de Léonard retravaillés par Matsys !), répondant clairement à la demande croissante de l’Allemagne protestante, une production continuée par son fils Cranach le Jeune.148

Cranach l’ancien, Couple mal assorti.

Cranach peindra ses propres variations sur le thème, le réduisant souvent à la seule « luxure », laissant de côté la « cupidité » et donc l’accaparement de l’argent. Bien entendu, plus l’homme est laid et âgé, et plus la femme est belle et jeune, plus le contraste qui en résulte crée un impact émotionnel mettant en valeur le caractère choquant de l’événement. Cranach s’amuse à inverser les rôles et à montrer une vieille femme riche accompagnée de sa servante, attirant un séduisant jeune homme…

Jan Matsys, Couple mal assorti.

Le fils de Quinten Matsys, Jan Matsys, nous a laissé une interprétation intéressante du thème, en y ajoutant une dimension sociale, celle des familles pauvres se servant de leurs filles comme appât pour piéger des messieurs riches et plus âgés dont la richesse et l’argent permettront à la famille de se nourrir, un thème également repris par Goya.

Dans l’une des versions de Cranach, l’homme riche a déjà devant lui une miche de pain sur la table, véritable symbole du chantage alimentaire. Mais ce qui frappe dans la version de Jan, c’est la mère, debout derrière le vieil homme fou, qui fixe de son regard le pain et les fruits sur la table. Si l’avidité et la luxure restent réelles, Jan dramatise un contexte donné dont on ne peut pas simplement se moquer.

Parmi les nombreux autres artistes qui ont peint ce thème, citons Hans Baldung Grien (1485-1545), Christian Richter (1587-1667) et Wolfgang Krodel l’Ancien (1500-1561). Aucun d’entre eux n’a réussi à reproduire au complet la métaphore de Matsys, le plus fidèle à l’esprit d’Érasme, celui de la folie qui gagne la partie, une situation vraiment risible ! Le triomphe de la folie ! Ici aussi, pour le visage du vieux fou, comme nous l’avons déjà mentionné, Matsys se fonde sur les esquisses de têtes grotesques de Léonard.

6. « La vieille femme hideuse », la paternité de Léonard

Cela nous permet maintenant de présenter la peinture peut-être la plus scandaleuse jamais réalisée, appelée alternativement la « Vieille femme hideuse » ou « La Duchesse laide ».

Des océans d’encre ont été jetés sur le papier pour spéculer sur son identité, sa « maladie » (la maladie de Paget dit un médecin), son « genre », la plupart du temps pour orienter le regard du spectateur vers une interprétation littérale, « basée sur des faits », plutôt que d’apprécier et de découvrir l’hilarante métaphore que l’artiste peint, non pas sur le panneau, mais dans l’esprit du spectateur.

Le tableau doit être analysé et compris avec son pendant – un tableau d’accompagnement – qui représente un vieil homme dont elle sollicite l’attention. De manière surprenante, en première approche, on peut dire que Matsys, bien avant Cranach, inverse ici les rôles habituels des genres, puisque ce que nous voyons n’est pas un vieil homme essayant de séduire la jeune fille, mais une vieille femme essayant d’attirer un vieil homme riche.

Tout d’abord, il y a la vieille dame, dont l’état physique est la décrépitude ultime, qui tente désespérément de séduire un vieil homme riche. Immédiatement, comme le Vieil homme et le jeune garçon (1490, Louvre, Paris) de Domenico Ghirlandaio, l’apparence extérieure de la personne incite le public à s’interroger sur la relation entre la beauté intérieure et la beauté extérieure.

Une fois encore, l’influence littéraire évidente est l’Eloge de la folie (1511), qui fait la satire des femmes qui « jouent encore aux coquettes », « ne peuvent s’arracher à leur miroir » et « n’hésitent pas à exhiber leurs repoussants seins flétris ».150

Jan van Eyck, Portrait de sa femme Margaret, 1439, National Gallery, Londres.

Les vêtements de la femme sont riches. Elle est habillée pour impressionner, y compris avec un couvre-chef bulbeux qui rehausse ses traits inhabituels. Défiant la modestie attendue des femmes âgées à la Renaissance, elle porte un corsage serré, découvert et étroitement lacé qui met en valeur son décolleté ridé.

Ses cheveux sont dissimulés dans les cornes d’un bonnet en forme de coeur, sur lequel elle a posé un voile blanc, fixé par une grande broche ornée de pierreries.

Quelle que soit la qualité de sa tenue, à l’époque où ce panneau a été peint, au début du XVIe siècle, ses vêtements devaient être dépassés de plusieurs décennies, rappelant ceux du portrait que Van Eyck avait fait de sa femme Margaret un siècle plus tôt, et suscitant le rire plutôt que l’admiration.

Dans le Cicéronien, publié en 1528, Erasme, par la bouche de ses caractères, souligne que le style littéraire évolue aussi vite que les goûts vestimentaires de chaque époque. S’habiller comme on le faisait plusieurs décennies avant, y affirme Nosophon, risque

Cette coiffe était donc devenue un symbole iconographique de la vanité féminine, ses cornes étant comparées à celles du diable ou, au mieux, à celles qui indiquent qu’elle a été fait cocue par ses amants (cornuto). Elle semble se vendre pour son apparence, car elle offre une fleur, souvent symbole de la sexualité dans l’art de la Renaissance.

C’est dans le destin tragique de la rose coupée que la fuite du temps, et avec elle la déchéance physique, trouve son illustration la plus inquiétante. Fraîche ou fragile, la rose, tout en appelant au plaisir immédiat, semble protester contre la mort qui la guette.

Margarete Maultasch.

Pour identifier la femme, plusieurs noms sont avancés. Au XVIIe siècle, le tableau a été confondu avec le portrait de Margarete Maultasch (1318-1369) qui, séparée de son premier mari Jean Henri de Luxembourg, s’est remariée avec Louis 1er, margrave de Brandebourg, après mille et un rebondissements qui ont abouti à l’excommunication du couple par Clément VI.

Une histoire compliquée dans une époque troublée, qui a valu à Margarete le surnom de « gueule-sac » (grande gueule), ou « prostituée » en dialecte bavarois. Le problème est que l’on connaît d’autres portraits de Margarete, sur lesquels elle apparaît sous son meilleur jour… Qualifiée de « femme la plus laide de l’histoire », elle a reçu le surnom de « Duchesse laide ».

A l’époque victorienne, cette image (ou l’une de ses nombreuses versions) a inspiré à John Tenniel la représentation de la duchesse dans ses illustrations des Aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (1865). Cela a permis d’ancrer le surnom et de faire de ce personnage une icône pour des générations de lecteurs.

Deuxièmement, le vieil homme, dont la robe bordée de fourrure et les bagues en or, sans être aussi manifestement archaïques ou absurdes que le costume de la femme, suggèrent néanmoins une richesse ostentatoire, et son profil distinctif fait écho au profil familier du principal marchand-banquier d’Europe au XVe siècle, feu Cosimo de’ Medici de Florence. Ce dernier, après avoir joué un rôle clé en tant que mécène des arts et soutien au Conseil oecuménique de Florence, semblait avoir perdu aussi bien sa raison que sa dignité.

Il convient de noter qu’en 1513, année de la réalisation du tableau, le pape guerrier Jules II, grand ennemi d’Érasme, rend l’âme et que Giovanni di Lorenzo de’ Medici devient le nouveau pape sous le nom de Léon X.

Jacob Fugger.

La figure du vieillard évoque également les portraits perdus du début du XVe siècle du duc Philippe le Hardi de Bourgogne.

Maintenant, si l’on y regarde à deux fois et que l’on oublie les seins de la femme, on s’aperçoit que son visage est celui… d’un homme affreux.

Il pourrait s’agir d’une figure politique ou d’un théologien détesté de l’époque, se vendant l’un à l’autre dans un élan de cupidité et de luxure.

Peut-être que la vieille prostituée laide est une référence au banquier Jacob le Riche, l’éternel banquier du Vatican ? Acceptons pour l’instant le fait qu’on ne sait pas.

L’artiste bohémien Wenceslaus Hollar (1607-1677) a vu le double portrait de Matsys et en a fait une gravure en 1645, en y ajoutant le titre « Roi et reine de Tunis, inventé par Léonard de Vinci, exécuté par Hollar ».

La « paternité » de Léonard de cette oeuvre fut donc un secret de polichinelle.

Pendant les périodes de carnaval, où les gens étaient autorisés à s’affranchir des règles de la société pendant quelques jours, du moins dans les Pays-Bas et dans la région du Rhin du Nord, les gens s’amusaient beaucoup en changeant les rôles. Les paysans pauvres pouvaient se déguiser en riches marchands, les laïcs en ecclésiastiques, les voleurs en policiers, les hommes en femmes et ainsi de suite.

Léonard de Vinci, croquis, National Gallery, Washington.

Le concept original de cette métaphore vient clairement de Léonard, qui a fait un minuscule croquis d’une femme laide, éventuellement une prostituée, remarquablement avec le bonnet à cornes et une petite fleur plantée entre ses seins, exactement les mêmes attributs, métaphores et symboles employés plus tard par Matsys dans son œuvre !

Francesco Melzi ? Copie d’après Léonard, Université de Harvard.

Melzi, l’élève de Léonard, et d’autres élèves ou disciples, comme ils l’ont fait pour de nombreuses autres esquisses de Léonard, semblent avoir copié le travail de Léonard et, amusés, ont contre-posé la vieille en chaleur avec un riche marchand florentin avide. Melzi a-t-il partagé ou vendu ses esquisses à d’autres ?

Francesco Melzi ? d’après Léonard, Université de Harvard.
Léonard de Vinci, croquis, Musée des Offices, Florence.

Diverses versions amusantes du thème sont disséminées dans le monde entier et figurent dans des collections privées et publiques.

Une autre esquisse, réalisée par Léonard lui-même ou par ses disciples, montre un homme grotesque et sauvage, dont les cheveux se dressent sur la tête, accompagné d’une série de savants à l’allure grotesque, dont l’un ressemble à Dante !

Francesco Melzi, sept caricatures, 1515, Galerie dell’Academia, Venise.

Léonard, bien sûr, qui signait toujours ses écrits par les mots « homme sans lettres » (omo sanza lettere) 152, n’était qu’un simple artisan et n’a jamais été pris au sérieux par ces érudits que Lucien dénonçait pour s’être vendus à l’establishment.

Tous ces éléments montrent que ce que faisait Matsys n’avait rien de « bizarre » ou d’« extravagant », mais qu’il partageait une « culture » de visages grotesques dont les variations pouvaient être utilisées pour enrichir les jeux de mots métaphoriques de la culture humaniste.

Mais bien sûr, ce qui a rendu l’impact de cette oeuvre si dévastateur, c’est le fait que ce qui n’était pour Léonard que de rapides esquisses dans un carnet, est devenu chez Matsys des représentations grandeur nature, d’un hyperréalisme effrayant !

Dans la collection Windsor de la Reine, il existe un dessin à la craie rouge de la femme presque exactement telle qu’elle apparaît dans l’oeuvre de Matsys.

Melzi ou Léonard ? d’après Quinten Matsys, Windsor, Londres.

Jusqu’à très récemment, les historiens étaient convaincus que Quentin Matsys avait « copié » 153 ce dessin attribué à Léonard et l’avait agrandi pour réaliser sa peinture à l’huile.

Cependant, des recherches récentes suggèrent que cela ne s’est pas passé ainsi !

En réalité, Melzi, ou Léonard lui-même, a pu réaliser le dessin à la craie rouge à partir de la peinture de Matsys, que ce soit à partir d’une vue directe ou des reproductions. Un Italien copiant un peintre flamand, vous imaginez ?

L’experte Susan Foister, directrice adjointe et conservatrice de la peinture ancienne néerlandaise, allemande et britannique à la National Gallery de Londres, qui était également en 2008 la commissaire de l’exposition Renaissance Faces : Van Eyck to Titian, a déclaré à l’époque au Guardian :

Foister a précisé qu’ils avaient découvert que Matsys apportait des modifications au fur et à mesure, ce qui suggère qu’il créait l’image tout seul plutôt que de copier un modèle. De plus, dans les deux copies de Léonard, les formes du corps et des vêtements sont trop simplifiées et l’oeil gauche de la femme n’est pas dans son orbite.

« On a toujours supposé qu’un artiste moins connu d’Europe du Nord aurait copié Léonard et on n’a pas vraiment pensé que cela aurait pu être l’inverse », résume Foister.

Elle ajoute que les deux artistes sont connus pour s’intéresser à la laideur et qu’ils ont échangé des dessins « mais le mérite de cette œuvre magistrale revient à Matsys ». 156

Emma Capron, conservatrice associée de la peinture de la Renaissance à la National Gallery de Londres, a écrit en 2023 :

8. Liefrinck et Cock

Le tableau de Matsys captiva l’imagination de son siècle et suscita une série de reprises et de reproductions. Voici ce qu’en fût le sculpteur-graveur sur bois et éditeur d’estampes anversois Hans Liefrinck (c. 1518-1573) sur laquelle Jan Muylle. 158 nous fournit des informations intéressantes.

Liefrinck a réalisé le deuxième état des dessins de Pieter Bruegel La cuisine maigre et La cuisine grasse, entre autres, et il a collaboré à Anvers avec le maître imprimeur Christophe Plantin.

Il a également réalisé quatre gravures sur cuivre à peine connues représentant des têtes grotesques empruntées à des dessins de ou d’après Léonard de Vinci.

Hans Liefrinck, gravure sur cuivre, date inconnue.

Les légendes et épigrammes des gravures de Liefrinck et de Cock, poursuit Muylle, « fournissent également une aide précieuse pour formuler une interprétation. Il s’agit là d’un corpus d’œuvres représentatif, ce qui est bienvenu. »

Hans Liefrinck, gravure sur cuivre. L’épigramme dit : « Sordida, deformis sic est coniuncta marito Foemina, quo quaerat quisque sibi similem » . (La femme laide est aussi difforme que son mari. Cela montre que tout le monde recherche sa ressemblance).

Dans le cartouche de la deuxième légende de Liefrinck, on lit quelque chose que Léonard n’était pas loin de penser : Deformes, bone spectator, ne despice vultus. Sic natura homines sic variare solet. (Cher spectateur, ne méprisez pas ces visages déformés. C’est ainsi que la nature fait habituellement en sorte que les hommes diffèrent les uns des autres).


Hieronymus (Jérôme) Cock (c. 1510-1570) reprend également l’imagerie grotesque du « Couple inapproprié » (Amour inégal). On estime que la planche de Cock est la copie d’une oeuvre du graveur italien Agostino Veniziano (1490-1550). L’épigramme de Veniziano est typique de l’« humour » vénitien. On passe du grotesque au burlesque : « Chi non ci vol veder si cavi gli occhi » (Celui qui ne veut pas nous voir, arrache-lui les yeux.). Ce n’est pas évident quelle version a été réalisée en premier. Les deux artistes abandonnent le thème original, mais le fou qui triomphe derrière est un héritage de Matsys et d’Erasme.

Ce qui est clair, c’est que l’épigramme au bas de la gravure de Cock est beaucoup plus dans l’esprit humaniste :

Les légendes des gravures de Liefrinck et de Cock s’accordent donc bien plus avec l’humanisme d’Érasme et avec la vision de De Vinci.

8. A mourir de rire, Zeuxis, Matsys et Rembrandt

Enfin, la lecture du livre La Renaissance et le rire de Daniel Ménager 159 a attiré notre attention sur les récits relatant la vie du peintre grec Zeuxis. Cette anecdote historique fournit, c’est notre avis, une clé majeure permettant de comprendre le tableau « la vieille femme hideuse » de Matsys.

Zeuxis d’Héraclée (464 à 398 av. J.-C.) est un peintre grec parmi les plus célèbres de l’Antiquité. Originaire d’Héraclée, son art surpassa tous les peintres de son temps, ou presque.

Lors d’un concours d’artistes, dit la légende, Zeuxis peint des raisins avec tant de vérité que des oiseaux vinrent les picorer. Cependant, un peintre rival, Parrhasios d’Ephèse, présente une peinture de rideau d’un rendu si naturel que Zeuxis, tout fier de la sentence des oiseaux, demande qu’on tire enfin le rideau pour voir le tableau. Reconnaissant son illusion, il s’avoua vaincu avec une franche modestie, étant donné que lui n’avait trompé que des animaux, alors que Parrhasios avait trompé les humains.

Zeuxis, enluminure d’un manuscrit du Roman de la Rose, 1525.

Comme le racontent aussi bien Pline l’ancien que Cicéron, Zeuxis, dont aucune œuvre nous est parvenue, fut appelé à décorer le temple d’Héra de Crotone. Le peintre propose d’y peindre l’idéal de la beauté féminine : une représentation d’Hélène de Troie, le canon de l’époque. Pour élaborer cette beauté idéale, Zeuxis aurait extrait de cinq femmes les aspects les plus sublimes qu’il réunit dans un seul personnage. La scène paraît en 1525 dans une enluminure d’un manuscrit du Roman de la Rose exécuté pour François Ier.

Au 2e siècle, Sextus Pompeius Festus rapporte qu’un jour Zeuxis avait peint Aphrodite, la déesse grecque de la procréation, du plaisir, de l’amour et de la beauté, un tableau commandé par une vieille femme qui insistait pour qu’elle soit elle-même le modèle de la jeune, belle et pulpeuse Aphrodite.

Zeuxis accepta, mais en voyant le résultat final, Aphrodite représentée comme une vieille femme ridée, éclata de rire et s’étouffa et mourut. C’est cette folle obstination des vieilles femmes de se croire éternelles dans leurs apparences physiques, thème que Goya reprendra en son temps, qui suscita un rire tellement puissant qu’il devenait dangereux !

L’histoire n’avait pas échappé à Erasme qui l’évoque dans son Eloge de la folie (publié en 1511) dans un passage à mettre en relation avec le tableau de Matsys qu’on date d’autour de 1513.

Erasme y renvoie la balle dans le camps masculin :

L’homme, le pendant du double portrait de Matsys avec la « vieille femme laide », est clairement ce type d’homme frappé de folie qui croit que sa belle est la déesse Vénus alors qu’il s’agit d’une « femme laide à faire peur ». L’homme, comme de nombreux spectateurs, ne réalise même pas que ce corps de sa chérie est couronné d’une tête d’homme ! La folie est donc double et largement partagée, y compris avec les spectateurs.

L’humaniste n’ignore pas les causes de la mort de Zeuxis qu’il évoque au passage dans l’Adage 2401 sur le « Rire sardonique » :

Rembrandt, autoportrait comme Zeuxis (1662), musée Wallraf-Richartz, Cologne.

Matsys, membre de la guilde de Saint-Luc et, selon certains, de sa division littéraire, la chambre de rhétorique De Violieren (Les giroflées), a pu trouver inspiration dans ce récit.

En peignant la « vieille femme laide », comme l’avait fait Zeuxis avant lui, Matsys visait donc à nous faire mourir de rire (de la vanité) ! Une éloge de la folie transposée en peinture !

Le sujet a connu un certain engouement.

En 1662, Rembrandt, à l’âge d’environ 56 ans, dans une œuvre seulement sept ans avant sa mort en 1669, se représente en Zeuxis qui rit à en mourir peignant une vieille femme dont on parçoit le nez et les bijoux. 162

Le thème fut repris en 1685 par le dernier élève de Rembrandt, Aert de Gelder. Si chez Rembrandt on a mis du temps pour identifier le profil de la vieille femme à gauche dans l’ombre, chez de Gelder, le sujet ne fait pas de doute.

Autoportrait comme Zeuxis, Arent de Gelder. Städler Museum, Francfort.

E. Conclusion

Le travail de Quinten Matsys et son dialogue visuel avec l’œuvre de Léonard de Vinci nous montrent clairement que les Pays-Bas bourguignons ne se sont pas fermés hermétiquement à l’influence de la Renaissance italienne.

Au contraire, ces contrées ont choisi ce qu’elles considéraient comme une valeur ajoutée à leur propre culture nationale : l’amour de Pétrarque pour Dieu, la beauté et l’Homme, la science de la perspective de Piero della Francesca, les tronies hilarantes de Léonard de Vinci.

Tous ces éléments ont suscité beaucoup d’attention et d’admiration. Il ne s’agissait pas d’un pays de paysans arriérés et sans culture, comme on l’a parfois prétendu dans certains cercles aristocratiques qui n’ont jamais rien compris au message profond de Bruegel.

Sur le plan culturel, force est de constater que, hélas, les « sept péchés capitaux » que Thomas More et Érasme conseillaient d’endiguer il y a cinq siècles sont devenus les « valeurs » axiomatiques du système « occidental » d’aujourd’hui ! Pourtant, elles sont à l’opposé même des valeurs humaines universelles que partagent une vaste majorité de l’humanité, que ce soit du point de vue philosophique, religieux, agnostique, progressiste ou conservateur.

La « liberté » a été découplée de la « nécessité », les « droits individuels » des « devoirs collectifs. » Tout va. La luxure, l’envie, l’avidité, la paresse, la gloutonnerie, la gourmandise, la colère, la violence, la cruauté, etc. sont présentées quotidiennement sous un jour positif à la télévision et sur internet, y compris pour les enfants en bas âge. Tout cela est permis et même promu, tant que cela ne remet en cause les privilèges exubérants des pouvoirs dominants.

Erasme se retournerait dans sa tombe s’il savait qu’en 2025 son nom est principalement associé à une bourse offerte par l’UE aux élèves désireux d’étudier dans d’autres Etats membres de l’UE. Comme l’a suggéré un professeur belge, ces bourses devraient inclure une période de formation obligatoire à la pensée d’Erasme et en particulier à ses concepts avancés d’empathie et de construction de la paix.163

Cependant, la « raison » seule ne suffit pas. Sans l’humour, la Renaissance, avec son extra-ordinaire explosion de découvertes et d’inventions dans les domaines de la science, de l’art et de la société, n’aurait jamais eu lieu. L’humour est un catalyseur de créativité. Comme le disent certains scientifiques chinois contemporains : « Un Ha-ha [rire] efficace aide les gens à A-Ha [découverte] ».164

L’humour lui-même est un acte créatif. Comme l’humour, la créativité suscite la surprise en brisant certains cadres. Dans les deux cas, il s’agit d’établir des liens non évidents entre des éléments incongrus. Et qu’est-ce qu’une blague, si ce n’est une combinaison d’idées différentes et/ou contrastées qui créent une ironie, un décalage, une désobéissance aux attentes conventionnelles. L’humour permet de prendre conscience de l’incongruité entre deux éléments. Et la capacité de passer d’un élément à l’autre est un processus cognitif identifié comme favorisant la créativité. En d’autres termes, l’humour modifie notre façon de penser et facilite un mode de pensée inattendu, comme l’« expérience de pensée » (gedankenexperiment) qui a poussé Einstein à s’imaginer « chevauchant un faisceau » de lumière.

En développant notre sens de l’humour, nous développons une nouvelle capacité à comprendre les problèmes sous des angles différents, et ce type de pensée conduit à une plus grande créativité. Aborder les problèmes de manière linéaire et traditionnelle permet de trouver des solutions conventionnelles, voire triviales.

Or, comme le suggère Albert Einstein : « Pour stimuler la créativité, il faut développer un penchant enfantin pour le jeu ». Et l’« instinct de jeu » de l’homme, comme le souligne Friedrich Schiller dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1795), en tant que première rencontre avec une absence de contraintes, sert un projet plus large de progrès humain, dans lequel la liberté nécessaire aux hommes pour se gouverner de manière adéquate s’exerce par le biais de l’interaction des facultés qui se manifestent au cours de l’expérience esthétique. En somme, le développement, aussi bien de l’« instinct de jeu » que de l’humour sont essentiels à la créativité et à l’art, y compris « l’art de gouverner. »

En somme, pour qu’une nouvelle renaissance devienne réalité, il faut libérer nos concitoyens de l’« Angst » (la peur). Ignorant des dangers réels comme la guerre nucléaire, ils vivent dans la crainte de menaces qu’on leur a fait imaginer.

Cessons de rire sous cape et rions de bon coeur. La plupart des études scientifiques s’accordent sur le fait que le rire est bon pour la santé et les morts subites liées à une crise de rire se font rares.

Pour ceux qui, comme nous, aspirent à la paix par le développement de chaque individu et de chaque Etat, il est temps de prendre très, très, très au sérieux la vision d’Érasme, de Rabelais, de Léonard et de Matsys sur l’art de rire « de bon coeur », vérace et émancipateur.


Jan Matsys, vers 1530, Fondation Phoebus, Anvers.

Je termine par une peinture du fils de Quinten Matsys, Jan, qui présente le rébus visuel suivant :

Solution:
1) Le « D » est abréviation de « le » ;
2) Le globe signifie « monde » ;
3) Le pied, en flamand « voet » est proche du mot « voedt », c’est-à-dire « nourrit » ;
4) La vièle (violon d’époque), en flamand s’écrit en flamand vedel, dont le sens est proche de « vele », c’est-à-dire « nombreux ».
5) En dessous… les deux sots.

La phrase se lit donc: « Le monde nourrit de nombreux sots ».

Et vous, spectateur, vous en êtes un, nous lancent les fous. Eux le savent et nous conseillent de n’en parler à personne ! Mondeken Toe ! (Fermons la bouche !)

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NOTES EXPLICATIVES ET REFERENCES :

  1. L’orthographe du nom de l’artiste diffère au fil du temps et selon les cultures linguistiques. En français, il s’appelle Quentin Metsys, en anglais Quinten Massys et en néerlandais Quinten (Kwinten) Matsijs. À Grobbendonk, il s’appelle Matsys. Le « ij » n’existant pas à la fin du XVe siècle, l’auteur a choisi pour ce texte « Quinten Matsys », identique à l’orthographe utilisée par Harald Brising en 1908 et par Matsys lui-même pour signer son tableau de 1514, Le banquier et sa femme, Louvre ; ↩︎
  2. Anvers, Twaalf eeuwen geschiedenis en cultuur , Karel Van Isacker et Raymond van Uytven, Mercatorfonds, Anvers, 1986 ; ↩︎
  3. Brugge, duizend jaar kunst , Valentin Vermeersch, Mercatorfonds, Anvers, 1981 ; ↩︎
  4. L’âge d’or d’Anvers , Léon Voet, Fonds Mercator, Anvers, 1976 ; ↩︎
  5. Complainte de la Paix, dans Erasme, guerre et Paix , citations choisies annotées par Jean-Claude Margolin, Bibliothèque sociale, Aubier Montaigne, 1973, Paris ; ↩︎
  6. Jean Anouilh, Thomas More ou l’Homme libre, Editions de la Table ronde, Paris, 1987 ; ↩︎
  7. Pieter Gillis (1486-1533), connu sous le nom latinisé de Petrus Ægidius, est un humaniste, juriste, correcteur et éditeur travailland chez Dirk Martens. Ami d’Erasme, il apparaît dans l’Utopie de Thomas More. Il recommande le peintre Holbein le jeune à Thomas More et sera secrétaire (maire) de la ville d’Anvers ; ↩︎
  8. Dirk Martens (1446-1534) d’Alost est un humanistse érudit, éditeur et imprimeur de livres en Flandres installé à Louvain et Anvers. Il a publié la première lettre de Christophe Colomb relatant son voyage et une cinquantaine d’oeuvres d’Erasme ainsi que la première édition de l’Utopie de Thomas More. Pour permettre aux étudiants de l’Université de Louvain d’accéder facilement au savoir, Martens a imprimé de nombreux classiques en format de poche. Voir, Dirk Martens, l’imprimeur d’Erasme qui diffusa le livre de poche, Karel Vereycken, Artkarel, 2019 ; ↩︎
  9. Gerard Geldenhouer (1482-1442), connu également sous le nom de Gerhardus Noviomagus est un humaniste et satiriste d’inspiration érasmienne. Tout comme Érasme, il fut formé à la célèbre école latine créée par les Frères de la Vie Commune à Deventer. À Louvain, il écrivit ses premières publications, parmi lesquelles un recueil de Satires dans la lignée de l’ Éloge de la Folie d’ Érasme. Il supervisa l’impression de plusieurs œuvres d’Érasme et de Thomas More. Ultérieurement, Geldenhouer joindra la réforme protestante, plus précisément le courant modér de Philipp Mélanchthon à Magdebourg ; ↩︎
  10. L’historien néerlandais Cornélus de Schryver (1482-1558), mieux connu comme Cornelius Grapheaus, fut un humaniste, poète, philologue et professeur de latin. Originaire de Nijmegen, il s’installe à Anvers. Jeune, il se rend en Italie. Ami d’Erasme, de Gillis et de Geldenhouer, il contribue six vers élégiaques à l’édition de l’Utopie de Thomas More publié par Dirk Martens. Il sera plusieurs fois secrétaire (maire) de la Ville d’Anvers ; ↩︎
  11. À la mort de Hans Memling en 1494, Gérard David (1460-1523) devient le peintre le plus important de Bruges. Il devient doyen de la guilde en 1501. Malgré son succès à Bruges, il s’inscrit conjointement avec Patinir comme maître à Anvers, ce qui lui permet de vendre ses œuvres également sur le marché de l’art en plein essor de cette ville. Voir Gerard David, Hans J. Van Miegroet, Fonds Mercator, Anvers, 1989 ; ↩︎
  12. Le peintre anversois Joachim Patinir (1483-1524) fut un ami très proche de Quinten Matsys. Voir Patinir ou l’harmonie du monde, Maurice Pons and André Barret, Robert Laffont, Paris, 1980. ↩︎
  13. Le peintre-graveur et géomètre nurembergeois Albrecht Dürer (1471-1528) a vécu onze mois à Anvers : du 2 août 1520 au 2 juillet 1521. Son journal de voyage nous informe sur les personnes qu’il a rencontrées à Anvers, parmi lesquelles les célèbres artistes Quinten Matsys, Bernard van Orley et Lucas van Leyden. Son retour à Nuremberg coïncide avec l’annonce des « placards » (décrets) de Charles Quint, interdisant aux catholiques de lire la Bible. Comme les revenus de Dürer provenaient en grande partie de l’illustration de la Bible, les perspectives de vivre de cette profession devenaient proches de zéro ; ↩︎
  14. En 1510, Lucas van Leyden (1489-1533), né à Leyde et influencé par Dürer, réalise deux chefs-d’œuvre de la gravure, La Laitière et Ecce Homo, ce dernier étant très admiré par Rembrandt. Lukas rencontre Dürer à Anvers en 1521 et profite à nouveau de son influence, comme en témoigne la série de la Passion de la même année. Lucas a peut-être amélioré ses compétences en gravure avec l’aide de Dürer, car il a réalisé quelques eaux-fortes après leur rencontre ; ↩︎
  15. Holbein le Jeune (1497-1543) est un peintre bâlois. Adolescent, on lui demande, et il réussit avec grand succès, d’annoter de dessins une copie de l’Éloge de la folie d’ Érasme. Ils se rencontrent en personne, lorsque Érasme part en exil à Bâle. Holbein réalise plusieurs portraits à l’huile de l’humaniste et vint à Anvers pour rencontrer Pieter Gillis et ensuite rejoindre Thomas More en Angleterre ; ↩︎
  16. On reproche au style des maniéristes anversois de manquer de caractère et d’expression individuelle. On le dit « maniéré », et, pire, caractérisé par une élégance artificielle. Voir Les Primitifs flamands et leur temps, pp. 621-622-623-624, Editions Renaissance du Livre, 1994. ↩︎
  17. L’art flamand et hollandais, Le siècle des primitifs (1380-1520), Christian Heck, Citadelles & Mazenod, Paris ; ↩︎
  18. Le groupe de recherche Gent Interdisciplinary Centre for Art and Science (GICAS) est une collaboration entre des membres des Facultés des Lettres et de Philosophie (Histoire de l’art, Archéologie, Histoire), des Sciences (Chimie analytique) et d’Architecture et d’Ingénierie (Traitement d’images). La recherche se concentre sur les aspects matériels des œuvres d’art, avec un accent particulier sur la peinture des Pays-Bas (XVe-XVIIe siècles). Le Centre applique à la fois l’imagerie comme technique de traitement d’images, ainsi que l’analyse matérielle en relation avec les questions d’histoire de l’art et les applications en conservation et restauration ; ↩︎
  19. Les peintures de Quinten Massys avec catalogue raisonné , Larry Silver, Allanheld & Schram, 1984. ↩︎
  20. Quentin Metsys , Andrée de Bosque, Arcade Press, Bruxelles, 1975 ; ↩︎
  21. Quinten Matsys ; essai sur l’origine de l’italianisme dans l’art des Pays-Bas , Brising, Harald, 1908, Leopold Classic Library, réimpression 2015 ; ↩︎
  22. Martin Luther King, dans un sermon, nous rappelle que dans la Grèce antique, on distinguait trois formes différentes d’amour : éros, pour l’amour charnelle, philia pour l’amitié (fraternelle et filiale) et agapè, traduit en latin par caritas pour un amour désintéresé pour autrui. L’agapè choisit de considérer l’autre comme il est dit dans 1 Corinthiens 13 : toujours prêt à penser le meilleur de l’autre, prêt à pardonner, prêt à chercher le meilleur pour l’autre ;
    ↩︎
  23. Erasme et la peinture flamande de son temps, Georges Marlier, Editions van Maerlant, Damme, 1954 ; ↩︎
  24. Georges Marlier, Ibid. p. 163 ; ↩︎
  25. Comment la folie d’Érasme a sauvé notre civilisation, Karel Vereycken, page web, archives de l’Institut Schiller, Washington, 2005 ; ↩︎
  26. Le combat d’Albrecht Dürer contre la mélancolie néo-platonicienne, Karel Vereycken, page Solidarité & Progrès, 2007 ; ↩︎
  27. De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd , Herman Pleij, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam, 2007 ; ↩︎
  28. Le bas Moyen Âge et le temps de la Rhétorique, Hanna Stouten, Jaap Goedegebuure et Frits Van Oostrom, dans Histoire de la littérature néerlandaise, Fayard, 1999 ; ↩︎
  29. De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Dr Eric de Bruyn, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001; Bosch, son écriture picturale déchiffrée, Dirk Bax, AABalkema, Rotterdam, 1978 ; ↩︎
  30. L’écrivain et humaniste chrétien français François Rabelais (1483-1553), dans sa lettre à Salignac (en réalité Érasme), l’appelle son « père » et même sa « mère » et se compare affectueusement à une sorte de bébé qui aurait grandi dans son ventre, Rabelais, Oeuvres complètes , p. 947, Editions du Seuil, 1973 ; ↩︎
  31. Le génie littéraire espagnol Miguel de Cervantès (1546-1616) a été formé par son maître d’école Juan Lopez de Hoyos (1511-1583), un fervent disciple d’Érasme de Rotterdam, dont il a insufflé l’esprit à son disciple le plus aimé ; ↩︎
  32. Il a été démontré de manière convaincante que le dramaturge et poète anglais William Shakespeare (1564-1616) a écrit, ou du moins a largement contribué à la pièce de théâtre de 1595 Sir Thomas More, le « frère jumeau » d’Érasme dans l’esprit et l’action ; ↩︎
  33. Érasme des Pays-Bas, James D. Tracy, p. 104. Érasme commença à parler de « la philosophie du Christ » dans ses œuvres vers 1515. Déjà dans Julius Exclusus (Le pape Jules II exclu du ciel, 1514) il introduit l’idée lorsque saint Pierre oppose la simplicité divine de l’enseignement du Christ à l’arrogance mondaine du pape « guerrier » Jules II. « Ce genre de philosophie » s’exprimait « plus dans les émotions [affectibus] que dans les syllogismes », il s’agissait « d’inspiration plus que d’apprentissage, de transformation plus que de raisonnement » ; ↩︎
  34. Sur l’humanisme de Platon : Bierre, Christine, Platon contre Aristote, la République contre l’oligarchie . Page Web de Solidarité & Progrès, 2004 ; ↩︎
  35. Entre 339 et 397 après J.-C., le père de l’Église Jérôme de Stridon a étudié et écrit, en utilisant de nombreux ouvrages d’histoire et de philosophie de sa propre bibliothèque. Jérôme a continué à utiliser son érudition classique au service du christianisme et la discipline intellectuelle impliquée a été valorisée tant qu’elle pouvait servir l’objectif chrétien – et sans mettre en danger la nouvelle Société chrétienne ; ↩︎
  36. L’épistémologie de saint Augustin d’Hippone était clairement platonicienne. Pour lui, malgré le fait que Dieu soit extérieur aux humains, les esprits humains ont conscience de lui en raison de son action directe sur eux (exprimée en termes de rayonnement de sa lumière sur l’esprit, ou parfois d’enseignement) et non en raison d’un raisonnement ou d’un apprentissage à partir d’une simple expérience sensorielle empirique ; ↩︎
  37. Parmi les plus grands succès de Pieter Brueghel l’Ancien figurent Les Sept péchés capitaux et Les Vertus, deux séries de dessins, gravées et imprimées par ses amis et collaborateurs travaillant à l’imprimerie In de Vier Winden de Jérôme Cock à Anvers, dans un langage visuel adopté de son inspirateur, le peintre Jérôme Bosch ; ↩︎
  38. La vie et l’art d’Albrecht Dürer, Erwin Panofsky, Princeton University Press, 1971 ; ↩︎
  39. Vanitas (du latin « vanité », signifiant dans ce contexte inutilité ou futilité) est un genre de memento mori ou trope symbolique rappelant l’inévitabilité de la mort, symbolisant la fugacité de la vie, la futilité du plaisir et donc la vanité d’une existence définie par la quête permanente du plaisir terrestre ; ↩︎
  40. Sur le combat de Pétrarque et de Boccace pour l’introduction du grec classique en Europe : La révolution du grec ancien, Platon et la Renaissance, Karel Vereycken, Artkarel, 2021. ↩︎
  41. On ne peut sous-estimer l’immense popularité, et donc l’importance historique, de ces cycles, notamment en France. Aux Pays-Bas, les imaginaires de Pieter Brueghel l’Ancien pour son tableau Le Triomphe de la Mort, souvent mal compris, sont presque directement tirés du cycle poétique de Pétrarque. Des traductions en anglais existent comme The Triumphs of Petrarch, ‎Francis Petrarch (Francesco Petrarca), Legare Street Press, 2022 ; ↩︎
  42. Avec Jérôme Bosch sur les traces du Sublime, Karel Vereycken, Page web des archives, Schiller Institute, Washington ; ↩︎
  43. Bosch, le jardin des délices, Reindert Falkenburg, Hazan, Paris, 2015 ; ↩︎
  44. Dans son œuvre principale, Il Cortegiano (Le Courtisan), Livre XXXIX, Baldassar Castiglione (1478-1519) se moque de Léonard de Vinci, regrettant « qu’un des premiers peintres du monde méprise l’art dans lequel il est unique et ait commencé à apprendre la philosophie, dans laquelle il a forgé des conceptions et des chimères si étranges qu’il n’a jamais pu les peindre dans son œuvre » . ↩︎
  45. Cahiers de Léonard de Vinci , Richter, 1888, XIX Maximes philosophiques. Morale. Polémiques et spéculations , N° 1178, Éditions Dover, Vol. II., 1970 ; ↩︎
  46. Het geheim om creatief te zijn: lachen, Angeles Nieto, Angeles Earth ; ↩︎
  47. De Docta Ignorantia (De la Docte Ignorance), Nicolas de Cues, 1440. Le cusain était un disciple de Socrate qui, selon Platon, disait « Je sais que je ne sais rien » (Platon, Apologie, 22d) ; ↩︎
  48. Avec son De Servo Arbitrio (La volonté asservie), Martin Luther répond largement en 1525 à la diatribe sive collation (Du libre arbitre) d’Érasme publiée un an plus tôt, en 1524 ; ↩︎
  49. Le 31 octobre 1517, Luther écrit à son évêque, Albert de Brandebourg, pour protester contre la vente des indulgences. Il joint à sa lettre une copie de sa Dispute sur la force et l’efficacité des indulgences, connue sous le nom des 95 Thèses. Érasme, entre autres, avait déjà largement dénoncé cette escroquerie, notamment dans son Éloge de la folie de 1509. ↩︎
  50. Massys et l’argent : les collecteurs d’impôts redécouverts, Larry Silver, JHNA, Volume 7, numéro 2 (été 2015), Silver écrit : « Pourtant, l’influence du tableau de Massys dans l’histoire de la peinture de genre – le sujet a été repris presque immédiatement par le fils du peintre Jan Massys, par Marinus van Reymerswaele et par Jan van Hemessen – est reconnue depuis un certain temps. » ↩︎
  51. Marlier, Ibid. ; ↩︎
  52. Écrite en quelques jours dans la résidence de Thomas More à Bucklersbury près de Londres, l’œuvre exprime le choc profond qu’éprouve Érasme en découvrant l’état pitoyable dans lequel il a trouvé « son » Église et « son » Italie, lorsqu’il est venu à Rome en 1506. Pour Érasme, à l’opposé des scolastiques, l’émotion ne doit pas être ignorée ou supprimée, mais élevée et éduquée, un thème développé plus tard par Friedrich Schiller dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1795). La Stultitia (le nom latin de la Folie) est la personnification de la Folie qui oscille en permanence entre folie apparente=sagesse réelle et sagesse apparente=folie réelle, s’exprime et revendique fermement sa paternité et sa paternité de tout. De la folie « douce » des faibles, des femmes et des enfants, des hommes qui par le péché ont abandonné la raison, Érasme passe à mobiliser toute son ironie et son esprit pour fustiger la folie criminelle « dure » des puissants, des « sophistes de la folie », des marchands, des banquiers, des princes, des rois, des papes, des théologiens et des moines ; ↩︎
  53. La Nef des Fous , Sébastien Brant, Editions Seghers et Nuée Bleue, réimpression, 1979, Strasbourg ; ↩︎
  54. Sebastian Brant, Forschungsbeiträge zu seinem Leben, zum Narrenschiff und zum übrigen Werk , Thomas Wilhelmi, Schwabe Verlag, p. 34, 2002, Bâle ; ↩︎
  55. Dürer a réalisé cette gravure pour illustrer un recueil populaire intitulé Le Livre du chevalier de la tour, un manuel de bonne conduite pour les jeunes filles. Selon l’histoire, la femme du cuisinier aurait mangé une anguille destinée à un invité spécial, mais plutôt que de l’avouer à son mari, elle aurait menti. Une pie aurait révélé le secret de la femme à son mari, et aurait été punie en se faisant arracher les plumes par l’épouse vengeresse. Le cuisinier, représenté avec tous les attributs de son métier : couteau, poêle et cuillère, écoute l’oiseau avec une expression de surprise grandissante sur le visage, tandis que sa femme tourne son regard sur le côté dans une anticipation qui frise la résolution ; ↩︎
  56. Le fait que l’écrivain et marchand italien Lodovico Guicciardini (1521-1589) ait vécu la majeure partie de sa vie à Anvers, même si c’est après 1542, fait de lui une source précieuse d’informations. ↩︎
  57. Pour Bruegel, son monde est vaste, entretien de l’auteur avec Michael Gibson, spécialiste de Bruegel et critique d’art à l’International Herald Tribune, Fidelio , Vol. 8, N° 4, Hiver 1998. ↩︎
  58. Brant, Ibid., p. 23 ; ↩︎
  59. Brant, Ibid., p. 27 ; ↩︎
  60. L’étude dendrochronologique de Peter Klein a permis de dater le bois de 1491, et il est tentant de voir le tableau comme une réponse au Nef des fous de Brant ou même aux illustrations de la première édition de 1493. Une autre source possible de l’allégorie du navire est le Pèlerinage de l’âme, oeuvre du cistercien Guillaume de Digulleville du XIVe siècle, imprimé en néerlandais en 1486 ; ↩︎
  61. Dendrochronological Analysis of Works by Hieronymus Bosch and His Followers, Peter Klein, Museum Boijmans Van Beuningen-NAi Publishers-Ludion, Rotterdam, 2001 ; ↩︎
  62. Voir Moderne Devotie et Broeders en van het Gemene Leven, bakermat van het Humanisme , présentation de Karel Vereycken, 2011, Artkarel.com ; ↩︎
  63. Ce thème, celui d’un détachement constant de l’univers des choses créées, puissamment développé par Joachim Patinir, Herri met de Bles et d’autres, est le thème central du Pèlerinage de l’Homme (L’Âme), Guillaume De Deguileville, XIVe siècle ; ↩︎
  64. De Moderne Devotie, Spiritualiteit en cultuur vanaf de late Middeleeuwen, ouvrage collectif, WBooks, Zwolle, 2018 ; ↩︎
  65. C’est la vision de Denis le Chartreux (1401-1471), qui a écrit un traité d’esthétique théologique sous le titre De Venustate Mundi et Pulchritudine Dei (De l’attrait du monde et de la beauté de Dieu). ↩︎
  66. Il faut ici saluer le travail pionnier du Pr. Eric de Bruyn dans son remarquable livre De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Heinen, ‘s-Hertogenbosch, 2001, où il a démontré de manière concluante que le sujet du verso du tableau de Bosch « Le chariot à foin » n’était pas le « Retour du fils prodigue », comme on l’a pensé pendant des années, mais bien « Le colporteur » ; ↩︎
  67. Les Flamands de France, Louis de Baecker, Messager des sciences historiques et archives des arts de Belgique, p. 181, Gand, Vanderhaeghen, 1850 ; ↩︎
  68. Le Landjuweel d’Anvers de 1561 — Faire de l’art une arme pour la paix, Karel Vereycken, Artkarel.com, 2025 ; ↩︎
  69. Description d’époque, cité dans De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, p. 23. Dr. Eric de Bruyn, Adriaan Heinen Uitgevers, s’Hertogenbosch, 2001 ; ↩︎
  70. De Bruyn, Ibid. p. 23 ; ↩︎
  71. Pour un récit détaillé de la jeunesse de Matsys, voir Quinten Metsys, Andrée de Bosque, p. 33, Arcade Press, Bruxelles, 1975 ; ↩︎
  72. La légende commence avec Dominicus Lampsonius (1536-1599) qui inclut, dans ses Effigies de quelques peintres célèbres de Basse-Allemagne, publiées en 1572 par la veuve de Hieronymus Cock à Anvers, un portrait gravé de Matsys réalisé par Wierix, accompagné d’un poème sur la façon dont la petite amie de Matsys préférait le pinceau silencieux au bruit lourd des coups de marteau d’un forgeron. L’histoire est reprise en 1604 par Karel van Mander dans son Schilder-Boeck et plus tard par Alexander van Fornenberg (1621-1663) dans sa présentation enthousiaste de Matsys, Den Antwerpschen Protheus, souvent Cyclopshen Apelles ; c’est-à-dire ; Het Leven, ende Konst-rijcke Daden, des Uyt-nemenden, ende Hoogh-beroemden, M. Quinten Matsys : Van Grof-Smidt, in Fyn-Schilder verandert, Anvers, publié par Hendrick van Soest, 1658 ; ↩︎
  73. Le Livre des peintres , Karel Van Mander, 1604 ; ↩︎
  74. Quinten Metsys, Edward van Even, dans Het Belfort, Jaargang 12, 1897, Digitale Bibliotheek voor de Nederlands letteren ; ↩︎
  75. Dessins d’architecture des Pays-Bas : XVe-XVIe siècles , Oliver Kik, CODART eZine, no. 8, automne 2016 ; ↩︎
  76. Cornelis Matsys 1510/11-1556/57 : Grafisch werk, Jan Van der Stock, Tentoonstellingscatalogus ; ↩︎
  77. Les Pays-bas bourguignons , Walter Prevenier et Wim Blockmans, Fonds Mercator et Albin Michel, 1983 ; ↩︎
  78. Pour un compte rendu détaillé, voir The Age of the Fuggers, Franz Herre, Presse-Druck- und Verlag-GmbH Augsburg, 1985 ; ↩︎
  79. En 1548, Francisco de Hollanda (1517-1585) a enregistré dans son De Pinture Antigua (1548) une conversation entre Vittoria Colonna et le célèbre peintre Michel-Ange au cours de laquelle ils discutaient de l’art du Nord. Michel-Ange exprimait ainsi son point de vue sur la peinture flamande : « En général, Madame, la peinture flamande plaira mieux au dévot que n’importe quelle peinture d’Italie, qui ne lui fera jamais verser une larme, tandis que celle de Flandre lui en fera verser beaucoup ; et cela non pas à cause de la vigueur et de la bonté de la peinture, mais à cause de la bonté de la personne dévote. En Flandre, on peint en vue de la précision extérieure ou de choses qui peuvent vous réjouir et dont on ne peut pas dire du mal, comme par exemple les saints et les prophètes. On peint des objets et des maçonneries, l’herbe verte des champs, les ombres des arbres, des rivières et des ponts, qu’on appelle des paysages, avec beaucoup de figures d’un côté et beaucoup de figures de l’autre. » Et tout cela, bien que cela plaise à certains, se fait sans choix habile d’audace et, finalement, sans substance ni vigueur. » ; ↩︎
  80. Sur cet artiste : voir Thierry Bouts, Catheline Périer D’Ieteren, Fonds Mercator, Bruxelles, 2005 ; ↩︎
  81. Sur cet artiste : voir Hugo van der Goes, Elisabeth Dhanens, Mercatorfonds, Anvers, 1998. Aussi Hugo van der Goes et la Devotio Moderna, Karel Vereycken, Artkarel.com ; ↩︎
  82. Voir Schilderkunst in de Bourgondische Nederlanden, Berhard Ridderbos, Davidsfonds, Louvain, 2014 ; ↩︎
  83. Les trois degrés de la vision selon Ruysbroeck l’Admirable et les Bergers du triptyque Portinari de Hugo van der Goes , Delphine Rabier dans Études en Spiritualité , N° 27, pp. 163-179, 2017. Dans son deuxième ouvrage bruxellois, Die geestelike brulocht (Le Mariage Spirituel — vers 1335/40), Ruusbroec explique que la vie spirituelle passe par trois étapes au cours desquelles l’amour de Dieu s’approfondit à chaque fois : la vie de travail, la vie intérieure et la vie de réflexion sur Dieu. Ruusbroec souligne que le mystique qui a atteint le stade le plus élevé n’abandonne jamais les deux précédents, mais les pratique à partir de l’union avec Dieu. C’est ce que Ruusbroec appelle la vie « commune » ;
    ↩︎
  84. Sur cet artiste : voir Rogier van der Weyden, Dirk De Vos, Mercatorfonds, Anvers, 1999. ↩︎
  85. Sur les compositions musicales de Jacob Obrecht (1457-1505), voir Musique flamande, Robert Wangermée, Arcade, Bruxelles, 1968 ; ↩︎
  86. Le musicien de Metsys : une œuvre de jeunesse récemment reconnue, Larry Silver, Journal of Historians of Netherlandish Art (JHNA), volume 10, numéro 2, été 2018 ; ↩︎
  87. De la Renaissance à Ferrare : Une Renaissance Singulière – La Cour Des Este À Ferrare – Bentini Jadranka, Quo Vadis, 2003 ; ↩︎
  88. L’école latine des Frères de la Vie Commune de Deventer fut dirigée à l’époque d’Érasme par Alexandre Hégius (1433-1498), élève du célèbre Rodolphe Agricola (Huisman) (1442-1485), disciple de Cues et fervent défenseur de la Renaissance italienne et de la littérature classique. Érasme le qualifia d’« intellect divin ». À 24 ans, Agricola fit un tour d’Italie pour donner des concerts d’orgue et rencontra Ercole d’Este I (1431-1505), souverain de la cour de Ferrare. À l’université de Pavie, il découvrit également les horreurs de la scolastique aristotélicienne. Lorsqu’il enseignait à Deventer, Agricola commençait son cours en disant : « Ne vous fiez à rien de ce que vous avez appris jusqu’à ce jour. Rejetez tout ! Partez du point de vue qu’il faut tout désapprendre, sauf ce que vous pouvez redécouvrir en vous basant sur votre propre autorité ou sur des décrets d’auteurs supérieurs. » ↩︎
  89. L’hypothèse d’un voyage de Quentin Matsys en Italie a notamment été suggérée par l’auteur italien Limentani Virdis, qui attribue même au peintre la paternité d’une fresque de l’oratoire milanais de l’abbaye Santa Maria di Rovegnano ; ↩︎
  90. L’Art flamand, p. 261, Dirk de Vos, Fonds Mercator, 1985 ; ↩︎
  91. Le Beau Martin, Gravures et dessins, Musée d’Unterlinden, Colmar, 1991 ; ↩︎
  92. Renaissance in the North, Holbein, Burgkmair, and the Age of the Fuggers, Guido Messling, Jochen Sanders (eds), Hirmer, 2023 ; ↩︎
  93. Discours sur le libre arbitre, Érasme, Bloomsbury Revelations, 2013 ; ↩︎
  94. Van Eyck, peintre flamand utilisant l’optique arabe, Karel Vereycken, conférence sur le thème « La perspective dans la peinture religieuse flamande du XVe siècle » à l’Université Paris Sorbonne du 26 au 28 avril 2006 ; ↩︎
  95. Van Eyck, une révolution optique, Maximiliaan Martens, Till-Holger Borchert, Jan Dumolyn, Johan De Smet et Frederica Van Dam, Hannibal, MSK Gent, 2020 ; ↩︎
  96. Le rôle d’Avicenne et de Ghiberti dans l’invention de la perspective à la Renaissance , Karel Vereycken, Artkarel, 2022 ; ↩︎
  97. Ibn al-Haytham sur la vision binoculaire : un précurseur de l’optique physiologique, Sciences et philosophie arabes, pp. 79-99, Raynaud, Dominique, Cambridge University Press, 2003 ; ↩︎
  98. Léon Battista Alberti (1404-1472) publie en 1435 son De Pictura . Bien que l’ouvrage développe d’importants concepts géométriques utilisés dans la représentation en perspective, il manque de toute forme d’illustration ou d’image et ne s’intéresse pas à la formation des images dans l’esprit des spectateurs. Léonard a pris le temps de démontrer les limites du système albertien et a présenté quelques alternatives ; ↩︎
  99. Fondements de la Renaissance, architecture et traités dans le retable de Sainte-Anne de Quentin Matsys (1509), Jochen Ketels et Maximiliaan Martens, European Architectural Historians Network, EAHN : Enquête et écriture de l’histoire de l’architecture : sujets, méthodologies et frontières. p.1072-1083 ; ↩︎
  100. Ketels, Martens, Ibid. ; ↩︎
  101. Ketels, Martens, Ibid. ; ↩︎
  102. Ketels, Martens, Ibid. ; ↩︎
  103. De prospectiva pingendi ( De la perspective de la peinture ), écrit par Piero della Francesca (1415-1492) est le premier traité de la Renaissance en italien consacré au sujet de la perspective. Voir L’Œuf sans ombre de Piero della Francesca , Karel Vereycken, Fidelio , Vol. 9, N° 1, printemps 2000, Schiller Institute, Washington ; ↩︎
  104. Ketels, Martens, Ibid, ; ↩︎
  105. Joachim Patinir, Het landschap als beeld van de levenspelgrimage, Reindert L. Falkenburg, Nimègue, 1985 ; ↩︎
  106. Plus d’informations à ce sujet dans Albrecht Dürer, Anja-Franziska Eichler, Könemann, 1999, Cologne, p. 112 ; ↩︎
  107. A ce sujet, voir Le rêve d’Erasme, le Collège des Trois langues de Louvain (1517-1797), Pr. Jan Papy, Editions Peeters, Louvain, 2018. ↩︎
  108. Jacopo de’ Barbari et l’art du Nord du début du XVIe siècle, Jay A. Levenson, Université de New York, 1978 ; ↩︎
  109. Quatre livres sur les proportions humaines, Albrecht Dürer, 1528. Il convient de noter, pour notre sujet ici, que l’artiste, dans le troisième livre, donne des principes par lesquels les proportions des figures peuvent être modifiées, y compris la simulation mathématique de miroirs convexes et concaves ; ↩︎
  110. Citation de Gravures italiennes de la National Gallery of Art, Jay A. Levenson, Konrad Oberhuber, Jacquelyn L. Sheehan, National Gallery of Art, 1971 ; ↩︎
  111. Les premières gravures italiennes, Quattrocento-début du cinquecento. Venise, Vicence, Padoue : Jacopo de Barbari, Girolamo Mocetto, p. 312-348, Inventaire de la collection du département des Estampes et de la Photographie, Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2015 ; ↩︎
  112. Albert Dürer et ses rencontres avec les artistes des Pays-Bas, Matthias Mende, Stadtgeschiedliches Museum-Nuremberg, dans Albert Dürer aux Pays-Bas, son voyage (1520-1521), son influence, Palais des Beaux Arts, Bruxelles, 1977, p. 149 ; ↩︎
  113. Albrecht Dürer, Journal de son voyage aux Pays-Bas, 1520-1521. Accompagné du carnet de croquis à la pointe d’argent et des peintures et dessins réalisés pendant son voyage, New York Graphic Society, Greenwich, 1996 ; ↩︎
  114. Ibid, Note N° 14 ; ↩︎
  115. Sur ceux qui sont aux gages des grands, Lucien de Samosate, traduit par Eugène Talbot, Hachette, Paris, 1866 ; ↩︎
  116. Lucien de Samosate, Ibid. ; ↩︎
  117. Lucien de Samosate, Ibid. ; ↩︎
  118. Erasme parmi nous, p. 72-73, Léon E. Halkin, Fayard, Paris, 1987 ; ↩︎
  119. Joseph d’Arimathie est un personnage biblique qui a assumé la responsabilité de l’enterrement de Jésus après sa crucifixion ; ↩︎
  120. Hérode le Grand (vers 72 – vers 4 av. J.-C.) était un « roi client » (satrape) juif romain du royaume de Judée. Il est connu pour ses projets de construction colossaux, notamment la reconstruction du Second Temple de Jérusalem ; ↩︎
  121. Sur le rôle de Jules II dans la reconstruction de Rome, voir Ce que l’humanité peut apprendre de l’école d’Athènes de Raphaël, Karel Vereycken, Artkarel.com, 2022 ; ↩︎
  122. Ibid, note N° 88 sur la Dévotion moderne ; ↩︎
  123. Marlier, Ibid., p. 252 ; ↩︎
  124. Sur le rôle des Fugger et des Welser dans l’esclavage financier et physique au XVIe siècle, voir Jacob le Riche, père du fascisme financier, Karel Vereycken, Artkarel, 2024 ; ↩︎
  125. Ehrenberg, Richard, Capital et finance à l’âge de la Renaissance : A Study of the Fuggers, and Their Connections, 1923 ↩︎
  126. Georges Marlier, Ibid., p. 252 ; ↩︎
  127. Georges Marlier, Ibid, p. 270 ; ↩︎
  128. Pour une analyse détaillée : Le prêteur et sa femme de Quinten Metsys , Emmanuelle Revel, Collection Arrêt sur œuvre, Service culturel, Action éducative, Louvre, Paris, 1995 ; ↩︎
  129. Les primitifs flamands, Erwin Panofsky, Harvard University Press, 1971, traduit de l’anglais par Dominique Le Bourg, Hazan, collection « 35/37 », Paris, 1992, pp. 280-282 ; ↩︎
  130. Le siècle de Bruegel. La Peinture en Belgique qu XVIe siècle , catalogue d’exposition 27 septembre – 24 novembre 1963, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, notice dirigée par Georges Marlier ; ↩︎
  131. Pour une analyse approfondie, voir les points de vue opposés : d’un côté, la nature diabolique des miroirs, dans Histoire du miroir , Sabine Melchior-Bonnet, Imago, Paris, 1994, et sur leur rôle de médiateur du divin, De Visione Dei , de Nicolas de Cues, 1453 ; ↩︎
  132. L’hypothèse d’Oxford , Dominique Raynaud, Presses Universitaires de France, Paris, 1988 ; ↩︎
  133. Jan van Eyck, peintre flamand utilisant l’optique arabe , conférence de Karel Vereycken en 2006 à l’Université de la Sorbonne, Artkarel, France ; ↩︎
  134. Pour une analyse complète : Petrus Christus , Maryan W. Ainsworth et Maximiliaan PJ Martens, p. 96 ; ↩︎
  135. Iconographie de l’art chrétien, Louis Réau, Presses Universitaires de France, 1958, tome III, Iconographie des saints ; ↩︎
  136. Ketels, Martens, Ibid. ; ↩︎
  137. Philippe d’Aarschot, dans Gids voor de Kunst in België, p. 105, Spectrum, 1965 ; ↩︎
  138. Les Lais de Corinthe de Holbein, 1526, témoignent de l’influence de Léonard de Vinci. Pierre Vays, professeur honoraire d’histoire de l’art à la Faculté de Genève, souligne également la « touche léonardesque de certaines de ses compositions », dans Holbein le Jeune , sur https://www.clio.fr . ↩︎
  139. Léonard de Vinci a probablement peint une partie de la réplique belge de « La Cène », Maïthé Chini , The Brussels Times, 2 mai 2019 ; ↩︎
  140. Dans Les grotesques et mouvements de l’âme, Léonard de Vinci conçu par Wenceslaus Hollar à la Fondation Pedretti, Federico Giannini, Finstre Sull’Arte, 26 mars 2019 ; ↩︎
  141. Les dix livres de l’architecture, Vitruve ; ↩︎
  142. Figures du fou, Du Moyen Âge aux Romantiques, Elisabeth Antoine-König, Pierre-Yves Le Pogam, Musée du Louvre, Gallimard, 2024 ; ↩︎
  143. Erasme, Eloge de la folie, Chap. XXXI ; ↩︎
  144. Erasme, Colloques, traduit par Etienne Wolff, Editions Imprimerie nationale, 1992 ; ↩︎
  145. Erasme, Colloques, Vol. II, traduit par Etienne Wolff, Editions Imprimerie nationale, 1992 ; ↩︎
  146. Peinture néerlandaise ancienne, tome 7, Quentin Massys , Max J. Friedländer, Editions de la Connaissance, Bruxelles, 1971 ; ↩︎
  147. Cranach der Ältere und die Niederlande , Till-Holger Borchert, dans Die Welt von Lucas Cranach , éditions G. Messling, 2010. ↩︎
  148. Les couples mal assortis – Lucas Cranach, Perceval, eve-adam.over-blog.com , 2016 ; ↩︎
  149. La duchesse laide de Quinten Massys, Une analyse , Katie Shaffer, Academia.edu, 2015 ; ↩︎
  150. Citation dans La représentation des femmes dans l’art de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance , Christa Grössinger, Manchester University Press, 1997. p. 136 ; ↩︎
  151. Passage cité par Emma Capron, dans Quinten Massys and the Art of Satire, p. 20-21; ↩︎
  152. Léonard de Vinci, Daniel Arasse , p. 36, Hazan, Paris, 1997 ; ↩︎
  153. L’Encyclopédie Larousse note que « L’influence de Léonard apparaît dans une Vierge à l’Enfant (musée de Poznań), inspirée de la Vierge et sainte Anne, et se lit également dans la facture de la Vierge Rattier (1529, Louvre) ou de la Madeleine (musée d’Anvers). Elle a peut-être inspiré la tendance caricaturale du Vieillard (1514, Paris, musée Jacquemart-André), de la Femme laide (copie à Londres, N. G.) et peut-être même manifestée des scènes de genre comme le Vieux galant (Washington, N. G.) ou l’Usurier (Rome, Gal. Doria-Pamphili). » ; ↩︎
  154. Résolu : le mystère de la vilaine duchesse – et le lien avec Da Vinci, Mark Brown, The Guardian , 11 octobre 2008 ; ↩︎
  155. Mark Brown, Ibid. ; ↩︎
  156. Mark Brown, Ibid. ; ↩︎
  157. Emma Capron, Ibid.; ↩︎
  158. Groteske koppen van Quinten Metsijs, Hieronymus Cock en Hans Liefrinck naar Leonardo da Vinci, Jan Muylle, De Zeventiende Eeuw, 10e Année, 1994 ; ↩︎
  159. La Renaissance et le rire, Daniel Ménager, Presse universitaire de France, 1995 ; ↩︎
  160. Eloge de la folie, Erasme, p. 84 ; ↩︎
  161. Adage 2401 sur le rire sardonique, Erasme ; ↩︎
  162. Rembrandt database, IV 25, Self-portrait as Zeuxis laughing, p. 551, Ernst van de Wetering, Rembrandt Research Project ; ↩︎
  163. Erasme, La complainte de la paix, Ibid. ; ↩︎
  164. Creativity and Humor, Chapter 4 – Why Humor Enhances Creativity From Theoretical Explanations to an Empirical Humor Training Program: Effective “Ha-Ha” Helps People to “A-Ha”, Ching-Hui Chen, Hsueh-Chih Chen, Anne M. Roberts, pages 83-108, Explorations in Creativity Research, 2019 ; ↩︎
  165. De Eeuw van de Zotheid, over de nar als maatschappelijke houvast in de vroegmoderne tijd, Herman Pleij, p. 11, Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam. ↩︎

Traductions:

En russe (version sans les mises à jour):

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Joachim Patinir and the invention of landscape painting

Joachim Patinir, Landscape with Saint Jerome, National Gallery, London.
Joachim Patinir (1485-1524), drawing by Albrecht Dürer, who attended Patinir’s wedding in Antwerp in 1520.

It is generally believed that the « modern » concept of landscape in Flemish painting only emerged with the work of Joachim Patinir (1485-1524), a Dinant-born painter working in Antwerp in the early 16th century.

For Viennese art historian Ludwig von Baldass (1887-1963), writing at the beginning of the 20th century, Patinir‘s work, presented as clearly ahead of its time, would herald landscape as überschauweltlandschaft, translatable as « panoramic landscape of the world », a truly cosmic and totalizing representation of the visible universe.

What characterizes Patinir‘s work, say the proponents of this analysis, is the sheer scale of the landscapes it presents for the viewer to contemplate.

This breadth has a dual character: the space depicted is immense (due to a panoramic viewpoint situated high up, almost « celestial »), while at the same time it encompasses, without concern for geographical verisimilitude, the greatest possible number of different phenomena and representative specimens, typical of what the earth can offer as curiosities, sometimes even imaginary, dreamlike, unreal, fantastic motifs: fields, woods, anthropomorphic mountains, villages and cities, deserts and forests, rainbows and storms, swamps and rivers, rivers and volcanoes.

Bayart Rock on the Meuse, near Dinant, Belgium.

For example, the « Bayart Rock », which borders the Meuse not far from Patinir‘s native town of Dinant.

In addition to this panoramic perspective, Patinir uses aerial perspective – theorized at the time by Leonardo da Vinci – by dividing the space into three color planes: brown-ochre for the first plane, green for the middle plane and blue for the distant plane.

However, the painter preserves the visibility of the totality of details with a meticulousness, minutiae and preciousness worthy of the Flemish masters of the XVth century, who, by tending towards a quantitative infinity (consisting in showing everything), sought to approach a qualitative infinity (allowing us to see everything).

For their part, the authors of the weltlandschaft thesis, after showering with praise, do not hesitate to strongly relativize his contribution, saying:

And it’s here that the trap of this approach, which consists in making us believe that the advent of landscape as an autonomous genre, its so-called « secularization », is simply the result of emancipation from a medieval and religious mental matrix, considered necessarily retrograde, for which landscape was reduced to a pure emanation or incarnation of divine power, is clearly identified.

Patinir, the first, would thus have demonstrated a purely « modern » aesthetic conception, and these « realistic » landscapes would mark the transition from a religious – and therefore obscurantist – cultural paradigm to a modern one, i.e. one devoid of meaning… which he would later be criticized for.

This is how the romantic and fantastic minds of the XVIIth and XVIIIth centuries viewed the artists of the XVth and XVIth centuries.

Von Baldass was undoubtedly influenced by the writings of Goethe, who, no doubt in a moment of enthusiasm for Greek paganism, analyzed the increasingly diminished role of religious figures in XVIth-century Flemish paintings and deduced that it was no longer the religious subject that was the subject, but the landscape.

Just as Rubens would have used the pretext of painting Adam and Eve expelled from Paradise to be able to paint nudes, Patinir would simply have seized the pretext of a biblical passage to be able to indulge his true passion, landscape…

A little detour via Hieronymus Bosch

A fresh look at Patinir’s work clearly demonstrates the error of this analysis.

To arrive at a more accurate reading, I suggest a detour to Hieronymus Bosch, whose spirit was very much alive among Erasmus‘ circle of friends in Antwerp (Gérard David, Quentin Massys, Jan Wellens Cock, Albrecht Dürer, etc.), of which Patinir was a member.

Bosch, contrary to the clichés still in vogue today, is above all a pious and moralizing spirit. If he shows vice, it’s not so much to praise it as to make us aware of just how much it attracts us. Faithful to the Augustinian traditions of Devotio Moderna, promoted by the Brothers of the Common Life (a spiritual renewal movement to which he was close), Bosch believes that man’s attachment to earthly things leads him to sin. This is the central theme of all his work, the spirit of which can only be penetrated by reading The Imitation of Christ, written, in all probability, by the founding soul of the Devotio Moderna, Geert Groote (1340-1384), or his disciple, Thomas à Kempis (1379-1471), to whom this work is generally attributed.

In this work, the most widely read in human history after the Bible, we read:

Bosch treats this subject with great compassion and humor in his painting The Hay Wagon (Prado Museum, Madrid).

Hieronymus Bosch, The Hay Chariot Altarpiece, central panel, reference to the vanity of earthly riches. Prado Museum, Madrid.

The allegory of straw already exists in the Old Testament. Isaiah 40:6 :

It was echoed in the New Testament by the apostle Peter (1:24):

Johannes Brahms uses this passage in the second movement of his German Requiem.

Bosch‘s triptych depicts a hay wagon, an allegory of the vanity of earthly riches, pulled by strange creatures on their way to hell.

The Duke of Burgundy, the Emperor of Germany and even the Pope himself (this is the time of Julius II…) follow close behind, while a dozen or so characters fight to the death for a blade of straw. It’s a bit like the huge speculative securities bubble that is leading our era into a great depression…

It’s easy to imagine the bankers who sabotaged the G20 summit to perpetuate their system, which is so profitable in the very short term. But this corruption doesn’t just affect the big boys. In the foreground of the picture, an abbot has entire sacks of hay filled, a false dentist and also gypsies cheat people for a bit of straw.

The peddler and the Homo Viator

The closed triptych sums up the same topos in the form of a peddler (not the prodigal son). This peddler, eternal homo viator, is an allegory of Man who fights to stay on the right path and insists on staying on it.

In another version of the same subject painted by Bosch (Museum Boijmans Beuningen, Rotterdam), the peddler advances op een slof en een schoen (on a slipper and a shoe), i.e. he chooses precariousness, leaving the visible world of sin (we see a brothel and drunkards) and abandoning his material possessions.

Painting by Bosch. Here, the peddler is merely a metaphor for the path chosen by the soul as it steadily detaches itself from earthly temptations. With his staff (faith), the believer repels the sin (the dog) that comes to bite his calves.

With his staff (symbol of faith), he fends off the infernal dogs (symbol of temptation), who try to hold him back.

Once again, these are not manifestations of Bosch‘s exuberant imagination, but of a metaphorical language common at the time. We find this representation in the margin of the famous Luttrell Psalter, a XIVth-century English psalter.

Luttrell Psalter, peddler with staff and infernal dog, British Library, London.

This theme of homo viator, the man who detaches himself from earthly goods, is also recurrent in the art and literature of this period, particularly since the Dutch translation of Pèlerinage de la vie et de l’âme humaine (pilgrimage of life and the human soul), written in 1358 by the Norman Cistercian monk Guillaume de Degulleville (1295-after 1358).

A miniature from this work shows a soul on its way, dressed as a peddler.

Miniature from Guillaume Degulleville’s Pèlerinage de la vie et l’âme humaine.

Nevertheless, while in the XIVth century this spiritual requirement may have dictated a sometimes excessive rigorism, the liberating laughter of nascent humanism (Brant, Erasmus, Rabelais, etc.) would bring happier, freer colors to Flemish Brabant culture (Bosch, Matsys, Bruegel), albeit later stifled by the dictates of the Council of Trent.

Man’s foolish attachment to earthly goods became a laughing matter. Published in Basel in 1494, Sébastien Brant’s Ship of Fools, a veritable inventory of all the follies that can lead man to his doom, left its mark on an entire generation, which rediscovered creativity and optimism thanks to the liberating laughter of Erasmus and his disciple, the Christian humanist François Rabelais.

In any case, for Bosch, Patinir and the Devotio Moderna, contemplation was the very opposite of pessimism and scholastic passivity. For them, laughter is the ideal antidote to despair, acedia (weariness) and melancholy.

Contemplation thus took on a new dimension. Each member of the faithful is encouraged to live out his or her Christian commitment, through personal experience and individual imitation of Christ. They must stop blaming themselves on the great figures of the Bible and Sacred History.

Man can no longer rely on the intercession of the Virgin Mary, the apostles and the saints. While following their examples, he must give personal content to the ideal of the Christian life. Driven to action, each individual, fully aware of his or her sinful nature, is constantly led to choose good over evil. These are just a few of the cultural backgrounds that enable us to approach Patinir’s landscapes in a different way.

Charon crossing the Styx

Patinir’s painting Charon Crossing the Styx (Prado Museum, Madrid), which combines ancient and Christian traditions, will serve here as our « Rosetta stone ». Inspired by the sixth book of the Aeneid, in which the Roman writer Virgil describes the catabasis, or descent into hell, or Dante‘s Inferno (3, line 78) taken from Virgil, Patinir places a boat at the center of the work.

Joachim Patinir, Charon crossing the Styx, Prado Museum, Madrid.

The tall figure standing in this boat is Charon, the Ferryman of the Underworld, usually portrayed as a gloomy, sinister old man. His task is to ferry the souls of the deceased across the River Styx.

In payment, Charon takes a coin placed in the mouths of the corpses. The passenger in the boat is thus a human soul.

Although the scene takes place after the person’s physical death, the soul – and this may come as a surprise – is tormented by the choice between Heaven and Hell.

Since the Council of Trent, it has been considered that a bad life irrevocably sends man to Hell from the moment of his death. But Christian faith continues, even today, to distinguish the Last Judgment from what is known as the « particular judgment ».

According to this concept, which is sometimes disputed within denominations, at the moment of death, although our final fate is fixed (Hebrews 9:27), all the consequences of this particular Judgment will not be drawn until the general Judgment, which will take place when Christ returns at the end of time.

So, the « particular judgment » that is supposed to immediately follow our death, concerns our last act of freedom, prepared by all that our life has been. Helping us to contemplate this ultimate moment therefore seems to be the primary aim of Patinir‘s painting, with other metaphors thrown in for good measure.

However, a closer look at the lower part of the painting reveals a contradiction that is absent from Virgil’s poem. While Hell is on the right (Cerberus, the three-headed dog guarding the gateway to Hell, can be seen), the gateway seems easily accessible, with splendid trees dotting the lawns.

To the left is Paradise. An angel tries to attract the attention of the soul in the boat, but it seems much more attracted by a seemingly welcoming Hell.

What’s more, the dimly-lit path to paradise seems perilous, with rocks, swamps and other dangerous obstacles. Once again, it’s our senses that may lead us to make a literally hellish choice.

Hercules at the crossroads, Ship of Fools, Sébastien Brant.

The subject of the painting is clearly that of the bivium, the binary choice at the crossroads that offers the pilgrim viewer the choice between the path of vice and that of salvation.

This theme was widespread at the time. We find it again in Sébastien Brant‘s Ship of Fools, in the form of Hercules at the crossroads. In this illustration, on the left, at the top of a hill, a naked woman represents vice and idleness. Behind her, death smiles down on us.

On the right, planted at the top of a higher hill, at the end of a rocky path, awaits virtue symbolized by work. Let’s also remember that the Gospel (Matthew 7:13-14) clearly evokes the choice we will face:

Landscape as an object of contemplation

The art historian Reindert Leonard Falkenburg, in his 1985 doctoral thesis, was the first to note that Patinir takes pleasure in transposing this metaphorical language to the whole of his landscape.

Although the image of impassable rocks as a metaphor for the virtue achieved by choosing the difficult path is nothing new, Patinir exploits this idea with unprecedented virtuosity.

We thus discover that the theme of man courageously turning away from the temptation of a world that traps our sensorium, is the underlying theo-philosophical theme of almost all Patinir’s landscapes. In this way, his work finds its raison d’être as an object of contemplation, where man measures himself against the infinite.Let’s return to our Landscape with Saint Jerome by Patinir (National Gallery, London).

Here we discover the « narrow gate » leading to a difficult path that takes us to the first plateau. This is not the highest mountain. The highest, like the Tower of Babylon, is a symbol of pride.

Next, let’s look at Resting on the Road to Egypt (Prado Museum, Madrid). At the side of the road, Mary is seated, and in front of her, on the ground, are the peddler’s staff and his typical basket.

Joachim Patinir, The Rest of the Holy Family, Prado Museum, Madrid.

In conclusion, we could say that, driven by his spiritual and humanist fervor, by painting increasingly impassable rocks – reflecting the immense virtue of those who decide to climb them – Patinir elaborates not « realistic » landscapes, but « spiritual landscapes », dictated by the immense need to tell the spiritual journey of the soul.

Hence, far from being mere aesthetic objects, his spiritual landscapes serve contemplation.

Like a half-ironic mirror image, they enable those who wish to do so to prepare for the choices their soul will face during, and after, life’s pilgrimage.

Bibliography:

  • R.L. Falkenburg, Joachim Patinir, Het landschap als beeld van de levenspelgrimage, Nijmegen, 1985;
  • Maurice Pons and André Barret, Patinir ou l’harmonie du monde, Robert Laffont, 1980;
  • Eric de Bruyn, De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Adr. Heinen, s’Hertogenbosch, 2001;
  • Dirk Bax, Hieronymus Bosch, his picture-writing deciphered, A. A. Balkema, Capetown, 1979;
  • Georgette Epinay-Burgard, Gérard Groote, fondateur de la Dévotion Moderne, Brepols, 1998.
  • Karel Vereycken, Devotio Moderna, cradle of Humanism in the North, Artkarel.com, 2011;
  • Karel Vereycken, With Hieronymus Bosch on the track of the Sublime, Schiller Institute, 2007.
  • Karel Vereycken, How Erasmus Folly saved our Civilization, Schiller Institute, 2004.

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Erasmus’ dream: the Leuven Three Language College

In autumn 2017, a major exhibit organized at the University library of Leuven and later in Arlon, also in Belgium, attracted many people. Showing many historical documents, the primary intent of the event was to honor the activities of the famous Three Language College (Collegium Trilingue), founded in 1517 by the efforts of the Christian Humanist Erasmus of Rotterdam (1467-1536) and his allies. Though modest in size and scope, Erasmus’ initiative stands out as one of the cradles of European civilization, as you will discover here.

Revolutionary political figures, such as William the Silent (1533-1584), organizer of the Revolt of the Netherlands against the Habsburg tyranny, humanist poets and writers such as Thomas More, François Rabelais, Miguel Cervantes and William Shakespeare, all of them, recognized their intellectual debt to the great Erasmus of Rotterdam, his exemplary fight, his humor and his great pedagogical project.

For the occasion, the Leuven publishing house Peeters has taken through its presses several nice catalogues and essays, published in Flemish, French as well as English, bringing together the contributions of many specialists under the wise (and passionate) guidance of Pr Jan Papy, a professor of Latin literature of the Renaissance at the Leuven University, with the assistance of a “three language team” of Latinists which took a fresh look at close to all the relevant and inclusively some new documents scattered over various archives.

The Leuven Collegium Trilingue: an appealing story of courageous vision and an unseen international success. Thanks to the legacy of Hieronymus Busleyden, counselor at the Great Council in Mechelen, Erasmus launched the foundation of a new college where international experts would teach Latin, Greek and Hebrew for free, and where bursaries would live together with their professors”, reads the back cover of one of the books.

University of Leuven, Belgium.

For the researchers, the issue was not necessarily to track down every detail of this institution but rather to answer the key question: “What was the ‘magical recipe’ which attracted rapidly to Leuven between three and six hundred students from all over Europe?”

Erasmus’ initiative was unprecedented. Having an institution, teaching publicly Latin and, on top, for free, Greek and Hebrew, two languages considered “heretic” by the Vatican, was already tantamount to starting a revolution.

Was it that entirely new? Not really. As early as the beginning of the XIVth century, for the Italian humanists in contact with Greek erudites in exile in Venice, the rigorous study of Greek, Hebraic and Latin sources as well as the Fathers and the New Testament, was the method chosen by the humanists to free mankind from the Aristotelian worldview suffocating Christianity and returning to the ideals, beauty and spirit of the “Primitive Church”.

For Erasmus, as for his inspirer, the Italian humanist Lorenzo Valla (1403-1457), the « Philosophy of Christ » (agapic love), has to come first and opens the road to end the internal divisions of Christianity and to uproot the evil practices of greed (indulgences, simony) and religious superstition (cult of relics) infecting the Church from the top to the bottom, and especially the mendicant orders.

To succeed, Erasmus sets out to clarify the meaning of the Holy Writings by comparing the originals written in Greek, Hebrew and Latin, often polluted following a thousand years of clumsy translations, incompetent copying and scholastic commentaries.

Brothers of the Common Life

My own research allows me to recall that Erasmus was a true disciple of the Sisters and Brothers of the Common Life of Deventer in the Netherlands, a hotbed of humanism in Northern Europe. The towering figures that founded this lay teaching order are Geert Groote (1340-1384), Florent Radewijns (1350-1400) and Wessel Gansfort (1420-1489), all three said to be fluent in precisely these three languages.

The religious faith of this current, also known as the “Modern Devotion”, centered on interiority, as beautifully expressed in the little book of Thomas a Kempis (1380-1471), the Imitation of Christ. This most read book after the Bible, underlines the importance for the believer to conform one owns life to that of Christ who gave his life for mankind.

Rudolph Agricola

Rudolp Agricola, painted by Cranach.

Hence, in 1475, Erasmus father, fluent in Greek and influenced by famous Italian humanists, sends his son to the chapter of the Brothers of the Common Life in Deventer, at that time under the direction of Alexander Hegius (1433-1499), himself a pupil of the famous Rudolph Agricola (1442-1485) which Erasmus had the chance to listen to and which he calls a “divine intellect”.

Follower of the cardinal-philosopher Nicolas of Cusa (1401-1464), enthusiastic advocate of the Italian Renaissance and the Good Letters, Agricola would tease his students by saying:

“Be cautious in respect to all that you learned so far. Reject everything! Start from the standpoint you will have to un-learn everything, except that what is based on your sovereign authority, or on the basis of decrees by superior authors, you have been capable of re-appropriating yourself”.

Erasmus, with the foundation of the Collegium Trilingue will carry this ambition at a level unreached before. To do so, Erasmus and his friend apply a new pedagogy. Hence, instead of learning by heart medieval commentaries, pupils are called to formulate their proper judgment and take inspiration of the great thinkers of the Classical period, especially “Saint Socrates”. Latin, a language that degenerated during the Roman Empire, will be purified from barbarisms.

With this approach, for pupils, reading a major text in its original language is only the start. An explorative work is required: one has to know the history and the motivations of the author, his epoch, the history of the laws of his country, its geography, cosmography, all considered to be indispensable instruments to put each text in its specific literary and historical context and allowing reading, beyond the words, the intention of their author.

Erasmus (left) and his friend Pieter Gilles, by Antwerp painter Quinten Metsijs.

This “modern” approach (questioning, critical study of sources, etc.) of the Collegium Trilingue, after having demonstrated its efficiency by clarifying the message of the Gospel, will rapidly travel over Europe and reach many other domains of knowledge, notably scientific issues! By uplifting young talents, out of the small and sleepy world of scholastic certitudes, this institution rapidly grew into a hotbed for creative minds.

For the ignorant reader who often considers Erasmus as some kind of comical writer praising madness which lost it after an endless theological dispute with Martin Luther, such a statement might come as a surprise.

Scientific Renaissance

Art and science for the people. The early 16th century was a time of early scientific education.

While Belgium’s contributions to science, under Emperor Charles Vth, are broadly recognized and respected, few are those understanding the connection uniting Erasmus with a mathematician as Gemma Frisius and his pupil and friend Gerard Mercator, an anatomist such as Andreas Vesalius or a botanist such as Rembert Dodonaeus.

Hence, as already thoroughly documented in 2011 by Professor Jan Papy in a remarkable article, the scientific renaissance which bloomed in the Netherlands and Belgium in the early XVIth century, could not have taken place if it were for the “linguistic revolution” provoked by the Collegium Trilingue.

Because, beyond the mastery of their vernacular languages (French and Dutch), hundreds of youth, by studying Greek, Latin and Hebrew, suddenly got access to all the scientific treasures of Greek Philosophy and the best authors in those newly discovered languages.

Remains of the old Louvain city wall. In the foreground, the Jansenius tower, in the background, the Justus Lipsius tower.

At last, they could read Plato in the text, but also Anaxagoras, Heraclites, Thales of Millet, Eudoxus of Cnidus, Pythagoras, Eratosthenes, Archimedes, Galen, Vitruvius, Pliny the elder, Euclid and Ptolemy whose work they will master and eventually correct.

As the books published by Peeters account in great detail, during the first century of its existence, the Collegium Trilingue had a rough time confronting political uproar and religious strife. Heavy critique came especially form the “traditionalists”, a handful of theologians for which the Greeks were nothing but schismatics and the Jews the assassins of Christ and esoterics.

The opposition was such that Erasmus himself never could teach at the Collegium and, while keeping in close contact, decided to settle in Basel, Switzerland, in 1521.

Despite all of this, the Erasmian revolution conquered Europe overnight and a major part of the humanists of that period were trained or influenced by this institution. From abroad, hundreds of pupils arrived to follow classes given by professors of international reputation.

27 European universities integrated pupils of the Collegium in their teaching staff: among them stood Jena, Wittenberg, Cologne, Douai, Bologna, Avignon, Franeker, Ingolstadt, Marburg, etc.

Teachers at the Collegium were secured a decent income so that they weren’t obliged to give private lectures to secure a living and could offer public classes for free. As was the common practice of the Brothers of the Common Life in Deventer, a system of bursa allowed talented though poor students, including many orphans, to have access to higher learning. “Something not necessarily unusual those days, says Pr Jan Papy, and done for the sake of the soul of the founder (of the Collegium, reference to Busleyden)”.

Le Wentelsteen, last remaining staircase of the Collegium Trilingue. Crédit : Karel Vereycken

While visiting Leuven and contemplating the worn-out steps of the spiral staircase (wentelsteen), one of the last remains of the building that had a hard time resisting the assaults of time and ignorance, one can easily imagine those young minds jumping down the stairs with enthusiasm going from the dormitory to the classroom. Looking at the old shopping list of the school’s kitchen one can conclude the food was excellent with lots of meat, poultry but also vegetables and fruits, and sometimes wine from Beaune in Burgundy, especially when Erasmus came for a visit! While over the years, of course, the quality of the learning transmitted, would vary in accordance with the excellence of its teachers, the Collegium Trilingue, whose activity would last till the French revolution, gave its imprint in history by giving birth to what some have called the “Little Renaissance” of the first half of the XVIth century.

In France, the Sorbonne University reacted with fear and in 1523, the study of Greek was outlawed in France.

Marguerite de Navarre, reader of Erasmus.

François Rabelais, at that time a monk in Vendée, saw his books confiscated by the prior of his monastery and deserts his order. Later, as a doctor, he translated the medical writings of the Greek scientist Galen from Greek into French. Rabelais’s letter to Erasmus shows the highest possible respect and intellectual debt to Erasmus.

In 1530, Marguerite de Navarre, sister of King Francis, and reader and admirer of Erasmus, at war with the Sorbonne, convinced her brother to allow Guillaume Budé, a friend of Erasmus, to create the “Collège des Lecteurs Royaux” (ancestor of the Collège de France) on the model of the Collegium Trilingue. And to protect its teachers, many coming directly from Leuven, they got the title of “advisors” of the King. The Collège taught Latin, Hebrew and Greek, and rapidly added Arab, Syriac, medicine, botany and philosophy to its curriculum.

Dirk Martens

Dirk Martens.

Also celebrated for the occasion, Dirk Martens (1446-1534), rightly considered as one of the first humanists to introduce printing in the Southern Netherlands.

Born in Aalst in a respected family, the young Dirk got his training at the local convent of the Hermits of Saint William. Eager to know the world and to study, Dirk went abroad. In Venice, at that time a cosmopolite center harboring many Greek erudite in exile, Dirk made his first steps into the art of printing at the workshop of Gerardus de Lisa, a Flemish musician who set up a small printing shop in Treviso, close to Venice.

Back in Aalst, together with his partner John of Westphalia, Martens printed in 1473 the first book in the country with a movable type printing press, a treatise of Dionysius the Carthusian (1401-1471), a friend and collaborator of cardinal-philosopher Nicolas of Cusa, as well as the spiritual advisor of Philip the Good, the Duke of Burgundy and thought to be the occasional « theological » advisor of the latter’s court painter, Jan Van Eyck.

If the oldest printed book known to us is a Chinese Buddhist writing dating from 868, the first movable printing types, made first out of wood and then out of hardened porcelain and metal, came from China and Korea in 1234.

Replica of Martens’ printing press at the Communal Museum of Aalst.

The history of two lovers, a poem written by Aeneas Piccolomini before he became the humanist Pope Pius II, was another early production of Marten’s print shop in Aalst.

Proud to have introduced this new technique allowing a vast increase in the spreading of good and virtuous ideas, Martens wrote in one of the prefaces: “This book was printed by me, Dirk Martens of Aalst, the one who offered the Flemish people all the know-how of Venice”.

After some years in Spain, Martens returned to Aalst and started producing breviaries, psalm books and other liturgical texts. While technically elaborate, the business never reached significant commercial success.

Martens then moved to Antwerp, at that time one of the main ports and cross-roads of trade and culture. Several other Flemish humanists born in Aalst played eminent roles in that city and animate its intellectual and cultural life. Among these:

Cornelis De Schrijver (1482-1558), the secretary of the City of Aalst, better known under his latin name Scribonius and later as Cornelius Grapheus. Writer, translator, poet, musician and friend of Erasmus, he was accused of heresy and hardly escaped from being burned at the stake.

Pieter Gillis (1486-1533), known as Petrus Aegidius. Pupil of Martens, he worked as a corrector in his company before becoming Antwerp’s chief town clerk. Friend of Erasmus and Thomas More, he appears with Erasmus in the double portrait painted by another friend of both, Quinten Metsys (1466-1530).

Pieter Coecke van Aelst (1502-1550), editor, painter and scenographer. After a trip to Italy, he set up a workshop in Antwerp. Pieter will produce patrons for tapestries, translated with the help of his wife the works of the Roman architect Vitruvius into Dutch and trained the young Flemish painter Bruegel the Elder who will marry his daughter.

Invention of pocket books

In Antwerp, Martens became part of this milieu and his workshop became a meeting place for painters, musicians, scientists, poets and writers. With the Collegium Trilingue, Martens opens a second shop, this time in Leuven to work with Erasmus. In order to provide adequate books to the Collegium, Martens proudly became, in the footsteps of the Venetian Printer Aldo Manuce, one of the first printers to concentrate on in-octavo 8° (22 x 12 cm), i.e. “pocket” size books affordable by all and which students could take home !

For the specialists of the Erasmus house of Anderlecht, close to Brussels,

“Martens innovated in nearly all domains. As well as in terms of printing types as lay-out. He was the first to introduce Italics, Greek and Hebrew letter types. He also generalized the use of ‘New Roman’ letter type so familiar today. During the first thirty years of the XVIth century, he also operated the revolution in lay-out (chapters and paragraphs) that gave birth to the modern book as we know it today. All this progress, he achieved in close cooperation with Erasmus”.

Thomas More’s Utopia

1516, pages from Thomas More’s Utopia, printed by Martens in Leuven. On the left, an imaginary map showing the island of Utopia. On the right, the equally imaginary Utopian alphabet.

In 1516, it was Dirk Martens who printed the first edition of Thomas More’s Utopia. Among the hundreds of editions he printed mostly alone, 61 books and writings of Erasmus, notably In Praise of Folly. He also produced More’s edition of the roman satirist Lucian and Columbus’ account of the discovery of the new world. In 1423, Martens printed the complete works of Homer, quite a challenge!

In 1520, a papal bull of Leo X condemned the errors of Martin Luther and ordered the confiscation of his writings to be burned in public in front of the clergy and the people.

For Erasmus, burning books didn’t automatically erased their their content from the minds of the people. “One starts by burning books, one finishes by burning people” Erasmus warned years before Heinrich Heine said that “There, were one burns books, one ends up burning people”.

Printers and friends of Erasmus, especially in France, died on the stake opening the doors for the religious wars that will ravage Europe for the century to come.

What Erasmus feared above all, is that with the Vatican’s brutal war against Luther, it is the entire cultural renaissance and the learning of languages that got threatened with extinction.

In July 1521, confronted with the book burning, the German painter and engraver Albrecht Dürer, who made his living with bible illustrations, left Antwerp with his wife to return to his native Nuremberg.

Thirty years later, in 1552, the great cartographer Gerardus Mercator, a brilliant pupil of the Collegium Trilingue, for having called into question the views of Aristotle, went into exile and settled in Duisbourg, Germany.

In 1521, at the request of his friends who feared for his life, Erasmus left Leuven for Basel and settled in the workshop of another humanist, the Swiss printer Johann Froben.

In 1530, with a foreword of Erasmus, Froben published Georgius Agricola’s inventory of mining techniques, De Re Metallica, a key book that vastly contributed to the industrial revolution of Saxen, Switzerland, Germany and the whole of Europe.

Conclusion

If certain Catholic historians try to downplay the hostility of their Church towards Erasmus, the fact remains that between 1559 and 1900, the full works of Erasmus were on the “Index Vaticanus” and therefore “forbidden readings” for Catholics.

If Thomas More, whom Erasmus considered as his twin brother, was canonized by Pius XI in 1935 and recognized as the patron saint of the political leaders, Erasmus himself was never rehabilitated.

Interrogated by this author in a letter, the Pope Francis returned a polite but evasive answer.

Let’s rebuild the Collegium Trilingue !

With the exception of the staircase, only a few stones remain of the historical building housing the Collegium Trilingue. In 1909, the University of Louvain planned to buy up and rebuild the site but the First World War changed priorities. Before becoming social housing, part of the building was used as a factory. As a result, today, there is no overwhelming charm. However, seeing the historical value of the site, we cannot but fully support a full reconstruction plan of the building and its immediate environment.

It would make the historical center of Leuven so much nicer, so much more attractive and very much more loyal to its own history. On top, such a reconstruction wouldn’t cost much and might interest private investors. The images in 3 dimensions produced for the Leuven exhibit show a nice Flemish Renaissance building, much in the style of the marvels constructed by architect Rombout II Keldermans.

Every period has the right to honestly “re-write” its own history, without falsifications, according to its own vision of the future.

It has to be noted here that the world famous “Rubenshuis” in Antwerp, is not at all the original building, but a scrupulous reconstruction of the late 1930s.

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Bruegel, Petrarca and the « Triumph of Death »

The Triumph of Death, Peter Bruegel the Elder, oil on panel, 1562, Prado, Madrid.

By Karel Vereycken, april 2020.

The Triumph of Death? The simple fact that the heir to the throne of England, Prince Charles, and even the UK Prime Minister Boris Johnson, have tested positive to the terrifying coronavirus currently sweeping the planet, tells something to the public.

As some commentators pointed out (no irony) it “gave a face to the virus”. Until then, when an elderly person or a dedicated nurse died of the same, it “wasn’t real”.

Realizing that these “higher-ups” are not part of the immortal Gods of Olympus but are mortals as all of us, brings to my mind “The Triumph of Death”, a large oil painting on panel (117 x 162 cm, Prado, Madrid), generally misunderstood, painted by the Flemish painter Peter Bruegel’s the elder (1525-1569), and thought to be executed between 1562 and his premature demise.

In order to discover, beyond the painting, the intention of the painter’s mind, it is always useful, before rushing into hazardous conclusions, to briefly describe what one sees.

« Below, some people are crawling on their knees, hoping to remain unnoticed ».

What do we see in Bruegel’s « Triumph of Death« ? On the left, a skeleton, symbolizing death itself, holding a sand-glass in its hand, carries away a dead King. Next to him, another skeleton grabs the vast amounts of money no one can take with him into the grave. Death is driving a chariot. Below the charriot some people are crawling on their knees, hoping to remain unnoticed.

People are gambling and amusing themselves…

On the right, at the forefront, people are gambling and amusing themselves. A skeleton playing a musical instruments joins a prosperous young couple engaged in a musical dialogue and clearly unaware that Death is taking over the planet.

The message is simple and clear. No one can escape death, poor or rich, young or old, king or peasant, sick or healthy. When the hour comes, or at the end of all times, all mortals return to the creator since “physical” death triumphs over all of them.

Immortality

Lyndon LaRouche (1922-2019)

American thinker Lyndon LaRouche (1922-2019), in his speeches and writings, used to remind us, with his typical loving impatience: all human wisdom starts by a personal decision to acknowledge a fact proven without contest: we are all born and each of us, sooner or later, will die. So far, our bodies have all been proven mortal.

The duration of our mortal existence on the clock of the universe, he reminded, is less than a nanosecond.

Therefore, knowing this boundary condition of our mortal existence, we, each of us, have to make a personal sovereign decision: how will I spend the talent of my life ? Will I spend that talent chasing the earthly pleasures of the flesh, or dedicate my life to defending the truth, the beautiful and the good, to the great benefit of humanity as a whole, living in past, present and future ?

In 2011, in a discussion, LaRouche explained what he meant by saying that humanity has the potential to become an “immortal” species:

I live; as long as I live, I may generate ideas.
These conceptions give mankind a chance to move forward.
But then the time will come when I will die.
Now, two things happen: First of all, if these creative principles,
which have been developed by earlier generations,
are realized in the future, that means that mankind is an immortal species. We are not personally immortal;
but to the extent that we’re creative, we’re an immortal species.
And the ideas that we contribute to society
are permanent contributions to the human society.
We are therefore an immortal species,
based on mortal beings. And the key thing in life is to grasp that connection.
To say that we’re creative and die,
doesn’t tell us the story. If we, in our own lives, who are about to die,
can contribute something that is permanent, which will outlive our death, and be a benefit to mankind in future times, we have achieved the purpose of immortality.
And that is the crucial thing.
If people can actually face, with open minds, the fact that we’re each going to die—but look at it in the right way,
then we are impassioned to make the contributions,
to discover the principles, to do the work that is immortal.
Those discoveries of principle which are immortal, which pass on from one generation to the other. And thus, the dead live in the living;
because what the dead do, if they have done that in their lifetime, they are alive, not as in the flesh, but they’re alive in principle.
They’re part, an active part, of human society.

Christian humanism

LaRouche’s outlook, the “moral” obligation to live a “creative” existence on Earth in the image of the Creator, was deeply rooted in the philosophical outlook of both the Platonic and the Judeo-Christian tradition, whose happy marriage gave us the beautiful Christian humanism which, in the early XVth Century, ignited an unprecedented explosion, on a mass-scale and of unseen density of economic, scientific, artistic and cultural achievements, later qualified as a “Renaissance”.

In Plato’s Phaedon, Socrates develops the idea that our mortal body is a constant impediment to philosophers in their search for truth: “It fills us with wants, desires, fears, all sorts of illusions and much nonsense, so that, as it is said, in truth and in fact no thought of any kind ever comes to us from the body” (66c).  To have pure knowledge, therefore, philosophers must escape from the influence of the body as much as is possible in this life. Philosophy (Literally “The love of wisdom”) itself is, in fact, a kind of “preparation for dying” (67e), a purification of the philosopher’s soul from its bodily attachment.

Also the Vulgate’s Latin rendering of Ecclesiastics 7:40 stresses: « in all thy works be mindful of thy last end and thou wilt never sin”. This passage finds expression in the christian ritual of Ash Wednesday, when ashes are placed upon the worshippers’ heads with the words: “Remember Man that You are Dust and unto Dust You Shall Return.”

Is this a morbid ritual? No, it is a philosophy lesson. Christianity itself, as a religion, cherishes God’s own son made man, Jesus, for having renounced to his mortal life for the sake of mankind. It put Jesus’ death at the center. And in the XIVth century, Thomas a Kempis (1380-1471), one of the leading intellectuals and founders of the Brothers of the Common Life, wrote that every Christian should shape his life in the “Imitation of Christ”. Both Nicolaus of Cusa (1401-1464) and Erasmus of Rotterdam (1466-1536) were powerfully influenced and trained by this intellectual current.

Concedo Nulli

Medal with Erasmus portrait, casted by Quinten Matsijs in 1519.

Erasmus’ personal armory was the juxtaposition of a skull and a sand-glass, referring to death and time as the boundary conditions of human existence.

In 1519, his friend, the Flemish painter and goldsmith Quentin Matsys (1466-1530) forged a bronze medal to the honor of the great humanist.

On one side of the medal there is an efigee of Erasmus and a Latin inscription informs us that this is “an image taken from life”. At the same time we are told in Greek, « his writings will make him better. known »

The reverse side of the medal shows solemn inscriptions surrounding an unusual image. At the top of a pillar that stands in rough, uneven ground, emerges the head of a young man with a stubbly chin and wild, flowing hair. Like Erasmus on the other side of the medal, he seems to have a faint smile upon his face. On either side of the head are the words “Concedo Nulli”– “I yield to no one.” On the pillar is inscribed Terminus, the name of a Roman god who presided over boundaries. Again bilingual quotations surround a profile. On the left, in Greek, is the instruction, « Keep in mind the end of a long life. » On the right, in Latin, is the stark reminder, « Death is the ultimate boundary of things. »

Verso of the medal

Adapting as his own motto “I yield to no one”, Erasmus took the great risk of using such a daring metaphor. Accused of intolerable arrogance by his sycophants, he underlined that “Concedo Nulli” had to be understood as death’s own statement, not his own. And who could argue with the assertion that death is the terminus that yields to no one?

Mozart, Brahms and Gandhi

Centuries later, the great humanist composer, Wolfgang Amadeus Mozart, was the exact opposite of a morbid cynic. Revealing his inner mindset, Mozart once said that the secret of all genius, was love for humanity: “neither a lofty degree of intelligence nor imagination nor both together go to the making of genius. Love, love, love, that is the soul of genius”.

But on April 4, 1787, Mozart wrote to his father, Leopold, as he lay dying :

I need hardly tell you how greatly I am longing
to receive some reassuring news from yourself.
And I still expect it ; although I have now made a habit of being prepared in all affairs of life for the worst.
As death, when we come to consider it closely,
is the true goal of our existence,
I have formed during the last few years such close relations with this best and truest friend of mankind,
that his image is not only no longer terrifying to me,
but is indeed very soothing and consoling !
And I thank God for graciously granting me
the opportunity (you know what I mean)
of learning that death is the key
which unlocks the door to our true happiness.
I never lie down at night
without reflecting that –young as I am– I may not live to see another day.

Johannes Brahms 1865 German Requiem, quotes Peter 1:24-25 reminding us that


“For all flesh is as grass,
and all the glory of man as the flower of grass.
The grass withereth, and the flower thereof falleth away.
But the word of the Lord endureth for ever.”

Also Mahatma Gandhi, expressed, in his own way, somthing similar, about how one has to live simultaneously with mortality and immortality:

« Live as if you were to die tomorrow.
Learn as if you were to live forever. »

Memento Mori and Vanitas

Hieronymus Bosch, detail of « The Garden of Earthly Delights ».

Just as Hieronymus Bosch’s (1450-1516) painting of the “Garden of Earthly Delights” (Prado, Madrid), where the great Dutch master uses the metaphor of naked humans incessantly chasing delicious fruits, calls on the viewer to become aware of his close-to-ridiculous, animal-like attachment to earthly pleasures and calls on his free will and his sens of humor to free himself, Bruegel’s “Triumph of Death” painting, on a first level, is fundamentally nothing else than a complex Memento Mori (Latin “remember that you must die”).

With this painting, Bruegel pays tribute to his intellectual godfather’s motto Concedo Nulli, that is, as Erasmus did in his writings, Bruegel paints the ineluctability of death, not by praising its horror, but with the aim of inspiring his fellow citizens to walk into immortality. In the same way Erasmus’ « In praise of folly » was in fact an inversion of his praise of reason, Brueghel’s « Triumph of Death » was conceived as a triumph of (immortal) life.

For the Catholic faith, the aim of a Memento Mori was to remind (and eventually terrorize) the believer that after death, he or she might end up in Purgatory or worse in Hell if they did not respect the Church and her rites. With the invention of oil painting in the early XVth century, panel paintings of this genre for private homes and small chapels were considered aesthetic objects crafted for the sake of religious and philosophical contemplation.

Hence, starting with the Renaissance, the Memento Mori painting became a much demanded artifact, re-branded in the following centuries as “Vanitas”, Latin for « emptiness » or « vanity ». Especially popular in Holland and then spreading to other European nations, Vanitas paintings typically represented assemblages of numerous symbolic objects such as human skulls, guttering candles, wilting flowers, soap bubbles, butterflies and hourglasses.

Iconography

The aristocrat, Holbein the Younger, Dance of Death.

A first source is of course, the famous designs and woodcuts executed by Erasmus intimate friend and illustrator of his “In Praise of Folly”, Hans Holbein the Younger (1497-1543), for his satirical “Dance of Death” (1523), which –breaking with the way the “Dance macabre” was used before by the Flagellants and other madmen to desensitize the population in order to push them into a fatalistic retreat of the outer world– introduces the new philosophical dimension that Bruegel will develop.

vanitas
Vanitas, Philippe de Champaigne, 1671.

The close-to-embarassing anamorphosic representation of a giant skull in Holbein’s work « The Ambassadors » (1533), demonstrates his profound understanding of the Memento Mori metaphor.

Erasmus’ friend Albrecht Dürer‘s engraving « Knight, Death and the Devil » (1513), or his « Saint Jerome in his study » (1514) (with skull and hourglass) are two other examples.

The Ambassadors (1533), Hans Holbein the Younger. On the right, the « anamorphosic » skull on the floor, when seen from a tangent viewpoint.

Bruegel and Italy

Ironically, Peter Bruegel the elder has always been presented as a painter of the Northern School who was completely closed to the “Italian” Renaissance.

The reality is that while rejected the transformation of the Renaissance into a form of mannerism in the XVIth century, he took most of his inspiration directly from two Italian Renaissance sources.

Triumph of Death, fresco (1446) from the Palazzo Sclafini in Palermo, Sicily.

First, of course, the image of Death riding a horse, and even a group of persons such as the young couple engaged in their musical embrace, appear incontestably as taken from the Triumph of Deat”, a vast fresco from 1446 which decorated the walls of the Palazzo Sclafani in Palermo, Sicily. Bruegel’s trip to Southern Italy is a well documented fact.

The second source, which undoubtedly also inspired the painter of the fresco, is a series of allegorical poems known as “I Trionfi” (“The Triumphs”: Triomph of Love, of Chastity, of Death, of Fame, of Time and of Eternity), composed by the great Italian poet Francesco Petrarca, most likely following the “Black Death”, a pandemic outbreak which, starting with the 1345 banking crash, decimated a vast portion of the population of Europe.

Petrarca’s genius was precisely to offer to those terrified with the very idea of having to face their physical mortality, a philosophical answer to their anxiety.

As a result, his Trionfi became rapidly popular, not only in Italy but all over Europe. And for most painters, working on Petrarca’s themes became part of their common repertoire.

BNF
The Master of Petrarca’s Triumphs. Manuscript of the BnF. On the left, The Triumph of Love shows Laura on top of a charriot. On the right (The Triumph of Death) Death stands on Laura’s mortal remains.

To conclude, here is an excerpt (English) of the poem, where Petrarca blasts the mad lust of Kings and Popes for wealth, pleasure and earthly power. In the face of death, he stresses, they are worthless. Petrarca’s wording fits to the detail the images used by Bruegel in his painting The Triumph of Death :

(…) afar we might perceive
    Millions of dead heap’d on th’ adjacent plain;
    No verse nor prose may comprehend the slain
    Did on Death’s triumph wait, from India,
    From Spain, and from Morocco, from Cathay,
    And all the skirts of th’ earth they gather’d were;
    Who had most happy lived, attended there:
    Popes, Emperors, nor Kings, no ensigns wore
    Of their past height, but naked show’d and poor.
    Where be their riches, where their precious gems,
    Their mitres, sceptres, robes, and diadems?
    O miserable men, whose hopes arise
    From worldly joys, yet be there few so wise
    As in those trifling follies not to trust;
    And if they be deceived, in end ’tis just:
    Ah! more than blind, what gain you by your toil?
    You must return once to your mother’s soil,
    And after-times your names shall hardly know,
    Nor any profit from your labour grow;
    All those strange countries by your warlike stroke
    Submitted to a tributary yoke;
    The fuel erst of your ambitious fire,
    What help they now? The vast and bad desire
    Of wealth and power at a bloody rate
    Is wicked,–better bread and water eat
    With peace; a wooden dish doth seldom hold
    A poison’d draught; glass is more safe than gold;

Whether Bruegel, who saw undoubtedly the fresco in Palermo during his trip in the 1550s, had read Petrarca’s poem remains an open question. It can be said that many of his direct friends were familiar with the Italian poet.

In Antwerp, the painter was a frequent guest of the Scola Caritatis, a humanist circle animated by one Hendrick Nicolaes, where Brueghel met poets, translaters, painters, engravers (Cock, Golzius) mapmakers (Mercator), cosmographers (Ortelius) and bookmakers such as the Antwerp printer Christophe Plantijn, who’se renowned printing shop would print Petrarca’s poetry.

Also in Antwerp, indicating how popular Petrarca’s poetry had become in the Low Countries and France, the franco-flemish Orlandus Lassus (1532-1594) published his first musical compositions, including his madrigals on each of the six Trionfi of Petrarca, among which the « Triumph of Death ».

Conclusion

All evil, Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) hoped, can give birth to something good, far bigger and superior to the evil that provoked it. Therefore, we can hope that the current pandemic breakdown crisis will lead some of the leading decision-makers, with our help, to reflect on the sens and purpose of their lives. The worst would be to return to yesterday’s “normalcy” since that kind of “normal” is exactly what drove the planet currently to the verge of extinction.

At last, it should be stressed that in the same way Lyndon LaRouche, by his ruthless (Concedi Nulli) commitment to defend the sacred creative nature of every human individual, contributed to the enduring immortality of Plato, Petrarca, Erasmus and Bruegel, it is up to each of us to carry even further that battle.

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Renaissance Studies

Saint-Jerome (1521), Lucas Van Leyden (1494-1533)
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Dirk Martens, l’imprimeur d’Erasme qui diffusa le livre de poche

La plupart des imprimeurs dédient leur travail soit à des gens haut placés, soit à leurs amis. Pour moi dont le plus grand souhait est d’encourager, autant qu’il m’est possible, les études à cette université florissante (de Louvain), il a été décidé que je dédie toutes mes publications à vous, la jeunesse qui m’est si chère.

(Préface de Ploutos, comédie d’Aristophane,
publié par Dirk Martens à Louvain en 1518).


L’humaniste et imprimeur Dirk Martens.

Dirk Martens (1446-1534) est généralement considéré comme celui qui a importé l’art de l’imprimerie dans les Pays-Bas méridionaux. Né à Alost (Belgique) vers 1446 dans une famille respectée et bien portante de citoyens (poorters), aussi bien son père que son grand-père, y vivent comme des notables. Marchand de profession, son grand-père réside sur la grande place. En 1394, il livre du bois au Conseil communal.A Alost, le jeune Dirk profite d’une formation au Couvent des Guillelmites. Curieux de nature et avide d’études, Dirk prend rapidement le large. A Venise, à l’époque un grand port et une cité cosmopolite où se réfugient les érudits grecs, il parfait sa formation auprès de Girardus de Lisa, un compatriote flamand originaire de Gent. De Lisa est conquis par l’esprit de la Renaissance. Musicien, il a monté une petite imprimerie à Trévise, près de Venise. C’est sans doute là que Dirk Martens fait ses premiers pas dans le métier d’imprimeur.

Réplique d’une vieille presse au Musée communal d’Alost.

De retour à Alost, Martens et son partenaire Jean de Westphalie, impriment en 1473 le premier livre réalisé chez nous avec des lettres métalliques mobiles et donc réutilisables, une œuvre du théologien et ami de Nicolas de Cues, Denis le Chartreux (1401-1471). Théologien, ce dernier était le confesseur du Duc de Bourgogne Philippe Le Bon et conseillait le peintre flamand Jan Van Eyck.

Si le plus vieux livre imprimé que nous possédons est le Sûtra du Diamant daté de 868, un écrit bouddhique chinois, l’utilisation de caractères mobiles nous vient également de Chine et de Corée. En Chine, c’est sous la dynastie Song que l’inventeur chinois Bi Sheng (990-1051) développe les caractères mobiles gravés dans de la porcelaine. Ensuite, c’est le Coréen Choe Yun-ui (1102-1162) qui va le premier, à partir de 1234, utiliser des caractères mobiles métalliques dans l’imprimerie, soit 221 ans avant la Bible en 42 lignes de Gutenberg.

A Alost c’est de ce premier atelier de Dirk Martens que sortent deux autres œuvres imprimées classées comme les plus anciennes des Pays-Bas méridionales, dont L’histoire de deux amants, de Aeneas Piccolomini qui deviendra par la suite le pape Pie II.

Martens introduit ainsi cette technique révolutionnaire dans nos contrées permettant la diffusion des livres et des idées à une échelle sans précédent. Cette avancée va contribuer énormément au progrès du savoir et des sciences. Martens ne l’ignore pas et précise fièrement, dans un écrit qu’il livre en 1474 : « Cet ouvrage a été imprimé par moi Dirk Martens à Alost, celui qui apporte aux Flamands tout ce qu’on sait faire à Venise ».

Après sa collaboration initiale mais de courte durée avec Jean de Westphalie, toute trace de Martens disparait jusqu’en 1486. On dispose néanmoins d’indices en Espagne démontrant l’existence à Séville d’un certain Teodorico Aleman, spécialisé dans l’importation de livres et qu’on identifie souvent comme Martens.

Beffroi (1407) et Maison échevinale (1225) d’Alost avec la statue de Dirk Martens.

Entre 1486 et 1493, Martens recréé une imprimerie à Alost. Il se spécialise alors dans l’impression de bréviaires, de bibles et d’autres textes liturgiques. Bien qu’il s’agisse d’une production haut de gamme et d’une haute technicité, l’affaire n’est pas un succès commercial.

L’humanisme d’Anvers

Martens déménage alors à Anvers, à l’époque un des plus importants centres de commerce et de culture.

D’autres habitants d’Alost y jouent des rôles éminents. A chaque fois, il ne s’agit pas de simples fonctionnaires de la ville d’Anvers mais d’acteurs et d’animateurs passionnés de sa vie intellectuelle et culturelle.

  • Cornelis De Schrijver (1482-1558), secrétaire de la ville d’Anvers qu’on connaît mieux sous les noms latinisés de Scribonius ou de Cornelius Grapheus. Auteur, traducteur, poète, musicien et ami d’Erasme, il est accusé d’hérésie et échappe de justesse au bûcher.
  • Pieter Gillis (1486-1533) surnommé Pétrus Aegidius. Elève de Martens et correcteur pour son imprimerie, il est le greffier de la ville. Ami d’Erasme et de More, il figure dans le double portrait avec Erasme peint par leur ami commun, le peintre anversois Quinten Metsys (1466-1530).
  • Pieter Coecke van Aelst (1502-1550). Editeur et peintre-scénographe, il s’installe à Anvers après un voyage en Italie. Familiarisé avec la Cène de Léonard et d’Albrecht Dürer, il fournit des cartons pour des tapisseries et publie, avec l’aide de sa femme et de Grapheus, la traduction néerlandaise des oeuvres de l’architecte romain Vitruve. Le peintre flamand Pieter Breugel l’ancien (1525-1569) et épousera sa fille.
Pour célébrer l’amitié qui liait les deux hommes, le double portrait peint par Quinten Metsys unissant Erasme (à gauche) avec Pieter Gillis, le greffier de la ville d’Anvers, ami de More et de Busleyden.

Aussi bien dans leurs échanges épistolaires, les discours que les actes, le style humaniste est de mise. A la Renaissance, l’artiste est l’uomo universale par excellence.

Et lors des « Entrées joyeuses », organisées en honneur de ceux cherchant à gouverner le pays, les Chambres de rhétorique se chargeaient des vastes fêtes populaires combinant sketchs, poèmes, images, jeux, vers, rimes avec chants et pièces de musique, le tout dans un cadre urbain et architectural arborant arcs de triomphe, sculptures, tableaux et scènes de théâtres.


Oeuvre d’Erasme imprimée chez Dirk Martens. Sur la page de droite, la marque de l’imprimeur : une acre entourée de son nom latinisé : Theodoricum Martinum.

A Anvers, Martens fréquente ce milieu d’érudits et fait connaissance avec Erasme de Rotterdam (1467-1536), une des figures marquantes de l’époque. Du coup, son atelier n’imprime pas seulement des œuvres de cette avant-garde humaniste mais devient un des lieux où se rencontrent les peintres, les penseurs et les savants

Martens ouvre également une imprimerie à Louvain. Fondée en 1425, son université retrouve son élan grâce au livre imprimé.

Si la demande de livres ne cesse de grandir, les étudiants ont des attentes particulières : les livres doivent être de bonne qualité et bon marché. Martens tente de relever le défi.

Livres de poche

En 1516, Dirk Martens dira :

Etudiants. Parce que je ne me préoccupe pas seulement de la bonne santé de vos études mais également de celle de votre bourse (dites moi quel imprimeur fait cela ?), nous avons fait un tirage à part afin que vous puissiez vous le procurer pour deux fois rien.

Colporteur d’éditions de poche.


Et en 1520, il décrit ainsi un manuel d’études :

Nous avons réduit la taille de cet ouvrage à celle d’un petit livre afin que vous puissiez l’emporter et qu’il puisse être le compagnon des étudiants lorsqu’ils sont chez eux, dans la rue, pendant leur temps libre, en voyage, ou lorsqu’ils se détendent ou se promènent.

Dirk Martens, en vrai humaniste, imprimera de nombreux livres de petit format peu cher afin de faciliter l’accès à la science et la culture au plus grand nombre.


Après le grand format (in-folio F°) et le format in-quarto 4° (chaque feuille pliée deux fois permettant d’obtenir quatre feuilles et donc huit pages d’un format proche de notre A4 d’aujourd’hui), Martens imprimera quantité d’œuvres au format in-octavo 8° (22 x 12 cm).

En réalité, Martens et Erasme marchent ici dans les pas de l’imprimeur vénitien Alde Manuce qui dès 1501 créa l’italique pour imprimer un recueil de Virgile.

L’avantage de l’italique est de prendre moins de place en largeur et donc de pouvoir mettre plus de mots sur une même ligne. Cette possibilité de mieux exploiter l’espace de la page a fait le succès de l’italique et a permis la fabrication de livres de petit format.

En promouvant ces « éditions de poche », de bonne composition, avec une typographie fonctionnelle et à un prix abordable, Martens plaide d’emblée pour la nouvelle pédagogie des humanistes.

Car :

Constatant à quel point certains enseignants noient les plus belles années de la jeunesse dans des règles compliquées et rigides de grammaire, j’ai cherché à composer un livre de dialogues (…) Car, par ces règles rigides de grammaire, nombreux sont ceux qui craignent l’étude des langes. Et pourtant, sans cette étude, la pratique des sciences s’avère fort compliqué. Or, la meilleure manière pour apprendre une langue, c’est de la pratiquer.

Alexandre Vanautgaerden, historien spécialiste d’Erasme et du livre, dans Typographus, l’incroyable histoire du premier graphiste ‘belge’ Thierry Martens (2009), souligne que:

«  pour rendre la lecture plus aisée, Martens ne typographie pas les textes en un seul bloc, mais va introduire la notion de paragraphes afin de structurer la lecture et de ne pas obliger le lecteur à découper mentalement une trop grande quantité de texte, ce qui l’obligeait souvent à lire à voix haute. Ce type de mise en page reflète discrètement un changement fondamental dans la civilisation occidentale, celui du passage de la lecture à haute voix, majoritaire pendant l’Antiquité et le Moyen Age, à la lecture silencieuse qui se généralise à l’époque d’Érasme. »

Ainsi, « si tu es capable de lire tes livres dans le métro en silence, ami lecteur, sans importuner tes voisins », conclut Vanautgaerden, « c’est en partie à Érasme et aux imprimeurs de son temps que tu le dois. »

Studieux et se contentant de peu, Martens ne refuse pas un bon verre de vin, comme le prouvent les dictons en grec qui ornent une de ses impressions : « Le vrai vin est l’apanage », suivi de « Dans les flots de Bacchus souvent on fait naufrage », ce qui rappelle ce qu’on retrouve chez Rabelais, admirateur d’Erasme : « In vino Veritas » (Dans le vin, la vérité).

Martens et le Collège des Trois langues d’Erasme

1518, l’alphabet hébraïque imprimé chez Dirk Martens à Louvain.

Dirk Martens et Erasme collaboreront pendant de longues années pour diffuser l’humanisme.

Érasme collabore directement avec Thierry Martens à deux moments : en 1503-1504 à Anvers et en 1516-1521 à Louvain. L’imprimeur d’Alost, au total, aura contribué à l’impression de 51 textes d’Érasme et à 17 textes traduits, édités ou commentés par l’humaniste, dont 33 éditions originales. 5 éditions d’Érasme sont des fantômes et n’ont jamais existé que dans les rêves des bibliographes. 68 éditions érasmiennes, cela signifie que plus du quart de la production générale de Thierry Martens est consacré au Rotterdamois.

L’amitié et l’affection de Martens pour Erasme était sans limite comme en témoigne l’anecdote suivante. Un jour, malade, Erasme rentre d’un long voyage à Bâle à Louvain. Or, au lieu de retrouver sa chambre au Collège du Lys, il se rend chez Dirk Martens.

Et alors que les chirurgiens jurent qu’Erasme a contracté la peste, Martens le garde chez lui dans De Gulden Toirtse, la maison où il habitait et exerçait sa profession d’imprimeur.

A partir de 1517, les productions de Martens se comprennent essentiellement comme une opération d’appui au fameux Collège des Trois Langues lancé à l’initiative d’Erasme à Louvain.

Dans ce collège « trilingue » où étudiants-boursiers et professeurs vivent ensemble, des savants de renommée internationale prodiguent un enseignement public et gratuit de latin, de grec et d’hébreu. Si Martens est de la partie, ce n’est pas un hasard.

Car, dès 1491, il est le premier imprimeur des Pays-Bas méridionaux à employer des caractères grecs dans un livre de grammaire en vers, le Doctrinale d’Alexandre de Villedieu.

Reedijk, en 1969, constate que : « Plus de 175 des impressions venues de la presse de Martens au courant des années 1512-1529 ont été repérées, mais nous pouvons partir de la supposition que sa production réelle a été considérablement plus importante. Dès le début, il accordait sa production fortement aux besoins de l’Université. Avec le renouvellement de l’enseignement dans l’esprit humaniste, culminant le 20 septembre 1519 en l’admission officielle du Collège des Trois-Langes, se reflète dans la liste des éditions de Martens ».

Martens a innové dans presque tous les domaines », nous disent les spécialistes de la Maison d’Erasme d’Anderlecht. « Tant au niveau des caractères d’imprimerie que de la mise en page. Il a été le premier à introduire des caractères italiques, grecs, hébreux et à généraliser l’emploi du romain, qui nous est devenu si familier aujourd’hui. Il a aussi été à la pointe de la révolution de la mise en page qui s’observe dans les 30 premières années du XVIe siècle et qui donne naissance au livre moderne, dans la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Ces avancées, il a pu les mettre en œuvre grâce à la collaboration étroite avec Érasme.

Savant et professeur

Pour sa part, l’historien jésuite André van Iseghem (1799-1869), dans le chapitre Martens, savant et professeur de sa biographie de l’imprimeur, cite Martin Dorp qui relate que Martens, dans une conversation, parlait aussi bien le français, l’allemand, l’italien que le latin. A cela s’ajoutait sa connaissance de l’hébreu :

Son dictionnaire hébraïque, qu’il rédigea lui-même comme il l’affirme dans la préface, prouve qu’il possédait parfaitement la langue sacrée, et qu’il était aussi bien en état de l’enseigner que les hébraïsants Van Campen et Cleynaerts (deux professeur d’hébreu au Collège des Trois Langues d’Erasme) dont il imprima les grammaires.

L’Utopie de Thomas More

1516, pages de l’Utopie de Thomas More, imprimé chez Martens à Louvain. A gauche, une carte imaginaire situant l’île d’Utopie. A droite, l’alphabet tout aussi imaginaire des Utopiens.

De ses presses sortiront également en 1516 un des monuments de la littérature mondiale, l’Utopie, ou le Traité de la meilleure forme de gouvernement de Thomas More. La genèse de l’Utopie est largement documentée (Texte complet sur wikisource).

En septembre 1515, Thomas More réside auprès de Pieter Gillis à Anvers où il imagine rencontrer Hythlodée, qui lui fait le récit d’une île inconnue et de ses habitants étranges.

Dans l’esprit de La République de Platon, celui qui deviendra le chancelier d’Angleterre y décrit un Etat imaginaire avec des conditions sociales idéales. More n’était pas un inconnu pour Martens. En 1516, année où paraît l’Utopie, ils entretenaient déjà depuis douze ans des contacts professionnels, qu’ils poursuivront encore pendant sept ans.

Par ailleurs, l’imprimeur publia pas moins de 61 éditions d’Erasme. Dès 1512, Martens avait réimprimé L’Éloge de la Folie d’Erasme, dédié à Thomas More. Après l’Utopie, il publiera, en 1519, encore deux éditions des traductions de Lucien par Thomas More.

Martens publie bon nombre d’écrits d’humanistes réputés, une nouvelle version d’un dictionnaire Latin-Néerlandais ainsi que le récit de Christophe Colomb sur la découverte du nouveau monde.

En 1523, il publie in-4° l’œuvre complète d’Homère en grec, une prestation de premier ordre pour cette époque.

Là où l’on brûle les livres,
on finit par brûles les hommes

Autodafé (littéralement « acte de foi » ) à Anvers.

Le 15 juin 1520, la bulle Exsurge Domine du pape Léon X condamne 41 erreurs de Martin Luther et ordonne la confiscation au plus vite de ses écrits et leur destruction par le feu en présence du clergé et le peuple.

« On commence par brûler les livres, on finit par les personnes », ajoute alors Erasme dans une phrase qui deviendra célèbre lorsqu’elle est reprise quelques siècles après par le poète allemand Heinrich Heine qui dira : « Là où l’on brûle les livres, on finit par brûler les hommes. »

D’office, Erasme conteste l’efficacité de telles méthodes. Car, si l’on peut brûler les livres qui ornent les étagères, ce n’est pas pour autant que leur contenu disparaît de la mémoire des gens.

Propagande anti-Luther le présentant comme la cornemuse du diable.

Hélas, Erasme ne s’est pas trompé. En 1523, Jean Vallier, moine augustin de Falaise (Normandie), est brûlé vif à Paris comme luthérien.

En 1526, c’est le tour de Jacques Pavan, traducteur de Luther et disciple de l’évêque réformateur de Meaux, Guillaume Briçonnet (1470-1530), suivi par Louis de Berquin en 1529, gentilhomme ami et traducteur d’Érasme, sans oublier Antoine Augereau, imprimeur rue Saint-Jacques, qui donnera plusieurs impressions du Miroir de l’âme pécheresse de Marguerite de Navarre en 1533, brûlé en 1534 avec ses livres place Maubert, tout comme Etienne Dolet (éditeur notamment de Rabelais), lui aussi étranglé puis brûlé avec ses livres au même endroit en 1546 sur cette place réservée aux bûchers des imprimeurs.

Les persécutions contre les protestants vont alterner pendant plus de trente ans avec des périodes de tolérance, jusqu’aux massacres à répétition qui auront pour nom guerres de Religion (1562-1598).

Le 9 septembre 1520, Erasme écrit :

Je crains le pire pour le malheureux Luther (…) tellement la conspiration se répand partout, tellement de tous côtés les rois, et avant tout le Pape Léon, sont fâchés contre lui (Luther). Si seulement il avait suivi mon conseil et s’était abstenu de tout acte hostile et insurrectionnel. (…) Ils ne vont pas se reposer avant d’avoir exterminé l’étude des langues et des bonnes lettres (…) C’est en premier lieu par haine contre celles-ci et à cause de la stupidité des moines, que cette tragédie est née (…) Je n’en m’en mêle point. Par ailleurs, on m’a préparé un évêché si j’accepte d’écrire contre Luther.

Jérôme Aléandre. Spécialiste des belles lettres et du grec classique, il avait partagé la chambre d’Erasme chez l’imprimeur vénitien Aldo Manuce. Une fois nommé légat du Pape, Aléandre organisa une chasse aux sorcières impitoyable contre Erasme qu’il appela « La peste des Flandres ».


Aux Pays-Bas et en Belgique, c’est le nonce Jérôme Aléandre (1480-1542), légat papal auprès de l’empereur, qui ordonne des descentes chez les imprimeurs, notamment chez Dirk Martens à Anvers et à Louvain où plus de quatre-vingts livres luthériens, ouvrages importés d’Allemagne, sont confisqués et brûlés le 8 octobre 1520 sur la Grande Place de Louvain, à deux pas du Collège des Trois Langues.

Erasme, rapporte qu’à Louvain où il se trouva, la foule était « prise de rire », tellement la démarche leur semblait dérisoire.

Un mois plus tard, le 27 juin 1521, Aléandre envoie de Louvain un rapport au cardinal Giulio de Medici, le futur pape Clément VII, à cette époque encore le vice-chancelier de Léon X.

Ensuite, le 26 mai 1521, l’empereur Charles Quint, en conclusion de la Diète de Worms, condamne à son tour Luther et ordonne, par « l’Edit de Worms », la justice à brûler ses livres. Suit alors une série d’autodafés, notamment en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Espagne.

Le texte est rédigé en italien et accompagné d’un exemplaire de l’édit de Worms que Martens avait été obligé d’imprimer. De cette édition, le seul exemplaire sauvé est conservé aux archives du Vatican. Dans le dernier alinéa de sa lettre, Aléande écrit :

J’ai passé neuf jours à Louvain ; tout y marche bien. L’Université orthodoxe d’ici est aux pieds de Sa Sainteté, à Laquelle elle se recommande. J’ai donné les ordres nécessaires ; qu’ils n’aient pas été exécutés plus vite est dû à l’imprimeur qui, à défaut de caractères, n’a pu composer qu’une forme par jour et comme il n’avait pas de correcteurs je me suis vu contraint de corriger moi-même.

Il est permis de croire que le vieux Martens, espiègle et sans doute feignant d’être un esprit un peu rustre et plein d’admiration pour son illustre invité, s’est fait un malin plaisir à obliger ce dernier, ex-humaniste passé dans le camp de l’oligarchie, de corriger lui-même les impressions.

Chez l’imprimeur en question, poursuit Aléandre, j’ai fait confisquer naguère par voie judiciaire un grand nombre de livres de Luther ; peut-être est-ce pour cela qu’il m’a contrecarré maintenant et a-t-il imprimé l’édit, pour gagner davantage, sur cinq feuilles, quoique trois feuilles eussent suffi. Au reste, c’est un homme honnête qui a certainement retrouvé la bonne voie, dont il s’était écarté avant, sous l’influence de qui vous savez, celui qui a putréfié tout ce pays de Flandres [Erasme]. Mais coupons là pour le moment, car j’espère en parler avec vous plus longuement.

Vieille presse dans le musée d’Alost.

Cette lettre se passe de tout commentaire. Celui à qui Aléandre fait allusion à la fin ne peut être qu’Erasme, celui qu’il surnomme « la peste des Flandres ».

Le 15 juillet 1521, l’ami d’Erasme, le peintre-graveur allemand Albrecht Dürer, illustrateur de la Bible, rentre d’Anvers au Pays-Bas avec sa femme à sa ville natale Nuremberg où la répression est moindre.

Plusieurs années après, en 1552, le célèbre cartographe Gérard Mercator, un élève brillant du Collège Trilingue de Louvain, pour avoir exprimé des doutes sur la vision d’Aristote, se voit lui aussi contraint à l’exil et s’installe avec sa femme à Duisbourg en Allemagne.

Si Erasme condamne la dérive autoritaire de l’Eglise, il n’épargne pas pour autant Luther qui par ses excès leur rend service : « J’ai couvé un œuf de colombe, Luther en a fait sortir un serpent ».

Le 15 octobre 1521, à la demande de ses amis, il quitte Louvain et son ami Dirk Martens part s’installer à Bâle chez un autre humaniste, l’imprimeur suisse Johann Froben.

C’est de ses presses que sortiront en 1530, le De Re Metallica, un inventaire très complet des techniques d’exploration minière et véritable manifeste en faveur de la révolution industrielle qu’elle va engendrer en Saxe, en Allemagne, en Suisse et en Europe.


Illustration du livre De Re Metallica de Georgius Agricola, texte capital pour la révolution industrielle en Allemagne et en Europe, publié en 1530 par Froben en Suisse avec une préface d’Erasme.

La première édition de cet ouvrage, écrit par le savant saxon Georgius Agricola, fut préfacé par Erasme. L’admiration du grand humaniste pour ce texte emporta les préventions de l’auteur.

En 1529 Martens se retire à Alost au couvent des Guillelmites où il décède le 2 mai 1534.

C’est alors le gendre de Martens, Servaes van Sassen qui prend l’imprimerie et la maison d’édition de Martens en main avec l’aide de Rutgerus Rescius qui décède en 1545.

Avant de devenir le premier professeur de grec au Collège Trilingue d’Erasme à Louvain, Rescius travaillait comme correcteur de grec chez Martens et vécut en pension chez lui.

C’est notamment lui qui enseigne le grec au célèbre anatomiste André Vésale dont il publie en 1537 la première œuvre. L’helléniste acquiert en quelques années une grande réputation, à telle enseigne qu’en 1527 il se voit proposer la chaire de grec du Collège des lecteurs royaux que le roi François Ier cherche à établir à Paris à l’instigation de Guillaume Budé ; il refuse sur le conseil d’Érasme.

Le « Comité Martens » d’Alost n’a donc pas tort lorsqu’il souligne :

L’importance de Martens réside moins dans le fait qu’il apporta les nouvelles techniques d’impression que dans son rôle de pionnier de l’humanisme. L’art qu’il apprend en Italie n’est pas seulement une technique mais un art de vivre qui s’appelle l’humanisme. Le rôle de Martens pour l’histoire de l’humanisme et donc tout aussi important que son rôle de technicien.


Livres d’Erasme frappés de censure. Du coup ça donne envie de les lire, non ?

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L’ange Bruegel et la chute du cardinal Granvelle

La chute des anges rebelles, tableau de Pieter Bruegel l’ancien (1562).

A propos du livre de Tine Luk Meganck, Pieter Bruegel the Elder, Fall of the rebel angels, Art, Politics and Knowledge at the eve of the Dutch Revolt, (Pierre Bruegel l’Ancien, La chute des anges rebelles, art, savoirs et politique à la veille de la révolte des Pays-Bas) (2014, Editions Silvana Editoriale, Collection des Cahiers des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique).


Ayant pu régulièrement admirer ce tableau à ce qui s’appelait encore le Musée royal d’Art ancien lors de ma formation à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles, la Chute des anges rebelles de Pieter Bruegel l’Ancien méritait bien qu’on lui consacre un jour une recherche approfondie.

C’est désormais chose faite avec l’étude de Tine Luk Meganck, docteur en histoire de l’art diplômée par l’Université de Princeton et chercheure attachée au Musée de Bruxelles, dont les recherches furent publiées en anglais en 2014 dans la Collection des Cahiers des Musées Royaux des Beaux Arts de Belgique.

Si ce livre, qu’il faut saluer, en rappelant aussi bien le milieu culturel que la situation politique exerçant une influence sur la démarche du peintre, permet de mieux « lire » l’œuvre paradoxale du peintre flamand, l’étude, en évitant certains détails précieux tout en faisant des gros plans sur d’autres, nous laisse sur notre faim quant à l’essentiel.

Pire, à force d’étoffer ce qui ne reste que des simples hypothèses, Mme Meganck a bien du mal à résister à la tentation de vouloir nous faire partager d’office des conclusions qui n’ont pas lieu d’être mais qui lui permettraient de conforter une hypothèse déjà ancienne disant que le cardinal Granvelle, figure plus qu’ambigu du pouvoir impérial espagnol, aurait pu être un des commanditaires de Bruegel. Avant de répondre à cette question, revenons au tableau.

La Chute des anges rebelles, vaste tableau (117 x 162) peint sur bois de chêne par Pieter Bruegel l’Ancien en 1562, reprend une vieille thématique chrétienne qui cherche à répondre aux interrogations des croyants :

Si Dieu était le créateur de tout ce qui existe, a-t-il également créé le mal ?

La chute des anges rebelles, miniature d’un maître anonyme, Livre des bonnes mœurs de Jacques Legrand, Bourgogne, XVe siècle. (Crédit : BNF)

Bien avant la Théodicée du philosophe allemand Leibniz (1646-1716) qui répond en profondeur à cette question, Augustin d’Hippone (354-430), en rompant avec le manichéisme pour qui l’histoire n’était qu’une lutte incessante entre le « bien » et le « mal », souligne que le mal n’a aucune légitimité et n’est que simple « absence » du bien. En clair, si l’homme fait le choix de faire le bien, le mal, sans vecteur de propagation, est obligé de battre en retrait.

Une autre allégorie fut ajoutée pour expliquer l’origine du mal, celle de l’ange déchu. Le poète anglais John Milton (1608-1674), dans son célèbre Paradis perdu (1667) ainsi que le poète néerlandais Joost Van den Vondel (1587-1679), dans son Lucifer (1654) brodent sur ce thème. Lorsque Dieu créa l’homme à son image, avancent-ils, les anges qui l’entouraient, succombaient à la jalousie. Le Seigneur les chargea d’observer le comportement des hommes qu’il avait créé à son image. Constatant la beauté et l’harmonie de l’existence humaine, les anges furent pris de panique : avec des humains si près et tant aimés de Dieu, qu’allons-nous devenir ?

L’évêque Irénée de Lyon (130-202), affirma que l’ange

à cause de la jalousie et de l’envie qu’il éprouvait à l’égard de l’homme pour les nombreux dons que Dieu lui avait accordés, fit de l’homme un pécheur en le persuadant de désobéir au commandement de Dieu, provoqua sa ruine.

Découvrant la déchéance de certains anges, Dieu ordonna leur expulsion.

Plusieurs prophètes annoncent, après une guerre féroce, le triomphe de l’archange Michel et de sa milice céleste d’anges sur Lucifer, prince des lumières. Ce n’est plus une lutte éternelle mais la victoire du bien et de Dieu sur le mal annonçant le Royaume de Dieu dans l’univers.

D’après le livre de l’Apocalypse de l’apôtre Jean (chapitre 12, verset 7-9),

Il y eut guerre dans le ciel : Michel et ses anges sont allés à la guerre avec le dragon. Et le dragon et ses anges. Et il a réussi, ni était un endroit pour eux dans le ciel. Et le grand dragon fut précipité, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, qui trompe le monde entier, a été jeté à la terre, et ses anges furent précipités avec lui.

Depuis Origène (185-253), la chute de l’ange provient du péché d’orgueil. Reprenant le Livre d’Isaïe (versets 12 à 14), Origène affirme :

Comment Lucifer est-il tombé du ciel, lui qui se levait le matin ? Il s’est brisé et abattu sur la terre, lui qui s’en prenait à toutes les nations. Mais toi, tu as dit dans ton esprit : Je monterai au ciel, sur les étoiles du ciel je poserai mon trône, je siégerai sur le mont élevé au-dessus des monts élevés qui sont vers l’Aquilon. Je monterai au-dessus des nuées, je serai semblable au Très Haut. Or maintenant tu as plongé dans la région d’en bas et dans les fondements de la terre.

Aux Quatre Vents

La chute des anges rebelles de Frans Floris, 1554.


Bruegel va y ajouter son imagination et la philosophie érasmienne qu’il a rencontré en travaillant à Anvers dans l’atelier Aux Quatre Vents du graveur Jérôme Cock, fils de Jan Wellens Cock, un disciple de Jérôme Bosch.

Dans cet atelier, il a pu croiser le graveur néerlandais Dirck Volckertszoon Coornhert (1522-1590), formé par le jeune secrétaire d’Erasme, Quirin Talesius (1505-1575), lui-même traducteur d’Erasme en néerlandais et futur secrétaire d’Etat du prince d’Orange, Guillaume le Taciturne (1533-1585) le grand dirigeant humaniste qui souleva les Pays-Bas contre l’Empire espagnol.

Dirck Volkertszoon Coornhert, portrait de Maarten Van Heemskerk.

Coornhert s’occupe de graver l’œuvre du peintre Maarten van Heemskerk et de Frans Floris, lui aussi l’auteur en 1554 (donc huit ans avant Bruegel) d’un tableau sur le thème de la Chute des anges rebelles. En 1560, lorsque Coornhert devient éditeur, son élève s’appelle Philippe Galle qui grava plusieurs dessins de Bruegel pour l’éditeur Jérôme Cock.

Pour l’atelier de Cock, Bruegel élabora deux séries de gravures : les « Sept péchés capitaux » et les « Sept vertus ».

Comme le note Mme Meganck, Bruegel, renouant avec une vieille tradition qui date du moyen-âge, place à coté de chaque péché un animal symbolisant le coté bestial de la chose : à coté de la rage, un ours ; à coté de la paresse, un âne ; à coté de l’orgueil, un paon ; à coté de l’avarice, un crapaud ; à coté de la gourmandise, un sanglier ; à coté de la jalousie, une dinde et enfin, à coté de la luxure, un coq.

La Fortitude, gravure au burin de la série Les Sept Vertus, réalisée par Jérôme Cock d’après un dessin de Bruegel l’ancien. La légende dit : « Vaincre ses impulsions, pour retenir sa rage ainsi que d’autres vices et émotions, voila ce qui est la vraie fortitude (force) ».

Déjà, dans sa gravure la Fortitude qui fait partie des Sept vertus et qui anticipe d’une certaine façon la Chute des anges rebelles, Bruegel montre une armée d’hommes tabassant un ours (la rage), tuant le sanglier (la gourmandise), égorgeant le paon (l’orgueil), frappant le crapaud (l’avarice), etc. Sous la gravure on peut lire en latin :

Vaincre ses impulsions, pour retenir sa rage ainsi que d’autres vices et émotions, voila ce qui est la vraie fortitude (force).

Or, chez Bruegel, les anges rebelles, dans leur chute, ne se transforment pas en démons à cornes mais en oiseaux plumés, en crapauds, en singes et autres cochons sauvages —qui font tous plus rire que trembler— ratiboisés par des anges restés fidèles et annonçant, à coup de buisines, leur triomphe.

Homme au turban, de Jan Van Eyck, 1433.

Et lorsque Mme Meganck affirme sans hésitation qu’un des cochons avec un bonnet rouge est une référence au peintre et diplomate humaniste flamand Jan Van Eyck, pour la raison toute simple qu’il était connu pour avoir porté un turban rouge, je ne sais plus s’il faut rire ou pleurer…

Il n’existe d’ailleurs aucune preuve formelle permettant de conclure que le portrait d’un homme avec un turban rouge, peint sans doute par Van Eyck en 1433 est un autoportrait.

En tout cas, pour le courant humaniste augustinien que nous évoquions, le mal n’est pas systématiquement quelque chose d’extérieur à l’homme mais également une chose à surmonter par chaque homme en lui-même en faisant le choix du bien. Rappelons que déjà, dans le polyptyque du Jugement dernier de Roger Van Der Weyden à l’Hospice de Beaune, ce n’est nullement le diable qui tire l’homme en enfer, mais d’autres hommes et femmes !

Ce qui est incontestable, c’est que lorsque Bruegel peint La chute des anges rebelles, il vise directement l’orgueil de ceux qui « se prennent pour Dieu » ou se croient même au-dessus de lui.

Reste alors à savoir à qui il s’adresse ? Pense-t-il comme le cardinal Granvelle aux Luthériens contestant l’autorité de l’Eglise de Rome ? Ou pense-t-il aux Catholiques espagnols dont l’absolutisme répressif et orgueilleux en défense de leur pouvoir terrestre, allait totalement à l’encontre de la vraie « philosophie du Christ » telle qu’elle fut défendue par Guillaume le Taciturne, lecteur d’Erasme et de Rabelais ?

C’est là, où notre analyse diffère radicalement de celle de Mme Meganck.

Le palais du Coudenberg à Bruxelles au XVIe siècle, à l’époque la capitale des Pays-Bas bourguignons.

En 1562, en effet, Bruegel s’installe à Bruxelles où il se marie l’année suivante avec Mayken Coeck, fille de son maître Pieter Coecke van Aelst. La Cour de Bruxelles avec celle de Madrid, est alors l’endroit où se joue aussi bien le destin des Flandres que celui des Habsbourg.

Or, à cette époque, l’Empire espagnol qui règne sur les Pays-Bas bourguignons, en dépit des arrivages d’or du Nouveau monde, subira les conséquences dramatiques de quatre faillites d’État : 1557, 1560, 1575 et 1596. Or, comme aujourd’hui, pour faire perdurer la valeur de plus en plus fictive de certains titres financiers, il faut, y compris par la force de l’épée, extorquer la richesse physique des populations qui sont sommées à régler la facture.

Ainsi, comme l’a fort bien analysé feu l’historien d’art Michael Gibson, lorsque Bruegel peint Le dénombrement de Bethléem (1566, année où commence le mouvement iconoclaste), il peint l’occupant espagnol collectant la dîme et lorsqu’il peint Le massacre des innocents (1565), pour figurer les troupes romaines, il peint les sinistres tuniques rouges (les Rhoode Rox) de la gendarmerie impériale de Philippe II qu’on retrouve également dans Le portement de croix (1564). Et lorsqu’il peint la Tour de Babel (1563), où défile le Pape à un des étages supérieurs, il dénonce l’orgueil d’un pouvoir terrestre s’estimant, péché suprême, au-dessus de celui de son Seigneur.

Antoine Perrenot de Granvelle

En tant que fils d’un notable influent, Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1586), sans être d’origine aristocratique, a eu une carrière fulgurante.

Dès l’âge de 21 ans il est appelé à se mettre au service des Habsbourg en tant qu’évêque d’Arras. Après le décès de son père, il devient le garde des Seaux et le secrétaire d’État de l’Empereur Charles Quint.

A Bruxelles il fait ériger un palais grandiose style Renaissance et il se fait peindre son portrait par le Titien.

Il est à la manœuvre pour marier Philippe II avec Marie Tudor et œuvre comme diplomate, notamment lors du traité de Cateau-Cambrésis (1559). Granvelle sera le conseiller principal de Philippe II dans les années précédent la révolte des Pays-Bas.

Réticent à titre personnel devant la répression, sa loyauté quasi-religieuse au Roi l’amena à appliquer sans état d’âme les mesures les plus extrêmes de l’Inquisition et de Philippe II.

Lorsque ce dernier rentre à Madrid, Granvelle, en contact permanent avec le Roi, imposa sa politique à la jeune Margarite de Parme, la régente.

La Consulta, un cabinet secret de seulement trois personnes assure sa tutelle : Charles de Berlaymont, un administrateur dévoué, Wigle van Aytta (Viglius), un ex-érasmien ayant perdu tout courage pour s’imposer face à un Granvelle omnipuissant. Lorsque la ville d’Anvers devient une poudrière luthérienne, Granvelle fait multiplier les diocèses et se fait nommer en 1561 cardinal-archevêque de Malines obtenant ainsi une voix au Conseil d’État.

La révolte des nobles

En mai 1561, constatant leur mise à l’écart dans l’exercice du pouvoir, dix membres de l’Ordre de la Toison d’or, c’est-à-dire des membres de la noblesse, notamment le comte Lamoral d’Egmont, Philippe de Montmorency comte de Hornes et huit autres seigneurs se réunissent alors chez le Prince Guillaume d’Orange (le « Taciturne »), pour former une « Ligue contre Granvelle » exigeant son départ et celui des troupes espagnoles. Sous la pression, le roi finit par retirer les troupes en 1561 et renvoi Granvelle en Franche-Comté en 1564. Trop peu et trop tard pour aplanir les tensions entre la noblesse et Madrid. Egmont tente alors de plaider la cause à Madrid mais revient avec des promesses assez vagues.

Guillaume d’Orange, dit le Taciturne, lecteur d’Erasme et fondateur de la République des Pays-Bas.

Reprenant à son compte la thèse qui prétend que l’origine de la révolte des Pays-Bas fut un conflit entre d’un coté la noblesse « de robe », du type du cardinal Granvelle et de l’autre, la « noblesse d’épée » comme Guillaume d’Orange, Mme Meganck affirme que

la raison pour la détérioration des relations entre Granvelle et Orange n’était pas tellement un conflit idéologique mais un conflit pour des positions de pouvoir.

Or rien n’est plus faux et méprisant pour ce dirigeant hors du commun. Il serait fastidieux ici de résumer en quelques lignes la biographie très documentée d’Yves Cazaux, Guillaume le Taciturne (Fond Mercator, Albin Michel, Anvers 1973). Le prince d’Orange, tout comme Erasme dès 1517, estimait que si le Vatican persistait à faire de Luther son ennemi principal, les guerres de religions risquaient de ravager l’Europe pendant un siècle et de diviser gravement la chrétienté. Ancien conseiller des Finances, Guillaume savait aussi que la présence des troupes espagnoles, que Granvelle cherchait à renforcer, ne pouvait qu’accélérer le pillage des populations et donc accélérer la désunion.

Dans un moment relativement unique, aux Pays-Bas, aussi bien la noblesse que le peuple voyait leur liberté religieuse, économique et culturelle menacé. Alors que pour Granvelle la défense de son pouvoir personnel et sa richesse coïncidait avec la défense de l’absolutisme espagnol, Guillaume d’Orange défendait, essentiellement en engageant sa fortune personnelle, l’idéal de l’unité et du bien commun.

Notons que l’acte de la Haye (dit « acte d’abjuration ») de 1581, qui formalise l’indépendance des Pays-Bas, souligne que « le prince est là pour ses sujets, sans lesquels il n’est point prince ».

Le même texte utilise le terme néerlandais « verlatinghe » (abandon). Car pour les fondateurs de la République néerlandaise, c’était Philippe II d’Espagne, par ses exactions et en violation de l’intérêt général, qui a abandonné les Dix-sept Provinces, non pas le contraire.

Parlant de Granvelle, grand ami du sanguinaire duc d’Albe chargé de mettre de l’ordre dans le pays après Granvelle, Yves Cazaux estime que

ce prélat ambitieux, distingué, humaniste et jouisseur n’était sans doute pas le plus assoiffé de sang et il a pu écrire avec une certaine vraisemblance qu’il avait tempéré la répression autant qu’il avait pu. On trouve aussi dans ses papiers, sa doctrine et son programme politique pour les Pays-Bas : il avait conseillé au Roi d’incorporer tous les pays ‘en un seule royaume et s’en faire couronner roi absolu’. Au roi absolu de Granvelle, le prince d’Orange opposait la Généralité dans la liberté et la conception érasmienne de la souveraineté nationale. A la croisade de toute la catholicité, vœu de Granvelle et des Guise, le prince opposait la tolérance et la liberté religieuse. Les deux hommes étaient faits pour s’affronter en combat mortel, sans peut-être avoir perdu toute estime pour l’autre.

Chambres de Rhétorique

En 1561, lors du Landjuweel d’Anvers (concours public en plein air de poésie, de chansons, de théâtre et de farces), une pièce de théâtre mettait en scène comment —éclairées par la lumière—, la paix, la charité et la raison, avec l’aide de la prudence, de la rhétorique et de l’inventivité, chassaient la rage, la jalousie et la discorde.

Apport nouveau et important de Mme Meganck, l’influence des Chambres de Rhétorique et le Landjuweel d’Anvers de 1561 sur Bruegel, une piste dont me parla déjà Michael Gibson et qu’il développa dans son livre Le portement de croix (Éditions Noêsis, Paris 1996) qui servira par la suite à la réalisation du film « Bruegel, le moulin et la croix ».

Montrant à quel point la population voyait venir l’orage, en 1562, lorsqu’une Chambre de Rhétorique posa la question : « Qu’est-ce qui permettrait le maintien de la paix ? », les réponses qui prévalaient étaient « la sagesse », « l’obéissance », « la crainte de Dieu » et « l’unité ». Détail intéressant évoqué par Mme Meganck, 4 des 70 réponses évoquaient la chute de Lucifer et les anges rebelles, tellement le thème était populaire.

Un rhétoricien de la Chambre du Saint Esprit de Geraardsbergen ajouta par ailleurs que

La sagesse est également un bien en politique, car la sagesse n’est ni l’orgueil ni le rejet, mais l’amour tendre qui amène les bergers à diriger la communauté, pas avec des préjugés mais avec un cœur joyeux, sans penser à eux-mêmes ou être assoiffé de pouvoir, mais en cherchant le bien-être du peuple, comme un père le fait pour ses enfants : voilà les bon dirigeants pour la communauté laïque.

Alors que ces expressions culturelles étaient une soupape de sécurité inestimable permettant d’éviter l’explosion de la cocotte-minute sociétale, dès la moindre critique des ecclésiastiques, la répression frappait.

Scène d’une procession à Anvers. Tableau d’Erasmus de Bie.

Après qu’une Chambre de rhétorique avait ironisé en 1560 sur le clergé et le saint Esprit, et après une enquête approfondie à propos de ces « pièces scandaleuses » menée par Granvelle en personne, un placard ordonna qu’à partir de là, toutes les chansons et poèmes, avant d’être chantés ou récités, nécessitaient une autorisation préalable par les autorités religieuses et temporelles.

Commanditaire ?

Granvelle, peint par Frans Floris.

Lorsque Mme Meganck écrit (p. 155) que « L’hypothèse que Granvelle aurait commandité la Chute des anges, ou que Bruegel aurait adressé son invention spécifiquement à lui, permettrait de jeter une nouvelle lumière sur le cœur de son iconographie », je peux souscrire à la deuxième partie de son énoncé.

Cependant, lorsqu’elle poursuit « Dans le contexte de la révolte de la noblesse locale des Pays-Bas contre Granvelle, l’intention du tableau semble extrêmement pertinent : ceux qui se rebellent contre l’ordre établi finiront en ruine », on ne la suit plus. Car rien n’est plus juste, de contester une autorité illégitime (mais parfois légale), au nom d’une autorité supérieure fondée sur le bien, le vrai et le beau, comme l’a fait le général De Gaulle contre l’occupation Nazie et un régime collaborationniste qui le condamna à mort ! Si l’on appliquait ce raisonnement à la France de 1940, De Gaulle aurait été Lucifer !

Pour sa défense, Mme Meganck, qui récuse « la propagande de la révolte néerlandaise » pour qui Granvelle aurait été « un monstre assoiffé de sang », rapporte que ce dernier, un collectionneur passionné de tableaux et de curiosités de toutes sortes, artificielles et naturelles, et disposant d’un nain à son service, s’intéressait aussi bien à l’œuvre de Jérôme Bosch qu’à celle de Bruegel. Philippe II aurait même retardé son redéploiement à Besançon tellement il approvisionnait la cour de Madrid avec toutes sortes d’objets extravagants.

Mme Meganck rappelle que l’inventaire de la collection de Granvelle, une collection enrichie après sa mort par sa famille, comprenait en 1607 La fuite en Égypte, une œuvre de Bruegel l’Ancien datée de 1563. En 1575, plusieurs années après la mort de Bruegel, l’évêque de Tournai Maximilien Morillon, son confident, signale à Granvelle que les prix des tableaux du peintre ont nettement augmenté.

Mme Meganck, se contredisant, nous dit qu’il est regrettable qu’aucune preuve formelle n’existe pour affirmer que Granvelle aurait commandité une œuvre auprès de Bruegel tout en disant, page 146 :

Granvelle est un des rares amateurs d’art connu qui a probablement possédé des peintures de Bruegel durant la vie de l’artiste.

Collectionneur érudit

Etude d’insectes divers, anonyme, vers 1550.

Le livre de Mme Meganck constate également que le tableau de Bruegel grenouille (c’est le cas de le dire) de références à des objets exotiques qui commençaient à faire la fierté des collectionneurs érudits tel que Granvelle : papillons, oiseaux et poissons exotiques, cadrans solaires et instruments de musique, pièces d’armures, casques et calices.

Par exemple, Mme Meganck épingle dans son livre un beau papillon qui aurait pu faire partie de ce genre de collections et qu’on le retrouve au centre de La chute des anges rebelles.

Vanité, de Jan Sanders Van Hemessen (vers 1540).

Notez que ce type de papillon figure également dans la Vanité (1540) de Jan Sanders Van Hemessen comme métaphore du caractère éphémère de l’existence humaine, une thématique qui ne pouvait qu’intéresser l’érasmien qu’était Bruegel. Bruegel aurait-il voulu séduire Granvelle en étalant de tels objets exotiques ? tente l’auteure.

Tout au contraire, notre Bruegel, Pierre le drôle, semble bien avoir cherché à montrer comment des individus comme Granvelle, des possédants possédés par leurs possessions, finiraient bien par emporter leurs riches collections luxueuses dans leur chute.

Un dernier détail, un des rares qui semble bizarrement avoir échappé à l’auteure, conforte plutôt notre hypothèse tout en mettant à mal la sienne : en bas au milieu du tableau quelques unes des sept têtes couronnées de couronnes du dragon de l’Apocalypse (Note 1) symbolisent de façon métaphorique le pouvoir absolutiste si cher à Granvelle. Le commanditaire serait donc plutôt à chercher du côté de Guillaume le Taciturne.

Soulignons que c’est lorsqu’en juin 1580 Philippe II signe un édit promettant à quiconque tuerait Guillaume d’Orange, l’anoblissement et 25 000 écus, que Balthazar Gérard, un franche-comtois fanatisé (Note 2), se rend à Delft aux Pays-Bas et l’abat de trois balles de pistolet.

Pour conclure, précisons également que Mme Meganck n’a pas trouvé l’endroit propice dans son texte pour rapporter l’affirmation de Karel Van Mander, auteur du Schilderboeck de 1604, que peu avant sa mort et au moment où chaque famille bruxelloise se voit contrainte par l’occupant d’accueillir chez elle des soldats espagnols sans solde, Bruegel ordonna à sa femme de brûler ses lettres et œuvres sur papier par crainte des ennuis qu’elles pourraient lui procurer à elle et ses enfants.

La bonne nouvelle, c’est que la Chute des anges rebelles, certes un livre ouvert pour ceux qui voudront bien le lire, gardera encore pour un certain temps ses mystères.


NOTES:

*1: Dans le Livre de l’Apocalypse 13:1 et 13:2, il est dit : « Et il se tint sur le sable de la mer. Puis je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis était semblable à un léopard ; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité.… »

*2: Le village natal de l’assassin, Vuillafans, à 42 km de Besançon (ville natale du cardinal Granvelle) dans le Doubs, conserve fièrement sa maison et une rue porte son nom…

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A propos du film « Bruegel, le moulin et la croix »


Film de Lech Majewski, avec Rutger Hauer, Charlotte Rampling et Michael York. Sorti en France le 28 décembre, sortira en Belgique le 29 février 2012.


L’énorme tableau (1,7 m sur 1,24 m) ou, pourrait-on dire, miniature géante (500 personnages), sur lequel s’appuie ce film, appelé Le Portement de Croix, a été exécuté en 1564 par Pierre Bruegel l’ancien au moment où l’Empire espagnol, sous prétexte de combattre les hérétiques, impose une austérité sanguinaire à une Flandre peuplée et prospère.

En réalité, en 1557, l’Empire des Habsbourg et ses banquiers, les Fugger d’Augsbourg, sont en faillite et l’Espagne subit un défaut souverain. En dépit de tout l’or tiré d’Amérique du sud et de l’envoi du Duc d’Albe, elle le sera de nouveau en 1560, 1575 et 1596.

Ambitieux, le film permet enfin à un public non initié d’apprécier Bruegel dans sa véritable dimension, celle d’un peintre engagé et politique fréquentant à Anvers la Schola Caritatis (Huis van Liefde), un cercle d’humanistes érasmien autour de Hendrick Niclaes, de l’imprimeur tourangeau Christophe Plantin ou encore des grands cartographes Ortelius et Mercator.

Pierre Bruegel l’Aîné, Le portement de croix, 1564, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

Acte de résistance, le tableau met en scène les Rhoode rox, des gendarmes mercenaires espagnols en tunique rouge, véritables SS au service de l’occupation espagnole. Et paradoxalement, c’est bien au nom de la défense de la « vraie religion » qu’ils conduisent le Christ vers le Golgotha pour sa mise à mort.

En 1999, lors d’un entretien, le critique d’art et fin connaisseur de Bruegel Michael Francis Gibson, co-auteur du script du film avec le peintre symboliste, photographe et réalisateur américano-polonais Lech Majewski, m’avait confié que pour Bruegel, « le monde est vaste », car il englobe « tout ce qui existe de la petite enfance jusqu’à la vieillesse ; du jeu de l’enfant jusqu’aux plus abominables tortures. Il y a une juxtaposition des deux. C’est pour ça que je suis tellement frappé par ce groupe qui s’avance vers le Golgotha dans le tableau Le portement de croix. On y voit un grand garçon qui chipe le bonnet d’un petit enfant qui tente de le reprendre. Et juste à côté, on prépare la mise à mort des malheureux qui vont monter vers le Golgotha. »

Le film, en faisant appel à cette même méthode de composition fondée sur la mise en valeur des oppositions, donne magnifiquement vie à une douzaine de personnages du tableau. Ajoutez à cela des effets spéciaux d’une grande qualité esthétique, et c’est la philosophie même du peintre qui nous est rendue accessible.

Le problème du symbolisme

Cependant, on est en droit de s’interroger sur certaines interprétations symbolistes du producteur qui finissent par empoisonner ce qui autrement aurait pu être un film encore plus grandiose. Reprenons l’interprétation de certains éléments du tableau.

Une polarité formée par deux éléments qui ne font qu’un : l’énorme rocher à l’arrière-plan sur lequel triomphe un moulin, et un colporteur assis au premier plan, tournant le dos au spectateur (Détail du tableau Le Portement de Croix).

S’il est certain que le spectateur doit vraiment chercher la figure du Christ – pourtant au centre de l’œuvre, à la croisée des diagonales – ce qui frappe avant tout, et il s’agit là d’une des clés majeures pour la compréhension de l’œuvre, c’est la polarité formée par deux éléments qui ne font qu’un : l’énorme rocher à l’arrière-plan sur lequel triomphe un moulin, et un colporteur assis au premier plan, tournant le dos au spectateur.

C’est surtout dans l’œuvre de Joachim Patinir (1480-1524), un peintre évoluant dans le cercle des amis d’Erasme à Anvers, qu’on retrouve d’énormes rochers dressés comme des menhirs et les attributs des colporteurs.

Le professeur Eric De Bruyne [1] a démontré de façon très convaincante que le colporteur, notamment celui qu’on admire sur les volets fermés du Char de foin de Jérôme Bosch, porte un concept hautement philosophique forgé par saint Augustin et remis à l’ordre du jour par les Frères de la vie commune : celui de l’âme humaine qui, pour se détacher des biens terrestres, par un effort de volonté personnel, s’efforce de pérégriner (se détacher) sans cesse. A contrario, l’attachement aux biens de ce monde était considéré, non sans raison, comme ce qui conduisait fatalement l’homme au péché et donc à sa perte.

A cela s’ajoute le fait que Patinir, avec bien d’autres, fera fleurir ad infinitum la métaphore du rocher, métaphore de « la juste voie » sur laquelle chaque croyant, par choix personnel, doit s’engager. Ce choix, souvent difficile, il le représente par un sentier de montagne. Ainsi, chez bien des peintres, c’est par simple déclinaison iconographique que le rocher devient symbole de vertu. [2]

Or, le film suggère que le colporteur, détaché de sa relation avec le rocher-moulin, n’est qu’une simple référence au protestantisme. Ensuite, le narrateur affirme d’une façon assez sommaire que Bruegel a substitué l’image traditionnelle d’un Dieu au ciel par un être humain, en l’occurrence le meunier. Sur ce dernier point, rien n’est faux dans les faits. Reste alors à se mettre d’accord sur l’intention que Bruegel voulait exprimer par une telle métamorphose. A partir de la Renaissance, apprend-on à l’école, l’homme a pris la place de Dieu… Exit toute transcendance ? Ou s’agit-il d’une espèce de « grand architecte » en charge des vastes rotations cosmiques de l’univers que rien ne puisse arrêter, comme le suggère le film ?

Pour notre part, en tenant compte de la « philosophie du Christ » qui animait les érasmiens de l’époque et de la polarité colporteur/meunier que nous venons d’aborder, il nous semble que Bruegel affirme ici qu’une société qui, comme le faisait l’Empire espagnol à l’époque, porte aux cieux le meunier (à l’époque l’archétype de l’usurier, aujourd’hui on dirait la City et Wall Street), porte en elle la mort qu’elle inflige ici à ses sujets et au Christ en personne ! Pire encore, aveuglé par le moulin, le spectateur lui aussi, perd de vue le Christ.

Les proverbes flamands et néerlandais ne sont pas vraiment tendres pour le meunier. Vivant aux abords des villes et travaillant souvent de nuit, à part d’être accusés de pratiquer le droit de cuissage, les riches meuniers de l’époque sont estampillés de voleurs, escrocs, usuriers, fous, spéculateurs, affameurs du peuple, séducteurs et autres noms d’oiseaux.

Deux proverbes soulignent cette réputation : « Cent boulangers, cent meuniers, cent tailleurs : trois cents voleurs » et « tous les meuniers ne sont pas des voleurs ». Une chanson anversoise de 1544 met, elle, l’accent sur la débauche du meunier : « Sans vent, il pouvait moudre avec son moulin, (…) et deux fois plus vite avec la fille. » Dans la Farce du meunier de Bredero (1618), un meunier qui se réjouit à l’idée d’une relation extraconjugale, est si ivre qu’il ne se rend même pas compte qu’il fait, par inadvertance, l’amour avec sa propre femme !

Un article du Kroniek van de Kempen de 1982 estime que « du meunier, on attendait l’honnêteté absolue.

Pieter Bruegel l’ancien, détail de la Gula (la gloutonnerie, 1557), un dessin de la série des sept péchés capitaux.

Cependant, il portait souvent le nom d’escroc et voleur de blé. Il était notamment dans la position où il pouvait escroquer les paysans et le raisonnement était que l’occasion faisait le voleur. Dans les vieilles chansons, poèmes et farces, le meunier apparaît souvent comme un séducteur, un briseur de couples et un escroc. »

Bruegel lui-même, dans la Gulla (la gloutonnerie), un dessin de la série des sept péchés capitaux, nous montre un moulin-homme (ci-contre). Les paysans lui apportent des sacs de blés qui sont engloutis par la bouche de cette créature, ici la porte du moulin. Ce moulin n’est que la métaphore d’une gloutonnerie et d’une cupidité toute financières. Il est par ailleurs surmonté d’un hibou, en Flandres et en Espagne symbole de l’esprit maléfique, car capable d’opérer dans l’obscurité de la nuit. Rappelons aussi que Don Quichotte part en guerre contre des moulins à vent qu’il confond avec des géants maléfiques.

Pour conclure, constatons que le film se cherche une fin. Alors que, suite à la Crucifixion du Christ, la foudre aurait pu immoler ce moulin maudit, aucune justice divine ne vient nous conforter et, après avoir permis à une poignée d’individus d’avoir pris conscience de la réalité, la vie, comme le moulin… continue. Philosophiquement, cette fin est tragique, car qui peut croire que Bruegel, dont les proches organiseront quelques années plus tard la révolte des Pays-Bas, en 1572, se serait contenté d’être le simple témoin de son époque ? Saisir l’inévitable tragique et le délicieux comique de la vie quotidienne devient une mauvaise plaisanterie si elle conduit à l’impuissance et au renoncement.

NOTES:

[1] Dr Eric de Bruyn, De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Adr. Heiners Uitgevers, ’s Hertogenbosch, 2001.

[2] R. L. Falkenburg, Joachim Patinir : Het landschap als beeld van de levenspelgrimage, Nijmegen, 1985 ; Karel Vereycken, Joachim Patinir et l’invention du paysage en peinture, novembre 2008.

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Joachim Patinir et l’invention du paysage en peinture

Joachim Patinir, Paysage avec Saint Jérôme, National Gallery, Londres.

 

En novembre 2008, un colloque fut organisé au Centre d’études supérieures sur la Renaissance de Tours sur le thème de « La contemplation dans la peinture flamande (XIVe-XVIe siècle) ». Voici la transcription de la contribution de Karel Vereycken, représentant de l’Institut Schiller, sur Joachim Patinir, un peintre belge peu connu mais essentiel pour l’histoire de l’art.


Joachim Patinir (1485-1524), dessin fait par Albrecht Dürer, venu assister au mariage de Patinir à Anvers en 1520.

On estime généralement que dans la peinture flamande, le concept « moderne » de paysage n’est apparu qu’avec l’œuvre de Joachim Patinir (1485-1524), un peintre originaire de Dinant travaillant à Anvers au début du XVIe siècle.

Pour l’historien d’art viennois Ludwig von Baldass (1887-1963), qui écrit au début du XXe siècle, l’œuvre de Patinir, présentée comme nettement en avance sur son temps, serait annonciatrice du paysage comme überschauweltlandschaft, traduisible comme « paysage panoramique du monde », véritable représentation cosmique et totalisante de l’univers visible.

Ce qui caractérise l’œuvre de Patinir, affirment les partisans de cette analyse, c’est l’ampleur considérable des paysages qu’elle offre à la contemplation du spectateur.

Cette ampleur présente un double caractère : l’espace figuré est immense (du fait d’un point de vue panoramique situé très haut, presque « céleste »), en même temps qu’il englobe, sans souci de vraisemblance géographique, le plus grand nombre possible de phénomènes différents et de spécimens représentatifs, typiques de ce que la terre peut offrir comme curiosités, parfois même des motifs imaginaires, oniriques, irréels, fantastiques : champs, bois, montagnes anthropomorphes, villages et cités, déserts et forêts, arc-en-ciel et tempête, marécages et fleuves, rivières et volcans.

Le Rocher Bayart sur la Meuse, près de Dinant, Belgique.

On peut par exemple penser y retrouver « la roche Bayart », qui borde la Meuse non loin de la ville de Dinant dont Patinir était originaire.

A part cette perspective panoramique, Patinir fait appel à la perspective aérienne — théorisée à l’époque par Léonard de Vinci — grâce à un découpage de l’espace en trois plans couleur : brun-ocre pour le premier, vert pour le plan moyen, bleu pour le lointain.

Cependant, le peintre conserve la visibilité de la totalité des détails avec une méticulosité, une minutie et une préciosité digne des maîtres flamands du XVe, qui, en tendant vers un infini quantitatif (consistant à tout montrer), cherchaient à se rapprocher d’un infini qualitatif (permettant de tout voir).

Pour leur part, les auteurs de la thèse du weltlandschaft, après avoir comblé Patinir d’éloges, n’hésitent pas à fortement relativiser sa contribution en disant :

« Pour que le paysage en peinture devienne autre chose qu’un entassement virtuose mais compulsif de motifs, et plus précisément, la saisie quasi-documentaire d’un infime fragment de la réalité contingente, il faudra attendre le XVIIe siècle et la pleine maturité de la peinture hollandaise… »

Et c’est là que l’on identifie très bien le piège de cette démarche qui consiste à faire croire que l’avènement du paysage, en tant que genre autonome, sa soi-disant « laïcisation », n’est que le résultat de l’émancipation d’une matrice mentale médiévale et religieuse, considérée comme forcément rétrograde, pour laquelle le paysage se réduisait à une pure émanation ou incarnation de la puissance divine.

Patinir, le premier, aurait donc fait preuve d’une conception purement esthétique « moderne », et ces paysages « réalistes », marqueraient le passage d’un paradigme culturel religieux — donc obscurantiste — vers un paradigme moderne, c’est-à-dire dépourvu de sens… ce qu’on lui reprochera par la suite.

C’est bien ce regard-là qu’ont pu porter les esprits romantiques et fantastiques du XVIIe et XVIIIe siècle sur les artistes du XVe et XVIe siècle. Von Baldass fut certainement influencé par les écrits d’un Goethe qui, sans doute dans un moment d’enthousiasme pour le paganisme grec, analysant la place de plus en plus réduite accordée aux personnages religieux dans les tableaux flamands du XVIe, en déduit que ce n’était plus le sujet religieux qui faisait fonction de sujet, mais le paysage.

Autant que Rubens aurait prétexté peindre Adam et Eve chassés du Paradis pour pouvoir peindre des nus, Patinir n’aurait fait que saisir le prétexte d’un passage biblique pour pouvoir se livrer à sa véritable passion, le paysage.

Un petit détour par Bosch

Un regard nouveau sur l’œuvre de Patinir démontre sans conteste l’erreur de cette analyse.

Pour aboutir à une lecture plus juste, je vous propose ici un petit détour par Jérôme Bosch, dont l’esprit était très vivant parmi le cercle des amis d’Erasme à Anvers (Gérard David, Quentin Massys, Jan Wellens Cock, Albrecht Dürer, etc.), dont Patinir faisait partie.

Bosch, contrairement aux clichés toujours en vogue de nos jours, est avant tout un esprit pieux et moralisateur. S’il montre le vice, ce n’est pas tant pour en faire l’éloge mais pour nous faire prendre conscience à quel point ce vice nous attire. Fidèle aux traditions augustiniennes de la Devotio Moderna, promues par les Frères de la Vie commune (un mouvement de renouveau spirituel dont il était proche), Bosch estime que l’attachement de l’homme aux choses terrestres le conduit au péché. Voilà le sujet central de toute son oeuvre, dont on ne peut pénétrer l’esprit qu’à la lecture de L’imitation du Christ, écrit, selon toute probabilité, par l’âme fondatrice de la Devotio Moderna, Geert Groote (1340-1384), ou son disciple, Thomas à Kempis (1379-1471) à qui cette œuvre est généralement attribuée.

Dans cet écrit, le plus lu de l’histoire de l’homme après la Bible, on peut lire :

« Vanités des vanités, tout n’est que vanité, hors aimer Dieu et le servir seul. La souveraine sagesse est de tendre au royaume du ciel par le mépris du monde. Vanité donc, d’amasser des richesses périssables et d’espérer en elles. Vanités, d’aspirer aux honneurs et de s’élever à ce qu’il y a de plus haut. Vanité, de suivre les désirs de la chair et de rechercher ce dont il faudra bientôt être rigoureusement puni. Vanité, de souhaiter une longue vie et de ne pas se soucier de bien vivre. Vanité, de ne penser qu’à la vie présente et de ne pas prévoir ce qui la suivra. Vanité, de s’attacher à ce qui passe si vite et de ne pas se hâter vers la joie qui ne finit point. Rappelez-vous souvent cette parole du sage : l’œil n’est pas rassasié de ce qu’il voit, ni l’oreille remplie de ce qu’elle entend. Appliquez-vous donc à détacher votre cœur de l’amour des choses visibles, pour le porter tout entier vers les invisibles, car ceux qui suivent l’attrait de leurs sens souillent leur âme et perdent la grâce de Dieu. »

Bosch traite ce sujet avec beaucoup de compassion et un humour hors pair dans son tableau le Char de foin (Musée du Prado, Madrid)

Jérôme Bosch, le retable du Char de foin, panneau central, référence à la vanité des richesses terrestres. Musée du Prado, Madrid.

L’allégorie de la paille existe déjà dans l’Ancien Testament. On lit dans Isaïe, 40,6 :

« Toute chair est de l’herbe, et tout son éclat comme la fleur des champs ; l’herbe sèche, la fleur se flétrit quand le souffle de Yahvé passe dessus. Oui, le peuple est de l’herbe. L’herbe sèche, la fleur se flétrit, mais la parole de notre Dieu se réalise à jamais ».

Elle sera reprise dans le Nouveau Testament par l’apôtre Pierre (1, 24) : « Car Toute chair est comme l’herbe, Et toute sa gloire comme la fleur de l’herbe. L’herbe sèche, et la fleur tombe ». C’est d’ailleurs ce passage que Brahms utilise dans le deuxième mouvement de son Requiem allemand.

Sur le triptyque de Bosch, on voit donc un char de foin, allégorie de la vanité des richesses terrestres, tiré par d’étranges créatures qui s’avancent vers l’enfer. Le duc de Bourgogne, l’empereur d’Allemagne, et même le pape en personne (c’est l’époque de Jules II…) suivent de près ce char, tandis qu’une bonne douzaine de personnages se battent à mort pour attraper un brin de paille. C’est un peu comme l’immense bulle des titres spéculatifs qui conduit notre époque vers une grande dépression…

On s’imagine très bien les banquiers qui ont saboté le sommet du G20 pour faire perdurer leur système si profitable à très court terme. Mais cette corruption ne touche pas que les grands de ce monde. A l’avant-plan du tableau, un abbé se fait remplir des sacs entiers de foin, un faux dentiste et aussi des tziganes trompent les gens pour un peu de paille.

Le colporteur et l’homo viator

Le triptyque fermé résume le même topos sous forme d’un colporteur (et non l’enfant prodigue). Ce colporteur, éternel homo viator, est une allégorie de l’Homme qui se bat pour rester sur le bon chemin et tient à ne pas quitter sa voie.

Dans une autre version du même sujet peint par Bosch (Musée Boijmans Beuningen, Rotterdam), le colporteur avance op een slof en een schoen (sur une pantoufle et une chaussure), c’est-à-dire qu’il choisit la précarité, quittant le monde visible du péché (nous voyons un bordel et des ivrognes) et abandonnant ses possessions matérielles.

Jérôme Bosch. Ici le colporteur n’est qu’une métaphore du chemin choisi par l’âme qui se détache sans cesse des tentations terrestres. Avec son bâton (la foi), le croyant repousse le pêché (le chien) qui vient lui mordre les mollets.

Avec son bâton (symbole de la foi), il réussit à repousser les chiens infernaux (symbole des tentations), qui tentent de le retenir. Une fois de plus, il ne s’agit point de manifestations de l’imagination exubérante de Bosch, mais d’un langage métaphorique partagé à l’époque. On trouve d’ailleurs cette représentation en marge du fameux Luttrell Psalter, un psautier anglais du XIVe siècle.

Luttrell Psaltar, colporteur avec bâton et chien infernal, British Library, Londres.

Ce thème de l’homo viator, l’homme qui se détache des biens terrestres, est par ailleurs récurrent dans l’art et la littérature de cette époque, en particulier depuis la traduction en néerlandais du Pèlerinage de la vie et de l’âme humaine, écrit en 1358 par le moine cistercien normand Guillaume de Degulleville (1295-après 1358). Une miniature de cette œuvre nous montre une âme sur son chemin, habillée en colporteur.

Miniature extraite du Pèlerinage de la vie et l’âme humaine de Guillaume Degulleville.

Néanmoins, si au XIVe siècle cette exigence spirituelle a pu dicter un rigorisme quelquefois excessif, le rire libérateur de l’humanisme naissant (Brant, Erasme, Rabelais, etc.) apportera des couleurs plus gaies et plus libres à la culture flamande du Brabant (Bosch, Matsys, Bruegel), bien qu’étouffées ensuite par les dictats du Concile de Trente. L’attachement de l’homme aux biens terrestres devient alors sujet à rire. Publié à Bâle en 1494, La Nef des Fous de Sébastien Brant, véritable inventaire de toutes les folies qui peuvent conduire l’homme vers sa perte, marquera toute une génération qui retrouve créativité et optimisme grâce au rire libérateur d’un Erasme et de son disciple, l’humaniste chrétien François Rabelais.

En tout cas, pour Bosch, Patinir et la Devotio Moderna, la contemplation est à l’opposé même du pessimisme et de la passivité scolastique. Pour eux, le rire est l’antidote idéal pour éradiquer le désespoir, l’acedia (la lassitude) et la mélancolie. La contemplation y prend donc une nouvelle dimension. Chaque fidèle est incité à vivre son engagement chrétien, par l’expérience personnelle et l’imitation individuelle du Christ. Il doit cesser de rejeter sa propre responsabilité sur les grandes figures de la Bible et de l’Histoire sainte. L’homme ne peut plus s’en remettre à l’intercession de la Vierge, des apôtres et des saints. Il doit, tout en suivant les exemples, prêter un contenu personnel à l’idéal de la vie chrétienne. Porté à l’action, chaque individu, à titre individuel et pleinement conscient de sa nature de pêcheur, est constamment amené à faire le choix du bien au détriment du mal. Voilà quelques éléments sur l’arrière-plan culturel nous permettant d’approcher différemment les paysages de Patinir.

Charon traversant le Styx

Le tableau de Patinir intitulé Charon traversant le Styx (Musée du Prado, Madrid) qui combine traditions antique et chrétienne, nous servira ici de « pierre de Rosette ». Inspiré par le sixième livre de l’Enéide, où l’écrivain romain Virgile décrit la catabase, ou la descente aux enfers, ou encore l’Inferno de Dante (3, ligne 78) repris de Virgile, Patinir place une barque au centre de l’œuvre.

Joachim Patinir, Charon traversant le Styx, Musée du Prado, Madrid.

Le grand personnage debout dans cette barque est Charon, le nocher des Enfers, généralement présenté sous les traits d’un vieillard morose et sinistre. Sa tâche consiste à faire traverser le fleuve Styx, aux âmes des défunts qui ont reçu une sépulture. En paiement, Charon prend une pièce de monnaie placée dans la bouche des cadavres. Le passager de la barque est donc une âme humaine. Bien que la scène ait lieu après la mort physique de la personne, l’âme, et ça peut surprendre, est taraudée par le choix entre le Paradis et l’Enfer. Car si depuis le Concile de Trente, on estime qu’une mauvaise vie envoie irrémédiablement l’homme en enfer dès l’instant de sa mort, la foie chrétienne continue, y compris aujourd’hui, à distinguer le jugement dernier de ce qu’on appelle le « jugement particulier ». Selon cette conception, parfois contestée au sein des confessions, au moment de la mort, bien que notre sort final soit fixé (Hébreux 9,27), toutes les conséquences de ce Jugement particulier ne seront pas tirées avant le Jugement général, qui aura lieu lors du retour du Christ, à la fin des temps. Ainsi, le « Jugement particulier » qui est supposé suivre immédiatement notre mort, concerne notre dernier acte de liberté, préparé par tout ce que fut notre vie. Nous aider à contempler cet instant ultime semble donc l’objectif premier du tableau de Patinir, en y mêlant d’autres métaphores.

Cependant, un regard attentif sur la partie inférieure du tableau, nous fait découvrir une contradiction, absente du poème de Virgile. Si l’enfer est à droite (on y voit Cerbère, le chien à trois têtes qui garde la porte de l’enfer), la porte d’entrée en semble facile d’accès et des arbres splendides y parsèment de belles pelouses. A gauche, se trouve le Paradis. Un ange tente d’ailleurs d’attirer l’attention de l’âme dans la barque, mais celle-ci semble beaucoup plus attirée par un enfer d’apparence si accueillante. De plus, le chemin peu éclairé qui mène au paradis semble périlleux par la présence de rochers, de marais et autres obstacles dangereux. Une fois de plus, ce sont nos sens qui risquent de nous conduire à faire un choix littéralement infernal.

Le sujet du tableau est donc clairement celui du bivium, le choix binaire qui se pose à la croisée des chemins et offre au spectateur pèlerin le choix entre la voie du vice et celle du salut.

Sébastien Brant, La Nef des fous, illustration de Hercule à la croisée des chemins.

Ce thème est très répandu à l’époque. On le retrouve dans la Nef des Fous de Sébastien Brant, sous la forme d’Hercule à la croisée des chemins. Dans cette illustration, à gauche, en haut d’une colline, une femme nue représente le vice et l’oisiveté. Derrière elle, la mort nous sourit.

A droite, plantée au sommet d’une colline plus élevée, au bout d’un chemin rocailleux, attend la vertu symbolisée par le travail. Rappelons également que l’Evangile (Matthieu 7:13-14) évoque clairement le choix auquel nous serons confrontés : « Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mène à la vie, et il y en a peu qui les trouvent ».

Le paysage comme objet de contemplation

L’historien d’art Reindert Leonard Falkenburg, dans sa thèse doctorale de 1985, fut le premier à constater que Patinir s’amuse à transposer ce langage métaphorique à l’ensemble de son paysage. Bien que l’image de rochers infranchissables, comme métaphore de la vertu à laquelle on aboutit en choisissant le chemin difficile, ne soit pas une nouveauté, Patinir exploite cette idée avec une virtuosité sans précédent. On découvre ainsi que le thème de l’homme qui se détourne courageusement de la tentation d’un monde qui piège notre sensorium, est le thème théo-philosophique sous-jacent de presque tous les paysages de Patinir. Ainsi, son œuvre trouve sa raison d’être en tant qu’objet de contemplation, où l’homme se mesure à l’infini.

Retournons à notre Paysage avec Saint Jérôme de Patinir (National Gallery, Londres). On y découvre la « porte étroite » conduisant à un chemin difficile qui nous porte vers un premier plateau. Ce n’est pas la montagne la plus élevée. La plus haute, telle une tour de Babylone, est symbole d’orgueil. Regardons ensuite Le repos sur le chemin d’Egypte (Musée du Prado, Madrid). Au bord du chemin, Marie est assise et devant elle, par terre, sont disposés le bâton du colporteur et son panier typique.

Joachim Patinir, Le repos de la Sainte famille, Musée du Prado, Madrid.

Pour conclure, on pourrait dire que, poussé par sa ferveur spirituelle et humaniste, en peignant des rochers de plus en plus infranchissables — traduisant l’immense vertu de ceux qui décident de les escalader — Patinir élabore non pas des paysages « réalistes », mais des « paysages spirituels », dictés par l’immense besoin de raconter le cheminement spirituel de l’âme.

Loin d’être de simples objets esthétiques, ses paysages spirituels servent la contemplation. Comme image en miroir, à moitié ironique, ils permettent, à ceux qui le désirent, de préparer les choix auxquels leur âme sera confrontée pendant, et après le pèlerinage de la vie.


Bibliographie sommaire :

  • R.L. Falkenburg, Joachim Patinir, Het landschap als beeld van de levenspelgrimage, Nijmegen, 1985.
  • Maurice Pons et André Barret, Patinir ou l’harmonie du monde, Robert Laffont, 1980.
  • Eric de Bruyn, De vergeten beeldentaal van Jheronimus Bosch, Adr. Heinen, s’Hertogenbosch, 2001.
  • Dirk Bax, Hieronymus Bosch, his picture-writing deciphered, A.A. Balkema, Capetown, 1979.
  • Georgette Epinay-Burgard, Gérard Groote, fondateur de la Dévotion Moderne, Brepols, 1998.
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Michael Gibson: pour Bruegel, le monde est vaste

Pieter Brueghel, Chasseurs dans la neige (1566), Kunsthistorische Museum, Vienne, Autriche.


En septembre 1999, Karel Vereycken s’est entretenu avec Michael Gibson, un fin connaisseur du peintre Bruegel. Critique d’art au International Herald Tribune, il est l’auteur de nombreuses monographies dont une de Pierre Bruegel (publié en français aux Nouvelles Editions Françaises, Paris 1980 et en anglais chez Tabard Press, New York, 1989). Il est aussi l’auteur d’une « histoire d’un tableau de Pierre Bruegel l’Aîné, le « Portement de croix » (Editions Noêsis, Paris 1996).

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Pour Bruegel, le monde est vaste

Question : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au peintre flamand Bruegel ?

M. Gibson : La rencontre d’un peintre et de sa peinture implique forcément quelque chose d’anecdotique. En tant qu’enfant j’avais une reproduction des Chasseurs dans la neige dans ma chambre. J’ai été amené à visiter le musée de Vienne où se trouvent pas moins de quatorze tableaux de Bruegel.

Tout cela, a stimulé mes recherches pour en arriver à faire des conférences et écrire sur le sujet. Ce qui m’intriguait aussi, c’était la découverte d’un peintre qui avait la capacité de garder son propre accent flamand pour peindre, au lieu de suivre la mode italianisante de ses contemporains dans les pays du nord. Finalement un jour un éditeur m’a proposé d’écrire un livre sur un tableau particulier. Je crois me rappeler que j’avais le choix entre Bosch, Bruegel et Rothko. J’avoue que c’est plus facile, de le faire sur une oeuvre de Bruegel, bien qu’on puisse écrire sur l’oeuvre de Rothko comme un tout.

Question : Selon vous Bruegel appartient-il à la période que l’historien néerlandais Huizinga appelle le l’Automne du Moyen Age (de Herfsttij der middeleeuwen), ou est-il un homme de rupture, de la Renaissance ?

M. Gibson : Bruegel représente certainement une rupture avec l’esprit médiéval, en particulier sa vision de la nature. Il faut bien voir que dans l’antiquité, la plupart des dieux n’étaient autres que les forces de la nature : le vent, la force, la passion sexuelle, la guerre, etc. Avec la venue du christianisme, ces dieux païens furent transformés en diables, la démonologie étant une espèce de théologie à l’envers. La nature étant ainsi diabolisée, l’esprit médiéval mettait surtout l’emphase sur la vie intérieure.

C’était une démarche novatrice au début du quatrième siècle jusqu’à l’an mille. Il y avait bien sûr des exceptions à la pensée dominante, comme après chez Albert le Grand qui se posait des questions sur la nature et se livrait à des expériences en botanique et dans d’autres domaines. Vu l’esprit de l’époque, ça lui a valu une réputation un peu sulfureuse et encore aujourd’hui on parle du « petit » et du « grand Albert » pour désigner des manuels d’alchimie !

On peut aussi évoquer la célèbre anecdote de Pétrarque qui grimpe courageusement sur le sommet du Mont Ventoux pour y lire les Confessions de saint Augustin. Plongé dans ce texte oraculaire, son regard tombe sur le paragraphe où saint Augustin s’étonne de celui qui cherche à admirer les spectacles de la nature au lieu de chercher à se connaître soi-même. Suite à la lecture de ce paragraphe et profondément troublé, Pétrarque a rebroussé chemin pour redescendre de sa montagne, plongé dans une profonde crise spirituelle.

La conséquence de cette vision fait que la peinture médiévale va traiter la nature d’une façon schématique : on ne peint pas un arbre, mais l’idéogramme d’un arbre ou l’idéogramme d’une montagne. D’ailleurs quand je passe sur le boulevard périphérique de Paris et que je vois de loin les rochers artificiels du jardin zoologique de Vincennes, je dis : voilà le mont Sinaï, parce que c’est comme ça qu’il est représenté dans la peinture médiévale.

L’intérêt pour la nature

Une des caractéristiques de la Renaissance est donc le fait qu’on commence à s’intéresser à la nature, et Bruegel est un observateur de la nature véritable. C’est en particulier son voyage en Italie qui lui a révélé cela. Quand on va de Naples jusqu’à Reggio, ce qui a dû être le parcours du peintre, on voit des paysages extraordinaires. Mais déjà rien que la traversée des Alpes, et on le retrouve dans le tableau la conversion de Saint-Paul (1567) qui est un travail d’atelier, relate ce voyage. On y voit des cols élevés, des vallées profondes avec des nuages en dessous du spectateur. On y voit cette qualité d’observation de la nature et en ce sens-là c’est l’esprit de la Renaissance.

Question : Pourtant, Jérôme Cock, le premier employeur de Bruegel qui dirigeait l’imprimerie Aux Quatre Vents d’Anvers, était le fils de Jan Wellens Cock, un proche de Jérôme Bosch dont les travaux ont inspiré Brueghel et qui est plein « d’intériorité ». D’ailleurs, le thème des Sept péchés capitaux est déjà traité par Bosch avant d’être repris dans les estampes de Brueghel. N’est-on pas obligé de se familiariser avec le langage pictural de Bosch pour pouvoir pénétrer l’univers de Bruegel ?

M. Gibson : Il faut surtout voir en Bosch un homme des villes et un homme du « Mardi Gras ». Les sujets qu’il peint, ce sont les chars qui défilent lors des jours de Carnaval. Prenons le Chariot de foin ou La nef des fous. Ce sont des chars de carnaval et on en trouve les traces dans les archives des villes de Flandre qui en sont très riches.

Jérôme Bosch, Chariot de foin, détail, 1502, Prado, Madrid.

Le Chariot de foin par exemple part d’un symbolisme très simple : le foin y représente l’argent, la richesse et les gens se battent violemment pour arracher quelques fétus de paille. Derrière le char on voit défiler tous les puissants : rois, empereurs, papes, etc. Et dans leur course vers le foin, ils vont tout droit vers un endroit où personne ne veut aller et qui constitue le troisième volet de ce triptyque : l’enfer. Bosch est surtout un « moralisateur » qui observait les gens des villes et dans un sens c’était un solitaire.

On voit d’ailleurs assez souvent dans ses tableaux (comme sur les volets fermés du Chariot de foi) un personnage aux cheveux blancs, un espèce de colporteur. Et je me demande s’il ne s’agit pas là d’un autoportrait. Ce colporteur passe dans le monde avec une mine désolée dans un paysage plus ou moins désolé aussi.

Bosch n’est pas non plus « l’intériorité » pure de type médiéval, mais ce n’est pas la nature. C’est la vie urbaine. Ce qui distingue Bruegel, c’est l’intérêt pour la nature et l’intérêt pour la société. Bien qu’il fera aussi « Mardi gras » (Le combat de carnaval et carême, en 1559) Ce sera plus dialectique. Il aura le côté ripailleur, mais aussi le côté macabre. On y voit les mendiants, les malades et d’autres gens dans des états épouvantables. Tellement lamentables d’ailleurs qu’un des propriétaires des tableaux à fait repeindre les choses les plus pénibles à voir. Et on le sait parce que Pierre Bruegel le Jeune a fait une copie de cette toile (avant les repeints), qui le démontre. Au premier plan à droite, il y a un drap qui flotte dans le vide, mais en fait sous ce drap il y a un type avec les jambes et les bras émaciés et le ventre ballonné qu’on a fait disparaître. Dans le cercueil que quelqu’un traîne, un surpeint a fait disparaître le cadavre, etc. La démarche de Bosch était surtout moralisatrice, tandis que celle de Bruegel opère par oppositions. Il joue beaucoup sur les effets d’oppositions, entre ce qui apparaît de ce côté-ci du tableau et de ce côté-là. J’ai beaucoup traité cette méthode de composition en écrivant sur le Portement de Croix (1564).

Quant à Jérôme Cock, il a dû demander au jeune Bruegel débutant de reprendre les travaux de Bosch parce qu’il estimait qu’il y avait de l’intérêt pour ce genre de chose et qu’avec un peu de « merchandising » ça se vendrait bien.

C’est ainsi que Bruegel à repris les Vices (1558) et les Vertus (1559-60), thèmes certes médiévaux. Mais il les reprend avec une certaine fantaisie qui en effet doit beaucoup à Bosch, mais qui est quand même moins angoissée. Les monstres de Bruegel sont en général moins angoissants que ceux de Bosch.

Question : Peut-on faire un rapport entre les Adages d’Erasme de Rotterdam (mort en 1536) et le tableau des Proverbes (1558) ? N’y a-t-il pas là une volonté d’éducation populaire ? Bien qu’on soit obligé de constater que les tableaux étaient réservés à un petit cercle de spectateurs, on sait que les estampes circulaient largement.

Pierre Bruegel l’Aîné, 1556, « Ce n’est pas parce qu’on envoie un âne à l’école qu’il revient comme un cheval ».

M. Gibson : Tout a fait. Les estampes sont très souvent des dictons populaires comme Les gros poissons mangent les petits (1556) ; Elck (1558) (l’égoïsme de « chacun » conduit au chaos). Ou encore L’âne à l’école (1556) et L’al-ghemist (1558) (le « tout raté ») qui était une polémique contre les délires alchimistes de l’époque. On pourrait la refaire aujourd’hui contre l’astrologie !

Question : Ce qui étonne, c’est la liberté que laissent les commanditaires pour l’exécution des sujets. Même à la Renaissance italienne, celui qui payait pour l’œuvre imposait toute une série de spécifications pour traiter le sujet. Bruegel semble avoir échappé à ce genre d’exigences souvent capricieuses.

M. Gibson : On n’a pas de détails sur les rapports entre Bruegel et ses commanditaires. Mais on sait quelque chose sur sa personnalité. A l’opposé d’une mode qui fait dire que le peintre historien Vasari « arrangeait » un peu son récit quand il raconte l’histoire des artistes italiens, moi je suis très tenté de croire ce que dit Karel Van Mander dans son Schilder-Boeck (1604). Je pense même que Van Mander a pu rencontrer la veuve de Bruegel qui, me semble-t-il, est allée vivre à Anvers. Il raconte des choses très savoureuses sur Bruegel. Comment il allait avec son ami Frankert, habillé en paysan dans les noces à la campagne en se présentant comme un membre de la famille. Et ça l’amusait beaucoup et il y affirmait son esprit d’indépendance. Dans un environnement culturel avec une forte propension à la tolérance, à l’ouverture vis-à-vis des convictions de chacun, de respect mutuel qui existait à l’époque à Anvers, Bruegel était capable de dire : écoutez j’ai telle ou telle idée. Qui en veut ? Et les autres pouvaient dire « pourquoi pas ? ».

Mais tout cela est hypothétique. Si on travaillait pour une église, c’était différent. Mais on n’était pas encore à la Contre-réforme parce que c’est elle qui a donnée un encadrement idéologique à l’iconographie. C’était aussi strict que le social réalisme communiste ! A partir d’un certain moment, certains sujets sont permis et d’autres ne le sont pas. Et il faut les représenter de telle ou telle manière. L’humour, l’ironie et le pittoresque sont exclus. Si on regarde les manuscrits enluminés médiévaux, on trouve dans les marges toutes sortes de personnages : des petits chiens, des oiseaux, des fleurs etc. ; c’est savoureux, c’est vivant. L’art de la Contre-réforme est pour moi un art mort, théâtral au mieux.

Question : Vous faites référence à des documents précis ?

M. Gibson : Oui, c’est un fait historique. A partir du Concile de Trente (1545-53) on commence à réglementer les choses. Toute la production artistique à partir de ce moment devient complètement stéréotypée.

La majeure partie de l’œuvre de Bruegel date d’avant l’époque de la grande répression, et il meurt en 1569, peu après l’arrivée du duc d’Albe (1567) et avant l’installation définitive de l’Inquisition aux Pays-Bas. En réalité il est encore dans une espèce de période de grâce, entre le Moyen-Âge et le moment où la Contre-réforme referme les volets.

Portrait du cartographe Abraham Ortelius.

Question : On sait depuis l’article de Popham en 1931 que Bruegel se lia d’amitié avec l’humaniste cosmographe Abraham Ortels (Ortelius).

Ortels était membre de la Scola Caritatis une « secte religieuse fondée sur la tolérance » de Hendrik Nicolaes, dont faisaient également partie l’imprimeur Plantin, le cartographe Mercator, le graveur Goltzius ainsi que le penseur religieux et proche de Guillaume le Taciturne, Dirk V. Coornhert.

On y trouvait aussi le meilleur ami de Bruegel, l’amateur d’art Frankert. Depuis lors on admet que Bruegel n’était pas « Bruegélien » dans le sens du « mangeur de saucisses », mais un érudit humaniste. Bruegel était-il sympathisant ou opposant de la réforme ?

M. Gibson : Le groupe de la Scola Caritates préconisait précisément la tolérance. En réalité il avait à mon avis une sympathie pour les prédicateurs de la réforme. On les retrouve dans le tableau sur les « Hagepreken », La prédication de St Jean Baptiste (1566). Ce sont les prédications calvinistes qui se déroulaient de façon clandestine dans les bois. Les gens sortaient des villes pour y assister. Le pouvoir en place donnait comme instructions aux gardes de relever les identités de ceux qui partaient.

Alors les gens leur lançaient « Tu m’as bien vu ? » « T’as bien noté mon nom ? ». Les gens étaient révulsés par le traitement qu’on infligeait aux hérétiques qu’on torturait d’une façon abominable. C’était spécifié dans les Placards de Charles Quint : les hommes tués par l’épée, les femmes enterrées vives. Bruegel est un humaniste, c’est quelqu’un qui s’oppose à ce genre de violence.

Ce n’est pas un dogmatique, c’est quelqu’un qui apprécie l’individualité des gens. C’est pour ça qu’il peut aller dans les fêtes paysannes et qu’il peut les représenter sans mépris : à la fois avec leur côté brutal et primaire, mais aussi avec leur dignité. Parce qu’il leur donne des proportions qui sont empruntées aux personnages de Michelange ! (rire…)

Pierre Bruegel l’Aîné, Le portement de croix, 1564, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

Une œuvre pour la mémoire

Question : Dans votre essai sur le Portement de Croix vous identifiez des références très précises à la situation politique de l’époque. Par exemple vous avez découvert que les soldats qui mènent le christ vers le Golgotha sont une allusion directe aux « Roode Rocx », les tuniques rouges des gendarmes mercenaires au service de l’occupant espagnol. Est-ce qu’il en a d’autres et est-ce que l’art ne perd pas son universalité en se « mouillant » pour des choses aussi immédiates ?

M. Gibson : Aujourd’hui c’est différent, parce que nous avons cette idée de la diffusion de l’art. Mais là c’étaient des choses qui étaient peintes pour des intérieurs. Donc ça représente ce que se passait à cette époque. Et si vous voulez comprendre ce qui se passait à l’époque, il suffit de voir ce qui se passe aujourd’hui ! La démarche de Bruegel consiste à utiliser la situation politique immédiate pour faire comprendre l’histoire du Christ en non pas de prendre l’histoire du Christ pour condamner les exactions espagnoles. C’est ce qui me semble et même si c’est le contraire, il reste que ce sont des œuvres qui sont gardées à la maison. Bruegel n’a pas fait des gravures sur ces sujets-là.

Pour Francesco Goya, on peut dire la même chose, ce n’est pas non plus de la peinture « militante », parce que c’est de l’après-coup. C’est un témoignage de quelque chose qui est vécu d’une façon très intime. C’est très différent de ceux qui font de la propagande et ce n’est pas de la propagande parce que ce n’est pas diffusé. Si cela avait été des placards collés sur les murs de Bruxelles c’eut été autre chose, mais cela n’aurait pas eu la même qualité non plus.

Question : Mais cette vision de la tolérance a finalement nourri et préparée la révolte des Pays-Bas.

M. Gibson : Pour cela il faut voir l’ensemble du milieu culturel dans les Flandres à cette époque. Le secret en était les « chambres de rhétorique » qui organisaient des tournois d’écriture et de poésie. Les membres en étaient surtout les nouvelles classes moyennes. Tous les sept ans, l’ensemble du pays se retrouvait pendant un mois à faire la fête dans un Landjuweel (Joyau national) comme celui d’Anvers de 1561. On y faisait des déclamations publiques, des sketches moralisateurs, du théâtre de rue, etc. Tout cela donnait lieu à un très haut niveau de culture.

(Sur les chambres de rhétorique et le Landjuweel d’Anvers de 1561, voir Michael Gibson, Le portement de croix, Editions Noêsis, Paris 1996, p.27, ainsi que « Histoire de la littérature néerlandaise » de Stouten, Goedegebuure et Van Oostrom, Fayard, mai 1999, chapitre II, « Le bas moyen âge et le temps de la rhétorique » p.71-155.)

Question : Je reviens sur la question des paysages. Vous avez dit que c’est la nature, mais finalement ces paysages n’ont jamais existé, ni en Flandres ni en Italie.

Certains les ont appelés Weltlandschaft (paysage mondial) et même Uberschauweltlandschaf

M. Gibson : Il faut voir qu’une fois qu’on comprend comment fonctionne la nature, on peut créer des paysages qui correspondent à une espèce de « théâtralité ». Cette dimension théâtrale les élève au-delà du réalisme géologique et il s’y opère une espèce de transposition, d’intensification de quelque chose qui est naturel.

Un amour sage et authentique de l’homme

Question : Quel message porte Bruegel pour notre monde d’aujourd’hui ? Que faut-il faire pour intéresser nos contemporains à ce peintre ?

M. Gibson : Les gens sont spontanément attirés par Bruegel parce qu’ils ressentent quelque chose d’universel. J’explique ce mot parce que l’expression est devenue un peu bateau. Bruegel montre tout ce qui existe de la petite enfance jusqu’à la vieillesse ; du jeu de l’enfant jusqu’aux plus abominables tortures. Il y a une juxtaposition des deux. C’est pour ça que je suis tellement frappé par ce groupe qui s’avance vers le Golgotha dans le tableau Le portement de croix. On y voit un grand garçon qui chipe le bonnet d’un petit enfant qui tente de le reprendre. Et juste à côté on prépare la mise au mort des malheureux qui vont monter vers le Golgotha. Les deux larrons aux visages gris, assis dans la charrette. Et le Christ qui est là, perdu dans la foule immense. Tellement il est petit dans ce grouillement humain qu’on a du mal à le retrouver.

Mais ça c’était déjà un thème qui remonte à Van Eyck. Ce que je veux dire c’est qu’il y a une simultanéité de la comédie et de la tragédie. Ce qui fait qu’il y a une « ampleur Shakespearienne ». Parce que le monde est vaste.

Quand on voit une pièce de Shakespeare, on a l’impression qu’on peut respirer. Il y a un grand vent qui arrive de la scène. Le monde est vaste.

Vaste, à la fois parce qu’on découvre à cette époque l’immensité du monde, mais aussi parce qu’il y a tout ce qui se passe dans l’homme : sa capacité d’héroïsme et sa capacité malfaisante, son hypocrisie et sa bonne foi. Shakespeare croit au caractère poétique du monde. Le monde est un immense poème dont il retire des choses. Et Bruegel c’est un peu ça, c’est aussi ça.

C’est un monde où les codes du « bon goût » ne sont pas imposés. Le bon goût stylistique disparaît. Le naturel s’y exprime. Ca semble un peu grossier. Comme l’homme qui baisse son pantalon et chie, dans le coin à gauche dans La pie sur le gibet (1568).

la pie gibet

Pierre Bruegel l’Aîné, 1568, La pie sur le gibet, Hessisches Landesmuseum, Darmstadt.

Mais tout ça fait partie de l’humain. Il y a dans ce tableau cette petite foule de gens qui danse.

Selon moi il s’agit du soulagement provoqué par le départ des Espagnols. Ils sont partis, on ne pend plus les gens. D’ailleurs il n’y a plus de cadavres accrochés au gibet. Il ne s’agit pas de la grossièreté du langage d’aujourd’hui du type « tu me fais ch… », mais de la liberté de l’enfant qui s’exprime par voie anale parce que c’est naturel, ça aussi fait partie du monde. Et le fait que ça figure dans un tableau fait qu’on va du sublime jusqu’au trivial. Tout cela fait un tout.

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Rembrandt, bâtisseur de nations

Article de 1985: Rembrandt, Bâtisseur de nations (version FR, pdf)

 

 

 

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