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Pourquoi l’Empire romain reste un modèle pour l’oligarchie
Pour gagner une bataille politique, le premier travail de tout stratège consiste à identifier avec soin la « géométrie mentale » de son ennemi afin d’évaluer précisément ses forces et ses faiblesses. Pour cela, il lui faut parfois se boucher le nez avant de pénétrer l’esprit répugnant de son adversaire. C’est ce que je vous invite à faire ici avec l’Empire romain.
Si, hier, vous avez découvert les problèmes des baby-boomers et autres soixante-huitards – souvent un mélange pathétique de bourgeois-bohèmes (« bobo ») et de libéraux-libertaires (« lili ») – aujourd’hui, je vous présente le stade ultime de leur version la plus décadente : les libéraux-impérialistes (« limp »).
Le « Projet pour un nouveau siècle Américain » (PNAC)
Le 11 septembre 2001, les observateurs de la vie politique américaine furent frappés de stupeur en entendant les déclarations fracassantes du vice-président, Dick Cheney. En effet, avant même l’ouverture d’une quelconque enquête sur les attentats, celui-ci déclara d’emblée qu’il fallait frapper l’Irak.
Dès le lendemain, à en croire les dires du célèbre journaliste du Washington Post, Bob Woodward, dans son livre « Bush at War », le ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, déclarait lors d’une réunion à la Maison-Blanche que « l’Irak devait être l’une des premières cibles de la guerre contre le terrorisme ». Réaction impulsive de faucon ? Non, car en réalité, la clique de Cheney et Rumsfeld souhaitait achever cette guerre commencée en 1991. C’est un vieux projet qu’ils défendent depuis la chute du mur de Berlin et bien que, selon eux, Bush père ait fait quelques pas dans la bonne direction, la présidence Clinton faillit anéantir tout le chemin parcouru. Ainsi, le 18 février 1992, Paul Wolfowitz (actuel n°2 du Pentagone) et Lewis Libby (chef de cabinet de Cheney) sonnent l’alarme dans un document intitulé « Defense Policy Guidance » (DPG).
Avec Eric Edelman et Zalmay Khalilzad (actuel représentant spécial américain pour l’Irak), ils y développent d’abord la notion de guerre préventive visant à garantir la « prééminence américaine », imposée « par la force, si nécessaire ». Aujourd’hui, grâce à des fuites dans les médias, émanant de documents officiels, nous savons que ce milieu n’exclut nullement l’utilisation d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques dans ce but.
Outrés par la « pause stratégique » dans les dépenses militaires imposée par Bill Clinton, qui espérait faire profiter l’économie américaine de ce « dividende de la paix », les faucons vont se regrouper au printemps 1997 dans l’association Project for a New American Century (PNAC), dont feront partie l’actuel vice-président Dick Cheney, son chef de cabinet Lewis Libby (avocat de Marc Rich, un gros bonnet de la pègre,), le ministre de la Défense Donald Rumsfeld, son adjoint Paul Wolfowitz, William Kristol, du Weekly Standard, Abram Shulsky, Robert Kagan et même Jeb Bush. Leur thèse sera présentée comme une proposition programmatique à la future administration de George W. Bush, en septembre 2000, sous le titre « Rebuilding America’s Defenses ».
Plus nuancé dans ses propos, graphiques et statistiques à l’appui, ce rapport souligne que les années 90 furent une « décade de négligence » par rapport à la réalité militaire et que cette négligence tend à gâcher ce que Charles Krauthammer nommait ce « moment unipolaire » qui s’instaura à la chute du mur de Berlin, faisant disparaître le dernier compétiteur mondial, l’URSS.
Sans scrupules, une doctrine impériale classique y est pleinement développée sous le label « Pax Americana », dernier nom de l’utopie d’un gouvernement mondial sous la coupe des élites malthusiennes anglo-américaines, « l’anglosphère ».
L’introduction se termine ainsi : « Ce rapport part de la conviction que l’Amérique doit chercher à préserver et étendre sa position de leadership global en maintenant la prééminence des forces militaires américaines. Aujourd’hui, les Etats-Unis d’Amérique ont une occasion stratégique sans précédent. Ils n’ont à confronter aucun défi immédiat, posé par une quelconque grande puissance ; ils disposent d’alliés puissants dans chaque partie du monde ; ils sont au milieu de la plus grande période de croissance économique de leur histoire ; de plus, leurs principes politiques (la démocratie, ndr) et économiques (le libre-échange, ndr) sont presque universellement acceptés. A aucun autre moment de l’histoire, l’ordre mondial ne fut aussi réceptif aux intérêts et idéaux américains. Le défi que pose le siècle à venir est la préservation et la pérennisation de cette Pax Americana » (page IV).
Pour faire des Etats-Unis ce pouvoir militaire incontestable, puisque, selon les auteurs, seule la puissance militaire peut servir de fondement à cette Pax Americana, quatre nouvelles orientations sont esquissées, résumées ci-dessous.
Le texte affirme d’emblée qu’à l’opposé de l’époque de la Guerre froide, le but stratégique des Etats-Unis au XXIe siècle n’est plus simplement « d’endiguer » l’URSS, mais de « préserver la Pax Americana ». Les quatre nouvelles missions militaires proposées pour cette tâche sont :
- Sécuriser et étendre des zones de paix démocratique.
Moyen : « homeland security » (sécurité domestique), ce qui implique, comme nous le voyons avec la politique du ministre de la Justice et sympathisant du Ku Klux Klan, John Ashcroft, la suppression « librement consentie » des droits civiques les plus élémentaires. - Empêcher l’émergence d’une nouvelle grande puissance rivale.
Moyen : présence militaire multiple, capable de mener plusieurs guerres à la fois (par exemple, simultanément en Iraq et en Corée du Nord). Cet engagement semble tellement monstrueux qu’on a peine à imaginer les moyens d’y parvenir. - Défendre des régions clefs
Moyen : « constabulary duties » (missions de maintien de la paix). - Exploiter les transformations de la guerre
Moyen : « Revolution in Military Affairs » (RMA, révolution dans les affaires militaires). Ces soi-disant armes intelligentes, souvent des armes anciennes « dopées » de gadgets informatiques, ressemblent plus aux armes « miracles » d’Hitler qu’à une réelle révolution technologique impliquant de nouveaux principes physiques. L’échec patent des missiles anti-missiles Patriot et Arrow représente un bon exemple de ce refus hystérique des nouveaux principes physiques qu’impliquait le projet initial d’Initiative de Défense Stratégique (IDS).
Évidemment, en conclusion de l’argumentaire, on constate amèrement qu’en temps de paix, hélas, l’opinion publique aura certaines réticences à souscrire à de tels programmes et à accepter de supporter le fardeau budgétaire qu’ils impliquent. On y affirme (page 51) que tout cela prendra énormément de temps, « sauf s’il se produit un évènement catastrophique et catalyseur, du type nouveau Pearl Harbour ».
Rappelons ici qu’Henry Kissinger, entre autres, avait immédiatement employé le terme « Pearl Harbour » pour caractériser les attentats du 11 septembre. Il est donc clair que l’enjeu de la guerre en Irak dépasse largement la question du contrôle des hydrocarbures, mais implique la mise en place d’un gouvernement mondial, une « Pax Americana » à l’instar de la fictive « Pax Romana » de l’Empire romain. Or, à l’époque, le monde romain était le monde tout court.
Le fardeau
Justement, le 5 janvier 2003, le New York Times a publié un article retentissant intitulé « The Burden » (le fardeau), écrit par un certain Michael Ignatieff, à l’instar de l’article de Rudyard Kipling, « le fardeau de l’homme blanc ».
Ignatieff est un anglo-canadien d’origine russe qui vit en Angleterre, petit-fils du fondateur de l’Okhrana (services secrets du Tsar) et professeur dans de multiples écoles de l’élite anglo-américaine, tel que le St-Anthony College de Londres, le King’s College de Cambridge, l’inévitable Harvard, aux Etats-Unis, et même l’Ecole des Hautes Etudes de Paris. Ignatieff s’exprime aussi régulièrement sur la BBC. Ce jeune professeur talentueux, véritable sommité de l’establishment anglo-américain, est un peu le porte-parole d’une faction des élites en place.
En France, on se rappellera certainement le premier supplément du Monde reprenant certains articles du New York Times, dont l’un relatait les prises de positions des intellectuels anglo-américains au sujet de « cet empire qui vient ». Ignatief n’est donc pas le premier à s’interroger sur les avantages et les risques posés à une république (les Etats-Unis) qui accepte ou décide de devenir un empire (anglo-américain).
Citant un historien anglais qui affirme que si l’Angleterre a acquis un empire, ce fut sûrement « in a fit of absence of mind » (sur un coup de tête), Ignatieff écrit :
« Bien que les Américains possèdent un empire, ils l’ont acquis tout en niant son existence. Mais le 11 septembre fut un réveil, un moment de prise de conscience de l’ampleur de la puissance américaine et des haines vengeresses qu’elle suscite. Peut-être les Américains n’ont-ils jamais vu les tours du World Trade Center ou le Pentagone comme symboles d’un empire mondial, mais les pirates de l’air avec leurs cutters les ont certainement perçus comme tels, ainsi que les millions de personnes qui ont applaudi leurs actes ».
Cessons donc de nous voiler la face, poursuit-il, car quel
« autre mot que celui d’empire peut décrire l’objet formidable que l’Amérique est en train de devenir ? C’est la seule nation qui gendarme le monde à travers cinq commandements militaires globaux, qui maintient plus d’un million d’hommes et de femmes en armes sur quatre continents, déploie des groupes de combat sur porte-avions pour surveiller chaque océan, garantit la survie de pays tels qu’Israël et la Corée du Sud, fait tourner la roue du commerce et des échanges mondiaux et emplit le cœur et l’esprit de la planète entière de ses rêves et désirs ».
Ignatieff prend le temps d’évaluer les avantages et désavantages de ce genre d’entreprise :
« L’opération qui menace en Irak constitue ainsi un moment décisif dans le long débat de l’Amérique avec elle-même pour savoir si son rôle d’empire outremer menace ou renforce son existence en tant que république (…). Même en cette heure tardive, il est encore possible de se demander : pourquoi une république devrait-elle assumer les risques d’un empire ? (…) Changer un régime est une tâche impériale par excellence, étant donné qu’elle suppose que l’intérêt de l’empire lui donne le droit de défaire la souveraineté d’un Etat.
(…) Il faudra une décennie pour que l’ordre, sans parler de la démocratie, se consolide en Irak. (…). Comme tous les exercices impériaux en matière de création d’ordre, cela ne fonctionnera que si les fantoches installés par les Américains cessent d’être des fantoches et construisent leur propre légitimité politique indépendante.
(…) De quels atouts les dirigeants américains disposent-ils ? (…) La projection de la puissance américaine (…) porte avant tout un uniforme militaire. (…) et peut apporter aux Etats-Unis crainte et respect mais pas l’admiration ni l’affection.
(…) Le 11 septembre a renforcé la leçon qui veut que la puissance mondiale se mesure encore en termes de capacité militaire.
(…) Les Américains ne peuvent pas se permettre de créer à eux seuls un ordre global. La participation européenne au maintien de la paix, à la construction de nations et à la reconstruction humanitaire est si importante que les Américains doivent, même contre leur gré, inclure les Européens dans la gouvernance de leur projet impérial en évolution. Ce sont les Américains qui dictent, pour l’essentiel, la place de l’Europe dans ce nouveau grand dessein. Les Etats-Unis sont multilatéraux quand ça les arrange, unilatéraux quand il le faut ; et ils imposent une nouvelle division du travail dans laquelle l’Amérique assure le combat, les Français, les Britanniques et les Allemands, les patrouilles policières dans les zones frontalières, et les Hollandais, les Suisses et les Scandinaves, l’aide humanitaire.
(…) Un nouvel ordre international émerge, mais il est conçu pour répondre aux objectifs impériaux américains. Les alliés de l’Amérique veulent un ordre multilatéral qui restreigne sa puissance, mais l’empire ne se laissera pas lier, à l’instar de Gulliver, par des milliers de cordes légales. »
Pour Ignatieff, la chose est donc acquise, l’empire est bien là ! L’unique question qui reste en suspens, c’est de savoir comment faire pour que ça fonctionne correctement. Sa démarche semble presque une postface à l’analyse de l’historien Edward Gibbon (1737-1794), un proche de Lord Shelburne en Angleterre, qui écrivit en 1776 Déclin et chute de l’empire romain.
Avec La Richesse des Nations, ce manuel de la rente financière comme socle d’un ordre oligarchique, écrit par Adam Smith, le livre de Gibbon était une attaque stratégique contre la jeune république américaine, instaurée la même année par Benjamin Franklin et ses amis colbertistes. Après la perte de l’Amérique pour l’Empire britannique, le livre de Gibbon tente de tirer les leçons de l’histoire.
Ignatieff rappelle l’analyse faite par Gibbon pour expliquer la chute de l’empire romain :
« Les empires survivent lorsqu’ils comprennent que la diplomatie, soutenue par la force, est toujours préférable à la seule force. Si l’on considère l’avenir encore plus lointain, disons d’ici une génération, la Russie et la Chine résurgentes exigeront d’être reconnues en tant que puissances mondiales dotées d’une hégémonie régionale. Comme le montre le cas de la Corée du Nord, l’Amérique a besoin de partager avec ces puissances le contrôle de la non-prolifération et d’autres menaces, et si elle essaie, comme le suggère la Stratégie de sécurité nationale actuelle, d’empêcher l’émergence de tout rival à la domination globale américaine, elle risque ce que Gibbon prévoyait : une sur extension, suivie de la défaite. »
Aujourd’hui, le Commonwealth anglais, successeur des Vénitiens qui se dénommaient les « nouveaux Romains », est supposé représenter le modèle de ce savoir-faire impérial de gouvernement indirect, mais réel.
L’empire romain
En tout cas, ce débat nous oblige à devenir « expert ès Empire romain » dans les plus brefs délais. Pour cela, une rapide visite dans une grande librairie nous met devant une terrible évidence : s’il y a pléthore de livres sur Rome et l’Empire, quasiment aucun ne traite réellement de son déclin.
Jadis, en France, les élèves pouvaient au moins profiter du vieux Malet et Isaac, qui nous en apprend bien plus que la plupart des experts d’aujourd’hui, époque où certains enseignent l’histoire de la sandale, de Jules César à Marilyne Monroe…
Mais forcément, la plupart des auteurs qui ont écrit sur le sujet sont fascinés par la grandeur, les institutions, l’organisation de ce système. Dans l’Encyclopaedia Universalis, un auteur, d’ailleurs conférencier sur le sujet, défend mordicus que le terme de « Bas-Empire », jugé trop péjoratif, mériterait d’être remplacé aujourd’hui par « Antiquité tardive ». Quant aux livres qui prétendent enquêter sur le déclin de l’Empire, ils affirment qu’il n’existe aucun élément matériel prouvant sa chute. « Au moment où Rome s’effondre et se dépeuple, d’autres régions se portent très bien », etc.
Après tout, cette vision est peut-être la bonne façon de voir les choses, car pour chuter, il faut d’abord monter !
En vérité, la « civilisation » romaine a été une longue période de guerres et de génocide permanent, qui mérite le label de « l’une des barbaries les mieux organisées ». La description que nous en livre la philosophe française Simone Weil (1909-1943) donne presque envie de faire interdire les bandes dessinées d’Astérix pour « banalisation d’actes génocidaires » :
« Les Romains ont conquis le monde par le sérieux, la discipline, l’organisation, la continuité des vues et de la méthode ; par la conviction qu’ils étaient une race supérieure et née pour commander ; par l’emploi médité, calculé, méthodique de la plus impitoyable cruauté, de la perfidie froide, de la propagande la plus hypocrite, employée simultanément ou tour à tour ; par une résolution inébranlable de toujours tout sacrifier au prestige, sans être jamais sensible, ni au péril, ni à la pitié, ni à aucun respect humain ; par l’art de décomposer sous la terreur l’âme même de leurs adversaires ou de les endormir par l’espérance, avant de les asservir avec les armes ; enfin par un maniement si habile du plus grossier mensonge qu’ils ont trompé même la postérité et nous trompent encore. »
Saint-Augustin, l’un des pères de l’Eglise, (354-430) ne dit pas autre chose quand il s’insurge contre ceux qui pensent que, du fait qu’elle a duré longtemps, la civilisation romaine était nécessairement grande. Il écrit dans La cité de Dieu :
« Voyons donc maintenant ce que vaut la prétention des païens qui ont l’audace d’attribuer à leurs dieux l’étendue si grande et la durée si longue de l’empire romain, en affirmant même s’être honnêtement conduits en honorant ces dieux par hommage de jeux infâmes, représentés par d’infâmes comédiens. Mais je voudrais d’abord, brièvement, examiner une question : Quelle raison, quelle sagesse y a-t-il à vouloir se glorifier de l’étendue et de la grandeur de l’empire romain, alors qu’on ne peut démontrer que les hommes soient heureux en vivant dans les horreurs de la guerre, en versant le sang de leurs concitoyens ou celui des ennemis, sang humain toujours, et sous le coup de sombres terreurs et de sauvages passions ?
(…) Pour en juger plus aisément, gardons-nous de nous laisser jouer par une vaine jactence ; ne laissons pas la pointe de notre esprit s’émousser au choc des mots sonores : peuples, royaumes, provinces. » (Livre IV, III)
Les origines
Pour bien saisir le « tournant impérial » fondamental de la civilisation romaine, qui se produit bien avant l’arrivée officielle de « l’Empire », rappelons d’abord quelques éléments de son histoire.
Fondée vers -750 par une coalition de Latins et de Sabins, Rome est, dès sa fondation, un centre colonial, sur le modèle perse, subjuguant et protégeant militairement des territoires et des satrapes, sans pour autant fonder de pays ni de nation. On pourrait dire qu’elle créa non pas un, mais de multiples protectorats, dirigés par un quarteron d’oligarques vivant dans un luna-parc, un vaste parc d’attraction du nom de Rome.
Plusieurs peuples organisés et tribus disputent les territoires de la péninsule italienne à la sphère d’influence de Rome, mais devront finalement s’y soumettre. D’abord dans le nord, entre l’Arno et le Tibre, les Etrusques.
Entre – 550 et -509, les Romains sont dirigés par des rois étrusques qui feront de la cité une grande ville, notamment en construisant un réseau d’égouts, la fameuse Cloaca Maxima. Mais les rois étrusques, accusés tantôt d’être tyranniques, tantôt trop favorables au peuple, sont chassés par des familles patriciennes qui fondent un simulacre de République, laissant en fait le véritable pouvoir aux grandes familles qui siègent au Sénat.
Dans le sud, Rome va mettre sous sa coupe les nombreuses populations grecques installées là depuis des siècles, dont la capitale était la cité-état de Syracuse en Sicile, comptoir de Corinthe qui contrôlait la Méditerranée orientale. Malgré l’accord conclu en -510 entre la République romaine et Carthage, lui laissant le contrôle de la Méditerranée occidentale, Rome entrera dans un long affrontement avec cette ville d’Afrique du Nord devenue, après Tyr, le centre du commerce phénicien.
Ce conflit est amplement décrit par les historiens romains Polybe (204 av. J.C. – 118 av. J.C.) et Tite-Live (59 av. J.C. – 17), sous le nom de guerres puniques.
Les guerres puniques
Dès le IIIe siècle av. J.C., Carthage domine presque toute l’Afrique du Nord et une bonne partie de la côte sud de l’Espagne.
L’enjeu de la première guerre punique (-264 à -241) sera le contrôle de la Sicile, pièce maîtresse pour prendre le contrôle de la Méditerranée. A l’opposé des Carthaginois et des Grecs, peuples de commerçants et de marins, jusque-là les Romains sont plutôt des terriens et des agriculteurs.
Pour conquérir la Sicile, ils devront s’adapter, notamment en se dotant d’une force navale efficace. Ainsi, au cours de l’hiver -261, Rome construit cent « quinquérèmes », dont le plan demeure incertain, sur le modèle de l’épave d’un navire carthaginois. Ce bateau compte cinq niveaux de rameurs, soit deux de plus que les « trirèmes » grecques.
Le consul Duilius introduira le « corbeau » (corvus), rampe d’abordage muni d’un grappin qui s’enfonçait si solidement dans le pont de l’adversaire que les deux navires étaient littéralement soudés. Les Romains, ayant ainsi rétabli un champ de bataille « terrestre » à leur avantage, envahissaient alors le pont de l’ennemi, et leur férocité au corps à corps leur permettait d’arracher la victoire, comme ce fut le cas à la bataille de Myles (-260) et à celle d’Ecnome (-256).
Carthage est vaincue et un traité de paix est signé, imposant une indemnité de guerre dont les conditions seront durcies suites aux demandes du « peuple » aux comices (assemblées).
Peu après, Rome se fait remettre la Sardaigne et la Corse, causant une injustice à l’origine d’un nouveau conflit. A Carthage, les populations furieuses délaissent alors le parti pacifiste des Hannons pour se tourner vers le parti des revanchards que sont les Barcides (Hamilkar Barca, Hannibal, etc.)
La deuxième guerre punique (-218 à -201) sera surtout un bras de fer entre un homme, Hannibal, et Rome. Ce carthaginois était un stratège génial, légendaire pour sa traversée des Alpes avec des éléphants et ses victoires sur les Romains sur le Tessin, sur les bords de la Trébie, au bord du lac Trasimène et surtout à la bataille mythique de Cannes (-216) où, sur 80 000 Romains, 45 000 furent tués.
Pourtant, en 202, le Romain Scipion (l’Africain) infligera à Hannibal une défaite décisive à Zama (Tunisie actuelle). De nouveau, un traité de paix est signé entre Rome et Carthage, qui perd ses possessions territoriales en Espagne et sera obligée de payer 50 000 talents répartis sur cinquante ans.
Carthago delenda est [Il faut détruire Carthage]
Ainsi, à la fin de la deuxième guerre punique, les Romains, pourvus d’une puissance militaire inégalée, se trouvent dans le même type de « moment unipolaire » que celui de « l’empire américain » aujourd’hui.
Voyant Carthage redevenir prospère cinquante ans après sa défaite, le « faucon » Caton le censeur, convaincu qu’il faut éliminer « la montée de tout compétiteur global », achève chacun de ses discours au Sénat par ces mots : Carthago delenda est (il faut détruire Carthage). Rome trouvera les arguties légales et juridiques pour parvenir à ses fins.
Simone Weil, dans ses Réflexions sur les origines de l’Hitlérisme, écrit et publié en 1939, donne le cas de Carthage en exemple de la perfidie qui se cache derrière le « respect du droit » professé par la « Pax Romana », qui inspira tant Hitler :
« [Carthage] dut contracter une alliance avec Rome et promettre de ne jamais engager la guerre sans sa permission. Au cours du demi-siècle qui suivit, les Numides ne cessèrent d’envahir et de piller le territoire de Carthage, qui n’osait se défendre ; pendant la même période de temps, elle aida les Romains dans trois guerres. Les envoyés carthaginois, prosternés sur le sol de la Curie, tenant des rameaux de suppliants, imploraient avec des larmes la protection de Rome, à laquelle le traité leur donnait droit ; le Sénat se gardait bien de la leur accorder. Enfin, poussée à bout par une incursion numide plus menaçante que les autres, Carthage prit les armes, fut vaincue, vit son armée entièrement détruite. Ce fut le moment que Rome choisit pour lui déclarer la guerre, alléguant que les Carthaginois avaient combattu sans sa permission.
(…) [Le Sénat] accorda aux Carthaginois la liberté, leurs lois, leur territoire, la jouissance de tous leurs biens privés et publics, à condition pour eux de livrer en otages trois cents enfants nobles dans le délai d’un mois et d’obéir aux consuls. Les enfants furent livrés aussitôt. Les consuls arrivèrent devant Carthage avec flotte de guerre et armée, et ordonnèrent qu’on leur remît toutes les armes et tous les instruments de guerre sans exception. L’ordre fut exécuté immédiatement.
(…) Les sénateurs, les anciens et les prêtres de Carthage vinrent alors se présenter aux consuls devant l’armée romaine.
(…) Un des consuls annonça aux Carthaginois présents devant lui que tous leurs concitoyens devaient quitter la proximité de la mer et abandonner la ville, et que celle-ci serait complètement rasée. »
Pour les Carthaginois, peuple de marins, se retirer de 80 stades (14 km) de la mer, équivalait à un arrêt de mort ! Après trois ans de résistance et de combats de rue désespérés, Scipion l’Emilien réussit finalement à s’emparer de la ville. Carthage brûla pendant dix-sept jours. Elle fut rasée et on fit mêler du sel à la terre afin de la rendre infertile à jamais.
Augustin en défense de l’Etat-nation
Dans la Cité de Dieu, Augustin ne se lasse pas de critiquer l’esprit impérial. D’abord, il en montre le ridicule :
« Va-t-on répondre : sans ces guerres continues, se succédant à un rythme ininterrompu, l’empire romain n’aurait pu prendre une si large et si vaste extension, ni acquérir une si immense gloire. Belle raison, vraiment ! Pourquoi l’empire, pour être grand, était-il obligé d’être agité ? Ne vaut-il pas mieux pour le corps humain d’avoir une petite taille avec la santé, que d’atteindre une stature gigantesque au prix de malaises perpétuels. » (III,X)
Ensuite, se moquant de l’esprit « justicier » des Romains, il attaque sur le fond :
« A eux donc de voir s’il convient à des gens de bien de se réjouir de l’étendue de l’empire. Car c’est l’injustice des ennemis contre lesquels on a mené des justes guerres qui a aidé l’empire à s’accroître : à coup sûr, il serait resté de peu d’étendue, si des voisins justes et paisibles n’avaient attiré la guerre sur eux par aucune offense. Ainsi pour le bonheur de l’humanité, il n’y aurait eu que de petits royaumes, heureux de vivre en plein accord avec leurs voisins ; et par la suite, l’Univers aurait compté de nombreux États, comme la cité de nombreuses familles. (…) Au reste, vivre en plein accord avec un bon voisin est sans nul doute une félicité plus grande que de subjuguer par la guerre un voisin méchant. » (IV, XV)
Ou encore :
« Je pose ici une question : pourquoi l’empire lui-même n’est-il pas un dieu ? Pourquoi pas, puisque la Victoire est une déesse ? (…) Peut-être, répugne-t-il aux gens de bien de faire des guerres par trop injustes, et pour étendre leur royaume, de provoquer brusquement au combat des voisins tranquilles qui n’ont commis aucune injustice ? » (IV, XIV)
Les conquêtes coloniales
Une alliance de financiers et de généraux ambitieux pousse alors Rome à se lancer dans une immense expansion coloniale pour former seize provinces, qui n’ont pas seulement à souffrir les gouverneurs, mais surtout les banquiers, qui empruntent à taux très bas à Rome et prêtent aux provinciaux à des taux usuraires atteignant jusqu’à 50 % !
Comme le dit sans détour l’Isaac et Malet (p.33) : « Les conquêtes romaines furent en partie une vaste opération financière ».
Sous différents prétextes – économiques, militaires (guerres défensives) et psychologiques (besoins de sécurité) – Rome annexe un ensemble de riches territoires.
- En -148, la Macédoine ;
- en -146, la Grèce et l’Afrique ;
- en -133, l’Espagne ;
- en -120, la Narbonnaise ;
- en -129, l’Asie ;
- en – 101, la Cilicie ;
- en -74 la Bithynie et le Cyrénaïque ;
- en -67 l’Orient (Pont, Syrie) ;
- en -58, la Gaule et
- en -46, la Numidie.
Une société de consommation
Le pillage du monde méditerranéen, notamment en imposant d’énormes indemnités de guerre en biens et en esclaves, transformera une société relativement productive en pure société de consommation.
Le peuple de Rome, jusque-là assez austère, s’enrichit, adaptant son mode de vie et ses mœurs en conséquence. La corruption s’installe et les nobles accaparent le domaine public. Augustin identifie précisément l’intervalle entre la deuxième et la troisième guerre punique comme le moment d’un changement de paradigmes :
« Puis (…) le luxe asiatique plus redoutable que tout ennemi se glissa pour la première fois dans Rome. Alors, en effet, parurent les lits d’airain, des tapis précieux ; alors s’introduisirent dans les banquets les joueuses de cithare, et d’autres licences dépravées. » (III, XXI)
Salluste, parlant de l’époque précédant la deuxième guerre punique affirme :
« Alors les patriciens exercèrent sur la plèbe un pouvoir tyrannique. Ils disposèrent à la façon des rois, des vies et des corps, chassèrent les citoyens de leurs champs et, les privant de tous leurs droits, s’arrogèrent seuls l’autorité. Accablée de vexations et surtout écrasée de dettes, la plèbe qui, au cours de guerres continuelles, supportait à la fois l’impôt et la conscription, se retira en armes sur le Mont Sacré et l’Aventin… » (cité par Augustin, III,XVII)
A Rome, peu à peu, la corruption et la décadence s’installent en maîtres. Des seize derniers empereurs, la plupart sombrent dans une pédérastie criminelle. Suétone écrit dans les Vies des douze Césars :
« Après avoir fait émasculer un enfant nommé Sporus, Néron prétendit même le métamorphoser en femme, se le fit amener avec sa dot et son voile rouge, en grand cortège, suivant le cérémonial ordinaire des mariages, et le traita comme son épouse. (…) paré comme une impératrice et porté en litière, [il] le suivit dans tous les centres judiciaires et marchés de la Grèce, puis, à Rome, Néron le promena, en le couvrant de baisers à tout instant.«
On peut y ajouter l’apparition des premiers combats de gladiateurs et même un retour à l’adoration de dieux maléfiques.
Écroulement démographique
Et pourtant, c’est précisément cette abondance de richesses qui va provoquer le glissement vers la chute. Dès le début de ces conquêtes coloniales, en -130, le Sénat de Rome est forcé de constater une stagnation démographique. Elle se transformera en dépopulation croissante qui se répandra dans les provinces au cours des cinq siècles suivants.
Comme l’a maintes fois démontré l’économiste américain Lyndon LaRouche, le potentiel de densité démographique relative indique « objectivement » la capacité d’accueil d’une économie organisée.
Déjà, les chiffres concernant la simple densité de population de l’Empire romain, comparés à ceux de la Grèce antique, ne laissent aucun doute : en Grèce, en -400, la densité de population atteignait 35 habitants par km2, c’est-à-dire presque un tiers de plus qu’en Italie romaine où elle est de 23,3 habitants par km2 à l’époque la plus peuplée, c’est-à-dire en l’an 1, pour chuter jusqu’à 11,6 en l’an 600 !
Il faudra attendre le début du XIIIe siècle en Italie et le début du XVe en Angleterre pour retrouver une densité de population du même ordre (Italie vers 1200 : 24 h/km2 ; Angleterre en 1377 : 19 h/km2).
A Rome, le gonflement de la force de travail par une main d’œuvre gratuite d’esclaves, grâce à la « mondialisation », précarise les populations autochtones, finissant par ruiner leur système de production. Une fois formalisées les limites de l’empire, le flux d’esclaves frais se tarit et c’est au tour des populations italiennes de subir le même sort.
C’est ce pillage, et la destruction de l’économie physique, qui provoquera l’effondrement spectaculaire de l’an 200. Alors que la population maximale du monde romain atteint 47 millions à son apogée, elle tombera jusqu’à 29 millions autour de l’an 600, soit une réduction proche de 40 % ! Aveuglée et corrompue par un hédonisme dépravé, Rome échoue, incapable de remettre en question les axiomes de la concupiscence sur lesquels est bâti son système. Pour tenter d’inverser la tendance, tout en faisant l’économie d’une réelle remise en cause, l’histoire romaine n’est qu’une longue fuite en avant dans « la régulation », dans l’incapacité où elle se trouve d’agir sur les causes.
On pense ici, non sans ironie, à certains gauchistes simplets de notre époque, qui, pour « lutter contre le capitalisme », proposent « d’interdire les licenciements » ! Rome sera ainsi la championne des régulations, des mesures et des lois. Bien évidemment, toutes les lois et ensemble de mesures qui sont prises, visant à enrayer la catastrophe démographique en limitant ses conséquences, y compris les codes Dioclétien (instaurant le servage, grande invention romaine pour le bonheur de l’humanité !) ou celui de Théodose (qui rend les métiers héréditaires), échouent lamentablement quand ils ne sont pas écartés d’emblée.
Par exemple, les fameuses réformes agraires proposées par les frères Gracques, visant dès -130 à redistribuer les terres cultivables de certains patriciens aux agriculteurs dépourvus de terre qui habitent Rome.
Dans les débats au Sénat, les Gracques expliquent que l’objectif de ces réformes n’est pas tellement de répondre à un désir de justice sociale, mais de satisfaire le besoin de l’empire à disposer d’une main d’œuvre capable de se reproduire. Ils précisent d’ailleurs que leurs réformes ne représentent aucune menace pour les riches. Néanmoins, révélateur d’un déni hystérique de tout principe de réalité, tous deux seront assassinés et leurs réformes abandonnées.
Ensuite, en – 107, faute d’hommes, le général Marius se voit obligé d’ouvrir le recrutement des légions aux classes inférieures, ce qui n’empêche pas de cruelles pénuries de troupes pour les armées de César en Gaule, forçant même Tibère à abandonner certaines conquêtes territoriales, faute de bras.
Sous l’empereur Auguste, le « Lex Juliana » inclue un dispositif populationniste privant les célibataires et les divorcés de leur droit d’héritage. A la campagne, les ressources sont si maigres que les fermiers et travailleurs essayent d’avoir le moins d’enfants possible.
Sous les empereurs Nerva et Trajan (vers l’an 100), les « alimenta » offrent des aides aux familles pour leur permettre de nourrir leurs enfants jusqu’à l’adolescence. Comme pendant la révolution culturelle en Chine, sous Mao, même les familles patriciennes laissent mourir leurs propres filles, pratique qui tend à se généraliser. Même les familles oligarchiques doivent faire face au déclin démographique. Sur les 400 familles siégeant au Sénat à l’époque de Néron, il n’en reste plus que 200 une génération plus tard.
Quelles contributions ?
Mais, dira-t-on, Rome fut un transmetteur de la connaissance grecque et de la culture antique. Qu’en est-il réellement ?
Du point de vue de la science, Simone Weil affirme :
« Aussi les Romains n’ont-ils apporté d’autre contribution à l’histoire de la science que le meurtre d’Archimède ».
En effet, on constate l’abandon de la tradition scientifique grecque au bénéfice d’un pragmatisme purement technique, parfois capable d’assimiler les techniques d’autres cultures (les arcs des Etrusques, le ciment et la brique des Assyriens, etc.). Bien que la roue à eau figure dans les « Dix livres sur l’Architecture » de Vitruve, il y porte peu d’attention. L’application de la technologie ne le passionne pas, si ce n’est la façon de placer hommes et femmes aux bains pour économiser l’eau. Pendant longtemps, les Romains ont gardé les amphores en grès, alors que les Gaulois avaient déjà mis au point le tonneau.
Architecture
Le grand architecte Auguste Choisy écrit en 1899 dans L’Histoire de l’Architecture :
« De l’art grec, qui semble un culte désintéressé rendu aux idées d’harmonie et de beauté abstraite, nous passons à une architecture essentiellement utilitaire : chez les Romains l’architecture devient l’organe d’une autorité toute-puissante pour qui la construction des édifices publics est un moyen de domination. (…) Pour les Romains, l’art de construire est l’art d’utiliser cette force illimitée que la conquête a mise à leur service ; l’esprit de leurs méthodes peut s’énoncer dans un mot : des procédés dont l’application n’exige que des bras. Le corps des édifices se réduit à un massif de cailloux et de mortier, un monolithe construit, une sorte de rocher artificiel. »
Il est utile de comparer la Porta Nigra de Trèves, qui date de la fin du IIIème siècle, construite par simple empilement de pierres, avec la Domus Aurea » (Maison d’or) de Néron à Rome, coupole sphérique sur le modèle des tombes de la Grèce mycénienne, résultant d’une combinaison sophistiquée de maçonnerie et de béton.
Suétone raconte que :
« Tout était couvert de dorures, rehaussées de pierres précieuses et de coquillages à perles ; le plafond des salles à manger était fait de tablettes d’ivoire mobiles et percées de trous, afin que l’on pût répandre d’en haut sur les convives soit des fleurs, soit des parfums : la principale était ronde et tournait continuellement sur elle-même, le jour et la nuit, comme le monde. »
La technologie est au service des caprices de prestige des empereurs fous, mais pas de l’avancement de l’intérêt général !
Infrastructures
A part les immenses aqueducs, science des Etrusques et d’Asie centrale, capables par exemple d’approvisionner plus d’un million d’habitants de Rome grâce à des innovations comme l’emploi du plomb pour la tuyauterie, le bilan est pauvre.
Les routes romaines étant essentiellement construites pour les messagers et les armées, le reste du fret commercial s’opère essentiellement sur les voix secondaires. Ainsi, transporter une cargaison de céréales d’Alexandrie vers Rome revient moins cher que de la faire venir de l’intérieur de l’Italie.
Agriculture
L’agriculture romaine fut dévastée par le monétarisme et l’aristotélisme. Dans les propriétés immenses, 20, 30 à 50 fois la taille d’une ferme familiale (comme celle de Montmaurin, en Haute-Garonne, d’environ 10 000 hectares), les esclaves cultivent d’une façon extensive des produits de plus en plus orientés vers l’exportation (vin, huile d’olive) et de moins en moins de céréales.
Semblable aux physiocrates, et convaincu que c’est la terre et non les hommes qui produisent la richesse, Caton, le massacreur de Carthage, écrit dans son Economie Rurale (I,CXXXVI) :
« Souvenez-vous qu’un champ très productif, comme un homme prodigue, est ruineux, s’il occasionne un excès de dépenses. Si vous me demandez quel est le meilleur domaine, je vous répondrai :sur un domaine de cent arpents et bien situé, la vigne est la meilleure récolte, si elle est productive. Je place ensuite un potager arrosable ; au troisième rang, une oseraie ; au quatrième, l’olivier ; au cinquième, une prairie ; au sixième, les céréales ; au septième, un taillis ; puis un verger et, enfin, une forêt de chênes. »
Bien que l’on élève dans d’énormes ranchs des chevaux de course pour le cirque, les animaux de trait et par conséquent les engrais, ne sont guère de mise sous l’Empire romain. Il faut attendre le Xe en Europe du Nord (et même la fin du XVIIe en Angleterre…) pour voir apparaître le collier rigide (inventé en Chine au Ve siècle) qui prend appui sur les épaules du cheval, pour révolutionner l’agriculture. Possédant une force équivalant à celle d’un bœuf, le cheval de trait peut déplacer la moitié plus de poids par seconde et par distance.
Cette politique de croissance zéro dans les campagnes provoque un véritable exode rural, créant les conditions d’une famine et alourdissant encore les charges fiscales pesant sur ceux qui restent. Ceux qui fuient la campagne trouvent à Rome les « annona », une aide alimentaire instaurée dès -500, dont bénéficient 200.000 personnes en -130, pour passer à 320.000, soit un quart, sinon la moitié de la population.
Le Cirque et les jeux
A Rome, l’astuce des maîtres consiste à laisser leurs esclaves en semi-liberté pour les faire bénéficier de cette nourriture gratuite résultant du pillage des récoltes de Sicile, d’Égypte et d’Afrique du Nord.
A l’époque de Claude (+50), Rome ne compte pas moins de 159 jours fériés par an et en +354, ce chiffre atteint les 200 !
Pour occuper cette foule et la désinhiber de la violence du système et des guerres, une mise en scène permanente est organisée autour d’une culture de la mort. Déjà, la perspective d’un « no future » est si forte que beaucoup d’hommes libres de Rome, convaincus de l’inutilité de leur existence, s’enregistrent volontairement comme gladiateur afin de ne jamais avoir à subir la dépendance matérielle.
De 120 gladiateurs engagés à lutter, leur nombre passe à 350 couples qui s’affrontent en duels sous Trajan, et après la conquête de la Dacie, 117 jours de célébration voient s’opposer non moins de 4941 paires de gladiateurs ! Jeux et paris vont alors bon train.
Sous Trajan, le Circus Maximus, un hippodrome construit en -329 où se déroulent 24 courses par jour, mesurant 600 mètres sur 200 et pouvant accueillir jusqu’à 255 000 spectateurs, ne connaîtra rien de comparable, si ce n’est le stade de Berlin, construit par les nazis en 1936. Les représentations théâtrales sont d’une vulgarité extrême et le public connaît généralement les chansons et les textes par cœur.
« L’âne d’or » d’Apulée (v.125 – v.180), met en scène un coït avec un âne et, plus tard, une crucifixion « life » est incorporée dans une pièce.
Le « Colisée », un amphithéâtre construit sous Flavien, vers 70, peut recevoir jusqu’à 50 000 personnes. Grâce à des astuces techniques, le plateau se transforme en petit lac pour figurer des joutes navales. Mais c’est généralement moins romantique.
Le seul jour de l’inauguration, non moins de cinq mille animaux sont mis à mort au cours de combats divers. Des lions sont lâchés sur des buffles, des ours contre des panthères, des rhinocéros contre des éléphants, des gladiateurs contre des tigres, etc.
Le bilan mortel est impressionnant ! Pour ne donner que quelques exemples des plus sanglants :
- Le retour victorieux de Trajan du royaume dace provoqua le sacrifice de 11 000 animaux.
- Le venatio au Circus Maximus de 169 av. JC vit mourir 63 léopards, 40 ours et plusieurs éléphants.
- En 55 av. JC, ce fut 500 lions, 410 panthères et léopards et 18 éléphants qui périrent en cinq jours.
- La même année, Pompée célèbre l’inauguration de son théâtre avec 410 panthères et 600 lions.
- En l’honneur de Jules César, 400 lions moururent en une journée.
- A une autre 500 fantassins affrontèrent 20 éléphants et 20 autres montés d’hommes et de tourelles.
- 500 ours furent exécutés sous l’ordre de Caligula pour sa sœur Drusilla.
- 5 000 bêtes moururent pour l’inauguration du Colisée
Ken Kronberg dans son étude très complète, constate que,
« Répétée partout dans tous les amphithéâtres de l’empire, cette boucherie rituelle a conduit à l’extinction de l’éléphant d’Afrique du Nord, de l’hippopotame nubien et du lion de Mésopotamie. »
D’ailleurs, chaque matin, avant l’arrivée des nobles dans les stades, les criminels en tous genres (terme qui s’applique également aux chrétiens) sont jetés en pâture aux fauves pour les mettre en appétit. Les crucifixions n’ont d’ailleurs pas été inventées pour les chrétiens.
A Lutetia (Paris), rappelez-vous que Montmartre vient de « Mont des Martyrs », c’est-à-dire l’endroit où l’on exécute les condamnés à mort.
A Lugdunum (Lyon), la « Croix Rousse » désigne un lieu similaire, car on brûlait les cadavres sur les croix pour prévenir les épidémies. L’omniprésence de la cruauté froide et calculée et de la mort arbitraire semble avoir eu le même effet que certains de nos jeux vidéos violents d’aujourd’hui : désinhiber les hommes en les familiarisant avec la barbarie.
D’ailleurs, à Carthage, après le massacre d’une grande partie de la population, on trouva dans les rues, non seulement des cadavres d’enfants, de femmes, de vieillards et d’hommes, mais aussi des chiens coupés en morceaux et des membres épars d’animaux…
Conclusion
Dans cette société romaine, il est clair que la vie d’un individu, surtout dépourvu de pouvoir, n’a aucune valeur. Mais ce pouvoir de vie et de mort, véritable culte du sang, dont Rome dispose, ce pouvoir de ne pas respecter la vie humaine sera en réalité la faiblesse mortelle d’une culture tragique, relativement apte à s’adapter mais incapable de se changer.
Shakespeare, dans Jules César, l’a parfaitement identifié :
CESAR :
« …Calpurnia que voici, ma femme, me retient.
Elle vient de rêver que ma statue,
Comme une fontaine à cent bouches,
Versait un sang où de nombreux Romains
Vigoureux, souriants, trempaient leurs mains,
Et cela lui parait prophétique, un présage
De malheurs imminents. Et à genoux
Elle m’a supplié de ne pas sortir aujourd’hui. »
(acte I, scène II)
L’un des comploteurs impliqué dans l’assassinat de César utilisera son orgueil pour l’amener sur le lieu du crime :
DECIUS :
« Ce rêve est tout à fait mal interprété.
C’est une heureuse vision, de bon augure.
Votre statue versant par tant de bouches
Un sang où des Romains qui sourient se baignent,
Signifie que la grande Rome puisera
Dans votre sang sa vigueur ; que de grands hommes
S’y presseront pour teindre des emblèmes,
Pour empourprer de futures reliques…
Tel est le sens du songe, Calpurnia. »
Ceux qui ne comprennent pas les erreurs axiomatiques de leur propre culture sont condamnés à répéter les erreurs de l’histoire. Tel est le sort qui guette aujourd’hui les oligarchies imbéciles. Après cinquante ans de pillage par le FMI et la Banque mondiale, aggravé par l’émergence de bulles financières incontrôlables, le système court rapidement à sa perte. L’écroulement de l’URSS, en 1989, a fait revivre la dangereuse illusion d’un « moment unilatéral », capable d’engendrer l’utopie d’un empire mondial.
Le dernier « moment unilatéral » de ce type intervint en 1946, lorsque Bertrand Russell demanda une « attaque préventive » nucléaire contre l’URSS avant qu’elle ne se dote d’armes de destruction massive équivalant à l’arsenal occidental.
Aujourd’hui, sous couvert d’éliminer la menace du terrorisme et des « Etats-voyous », et derrière les prophéties d’un « choc de civilisations », nous entendons de nouveau : « Carthago delenda est » !
Mais croyez-vous réellement que l’Irak soit la nouvelle Carthage ? Non, Carthage, c’est vous et moi, c’est l’Europe en passe de devenir le véritable compétiteur global par sa politique d’intégration eurasiatique, du Portugal à la mer de Chine.
Peut-être même Carthage est-elle davantage encore cette amitié franco-allemande qui, comme Numance à l’époque romaine, par l’exemplarité de son indépendance, représente une exception intolérable. Ne vous y trompez donc pas, les empires n’ont pas d’alliés, ils n’ont que vassaux et rebelles, chacun reconnaissant à sa façon la supériorité et le prestige de l’Empire.
La bataille n’est donc pas celle du petit jardin pacifique de Kant (l’Europe) contre Hobbes (le droit du plus fort), comme Robert Kagan le conjecture, mais celle d’Augustin contre l’Empire romain, car cet empire touche déjà à sa fin et ce n’est pas une nouvelle croisade qui le fera perdurer. A l’administration américaine, nous disons donc volontiers ce que le devin disait à Jules César : « Crains les ides de mars ».
Addendum : Une information vient cruellement conforter notre analyse. Début mars, Ed Koch, ancien maire de New York, inconditionnel de la guerre contre l’Irak et donc exaspéré par l’opposition française, aurait déclaré, « Omnia Gallia delenda est » (Il faut détruire toute la Gaulle).
Articles et livres consultés :
- Choisy Auguste, Histoire de l’Architecture, Bibliothèque de l’Image, Paris 1996.
- Goldsworthy Adrian, Les guerres romaines, Editions Autrement, Paris 2000.
- Kronberg Kenneth, « How the Romans nearly destroyed civilization », dans New Solidarity, 1983.
- Mac Mullen Ramsay, « Le déclin de Rome et la corruption du pouvoir », dans Les Belles Lettres, 1991.
- Saint-Augustin, La Cité de Dieu », Desclée de Brouwer, 1960, Paris.
- Shakespeare, Jules César, Folio, Gallimard.
- Suétone, La Vie des douze Césars, Folio, Gallimard.
- Tite Live, Histoire Romaine, Livres XXVI à XXX, Garnier-Flammarion, 1994, Paris.
- Weil Simone, « Quelques réflexions sur les origines de l’Hitlérisme », 1939, Œuvres Complètes, Vol. II, Gallimard, 1989, Paris.
The splendors of the kingdoms of Ife and Benin
The breathtaking beauty of the XIIth century bronze heads of Ife (Nigeria) challenge the colonial view that Africa was a virgin continent, populated by animals and a few primitive tribes which failed walking their first steps into « history ».
Today inhabited by a half million people, the city of Ife in southwest Nigeria, was formerly the religious center and former capital of the Yoruba people whose prosperity was essentially the fruit of their trade with the peoples of West Africa along the 4200 km long Niger River and beyond.
What some call today “Yorubu-land”, inhabited by some 55 million people, covered some 142,000 km2 comprising vast parts of countries such as today’s Nigeria (76%), Benin (18.9%) and Togo (6.5%).
Today, the Yoruba people live in Ghana, Burkina Faso, Ivory Coast and, since the slave trade, in the United States. It is not surprising, therefore, that yoruba, also the name of one of the three major languages of Nigeria, is also spoken in parts of Benin and Togo, as well as in the West Indies and Latin America, including Cuba and other settlements populated by descendants of African slaves.
An extraordinary discovery
It was in January 1938, during excavation work for the construction of a house, that workers discovered an unusual treasure in the Wunmonije district of Ife. At a mere hundred meters distance away of the site of what once was the Royal Palace, they unearthed thirteen magnificent bronze heads dating from the XIIth century representing a king (an « Ooni« ), some women and courtiers. Others have since been unearthed.
Their faces, except for the lips, are covered with grooves. The hairstyle suggests a complex crown composed of several layers of tubular balls, topped by a crest with a rosette and an « egret ». The surface of this crown bears traces of red and black paint.
These large heads may have been used as effigies of the deceased in funeral ceremonies, which, among the Yoruba, sometimes took place a year after the rapid burial of the dead imposed by the tropical climate.
At the time of the discovery, the extremely naturalist rendering of the heads is considered anachronistic in the art of sub-Saharan Africa, and even more disturbing than the very “classical” i.e. realistic “mummy portraits” (Ist-IInd century) discovered as early as 1887 in the Faiyum depression of Egypt.
Yet a long tradition of figurative sculpture with similar characteristics as the bronze heads of Ife existed before, particularly among the Nok, a people of farmers who mastered iron metallurgy starting from 800 BC.
Hysteria
Since 1938, the « heads of Ife » have provoked reactions close to hysteria in Europe and the West in general.
On the one hand, the « modernists » and the « abstract » artists of the early XXth century, for whom the more abstract a sculpture is and the more distant it is from reality, the more it was considered as typically African. For those who were inspired by African « abstract » art to free themselves from what they considered as materialistic naturalism, the heads of Ife brutally challenged their self-deceiving “smart” narrative.
On the other hand, especially for the supporters of colonial imperialism, this art simply could not be. Frank Willett, at one point the head of the Nigerian Department of Antiquities and author of Ife, an African civilization (Editions Tallandier, 1967), reported that « Europeans visiting Ife frequently wonder how people living in houses of dried mud, with straw roofs, could have made such beautiful objects as the bronzes and terracotta in the museum ». Trying to answer that question, the publisher Sir Mortimer Wheeler replied: “The prejudice is alive and well that artistic creation and sensitivity cannot exist without domestic talent and sanitary comfort!”
The questions of the Europeans were numerous. How, in the XIIth century, could primitive peoples, who had never known an organized form of state, have made bronze heads of such refinement, using techniques that even Europe failed to master at that juncture? How could it have been possible, for tribes, subjected to superstition and irrational magic, could have observed the human anatomy so meticulously? How could savages have expressed such noble feelings towards both men and women? Faced with such an unbearable paradox, total denial was their only answer.
Hence, when the German archaeologist Leo Frobenius presented the bronze heads, western experts refused to believe in the existence of an African civilization capable of leaving artifacts of a quality they recognized as comparable to the best artistic achievements of ancient Rome or Greece. In a desperate attempt to explain what passed for an anomaly, Frobenius, without the slightest semblance of proof, came up with the theory that these heads had been cast by a Greek colony founded in the XIIIth century BC, and that the latter could be at the origin of the old legend of the lost civilization of Atlantis, a narrative immediately adopted in chorus by the mass media…
Bronze
What first shocked Western experts was that these were not carved wood but sophisticated bronze heads (about 70 % copper, 16.5 % zinc and 11.3 % lead).
Given the extreme scarcity of copper ore in Nigeria, these objects demonstrate that the region had trade relations with distant countries. The ore is believed to have come from Central Europe, northwest Mauritania, the Byzantine Empire or, via the Niger River, from Timbuktu where the ore arrived by camel from southern Morocco.
If during the Neolithic period, copper, gold and silver nuggets were hammered cold or hot, it is only starting from the Bronze Age that man develops the science of real metallurgy. From ores, he was then able to extract metals thanks to a precise heat treatment, made possible by the experience of the ceramists of the time, great experts in the construction of high temperature ovens.
Copper only melts at 1083° Celsius, but by adding tin (which melts at 232°) and lead (which melts at 327°), it is possible to obtain bronze at 890° and brass at 900°. The terracotta is made at low temperature, around 600 to 800°. It should be underlined that in China, since the Shang Dynasty (1570-1045 BC), certain types of porcelain obtained much higher temperatures, between 1000 and 1300° Celsius, obtained thanks to the use of charcoal.
The oldest traces of ceramics in sub-Saharan Africa are thought to date back to more than 9000 BC, and perhaps earlier. Bu some fragmentary shards have been discovered in West Africa, in this case in Mali, and considered dating from 12000 BC. Ceramics also were produced further south, notably by the Nok culture in northern Nigeria at the beginning of the first millennium BC.
Lost-wax casting
What also shocked the experts was that the technique used to make them was the quite sophisticated so-called « lost-wax casting » or “cire perdue” technique, a high precision molding process that is still used today to make church bells.
First, a model was made out of wax. This was covered with fine clay to form a mold, which was then heated so that the wax melted and ran away. Molten metal was poured into the clay mold which would be broken open to release the complete object.
Clearly, the foundries producing these artifacts required a highly skilled and well organized professional labor force.
The exceptional know-how and skills of the bronze founders of Ife was preceded by those of Igbo-Ukwu in eastern Nigeria where in 1939 a tomb filled with artifacts dating from the IXth century was discovered, revealing the existence of a powerful and refined kingdom mastering the famous lost-wax casting technique, but which so far could not be linked to any other culture in the region.
The oldest known example of the lost-wax technique comes from a 6,000-year-old wheel-shaped copper amulet found at Mehrgarh in today’s Pakistan. Although China, Greece and Rome mastered this technique, it was not until the Renaissance that it made its return to Europe.
Ife, an organized state
In reality, the art of Ife challenged the colonial theory that Africa was a virgin land, populated by animals and a few primitive tribes who had never taken their first steps in « history ».
Indeed, any evidence showing the existence of empires, kingdoms or great states on the African continent that allowed Africans to govern themselves peacefully for centuries could only de-legitimize the « civilizing mission » of colonialism.
However, according to oral traditions, Ife was founded in the 9th-10th centuries by Oduduwa, through the fusion of 13 villages into a single city becoming the hearth of Yoruba mythology, who considers Ife as the cradle of humanity and the center of the world.
Recognized as a minor god, Oduduwa became the first Ooni (King) and had an Aafin (palace) built. He ruled with the help of the isoro, former village chiefs who had recovered a religious title and were subject to royal political authority.
According to the same oral traditions, Oduduwa is said to have been an exiled Prince of a foreign people, who left his homeland and traveled south with his suite, settling among the Yoruba around the XIIth century. His religious faith, that he brought with him, was so important to him and his followers that it would have been the cause of their exodus in the first place.
Oduduwa’s land or country of origin remains a matter of debate. For some, he comes from Mecca, for others from Egypt, as the technical skills he brought with him are supposed to demonstrate.
So far, most historians have looked to influences arriving by sea and waterways. However, it is a very plausible hypothesis that travel routs through the savanna, could have connected the Niger Delta with the Nile, like a sort of great transcontinental land-bridge, passing notably via Chad, a region where thousands of early cave paintings testify the vivacity of pictorial creativity.
As our good friend Kotto Essomé repeatedly underlined, African states often prospered along the climatic zones, following “horizontally” the latitudes. Colonial borders were deliberately drawn (laterally or “vertically”) to break the natural boundaries of pre-colonial African states.
Now, as this map clearly indicates, a horizontal “ribbon” of habitable urban areas, on the borderline between the herbaceous and wooded savanna, stretches over the entire continent from the Atlantic till the Southern Nile. Unsurprisingly, this particular climatic and geographical area might have been optimally suited for both hunting, agriculture and cattle raising.
From their part, the Edo people of Benin City believed that Oduduwa was in fact a prince of their extraction, who would have fled Benin during a fight over royal succession. This is why one of his descendants, Prince Oramiyan, would have been allowed to return and found the dynasty ruling the Kingdom of Benin. Prince Oramiyan was thus the first oba of Benin, successfully replacing the Ogiso monarchical system that had reigned until then.
Metallurgy
What deserves attention here is the fact that metallurgy occupies a central place in Ife. Oduduwa had a forge in his Royal palace (Ogun Laadin). Kings from different kingdoms installed their forges within the royal palace, showing the strong symbolic relationship between power and metallurgy.
Contrary to what happened on other continents, the Iron Age in Africa would have preceded the Copper Age in some regions. The oldest indications documenting the transformation of iron ore in Africa date back to the third millennium BC. They are the archaeological sites of Egaro in eastern Niger and Giza and Abydos in Egypt. While the site of Buhen in Egyptian Nubia (- 1991), after working iron, became a « copper factory », the sites of Oliga in Cameroon (-1300) and Nok in Nigeria (-925) testify clearly of a dynamic metallurgical activity.
As we have seen, bronze casting techniques demonstrate the existence of a very advanced technological know-how. Ife will also be a major center for glass production, especially glass beads. The waste material of this ancestral production, made up of parts of crucibles covered with molten glass, will be looked for in the XIXth century by the inhabitants of the region, although the origin of the glass beads was neglected.
Recent archaeological excavations have shown that the settlements of this area are very ancient. But as we have seen, it was only at the beginning of the 2nd millennium that developments in the field of metallurgy would have made it possible to improve agricultural tools and generate surplus food. Yam, cassava, maize and cotton are cultivated here, the latter giving birth to an important cloth weaving industry.
Hence, the city of Ife experienced a rapid demographic expansion thanks to this rise in agricultural productivity, itself the fruit of the mastery of an increased energy density allowing the transformation of « stones » (ores) into useful resources.
The medieval urbanization of Ife is today widely attested by the existence of numerous enclosures made of ditches and embankments, which seem to indicate the various spaces that have experienced a demographic concentration and the existence of a political body powerful enough to implement such great infrastructure programs.
Interesting, as a successful centralized state, Ife became increasingly a model for other states in the region and beyond. Several descendants and captains of Oduduwa founded their own kingdoms based on the same model and relying on the same legitimacy. The monarchical experience of Ife is exported with its cultural framework. The adé ilèkè, a crown of glass beads symbolizing royal power, is found in most monarchies in the region.
In total, depending on the sources, an estimated 7 to 20 kingdoms make up the Yoruba world in the first half of the second millennium AD.
- Oyo State in Nigeria was one of such powerful Yoruba city-states.
- Another example, the Kingdom of Ketou, currently in the southeast of Benin, is supposed to have been founded around the XIVth century by an alleged descendant of Oduduwa. He is said to have left Ife with his family and other members of his clan and moved westward, eventually settling in the city of Aro, northeast of the city of Ketou. Aro quickly became too small for the growing population, and the decision was made to settle in Ketou. King Ede therefore left Aro with 120 families and settled in this city.
- Another demonstration of Yoruba building science is the Sungbo Eredo Wall, near the Nigerian capital Lagos, a system of walls and ditches built in the XIVth century and located southwest of the town of Ijebu Ode, in Ogun State, southwestern Nigeria. More than 160 km (100 miles) long, these fortifications, some as high as 20 meters (65 feet), consist of a smooth-walled ditch that forms an inner moat in relation to the walls that overhang it. The ditch forms an irregular ring (Map) around the lands of the ancient kingdom of Ijebu. This ring is about 40 km in the north-south direction and 35 km in the east-west direction, which is the equivalent of the Paris périphérique ! Invaded by vegetation, the construction today looks like a green tunnel.
From Ife to the Kingdom of Benin
In the XIVth century, Ife experienced a demographic collapse, characterized by the abandonment of certain enclosures and a strong advance of the forest into formerly residential areas. There was also a break in the transmission of know-how and artisan techniques.
This demographic collapse has been explained as the result of a Black Plague, according to some authors, who draw a parallel with the pandemic waves hitting Europe at the same period.
Part of the inhabitants of Ife were able to take refuge and bring their know-how in metallurgy to the Kingdom of Benin, which lasted for seven hundred years, from the XIIth century until its invasion by the British Empire at the end of the XIXth century. Benin was a coastal West African city-state dominated by the Edos, an ethnic group whose dynasty still survives today.
Its territory covers to present-day Benin, plus part of Togo and southwestern Nigeria, where today « Benin City », a historic port on the Benin River, is located. In the heart of the city, the royal residence with monumental proportions translated visually the importance given to political, spiritual and traditional power.
Benin City, a marvel
The social organization of the city impressed European visitors at the end of the XVth century. As a major regional economic trading pole, Benin was full of ivory, pepper and slaves. Benin offered the Europeans palm oil (the oil palm growing abundantly in the region). In exchange, they requested, and obtained guns, allowing the modernization of the Beninese armament.
Located in a plain, Benin City is surrounded by massive walls to the south and deep ditches to the north. Beyond the city walls, many other walls have been erected that organize the entire region of the capital into some 500 separate boroughs.
In 2016, an article published by The Guardian recounted the lost splendor of the city. The paper reported:
“The Guinness Book of Records (1974 edition) described the walls of Benin City and its surrounding kingdom as the world’s largest earthworks carried out prior to the mechanical era. According to estimates by the New Scientist’s Fred Pearce, Benin City’s walls were at one point “four times longer than the Great Wall of China, and consumed a hundred times more material than the Great Pyramid of Cheops”.
Pearce writes that these walls “extended for some 16,000 km in all, in a mosaic of more than 500 interconnected settlement boundaries. They covered 6,500 sq km and were all dug by the Edo people … They took an estimated 150 million hours of digging to construct, and are perhaps the largest single archaeological phenomenon on the planet”.
Benin City was also one of the first cities to have a semblance of street lighting. Huge metal lamps, many feet high, were built and placed around the city, especially near the king’s palace. Fueled by palm oil, their burning wicks were lit at night to provide illumination for traffic to and from the palace.
When the Portuguese first “discovered” the city in 1485, they were stunned to find this vast kingdom made of hundreds of interlocked cities and villages in the middle of the African jungle.
In 1691, the Portuguese ship captain Lourenco Pinto observed:
“Great Benin, where the king resides, is larger than Lisbon; all the streets run straight and as far as the eye can see. The houses are large, especially that of the king, which is richly decorated and has fine columns. The city is wealthy and industrious. It is so well governed that theft is unknown and the people live in such security that they have no doors to their houses.”
In contrast, London at the same time is described by Bruce Holsinger, professor of English at the University of Virginia, as being a city of “thievery, prostitution, murder, bribery and a thriving black market made the medieval city ripe for exploitation by those with a skill for the quick blade or picking a pocket”.
African fractals
Benin City’s planning and design was done according to careful rules of symmetry, proportionality and repetition now known as fractal design. The mathematician Ron Eglash, author of African Fractals – which examines the patterns underpinning architecture, art and design in many parts of Africa – notes that the city and its surrounding villages were purposely laid out to form perfect fractals, with similar shapes repeated in the rooms of each house, and the house itself, and the clusters of houses in the village in mathematically predictable patterns.
As he puts it:
“When Europeans first came to Africa, they considered the architecture very disorganized and thus primitive. It never occurred to them that the Africans might have been using a form of mathematics that they hadn’t even discovered yet.”
At the center of the city stood the king’s court, from which extended 30 very straight, broad streets, each about 120-ft wide. These main streets, which ran at right angles to each other, had underground drainage made of a sunken impluvium with an outlet to carry away storm water. Many narrower side and intersecting streets extended off them. In the middle of the streets were turf on which animals fed.
“Houses are built alongside the streets in good order, the one close to the other,” writes the XVIIth-century Dutch visitor Olfert Dapper. “Adorned with gables and steps … they are usually broad with long galleries inside, especially so in the case of the houses of the nobility, and divided into many rooms which are separated by walls made of red clay, very well erected.”
Dapper adds that wealthy residents kept these walls “as shiny and smooth by washing and rubbing as any wall in Holland can be made with chalk, and they are like mirrors. The upper stores are made of the same sort of clay. Moreover, every house is provided with a well for the supply of fresh water”.
Family houses were divided into three sections: the central part was the husband’s quarters, looking towards the road; to the left the wives’ quarters (oderie), and to the right the young men’s quarters (yekogbe).
Daily street life in Benin City might have consisted of large crowds going though even larger streets, with people colorfully dressed – some in white, others in yellow, blue or green – and the city captains acting as judges to resolve lawsuits, moderating debates in the numerous galleries, and arbitrating petty conflicts in the markets.
The early foreign explorers’ descriptions of Benin City portrayed it as a place free of crime and hunger, with large streets and houses kept clean; a city filled with courteous, honest people, and run by a centralized and highly sophisticated bureaucracy.
The city was split into 11 divisions, each a smaller replication of the king’s court, comprising a sprawling series of compounds containing accommodation, workshops and public buildings – interconnected by innumerable doors and passageways, all richly decorated with the art that made Benin famous. The city was literally covered in it.
The exterior walls of the courts and compounds were decorated with horizontal ridge designs (agben) and clay carvings portraying animals, warriors and other symbols of power – the carvings would create contrasting patterns in the strong sunlight. Natural objects (pebbles or pieces of mica) were also pressed into the wet clay, while in the palaces, pillars were covered with bronze plaques illustrating the victories and deeds of former kings and nobles.
At the height of its greatness in the XIIth century – well before the start of the European Renaissance – the kings and nobles of Benin City patronized craftsmen and lavished them with gifts and wealth, in return for their depiction of the kings’ and dignitaries’ great exploits in intricate bronze sculptures.
“These works from Benin are equal to the very finest examples of European casting technique,” wrote Professor Felix von Luschan, formerly of the Berlin Ethnological Museum. Italian Renaissance artist “Benvenuto Celini could not have cast them better, nor could anyone else before or after him. Technically, these bronzes represent the very highest possible achievement.”
The fatal encounter with « civilization »
Following the Berlin Conference of 1885, where the British, Portuguese, Belgian, German, French, Italian and other European colonial powers shared Africa like a big chocolate cake that they intended to devour, in the name of the immutable laws of the freshly invented science of “geopolitics”, European invasions multiplied and gained in brutality.
Thus, following the king of Benin’s refusal to cede to the British the national monopoly on the production of palm oil and other products, Benin City was looted, burned and reduced to ashes during a British punitive expedition in 1897. The king (the oba) is arrested and forced into exile and thousands of beautiful « bronzes of Benin », though less realistic than those of Ife, are stolen, sold and partly lost.
They end up on the art market and in museums, including the British Museum (700 objects) and the Berlin Museum of Ethnology (500 pieces). The British government itself sells some of them « to cover the cost of the expedition« .
So, while some clearly entered history with their beautiful art, others exited civilization with their barbarian crimes.
Summary bibliography:
- Ifè, une civilisation africaine, Frank Willett, Jardin des Arts/Tallandier, Paris 1971;
- General History of Africa, Présence africaines/Edicef/Unesco, Paris 1987;
- Atlas historique de l’Afrique, Editions du Jaguar, Paris 1988;
- L’Afrique ancienne, de l’Acus au Zimbabwe, under the direction of François-Xavier Fauvelle, Belin/Humensis, Paris 2018.
La splendeur des Royaumes d’Ifè et du Bénin
Les têtes en bronze d’Ifè (Nigeria) mettent à mal la théorie coloniale pour qui l’Afrique n’était qu’un terrain vierge, peuplé d’animaux et de quelques peuplades primitives n’ayant jamais fait leurs premiers pas dans « l’histoire ».
Aujourd’hui ville d’un demi-million d’habitants au sud-ouest du Nigeria, Ifè fut le centre religieux et l’ancienne capitale du peuple yoruba qui s’est développé pour l’essentiel grâce au commerce qu’il faisait sur le fleuve Niger, long de 4200 km, avec les peuples de l’Afrique de l’Ouest et au-delà.
Cet espace avant tout géoculturel de quelque 55 millions de personnes a prospéré dans une vaste ère géographique (Yoruba-land) d’environ 142 000 km², comprenant des régions entières de pays comme le Nigeria (76 %), le Bénin (18,9 %) et le Togo (6,5 %) actuels.
On trouve également des Yoruba au Ghana, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et, depuis la traite négrière, aux Etats-Unis. Ce n’est donc pas surprenant que le yuroba, une langue à tons, soit l’une des trois grandes langues du Nigeria, également parlée dans certaines régions du Bénin et du Togo, ainsi qu’aux Antilles et en Amérique latine, notamment à Cuba par les descendants d’esclaves africains. Espace géo-culturel des yoruba autour d’Ifè et, à droite, celui du peuple edo au Royaume autour de Bénin City.
Un trésor hors du commun
C’est en janvier 1938, lors de travaux de terrassement pour la construction d’une maison, que des ouvriers découvrent à Ifè, dans le quartier de Wunmonije, un trésor peu ordinaire. A une centaine de mètres du site du Palais Royal, ils déterrent treize magnifiques têtes en bronze datant du XIIe siècle représentant un roi (un « Ooni ») et des courtisans. D’autres ont été déterrées depuis.
Leurs visages, hormis les lèvres, sont couverts de striures. La coiffure fait penser à une couronne complexe composée de plusieurs couches de billes tubulaires, surmontée d’une crête avec une rosette et une « aigrette ».
La surface de cette couronne porte des traces de peinture rouge et noire. Ces grandes têtes ont pu servir d’effigies de défunts lors de cérémonies funéraires, qui, chez les Yoruba, ont parfois lieu un an après l’enterrement rapide des morts qu’impose le climat tropical.
Le rendu très ressemblant et naturaliste des têtes est alors considéré comme anachronique dans l’art de l’Afrique subsaharienne, et encore plus troublant que celui des portraits de momie, très réalistes, du Fayoum égyptien (I-IIe siècle)..
Pourtant, une longue tradition de sculpture figurative présentant des caractéristiques semblables existait avant la création de ces sculptures de métal, en particulier chez les Nok, un peuple de cultivateurs maîtrisant le fer à partir de 800 ans avant notre ère.
Hystérie
Depuis 1938, les « têtes d’Ifè » ont provoqué des réactions proches de l’hystérie en Europe et en Occident.
D’un côté, les « modernistes » et les « abstraits » du début du XXe siècle, pour qui plus une sculpture est abstraite et s’éloigne de la réalité, plus elle est considérée comme typiquement africaine.
Pour ceux qui s’inspiraient de « l’abstrait » africain pour se libérer du naturalisme matérialiste, les têtes d’Ifè venaient donc brutalement bousculer leurs théories savamment construites.
De l’autre, surtout pour les partisans de l’impérialisme colonial, cet art ne pouvait tout simplement pas exister.
A Frank Willett, le responsable du Département nigérian des Antiquités et auteur d’Ifè, une civilisation africaine (Editions Tallandier, 1967), qui rapportait que « les Européens en visite à Ifè se demandent fréquemment comment des gens vivant dans des maisons de boue séchée, aux toits de paille, ont pu fabriquer d’aussi beaux objets que les bronzes et terres cuites au musée », l’éditeur Sir Mortimer Wheeler répondit :
Le préjugé a la vie dure, qui veut que la création et la sensibilité artistiques ne puissent exister sans les talents domestiques et le confort sanitaire !
Les interrogations des Européens étaient nombreuses. Comment, au XIIe siècle, des peuples primitifs, n’ayant jamais connu de forme d’État organisé, auraient-ils pu fabriquer des têtes en bronze d’un tel raffinement, faisant appel à des techniques que même l’Europe ne maîtrisait pas à cette époque ? Comment des tribus, vivant dans la superstition et la magie la plus irrationnelle, auraient-elles pu observer avec tant de minutie l’anatomie humaine ? Comment des sauvages auraient-ils pu exprimer des sentiments aussi nobles, aussi bien envers des hommes que des femmes ?
Devant un paradoxe aussi insoutenable, le déni fut la règle.
Ainsi, lorsque l’archéologue allemand Leo Frobenius présenta le premier ce type de tête, les experts refusèrent de croire à l’existence d’une civilisation africaine capable de laisser des artefacts d’une qualité qu’ils reconnaissaient comparable aux meilleures réalisations artistiques de la Rome ou de la Grèce antiques. Pour tenter d’expliquer ce qui passait pour une anomalie, Frobenius avança alors, sans le moindre début de preuve, la théorie que ces têtes auraient été moulées par une colonie grecque fondée au XIIIe siècle av. J.-C., et que cette dernière pouvait être à l’origine de la vieille légende de la civilisation perdue de l’Atlantide, un récit repris en chœur par la presse populaire…
Bronze
Ce qui choqua en premier lieu les experts occidentaux, c’est qu’il s’agissait de têtes en bronze, en réalité en laiton au plomb (environ 70 % de cuivre, 16,5 % de zinc et 11,3 % de plomb).
Etant donné la rareté de ce minerai au Nigeria, ces objets démontrent que la région entretenait des relations commerciales avec des pays lointains. On pense qu’il provenait de l’Europe centrale, du nord-ouest de la Mauritanie, de l’Empire byzantin ou, via le fleuve Niger, de Tombouctou, où le minerai arrivait, à dos de dromadaire, du sud du Maroc.
Si durant la période du Néolithique, des pépites de cuivre, d’or et d’argent sont martelés à froid ou à chaud, ce n’est qu’à partir de l’Age du bronze que l’homme découvre la métallurgie. A partir de minerais, il est alors capable d’extraire des métaux grâce à un traitement thermique précis, rendu possible par l’expérience des céramistes de l’époque, grands experts dans la maîtrise de la chaleur et des fours de cuisson.
Or, le cuivre ne fond qu’à 1083° Celsius, mais en y ajoutant de l’étain (qui fond à 232°) et du plomb (qui fond à 327°), on peut obtenir du bronze à 890° et du laiton à 900°. La terre cuite se fait, elle, à basse température, aux alentours de 600 à 800°.
Cependant, en Chine, dès la dynastie des Shang (1570 – 1045 av. JC), certaines porcelaines exigent des températures beaucoup plus élevées, entre 1000 et 1300°.
Les plus anciennes traces de céramique en Afrique subsaharienne semblent dater de plus de 9000 av. J.-C., voire plus encore, quelques tessons fragmentaires, datés de 12 000 av. J.-C. ayant été découverts en Afrique de l’Ouest, en l’occurrence au Mali.
La céramique se manifeste également plus au sud, notamment avec la culture Nok dans le nord du Nigeria au début du Premier millénaire av. JC.
Cire perdue
Ensuite, ce qui choqua tout autant les experts, c’est que la technique mise en œuvre pour leur réalisation était la technique dite « à cire perdue », un procédé de moulage de précision qu’on utilise encore de nos jours pour la fabrication des cloches d’églises. Le moule se compose de trois parties distinctes et superposées : le noyau, la cloche ou la statue (en cire) et la « carapace » ou chape. Par différentes astuces, le bronze en fusion qu’on laisse pénétrer va se substituer au modèle en cire. Lors de la coulée, différents conduits doivent permettre d’évacuer aussi bien la fumée qu’une partie de la cire lorsqu’elle fond.
En clair, il faut des artisans très qualifiés pour exercer le métier de fondeur de bronze professionnel.
Le savoir-faire exceptionnel des fondeurs d’Ifè fut précédé de peu par ceux d’Igbo-Ukwu au Nigeria oriental où l’on découvrit en 1939 un tombeau plein d’objets d’art datant du IXe siècle révélant l’existence d’un royaume puissant et raffiné maîtrisant la fameuse technique à la cire perdue, mais qui ne peut être rattachée à aucune autre culture de la région.
Historiquement, l’amulette de Mehrgarh au Pakistan, âgée de 6000 ans, est le premier objet connu façonné à la cire perdue. Si la Chine, la Grèce et Rome maîtrisent cette technique, il faut attendre la Renaissance pour qu’elle fasse son retour en Europe.
Ifè, un Etat organisé
Cartes des différents royaumes et empires africains avant la colonisation. Terre cuite en provenance du site d’Ita Yemoo, Ifè, Nigeria (XIIe au XIVe siècle).
En réalité, l’art d’Ifè mettait à mal la théorie coloniale pour qui l’Afrique n’était qu’un terrain vierge, peuplé d’animaux et de quelques peuplades primitives n’ayant jamais fait leurs premiers pas dans « l’histoire ».
En effet, toute preuve démontrant sur le continent africain l’existence d’empires, de royaumes ou de grands Etats ayant permis aux Africains de s’autogouverner de façon pacifique pendant des siècles, ne pouvait que délégitimer la « mission civilisatrice » du colonialisme.
Or, selon la tradition orale, Ifè fut fondée aux IXe-Xe siècles par Oduduwa, par le regroupement de 13 villages en une cité qui sera la ville centrale de la mythologie yoruba, pour qui elle est le berceau de l’humanité et le centre du monde.
Reconnu comme un dieu mineur, Oduduwa devint ainsi le premier Ooni (Roi) et se fit construire un Aafin (palais). Il gouverna à l’aide des isoro, anciens chefs de village ayant récupéré un titre religieux et assujettis à l’autorité politique royale.
Toujours selon les traditions orales, Oduduwa serait un prince exilé d’un peuple étranger, ayant quitté sa patrie avec une suite et voyagé en direction du sud, s’installant parmi les Yoruba vers le XIIe siècle. Sa foi, qu’il aura apportée, était si importante pour ses disciples et lui qu’elle aurait été la cause de leur exode en premier lieu.
La terre ou le pays d’origine d’Oduduwa sont sujet à débat. Pour les uns, il vient de La Mecque, pour les autres, d’Egypte, comme les savoir-faire qu’il apporta sont supposés le démontrer.
Il est vrai qu’on s’est avant tout intéressé aux routes conduisant vers la mer et les fleuves, il ne fait pas de doute que la savane, au cours des siècles précédents, a pu relier le delta du Niger au Nil, telle une sorte de grande route transcontinentale, passant notamment par le Tchad où des milliers de peintures pariétales témoignent d’un sens artistique créateur.
Le peuple Edo de Bénin City croit, quant à lui, qu’Oduduwa était en fait un prince de chez eux. Il aurait quitté le Bénin à cause d’une lutte pour la succession royale. C’est pourquoi l’un de ses descendants, le prince Oramiyan, fut par la suite autorisé à revenir, et fonda la dynastie qui régna sur le Royaume du Bénin. Le prince Oramiyan fut donc le premier oba du Benin, remplaçant ainsi avec succès le système monarchique Ogiso qui régnait jusque-là.
Métallurgie
Ce qui mérite l’attention, c’est que la métallurgie occupe une place centrale à Ifè. Oduduwa possédait une forge dans son palais (Ogun Laadin). Les rois des différents royaumes installaient leurs forges dans l’enceinte du palais royal, montrant ainsi le rapport symbolique fort entre pouvoir et métallurgie.
Les plus anciennes traces documentant la transformation du minerai de fer en Afrique remontent au IIIe millénaire av. JC. Il s’agit des sites archéologiques d’Egaro au Niger oriental et de Gizeh et Abydos en Egypte.
Tandis que le site de Buhen en Nubie égyptienne (- 1991), après avoir travaillé le fer, deviendra une « usine à cuivre », les sites d’Oliga au Cameroun (-1300) et de Nok au Nigeria (-925) témoignent d’une activité métallurgique dynamique.
Contrairement à ce qui s’est passé sur d’autres continents, l’Age de fer en Afrique aurait précédé dans certaines régions celui du cuivre. Comme nous l’avons vu, les techniques de production du laiton montrent un savoir-faire technologique très avancé. Ifè sera également un centre majeur de production verrière, en particulier de perles de verre. Les déchets de cette production ancestrale, constitués de parties de creusets recouverts de verre fondu, seront recherchés au XIXe siècle par les habitants de la région, bien que l’origine en soit à l’époque oubliée.
Des fouilles archéologiques récentes ont démontré que le peuplement de cette aire est très ancien. Mais comme nous l’avons vu, ce n’est qu’au début du IIe millénaire que des évolutions dans le domaine de la métallurgie auraient permis d’améliorer les outils agricoles et de générer des excédents de nourriture. On y cultive l’igname, le manioc, le maïs et le coton, qui est aussi à la source d’une importante industrie de tissage de vêtements.
La ville connaîtra ainsi une expansion démographique rapide grâce à cet essor de la productivité agricole, dû à la maîtrise d’une densité énergétique accrue permettant de transformer des « pierres » en ressources utiles.
L’urbanisation médiévale d’Ifè est aujourd’hui largement attestée par l’existence de nombreuses enceintes faites de fossés et de talus, qui semblent indiquer les différents espaces ayant connu une concentration démographique et une entité politique suffisamment puissante pour mettre en œuvre de tels travaux.
Ainsi, en tant qu’Etat centralisé, Ifè s’érige très tôt en modèle pour d’autres Etats dans la région et au-delà. Plusieurs descendants et capitaines d’Oduduwa ont fondé d’autres royaumes sur le même modèle et s’appuyant sur la même légitimité. L’expérience monarchique d’Ifè s’exporte avec son cadre culturel. L’adé ilèkè, une couronne de perles de verre symbolisant le pouvoir royal, se retrouve dans la plupart des monarchies de la région.
En tout, de 7 à 20 royaumes selon les sources composent le monde yoruba dans la première moitié du deuxième millénaire de notre ère.
- L’État d’Oyo au Nigeria fut l’une des plus puissantes cités-États yoruba.
- Autre exemple, le Royaume de Kétou, actuellement au sud-est du Bénin, aurait été fondé vers le XIVe siècle par un prétendu descendant d’Oduduwa. Il aurait quitté Ifè avec sa famille et d’autres membres de son clan, pour se diriger vers l’ouest, avant de s’installer finalement dans la cité d’Aro, au nord-est de la ville de Kétou. Rapidement, Aro devint trop petit pour la population grandissante du clan, et la décision fut prise de s’installer à Kétou. Le roi Ede quitta donc Aro avec 120 familles et s’installa dans cette ville.
- Autre démonstration des bâtisseurs yoruba, près de la capitale nigeriane Lagos, l’enceinte de Sungbo Eredo, un système de murailles et de fossés construit au XIVe siècle e situé au sud-ouest de la ville d’Ijebu Ode, dans l’État d’Ogun, au sud-ouest du Nigeria. Sur plus de 160 km de long, ces fortifications, parfois hautes de 20 mètres, consistent en un fossé aux parois lisses, formant une douve intérieure par rapport aux murs qui le surplombent. Le fossé forme un anneau irrégulier autour des terres de l’ancien royaume d’Ijebu. Cet anneau fait environ 40 km dans le sens nord-sud et 35 km dans le sens est-ouest, c’est-à-dire l’équivalent du boulevard périphérique parisien ! Envahi par la végétation, l’édifice ressemble aujourd’hui à un tunnel verdoyant.
D’Ifè au Royaume du Bénin
Au XIVe siècle, Ifè connaît un effondrement démographique, caractérisé par l’abandon de certaines enceintes et une forte avancée de la forêt dans des zones anciennement occupées. On constate également une rupture dans les savoir-faire et les techniques artisanales. Cet effondrement démographique pourrait s’expliquer par une épidémie de peste noire, selon certains auteurs, qui font un parallèle avec les grandes épidémies constatées en Europe sur des périodes proches.
Une partie des habitants a pu se réfugier et apporter son savoir-faire en métallurgie au Royaume du Bénin, qui dura du XIIe siècle jusqu’à son invasion par l’Empire britannique à la fin du XIXe siècle. Il s’agit d’un Etat d’Afrique de l’Ouest côtière dominé par les Edos, une ethnie dont la dynastie survit encore aujourd’hui. Son territoire correspond au Bénin actuel, plus une partie du Togo et le sud-ouest de l’actuel Nigeria, où se trouve d’ailleurs aujourd’hui « Bénin City », un port historique sur le fleuve Bénin. Au cœur de la cité, la résidence royale aux proportions monumentales traduit dans l’espace l’importance accordée au pouvoir politique, spirituel et traditionnel.
Bénin City, une merveille
L’organisation sociale de la ville impressionne les visiteurs européens à la fin du XVe siècle. Important pôle économique régional, on y trouve de l’ivoire, du poivre et des esclaves. Les Européens y échangent de l’huile de palme (le palmier à huile poussant abondamment dans la région) contre des fusils, permettant la modernisation de l’armement béninois.
Située dans une plaine, Bénin City est entourée de murs massifs au sud et de profonds fossés au nord. Au-delà des murs de la ville, de nombreuses autres murailles ont été érigées qui séparent les environs de la capitale en quelque 500 villages distincts.
En 2016, un article du Guardian retraçait la splendeur de la ville. Le journal rapporte que le livre des records Guinness de 1974 décrit les murs de Bénin City comme les plus grands travaux de terrassement au monde réalisés avant l’ère mécanique. Selon les estimations de Fred Pearce, du New Scientist, les murs de Bénin City étaient à un moment donné « quatre fois plus longs que la Grande Muraille de Chine et employaient cent fois plus de matériaux que la Grande Pyramide de Khéops ».
Pearce précise que ces murs « s’étendaient sur quelque 16 000 km en tout, dans une mosaïque de plus de 500 limites de colonies interconnectées. Ils couvraient 6500 km2 et ont tous été creusés par le peuple Edo… On estime qu’il a fallu 150 millions d’heures pour les construire et qu’ils constituent peut-être le plus grand phénomène archéologique de la planète ».
Bénin City fut également l’une des premières villes à s’équiper d’un semblant d’éclairage public. D’énormes lampes métalliques, hautes de plusieurs mètres, se dressaient autour de la ville, en particulier près du palais du roi. Alimentées par de l’huile de palme, leurs mèches brûlaient pendant la nuit pour éclairer la circulation à destination et en provenance du palais.
Lorsque les Portugais découvrirent la ville pour la première fois en 1485, ils furent stupéfaits de trouver ce vaste royaume, fait de centaines de villes et de villages imbriqués les uns dans les autres au milieu de la jungle africaine. Ils l’appelèrent la « Grande ville du Bénin », à une époque où il n’y avait aucun autre endroit en Afrique que les Européens reconnaissent comme une ville. Ils la classèrent comme l’une des villes les plus belles et les mieux aménagées du monde. Bénin City en 1686.
En 1691, le capitaine de navire portugais Lourenco Pinto constatait :
Le Grand Bénin, où réside le roi, est plus grand que Lisbonne ; toutes les rues sont droites et à perte de vue. Les maisons sont grandes, en particulier celle du roi, qui est richement décorée et possède de belles colonnes. La ville est riche et industrieuse. Elle est si bien gouvernée que le vol est inconnu et les gens vivent dans une telle sécurité qu’ils n’ont pas de portes pour leurs maisons.
En revanche, à la même époque, Londres est décrite par Bruce Holsinger, professeur d’anglais à l’université de Virginie, comme une ville
de vol, prostitution, meurtre, corruption et marché noir florissant, ce qui a rendu la ville médiévale mûre pour l’exploitation par ceux qui savent manier la lame rapide ou faire les poches.
Les fractales africaines
La planification et la conception de Bénin City ont été faites selon des règles précises de symétrie, de proportionnalité et de répétition, aujourd’hui connues sous le nom de « fractales ».
Le mathématicien Ron Eglash, auteur de African Fractals (qui traite des motifs sous-tendant l’architecture, l’art et le design dans de nombreuses régions d’Afrique), note que la ville et les villages environnants ont été délibérément aménagés pour former des fractales parfaites, avec des formes similaires répétées dans les pièces de chaque maison, la maison elle-même et les groupes de maisons du village selon des motifs mathématiquement prévisibles.
Lorsque les Européens arrivèrent en Afrique, précise-t-il, ils considéraient l’architecture comme très désorganisée et donc primitive. Il ne leur est jamais venu à l’esprit que les Africains pouvaient utiliser une forme de mathématiques qu’eux-mêmes n’avaient pas encore découverte.
Au centre de la ville se trouvait le Palais royal, entouré d’une trentaine de rues droites et larges chacune d’environ 120 pieds. Ces rues principales, perpendiculaires les unes par rapport aux autres, étaient dotées d’un drainage souterrain constitué d’un impluvium, avec une sortie pour évacuer les eaux d’orage. De nombreuses rues plus étroites et se croisant s’étendaient à l’extérieur. Au milieu des rues, il y avait du gazon que les animaux pouvaient paître.
Les maisons sont construites le long des rues en bon ordre, l’une à côté de l’autre, écrit Olfert Dapper, visiteur hollandais du XVIIe siècle. Elles sont généralement larges, avec de longues galeries à l’intérieur, surtout dans le cas des maisons de la noblesse, et divisées en de nombreuses pièces qui sont séparées par des murs en argile rouge, très bien érigés.
Dapper ajoute que les riches résidents ont gardé ces murs
aussi brillants et lisses en les lavant et en les frottant que n’importe quel mur en Hollande fait avec de la craie, et ils sont comme des miroirs. Les étages supérieurs sont faits de la même sorte d’argile. De plus, chaque maison est équipée d’un puits pour l’approvisionnement en eau douce.
Les maisons familiales sont divisées en trois parties : la partie centrale est le quartier du mari, qui donne sur la route ; à gauche le quartier des femmes (oderie), et à droite le quartier des jeunes hommes (yekogbe).
La vie quotidienne à Bénin City voyait peut-être se déplacer dans des rues encore plus grandes, des foules constituées de gens vêtus de couleurs vives, certains en blanc, d’autres en jaune, bleu ou vert, les capitaines de la ville jouant le rôle de juges dans les procès, modérant les débats dans les nombreuses galeries et arbitrant les petits conflits sur les marchés.
Les premiers explorateurs étrangers décrivent Benin City comme un lieu exempt de criminalité et de faim, avec de grandes rues et des maisons propres, une ville remplie de gens courtois et honnêtes, et gérée par une bureaucratie centralisée et très sophistiquée. Bénin : plaque en laiton (bronze) montrant l’entrée du Palais royal où d’autres plaques décorent les piliers.
La ville est divisée en 11 arrondissements, chacune étant une réplique en plus petit de la cour du roi, comprenant une série tentaculaire de complexes incluant des logements, des ateliers et des bâtiments publics – reliés entre eux par d’innombrables portes et passages, tous richement décorés avec l’art qui a rendu le Bénin célèbre. La ville en était littéralement recouverte.
Les murs extérieurs des cours et les faîtes des enceintes sont décorés de motifs horizontaux (agben) et de sculptures en argile représentant des animaux, des guerriers et d’autres symboles de pouvoir.
Les sculptures sont conçues pour créer des motifs contrastés sous le fort soleil. Des objets naturels (galets ou morceaux de silicium) sont également pressés dans l’argile humide, tandis que dans les palais, les piliers sont recouverts de plaques de bronze illustrant les victoires et les exploits des anciens rois et nobles.
À l’apogée de sa grandeur, au XIIe siècle (bien avant le début de la Renaissance européenne), les rois et les nobles de Bénin City ont accordé leur mécénat aux artisans et les ont comblés de cadeaux et de richesses, en échange de la représentation des grands exploits des rois et des dignitaires dans des sculptures en bronze complexes.
Ces œuvres du Bénin sont à la hauteur des plus beaux exemples de la technique de fonte européenne », écrit Felix von Luschan, ancien professeur au Musée d’ethnologie de Berlin. « [Le sculpteur et fondeur italien] Benvenuto Celini n’aurait pas pu mieux les couler, ni personne d’autre avant ou après lui. Techniquement, ces bronzes représentent la plus haute réalisation possible.
La rencontre avec « la civilisation »
Suite à la conférence de Berlin de 1885 où Britanniques, Français, Allemands et autres puissances européennes se partagent, au nom des lois immuables de la géopolitique germano-britannique, l’Afrique comme un gros gâteau qu’il entendent dévorer, les invasions européennes se multiplient et gagnent en brutalité.
Ainsi, suite au refus du roi de céder aux Britanniques son monopole sur la production de l’huile de palme et d’autres productions, lors d’une expédition punitive en 1897, Bénin City est pillée, incendiée et réduite en cendres par les Britanniques. Le roi (l’oba) est chassé et plusieurs milliers de « bronzes du Bénin », certes moins réalistes que ceux d’Ifè, sont dispersés et en partie perdus.
Ils finissent par se retrouver sur le marché de l’art et aboutissent dans des musées, notamment au British Museum (700 objets) et au Musée d’ethnologie de Berlin (500 pièces). Le gouvernement britannique lui-même en vend une partie « pour couvrir les frais de l’expédition ». Comme quoi les uns entrent dans l’histoire avec leur art, les autres avec leurs crimes. Expédition punitive de 1897. Une fois le palais royal brûlé, les pilleurs britanniques alignent les pièces en cuivre et en laiton qu’ils ramèneront en Europe.
Bibliographie sommaire :
- Ifè, une civilisation africaine, Frank Willett, Jardin des Arts/Tallandier, Paris 1971 ;
- Histoire générale de l’Afrique, Présence africaines/Edicef/Unesco, Paris 1987 ;
- Atlas historique de l’Afrique, Editions du Jaguar, Paris 1988 ;
- L’Afrique ancienne, de l’Acus au Zimbabwe, sous la direction de François-Xavier Fauvelle, Belin/Humensis, Paris 2018.