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Avec Leibniz et Kondiaronk, ré-inventer un monde sans oligarchie

Introduction

Helga Zepp-LaRouche, la fondatrice de l’Institut Schiller, dans son discours d’ouverture de la vidéoconférence de l’Institut Schiller du 22 novembre 2022, « Pour la paix mondiale – arrêtons le danger de guerre nucléaire : troisième séminaire des dirigeants politiques et sociaux du monde », a appelé les dirigeants du monde à éradiquer le principe maléfique de l’oligarchie.

L’oligarchie est définie comme une structure de pouvoir dans laquelle le pouvoir repose sur un petit nombre de personnes présentant certaines caractéristiques (noblesse, renommée, richesse, éducation ou contrôle corporatif, religieux, politique ou militaire) et qui imposent leur propre pouvoir sur celui de leur peuple.

Helga Zepp-LaRouche a précisé :

« Depuis 600 ans, il y a eu une bataille continue entre deux formes de gouvernement, entre l’État-nation souverain et la forme oligarchique de la société, vacillant d’un côté et de l’autre avec parfois une plus grande emphase dans l’une ou l’autre de ces directions. Tous les empires reposant sur le modèle oligarchique ont été orientés vers la protection des privilèges de l’élite dirigeante, tout en essayant de maintenir les masses populaires aussi arriérées que possible, parce qu’en les transformant en moutons obéissants, elles sont plus faciles à contrôler (…)« 

Or, malheureusement, la plupart des citoyens du monde transatlantique et d’ailleurs vous diront que l’abolition du principe oligarchique est « une bonne idée », un « beau rêve », mais que la réalité nous dit que « ça ne peut pas arriver » pour la simple et bonne raison que « ça n’est jamais arrivé avant ».

Les sociétés, par définition, affirment-ils, sont inégalitaires. Les rois et les présidents de républiques, affirment-ils, ont pu éventuellement « prétendre » qu’ils régnaient sur les masses pour leur « bien commun », mais en réalité, pensent nos concitoyens, il s’agissait toujours du règne d’une poignée privilégiant ses propres intérêts au détriment de la majorité.

Les BRICS

Il est intéressant pour nous tous de constater que certains penseurs de premier plan impliqués dans le mouvement des BRICS tentent d’imaginer de nouveaux modes de gouvernance collective excluant les principes oligarchiques.

Par exemple, dans cette direction, l’économiste Pedro Paez, ancien conseiller du président équatorien Rafael Correa, a défendu, dans son intervention à la vidéoconférence de l’Institut Schiller les 15 et 16 avril 2023,

« un nouveau concept de monnaie fondé sur des accords monétaires de chambres de compensation pour les paiements régionaux, qui peuvent être réunis dans un système de chambre de compensation mondiale, qui pourrait également empêcher un autre type d’hégémonie unilatérale et unipolaire de se produire, comme celle qui a été établie avec Bretton Woods, et qui ouvrirait au contraire les portes à une gestion multipolaire.« 

Le philosophe et théologien belge Marc Luyckx, ancien membre de la fameuse « Cellule de Prospective » de la Commission européenne de Jacques Delors, a également souligné, dans une interview vidéo sur la dédollarisation de l’économie mondiale, que les pays BRICS sont en train de créer un ordre mondial dont la nature fait qu’aucun membre de leur propre groupe ne peut devenir la puissance dominante.

Une nouvelle histoire de l’humanité

Couverture du livre de Graeber et Wengrow.
Couverture du livre de Graeber et Wengrow.

La bonne nouvelle est qu’un livre décapant de 700 pages, intitulé « Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité » (Editions Les liens qui libèrent), écrit et publié en 2021 par l’anthropologue américain David Graeber* (à droite) et le professeur britannique d’archéologie comparée David Wengrow (à gauche) de l’University College de Londres (UCL), fracasse les notions conventionnelles selon lesquelles les anciennes cultures humaines ont progressé de façon linéaire vers le modèle économique néolibéral actuel et, par conséquent, vers des niveaux élevés d’inégalité.

Mieux encore, en se fondant sur des faits concrets, le livre réfute en grande partie le « récit » selon lequel le modèle oligarchique est en quelque sorte « naturel ». Bien sûr, le principe oligarchique a souvent régné, et souvent pendant longtemps. Mais, étonnamment, le livre présente des indications accablantes et des indices archéologiques fortes permettant de croire que dans les temps anciens, certaines sociétés, mais pas toutes, ont réussi à prospérer et perdurer au fil des siècles par le biais de choix politiques totalement différents..

Par conséquent, et c’est la bonne nouvelle, si nos lointains ancêtres ont consciemment su construire des modes de gouvernance rendant impossible que des groupes minoritaires conservent une emprise hégémonique permanente et des privilèges sur la société, cela peut le refaire aujourd’hui.

Le 10e point de Helga Zepp-LaRouche

Cette question est intimement lié au 10e point soulevé par Helga Zepp-LaRouche qui, pour démontrer que toutes les sources du mal peuvent être éradiquées par l’éducation et renversées par une décision politique, affirme que l’inclination naturelle de l’homme est intrinsèquement de faire le bien.

L’existence même de précédents historiques de sociétés ayant survécu sans oligarchie pendant des centaines d’années est bien sûr la preuve « pratique » de l’inclination axiomatique de l’homme à faire le bien.

Sans surprise, certains affirment que la question du « bien » et du « mal » n’est qu’un « débat théologique », puisque les concepts de « bien » et de « mal » n’existent que pour des humains cherchant à se comparer les uns aux autres. Selon eux, personne ne se demanderai si un poisson ou un arbre est bon ou mauvais, puisqu’ils n’ont aucune forme de conscience de soi leur permettant de mesurer leurs actes et leurs actions à la lumière de leur propre nature ou à celle de l’intention de leur créateur.

Or, une partie de la « réponse biblique » à cette allégorie, à savoir si l’homme est bon ou mauvais, part du postulat que les gens « vivaient autrefois dans un état d’innocence », mais qu’ils ont succombé au péché originel. Nous nous sommes pris pour Dieu et avons été punis pour cela ; maintenant nous vivons dans un état de déchéance, tout en espérant une rédemption future.

Rousseau et Hobbes, même combat ?

Graeber et Wengrow, en en faisant le socle de leur livre, démontrent de manière très provocante comment nous avons subi un lavage de cerveau par l’idéologie oligarchique pessimiste et destructrice, en particulier celle promue par Rousseau et Hobbes, pour qui l’inégalité est l’état naturel de l’homme, une humanité qui aurait pu éventuellement être bonne comme « un bon sauvage », avant de devenir, suite à l’apparition de l’agriculture et de l’industrie, « civilisée » et une société ne survivant que grâce à un « contrat social » (soumission volontaire du bas vers le haut) ou un Léviathan (dictature du haut vers le bas) : Écoutons les auteurs :

« Aujourd’hui, la version populaire de cette allégorie [biblique] [de l’homme chassé du jardin d’Eden] est généralement une version moderne du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, écrit par Jean-Jacques Rousseau en 1754.

« En voici la trame générale. Il fut un temps où les hommes, aussi innocents qu’au premier jour, vivaient de chasse et de cueillette au sein de tout petits groupes – des groupes qui pouvaient être égalitaires justement parce qu’ils étaient petits. Cet âge d’or pris fin avec l’apparition de l’agriculture, et surtout avec le développement des premières villes. Celles-ci marquèrent l’avènement de la ‘civilisation’ et de ‘l’Etat’, donnant naissance à l’écriture, à la science et à la philosophie, mais aussi à presque tous les mauvais côtés de l’existence humaine : le patriarcat, les armées permanentes, les exterminations de masse, sans oublier les vastes bureaucraties qui nous inondent de formulaires.

« Bien sûr, il s’agit d’une simplification très grossière, mais il semble que ce soit le récit de base qui refait surface chaque fois que quelqu’un, des psychologues du travail aux théoriciens révolutionnaires, dit quelque chose du genre ‘mais bien sûr, les êtres humains ont passé la majeure partie de leur évolution à vivre dans des groupes de dix ou vingt personnes’, ou ‘l’agriculture a peut-être été la pire erreur de l’humanité’. Et comme nous le verrons, de nombreux auteurs populaires avancent explicitement cet argument. Le problème, c’est que quiconque cherche une alternative à cette vision plutôt déprimante de l’histoire s’aperçoit rapidement que la seule proposée est encore pire : si ce n’est pas Rousseau, alors c’est Thomas Hobbes.

« Le Léviathan de Hobbes, publié en 1651, à bien des égards, fait figure de texte fondateur de la théorie politique moderne. Hobbes y soutient que, les hommes étant ce qu’ils sont —des créatures égoïstes—, l’état de nature originel n’était en aucun cas un état d’innocence. On y menait forcément une existence ’solitaire, pauvre, méchante, brutale et courte’ – fondamentalement, un état de guerre, une guerre de tous contre tous. Et s’il y a eu des progrès par rapport à cet état de fait, un hobbesien dirait qu’ils sont dus en grande partie aux mécanismes répressifs dont se plaignait précisément Rousseau : les gouvernements, les tribunaux, les bureaucraties, la police. Cette vision des choses existe également depuis très longtemps. Ce n’est pas pour rien qu’en anglais, les mots ’politics’, ’polite’ et ’police’ se prononcent tous de la même façon : ils dérivent tous du mot grec polis, ou ville, dont l’équivalent latin est civitas, qui nous donne aussi ’civility’, ’civic’ et une certaine conception moderne de la ‘civilisation’.

« En vertu de cette conception, la société humaine repose sur la répression collective de nos plus bas instincts, ce qui devient d’autant plus nécessaire lorsque les hommes vivent en grand nombre en un même lieu. Le hobbesien des temps modernes dirait donc que, oui, nous avons vécu la plus grande partie de notre évolution en petits groupes, qui pouvaient s’entendre principalement parce qu’ils partageaient un intérêt commun pour la survie de leur progéniture. Mais même ces groupes n’étaient en aucun cas fondés sur l’égalité. Il y avait toujours, dans cette version, un chef ‘mâle alpha’. Les sociétés humaines n’auraient donc jamais fonctionné selon d’autres principes que la hiérarchie, la domination et l’égoïsme cynique. C’est juste que, collectivement, nous avons appris qu’il était à notre avantage de donner la priorité à nos intérêts à long terme plutôt qu’à nos instincts à court terme ; ou, mieux encore, de créer des lois qui nous obligent à confiner nos pires impulsions dans des domaines socialement utiles comme l’économie, tout en les interdisant partout ailleurs.

« Comme le lecteur peut probablement le déceler à notre ton, nous n’aimons pas beaucoup le choix entre ces deux alternatives. Nos objections peuvent être classées en trois grandes catégories. En tant que récits du cours général de l’histoire de l’humanité, ils :

1. ne sont tout simplement pas vrais ;
2. ont des implications politiques désastreuses et
3. donnent du passé une image inutilement ennuyeuse.
« 

Conséquence de la victoire des modèles impériaux de pouvoir politique, le seul « récit » accepté de « l’évolution » de l’homme, validant automatiquement une emprise oligarchique sur la société, est celui qui permet de « confirmer » le dogme convenu à l’avance et érigé en « vérité » immortelle ou absolue. Et toute découverte historique ou artefact contredisant ou invalidant le récit de Rousseau-Hobbes seront, considérés, au mieux, comme des anomalies.

Ouvrir les yeux

Graeber et Wengraw affirment,

« vouloir raconter une autre histoire, plus prometteuse et plus intéressante ; une histoire qui, en même temps, tient mieux compte de ce que les dernières décennies de recherche nous ont appris. Il s’agit en partie de rassembler les preuves accumulées par l’archéologie, l’anthropologie et d’autres disciplines apparentées, preuves qui permettent de rendre compte d’une manière totalement nouvelle de la façon dont les sociétés humaines se sont développées au cours des 30 000 dernières années environ. La quasi-totalité de ces recherches vont à l’encontre des idées reçues, mais trop souvent les découvertes les plus remarquables restent confinées aux travaux des spécialistes ou doivent être découvertes en lisant entre les lignes des publications scientifiques.« 

Et en effet, leur regard nouveau les conduit à constater :

« qu’il il est établi aujourd’hui que les sociétés humaines avant l’avènement de l’agriculture n’étaient pas confinées à des groupuscules égalitaires. Au contraire, le monde des chasseurs-cueilleurs tel qu’il existait avant l’avènement de l’agriculture était un monde d’expériences sociales audacieuses, ressemblant bien plus à un défilé carnavalesque de formes politiques qu’aux abstractions ternes de la théorie de l’évolution. L’agriculture, quant à elle, n’a pas signifié l’avènement de la propriété privée, pas plus qu’elle n’a marqué un pas irréversible vers l’inégalité. En fait, bon nombre des premières communautés agricoles étaient relativement exemptes de rangs et de hiérarchies. Et loin de graver dans le marbre les différences de classe, un nombre surprenant des premières villes du monde étaient organisées sur des bases solidement égalitaires, sans avoir besoin de dirigeants autoritaires, de guerriers-politiciens ambitieux, ni même d’administrateurs autoritaires.« 

Kondiaronk,
Leibniz et les Lumières

Le penseur allemand Gottfried Wilhelm Leibniz. Portrait de Kondiaronk, vue d’artiste.
Portrait de Kondiaronk, vue d’artiste.

En fait, la dissertation de Rousseau, selon les auteurs, était en partie une réponse aux critiques de la civilisation européenne, qui ont commencé dans les premières décennies du XVIIIe siècle.

« Les origines de cette critique, cependant, ne se trouvent pas chez les philosophes des Lumières (bien qu’ils les aient admirés et imités au début), mais chez les commentateurs et observateurs indigènes de la société européenne, tels que l’homme d’État amérindien (Huron-Wendat) Kondiaronk », et bien d’autres encore.

Et lorsque d’éminents penseurs, comme Leibniz,

« ont exhorté leurs patriotes à adopter les modèles chinois de gestion de l’État, les historiens contemporains ont tendance à insister sur le fait qu’ils n’étaient pas vraiment sérieux.« 

Pourtant, de nombreux penseurs influents du siècle des Lumières ont effectivement affirmé que certaines de leurs idées sur le thème de l’inégalité étaient directement inspirées de sources chinoises ou amérindiennes !

Tout comme Leibniz s’est familiarisé avec la civilisation chinoise grâce à ses contacts avec les missions jésuites, les idées des Indiens ont atteint l’Europe par le biais d’ouvrages tels que le rapport en soixante-et-onze volumes, Les relations des jésuites de la Nouvelle France, publié entre 1633 et 1673 et qui fit couler beaucoup d’encre.

Alors qu’aujourd’hui, nous pensons que la liberté individuelle est une bonne chose, ce n’était pas le cas des Jésuites qui se plaignaient des Indiens. Les Jésuites étaient opposés à la liberté par principe :

« C’est là, sans aucun doute, une disposition tout à fait contraire à l’esprit de la foi, qui exige que nous soumettions non seulement nos volontés, mais nos esprits, nos jugements et tous les sentiments de l’homme à une puissance inconnue des lois et des sentiments d’une nature corrompue. »

Le Père Paul Le Jeune

Le père jésuite Jérôme Lallemant, dont la correspondance a servi de modèle initial aux Relations des Jésuites, notait à propos des Indiens Wendats en 1644 :

« Je ne crois pas qu’il y ait peuples sur la Terre plus libre que ceux-ci, et moins capables de voir leurs volontés assujetties à quelque puissance que ce soit.« 

Plus inquiétant encore, leur haut niveau d’intelligence. Le Père Paul Le Jeune, supérieur des Jésuites au Canada dans les années 1630 :

« Il n’y en a quasi point qui ne soit capable d’entretien, et ne résonne fort bien, et en bons termes, sur les choses dont il a connaissance : ce qui les forme encore dans le discours, sont les conseils qui se tiennent quasi tous les jours dans les villages en toutes occurrences. »

Ou encore, selon Lallemant :



« Je puis dire en vérité que pour l’esprit, ils n’ont rien de moins que les Européens, et demeurant dedans la France, je n’eusse jamais cru, que sans instruction la nature eût pu fournir une éloquence plus prompte et plus vigoureuse que j’en ai admiré en plusieurs Hurons, ni de plus clairvoyant dans les affaires, et une conduite plus sage dans les choses qui sont de leur usage. (Relations des Jésuites, vol. XXVIII, p. 62.) »

Certains jésuites sont allés beaucoup plus loin, notant – non sans une certaine frustration – que les « sauvages » du Nouveau Monde semblaient globalement plus intelligents que les personnes avec lesquelles ils avaient l’habitude de traiter dans leur pays.

Oeuvres du Baron de Lahontan.

Les idées de l’homme d’État amérindien Kondiaronk (v. 1649-1701), connu sous le nom de « Le Rat » et chef du peuple amérindien Wendat (Huron) à Michilimackinac en Nouvelle-France, sont parvenues à Leibniz par l’intermédiaire d’un aristocrate français appauvri nommé Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de La Hontan, plus connu sous le nom de Lahontan (1666-1715).

En 1683, Lahontan, âgé de 17 ans, s’engage dans l’armée française et est affecté au Canada. Au cours de ses différentes missions, il parle couramment l’algonquin et le wendat et se lie d’amitié avec de nombreuses personnalités politiques autochtones, dont le brillant homme d’État wendat Kondiaronk, qui, en tant que porte-parole du Conseil (organe directeur) de la Confédération wendat, est envoyé comme ambassadeur à la cour de Louis XIV en 1691.

La Grande Paix de Montréal

Carte de la Nouvelle France indiquant « l’Ancien pays des Huron » au bord du Lac Huron.
Kondiaronk incitant les différentes nations indiennes à conclure une paix entre eux et avec la France, une paix mutuellement bénéfique.

Même après avoir été trahi par les Français et obligé de mener ses propres guerres pour assurer la sécurité de ses concitoyens, Kondiaronk a joué un rôle clé dans ce que l’on appelle la « Grande Paix de Montréal » du 1er août 1701, qui a mis fin aux sanglantes guerres des Castors.

C’était en réalité des guerres par procuration entre les Britanniques et les Français, chacun d’eux utilisant les Indiens comme « chair à canon » pour leurs propres projets géopolitiques.

La France est de plus en plus acculée par les Britanniques. Ainsi, à la demande des Français, au cours de l’été 1701, plus de 1 300 Indiens, issus de quarante nations différentes, se rassemblent près de Montréal, contestant le fait que la ville soit ravagée par la grippe. Ils viennent de la vallée du Mississippi, des Grands Lacs et de l’Acadie. Beaucoup sont des ennemis de toujours, mais tous ont répondu à l’invitation du gouverneur français. Leur avenir et le destin de la colonie sont en jeu. Leur objectif est de négocier une paix globale, entre eux et avec les Français. Les négociations durent des jours et la paix est loin d’être garantie. Les chefs sont méfiants. La principale pierre d’achoppement est le retour des prisonniers capturés lors des campagnes précédentes et réduits en esclavage ou adoptés. Indiens s’attristant du décès de Kondiaronk. Sans le soutien de ce dernier, la paix est impossible. Le 1er août, gravement malade, il parle pendant deux heures en faveur d’un traité de paix qui serait garanti par les Français. Son discours émeut beaucoup de monde. La nuit suivante, Kondiaronk meurt, terrassé par la grippe à l’âge de 52 ans.

Indiens s’attristant du décès de Kondiaronk.

Mais le lendemain, le traité de paix est signé. Désormais, il n’y aura plus de guerre entre les Français et les Indiens. Trente-huit nations signent le traité, dont les Iroquois. Les Iroquois s’engagent à rester neutres dans tout conflit futur entre les Français et leurs anciens alliés, les colons anglais de Nouvelle-Angleterre. Kondiaronk est loué par les Français et présenté comme un « modèle » d’indigène pacifique. Les Jésuites ont immédiatement répandu le mensonge selon lequel, juste avant de mourir, il se serait « converti » à la foi catholique dans l’espoir que d’autres indigènes suivent son exemple.

Lahontan, d’Amsterdam à Hanovre

Or, à la suite de divers événements, Lahontan se retrouve à Amsterdam. Pour gagner sa vie, il écrit une série de livres sur ses aventures au Canada (« Voyages du baron de La Hontan dans l’Amérique Septentrionale, qui contiennent une relation des différents peuples qui y habitent »), dont le troisième, intitulé « Dialogue curieux entre l’auteur et un sauvage de bon sens qui a voyagé », comprend quatre dialogues avec un personnage fictif, un dénommé Adario (en réalité Kondiaronk).

Les Dialogues sont rapidement traduits en allemand, en néerlandais, en anglais et en italien. Lahontan lui-même, acquière alors une certaine célébrité, s’installe à Hanovre où il se lie d’amitié avec le grand philosophe et scientifique Wilhelm Gottfried Leibniz. (1646-1716). A l’affût de tout ce qui se discutait en Europe, le philosophe, alors âgé de 64 ans, semble avoir été mis sur la piste de Lahontan par des journalistes hollandais et allemands, mais aussi par le texte d’un obscur théologien de Helmstedt, Jonas Conrad Schramm (1675-1739), dont la conférence introductive sur « la Philosophie balbutiante des Canadiens » avait été publiée en latin en 1707. Se référant d’abord à Platon et à Aristote (qu’il abandonne presque aussitôt), Schramm s’appuie sur les Dialogues et les Mémoires de Lahontan pour montrer comment les

« barbares canadiens frappent à la porte de la philosophie mais n’y entrent pas parce qu’ils n’ont pas les moyens suffisants ou qu’ils sont enfermés dans leurs coutumes ».

Indien huron.

Beaucoup moins borné, Leibniz voit dans Lahontan une confirmation de son propre optimisme politique qui lui permet d’affirmer que la naissance de la société ne vient pas de la nécessité de sortir d’un terrible état de guerre, comme le pensait Thomas Hobbes, mais d’une aspiration naturelle à la concorde.

Mais ce qui l’intéresse avant tout, ce n’est pas tant de savoir si les « sauvages américains » sont capables ou non de philosopher, mais s’ils vivent réellement en concorde sans gouvernement.

A son correspondant Wilhelm Bierling, qui lui demande comment les Indiens du Canada peuvent vivre « en paix bien qu’ils n’aient ni lois ni magistratures publiques », Leibniz répond :

« Il est tout à fait véridique (…) que les Américains de ces régions vivent ensemble sans aucun gouvernement mais en paix ; ils ne connaissent ni luttes, ni haines, ni batailles, ou fort peu, excepté contre des hommes de nations et de langues différentes. Je dirais presque qu’il s’agit d’un miracle politique, inconnu d’Aristote et ignoré par Hobbes.« 

Leibniz, qui affirme bien connaître Lahontan, souligne qu’Adario :

« venu en France il y a quelques années et qui, quoiqu’il appartienne à la nation huronne, a jugé ses institutions supérieures aux nôtres.« 

Cette conviction de Leibniz s’exprimera encore dans son Jugement sur les œuvres de M. le Comte Shaftesbury, publiées à Londres en1711 sous le titre de Characteristicks :

« Les Iroquois et les Hurons, sauvages voisins de la Nouvelle France et de la Nouvelle Angleterre, ont renversé les maximes politiques trop universelles d’Aristote et de Hobbes. Ils ont montré par une conduite surprenante, que des peuples entiers peuvent être sans magistrats et sans querelles, et que par conséquent les hommes ne sont ni assez portés par leur bon naturel, ni assez forcés par leur méchanceté à se pourvoir d’un gouvernement et à renoncer à leur liberté. Mais la rudesse de ces sauvages fait voir, que ce n’est pas tant la nécessité, que l’inclination d’aller au meilleur et d’approcher de la félicité, par l’assistance mutuelle, qui fait le fondement des sociétés et des États ; et il faut avouer que la sûreté en est le point le plus essentiel. »

Alors que ces dialogues sont souvent qualifiés de purement fictifs, Leibniz, dans une lettre à Bierling datée du 10 novembre 1719, estime que :

« Les Dialogues de Lahontan, bien qu’ils ne soient pas entièrement vrais, ne sont pas non plus complètement inventés.« 

Pour Leibniz, bien sûr, les institutions politiques sont nées d’une aspiration naturelle au bonheur et à l’harmonie. Dans cette perspective, le travail de Lahontan ne contribue pas à la construction d’un nouveau savoir, il ne fait que confirmer une thèse qu’il avait déjà constituée.

Regard sur les Européens
et les Français en particulier

Illustration tirée des Mémoires de Lahontan.

Ainsi, Lahontan, dans ses mémoires, raconte que des Amérindiens, comme Kondiaronk, qui avaient séjourné en France,

« nous taquinaient continuellement avec les défauts et les désordres qu’ils observaient dans nos villes, comme étant causés par l’argent. On a beau à leur donner des raisons pour leur faire connaître que la propriété des biens est utile au maintien de la société : ils se moquent de tout ce qu’on peut dire sur cela. Au reste, ils ne se querellent ni ne se battent, ni se médisent jamais les uns des autres ; ils se moquent des arts et des sciences, et ils rient de la différence de rangs qu’on observe chez nous. Ils nous traitent d’esclaves et d’âmes misérables, dont la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, alléguant que nous nous dégradons en nous soumettant à un seul homme [le Roi] qui peut tout, et qui n’a d’autre loi que son bon vouloir.« 

Lahontan poursuit :

« Ils trouvent étrange que les uns aient plus de biens que les autres, et que ceux qui en ont le plus sont estimés davantage que ceux qui en ont le moins. Enfin, ils disent que le titre de sauvages, dont nous les qualifions, nous conviendrait mieux que celui d’hommes, puisqu’il n’y a rien moins que de l’homme sage dans toutes nos actions.« 

Dans son dialogue avec Kondiaronk, Lahontan lui dit que si les méchants restaient impunis, nous deviendrions le peuple le plus misérable de la terre. Kondiaronk répond :

« Vous l’êtes assez déjà, je ne conçois pas que vous puissiez l’être davantage. Ô quel genre d’hommes sont les Européens ! Ô quelle sorte de créatures ! Qui font le bien par la force, et n’évitent à faire le mal que par la crainte des châtiments ? (…) Tu vois que nous n’avons point de juges ; pourquoi ? Parce que nous n’avons point de querelles ni de procès. Mais pourquoi n’avons-nous pas de procès ? C’est parce que nous ne voulons point recevoir ni connaître l’argent. Pourquoi est-ce que nous ne voulons pas admettre cet argent ? C’est parce que nous ne voulons pas de lois, et que depuis que le monde est monde nos pères ont vécu sans cela.« 

Frère Gabriel Sagard, un frère récollet français, a rapporté que les Wendats étaient particulièrement offensés par le manque de générosité des Français les uns envers les autres :

« Ils se rendent l’hospitalité réciproque, et assistent tellement l’un l’autre qu’ils pourvoient à la nécessité de chacun, sans qu’il ait aucun pauvre mendiant parmi leurs villes et villages.Et trouvent fort mauvais entendant dire qu’il y avait en France grand nombre de ces nécessiteux et mendiants, et pensaient que cela fut faute de charité qui fut en nous, et nous en blâmaient grandement.« 

L’argent, pense Kondiaronk, crée un environnement qui encourage les gens à mal se comporter :

« Plus je réfléchis à la vie des Européens et moins je trouve de bonheur et de sagesse parmi eux. Il y a six ans que je ne fais que penser à leur état. Mais je ne trouve rien dans leurs actions qui ne soit au-dessous de l’homme, et je regarde comme impossible que cela puisse être autrement, à moins que vous ne vouliez vous réduire à vivre sans le Tien ni le Mien, comme nous faisons. Je dis donc que ce que vous appelez argent est le démon des démons, le tyran des Français ; la source des maux ; la perte des âmes et sépulcre des vivants. Vouloir vivre dans les pays de l’argent et conserver son âme, c’est vouloir se jeter au fond du lac pour conserver la vie ; or ni l’un ni l’autre ne se peuvent. Cet argent est le père de la luxure, de l’impudicité, de l’artifice, de l’intrigue, du mensonge, de la trahison, de la mauvaise foi et généralement de tous les maux qui sont au monde. Le père vend ses enfants, les maris leurs femmes, les femmes trahissent leurs maris, les frères se tuent, les amis se trahissent, et tout pour l’argent. Dis-moi, je te prie, si nous avons tort après cela de ne vouloir point ni manier ni même voir ce maudit argent.« 

Dans la troisième note de bas de page de son discours Sur les origines et les fondement de l’inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau, qui a inventé l’idée du « noble sauvage » supposé exister avant que l’homme ne se lance dans l’agriculture, fait lui-même référence à

« ces nations heureuses qui ne connaissent pas même le nom des vices que nous avons tant de peine à réprimer, de ces sauvages d’Amérique dont Montaigne ne balance point à préférer la simple et naturelle police, nos seulement aux lois de Platon, mais même à tout ce que la philosophie pourra jamais imaginer de plus parfait pour le gouvernement des peuples.« 

Ces Européens qui refusent de rentrer

La financée du trappeur, 1845, huile sur toile, Alfred Jacob Miller.

Autre observation, celle du botaniste suédois Peher Kalm qui s’étonne, en 1749 du fait qu’un grand nombre d’Européens, exposés à la vie autochtone, ne veulent pas en revenir :

« Il est également remarquable que la plus grande partie des prisonniers européens qui, à l’occasion de la guerre, ont été pris ainsi et mêlés aux Sauvages, surtout s’ils ont été pris dans leur jeune âge, n’ont jamais voulu revenir par la suite dans leur pays d’origine, bien que leurs père et mère ou leurs proches parents soient venus les voir pour tenter de les en persuader et qu’eux-mêmes aient eu toute liberté de le faire. Mais ils ont trouvé le mode de vie indépendant propre aux Sauvages préférable à celui des Européens ; ils ont adopté les vêtements indigènes et se sont conformés en tout aux Sauvages, au point qu’il est difficile de les en distinguer, si ce n’est qu’ils ont la peau et le teint légèrement plus blancs. On connaît également plusieurs exemples de Français qui ont volontairement épousé des femmes indigènes et ont adopté leur mode de vie ; par contre on n’a pas d’exemple qu’un Sauvage se soit uni à une Européenne et ait pris sa façon de vivre ; s’il lui arrive d’être fait prisonnier par les Européens au cours d’une guerre, il cherche toujours une occasion, au contraire, de retourner chez lui, même s’il a été retenu plusieurs années et a bénéficié de toutes les libertés dont un Européen peut jouir.« 

Avant Lahontan :
les Utopiens de Thomas More

Thomas More et Erasme de Rotterdam, les auteurs de l’Utopie.

En 1492, comme le dit la plaisanterie, « l’Amérique découvrit Colomb, un capitaine génois perdu en mer ».

La mission qui lui avait été confiée était motivée par diverses intentions, en particulier l’idée d’atteindre, en voyageant vers l’ouest, la Chine, un continent que l’on croyait peuplé de vastes populations ignorant le message inspirant et optimiste du Christ et ayant donc un besoin urgent d’évangélisation.

Malheureusement, deux ans plus tard, un intérêt moins théologique se manifesta lorsque, le 7 juin 1494, les Portugais et les Espagnols signèrent au Vatican, sous la direction du pape Alexandre IV (Borgia), le traité de Tordesillas, partageant le monde entier entre deux empires, l’espagnol sous le contrôle de l’alliance continentale Habsbourg/Venise, et le portugais sous celui du cartel bancaire d’esclavagistes maritimes génois.

Cela n’a pas empêché, deux siècles avant Lahontan, les meilleurs humanistes européens d’élever la voix et de montrer que certains des soi-disant « sauvages » des États-Unis avaient des vertus et qualités qui méritaient absolument d’être pris en considération et éventuellement manquant chez nous en Europe.

Pages de l’Utopie de More et Erasme.

C’est le cas d’Érasme de Rotterdam et de son ami intime et collaborateur Thomas More, qui partagent ce que l’on pense être leurs opinions sur l’Amérique dans un petit livre intitulé « U-topia » (qui signifie ’quelque’ endroit), écrit en commun et publié en 1516 à Louvain.

Par instinct, les rapports qu’ils reçoivent de l’Amérique et les caractéristiques culturelles de ses indigènes, les incitent à croire qu’ils ont affaire à quelque colonie perdue de Grecs ou même au fameux continent perdu de l’Atlantide décrit par Platon à la fois dans son Timée  et dans son Critias.

Dans l’Utopie de More, le capitaine portugais Hythlodée décrit une civilisation très organisée : elle possède des vaisseaux à carène plate et « des voiles faites de papyrus cousu », composée de gens qui « aiment à être renseignés sur ce qui se passe dans le monde » et qu’il « croit Grecque d’origine ».

A un moment il est dit : 

« Ah ! Si je venais proposer ce que Platon a imaginé dans sa République ou ce que les Utopiens mettent en pratique dans la leur, ces principes, encore que bien supérieurs aux nôtres, et ils le sont à coup sûr, pourraient surprendre, puisque chez nous, chacun possède ses biens tandis que là, tout est mis en commun. » (pas de propriété privée)

En ce qui concerne la religion, les Utopiens (tout comme les indigènes indiens) 

« ont des religions différentes mais, de même que plusieurs routes conduisent à un seul et même lieu, tous leurs aspects, en dépit de leur multiplicité et de leur variété, convergent tous vers le culte de l’essence divine. C’est pourquoi l’on ne voit, l’on entend rien dans leurs temples que ce qui s’accorde avec toutes les croyances. Les rites particuliers de chaque secte s’accomplissent dans la maison de chacun ; les cérémonies publiques s’accomplissent sous une forme qui ne les contredit en rien.« 

Et même : 

« Les uns adorent le soleil, d’autres la lune ou quelque planète (…) Le plus grand nombre toutefois et de beaucoup les plus sages, rejettent ces croyances, mais reconnaissent un dieu unique, inconnu, éternel, incommensurable, impénétrable, inaccessible à la raison humaine, répandu dans notre univers à la manière, non d’un corps, mais d’une puissance. Ils le nomment Père et rapportent à lui seul les origines, l’accroissement, les progrès, les vicissitudes, le déclin de toutes choses. Ils n’accordent d’honneurs divins qu’à lui seul. (…) Au reste, malgré la multiplicité de leurs croyances, les autres Utopiens tombent du moins d’accord sur l’existence d’un être suprême, créateur et protecteur du monde.« 

Pas de complaisance
envers l’idéologie woke

Cela signifie-t-il que « tous les Européens étaient mauvais » et que « tous les Indiens étaient bons » ? Pas du tout ! Les auteurs ne tombent pas dans le piège des généralisations simplistes et de l’idéologie « woke » en général.

Par exemple, même avec de grandes similitudes, la différence culturelle entre les Premières Nations de la côte nord-ouest du Canada et celles de Californie était aussi grande que celle entre Athènes et Sparte dans l’antiquité grecque, la première étant une république, la seconde une oligarchie.

Différents peuples et différentes sociétés, à différentes époques, ont fait des expériences et des choix politiques différents concernant les axiomes de leur culture.

Alors qu’en Californie, des formes d’autonomie égalitaire et anti-oligarchique apparaissent, dans certaines régions du nord, c’est le régime oligarchique qui prévaut :

« de la rivière Klamath vers le nord, il existait des sociétés dominées par des aristocrates guerriers engagés dans de fréquents raids entre groupes, et dans lesquelles, traditionnellement, une partie importante de la population était constituée d’esclaves à titre onéreux. Il semble que cela ait été le cas aussi longtemps que l’on s’en souvienne. »

Les sociétés du Nord-Ouest pour le plaisir qu’elles prenaient à afficher des excès, notamment lors des fêtes connues sous le nom de potlach, qui culminaient parfois, champignons hallucinogènes aidant, avec

« le meurtre sacrificiel d’esclaves (…) À bien des égards, le comportement des aristocrates de la côte nord-ouest ressemble à celui des mafieux, avec leurs codes d’honneur stricts et leurs relations de patronage, ou à ce que les sociologues appellent les ‘sociétés de cour’ – le genre d’arrangement auquel on pourrait s’attendre, par exemple, dans la Sicile féodale, d’où la mafia a tiré bon nombre de ses codes culturels. »

La première remarque de Graeber et Wengrow est donc qu’il faut tenir compte de l’infinie diversité des sociétés humaines. Deuxièmement, au lieu de se contenter d’observer le fait, les auteurs soulignent que, très souvent, ces diversités ne résultent pas de conditions « objectives », mais de choix politiques. Cela véhicule également un message très optimiste, à savoir que des choix différents du système mondial actuel peuvent devenir réalité si les gens relèvent le défi de les changer pour le mieux.

Les premières villes du monde

Les blocs de roche que vous voyez sur la photo, pesant plusieurs tonnes et mesurant jusqu’à près de 7 mètres de haut, sont âgés d’au moins 11 000 ans selon l’analyse radiocarbone C14. Ils ne sont que quelques-uns des nombreux piliers qui constituaient l’établissement de Göbekli Tepe, à la frontière entre la Turquie et la Syrie. La civilisation qui a construit cette colonie et d’autres semblables n’a toujours pas de nom. En fait, jusqu’à récemment, leur existence était totalement inconnue.

Dans la plus grande partie du livre, les auteurs décrivent la vie des chasseurs-cueilleurs qui ont vécu des milliers d’années avant la révolution agricole, mais qui ont été capables de créer d’immenses complexes urbains et qui parfois ont fini par gouverner sans oligarchie dominante.

Le livre identifie des exemples en Chine, au Pérou, dans la vallée de l’Indus (Mohenjo-Daro), en Ukraine (Talianki, Maydenetsk, Nebelivka), au Mexique (Tlaxcala), aux États-Unis (Poverty Point, Lousiane) et en Turquie (Göbekli Tepe, Catal Höyük), où l’on vivait à grande échelle au niveau de la ville (d’environ 10 000 à 6 000 ans av. J.-C.). Catal Höyük (Anatolie, Turkye) comptait jusqu’à 8000 habitants au moment de son extension maximum, entre le VIIe et le VIe millénaire avant notre ère.
Cathérine Louboutin, dans son ouvrage de la collection Découvertes Gallimard, « Au Néolithique, les premiers paysans du monde », écrivait en 1990 : « Malgré sa taille, un riche artisanat, la connaissance du métal (cuivre et plomb) et de l’irrigation, Catal Höyük ne montre aucune hiérarchie sociale et ne semble pas rassembler, pour la redistribuer, la richesse économique de la région dont elle serait le pôle majeur : ce n’est donc pas tout à fait une ville. »

Suite à une révolte populaire vers l’an 300, une épidémie du logement social a frappé la ville de Teotihuacán au Mexique ?

Mais ces villes n’impliquaient pas de caste dirigeante ou de classe aristocratique ; elles étaient explicitement égalitaires dans la construction de leurs maisons et dans leurs échanges commerciaux ; elles ont apporté de nombreuses innovations en matière de plomberie et de conception des rues ; et elles faisaient partie de réseaux continentaux qui partageaient les meilleures pratiques.

La révolution agricole n’a pas été une « révolution », affirme les auteurs, mais plutôt un processus de transformation continu étalé sur des milliers d’années, lorsque les chasseurs-cueilleurs ont été capables de s’organiser de manière flexible en méga-sites (quelques milliers d’habitants), organisés sans centres ni bâtiments monumentaux, mais construits avec des maisons standardisées, confortables pour la vie quotidienne, tout cela sans hiérarchies statiques, sans rois ni bureaucratie écrasante.

Un autre exemple est celui de la ville de Teotihuacán, qui a rivalisé en grandeur avec Rome entre environ 100 avant J.-C. et 600 après J.-C., où, à la suite d’une révolution politique en 300 après J.-C., une culture égalitaire s’est lancée dans un programme massif de logement social destiné à donner à tous les habitants des quartiers décents.

Conclusion

Aujourd’hui, il est très difficile pour la plupart d’entre nous d’imaginer qu’une société, une culture ou une civilisation puisse survivre pendant des siècles sans une structure de pouvoir centralisée et hiérarchisée par la force.

Pourtant, comme l’indiquent les auteurs, les preuves archéologiques, si nous sommes prêts à les regarder, nous disent le contraire. Mais sommes-nous prêts à remettre en question nos propres préjugés ?

« Roi-prêtre » de Mohenjo-Daro.

A titre d’exemple de cette cécité auto-infligée, il convient de mentionner le cas du « Roi-prêtre », une petite figure masculine représentant un homme à la barbe soignée, découverte lors des fouilles de la ville en ruines de Mohenjo-Daro (Pakistan), datant de l’âge du bronze, environ 2000 ans avant J.-C. et considérée comme « la plus célèbre sculpture en pierre » de la civilisation de la vallée de l’Indus.

Alors qu’il n’existe à Mohenjo-Daro ni palais royal, ni tombe, ni temple religieux d’aucune sorte, les archéologues britanniques ont immédiatement parlé d’un « Roi-prêtre », parce que, tout simplement, « il ne peut en être autrement ».

La lecture du livre de Graeber et Wengrow nous oblige à ajuster nos points de vue et à devenir optimistes. Ils montrent que des systèmes humains radicalement différents sont non seulement possibles, mais qu’ils ont été essayés à de nombreuses reprises par notre espèce.

Lors d’une conférence publique en 2022, Wengrow a présenté ce qu’il considère comme des leçons pour le présent politique du passé, où les êtres humains étaient beaucoup plus fluides, conscients et expérimentaux avec leurs structures sociales et économiques :

« Qu’est-ce que tous ces détails signifient ? Qu’est-ce que tout cela signifie ? À tout le moins, je dirais qu’il est un peu tiré par les cheveux de nos jours de s’accrocher à l’idée que l’invention de l’agriculture a marqué la fin d’un Eden égalitaire. Ou de s’accrocher à l’idée que les sociétés à petite échelle sont particulièrement susceptibles d’être égalitaires, alors que les sociétés à grande échelle doivent nécessairement avoir des rois, des présidents et des structures de gestion du haut vers le bas. Et il y a aussi des implications contemporaines. Prenons, par exemple, la notion courante selon laquelle la démocratie participative est en quelque sorte naturelle dans une petite communauté. Ou peut-être dans un groupe d’activistes, mais qu’elle ne peut en aucun cas s’étendre à une ville, une nation ou même une région. En fait, les preuves de l’histoire de l’humanité, si nous sommes prêts à les examiner, suggèrent le contraire. Il n’est peut-être pas trop tard pour commencer à tirer des leçons de toutes ces nouvelles preuves du passé humain, et même pour commencer à imaginer quels autres types de civilisation nous pourrions créer si nous pouvions cesser de nous dire que ce monde particulier est le seul possible.« 


NOTE

*David Graeber, né le 12 février 1961 à New York (États-Unis) et mort le 2 septembre 2020 à Venise (Italie), est un anthropologue et militant anarchiste américain, théoricien de la pensée libertaire nord-américaine et figure de proue du mouvement Occupy Wall Street. Évincé de l’université Yale en 2007, David Graeber, « l’un des intellectuels les plus influents du monde anglo-saxon » selon le New York Times, est ensuite professeur à la London School of Economics. Il est notamment le théoricien du « bullshit job » et l’auteur de Dette : 5000 ans d’histoire (Debt : the First Five Thousand Years).

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Le défi que nous lance la modernité de la Civilisation de l’Indus

Une découverte archéologique majeure vient d’être effectuée en Israël en 2022 : les premières preuves de l’utilisation de fibres de coton au Proche-Orient et parmi les plus anciennes au monde, datant de près de 7000 ans, ont été découvertes par des archéologues israéliens, américains et allemands, lors d’une fouille archéologique à Tel Tsaf, au sud-est de Beit She’an, dans la vallée du Jourdain en Israël.

Brin de coton, vieux de 7000 ans, trouvé par les chercheurs en Israël.

La plus ancienne preuve dont on disposait jusqu’à présent de la présence de fibres de coton dans la région a été datée de quelques centaines d’années plus tard, de la fin de la période chalcolithique (âge du cuivre) et de l’âge du bronze précoce (il y a environ 5000 à 6500 ans) en provenance du site archéologique de Dhuweila, dans l’est de la Jordanie.

Découvert en 1940, le site de Tel Tsaf nous livre ses secrets. « Tsaf se caractérise par une préservation étonnante des matériaux organiques », a déclaré au Times of Israel le professeur Danny Rosenberg, de l’Institut d’archéologie Zinman, au sein de l’université de Haïfa.

« Tel Tsaf était une sorte de pôle qui concentrait des activités commerciales importantes et qui avait établi des contacts avec de nombreux autres peuples, estime Rosenberg. Il y avait là-bas des capacités de stockage massives pour accueillir les céréales, des capacités énormes, comparées à d’autres sites.« 

Par exemple, c’est là qu’on a découvert les preuves les plus anciennes de l’usage social de la consommation de bière et du stockage rituel de produits alimentaires. Rosenberg et les autres chercheurs ont également mis la main sur des perles en provenance de l’Anatolie contemporaine, de Roumanie, d’Egypte et d’autres secteurs d’Afrique ; des poteries venues d’Irak, de Syrie ou d’Arménie et les tout premiers cuivres et autres métaux trouvés dans le monde.

« L’arbre à laine » et « Routes du coton »

Les Routes du coton. Carte des échanges économiques de l’Indus avec le reste du monde.

Le coton, on y reviendra, venait probablement de la région de l’Indus – le Pakistan moderne – le seul endroit au monde ayant commencé à en pratiquer la culture à cette époque avant qu’elle n’apparaisse en Afrique des milliers d’années plus tard.

« Ce qui est intéressant dans cette preuve précoce d’un lien avec une région aussi lointaine, c’est qu’elle provient de fibres – des morceaux microscopiques de fils anciens. Nous supposons que ces fibres de coton, trouvées avec des fibres de laine et des fibres végétales, sont arrivées sur le site en tant que partie de tissus ou de vêtements, c’est-à-dire de textiles anciens », précise Rosenberg.

Le coton ne servait pas qu’à l’habillement :

« A l’ère préhistorique, les textiles étaient impliqués dans de nombreux domaines de l’existence, pas seulement dans les vêtements mais aussi dans la chasse, la pêche, etc. C’est beaucoup plus important que de se dire seulement que ce que nous avons trouvé, ce sont des morceaux de vêtements qui étaient portés par les habitants du coin. Cette découverte nous en dit long sur les pratiques économiques de la région », estime l’archéologue.

Dans la mesure où le coton n’a jamais été cultivé à Tel Tsaf, en trouver à cet endroit fut une surprise pour les chercheurs, qui estimèrent que cette présence dénotait l’importance de la ville en tant que pôle commercial mondial au cœur de ce qu’on pourrait appeler les « Routes du coton » de cette époque.

La culture du coton pose un défi considérable. D’abord, elle requiert un climat modéré ou tropical et des quantités d’eau faramineuses. Fabriquer un tee-shirt et une paire de jeans (représentant environ 1 kg de coton) ne nécessite pas moins de 20 000 litres d’eau ! Quelle civilisation pouvait s’offrir une telle performance au début du VIIe millénaire avant J.-C. ?

La civilisation de la vallée de l’Indus

En jaune, répartition géographique des sites de peuplement de la Civilisation de l’Indus, un fleuve de 3120 km alimenté par la neige de l’Himalaya (en blanc).

Le terme de « Civilisation de la vallée de l’Indus » désigne un ensemble culturel et politique qui s’épanouit dans la région nord du sous-continent indien entre environ 8000 et 1900 avant J.-C., s’étendant du Baloutchistan (Pakistan), à l’ouest, à l’Uttar Pradesh (Inde), à l’est, et du nord-est de l’Afghanistan, au nord, au Gujarat (Inde), au sud.

Faute de monuments permettant d’étayer cette hypothèse, on ne parle pas de royaume ou d’empire de l’Indus. Son nom moderne dérive simplement de son emplacement dans la vallée de l’Indus, mais cette culture est aussi communément appelée la « civilisation Indus-Saraswati » ou encore « civilisation harappéenne ». Ces désignations proviennent d’une part de la rivière Saraswati, mentionnée dans les sources védiques, qui coulait à côté de l’Indus et qui aurait disparu, et de la ville de Harappa (Pendjab, Pakistan), une cité antique découverte dès 1829, mais laissée inexplorée par les Britanniques jusqu’en 1921.

L’apparition d’une grande civilisation urbaine dans la vallée de l’Indus, qui atteint sa maturité vers 2500-2400 avant J.-C., a longtemps été considérée comme un phénomène soudain et mystérieux. Cependant, un ensemble de découvertes permet de retracer, de 7000 à 2500 avant J.-C., une suite de transformations et d’innovations dont les effets cumulatifs, stimulés par l’élargissement du réseau des échanges à partir de 3000 avant J.-C., créent les conditions favorables au développement d’une civilisation urbaine.

Mehrgarh, lumière du monde !

Vue des ruines de la ville de Mehrgahr (7e millénaire avant JC) au Balouchistan pakistanais.
En haut, à droite, un entrepôt pour céréales.

Depuis la préhistoire, la région de l’Indus est pionnière et riche en découvertes. A titre d’exemple, bien qu’il s’agisse d’un cas à part, le village agricole de Mehrgarh (Baloutchistan, Pakistan), qui date du néolithique (n’utilisant que la pierre comme outil) mais peut être considérée comme la culture et la ville clé ayant fait passer l’humanité, dès le VIIIe millénaire avant J.-C., de la pierre à l’âge du bronze.

Le site est situé sur la route principale entre ce qui est aujourd’hui l’Afghanistan et la vallée de l’Indus : cette route faisait aussi sans doute partie d’une connexion commerciale établie assez tôt entre le Proche-Orient et le sous-continent indien.

Les fouilles menées à Mes Aynak (Afghanistan), où les archéologues commencent à peine à découvrir, sous le niveau bouddhique, les vestiges d’un site de l’âge du bronze vieux de 5000 ans, dont une ancienne fonderie de cuivre, apporteront sans doute un nouvel éclairage sur ces relations.

Sur la base de découvertes archéologiques bien documentées, il a été établi que la culture « pré-harappéenne » de Mehrgarh représente plusieurs percées historiques pour l’ensemble de l’humanité :

  • des traces d’agriculture (blé et orge) et d’élevage (bovins, moutons et chèvres), parmi les plus anciennes en Asie du Sud ;
  • les premières brasseries (à partir de blé et d’orge) ;
  • les plus anciens lacs de retenue au service d’une agriculture irriguée et de la prévention contre les inondations ;
  • les plus anciennes traces de culture du coton (VIe millénaire avant J.-C.) ;
  • le plus ancien bijou en bronze fabriqué avec la technique de fonte à la cire perdue, dite « amulette de Mehrgarh » (VIe millénaire avant J.-C.) ;
  • les plus anciens forets à archet (en jaspe vert) permettant de percer des trous dans le lapis-lazuli et la cornaline ;
    –les toutes premières pratiques réussies de la dentisterie (!) (IXe millénaire avant J.-C.), comme en témoignent les dents percées de certains des squelettes découverts sur le site. L’analyse des dents montre que les dentistes préhistoriques soignaient les maux de dents avec des forets fabriqués à partir de lames de silex. Le travail était si élaboré que même les dentistes modernes sont surpris de l’efficacité avec laquelle leurs prédécesseurs éliminaient les tissus dentaires en décomposition. Parmi les vestiges, un total de onze couronnes percées a été découvert, dont un exemple témoigne d’une procédure complexe impliquant le retrait de l’émail dentaire suivi de la sculpture de la paroi de la cavité ! Aucun des individus présentant des dents percées ne semble provenir d’une tombe ou d’un sanctuaire particulier, ce qui indique que les soins bucco-dentaires qu’ils recevaient étaient accessibles à tous.
Les habitants de Mehrgarh semblaient avoir développé une compréhension de la chirurgie et de la dentisterie, comme en témoignent les dents percées (en bas) de certains des squelettes trouvés sur le site. L’analyse des dents montre que les dentistes préhistoriques s’efforçaient de soigner les maux de dents avec des forets fabriqués à partir de têtes en silex. Le travail a été si élaboré que même les dentistes modernes sont surpris de l’efficacité avec laquelle les « dentistes » de Mehrgarh ont éliminé le tissu dentaire en décomposition. Parmi les restes, un total de onze couronnes forées ont été trouvées, avec un exemple montrant la preuve d’une procédure complexe impliquant l’élimination de l’émail des dents suivie de la sculpture de la paroi de la cavité. Quatre des dents montrent des signes de carie associés au trou percé. Aucun des individus aux dents percées ne semble provenir d’une tombe ou d’un sanctuaire spécial, ce qui indique que les soins de santé bucco-dentaire qu’ils recevaient étaient accessibles à tous.

Densément peuplée

A l’origine, cette civilisation s’est érigée autour des méandres poissonneux de l’Indus, ce fleuve long de près de 3200 kilomètres qui s’écoule des montagnes de l’Himalaya vers la mer d’Arabie. A l’image des populations d’autres grandes vallées fluviales, cette société a été séduite par la fertilité des terres et la possibilité d’utiliser l’Indus comme voie de transport. Cette civilisation, dont la prospérité repose en grande partie sur l’exploitation de plus en plus systématique des riches limons de l’Indus, se répand sur un immense territoire englobant toute sa vallée et une partie du Gujarat indien.

A la vaste zone de distribution de la civilisation de l’Indus, il faut ajouter quelques « colonies » harappéennes comme Sutkagan Dor, près de Gwadar sur les bords de la mer d’Oman, à la frontière irano-pakistanaise, et la ville Shortugai (mines de lapus lazuli), proche du fleuve Amou Darya, à la frontière afghano-tadjik, à près de 1200 kilomètres de Mohenjo-daro.

A son apogée, cette civilisation était deux fois plus vaste que l’ancien empire d’Egypte. Avec une superficie de 2,5 millions de kilomètres carrés, c’était alors la civilisation la plus étendue au monde : elle regroupait 5 millions de personnes, soit 10 % de la population mondiale de l’époque, bien plus que Sumer (0,8 à 1,5 million de personnes) ou que l’Egypte antique (2 à 3 millions).

A ce jour, ce sont plus de 2000 sites répartis entre l’Inde, le Pakistan et l’Afghanistan actuels qui ont été découverts, dont moins de 10 % de la surface totale a été fouillée. Sur le sous-continent indien, les principaux centres de cette civilisation sont Harappa et Mohenjo-daro au Pakistan et Lothal, Dholavira et Kalibangan en Inde. Outre les relations commerciales avec la Mésopotamie et l’Iran, les cités-états harappéens entretenaient également des relations commerciales actives avec les peuples d’Asie centrale.

Agriculture, artisanat et industries

L’ère d’influence de la civilisation de la vallée de l’Indus, à l’ouest de l’Inde.

Agriculture, élevage, industrie, commerce et échanges constituaient la principale source de revenus.

L’agriculture était la principale activité des habitants de la vallée de l’Indus. Ils cultivaient l’orge et le blé à grande échelle mais aussi d’autres produits tels que légumineuses, coton, céréales, sésame, dattes, moutarde, melons, pois, etc. Il n’y a pas de preuve réelle de la culture du riz, mais quelques grains en ont été trouvés à Rangpur et à Lothal.

Dans le village de Mehrgarh et les villes d’Harappa et de Mohenjo-daro, on trouve des vestiges de grands greniers à grains, ce qui suggère que leur production était supérieure aux besoins de leurs habitants et qu’ils faisaient des stocks en prévision de mauvaises récoltes.

L’élevage était une autre occupation majeure. Les sceaux suggèrent qu’ils domestiquaient les vaches, buffles, chèvres, moutons, cochons, etc., mais aussi les chameaux et les ânes, qui servaient de bêtes de somme. Des os de chameaux ont été retrouvés en grand nombre sur de nombreux sites, mais on ne trouve aucune trace de ces animaux sur les sceaux. Lors de la fouille de Surkotado au Gujarat (Inde), la mâchoire d’un cheval a été trouvée. Des figurines en terre cuite représentant un cheval ont été trouvées à Nausharo et à Lothal.

Taureau.

Les habitants de la vallée de l’Indus étaient très habiles. Ils fabriquaient, à l’aide de tours de potier, des céramiques, des récipients en métal, des outils et des armes, tissaient et filaient, teignaient et pratiquaient d’autres métiers. Les tisserands portaient des vêtements en coton et en laine. Ils connaissaient le cuir, mais il n’y a aucune trace de la production de soie.

A l’origine, les habitants de cette civilisation appartenaient à l’âge du bronze et utilisaient des outils en pierre, mais ils vont rapidement exceller dans la fabrication et la transformation de l’or, de l’argent, du cuivre, du plomb et du bronze, notamment pour des ornements artistiques d’une grande finesse.

Poteries de Meshgahr (3e millénaire av. JC).

Des artisans fabriquaient des bijoux à Mohenjo-daro, à Chanho-daro et à Lothal, utilisant l’ivoire et diverses pierres précieuses comme la cornaline, le lapis-lazuli, l’agate et le jaspe. Le travail des coquillages était également une industrie prospère. Les artisans des colonies côtières en faisaient des boutons de chemise, des pendentifs, des anneaux, des bracelets, des perles, etc.

Pour le transport, on utilisait la charrette à bœufs, mais également les voies fluviales le long de l’Indus et de ses affluents.

Les professions artisanales nécessitaient diverses matières premières. Pour fabriquer des briques et des céramiques, l’argile était disponible localement, mais pour le métal, ils devaient l’acquérir à l’étranger.

Le commerce était axé sur l’importation de matières premières destinées aux ateliers des cités harappéennes, notamment des minéraux d’Iran et d’Afghanistan, du plomb et du cuivre d’autres régions de l’Inde, du jade de Chine et du bois de cèdre descendant les rivières de l’Himalaya et du Cachemire. Les autres marchandises échangées comprenaient des pots en terre cuite, de l’or, de l’argent, des métaux, des perles, des silex pour la fabrication d’outils, des coquillages, des perles et des pierres précieuses de couleur, comme le lapis-lazuli et la turquoise.

L’un des moyens par lesquels les historiens connaissent le réseau commercial maritime opérant entre les civilisations harappéennes et mésopotamiennes est la découverte de sceaux et de bijoux sur des sites archéologiques dans les régions de la Mésopotamie, qui comprend la majeure partie de l’Irak, du Koweït et de certaines parties de la Syrie actuels.

Carte des relations commerciales de la région de l’Indus.

Le commerce maritime à longue distance sur des étendues d’eau telles que la mer d’Oman, la mer Rouge et le golfe Persique est peut-être devenu possible grâce au développement de bateaux à planches, équipés chacun d’un mât central unique supportant une voile en joncs ou en tissu.

Les historiens ont également fait des déductions sur les réseaux d’échange en se basant sur les similitudes entre les artefacts des différentes civilisations. Entre 4300 et 3200 avant notre ère, les céramiques de la région de la civilisation de la vallée de l’Indus présentent des similitudes avec le sud du Turkménistan et le nord de l’Iran. Au cours de la période harappéenne précoce – entre 3200 et 2600 avant J.-C. – on observe des similitudes culturelles dans la poterie, les sceaux, les figurines et les ornements qui témoignent du commerce caravanier avec l’Asie centrale et le plateau iranien.

Les merveilles de Mohenjo-daro

Plan de la ville de Mojendo-daro (vers le 3e millénaire avant JC) et représentations artistique (à gauche) et numérique (à droite) de la vie de la cité. Les toits des immeubles permettaient d’accueillir les habitants en cas d’inondations.

Parfois surnommée la « Manhattan de l’âge du bronze » pour le tracé quadrillé du plan de la ville, la cité de Mohenjo-daro (Sind, Pakistan) est restée enfouie sous des mètres de sédiments alluviaux jusqu’à sa découverte au début des années 1920.

Quelques inventions importantes de la culture harapéenne : la brique en terre cuite permettant de construire des puits (à gauche) ou des plateformes pour moudre les céréales (à droite). Au centre, une balance et des poids de pesage, essentiel aux échanges. En bas, vue d’artiste du bassin et des dépôts du port de Lathal connu pour ses chantiers navales.

Véritable métropole faite de briques cuites, elle s’étend sur plus de 200 hectares. Strictement quadrillée, coupée en deux par un boulevard de dix mètres de large, sillonnée du nord au sud par une douzaine d’artères tracées au cordeau et traversée d’est en ouest par des rues pavées, Mohenjo-daro représente, de par son cadre urbain parfaitement réfléchi, la cité modèle de la civilisation de l’Indus. Elle aurait pu accueillir jusqu’à quarante mille personnes !

Maîtres en ingénierie hydraulique, les Harappéens pratiquaient l’agriculture irriguée dans les corridors fluviaux qu’ils exploitaient. Ils possédaient à la fois le chadouf (appareil à bascule servant à puiser l’eau d’un puits) et le moulin à vent. Dans leurs cités, les quartiers d’habitation et les zones manufacturières étaient séparés les uns des autres.

Les habitants, qui occupent des logements d’un, deux et parfois trois étages, semblent avoir été principalement des artisans, des agriculteurs et des marchands. Ils avaient développé la roue, les charrettes tirées par le bétail, des bateaux à fond plat suffisamment larges pour transporter les marchandises, et peut-être aussi la voile. Dans le domaine de l’agriculture, ils avaient compris les techniques d’irrigation et construit des canaux, ils utilisaient divers outils agricoles et avaient délimité différentes zones pour le pâturage et les cultures.

Les sceaux et l’écriture harappéenne

Sceaux utilisés pour le commerce dans la civilisation de la vallée de l’Indus. Vue le nombre impressionnant d’unicornes, on pense que l’animal symbolise un clan ou une famille
et que le texte donne des détails annexes.

Parmi les milliers d’artefacts découverts sur les différents sites, on trouve de petits sceaux en stéatite d’un peu plus d’un pouce (3 cm) de diamètre, utilisés pour signer des contrats, autoriser des ventes de terres et authentifier le point d’origine, l’expédition et la réception de marchandises lors d’échanges de longue distance.

Les contacts commerciaux entre les populations de l’Indus et de Sumer sont bien documentés. De nombreux sceaux de la vallée de l’Indus ont été découverts en Mésopotamie. Sur chaque sceau, un petit texte en harappéen, une langue qui reste à déchiffrer.

Si 4200 textes nous sont parvenus, 60 % d’entre eux sont des sceaux ou des mini-tablettes de pierre ou de cuivre, gravées, et elles ne comportent en moyenne… que cinq signes ! Le texte le plus long comporte 26 signes. Les textes sont toujours accompagnés de l’image d’un animal, souvent une licorne ou un buffle majestueux. Ils étaient destinés à marquer des marchandises en indiquant probablement le nom du propriétaire ou du destinataire et une quantité ou une année. Tenter de décrypter la langue de l’Indus, c’est un peu comme si l’on essayait d’apprendre le français uniquement à partir des étiquettes du rayon alimentation d’un supermarché !

L’invention des sanitaires

Les premières toilettes rinçables reliés à des égouts dignes de ce nom sont apparues au 5e millénaire avant JC dans les villes de Morenjo-Daro et Harappa avant d’apparaître à Knossos en Crête.

Outre cette attention toute particulière qu’ils portaient à l’urbanisme, les membres de la civilisation de l’Indus semblent également avoir été des pionniers de l’hygiène moderne. Certaines villes, notamment Mohenjo-daro, étaient équipées de petits conteneurs (poubelles) dans lesquels les habitants pouvaient déposer leurs ordures ménagères.

Anticipant nos systèmes de « tout à l’égout » imaginés au XVIe siècle par Léonard de Vinci pour le projet dont François Ier voulait doter la nouvelle capitale française, Romorantin, de nombreuses villes disposaient d’approvisionnement public en eau et d’un système ingénieux d’assainissement.

A Mohenjo-daro, Harappa, Lothal ou encore Rakhigari, notamment, les maisons individuelles ou blocs de maisons s’approvisionnaient en eau à partir de puits. Cette eau de qualité servait tout autant à l’alimentation et l’hygiène personnelle (bains, toilettes) qu’aux activités économiques des habitants.

Les villes harappéennes se caractérisent par la présence d’égouts et de bains et latrines personnelles. En haut, à gauche, une salle de bain au premier plan, avec WC séparé. L’eau était pompé en hauteur afin que son écoulement puisse alimenter les sanitaires. A droite, restes d’égouts sous les rues pavées et ailleurs.

A titre d’exemple, le système d’assainissement de la ville portuaire de Lothal (aujourd’hui en Inde), où de nombreuses habitations disposaient d’une salle de bain et de latrines privées en brique. Les eaux usées étaient évacuées par un réseau communal d’égouts aboutissant soit vers un canal du port, soit dans une fosse de trempage hors des murs de la ville, soit dans des urnes enterrées, équipées d’un trou permettant l’évacuation des liquides, régulièrement vidées et nettoyées.

Douche avec canalisations d’évacuation, à Lothal.

Les fouilles réalisées sur le site de Mohenjo-daro ont également révélé l’existence de pas moins de 700 puits en brique, de maisons équipées de salles de bains et de latrines individuelles et collectives. Les toilettes y étaient un élément essentiel. Cependant, les premiers archéologues ont identifié la plupart de ces installations comme des urnes funéraires post-crémation ou de simples puisards. De nombreux bâtiments de la ville comportaient deux étages ou plus. L’eau ruisselant du toit et des salles de bain des étages supérieurs était acheminée par des tuyaux en terre cuite fermés ou des goulottes ouvertes qui se vidaient, le cas échéant via les toilettes, dans les égouts couverts sous la rue.

Affirmation confirmée par une étude scientifique de 2016, intitulée « L’évolution des toilettes dans le monde à travers les millénaires », qui rapporte que

« les premières toilettes à chasse d’eau multiple reliées à un système d’égouts sophistiqué qui ont été identifiées jusqu’à présent, se trouvaient dans les villes antiques de Harappa et Mohenjo-daro dans la vallée de l’Indus, datant du milieu du IIIe millénaire av. J.-C. Presque chaque unité d’habitation à Harappa, Mohenjo-daro et Lothal était équipée d’un espace bain-toilette privé, avec des drains pour évacuer les eaux sales dans un plus grand drain qui se déversait dans le système d’égouts et de drainage.« 

Jusqu’à présent, c’est à la civilisation minoenne (Crète) et à la Chine que l’on attribue la première utilisation de canalisations souterraines en argile pour l’assainissement et l’approvisionnement en eau. La capitale crétoise de Knossos possédait un système bien conçu pour acheminer l’eau propre, évacuer les eaux usées, et éviter les débordements en cas de fortes pluies.

On y a retrouvé également l’une des premières utilisations de toilettes à chasse d’eau, datant du XVIIIe siècle av. JC. La civilisation minoenne possédait des égouts en pierre qui étaient périodiquement nettoyés à l’eau claire. Dans l’Antiquité, la Crète était un grand fournisseur de minerai de cuivre pour le monde entier et avait de vastes connexions commerciales internationales.

Croyances religieuses et culturelles

Au cœur de la ville de Morenjo-Daro, le Grand bain. A gauche, le site aujourd’hui. En haut, une vue d’artiste du site.

Des rituels de fertilité furent sans doute observés afin de favoriser une pleine récolte ainsi que pour les grossesses des femmes, comme en témoignent un certain nombre de figurines, d’amulettes et de statuettes de forme féminine.

L’intitulé de la fameuse statue du « Roi-prêtre », retrouvée à Mohenjo-daro, est trompeur, car aucun indice factuel ne permet de démontrer qu’il s’agisse d’un roi ou d’un prêtre.

On pense que le peuple, à l’instar des Dravidiens que certains croient être à l’origine de la civilisation de l’Indus, vénérait une « déesse mère » et, éventuellement, un compagnon masculin représenté sous la forme d’une figure cornue en compagnie d’animaux sauvages. Statue dit du Roi-Prêtre, trouvé sur le site de Mohenjo-daru au début des années 1920.

Le « grand bain » de Mohenjo-daro aurait été utilisé pour des rites de purification liés à la croyance religieuse, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’une piscine publique. Nos connaissances des croyances religieuses de cette culture restent dans le domaine de simples hypothèses.

L’intitulé de la fameuse statue du « Roi-prêtre », retrouvée à Mohenjo-daro, est trompeur, car aucun indice factuel ne permet de démontrer qu’il s’agisse d’un roi ou d’un prêtre. Il pourrait tout autant s’agir de l’effigie d’un simple marchand de coton…

A part la poterie, des armes rudimentaires (pointes de lance, haches, flèches, etc.) et certains outils agricoles et industriels, deux types d’artefacts retrouvés nous livrent quelques rares indices culturels sur la société harappéenne.

Jeune femme nue et parée. Statuette de cuivre fragmentaire. H : 14 cm. Vallée de l’Indus. Trouvée en 1926 dans une maison de Mohenjo-Daro. 2500-1500 av. J.-C. National Museum New Delhi.

D’abord, des figurines, qu’on tente d’interpréter comme des objets de dévotion, semblent n’être que de simples jouets.

Pour d’autres objets, il s’agit clairement de jouets, notamment des animaux montés sur des petits chariots à roulettes (bœufs, buffles, éléphants, chèvres et même une simple poule), fabriqués en bronze ou en terre cuite.

Jouets pour petits et grands ?

Révélant un haut niveau de sensibilité et de conscience, une série de masques avec des visages humains, dont certains, pourvus de deux petits trous pour attacher les ficelles, semblent inspirés des masques de Mongolie.

Il s’agit clairement de masques ayant servi (à des enfants et/ou des adultes) lors de représentations comiques ou tragiques, nous rappelant ceux qui nous sont parvenus de la Grèce classique.

Masques de la civilisation de la vallée de l’Indus. Le masque central se ficèle au visage grâce aux deux petits trous, comme le font les masques de Mongolie.

Plus ancien que Sumer et l’Egypte ?

Les fouilles archéologiques de la civilisation de la vallée de l’Indus ont donc démarré bien tardivement, et l’on pense aujourd’hui que nombre des réalisations et des « premières » attribuées à l’Egypte (- 3150 av. JC) et à la Mésopotamie (- 4500 av. JC) pourraient en fait appartenir aux habitants de la civilisation de la vallée de l’Indus.

En mai 2016, le rapport rédigé par une équipe de chercheurs de l’IIT Kharagpur, de l’Institut d’archéologie, du Deccan College de Pune, du Physical Research Laboratory et de l’Archaeological survey of India (ASI), publié dans la revue Nature, a fait voler en éclats un certain nombre de faits considérés comme des certitudes inébranlables.

Jusque-là, on datait les 900 ans de la phase de « maturité » de la civilisation de l’Indus comme allant de -2800 à -1900 av. J.-C. Or, l’étude indienne indique que cette civilisation était beaucoup plus ancienne qu’on ne le pensait : elle a au moins 8000 ans !

Pour déterminer l’âge de cette civilisation, les chercheurs ont daté des poteries grâce à une technique appelée « luminescence optiquement stimulée » (OSL), et ont découvert qu’elles avaient près de -6000 ans, soit les plus anciennes poteries connues à ce jour. D’autres artefacts ont été datés jusqu’à -8000 ans. Les résultats proviennent d’un site majeur fouillé à Bhirrana, dans l’Haryana, qui montre la préservation de tous les niveaux culturels de cette ancienne civilisation, de la phase pré-harappéenne Hakra à l’époque harappéenne mature, en passant par la phase harappéenne précoce. Bhirrana faisait partie d’une forte concentration de sites le long de la mythique rivière védique Saraswati, aujourd’hui asséchée, une extension de la rivière Ghaggar dans le désert du Thar.

Les villes submergées du golfe de Khambhat

Un des relevé sonar du NIOT indien indiquant la présence de structures sous l’eau.

Ces nouvelles datations convergent avec la découverte, en janvier 2002, de ruines de villes submergées au large de la côte de l’Etat de Gujarat, au nord-ouest de l’Inde.

Ce sont les océanographes du National Institute of Ocean Technology (NIOT) de Madras qui font cette découverte. L’équipe parcourait la mer boueuse à 30 km au large de l’Etat du Gujarat, dans le golfe de Khambhat (ex-Cambay), afin de mesurer les niveaux de pollution marine. Par mesure de routine, ils enregistrèrent des images acoustiques du fond de l’océan.

Ce n’est que plusieurs mois plus tard, en analysant les données, que l’équipe se rend compte qu’elle a, sans le savoir, recueilli des images des ruines d’une immense cité, engloutie à 40 mètres sous le niveau de la mer. Et, fin janvier 2002, après avoir passé des semaines à draguer le site et remonté plus de 2000 objets, l’équipe du NIOT était en mesure de faire d’extraordinaires révélations.

Les ruines s’étendent sur 9 km le long des rives d’un ancien fleuve, et l’on peut distinguer les vestiges d’un barrage. La ville engloutie partage des similarités frappantes avec les sites de la civilisation de l’Indus. L’un des édifices, de la taille d’une piscine olympique, aux marches effondrées, rappelle le Grand Bain de Mohenjo-daro. Un autre monument rectangulaire de 200 m de long sur 45 m de large est aussi vaste que l’acropole découverte à Harappa. L’équipe du NIOT a également entrevu un autre édifice, sorte de grenier à blé, fait de briques de boue, d’une longueur de 183 m. A proximité de ces installations monumentales, on aperçoit des rangées de constructions rectangulaires qui s’apparentent aux fondations de maisons en ruine, un système de drainage, et même des routes. Lors d’une autre visite sur le site, l’équipe a remonté des outils en pierre polie, des ornements et des figurines, des débris de poteries, des pierres semi-précieuses, de l’ivoire et les restes fossilisés d’une colonne vertébrale, d’une mâchoire et d’une dent humaine. Mais l’équipe n’était pas au bout de ses surprises.

Elle envoya les échantillons d’un rondin de bois fossilisé à deux grands laboratoires indiens spécialisés dans les méthodes de datation : le Birbal Sbahni Institute of Paleobotany (BSIP), à Lucknow, et le National Geophysical Research Institute (NGRI), à Hyderabad. Le BSIP l’a daté de 5500 av. J.-C., alors que, pour le NGRI, l’échantillon est bien plus ancien et remonte probablement à 7500 av. J.-C.

Cette datation ferait de Khambhat le site le plus ancien découvert en Inde. Cette découverte pourrait marquer la fin de la théorie selon laquelle l’urbanisation se propage de l’Asie, depuis l’ouest, vers l’Indus. Cette datation suscita d’intenses controverses. L’archéologue G. Possehl signale qu’il n’y a aucune raison de croire que ce morceau de bois fossilisé appartient aux ruines de l’ancienne cité. Etant donné les forts courants marins de la région, il pourrait provenir d’ailleurs. Reconnaissant le bien-fondé de ces critiques, l’équipe de NIOT a assuré que d’autres objets seraient soumis aux méthodes de datation. Il s’agit aussi de comprendre comment cette cité a été engloutie et comment elle s’est retrouvée à 30 km de la côte. Harsh Gupta, géologue, pense que c’est un gigantesque tremblement de terre qui en a causé la destruction. On se trouve dans une zone à fort risque sismique, et le tremblement de terre de 2001 à Bhuj a montré la vulnérabilité de la région à ces phénomènes. Toutefois, la priorité est d’établir définitivement l’âge de la cité engloutie, et si ces recherches dans le passé de Khambhat sont approfondies, cette découverte peut se révéler la plus excitante de ce siècle.

Berceau historique du textile

La civilisation de la vallée de l’Indus, avec Mehrgahr et Harappa, les plus anciens traces de la production du coton dans l’histoire de l’homme.

Dans son livre Empire of Cotton, A Global History (2015), Sven Beckert retrace en profondeur le développement de ce que les anciens, intrigués par sa ressemblance avec le toucher de la laine, appelaient « arbre à laine ». Si cette plante pousse dans des climats tempérés et tropicaux, elle a besoin d’une abondante humidité pour prospérer pleinement, ce qui en circonscrit la culture aux vallées fluviales naturellement, puis artificiellement irriguées.

D’après l’auteur,
« Les agriculteurs de la vallée de l’Indus furent les premiers à filer et tisser le coton. En 1929, des archéologues ont retrouvé des fragments de textiles en coton à Mohenjo-daro, dans l’actuel Pakistan, datant de 3250 à 2750 avant notre ère. Les graines de coton trouvées à Mehrgarh, non loin de là, ont été datées de 5000 avant notre ère. Les références littéraires témoignent également de l’ancienneté de l’industrie du coton dans le sous-continent. Les écritures védiques, composées entre 1500 et 1200 avant notre ère, font allusion au filage et au tissage du coton. »

Historiquement, les premiers fragments de coton ont été découverts à Mohenjo-daro, dans la région pakistanaise du Sind, lors d’une expédition dirigée par Sir John Marshall, directeur général de l’Archaeological Survey of India de 1902 à 1928. Dans son livre sur Mohenjo-daro et la civilisation de l’Indus, Sir Marshall raconte que des fragments de tissu avaient été enroulés autour d’un pot à parfum en argent et d’une salière.

Gouvernement sans chef ?

Vue des ruines de la ville de Mohenjo-Daro, équipée de bains privés et publics, d’égouts et de toilettes rinçables. Elle aurait pu accueillir jusqu’à 40000 habitants. Sur le plateau de la citadelle, des moines bouddhistes ont cru pertinent, plusieurs siècles après le déclin de la ville, de construire un de leurs temples (stupa).

Reste que l’organisation politique des cités de l’Indus échappe aux experts. Car contrairement aux civilisations mésopotamiennes et égyptiennes, les recherches réalisées sur les sites de la vallée de l’Indus n’ont mis au jour aucun temple ou palais d’envergure. Aucune preuve non plus de l’existence d’une armée permanente… De quoi s’interroger sur la présence ou non d’un pouvoir politique. Panique chez les archéologues et géopoliticiens britanniques, toujours enclins à projeter sur le reste du monde leur propre idéologie coloniale de castes aristocratiques.

En réalité, chaque ville semble avoir eu son propre gouverneur, ou un conseil citoyen se coordonnant avec d’autres centres urbains, tous adhérant à un certain nombre de principes communs considérés comme mutuellement bénéfiques.

Cette « coïncidence des opposés », celle de la grande diversité avec la plus parfaite similitude, intrigue l’expert John Keay :

« Ce qui a étonné tous ces pionniers, et qui reste la caractéristique distinctive des plusieurs centaines de sites harappéens aujourd’hui connus, est leur apparente similitude : ‘Notre impression dominante est celle d’une uniformité culturelle, à la fois tout au long des plusieurs siècles durant lesquels la civilisation harappéenne a prospéré, et sur la vaste zone qu’elle occupait.’ Les briques omniprésentes, par exemple, ont toutes des dimensions standardisées, de même que les cubes de pierre utilisés par les Harappéens pour mesurer le poids sont également standardisés et basés sur le système modulaire. La largeur des routes est conforme à un module similaire ; ainsi, les rues sont généralement deux fois plus larges que les voies latérales, tandis que les artères principales sont deux fois ou une fois et demie plus larges que les rues. La plupart des rues fouillées jusqu’à présent sont droites et vont du nord au sud ou d’est en ouest. Les plans de la ville se conforment donc à un quadrillage régulier et semblent avoir conservé cette disposition à travers plusieurs phases de construction.« 

Vue l’existence d’un système de poids et de mesures unifié, vue la similitude de l’organisation urbaine ainsi que la standardisation de la taille des briques en terres cuites pour des centaines de villes, il est donc tout simplement impossible que le chacun pour soi ait régné en maître.

Berceau de la démocratie ?

En 1993, dans un article intitulé « La civilisation de la vallée de l’Indus, berceau de la démocratie ? », publié dans le Courrier de l’Unesco, l’archéologue et muséologue pakistanais de renommée internationale, Syed A. Naqv, qui s’est battu pour la préservation du site de Mohenjo-daro, tentait de répondre à la question.

« Dans toutes les civilisations hautement développées du passé – la Mésopotamie, la vallée du Nil, l’Anatolie, la Chine – on peut sentir l’influence omniprésente de l’autorité impériale, qui assure le patronage des arts et oriente le développement de la société. Un examen attentif du rôle d’une telle autorité dans cette civilisation, qui a fleuri il y a quelque 5 000 ans et couvrait presque deux fois la superficie des civilisations de la Mésopotamie et du Nil réunies, semble démentir la présence d’un régime autoritaire. La civilisation de l’Indus avait un mode de vie bien discipliné, des contrôles civiques et un système d’organisation qui ne pouvaient qu’être issus du type de ’gouvernement par le peuple’ exercé dans une cité-État grecque quelque 2 000 ans plus tard. La Grèce a-t-elle donné naissance à la démocratie ou s’est-elle contentée de suivre une pratique développée antérieurement ?« 

Bien qu’il n’existe aucune grande structure agissant comme centre d’autorité,

« les découvertes effectuées suggèrent que la réglementation s’appliquait sur un territoire d’environ 1600 km du nord au sud et de plus de 800 km du sud au sud-est. Le principal argument en faveur de cette thèse est l’existence de normes et de standards bien établis qui auraient nécessité le consensus du peuple s’ils n’avaient pas été imposés par un régime autoritaire. Il est impossible d’ignorer les preuves fournies par la planification parfaite de la grande ville de Mohenjo-daro et l’utilisation dans sa construction de briques de taille standard de 27,94 cm de long, 13,96 cm de large et 5,71 cm d’épaisseur.« 

Dans les deux grandes villes de Mohenjo-daro et de Harappa, distantes d’environ 600 km, « le quadrillage du tracé des rues mis au jour par les fouilles archéologiques montre qu’une grande attention a été accordée à la sécurité des habitants et suggère l’existence d’un système de contrôle civique très développé et bien monolithique ».

Il en va de même pour le système d’égouts très perfectionné et l’existence

« d’une série presque complète de poids en pierre hautement polis, de forme cubique, semi-cubique, cylindrique et sphérique, dont très peu seraient défectueux, ce qui prouve une fois de plus que les autorités civiles maintiennent des normes commerciales cohérentes.
Il n’est pas possible de conclure à l’existence d’une telle conception philosophique de la démocratie tant que l’on n’aura pas déchiffré l’écriture harappéenne et fourni des preuves écrites à ce sujet. Mais les signes sont là, et des recherches plus poussées dans cette direction pourraient bien établir que le ‘gouvernement par le peuple’ est né dans la vallée de l’Indus », conclut l’auteur.

Enfin, ce peuple agricole, qui connaissait l’usage des lances et des flèches, n’ayant par ailleurs laissé aucune trace d’une quelconque activité militaire (peu d’armes ni de fortifications à but exclusivement défensif retrouvées), de nombreux avis s’accordent à dire que cette société pourrait avoir connu la plus longue période de paix de l’histoire de l’humanité.

Déclin et chute

Le mythe d’Atlantide reste bien vivace.

Dans deux de ses livres, le Timée et le Critias, le philosophe grec Platon raconte l’histoire « certainement vraie, bien qu’étrange » d’un peuple maritime à la puissance incomparable : les Atlantes, dont il décrit la civilisation et la capitale avec force détails.

Partis 10 000 ans avant notre ère d’une île située au-delà des colonnes d’Hercule, les Atlantes auraient fini par dominer l’ensemble de l’Afrique et de l’Europe de l’Ouest. Dans un passage qui n’est pas sans rappeler le type d’organisation politique qui a pu exister à Mohenjo-daro, Critias précise qu’Atlantide était alors habitée

« par les différentes classes d’hommes qui s’occupent des métiers et de l’agriculture. Les guerriers, séparés dès le commencement par des hommes divins, habitaient à part, possédant tout ce qui était nécessaire à leur existence et à celle de leurs enfants. Parmi eux, il n’y avait pas de fortunes particulières ; tous les biens étaient en commun : ils n’exigeaient rien des autres citoyens au-delà de ce qu’il leur fallait pour vivre, et remplissaient en retour toutes les obligations que notre entretien d’hier attribuait aux défenseurs de la patrie tels que nous les concevons.« 

S’exprimant sans doute sous forme métaphorique, Platon affirme qu’initialement vertueuse, la civilisation atlante aurait sombré dans la démesure, l’arrogance et la corruption au point d’être châtiée par Poséidon lui-même pour s’être lancée dans une guerre de trop, cette fois contre Athènes. Et « en l’espace d’un seul jour et d’une nuit terribles (…), l’île Atlantide s’abîma dans la mer et disparut ».

Au niveau historique, le déclin soudain de la civilisation de l’Indus, vers -1900 ans avant J.-C., reste un mystère.

Certains historiens soulignent des aspects de la civilisation minoenne (Crète) présentant d’étonnantes similitudes avec la civilisation de la vallée de l’Indus, notamment la gestion de l’eau et les premiers systèmes d’égouts à Knossos la capitale, les techniques de fonte de bronze à la cire perdue et les combats de taureaux qui font la gloire de Crète.

Quelques traces d’incendies et de destructions, ainsi qu’une quarantaine de squelettes blessés à l’arme blanche et retrouvés sans sépulture à Mohenjo-daro ont d’abord laissé supposer une invasion par des peuples d’Aryens venus de l’Asie centrale ou du plateau iranien. « Cette théorie est aujourd’hui abandonnée. Nous n’avons en effet retrouvé aucune trace effective de massacres ou de violences sur les sites de la vallée de l’Indus, ni de mobilier qui pourrait être associé à de telles populations », précise Aurore Didier, chargée de recherche au CNRS et directrice de la mission de l’Indus.

Autre hypothèse, l’incapacité à renforcer sa résilience face à un chaos climatique.

Les carottages réalisés dans le nord-ouest de l’Inde ont montré que le climat s’y est passablement altéré environ 2000 ans avant notre ère.

On rapporte que ce fut aussi le cas en Mésopotamie. « Il s’est rapproché de celui, sec et aride, que connaissent ces régions aujourd’hui, ce qui a perturbé les cultures et, de facto, le commerce des civilisations de l’Indus. Le bouleversement socio-économique qui s’ensuivit peut avoir mené au déclin de ces sociétés. Cette hypothèse est la plus communément admise à ce jour », indique l’archéologue.

Les habitants auraient quitté leurs vallées devenues infertiles pour migrer vers les plaines du Gange.

« Cela s’est accompagné d’un changement dans les stratégies de subsistance. La civilisation de l’Indus s’est progressivement convertie dans des cultures céréalières estivales basées sur le riz et le millet, deux denrées plus à même de supporter ces nouvelles conditions climatiques et nécessitant, pour le riz, le développement d’une agriculture irriguée, suggère Aurore Didier. Elle a également tissé des liens avec de nouveaux partenaires commerciaux. « 

Pas de quoi, donc, parler d’« effondrement » d’une société au sens des « collapsologues ». Il s’agit plutôt d’une adaptation graduelle à l’évolution de l’environnement, s’étant étalée sur plusieurs siècles.

Au fur et à mesure que se poursuivent les fouilles des sites de la civilisation de la vallée de l’Indus, de nouvelles informations contribueront sans aucun doute à une meilleure compréhension de son histoire et de son développement. En tout cas, toute connaissance supplémentaire de cet héritage civilisationnel commun pourra à l’avenir servir de fondement à une coopération fraternelle entre le Pakistan, l’Inde et l’Afghanistan.

En attendant, au lieu de vouloir se calquer sur les modèles barbares de l’Empire mongol, de l’Empire romain ou encore de l’Empire britannique, les « élites » du monde transatlantique feraient mieux de s’inspirer de cette magnifique civilisation qui semble avoir prospéré pendant 5000 ans sans guerres et massacres perpétuels, mais simplement grâce à une bonne entente, au niveau national entre citoyens, et à des coopérations mutuellement bénéfiques avec de nombreux partenaires lointains.

La modernité de la civilisation de la vallée de l’Indus, capable d’offrir à chacun de la nourriture, un abri, de l’eau et des installations sanitaires, nous montre, à nous tous qui vivons dans le présent, à quel point nous sommes devenus arriérés.

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The challenging modernity of the Indus Valley Civilization

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Toys for children, Indus Valley Civilization.

Karel Vereycken, Paris, France, January 2023

A major archaeological discovery has just been made in Israel in 2022: the first evidence of the use of cotton fibers in the Near East and among the oldest in the world, dating back nearly 7,000 years, was discovered by Israeli, American and German archaeologists during an archaeological excavation at Tel Tsaf, southeast of Beit She'an, in the Jordan Valley of Israel. 
Microscopic remains of cotton discovered in Tel Tsaf, using micro-remains analysis. (Courtesy University of Haifa)

So far, the earliest available evidence of cotton fibers in the area was dated to a few hundred years later, to the late Chalcolithic (Copper Age) and Early Bronze Age (about 5,000 to 6,500 BCE) from the archaeological site of Dhuweila in eastern Jordan.

Discovered in 1940, the site of Tel Tsaf reveals its secrets. « Tsaf is characterized by an amazing preservation of organic materials, » said Professor Danny Rosenberg of the Zinman Institute of Archaeology at the University of Haifa. « Tel Tsaf was a kind of pole that concentrated important commercial activities and had established contacts with many other peoples, » Rosenberg believes. « There was massive storage capacity there to accommodate grain, enormous capacity if you compare it to other sites.

For example, the earliest evidence of the social use of beer drinking and ritual food storage has been found there. Rosenberg and the other researchers also found beads from contemporary Anatolia, Romania, Egypt and other parts of Africa; pottery from Iraq, Syria and Armenia; and the earliest copper and other metals found in the world.

“Wool Tree” and “Cotton Roads”

Trade relations of the Indus Valley Civilization.

The cotton found in Israel, probably came from the Indus region—modern Pakistan/India—which was the only place in the world that had begun to domesticate cotton at that time before its cultivation appeared in Africa thousands of years later.

« What’s interesting about this early evidence of a link to such a distant region is that it comes from fibers – microscopic pieces of ancient yarn. We assume that these cotton fibers, found along with wool fibers and plant fibers, arrived at the site as part of fabrics or clothing, i.e., ancient textiles, » Rosenberg says.

In addition, cotton was not only used for clothing: « In the prehistoric era, textiles were involved in many areas of life, not only in clothing but also in hunting, fishing … This is much more important than just saying that what we found are pieces of clothing that were worn by the inhabitants of the area. This discovery tells us a lot about the economic practices of the area, » says Rosenberg.

Since cotton had never been grown in Tel Tsaf, it was a surprise for the researchers to find it, and they felt that its presence underscored the city’s importance as a global trading hub at the heart of what could be called, the « Cotton Roads » of those days.

Growing cotton poses major challenges: a moderate to tropical climate and vast amounts of water. Just to produce a single T-shirt and a pair of jeans (representing about 1 kg of cotton), no less than 20,000 liters of water are required! Which civilization can afford such a performance at the beginning of the 7th millennium BC?


The Indus Valley civilization (IVC)

In yellow: settlements, colonies and outposts of the IVC. In white, the Himalayan snow which feeds the Indus Valley water flow.

The term « Indus Valley Civilization » (IVC) refers to a vast cultural and political entity that flourished in the northern region of the Indian subcontinent between about 8000 and about 1900 BCE., a region that stretched from Baluchistan (Pakistan) in the west to Uttar Pradesh (India) in the east and from northeastern Afghanistan in the north to Gujarat (India) in the south.

In the absence of both literary sources and remnants of palaces and temples to confirm it, one cannot qualify this entity as a “Kingdom” or an “Empire”. Its modern name (IVC) derives simply from its location in the Indus Valley, but also goes under the name of the « Indus-Sarasvati civilization » or « Harappan civilization ». These last designations come from the river Sarasvati, mentioned in the Vedic sources, which flowed next to the Indus and which would have disappeared, and from the ancient city of Harappa (Punjab, Pakistan), discovered by the British in 1829, but deliberately left unexplored.

The rise of a great urban civilization in the Indus Valley, which reached its maturity around 2500-2400 BCE, was long considered a sudden and mysterious phenomenon. Today, a series of discoveries allows us to follow, from 7000 to 2500 BCE, a series of transformations and innovations whose cumulative effects, stimulated by the enlargement of the network of exchanges from 3000 BCE onwards, created the conditions for the development of an incredibly modern and prosperous urban civilization.


Enter Mehrgarh, the light of the world!

Remnants of Mehrgarh (Balochistan, Pakistan). Houses and food storage facilities.



Since prehistoric times, the Indus region has been pioneering and rich in discoveries. As an example, for the Guinness Book of Records, although a case apart, the farming village of Mehrgarh (Baluchistan, Pakistan) which dates from the Neolithic (using only stones as tools) but can be considered as the key culture and city that lead humanity, as early as in the 8th millennia BCE, from the Stone Age into the Age of Copper.

The site is located on the principal route between what is now Afghanistan and the Indus Valley: this route was also undoubtedly part of a trading connection established quite early between the Near East and the Indian subcontinent.

Excavations in Mes Aynak (Afghanistan), where archaeologists are only beginning to find remnants of a 5,000-year-old Bronze Age site beneath the Buddhist level, including an ancient copper smelter, will undoubtedly shed new light on these relationships.

On the basis of a variety of well-documented archaeological finds, it has been established that “pre-Harrapan” Mehrgarh, made several historical breakthroughs for the benefit of humanity as a whole.

Mehrgarh gave the world:

  • among the oldest traces of agriculture (wheat and barley) and breeding (cattle, sheep and goats) in South Asia ;
  • the first breweries (with wheat and barley);
  • the oldest reservoirs for irrigated agriculture and flood prevention;
  • the oldest traces of cotton culture (6th millennium BCE);
  • the oldest jewel, called the « Mehrgarh amulet » (6th millennium BCE), produced with the « lost wax » bronze casting technique ;
  • the oldest bow drills (in green jasper) allowing to drill holes in lapis lazuli and carnelian;
  • the very first traces of successfull dentistry practices (!) (9th millennium BCE); The inhabitants of Mehrgarh appeared to have developed an understanding of surgery and dentistry, as evidenced by the drilled teeth of some of the skeletons found at the site. Analysis of the teeth shows that prehistoric dentists worked to treat toothaches with drills made from flint heads. The work was so elaborate that even modern dentists are surprised at the efficiency with which the Mehrgarh « dentists » removed decaying tooth tissue. Among the remains, a total of eleven drilled crowns were found, with one example showing evidence of a complex procedure involving the removal of tooth enamel followed by carving of the cavity wall. Four of the teeth show evidence of decay associated with the drilled hole. None of the individuals with drilled teeth appear to have come from a special tomb or shrine, indicating that the oral health care they received was available to all.
Dentistry practices were common in 9000 BCE in Mehrgarh.



Densely populated

Originally, the IVC was built around the fishy meanders of the Indus, a river nearly 3200 kilometers long that flows from the Himalayan mountains towards the Arabian Sea. Like the populations of other great river valleys, this society was seduced by the fertility of the land as well as by the possibility of using the Indus as a transportation route.

The IVC, whose prosperity rests largely on the increasingly systematic exploitation of the rich silt of the Indus, spread over an immense territory encompassing the entire Indus Valley and part of Indian Gujarat. It is necessary to add to the vast zone of distribution of the Indus civilization some Harappan « colonies » or outposts like Sutkagan Dor (Ballochistan, Pakistan), close to Gwadar on the edges of the sea of Oman, at the Iranian-Pakistani border, and the lapus lazuli mining town of Shortugai, close to Amu Darya river, at the Afghan-Tajik border, at nearly 1,200 kilometers of Mohenjo-daro, by far the largest IVC urban concentration.

Four famous river basin based civilizations.

At its peak, this civilization was twice as large as the Old Kingdom of Egypt. With an area of 2.5 million square kilometers, it was at the time the largest civilization in the world: it included 5 million people, or 10 % of the world population at the time, much more than less older civilizations as Sumer (0.8 to 1.5 million people) or ancient Egypt (2 to 3 million).

To date, about 2,000 sites have been discovered in India, Pakistan and Afghanistan. Because of various wars and conflicts, only 10 % of the territory of these sites has been excavated and scientifically investigated. On the Indian subcontinent, the main centers of this civilization are Harappa (estimated 23,500 inhabitants) and Mohenjo-daro (est. 40,000 inhabitants) in Pakistan and Lothal, Dholavira and Kalibangan in India. In addition to trade relations with Mesopotamia and Iran, the Harappan city-states also maintained active trade relations with the peoples of Central Asia.

Agriculture, crafts and industry

IVC and India.

Agriculture, animal husbandry, industry, trade and commerce were the main source of income.

Agriculture was the main occupation of the people of the Indus Valley. They cultivated barley and wheat on a large scale (and made beer) but also other crops such as legumes, cotton, cereals, sesame, dates, mustard, melons, peas, etc.

There is no real evidence of rice, but a few grains of rice have been found in Rangpur and Lothal.

In the towns of Mehrgarh, Harappa, and Mohenjo-daro, there are remains of large granaries, suggesting that they produced more than they needed and physically stocked cereals and other food products in case of crop failure.

Bull from IVC

Animal husbandry was another major occupation. Seals suggest that they domesticated cows, buffalos, goats, sheep, pigs, etc. Camels and bullocks were also domesticated and used as beasts of burden. Camel bones have been found in large numbers at many sites, but there is no trace of them on the seals. During the excavation of Surkotado in Gujarat, India, the jawbone of a horse was found. Terracotta figurines representing a horse were found in Nausharo and Lothal.

The inhabitants of the Indus Valley were very skillful. They made ceramics, metal vessels, tools and weapons, weaved and spun, dyed and practiced other crafts with potter’s wheels. The weavers wore clothes made of cotton and wool. They knew leather, but there is no record of silk production.

Ceramics from Mehrgarh (3000 BCE).

The inhabitants of this civilization originally came from the Bronze Age and used stone tools, but they soon excelled in the manufacture and processing of gold, silver, copper, lead and bronze, especially for artistic ornaments of great finesse.

Artisans made jewelry in Mohenjo-daro, Chanho-daro and Lothal. They used ivory and various precious stones such as carnelian, lapis lazulite, agate and jasper to make them. Shell work was also a thriving industry. Craftsmen in the coastal colonies used shells to make buttons for shirts, pendants, rings, bracelets, beads, etc.

To supply the production of these craft professions, they needed to import various raw materials. To produce bricks and ceramics, clay was available locally, but for metal they had to acquire it from abroad. Trade focused on importing raw materials to be used in Harappan city workshops, including minerals from Iran and Afghanistan, lead and copper from other parts of India, jade from China, and cedar wood floated down rivers from the Himalayas and Kashmir. Other trade goods included terracotta pots, gold, silver, metals, beads, flints for making tools, seashells, pearls, and colored gemstones, such as lapis lazuli and turquoise.

Ox carts were used to transport goods from one place to another. They also constructed barges used on the waterways along the Indus and its tributaries for transportation.

One of the ways historians know about the maritime trade network operating between the Harappan and Mesopotamian civilizations is the discovery of Harappan seals and jewelry at archaeological sites in regions of Mesopotamia, which includes most of modern-day Iraq, Kuwait, and parts of Syria. Long-distance sea trade over bodies of water—such as the Arabian Sea, Red Sea and the Persian Gulf—may have become feasible with the development of plank watercraft that were each equipped with a single central mast supporting a sail of woven rushes or cloth.

Land and maritime trade relations.

Historians have also made inferences about networks of exchange based on similarities between artifacts across civilizations.

Between 4300 and 3200 BCE, ceramics from the Indus Valley Civilization area show similarities with southern Turkmenistan and northern Iran. During the Early Harappan period—about 3200 to 2600 BCE—there are cultural similarities in pottery, seals, figurines, and ornaments that document caravan trade with Central Asia and the Iranian plateau.

The wonders of Mohenjo-daro

Sometimes referred to as the « Manhattan of the Bronze Age » for the grid pattern of the city plan, Mohenjo-daro (Sind, Pakistan) remained buried under meters of alluvial sediment until 1922.

A real metropolis made of baked bricks, it covers more than 200 hectares. Strictly squared, cut in two by a street of ten meters wide, divided from north to south by a dozen arteries drawn with the cord, and crossed from east to west by paved streets, Mohenjo-daro represents, by its strictly reflected urban framework, the model city of the Indus civilization. It could have accommodated up to 40,000 people!

The stunning contribuions of the Indus Valley Civilization to humankind.
Major breakthroughs of the IVC: production of standardized bricks, tower water wells (left), circular grinding place (mill) for cereals (right), unified system of measurement (center), shipbuilding and sailing (below).

The Harappans were masters of hydraulic engineering, a “riparian” people working in river corridors practicing irrigated agriculture. They mastered both the shaduf (an irrigation tool used to draw water from a well), and windmills.

In the Harappan cities, the domestic and manufacturing areas were separated from each other.

The inhabitants, living in one-, two-, and sometimes three-story dwellings, seem to have been mainly artisans, farmers, and merchants. The people had developed the wheel, cattle-drawn carts, flat-bottomed boats large enough to carry goods, and perhaps also sailing. In the field of agriculture, they had understood and used irrigation techniques and canals, various agricultural implements, and had established different areas for livestock grazing and cultivation.

Seals and harrapan script

Seals with trade-marks.

Among the thousands of artifacts found at the various sites are small soapstone seals just over one inch (3 cm) in diameter, used to sign contracts, authorize land sales, and authenticate the point of origin, shipment, and receipt of goods in long-distance trade. On each seal is a small text in Harappan, a language yet to be deciphered.

Among the thousands of artifacts found at the various sites are small soapstone seals just over one inch (3 cm) in diameter, used to sign contracts, authorize land sales, and authenticate the point of origin, shipment, and receipt of goods in long-distance trade.

Commercial contacts between the Indus and Sumer populations are well documented. Numerous seals from the Indus Valley have been discovered in Mesopotamia. On each seal, a small text in Harappean, a language that remains to be deciphered.

If 4,200 texts reached us, 60 % of them are seals or mini-tablets of stone or copper, engraved, and they comprise on average… only five signs! The longest text has 26 signs. The texts are always accompanied by the image of an animal, often a unicorn or a majestic buffalo. They were intended to mark goods, probably indicating the name of the owner or the recipient and a quantity or a year. Trying to decipher the Indus language is a bit like trying to learn French only from the labels on the food shelf of a supermarket!

The invention of sanitation

Several cities such as Mohenjo-daro or Harappa had individual « flush toilets ».

In addition to this particular attention that they paid to urban planning, the members of the Indus civilization also seem to have been pioneers of modern hygiene. Some cities, notably Mohenjo-daro, were equipped with small containers (dustbins) in which the inhabitants could deposit their household waste.

Anticipating our « all to the sewer » systems imagined in the 16th century by Leonardo da Vinci for the project envisaged by François I for the new French capital Romarantin, many cities had already public water supply and an ingenious sanitation system.

In many cities, including Mohenjo-daro, Harappa, Lothal and Rakhigari, individual houses or groups of houses were supplied with water from wells. This quality fresh water was used as much for food and personal hygiene (baths, toilets) as for the economic activities of the inhabitants.

Remnants of a bathing room and evacuation system in Lothal.

As an example, the sanitation system of the port city of Lothal (Gujarat, India) where many houses had a bathroom and private brick latrines. The wastewater was evacuated through a communal sewer system that led either to a canal in the port, or to a soaking pit outside the city walls, or to buried urns equipped with a hole allowing the evacuation of liquids, which were regularly emptied and cleaned.

Water from wells was brought to the highest level of the city. From there, it could flow to households, to bathrooms. Once used, the water flow would be evacuated via underground pipes and sewer systems and be conducted outside the city.

Excavations at the Mohenjo-daro site have also revealed the existence of no less than 700 brick water wells, houses equipped with bathrooms and individual and collective latrines. Toilets were an essential element. However, early archaeologists erroneously identified most toilets as post-cremation burial urns or simple cesspools. Many buildings in the city were two or more stories high. Water from the roof and bathrooms of the upper floors was channeled through closed clay pipes or open troughs that emptied, if necessary via the toilets, into the covered sewers underneath the paved street.

This extraordinary achievement is confirmed by a 2016 scientific study, entitled « The Evolution of Toilets Around the World Across the Millennia, » which reports that,

The earliest multi-flush toilets connected to a sophisticated sewage system that have been identified so far were found in the ancient cities of Harappa and Mohenjo-Daro in the Indus Valley, dating from the middle of the third millennium BC. Nearly every dwelling unit in Harappa, Mohenjo-Daro, and Lothal was equipped with a private bath-toilet area with drains to carry dirty water into a larger drain that emptied into the sewer and drainage system.

https://www.mdpi.com/2071-1050/8/8/779/htm

Till now, it are the Minoan (Crete) civilization and China that have been credited for the first use of underground clay pipes for sanitation and water supply. In the Cretan capital Knossos, there was a well-organized water system to bring in clean water, to evacuate wastewater and to provide storm sewers for overflow in case of heavy rains.

In Knossos existed also one of the earliest uses of flush toilets, dating back to the 18th century BCE. The Minoan civilization had stone sewers that were periodically cleaned with clean water. Crete, of course, was a large provider of Copper ore for the entire world in Antiquity and had vast international trade connections.

Religious and cultural worldview

« Great Bath » in Mohenjo-daro, swimming pool or religious temple? In medaillon: artist view.

In the IVC, fertility rituals were probably observed in order to promote a full harvest as well as for women’s pregnancies, as evidenced by a number of figurines, amulets and statuettes with female form.

« King-Priest » found at Mohenjo-daro (4500 BCE).

It is thought that the people, like the Dravidians who some believe were the origin of the Indus Civilization, worshiped a “mother goddess” and possibly a male companion represented as a horned figure in the company of wild animals.

The « Great Bath » at Mohenjo-daro would have been used for purification rites related to religious belief, but it could just as easily have been a public pool for recreation. Our knowledge of the religious beliefs of this culture remains in the realm of mere hypothesis.

The title of the famous statue of the « Priest-King » found at Mohenjo-daro is misleading, as there is no evidence that it is a king or a priest, and it may be a simple cotton trader…

Apart from pottery, certain types of elementary weapons (spearheads, axes, arrows, etc.) and certain tools for practical purposes, two types of artifacts give us cultural clues about Harappean society.

Dancing girl, bronze, Delhi.

First, some figurines, which we try to interpret as devotional objects, seem to be simple toys. For others, they are clearly toys, notably animals (oxen, buffaloes, elephants, goats and even a simple hen), made of bronze or terracotta, mounted on small carts with wheels.

Toys.

Second, among other objects expressing a high level of sensitivity and consciousness, a series of masks, some of which seem inspired by Mongolian masks.

These masks are clearly intended to serve comic or tragic representations and remind us of the ancient masks that have come down to us from classical Greece.

Masks of IVC.

Older than Sumer and Egypt?

Archaeological excavations of the IVC got off to a late start, and it is now believed that some of the achievements and « firsts » attributed to Egypt ( – 3150 BC) and Mesopotamia ( – 4500 BC) may in fact belong to the inhabitants of the Indus Valley civilization.

In May 2016, the report published by a team of researchers from IIT Kharagpur, Institute of Archaeology, Deccan College Pune, Physical Research Laboratory and Archaeological survey of India (ASI), published by the journal Nature, shattered a number of “facts” that were considered unshakeable certainties.

https://www.nature.com/articles/srep26555

Until now, the 900 years of the « mature » phase of the IVC was dated as ranging from 2800 to 1900 BCE. However, the aforementioned Indian study indicates that this civilization was much older than previously thought – it is at least 8,000 years old!

To determine the age of this civilization, researchers dated pottery using a technique called optically stimulated luminescence (OSL) – and found it to be nearly 6,000 years old, the oldest pottery known to date.

Other artifacts have been dated to 8,000 years ago. The results come from a major site excavated at Bhirrana (Haryana, India) that shows the preservation of all cultural levels of this ancient civilization, from the pre-Harappan phase through the Early Harappan to the Mature Harappan period. Bhirrana was part of a high concentration of sites along the mythical Vedic river « Saraswati », now dried up, an extension of the Harki-Ghaggar River in the Thar Desert.

The submerged cities of the Gulf of Khambhat

These new dates converge with the discovery, in January 2002, of ruins of submerged cities in the Gulf of Khambhat (formerly Cambay), off the coast of the state of Gujarat in northwest India.

It is the oceanographers of the National Institute of Ocean Technology (NIOT) of Madras who made this discovery. The team was surveying the muddy sea 30 km off the coast of the state of Gujarat, in the Gulf of Khambhat, to measure the levels of marine pollution. As a routine measure, they recorded acoustic images of the ocean floor.

One of NIOT’s sonar scans of underwater constructions.

It was only several months later, while analyzing the data, that the team realized that they had, without knowing it, obtained images of the ruins of a huge city, sunken 40 meters below sea level. And, at the end of January 2002, after having spent weeks to dredge the site and to bring up more than 2 000 objects, the team of the NIOT was able to make extraordinary revelations.

The ruins stretch for 9 km along the banks of an ancient river, and the remains of a dam can be distinguished. The sunken city shares striking similarities with the sites of the Indus civilization. One of the buildings, the size of an Olympic swimming pool, with collapsed steps, recalls the Great Bath of Mohenjo-daro. Another rectangular monument, 200 m long and 45 m wide, is as large as the acropolis discovered at Harappa. The team of NIOT also glimpsed another building, a kind of granary, made of mud bricks, 183 m long. Near these monumental installations, rows of rectangular buildings that resemble the foundations of ruined houses can be seen, and even a drainage system and roads. On another visit to the site, the team recovered polished stone tools, ornaments and figurines, pottery debris, semi-precious stones, ivory and the fossilized remains of a human spine, jaw and tooth. But the team was not at the end of its surprises.

It sent samples of a fossilized log to two major Indian laboratories specializing in dating methods: the Birbal Sbahni Institute of Paleobotany (BSIP) in Lucknow and the National Geophysical Research Institute (NGRI) in Hyderabad. The BSIP dated it to 5500 BCE, while the NGRI dated the sample much earlier, probably to 7500 BCE.

This dating would make Khambhat the oldest site discovered in India. According to some, this discovery could mark the end of the theory according to which urbanization spreads from Asia from the west towards the Indus. This dating caused intense controversy. Archaeologist G. Possehl points out that there is no reason to believe that the fossilized piece of wood belongs to the ruins of the ancient city, given the strong sea currents in the region, it could have come from elsewhere. NIOT’s team acknowledged the validity of these criticisms and assured that other objects would be subjected to dating methods. It is also a question of understanding how this city was sunk and how it ended up 30 km from the coast.

Harsh Gupta, geologist, thinks that it is a gigantic earthquake which caused the destruction of the city. We are in a high seismic risk area, and the 2001 Bhuj earthquake showed the vulnerability of the region to such phenomena. However, the priority is to definitively establish the age of the sunken city and prove it to be the most exciting discovery of this century.

Historical cradle of textiles

In his book Empire of Cotton, A Global History (2015) Sven Beckert traces in depth the development of what the ancients, intrigued by its resemblance to the feel of wool, called the « wool tree. » While this plant grows in both temperate and tropical climates, it needs an abundance of moisture to thrive fully, which consigns its cultivation to naturally and then artificially irrigated river valleys.

According to the author, « The farmers of the Indus Valley were the first to spin and weave cotton. In 1929, archaeologists found fragments of cotton textiles at Mohenjo-Daro, in present-day Pakistan, dating from 3250 to 2750 BCE. Cotton seeds found in nearby Mehrgarh have been dated to 5000 BCE. Literary references also attest to the antiquity of the cotton industry in the subcontinent. The Vedic scriptures, composed between 1500 and 1200 BCE., allude to the spinning and weaving of cotton…”

Historically, the discovery of the first cotton fragments was made at Mohenjo-daro during an expedition led by Sir John Marshall, Director General of the Archaeological Survey of India from 1902 to 1928. In his book on Mohenjo-daro and the Indus Civilization, Sir Marshall relates that fragments of cloth were wrapped around a silver perfume pot and a salt shaker.

Early forms of Self-government?

Remnants of Mohenjo-daro. Note: the buddhist temple (stupa) on top of the « citadel » is much more recent than the foundation of the city itself.

The fact remains that the political organization of the Indus cities escapes the experts. Because contrary to the Mesopotamian and Egyptian civilizations, the researches realized on the sites of the valley of the Indus did not bring to light any temple or palace of scale. There is no proof either of the existence of a permanent army…

Of what to wonder about the presence or not of a political power. Panic among British archaeologists and geopoliticians always inclined to project their own colonial ideology of aristocratic castes on the rest of the world.

In reality, each city seems to have had its own governor, or citizen council coordinating with other urban areas, all adhering to a number of common principles considered mutually beneficial.

This “Coincidence of Opposites”, of great diversity with perfect similarity, intrigues expert John Keay:

What amazed all those pioneers, and what remains the distinguishing characteristic of the several hundred Harappan sites now known, is their apparent similarity: ‘Our overriding impression is of cultural uniformity, both throughout the several centuries during which Harappan civilization flourished, and over the vast area it occupied.’ The ubiquitous bricks, for example, all have standardized dimensions, just as the stone cubes used by the Harappans to measure weight are also standardized and based on the modular system. The width of roads conforms to a similar module; thus, streets are generally twice as wide as side streets, while main arteries are two or one and a half times as wide as streets. Most of the streets excavated so far are straight and run north to south or east to west. The city plans thus conform to a regular grid pattern and seem to have retained this arrangement through several phases of construction.

Hence, given the existence of a unified system of weights and measures; given the similarity of urban organization as well as the standardization of the size of terracotta bricks for hundreds of cities, it is therefore simply impossible that the every man for himself reigned supreme.

Cradle of democracy?

In 1993, in an article entitled « The Indus Valley Civilization, Cradle of Democracy? », published by the UNESCO Courier, the internationally renowned Pakistani archaeologist and museologist, Syed A. Naqv, who has been fighting for the preservation of the Mohenjo-daro site, attempted to answer the question.

In all the highly developed civilizations of the past – Mesopotamia, the Nile Valley, Anatolia, China – the pervasive influence of an imperial authority can be felt, providing patronage for the arts and directing the evolution of society. A close examination of such an imperial authority over this civilization, which flourished some 5,000 years ago and covered almost twice the area of the civilizations of Mesopotamia and the Nile combined seems to belie the presence of an authoritarian regime, the Indus civilization had a well-disciplined way of life, civic controls and organizational system which could only have stemmed from the kind of “rule by the people” that was exercised in some Greek city-State some 2,000 years later. Did Greece give birth to democracy, or did Greece simply follow a practice developed earlier?

Although there are no large structures acting as centers of authority,

the discoveries made so far suggest that the rule of law extended over an area measuring roughly 1,600 kilometers from the north to the south and more that 800 kilometers from east to west. The main argument in support of this thesis is the existence of well-established norms and standards which would have required the consensus of the people if they had not been imposed by an authoritarian regime. It is impossible to ignore the evidence furnished by the perfect planning of the great city of Mohenjo-daro and the use in its construction of standard-sized bricks 27.94 cm long, 13.96 cm wide and 5.71 cm thick.

In the two large cities of Mohenjo-daro and Harappa, about 600 km distant,

the grid pattern of the street layout uncovered by the archaeological excavations shows that great attention was paid to the security of the inhabitants and suggests the existence of a highly developed and well-monolithic system of civic control.

The same is true of the highly sophisticated sewage system and the existence of

a virtually complete series of highly polished stone weights. Their shapes are cubical, half-cubical, cylindrical and spherical, and very few of them are reported to be defective. They provide yet another proof of a civic authority maintaining consistent commercial standards.

It is not possible to conclude that such « a philosophical conception of democracy exists until the Harappan script is deciphered and written evidence is provided. But the signs are there, and further research in this direction may well establish that ‘government by the people’ originated in the Indus Valley, » the author concludes.

Finally, since this agricultural people, who knew the use of the spears and the arrows but didn’t leave any trace of a major military activity – few weapons nor fortifications with exclusively defensive purpose have been found – , many observers agree to say that this society could have known the longest period of peace of the history of the humanity.

Decay and fall

In two of his books, the Timaeus and the Critias, the Greek philosopher Plato tells the story « certainly true, although strange » of a maritime people with incomparable power: the Atlantes whose civilization and capital he describes in great detail.

Starting 10,000 years before our era from an island located beyond the columns of Hercules, the Atlanteans would have ended up dominating the whole of Africa and Western Europe.

In a passage which is not without recalling the type of political organization which could exist in Mohenjo-daro, Critias specifies that Atlantis was then inhabited « by the various classes of men who deal with the trades and agriculture. The warriors, separated from the beginning by divine men, lived separately, possessing all that was necessary for their existence and that of their children. Among them, there were no particular fortunes; all goods were in common: they demanded from the other citizens nothing beyond what they needed to live, and fulfilled in return all the obligations that our talk of yesterday attributed to the defenders of the fatherland as we conceive them. »

Perhaps speaking metaphorically, Plato states that initially virtuous, the Atlantis civilization would have sunk into excess, arrogance and corruption to the point of being chastised by Poseidon himself for having embarked on one war too many, this time against Athens. And « in the time lapse of a single terrible day and night (…) the island of Atlantis sank into the sea and disappeared ».

At the historical level, the sudden decline of the Indus civilization around 1900 BC remains a mystery. Historians point to aspects of Minoan civilization (Crete) showing astonishing similarities with the IVC, especially watermanagement and early sewer systems in Knossos, lost wax broze casting techniques and bull fighting.

A few traces of fire and destruction, as well as forty skeletons wounded with knives and found without burial at Morenjo-daro, first suggested an invasion by Aryan peoples from Central Asia or the Iranian plateau. « This theory has now been abandoned. We have indeed found no effective trace of massacres or violence on the sites of the Indus Valley, or furniture that could be associated with such populations, » says Aurore Didier, researcher at the CNRS and director of the Indus mission.

Another hypothesis, an inability to strengthen its resilience to climatic chaos. « The samples taken in the northwest of India have shown that the climate there has changed significantly about 2000 years before our era. It is reported that this was also the case in Mesopotamia. « It became more like the dry and arid climate of today, which disrupted the cultivation and, in fact, the trade of the Indus civilizations. The ensuing socio-economic upheaval may have led to the decline of these societies. This hypothesis is the most commonly accepted to date, » says the archaeologist.

The inhabitants would have left their valleys become infertile to migrate to the plains of the Ganges. « This was accompanied by a change in livelihood strategies. The Indus civilization gradually converted to summer cereal crops based on rice and millet, two commodities more able to withstand these new climatic conditions and requiring, for rice, the development of irrigated agriculture, » says Aurore Didier. « It has also forged links with new trading partners.”

So there is no reason to talk about the « collapse » of a society in the sense of collapsologists. It is rather a gradual adaptation to the evolution of the environment, spread over several centuries.

As the excavations of the sites of the Indus Valley civilization continue, new information will undoubtedly contribute to a better understanding of its history and development. Any additional knowledge of this common civilizational legacy will serve in the future as a basis for fraternal cooperation between Pakistan, India and Afghanistan and others.

In the meantime, instead of trying to copy the barbaric « models » of the Mongolian Empire, the Roman Empire or the British Empire, the « elites » of the transatlantic world would do better to draw inspiration from a magnificent civilization that seems to have prospered for 5,000 years without perpetual wars and massacres, but simply thanks to a good mutual understanding, at the national level, between citizens, and thanks to mutually beneficial cooperation with the overriding majority of its distant partners.

The Indus Valley Civilization’s modernity, capable of offering food, shelter, water and sanitation to all, in a mirror image, shows all of us living in the present, how backwards we became.


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